samedi 7 février 2015

Bienheureuse ROSALIE RENDU, religieuse


Bienheureuse Rosalie Rendu

Jeanne-Marie Rendu entra à Paris chez les Filles de la Charité, devenant « Sœur Rosalie ». Elle établit dans un faubourg misérable de Paris un refuge pour les indigents et mit tout son zèle à visiter les pauvres chez eux, à mettre la paix durant les guerres civiles qui agitèrent la capitale au début du XIXème siècle et à entraîner un grand nombre de personnes à exercer la charité. Elle seconda ainsi le zèle du Bienheureux Frédéric Ozanam. Elle mourut en 1856, laissant dans le cœur du petit peuple de Paris l’empreinte de sa charité puisée aux plus pures sources de la foi.

Rosalie Rendu (1786-1856)  

Jeanne Marie Rendu naît le 9 septembre 1786 à Confort, au canton de Gex, dans le Jura. Elle est l'aînée de quatre filles. Les parents, petits propriétaires montagnards à la vie simple, jouissent d'une certaine aisance et d'une réelle estime dans tout le pays. Jeanne Marie est baptisée le jour même de sa naissance dans l'église paroissiale de Lancrans. Son parrain par procuration est Jacques Emery, ami de la famille et futur Supérieur Général des Sulpiciens à Paris. 

Jeanne Marie Rendu a trois ans lorsqu'éclate en France la Révolution. Dès 1790, l'adhésion par serment à la Constitution civile du clergé est imposée. De nombreux prêtres, fidèles à l'Église, refusent ce serment. Ils sont chassés de leurs paroisses, certains sont mis à mort, d'autres doivent se cacher pour se soustraire aux poursuites. La maison de la famille Rendu devient un refuge pour ces prêtres réfractaires. L'évêque d'Annecy y trouve asile sous le nom de Pierre. Jeanne Marie est intriguée par ce domestique qui est mieux traité que les autres. Une nuit, elle découvre qu'il célèbre la messe. Elle s'offusque de ce qu'on ne lui ait pas dit la vérité. Quelque temps plus tard, dans une discussion avec sa mère, elle lui lance sous forme de menace: “Prenez garde, je dirai que Pierre n'est pas Pierre”. Madame Rendu pour éviter toute indiscrétion de la part de sa fille, la met au courant de la situation. 

C'est dans cette atmosphère de foi solide, sans cesse exposée au danger de dénonciation, que Jeanne Marie est éduquée. Elle fera sa première communion une nuit, dans la cave de sa maison, à la lueur d'une bougie. Ce climat exceptionnel forge son caractère. 

La mort du père, le 12 mai 1796, et celle de la dernière petite sœur âgée de quatre mois, le 19 juillet de la même année, bouleversent toute la famille. Jeanne Marie, consciente de sa responsabilité d'aînée, aide sa mère, spécialement dans la garde de ses petites sœurs. 

Au lendemain de la Terreur, les esprits s'apaisent et, petit à petit, la vie reprend son cours normal. Madame Rendu, soucieuse de l'éducation de sa fille aînée, l'envoie chez les Sœurs Ursulines à Gex, Jeanne Marie demeure deux ans dans ce pensionnat. Au cours de ses promenades dans la ville, elle découvre l'hôpital où les Filles de la Charité assurent les soins aux malades. Elle n'a plus qu'un désir, aller les rejoindre. Sa mère consent à ce que Jeanne Marie, malgré son jeune âge, fasse un stage dans ce lieu de souffrance. L'appel de Dieu, qu'elle pressentait depuis plusieurs années, se précise: elle sera Fille de la Charité. 

En 1802, Amande Jacquinot du village de Lancrans confie à son amie qu'elle se prépare à partir à Paris pour entrer dans la Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul. Jeanne Marie saute sur l'occasion et elle supplie sa mère de la laisser partir. Ayant questionné Monsieur de Varicourt, curé-doyen à Gex, Madame Rendu, heureuse mais très émue de la vocation de sa fille, acquiesce à sa demande. 

Le 25 mai 1802, Jeanne Marie arrive à la Maison Mère des Filles de la Charité, rue du Vieux Colombier à Paris. Elle va avoir 16 ans! La réouverture du Séminaire (noviciat supprimé par les Révolutionnaires) a eu lieu en décembre 1800. À leur arrivée, les voyageuses sont accueillies par 50 jeunes en formation. Jeanne Marie est très soucieuse de bien correspondre aux exigences de sa nouvelle vie. Sa santé est ébranlée tant par la tension de son esprit, que par le manque d'exercice physique. Sur le conseil du médecin et de son parrain, Monsieur Emery, Jeanne Marie est envoyée à la maison des Filles de la Charité du quartier Mouffetard pour être au service des pauvres. Elle y restera 54 ans! 

La soif d'action, de dévouement, de service qui brûlait Jeanne Marie ne pouvait trouver un terrain plus propice à son apaisement que ce quartier parisien. C'est, à l'époque, le quartier le plus misérable de la capitale en pleine expansion. Pauvreté sous toutes ses formes, misère psychologique et spirituelle, maladies, taudis insalubres, dénuement sont le lot quotidien des habitants qui tentent de survivre. Jeanne Marie, qui a reçu le nom de Sœur Rosalie, y fait “son apprentissage”, accompagnant les Sœurs dans la visite des malades et des pauvres. Entretemps, elle enseigne le catéchisme et la lecture aux petites filles accueillies à l'école gratuite. En 1807, Sœur Rosalie, entourée des Sœurs de sa communauté, avec émotion et une profonde joie, s'engage par vœux au service de Dieu et des pauvres. 

En 1815, Sœur Rosalie devient la Supérieure de la communauté de la rue des Francs Bourgeois qui sera transférée, deux ans plus tard, rue de l'Épée de Bois pour des raisons de place et de commodité. Toutes ses qualités de dévouement, d'autorité naturelle, d'humilité, de compassion, ses capacités d'organisation vont pouvoir se révéler. “Ses pauvres”, comme elle les appelle, sont de plus en plus nombreux en cette époque troublée. Les ravages d'un libéralisme économique triomphant accentuent la misère des laissés-pour-compte. Elle envoie ses Sœurs dans tous les recoins de la Paroisse Saint-Médard pour apporter des vivres, des vêtements, des soins, une parole réconfortante. 

Pour venir en aide à tous ceux qui souffrent, Sœur Rosalie ouvre un dispensaire, une pharmacie, une école, un orphelinat, une crèche, un patronage pour les jeunes ouvrières, une maison pour les vieillards sans ressources... Bientôt tout un réseau d'œuvres charitables va s'établir pour contrer la pauvreté. 

Son exemple stimule ses Sœurs à qui elle répétait souvent: “Une fille de la Charité est comme une borne sur laquelle tous ceux qui sont fatigués ont le droit de déposer leur fardeau”. Elle est si simple, elle vit si pauvrement qu'elle transpire la présence de Dieu. 

Sa foi, ferme comme un roc et limpide comme une source, lui révèle Jésus-Christ en toute circonstance: elle expérimente au quotidien cette conviction de saint Vincent de Paul: “Dix fois par jour, vous irez voir le pauvre, dix fois par jour vous y trouverez Dieu... vous allez en de pauvres maisons, mais vous y trouvez Dieu”. Sa vie de prière est intense; comme l'affirme une sœur, “elle vivait continuellement en la présence de Dieu: avait-elle une mission difficile à remplir, nous étions assurées de la voir monter. à la chapelle ou de la trouver à genoux dans son bureau”. 

Elle était attentive à assurer à ses compagnes le temps pour l'oraison, mais “Fallait-il quitter Dieu pour Dieu” comme saint Vincent l'avait enseigné à ses filles et l'accompagner dans une visite charitable, elle disait à la sœur qui l'accompagnait: “Ma Sœur, commençons notre oraison!”. Elle en indiquait le plan, la division en peu de mots simples et clairs, et entrait dans un saint recueillement. Comme la moniale dans le cloître, Sœur Rosalie marchait avec son Dieu: elle lui parlait de cette famille en détresse parce que le père n'a plus de travail, de ce vieillard qui risque de mourir seul dans une mansarde: “Jamais je ne fais si bien l'oraison que dans la rue” disait-elle. 

“Les pauvres eux-mêmes avaient remarqué sa manière de prier et d'agir”, rapporte une de ses compagnes. “Humble dans son autorité, Sœur Rosalie nous reprenait avec une grande délicatesse et avait le don de consoler. Ses conseils étaient dictés par la justice et donnés avec toute l'effusion d'un cœur qui pénétrait les besoins des âmes”. “Elle était sévère sur la manière dont nous recevions les pauvres: ils sont nos Seigneurs et nos Maîtres!” “Les pauvres vous diront des injures, plus ils sont grossiers, plus vous devez être dignes” — disait-elle — “Rappelez-vous ces haillons qui vous cachent notre Seigneur”. 

Les Supérieurs lui confièrent les postulantes et les jeunes sœurs pour les former. Elle eut dans sa maison des sœurs passantes, mauvaises têtes ou fragiles. Un jour, elle donna, à une de ses sœurs en difficulté ce conseil qui était le secret de sa vie: Si vous voulez que quelqu'un vous aime, aimez d'abord en premier; et si vous n'avez rien à donner, donnez-vous vous-même”. En raison du nombre croissant de sœurs le Bureau de Bienfaisance devint une maison de charité avec un dispensaire et une école. Elle y voyait la Providence de Dieu. 

Sa notoriété gagne vite tous les quartiers de la capitale, et au-delà, les villes de province. Sœur Rosalie sait s'entourer de collaborateurs dévoués, efficaces et de plus en plus nombreux. Les dons affluent vite, car les riches ne savent pas résister à cette femme si persuasive. Même les souverains qui se sont succédé à la tête du pays ne l'ont pas oubliée dans leurs libéralités. Les Dames de la Charité aident dans les visites à domicile. Dans le parloir de la communauté on voyait souvent des évêques; des prêtres, l'Ambassadeur d'Espagne, Donoso Cortés, Charles X, le Général Cavaignac, des écrivains et des hommes politiques, même l'Empereur Napoléon III et sa femme, des jeunes gens appartenant à toutes les écoles et aspirant à toutes les carrières: étudiants en droit et en médecine, élèves de l'École Normale et de l'École Polytechnique, chacun venant chercher chez Sœur Rosalie, des conseils, des renseignements, une “bonne œuvre” à accomplir. Parmi eux, le Bienheureux Frédéric Ozanam cofondateur de la Conférence de Saint Vincent de Paul et le Vénérable Jean Léon Le Prévost, futur fondateur des Religieux de Saint Vincent de Paul, connaissaient bien la route qui menait à son bureau et avec d'autres amis, ils venaient chercher auprès de Sœur Rosalie des conseils pour mettre en œuvre leurs projets. Elle était au centre du mouvement de charité qui caractérisa Paris et la France dans la première moitié du XIXe siècle. 

L'expérience de Sœur Rosalie est inestimable pour ces jeunes gens. Elle oriente leur apostolat, les guide et leur enseigne à aller et venir dans le quartier, elle leur indique des familles à visiter qu'elle choisissait avec soin. 

Elle entre aussi en relation avec la Supérieure du Bon Sauveur de Caen et lui demande d'accueillir de nombreuses personnes. Elle est particulièrement attentive aux prêtres et religieuses atteintes de troubles psychiatriques. Sa correspondance est brève, mais émouvante de délicatesse, de patience et de respect pour ces malades. 

Les épreuves ne manquent pas dans ce quartier Mouffetard. Les épidémies de choléra se succèdent. Le manque d'hygiène, la misère favorisent leur virulence. Spécialement en 1832 et 1846, le dévouement, les risques pris par Sœur Rosalie et ses Filles ont frappé l'imagination. On l'a vu ramasser elle-même les corps abandonnés dans les rues! 

Durant les journées d'émeutes de juillet 1830 et de février 1848, barricades et luttes sanglantes opposent le pouvoir à une classe ouvrière déchaînée. Monseigneur Affre, archevêque de Paris, est tué en voulant s'interposer entre les belligérants. Sœur Rosalie souffre: elle aussi monte sur les barricades pour secourir les combattants blessés de quelque camp qu'ils soient. Sans crainte aucune, elle risque sa vie dans les affrontements. Son courage et son esprit de liberté forcent l'admiration. 

Lorsque l'ordre est rétabli, elle essaie de sauver nombre de ces hommes qu'elle connaît et qui sont victimes d'une répression féroce. Elle est beaucoup aidée par le maire de l'arrondissement, le docteur Ulysse Trélat, pur républicain, lui aussi très populaire. 

En 1852, Napoléon III décide de lui remettre la Croix de la Légion d'honneur: elle est prête à refuser cet honneur personnel, mais Monsieur Etienne, supérieur des Prêtres de la Mission et des Filles de la Charité l'oblige à l'accepter. 

De santé fragile, Sœur Rosalie n'a jamais pris aucun instant de repos, finissant toujours par surmonter fatigues et fièvres. L'âge, une grande sensibilité nerveuse, l'accumulation des tâches finissent par venir à bout de sa grande résistance et de sa forte volonté. Durant les deux dernières années de sa vie, elle devient progressivement aveugle. Elle meurt le 7 février 1856, après une courte maladie. 

L'émotion est considérable dans le quartier, dans tous les milieux sociaux à Paris et en Province. Après la célébration des obsèques à l'église Saint Médard, sa paroisse, une foule immense et très émue suit sa dépouille jusqu'au cimetière Montparnasse. Elle vient manifester son admiration pour l'œuvre accomplie et son affection pour cette Sœur hors du commun. 

De nombreux articles de presse viennent témoigner de l'admiration, de la vénération même que Sœur Rosalie avait suscitées. Des journaux de toute tendance se font l'écho des sentiments du peuple. 

L'Univers,principal journal catholique de l'époque, dirigé par Louis Veuillot écrit dès le 8 février: “Nos lecteurs comprendront l'importance du malheur qui vient de frapper la classe pauvre de Paris: ils joindront leurs suffrages aux larmes et aux prières des malheureux”. 

Le Constitutionnel, journal de la gauche anticléricale, n'hésite pas à annoncer la mort de cette Fille de la Charité : “Les malheureux du 12ème arrondissement viennent de faire une perte bien regrettable: la Sœur Rosalie, Supérieure de la communauté de la rue de l'Épée de Bois, est décédée hier à la suite d'une longue maladie. Depuis de longues années, cette respectable religieuse était la providence des classes nécessiteuses et nombreuses dans ce quartier”. 

Le journal officiel de l'Empire, le Moniteur, loue l'action bienfaisante de cette Sœur: “Les honneurs funèbres ont été rendus à la Sœur Rosalie avec un éclat inaccoutumé. La sainte femme était depuis cinquante‑deux ans hospitalière dans un quartier où il y a beaucoup de malheureux à soulager et tous les malheureux reconnaissants l'ont accompagnée à l'église et au cimetière. Un piquet d'honneur faisait partie du cortège”. 

Des visiteurs affluent nombreux au cimetière Montparnasse. Ils viennent se recueillir sur la tombe de celle qui fut leur Providence. Mais comme il est difficile de trouver l'enclos réservé aux Filles de la Charité! Le corps est alors transporté dans un lieu beaucoup plus accessible, plus près de l'entrée du cimetière. Sur la tombe toute simple, surmontée d'une grande Croix, sont gravés ces mots: “À la bonne mère Rosalie, ses amis reconnaissants, les riches et les pauvres”. Des mains anonymes ont fleuri et continuent de fleurir cette sépulture: hommage discret mais durable rendu à cette humble Fille de Saint Vincent de Paul.

Bienheureuse Rosalie Rendu


Sœur de Saint-Vincent-de-Paul ( 1856)

Biographie site du Vatican, Rosalie Rendu (1786-1856)


Homélie du pape Jean-Paul II pour la béatification de cinq serviteurs de Dieu, le 9 novembre 2003:
..."A une époque troublée par des conflits sociaux,  Rosalie Rendu s'est joyeusement faite la servante des plus pauvres, pour redonner à chacun sa dignité, par des aides matérielles, par l'éducation et l'enseignement du mystère chrétien, poussant Frédéric Ozanam à se mettre au service des pauvres. Sa charité était inventive. Où puisait-elle la force pour réaliser autant de choses? C'est dans son intense vie d'oraison et dans sa prière incessante du chapelet, qui ne la quittait pas. Son secret était simple:  en vraie fille de Vincent de Paul, comme une autre Sœur de son temps, sainte Catherine Labouré, voit en tout homme le visage du Christ. Rendons grâce pour le témoignage de charité que la famille vincentienne ne cesse de donner au monde!"...


Prov. 31, 20-26 Elle ouvrit sa main à la misère, la tendit au Pauvre. Dans sa bouche, il n’y avait que parole de bonté - O Dieu, qui as fait don à la bienheureuse Rosalie, vierge, de ton Esprit d’Amour, pour qu’elle fût en aide à ceux qui sont dans la détresse et l’abandon. A son exemple, donne-nous aussi la joie de découvrir le Christ dans les Pauvres et de Le servir avec une inlassable charité. (Grandes figures - Diocèse de Belley-Ars)

"Les pauvres vous diront des injures. Plus ils sont grossiers, plus vous devez en être dignes. Rappelez-vous que ces haillons vous cachent Notre Seigneur" Bienheureuse Rosalie Rendu - diocèse de Paris.

Voir aussi les Saints parisiens sur le site du diocèse de Paris.

À Paris, en 1856, la bienheureuse Rosalie (Jeanne-Marie Rendu), vierge. Fille de la Charité, elle établit dans une maison d’un faubourg misérable de la ville un refuge pour les indigents et mit tout son zèle à visiter les pauvres chez eux, à mettre la paix durant les guerres civiles, et à entraîner un grand nombre, surtout des jeunes et des riches, à exercer la charité.


Martyrologe romain

“Jamais je ne fais si bien l'oraison que dans la rue” disait-elle.

CHAPELLE PAPALE POUR LA BÉATIFICATION DE 5 SERVITEURS DE DIEU

HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II

Fête de la dédicace de la Basilique patriarcale du Latran


Dimanche 9 novembre 2003
 
1. "Car le Temple de Dieu est sacré, et ce temple, c'est vous" (1 Co 3, 17). Nous écoutons à nouveau aujourd'hui ces paroles de l'Apôtre Paul au cours de la célébration solennelle de la fête de la dédicace de la Basilique Saint-Jean-de-Latran, Cathédrale de Rome, Mère de toutes les Eglises.

Chaque lieu réservé au culte divin est le signe de ce temple spirituel qu'est l'Eglise, composé de pierres vivantes, c'est-à-dire des fidèles, unis dans l'unique foi, par la participation aux sacrements et le lien de la charité. Et les saints sont de façon particulière les pierres précieuses de ce temple spirituel.

La sainteté, fruit de l'oeuvre incessante de l'Esprit de Dieu, resplendit chez les nouveaux bienheureux:  Nepomuceno Zegrí y Moreno, prêtre; Valentin Paquay, prêtre; Luigi Maria Monti, religieux; Bonifacia Rodríguez de Castro, vierge; Rosalie Rendu, vierge.

2. La vision du sanctuaire, que le prophète Ezéchiel nous présente dans la liturgie d'aujourd'hui, décrit un torrent qui s'écoule vers le temple en apportant la vie, la vigueur et l'espérance:  "là où cette eau pénètre elle assainit" (Ez 47, 9). Cette image exprime la bonté infinie de Dieu et son dessein de salut, qui franchit les murs de l'enceinte sacrée pour être une bénédiction sur toute la terre.

Nepomuceno Zegrí y Moreno, prêtre intègre, à la profonde piété eucharistique, comprit parfaitement que l'annonce de l'Evangile doit se convertir en une réalité dynamique, en mesure de transformer la vie du fidèle. Etant curé, il se proposa "d'être la providence visible pour tous ceux qui, gémissant dans l'abandon, boivent la coupe de l'amertume et s'alimentent du pain des vicissitudes" (19 juin 1859).

C'est avec ces intentions qu'il développa sa spiritualité rédemptrice, née de l'intimité avec le Christ et orientée vers la charité à l'égard des plus démunis. C'est du vocable de la Vierge "de las Mercedes", Mère du Rédempteur, qu'il s'inspira pour fonder les Soeurs mercédaires de la Charité, dans le but de rendre l'amour de Dieu toujours présent là où restaient "une seule douleur à soigner, un seul malheur à consoler, une seule espérance à communiquer aux coeurs". Aujourd'hui, en suivant les traces de son Fondateur, cet Institut vit en se consacrant au témoignage et à la promotion de la charité rédemptrice.

3. Le prêtre Valentin Paquay est bien un disciple du Christ et un prêtre selon le coeur de Dieu. Apôtre de la miséricorde, il passait de longues heures au confessionnal avec un don particulier pour remettre les pêcheurs sur le droit chemin, rappelant aux hommes la grandeur du pardon divin. En mettant au centre de sa vie de prêtre la célébration du Mystère eucharistique, il invite les fidèles à s'approcher souvent de la communion au Pain de Vie.

Comme tant de saints, le Père Valentin s'était mis tout jeune sous la protection de Notre-Dame, invoquée dans l'Eglise de son enfance, à Tongres, comme Cause de notre joie. A son exemple, puissiez-vous servir vos frères, pour leur donner la joie de rencontrer le Christ en vérité!

4. "Et voici que de l'eau sortait de dessous le seuil du Temple... où cette eau pénètre, elle assainit" (Ez 47, 1.9). L'image de l'eau, qui fait revivre toute chose, illumine en effet l'existence du bienheureux Luigi Maria Monti, entièrement consacrée à soigner les blessures du corps et de l'âme des malades et des orphelins. Il aimait les appeler les "poverelli di Cristo", et il les servait animé par une foi vivante, soutenue par une intense et constante prière. Dans son dévouement évangélique, il s'inspira constamment de l'exemple de la Sainte Vierge et plaça la Congrégation qu'il avait fondée sous le signe de Marie Immaculée.

Combien est actuel le message de ce nouveau bienheureux! Pour ses fils spirituels et pour tous les croyants, il est un exemple de fidélité à l'appel de Dieu et de l'annonce de l'Evangile de la charité; un modèle de solidarité envers les plus démunis et de remise confiante et tendre entre les mains de la Vierge Immaculée.

5. Les paroles de Jésus dans l'Evangile proclamé aujourd'hui:  "Ne faites pas de la maison de mon père une maison de commerce" (Jn 2, 16), interpellent la société actuelle, parfois tentée de tout convertir en marchandise et en gain en mettant de côté les valeurs et la dignité qui n'ont pas de prix. La personne étant l'image et la demeure de Dieu, il faut une purification qui la protège, quelle que soit sa condition sociale ou son activité professionnelle.

C'est à cela que se consacra totalement la bienheureuse Bonifacia Rodríguez de Castro, qui en tant que travailleuse, comprit les risques de cette condition sociale de son époque. Dans la vie simple et cachée de la Sainte Famille de Nazareth, elle découvrit un modèle de spiritualité du travail, qui donne sa dignité à la personne et qui fait de toute activité, si humble qu'elle puisse paraître, une offrande à Dieu et un moyen de sanctification.

Tel est l'esprit qu'elle désira transmettre aux femmes travailleuses, tout d'abord avec l'Association joséphine, puis avec la fondation des Servantes de Saint-Joseph, qui poursuivent son oeuvre dans le monde avec simplicité, joie et abnégation.

6. A une époque troublée par des conflits sociaux,  Rosalie Rendu s'est joyeusement faite la servante des plus pauvres, pour redonner à chacun sa dignité, par des aides matérielles, par l'éducation et l'enseignement du mystère chrétien, poussant Frédéric Ozanam à se mettre au service des pauvres.

Sa charité était inventive. Où puisait-elle la force pour réaliser autant de choses? C'est dans son intense vie d'oraison et dans sa prière incessante du chapelet, qui ne la quittait pas. Son secret était simple:  en vraie fille de Vincent de Paul, comme une autre Soeur de son temps, sainte Catherine Labouré, voir en tout homme le visage du Christ. Rendons grâce pour le témoignage de charité que la famille vincentienne ne cesse de donner au monde!

7. "Mais lui parlait du sanctuaire de son corps" (Jn 2, 21). Ces paroles évoquent le mystère de la mort et de la résurrection du Christ. C'est à Jésus crucifié et ressuscité que doivent se conformer tous les membres de l'Eglise.

Dans cette tâche exigeante, nous trouvons un soutien et un guide chez Marie, Mère du Christ et Notre Mère. Les nouveaux bienheureux, que nous contemplons aujourd'hui dans la gloire du ciel, intercèdent pour nous. Qu'il nous soit concédé à nous aussi de nous retrouver tous un jour au Paradis, pour goûter ensemble la joie dans la vie sans fin. Amen!
   

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La Bienheureuse Rosalie Rendu, apôtre de la rue Mouffetard

Une borne pour y déposer les fardeaux

Rome, 7 février 2013 (Zenit.org) Anita Bourdin

Le martyrologe romain fait aujorud’hui mémoire de la bienheureuse Rosalie Rendu, vierge (1786-1856), apôtre de Paris.

“Il faut qu'une Fille de la Charité soit comme une borne qui est au coin d'une rue et sur laquelle tous ceux qui passent puissent se reposer et déposer les fardeaux dont ils sont chargés”, disait sœur Rosalie Rendu, apôtre de la Rue Mouffetard, à Paris, béatifiée par Jean-Paul II à Rome en novembre 2003.

Jeanne Rendu recevra le nom de Sœur Rosalie chez les Filles de la Charité, fondées par saint Vincent de Paul. Elle était née au village de Confort, en France, dans le département de l’Ain, le 9 septembre 1786.

Elle n'avait que seize ans lorsqu'elle partit pour Paris, voulant réaliser la vocation qu’elle se découvrait de se donner à Dieu et aux pauvres, c’est pourquoi elle choisit de frapper à la porte des Filles de la Charité.

Durant toute sa longue vie, elle cultiva les vertus recommandées par de saint Vincent de Paul à ses filles, avant tout la charité. C’est ainsi qu’elle secourut sans se lasser toutes les misères, jusqu’à accomplir des gestes vraiment héroïques, en particulier pendant les Révolutions de 1830 et de 1848.

Mais sa maternité spirituelle ne s’arrête pas à ces gestes personnels. De fait, on retrouve son nom et son action au début de toutes les œuvres charitables écloses dans la première moitié du XIXe siècle à Paris. Elle aida Frédéric Ozanam – béatifié en août 1997 - et ses compagnons à s'engager auprès des exclus de son temps. Elle mourut, littéralement usée par ses 54 années passées au service des pauvres, le 7 février 1856.

Sa tombe, au cimetière Montparnasse à Paris, est toujours visitée et fleurie. Dans le quartier Mouffetard qu'elle a aimé et secouru, une avenue porte son nom : "Avenue Sœur Rosalie".

( 7 février 2013) © Innovative Media Inc.

Bienheureuse Rosalie RENDU
Nom: RENDU
Prénom: Jeanne Marie
Nom de religion: Rosalie
Pays: France
Naissance: 09.09.1786 à Confort (Ain)
Mort: 07.02.1856  à Paris
Etat: Religieuse

Note: Fille de la Charité de Saint Vincent de Paul (1807). Elle œuvre pendant 54 ans dans un quartier pauvre de Paris avec une charité multiforme.

Béatification: 09.11.2003  à Rome  par Jean Paul II
Canonisation:
Fête: 7 février

Réf. dans l’Osservatore Romano: 2003 n.45
Réf. dans la Documentation Catholique: 2003 n.22 p.1124-1125

Notice brève

La bienheureuse Rosalie Rendu naît sur les hauteurs du Jura dans le département actuel de l’Ain en 1786. A 15 ans elle entre chez les sœurs de saint Vincent de Paul, attirée par leur service de charité. Dès son noviciat et jusqu’à sa mort, c'est-à-dire pendant 54 ans, elle se dévoue au service des pauvres dans le quartier Mouffetard, le faubourg le plus déshérité de Paris, créant pour les nécessiteux de tous genres, dispensaire, école, patronage, crèche et asile de vieillards. Avec cela, c’est une âme de prière continuelle, elle dit : « Jamais je ne fais si bien l’oraison que dans la rue ». Elle reçoit avec une égale charité les petits et les grands, et traverse les époques troublées des révolutions de 1830 et 1848, ainsi que des épidémies de choléra, en redoublant de charité, jusqu’à risquer sa vie. Aussi conquiert-elle le cœur de tous, fussent-ils anticléricaux. Elle meurt en 1856. Une rue de Paris porte son nom.

Notice développée

Jeanne Marie Rendu naît en 1786 au hameau de Confort entre Bellegarde-sur-Valserine et Morez, dans l’actuel département de l’Ain. Son père, Jean Antoine, est un petit propriétaire montagnard. Le jour même de sa naissance, elle est baptisée à l’église paroissiale de Lancrans et son parrain (par procuration) est un ami de la famille, Jacques Émery, qui fera parler de lui plus tard. Pendant la période révolutionnaire, la famille cache les prêtres réfractaires de passage. Jeanne Marie, elle-même, fait sa première communion dans la cave de sa maison, la nuit, à la lueur d’une bougie. Son père meurt en mai 1796 à 31 ans, laissant sa femme, Marie Anne, veuve avec trois enfants. Jeanne Marie, l’aînée, consciente de ses responsabilités, aide sa mère. Elle a un caractère espiègle mais déjà, elle aime faire le catéchisme et se montre très charitable envers les pauvres, suivant en cela l’exemple de sa mère. Elle n’a pas 15 ans qu’elle reçoit une demande en mariage. Pour assurer sa tranquillité, on l’envoie finir son éducation à Gex chez d’anciennes Ursulines qui ont repris leurs activités bienfaisantes après la Terreur. Au cours de ses promenades en ville, Jeanne Marie découvre avec intérêt l’hôpital où les Filles de la Charité (de saint Vincent de Paul) assurent le soin des malades. Ensuite, pendant six mois, elle étudie les arts ménagers à Carouge (près de Genève) puis elle passe six autres mois à l’hôpital de Gex avec les sœurs. Elle désire aussi se faire religieuse malgré son jeune âge : elle va avoir 16 ans. Elle obtient le consentement de sa mère. Le 25 mai 1802, elle part avec deux autres postulantes et arrive à la Maison Mère des Filles de la Charité, rue du Vieux Colombier à Paris. Elle se retrouve avec cinquante autres jeunes postulantes. Jeanne Marie est très soucieuse de bien correspondre aux exigences de sa nouvelle vie, mais à cause de sa sensibilité et de sa santé fragile, elle souffre, tant par la tension d’esprit que par le manque d’exercice physique. Le médecin juge qu’elle doit prendre l’air. Et on l’envoie… dans le quartier le plus insalubre de Paris, le quartier Mouffetard, où les sœurs ont une maison. Mais son parrain, ‘Monsieur Émery’, qui est devenu supérieur général des Prêtres de Saint Sulpice, approuve la décision : « C’est bien là ce qu’il vous faut. Vous serez la servante des pauvres ». Elle n’a pas encore pris l’habit. C’est pourtant là, dans ce quartier Mouffetard et ce faubourg Saint-Marcel, qu’elle passera le plus clair de ses cinq ans de noviciat… et qu’elle restera jusqu’à la mort.

Elle émet ses vœux en 1807, à 21 ans, sous le nom de sœur Rosalie. En 1815, elle devient supérieure de sa maison, laquelle, sise rue des Francs Bourgeois, sera transférée à la rue de l’Épée de Bois. La misère de ce quartier est due aux révolutions successives (1789, 1830, 1848) et aux ravages du libéralisme économique ambiant. La sœur fait face sur tous les fronts. Elle apporte des secours en nourriture et en vêtements, ouvre un dispensaire, une école gratuite, un orphelinat, une crèche, un patronage, une maison pour les vieillards. Elle donne avec joie et elle agit sans fébrilité, car la “grande maxime” de Monsieur Émery qui est son oracle en toutes choses est : « de ne jamais anticiper sur les desseins de la Providence et d'aller toujours à sa suite. Il me faut aller du jour au jour. ». Il lui dit souvent : "Mon enfant, il faut qu'un prêtre et une Sœur de la Charité soient comme une borne qui est au coin d'une rue et sur laquelle tous ceux qui passent puissent se reposer et déposer les fardeaux dont ils sont chargés." Aussi Sœur Rosalie prodigue-t-elle à tous des paroles de consolation. Son parloir devient un rendez-vous pour toutes sortes de gens. On y voit même des rois. Pour les prêtres et les religieuses qui ont des difficultés psychologiques, elle manifeste sa sollicitude avec délicatesse. Son nom est attaché à tous les débuts d’œuvres charitables de l’époque. C’est elle qui a stimulé les débuts du bienheureux Frédéric Ozanam 2 (fondateur des Conférences de Saint Vincent de Paul). « Où puisait-elle la force pour réaliser autant de choses ? – se demande le Saint-Père dans son homélie de béatification – C’est dans son intense vie d’oraison et dans sa prière incessante du chapelet, qui ne la quittait pas. Son secret était simple : en vraie fille de saint Vincent de Paul, voir en tout homme le visage du Christ ».
Il y a, dans son parcours, des moments spécialement dramatiques :

- les épidémies de choléra, en particulier celles de 1832 et 1846

- les révolutions de 1830 et 1848 où elle risque sa vie pour en sauver d’autres.

Dès 1854, elle devient presque aveugle. En 1856, elle attrape une pleurésie. Après s’être usée 54 ans au service des pauvres, ses dernières paroles sont pour les recommander à Dieu : "Ô mon Dieu, quand je ne serai plus, mes enfants, mes chers enfants, vous ne les abandonnerez pas !" Elle meurt  le 7 février 1856. Ses obsèques sont un triomphe. Le cortège s’avance dans les rues noires de monde, avec la croix (ce qui n’est pas permis habituellement). Au cimetière Montparnasse, sa tombe, encore fleurie de nos jours, porte cette inscription : « Pertransivit benefaciendo » (Elle a passé en faisant le bien), et au-dessous : « A la bonne mère Rosalie, ses amis reconnaissants, les riches et les pauvres ».

SOURCE : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/hagiographie/fiches/f0684.htm

Sœur Rosalie Rendu : auprès des pauvres de Paris
Détails

Camille Caquineau

Sœur Rosalie Rendu a incarné la charité dans le Paris du XIXème siècle. Née juste avant la Révolution de 1789, c’est dans une société post-révolutionnaire déchristianisée et appauvrie qu’elle donne sa vie au service des plus pauvres. Jean-Paul II l’a béatifiée le 9 novembre 2003.

© C. Burkel

Jeanne-Marie Rendu naît le 9 septembre 1786 à Confort, au pays de Gex, dans le Jura. Ses parents, petits propriétaires montagnards, vivent dans l’aisance et la simplicité et sont estimés dans tout le pays.

Jeanne-Marie a trois ans lorsqu’éclate la Révolution. Dès 1790, l’adhésion par serment à la Constitution civile du clergé est imposée. La maison de la famille Rendu devient un refuge pour les prêtres réfractaires. Jeanne-Marie grandit dans ce contexte de foi chrétienne, sans cesse exposée au danger de la dénonciation. Elle fait même sa première communion une nuit, au fond d’une cave. Ce climat d’héroïque piété forge son caractère : elle devient une jeune fille vive, espiègle, droite et volontaire.

En 1796, la famille est bouleversée par le décès du père et de la dernière petite sœur, âgée de quatre mois. C’est l’aînée qui va aider la mère à élever ses trois sœurs. Au lendemain de la Terreur, les esprits s’apaisent et la vie reprend. Madame Rendu envoie Jeanne-Marie étudier au pensionnat des sœurs Ursulines, à Gex. Au cours d’une promenade, elle découvre un hôpital où les Filles de la Charité s’occupent des malades et des pauvres. Elle y effectue un stage à la fin duquel elle exprime le grand désir de devenir elle aussi Fille de la Charité.

Le 25 mai 1802, Jeanne-Marie a 16 ans. Elle entre déjà au noviciat de la maison mère des Filles de la Charité, rue du Vieux Colombier à Paris. Mais sa santé est fragile et son zèle à vouloir répondre aux exigences de sa nouvelle vie la détériore. Elle est donc envoyée dans la petite communauté de la rue des Francs-Bourgeois qui sera transférée plus tard rue de l’Epée-de-Bois, dans le quartier Mouffetard. Là, elle reçoit le nom de Rosalie, pour la distinguer d’une autre religieuse qui porte le même prénom qu’elle. Elle y restera cinquante-quatre ans au cours desquels elle ne tendra que vers un but : "Traquer la misère pour rendre à l’homme sa dignité."

Une Supérieure engagée

En ce début du XIXème siècle, le quartier Mouffetard est le plus misérable d’une capitale en pleine expansion. Les pauvres s’y entassent, victimes de la misère et de tous les vices : taudis insalubres, maladies, détresse du chômage, vols, alcoolisme… Sœur Rosalie y fait son apprentissage, accompagnant les sœurs dans la visite des pauvres et des malades. Elle enseigne déjà le catéchisme et la lecture aux petites filles accueillies à l’école gratuite. Elle prononce ses vœux en 1807, entourée de sa communauté.

En 1815, lors de l’occupation étrangère de Paris, après la chute de Napoléon, sœur Rosalie est nommée Supérieure de sa petite communauté du Vème arrondissement. Sa soif d’action, son dévouement, son autorité naturelle, son humilité, sa compassion et ses capacités d’organisation se révèlent dans sa lutte contre la misère. Les ravages du libéralisme économique de l’époque accentuent le nombre et la misère de "ses pauvres", comme elle les appelle. Ses sœurs sont envoyées dans tous les recoins de la paroisse Saint-Médard, pour apporter vivres, vêtements, soins, ou paroles réconfortantes. Pour venir en aide à tous ceux qui souffrent, elle ouvre une pharmacie, une école, un dispensaire, un orphelinat, une crèche, un patronage pour les jeunes ouvrières, une maison pour les vieillards sans ressources... Son exemple stimule ses sœurs à qui elle répète souvent : "Une fille de la Charité est comme une borne sur laquelle tous ceux qui sont fatigués ont le droit de déposer leur fardeau." Elle est sévère sur la manière dont les sœurs reçoivent les pauvres : "Ils sont nos seigneurs et nos maîtres !" On l’appelle "l’ange du quartier" et "la mère de toute les mères".

"Donnez-vous vous-même"

Elle incite ses sœurs à prendre le temps de l’oraison avant les visites aux pauvres. La maison des malades est son monastère, les murs de la ville et les salles d’hôpitaux, son cloître. Sa foi, ferme comme un roc, lui révèle Jésus Christ en toute circonstance : "Jamais je ne fais si bien l’oraison que dans la rue", dit-elle. Sa vie de prière est intense.


Plus que l’action, le plus précieux à ses yeux est de sauver les âmes. Elle instruit, catéchise, évangélise particulièrement les malades et les mourants. Elle élève les âmes vers des réalités surnaturelles par la prière et la réception des sacrements. Dans ce quartier où Dieu est souvent méconnu, personne ne repousse le prêtre envoyé par sœur Rosalie.

Ses supérieures lui confient les postulantes et les jeunes sœurs, pour les former. Un jour, elle donne à une de ses sœurs en difficulté ce conseil qui était le secret de sa vie : "Si vous voulez que quelqu’un vous aime, aimez d’abord en premier ; et si vous n’avez rien à donner, donnez-vous vous-même."

Sa renommée se répand dans tous les quartiers de la capitale et au-delà, dans les villes de province. Les particuliers, les associations, les ordres religieux, l’Église, l’État : tout le monde s’adresse à elle ! Elle finit par entraîner la charité publique et privée dans la lutte contre la pauvreté. Les dons affluent vite, car les riches ne savent pas résister à cette femme si persuasive. Les souverains qui se succèdent à la tête du pays ne l’oublient pas dans leurs libéralités. Les riches comme les pauvres viennent dans son parloir. Ils viennent trouver auprès d’elle du soutien, des conseils, ou encore "une bonne œuvre" à accomplir. Sœur Rosalie accueille des personnalités éminentes telles que l’ambassadeur d’Espagne, Donoso Cortés, Charles X, le général Cavaignac, des écrivains et des hommes politiques, des évêques, et même l’empereur Napoléon III et sa femme. Pleine de compassion, de délicatesse et de clairvoyance, d’une autorité quasi maternelle, elle se montre franche dans ses paroles, avec un brin de sévérité s’il le faut.

En cornette sur les barricades

Les étudiants de tous les horizons viennent frapper à sa porte ou à sa modeste "Banque de la Providence". Parmi eux, elle inspire, oriente et appuie les projets du cofondateur de la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul, le bienheureux Frédéric Ozanam, et le vénérable Jean-Léon Le Prévost, futur fondateur des Religieux de Saint-Vincent-de-Paul. Elle a été au centre du déploiement d’un réseau de charité qui caractérisa Paris et la France dans la première moitié du XIXème siècle.


Durant la Révolution de 1830 et 1848, les émeutiers élèvent des barricades. Des luttes sanglantes opposent le pouvoir à une classe ouvrière déchaînée. Sans crainte de perdre sa vie, cette dame en cornette blanche monte sur les barricades et s’interpose entre les belligérants. Elle parcourt les rues, parlemente avec les insurgés, secourt les blessés, protège les réfugiés. Sœur Rosalie clame : "On ne tue pas ici !" Comme jadis ses parents, elle donne asile à l’archevêque.

Une foule immense la suit

La guerre civile terminée, une épidémie de choléra fait des centaines de victimes par jour, à Paris. Courant tous les risques, sœur Rosalie va jusqu’à ramasser elle-même les corps abandonnés dans les rues. Avec ingéniosité et courage, et grâce au dévouement des Filles de la Charité, elle organise les secours.


En 1852, Napoléon III décide de lui remettre la Croix de la Légion d’honneur qu’elle reçoit très humblement, mais qu’elle ne portera jamais.

De santé fragile, sœur Rosalie surmonte fatigues et fièvres. Mais l’absence de repos, l’âge, et l’accumulation des tâches finissent par venir à bout de sa résistance et de sa volonté. Durant les deux dernières années de sa vie, elle devient progressivement aveugle.


Elle meurt le 7 février 1856, après une courte maladie. Ses obsèques sont célébrées à l’église Saint-Médard. Une foule immense suit sa dépouille jusqu’au cimetière Montparnasse, manifestant ainsi son admiration pour l’œuvre accomplie par cette sœur hors du commun. Un hommage discret mais visible encore aujourd’hui est rendu à ce témoin de la miséricorde de Dieu. Sur sa tombe il est gravé : "À la bonne mère Rosalie, ses amis reconnaissants, les pauvres et les riches".

A lire :

Claude Dinnat, Sœur Rosalie Rendu ou l’Amour à l’œuvre dans le Paris du XIXe siècle, L’Harmattan, 2001


Béatifiée par le pape Jean-Paul II le 9 novembre 2003

Petite bibliographie sur Soeur Rosalie


*Soeur Rosalie Rendu ou l’Amour à l’oeuvre dans le Paris du XIXe siècle, par Claude Dinnat, Préface du Père Joseph Choné, Promoteur de la Cause des Saints. Éd. de l’Harmattan, 2001, 233 p.


C’est actuellement l’ouvrage le mieux documenté sur Soeur Rosalie. M. Claude Dinnat, né en 1938, a été professeur du second degré et chef d’établissement dans l’Éducation Nationale ; il est licencié en théologie.

On peut aussi consulter des ouvrages plus anciens :

*Le Vicomte Armand de Melun : Vie de Soeur Rosalie, fille de la Charité, Paris, 1857 – 6e édit. Paris, Poussielgue, 1877, 270 p. – 13e édit. 1929, Paris, J. de Gigord.

L’auteur est contemporain et ami de Soeur Rosalie. Son livre possède l’avantage d’être celui d’un témoin oculaire.

*Marie André, Soeur Rosalie, Toulouse, l’Apostolat de la prière, 1953.

*Henri Desmet, c.m. : Soeur Rosalie, 50 ans d’apostolat au Quartier Mouffetard, Paris, éd. Pierre Kremer, 1954, 362 p.

Le Père Desmet, religieux lazariste, a recueilli beaucoup d’informations, certaines puisées auprès de la famille Rendu. Le récit est souvent émouvant. Mais en voulant faire « une étude d’âme », l’auteur procède à des reconstitutions de scènes et de dialogues dont il est difficile de savoir si elles s’appuient ou non sur des sources précises.


*A noter une plaquette de 32 p. remarquable par le texte et magnifiquement illustrée en couleurs, réalisée par les Filles de la Charité et le professeur Claude Dinnat (auteur de la biographie la plus récente sur Soeur Rosalie, éd. de l’Harmattan, 2001, 228 p.) et publiée aux éditions du Signe

Liturgie du 7 février : Bienheureuse Rosalie Rendu – Vierge – Mémoire


ANTIENNE D’OUVERTURE Prov. 31, 20-26 Elle ouvrit sa main à la misère, la tendit au Pauvre. Dans sa bouche, il n’y avait que parole de bonté


PRIERE : O Dieu, qui as fait don à la bienheureuse Rosalie, vierge, de ton Esprit d’Amour, pour qu’elle fût en aide à ceux qui sont dans la détresse et l’abandon. A son exemple, donne-nous aussi la joie de découvrir le Christ dans les Pauvres et de Le servir avec une inlassable charité. Par Jésus.

PREMIÈRE LECTURE (au choix)

Lecture du Livre de Ben Sirac le Sage (Sir 3, 29 ; 4, 1-10) Penche l’oreille vers le pauvre. Ne détourne pas du miséreux ton regard.

Lecture de la Première Lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens (1 Cor 12, 31 – 13, 1-13) (Hymne à la charité) (cf. Lectionnaire rituel p. 17)

PSAUME : Ps 71, 1-2, 7-8, 12-13, 17 R/ Écoute, Seigneur, le pauvre qui t’appelle.

ÉVANGILE (au choix)

Acclamation (Mt 25, 40) Alleluia, Alleluia. Chaque fois que vous l’avez fait à l’un des ces petits qui sont mes frères, c’est à Moi que vous l’avez fait, Alleluia !

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (Mt 25, 31-46). (cf. Lectionnaire rituel p. 561) « Nous serons jugés sur l’amour »ou bien :

Acclamation (Mt 5, 7) Alleluia, Alleluia. Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Alleluia !

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (Mt 5, 1-12a) (cf. Lectionnaire rituel p. 34) Les Béatitudes.

PRIÈRE SUR LES OFFRANDES : Réunis pour le Saint Sacrifice du Christ, ton Fils, dans le souvenir de la bienheureuse Rosalie, vierge, accepte, Seigneur, l’humble offrande que nous te présentons et transforme-nous en apôtres brûlants de ton amour. Par Jésus.

PRÉFACE DES SAINTS ET DES SAINTES VIERGES ET RELIGIEUX (SES) 

ANTIENNE DE COMMUNION (Jn 13, 35) « A ceci, tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’Amour que vous aurez les uns pour les autres », dit le Seigneur.

PRIÈRE APRÈS LA COMMUNION : O Dieu, notre Père, qui nous as nourris du Pain de Vie, fais qu’à l’exemple de la Bienheureuse vierge Rosalie, nous te glorifiions par la fidélité de notre service, et que nous nous dépensions dans une constante charité pour le bien de nos frères. Par Jésus.

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La béatification de Soeur Rosalie est un événement diocésain : la future bienheureuse a son berceau familial dans la Vallée de la Valserine. Voici un résumé des 16 premières années de sa vie qu’elle a vécues dans les Pays de l’Ain. 

Jeanne-Marie Rendu est née et a été baptisée le 9 septembre 1786, dans le Haut Bugey, à Confort, alors simple hameau de Lancrans, sur la route de Bellegarde à Morez, sur le flanc ouest de la montagne du Jura. En bas coule la Valserine. Cette vallée est le berceau de la famille Rendu. La région était restée rattachée au duché de Savoie jusqu’en 1760, alors que le Pays de Gex était devenu français dès 1601 par le Traité de Lyon.


La Famille Rendu – La famille Rendu était nombreuse. Au XVe siècle, elle représentait le sixième de la population de Lancrans. Elle était connue très honorablement et comptait plusieurs personnalités de marque, et bientôt Mgr Louis Rendu, évêque d’Annecy (1853-1859). Jean-Antoine, le père de Jeanne Marie, était petit propriétaire cultivateur. Il mourut en mai 1796 – il n’avait pas encore 32 ans – peu après la naissance de son quatrième enfant, Jeanne-Françoise, décédée le 19 juillet de la même année, à l’âge de 4 mois. La mère, Marie-Anne Laracine, après 11 ans de mariage, se trouvait donc seule. Elle éleva ses trois enfants dans un esprit profondément chrétien. Sa vie de foi et de charité a beaucoup imprégné Jeanne-Marie, alors âgée de 10 ans, et qui l’aidait dans les travaux du ménage, gardant les plus jeunes.


Une enfant qui a du tempérament – Trois traits caractérisent la petite Jeanne-Marie : sa vivacité, sa foi et son attention aux souffrances des autres. Espiègle, toujours en mouvement, elle taquinait volontiers ses soeurs, jetant leurs poupées chez le voisin, aimant mieux les papillons que les livres. Pourtant, son regard spirituel et fin en imposait : son jeu préféré était celui de maîtresse d’école : elle enseignait le catéchisme et faisait réciter les prières. Et si l’on était sage, comme récompense, on allait à la chapelle de la Sainte Vierge. Mais dès qu’elle apercevait un pauvre sur la route, elle quittait tout pour aller au devant de lui, le prenant par la main, le conduisant à la maison, partageant son pain avec lui, ouvrant sa bourse au besoin. De même, elle aimait servir les ouvriers et les domestiques qui travaillaient chez sa mère, pleine d’attentions et de soins pour eux, elle partageait leurs tâches, plaignait leurs peines. Cet amour des pauvres lui venait de sa mère. Il devait marquer toute sa vie. D’autant qu’elle a traversé trois Révolutions. Et les Révolutions multiplient les pauvres.

Le creuset de la Révolution de 1789 – Elle connut la première épreuve durant sa petite enfance. La persécution sévissait contre l’Église catholique depuis 1791 avec l’obligation du serment prescrit aux prêtres par la Constitution civile du Clergé refusée par le Pape. Dans le nouveau diocèse de Belley qui comptait 662 prêtres, 69 refusèrent le serment. Parmi eux, 23 prêtres du District de Gex.La famille Rendu accueillait tous les prêtres de passage qui étaient pourchassés pour leur fidélité à Rome, en particulier le curé de Gex, Colliex, qui prépara Jeanne-Marie à sa première communion qu’elle reçut dans une cave. Celle-ci, curieuse, découvrit un autre jour que le domestique qu’on appelait Pierre et que l’on traitait avec tant d’égards n’était pas vraiment jardinier : elle le vit à travers les rideaux de son lit célébrer la messe. C’était en effet Mgr Joseph-Marie Paget, évêque de Genève en résidence à Annecy et se cachant avant de fuir en Italie. On dut mettre l’enfant au courant pour qu’elle garde le silence. Elle avait 7 ans. Cet exemple de foi et de courage – si souvent renouvelé – devait la marquer profondément.

Le choix de la vie religieuse – Elle n’avait pas 15 ans quand on la demanda en mariage. Elle supplia plutôt sa mère de la mettre en pension dans un couvent. Depuis 1660, une communauté des Filles de la Charité était à Gex, implantée par St Vincent de Paul lui-même. La Supérieure, Soeur Suzanne, connaissait Madame Rendu. Elle lui dit que Jeanne-Marie est trop jeune pour servir à l’Hôpital. Elle conseille la maison des Dames Maçon, anciennes religieuses Ursulines à Gex. Jeanne-Marie y resta un an. Elle y approfondit sa vie de piété. Puis le curé-doyen de Gex, M. de Varicourt, son confident, la fit placer à Carouge, près de Genève, dans une maison de Demoiselles, où elle apprit les arts ménagers. Elle y demeura 6 mois avant de rejoindre l’Hôpital de Gex où elle découvrit, à l’école des Filles de la Charité, la beauté du service des malades et des indigents. Six nouveaux mois passent. Jeanne-Marie a 16 ans. Elle fait la connaissance, à Lancrans, de Melle Jacquinot, 31 ans, qui se prépare à entrer au noviciat des Filles de la Charité à Paris. Jeanne-Marie veut la suivre. Sa mère ne peut résister à sa détermination. Elle lui remet une lettre pour un prêtre déjà célèbre – Supérieur des Prêtres de Saint-Sulpice – originaire de Gex, M. Emery, parrain de Jeanne-Marie et ami de son grand-père Jean-Joseph Rendu. Résidant à Paris, il confirmera la vocation de sa filleule. 

Jeanne-Marie part en diligence, avec Mlle Jacquinod et une autre postulante : elle ne reverra plus Confort ni la maison de son enfance. Elle pleure cette douloureuse séparation de sa mère, mais la volonté de Dieu qu’elle désire est la plus forte. Le 25 mai 1802, elle entre au noviciat. Désormais, elle sera toute à Dieu et aux pauvres de Paris ; elle traversera les Révolutions de 1830 et de 1848, secourant également insurgés et loyalistes.

Elle rendra son âme à Dieu le 7 février 1856. Ses dernières paroles sont pour recommander « ses » pauvres à Dieu : « Mes enfants, mes chers enfants, quand je ne serai plus, ô mon Dieu, vous ne les abandonnerez pas !  » Ses funérailles à l’église Saint-Médard, puis son inhumation au Cimetière Montparnasse sont un triomphe. Sur sa tombe, on lit : « A Soeur Rosalie, ses amis reconnaissants, les riches et les pauvres. »


Dans son village natal, Confort, une Maison de retraite rappelle son dévouement pour les pauvres et une petite communauté de Filles de la Charité perpétue son souvenir.


Vers 1846, une jeune compagne, Soeur Marie de Castalin, nouvellement arrivée dans la maison et témoin du bien qui se fait par l’intermédiaire de Soeur Rosalie, résolut de mettre son héritage à sa disposition. « Si vous voulez me faire plaisir, lui répondit Soeur Rosalie, faites donc à Confort une petite maison de charité de deux ou trois soeurs, pour y recevoir quelques vieillards, car ils sont pauvres et bien malheureux. » 


Soeur Rosalie, en effet, n’oubliait pas son pays natal. Déjà elle avait fait restaurer la petite chapelle de la Vierge. Mais le tout petit hameau d’autrefois s’était peuplé. Par son influence, il était devenu commune, avait sa mairie, son église. Les habitants s’étaient multipliés, mais vraiment pauvrement, et il n’y avait rien pour les vieillards. Soeur Rosalie meurt le 7 février 1856 sans voir se réaliser son désir.

La chambre-oratoire- La supérieure qui lui succède continue les démarches. En 1858, la maison natale de Soeur Rosalie est achetée avec plusieurs maisons avoisinantes et quelques travaux d’aménagement sont exécutés. La chambre où est née Jeanne-Marie Rendu est transformée en petit oratoire.

Hospices et orphelinat – Le 11 avril 1860, trois premières soeurs arrivent à Confort. Peu à peu surgissent d’autres bâtiments. Deux ailes s’adjoignent au bâtiment principal. Dans l’aile gauche, est installé l’hospice des vieillards, dans l’aile droite, l’orphelinat et l’asile qui reçoit, au patronage, les enfants du village. Les soeurs, plus nombreuses, visitent aussi les personnes isolées ou malades chez elles. Une aumônerie est bâtie et sera transformée ultérieurement en villa Saint Vincent pour recevoir, en été, une colonie de vacances. Un établissement comprenant externat et pensionnat est confié aux Frères des Écoles chrétiennes pour l’enseignement des garçons.

Tout ce travail est effectué en 15 ans (1861-1875). En 1876, l’orphelinat compte 45 filles. Il y a deux salles de vieillards. L’exploitation d’une ferme permet à tous les résidents de cette époque d’être nourris et de pourvoir aux besoins de la maison.

La statue N.-D. de Confort – Plus tard, le petit oratoire primitif est agrandi, transformé en chapelle pour l’hospice devenu Hôtel-Dieu. Le 12 février 1928 ; la chapelle achevée est solennellement bénite et dédiée à la Vierge Marie de la Médaille Miraculeuse. La vénérable statue de Notre-Dame de Réconfort trouve refuge et place d’honneur dans ce nouvel édifice, car la petite chapelle de la place du village n’existe plus, sacrifiée à l’alignement de la route nationale.

Au cours des années, l’établissement évolue, se transforme, s’agrandit, se modernise. L’orphelinat disparaît en 1951. L’Hôtel-Dieu devient Maison de Retraite. Depuis quelques années, la gestion en est confiée à l’Association Santé et Bien-être. Une communauté de Filles de la Charité demeure sur place auprès des personnes âgées et malades et perpétue ainsi, par sa présence, le souvenir de Soeur Rosalie dans son pays natal.


Le Séminaire : Où la jeune novice retrouve son parrain


Un parrain célèbre – Le parrain de Jeanne-Marie était un prêtre : « Monsieur » Emery, comme on disait alors. Originaire de Gex, Jacques-André Emery était devenu Supérieur de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice, à Paris, du nom de l’église où la communauté avait été fondée, par M. Olier, au XVIIe siècle. Pour le baptême de sa filleule, en raison de son éloignement du Pays de Gex, M. Emery s’était fait remplacer par le grand-père Rendu. Et voici que, 16 ans plus tard, il retrouve Jeanne-Marie chez les Filles de la Charité ses « voisines », qu’il connaît bien.

Conseiller des Filles de la Charité – En effet, les prêtres de la mission, fondés également par saint Vincent de Paul, avaient été persécutés durant la Révolution. Dispersés, déportés ou exécutés sur l’échafaud, ils n’avaient pas pu aider la Congrégation des Filles de la Charité qui avaient trouvé en M. Emery le conseiller prudent et avisé dont elles avaient besoin. Elles-mêmes furent en butte à la persécution. On compte plusieurs martyres Filles de la Charité, béatifiées par le pape Jean-Paul II. Sous la Terreur, la Soeur Deleau, Supérieure Générale, avait dû partir en exil. Elle revient après la chute de Robespierre. Avec l’aide de M. Emery, elle dirige la Compagnie, réduite à une vie cachée, sans visibilité. Car les Soeurs avaient dû se séculariser, abandonner leur habit religieux ainsi que l’enseignement à cause des serments à la Constitution civile du clergé qu’on exigeait d’elles. Mais le Ministre de l’Intérieur, M. Chaptal, avait fait appel aux Filles de la Charité pour s’occuper des hospices qui étaient dans un état délabré.

Dans un arrêté du 22 décembre 1800, il autorise la venue d’une communauté, 11, rue du Vieux-Colombier tout près de l’église Saint-Sulpice. 

La Maison du Vieux-Colombier – M. Emery y vient dire la Messe pour les religieuses et les entendre en confession. Les Soeurs ont le droit de former des élèves. Un noviciat s’organise donc. La chapelle est restaurée depuis peu lorsque, le 4 mai 1802, on y reçoit le corps de Louise de Marillac, la co-fondatrice. Là, Jeanne-Marie rencontre son parrain pour qui elle éprouve un grand respect. « Je le regardais comme un oracle », écrit-elle. Elle n’oubliera jamais son enseignement résumé dans cette formule : « Mon enfant, il faut qu’un prêtre et une Soeur de la Charité soient comme une borne qui est au coin d’une rue et sur laquelle tous ceux qui passent puissent se reposer et déposer les fardeaux dont ils sont chargés. » C’est bien ce que veut être et sera la jeune jurassienne pour tous les marginaux de son quartier.

A l’école de Monsieur Emery elle se forge une âme de Fille de la Charité. Elle écrit elle-même : « Il avait avec notre maison des rapports très intimes et nous faisait beaucoup de bien. Il nous faisait lui-même des instructions et nous donnait des avis salutaires. Et quels beaux sujets d’oraison nous donnait Monsieur Emery sur l’humilité ! Il avait lui-même une grande dévotion à saint Vincent de Paul, l’invoquait souvent et nous excitait bien à l’invoquer et à l’imiter. Il nous exhortait aussi bien puissamment à la dévotion envers la Très Sainte Vierge et il nous recommandait de ne jamais manquer à dire chaque jour le chapelet. (…) Monsieur Emery venait m’y visiter tous les jours et je ne puis vous dire toutes les attentions et les bontés qu’il a eues pour moi. (…) Quelquefois même, il y avait dans ses corrections quelque chose de malin ou de piquant, mais tout cela était assaisonné de charité et d’esprit de foi. Et toujours il portait avec lui le caractère d’un véritable prêtre, animé de l’esprit de son état. (…) Il était en fait l’oracle et la lumière de notre maison. Sa grande maxime était de ne jamais anticiper sur les desseins de la Providence et d’aller toujours à sa suite. Il me faut, disait-il, aller du jour au jour. »

Une novice externe ! – Jeanne-Marie ne resta pas longtemps au séminaire. La supérieure, chargée de la formation de la future Soeur Rosalie, est la Soeur Gilette Julienne Ricourt, une bretonne de 40 ans, pieuse et expérimentée. Mais la jeune novice, malgré sa fidélité aux exercices religieux et son courage, ne peut éviter un sentiment pénible d’enfermement et d’inactivité. « Elle était d’une extrême sensibilité physique et morale… Après quelques mois de séjour, elle tombe si dangereusement malade que pour la faire changer d’air et hâter sa convalescence, elle fut envoyée près de la Soeur Tardy, rue des Francs-Bourgeois Saint Marcel. » 

La voilà donc envoyée dans un quartier insalubre, sans aucune hygiène, pour « changer d’air » et se refaire une santé ! Mais qu’en pense son parrain ? « Lorsque Monsieur Emery me vit placée dans le Faubourg Saint Marcel, où il y avait tant de pauvres, il en fut satisfait et il me dit : « C’est bien là ce qu’il vous faut, vous serez la servante de tous les pauvres. »

De fait, elle devait effectuer là, au service des pauvres, avant même sa prise d’habit, la plus grande partie de ses cinq ans de noviciat, avant de retourner rue du Vieux Colombier pour ses premiers voeux.


Le miracle de Soeur Rosalie


La béatification de Soeur Rosalie (9 novembre 2003 à Rome) est l’aboutissement d’un « procès » canonique ouvert en 1974. Pour être honorée publiquement dans l’Église, il fallait d’abord que soit reconnue « l’héroïcité des vertus » dont elle a fait preuve. Il fallait aussi que soit reconnu un miracle obtenu par son intercession. C’est une guérison, datant de 1952, qui a été retenue par la Congrégation romaine pour la Cause des Saints. Le décret d’approbation a été lu en présence du pape Jean-Paul II le 12 avril 2003. Voici le récit de ce miracle. 

Récit de la guérison de Soeur Thérèse – Soeur Thérèse elle-même, à L’Haÿ-les-Roses, a écrit le 20 février 1996, le récit de sa guérison. Depuis 1937, elle était à la rue des Meuniers. En 1942, elle devient institutrice à la classe enfantine puis au Cours Moyen. En 1950, elle commence à sentir des troubles moteurs avec une paralysie qui se développe et rend la marche parfois impossible. Fortement encouragés par la Supérieure, Soeur Laugier, la Communauté et les élèves, ainsi que bien d’autres personnes, prient et sollicitent la guérison de la malade par l’intercession de Soeur Rosalie Rendu. « Ma paralysie augmente et l’année scolaire 50-51 se termine par un séjour à l’hôpital Saint Joseph… Le professeur Thomas diagnostique : « Syringomyélite ». Il prescrit des applications de radium sur la colonne vertébrale deux fois par semaine… La paralysie augmente : on me traîne à ma classe sur un fauteuil roulant. Je suis toute courbée et ne vois pas mes élèves, impressionnées par mon état et qui n’ont jamais été aussi disciplinées… »

En 1952 « je ne fais plus la classe. Les prières redoublent avec les recommandations à soeur Rosalie. Soeur Laugier promet même de me conduire à sa tombe le 2 février ». Le 31 janvier, la Soeur Laugier lui demande de ne se lever qu’à 9 h. « J’ai répondu : à 9 h. 15, s’il vous plaît ma Soeur ». Nuit affreuse ! A 9 h. 15, je saute du lit… Mais quoi ? Je m’habille comme avant… rhabillée, je me rends compte que je suis guérie. Je fais deux ou trois fois le tour de ma chambre en gambadant. Puis je m’assieds, anxieuse, que vont dire nos Soeurs ? Soeur Madeleine vient me voir, je danse devant elle, ébahie ! « Vous êtes folle !  » « Non, je suis guérie »… Soeur Laugier arrive du marché. « Il faut remercier Soeur Rosalie, allons à la chapelle »… et c’est un vibrant  » Magnificat. » Quant à mes élèves, que je vais voir ensuite, après m’avoir caressée pour voir si c’était bien moi, elles courent comme des folles dans tout le quartier jusqu’à la Porte Dorée en criant à tout venant : « Soeur Thérèse est guérie !  » L’après-midi, la cour est remplie des parents qui n’en croient pas leurs yeux… Avec la Soeur de la Crèche, je commence mes pèlerinages par le Sacré-Coeur de Montmartre. Nous grimpons jusqu’à la basilique, à pied bien sûr… Ma compagne est fatiguée, pas moi ! Je reste à genoux avant de redescendre à pied et en métro. … Cimetière Montparnasse, le 2 février… depuis… je marche toujours. C’était le 1er février 1952… il y a 44 ans !  » Agée de 93 ans, Soeur Thérèse est actuellement (année 2003) en résidence à la Maison Saint Vincent de L’Haÿ-les-Roses (Val de Marne)


La servante de tous


Nous avons laissé Jeanne-Marie Rendu – devenue Soeur Rosalie, son nom de religieuse -, lors de sa période de noviciat qui s’est terminée par sa profession religieuse en 1807. Elle a alors 21 ans. Jeanne-Marie a déjà fait son apprentissage en accompagnant les Soeurs dans la visite des malades et des pauvres. Entre-temps, elle enseigne le catéchisme et la lecture aux petites filles qui sont accueillies à l’école gratuite. Désormais, comme le font les Filles de la Charité, elle renouvellera chaque année avec joie ce don d’elle-même au service de Dieu et des pauvres.

Une supérieure de 29 ans – En 1815, Soeur Rosalie devient la supérieure de la Communauté de la rue des Francs-Bourgeois qui sera transférée deux ans plus tard rue de l’Épée de Bois, pour des raisons de commodité. Ses capacités de dévouement, d’autorité naturelle, d’humilité, de compassion, ses capacités d’organisation vont pouvoir se révéler. « Ses pauvres », comme elle les appelle sont de plus en plus nombreux ; en cette période troublée. Les conséquences de la Révolution et des guerres napoléoniennes, aggravées par un libéralisme économique triomphant, ont multiplié les laissés pour compte. 

Attentive à toutes les misères – Soeur Rosalie envoie ses soeurs dans tous les recoins de la paroisse Saint-Médard pour apporter des vivres, des vêtements, des soins, une parole réconfortante. Les « Dames de la Charité » aident dans les visites domicile. La jeune Conférence de Saint Vincent de Paul, avec le (futur) bienheureux Frédéric Ozanam, vient chercher près de Soeur Rosalie soutien et conseils pour leur rencontre avec tous les démunis. Soeur Rosalie est particulièrement attentive aux prêtres et aux religieuses atteints de troubles psychiques. Sa correspondance est brève mais émouvante de délicatesse, de patience et de respect pour ces malades.

Un réseau d’oeuvres de charité – Pour venir en aide à tous ceux qui souffrent et aux différentes formes de pauvreté, Soeur Rosalie ouvre un dispensaire, une pharmacie, une école, un orphelinat, une crèche, un patronage pour les jeunes ouvrières, une maison pour vieillards sans ressources. Bientôt, tout un réseau d’oeuvres charitables vient contrer une misère sans cesse renaissante. Car les détresses ne manquent pas dans ce quartier Mouffetard. Les épidémies de choléra se succèdent. Le manque d’hygiène, la misère, favorisent leur virulence. Spécialement en 1842 et en 1846, le dévouement et les risques pris par Soeur Rosalie et ses Filles ont frappé l’imagination. On l’a vu ramasser elle-même les corps abandonnés dans les rues.

Aussi, sa notoriété dépasse vite son quartier et gagne l’ensemble de la capitale et même les villes de province. La Supérieure du Bon Sauveur de Caen lui envoie de nombreuses personnes à secourir.

« Que le riche subventionne le pauvre !  » – Pourtant, Soeur Rosalie ne se laisse pas déborder par la tâche écrasante. Elle sait s’entourer de collaborateurs dévoués et efficaces, de plus en plus nombreux. Les dons affluent, car les riches ne savent pas résister à cette femme persuasive. Même les souverains qui se sont succédés à la tête du pays ne l’oublient pas dans leurs libéralités. Napoléon III décide en 1852 décide de lui remettre la Légion d’Honneur : elle est prête à refuser cet honneur personnel, mais Monsieur Etienne, Supérieur des Prêtres de la Mission et des Filles de la Charité, l’oblige à accepter. De fait, à sa mort en 1856, une foule immense et unanimement émue suit sa dépouille jusqu’au cimetière Montparnasse.

On comprend l’épitaphe gravée sur sa tombe : « A la bonne Mère Rosalie, ses amis reconnaissants, les pauvres et les riches ». Une inscription juste au-dessus en latin : « pertransivit bene faciendo » (Elle a passé en faisant le bien), parole désignant Jésus dans les Évangiles. De fait, c’est l’amour du Christ qui l’a guidé toute sa vie et c’est bien Lui qu’elle servait en servant les pauvres.


A travers trois Révolutions : le chemin du pardon


Soeur Rosalie, sans quitter pratiquement sa mission parisienne et le quartier Mouffetard, n’a pas eu pourtant une vie de tout repos. Elle a traversé trois Révolutions tout en gardant au coeur la même foi, la foi qui garde ferme dans l’espérance de la vie éternelle et qui s’épanouit en charité, celle qui ne passera jamais. Comme la charité, dont parle Saint Paul dans sa Lettre aux Corinthiens, Soeur Rosalie endure tout, supporte tout…


1789 ! La Révolution est en marche qui met fin à « l’Ancien Régime » et, dès le début, elle se retourne contre l’Église. Constitution civile du clergé, poursuite des prêtres insermentés jusque dans la maison de la famille Rendu à Confort. La future Soeur Rosalie est témoin, chez elle, à l’âge de 7 ans, d’une messe clandestine. (cf. EPA n°11, p.539).

1830 ! Les « Trois Glorieuses » : 27-28-29 juillet 18Paris est couvert de barricades. Pendant qu’à la rue de l’Épée de Bois, on s’occupe des blessés – émeutiers ou soldats – Soeur Rosalie part à la recherche du général de Montmahaut, un bienfaiteur des pauvres porté disparu. Risquant sa vie, elle franchit les barricades. Elle le découvre grièvement blessé, place de l’Hôtel de Ville… Elle le ranime : il est sauvé ! Les révolutions sont toujours impitoyables ; la justice des lendemains de révolution l’est souvent. Des personnes qui s’étaient compromises pendant les émeutes sont venues chercher refuge chez Soeur Rosalie qui les a protégées et a facilité leur fuite. Ordre est donné au Préfet de Police, Gicquel, d’arrêter Soeur Rosalie. « Impossible, dit le policier chargé de l’exécution. Tout le peuple prendrait les armes !  » Qu’à cela ne tienne, le Préfet s’y rendra lui-même. Traversant la foule, il demande à parler à Soeur Rosalie. Très aimablement, il est prié d’attendre son tour. Ensuite s’engage le dialogue : – Que puis-je faire pour vous rendre service, dit-elle. – Madame, je ne suis pas venu pour vous demander un service, mais pour vous en rendre ; je suis Le Préfet de Police et je veux savoir comment vous avez osé vous mettre en rébellion contre la loi. – Monsieur le Préfet, je suis Fille de la Charité, je viens en aide aux malheureux partout… Si vous étiez poursuivi, je vous porterais secours, je vous le promets ! – Ne recommencez pas, répond le Préfet surpris. – Cela, je ne peux pas vous le promettre. Une Fille de Saint Vincent ne peut manquer à la Charité.


1848 ! De nouveau l’horizon se charge de nuages ! Une bourgeoisie triomphante, insolente, et une partie du peuple qui tend une oreille favorable aux sirènes révolutionnaires ! Et ce fut le même déroulement qu’en 1830 : batailles de rues dans tout Paris ! Une forte barricade avait été dressée à l’angle de la rue Mouffetard et de la rue de l’Epée de Bois. Elle était bien défendue ! Un officier de la Garde Mobile avait gravi la barricade avec ses troupes… mais tous ses hommes étant tombés sous la rafale des manifestants, il reste seul au milieu des émeutiers en furie, il se précipite alors dans la petite cour de la maison des Soeurs : les fusils des manifestants se braquent sur lui. Sr Rosalie s’interpose en criant : « On ne tue pas ici !  » – « Non ! mais dehors ! On l’emmène ! ! « . Sr Rosalie refuse. Les hommes, ivres de sang, vont faire feu par dessus les épaules des soeurs qui entourent le condamné. Mais Soeur Rosalie s’est jetée à genoux : « Au nom de tout ce que j’ai fait pour vous, pour vos femmes et vos enfants, je vous demande la vie de cet homme !  » Les fusils s’abaissent… quelques hommes pleurent… l’officier est sauvé ! – Qui êtes-vous, ma Soeur ? demande-t-il. Rien, Monsieur, une simple Fille de la Charité. Oui ! Une simple Fille de la Charité… rien que cela ! Mais vraiment cela ! 


Le rôle joué par Sr Rosalie en une période troublée de notre histoire rappelle l’action de M. Vincent en son temps. Comme lui, avec réalisme, intelligence et audace, à travers émeutes et révolutions, elle a mis tout en oeuvre pour la défense des faibles et le rapprochement des catégories sociales. Grâce à son Charisme personnel et à sa foi, la communauté du quartier Mouffetard a tracé un chemin vers la justice et vers la paix.Saint Vincent disait aux premières soeurs : « Si l »on vous mène voir l’évêque… dites-lui que vous êtes pauvres Filles de la Charité qui vous êtes données à Dieu pour servir les pauvres ». C’est bien cette identité que Sr Rosalie a incarnée merveilleusement pendant 54 ans au quartier Mouffetard.

Des funérailles triomphales


Soeur Rosalie s’est dévouée de tout son être sans jamais prendre de vacances, heureuse d’apporter à cette part de l’humanité délaissée qu’étaient les habitants de son quartier le nécessaire matériel pour survivre, le réconfort affectif et moral pour la maintenir ou la rétablir dans leur dignité, la Parole de Dieu qui lui redonne l’espérance. Tout cela au prix de son propre confort, n’accordant à son corps aucun instant de repos, fortifiant son esprit par une prière continue, sa volonté par un abandon total à la Grâce. Mais voici que viennent l’âge et les infirmités…

Soeur Rosalie devient aveugle – Depuis 1854, Soeur Rosalie est devenue presque aveugle, voyant à peine suffisamment pour se diriger dans la maison, mais semblant retrouver la vue au moment de soigner les pauvres qui se présentaient. On veut faire une neuvaine à Sainte Germaine pour obtenir sa guérison. Elle se récuse. « N’en faites rien. Je serais effrayée d’être la personne choisie par Dieu pour être l’objet d’un miracle. Je croirais qu’Il demande de moi des choses extraordinaires, j’en serais troublée et puis on s’imaginerait peut-être que je l’ai obtenu par vertu. » En juillet 1855, elle fait écrire par une de ses soeurs une lettre à sa mère, à Confort. Elle réussit à ajouter ces quelques mots de sa propre main : »Je vous envoie quelques lignes qui vous montreront mon infirmité. Que je sens vivement la privation de ne pas vous en dire davantage. Je n’ai pas besoin de vous dire de prier pour moi afin qu’il me donne patience et résignation . » En octobre de la même année, on tente une opération de la cataracte par l’un des plus habiles chirurgiens de l’époque : c’est l’échec.

Le pressentiment de la fin – « J’ai grand peur de la mort », avait-elle confié à Soeur Tissot. « Si Dieu veut me donner encore quelques années sur cette terre, je ne demande pas à la quitter !  » On pense au « non recuso laborem » de saint Martin. Dans la nuit du 4 février 1856, elle prend froid. Elle ne veut pas déranger la soeur qui est près d’elle. Au matin, le médecin diagnostique une pleurésie. 

« Les pauvres ne sont pas si bien que moi », répond-elle lorsqu’on la plaint. On lui avait posé un vésicatoire et la serviette qui l’entourait avait pesé sur la plaie toute ensanglantée. – « Ma Mère, lui dit la soeur infirmière, n’avez-vous donc rien senti ?  » – « Oui, je le sentais, mais c’était un clou de la croix de Notre Seigneur et je voulais le conserver. »

Les derniers moments- Le 6 février au matin, elle semble aller mieux, prend un bouillon. Mais, peu après midi, la douleur de côté reparaît, le pouls s’accélère, la langue s’embarrasse, quelques mots annoncent le délire. On court chercher le curé de Saint-Médard qui lui donne l’extrême-onction et récite les prières des agonisants. La mourante fait le signe de la croix et retombe dans le coma. Elle s’éteint le lendemain 7 février à 11 heures, « sans agitation, sans agonie, comme si elle était passée d’un sommeil léger à un plus profond repos. » Ses dernières paroles sensées sont pour ses pauvres et pour son Dieu : « Apprenant qu’un pauvre avait demandé à rester sur le carré pour réchauffer ses membres engourdis par le froid, elle s’écria : et moi qui grelotte dans un bon lit, portez-lui de suite une couverture… Mes enfants, mes chers enfants, quand je ne serai plus, ô mon Dieu, vous ne les abandonnerez pas ! « 

La nouvelle de sa mort se répand comme une traînée de poudre. C’est la consternation. Le 8 février, son corps est exposé dans une chapelle ardente. Une longue procession se forme jusqu’à la nuit tombée et recommence le jour suivant. Un grand silence s’est étendu sur tout le quartier. Beaucoup accourent de Paris et de la banlieue. La Cardinal de Bonald, archevêque de Rouen, fait toucher sa croix pectorale au corps de la soeur comme aux reliques d’une sainte.

Les funérailles – Le samedi 9 février ont lieu les obsèques. Ce jour-là a été chômé comme un beau dimanche. Toutes les fenêtres étaient occupées. A peine pouvait-on circuler dans les rues, la population se portait vers la maison de l’Épée de Bois pour jeter une dernière goutte d’eau bénite sur le cercueil. La foule se reportait ensuite sur l’église S. Médard dont on avait fermé les portes pour que les Soeurs de S. Vincent de Paul puissent y trouver place. Ainsi, la Croix de procession a pu circuler librement dans les rues de Paris, contrairement aux règles laïques alors en vigueur. La Croix qui indiquait la Source d’une vie rayonnante de Charité.


La « mère » de la Société de S. Vincent de Paul

Au lendemain de la Révolution de 1830, au milieu de l’effervescence des esprits, des catholiques s’engagent, simplement pour être fidèles à l’Évangile… Il y avait à ce moment-là, à la Sorbonne, toute une jeunesse studieuse, désireuse d’insuffler une vie nouvelle à cette société malade. Un petit groupe, en particulier, se réunissait dans une sorte de cercle d’études appelé « Conférence d’histoire ». Les réunions avaient lieu chez Emmanuel Bailly, un laïc, prototype du militant d’Action catholique. Parmi les membres de ce cercle se trouvaient Frédéric Ozanam, Paul Lamache, Félix Clavé, Auguste Letaillandier, François Lallier et quelques autres. Leur chemin va croiser celui de Soeur Rosalie…


Des Conférences d’Histoire… – Au lendemain de la Révolution de 1789, de nombreuses oeuvres avaient vu le jour pour le service des déshérités, à l’initiative de laïcs catholiques. L’un d’eux, Emmanuel Bailly, né en 1794, homme effacé et infatigable dans les bonnes oeuvres, avait quitté sa charge de professeur de philosophie à Juilly pour fonder à Paris, en 1825, la « Société des bonnes études » qui s’installe place de l’Estrapade. On y trouve bibliothèque et salles de conférence. C’est un embryon d’Institut catholique en même temps qu’une pension de famille pour étudiants. 


Le 1er décembre 1832, Emmanuel Bailly inaugure des « Conférences d’Histoire » qui étaient l’occasion de vives discussions, car les étudiants qui les suivaient n’étaient pas tous chrétiens et il y avait parmi eux de jeunes saint-simoniens répétaient ce qu’ils avaient appris de leurs maîtres : « que la religion chrétienne avait fait son temps, que la magnifique translation des reliques de Saint Vincent de Paul en 1830 avait été le solennel enterrement de la charité ». Et voici qu’un soir un jeune orateur, nommé Colson, attaque l’Église, « qui a fait son temps », et met en doute la vitalité de la foi des jeunes chrétiens présents à la séance. 

… aux Conférences de Charité – Ozanam fait partie de l’auditoire et répond vigoureusement à l’orateur. Mais, à l’issue de la soirée, il confie à ses amis croyants : « Ne vous semble-t-il pas qu’il est temps de joindre l’action à la parole, et d’affirmer par des oeuvres la vitalité de notre foi ?  » On décide alors de demander conseil à Emmanuel Bailly qui approuve pleinement l’idée d’une réunion fraternelle de jeunes gens résolus à s’occuper uniquement d’oeuvres de charité. Ils sont 6 jeunes gens qui, sur les conseils de Soeur Rosalie, décident d’aller visiter les pauvres à domicile.

Leur première réunion se tint dans les bureaux du journal qu’éditait Monsieur Bailly, La Tribune Catholique, le mardi 23 avril 1833, à 20 heures : ce jour-là Ozanam fêtait ses 20 ans ! A l’unanimité, les six jeunes gens choisirent de nommer la réunion Conférence de charité et, sur la demande de Jean-Léon Le Prévost, ils adoptèrent pour patron saint Vincent de Paul. Ainsi naquit très humblement la plus grande association de charité des temps modernes, qu’on appelle aujourd’hui la Société de Saint Vincent de Paul. 

Les conseils de Soeur Rosalie – On se demanda quels pauvres visiter et comment les secourir. Emmanuel Bailly – qui connaissait personnellement Soeur Rosalie – les envoie rue de l’Épée de Bois. Elle « approuva beaucoup ce projet, indiqua des pauvres, et conseilla de donner des bons en nature à la place d’argent dont les pauvres abuseraient ». 

Ils apprennent avec elle à voir Notre Seigneur dans les pauvres et la manière chrétienne de les aborder, de les respecter, de les considérer comme des frères, riches en humanité. Ainsi, elle « leur recommandait la patience qui ne croit jamais perdu le temps qu’on passe à écouter le pauvre, l’indulgence plus portée à plaindre qu’à condamner, enfin la politesse, si douce à celui qui n’a jamais rencontré que dédain et mépris… » 

Unis au-delà du politique – Qu’ils soient libéraux voire républicains, comme Ozanam, ou monarchistes comme Armand de Melun – qui sera le premier biographe de Soeur Rosalie – ce qui faisait leur unité, note. Lallier, ami d’Ozanam, c’était « l’obéissance aux commandements de Dieu et un amour filial pour l’Église catholique qui en a la garde ». 

En janvier 1835, les membres sont Sur les conseils de Soeur Rosalie, ils décident de se séparer et à la Conférence de St-Étienne-du-Mont s’ajoute désormais celle de Saint-Sulpice. Soeur Rosalie obtint bientôt une Conférence pour « sa » paroisse St Médard, « la plus pieuse de la capitale », écrira Ozanam.

Simple religieuse de terrain, elle conseille ces jeunes intellectuels et leur apporte une aide directe. Un jour, voyant dans son cabinet ces étudiants des grandes Écoles, venant chercher une bonne oeuvre ou en rendre compte, elle s’écrie : « Je les ai tous réunis pour le service de Dieu ; ils ont tous travaillé pour sa gloire : quelle bonne journée pour eux ! «

Échos de la béatification


Les 55 pèlerins du diocèse de Belley-Ars et des Familles Rendu-Larracine qui s’y rattachaient, conduits par Mgr Bagnard, s’étaient joints aux quelque 500 pèlerins du diocèse de Paris et de la Famille vincentienne (Soeurs de la Charité, Pères Lazaristes, Équipes Saint Vincent, Société de saint Vincent de Paul, Jeunesses mariales) qui s’étaient déplacés à Rome sous la conduite du Cardinal Lustiger, archevêque de Paris. Tous ont pu participer à la béatification du dimanche 9 novembre et aux autres rencontres prévues, notamment à l’Ambassade de France. L’État français était représenté par le Ministre des Transports, M. Gilles de Robien, accompagné de son épouse.


1. Un pèlerinage : aux sources de la foi – « Soeur Rosalie, borne d’amour sur le chemin du malheureux ; Soeur Rosalie, borne d’amour sur le chemin qui mène à Dieu » – Ce refrain, au premier abord surprenant, nous l’avons entendu fredonner mainte et mainte fois par nos deux soeurs, pétillantes d’humour, Mesdemoiselles Blanc Madeleine et Suzanne… L’image de la « borne » vient de Soeur Rosalie elle-même : « Une Fille de la Charité est comme une borne sur laquelle tous ceux qui sont fatigués ont le droit de déposer leur fardeau. » Beaucoup participaient pour la première fois à une Béatification. Et lorsqu’il s’agit d’une enfant du Pays, cela vous saisit ! 


Nous voilà donc posés sur le sol romain, vendredi 7 novembre à 20hEt dès le samedi matin nous marchons sur les pas de Saint Pierre, le premier Pape choisi par Jésus, convaincu de tout devoir à son Maître qu’il a renié . « Seigneur tu sais tout, tu sais bien que je t’aime !  » (Jn 21, 17) – Un séminariste, Frère de la Communauté du Verbe de Vie, nous remet en mémoire l’Histoire de la Basilique et de son riche symbolisme. Citons seulement la fameuse double colonnade du Bernin évoquant les bras de la Mère Eglise, accueillant tous ses enfants et les hommes de Bonne Volonté pour les introduire dans le Coeur de Dieu.

Devant la façade, à droite et à gauche des marches qui précèdent le parvis, les colossales statues de St Pierre et St Paul, rappellent que l’Annonce évangélique destinée aussi bien au peuple choisi, les Juifs – auxquels Pierre va s’adresser à la suite de Jésus. – qu’aux Nations lointaines qui ne connaissent pas le Dieu d’Abraham et auxquelles Paul sera envoyé.

Tout pèlerin qui va à Rome entend faire une démarche de conversion et de foi au Christ et à l’Eglise qu’Il a engendrée par son Sang sur la Croix, avec la coopération de Marie (Jn 19, 26-27), et qu’Il a confiée à ses Apôtres. Un pèlerinage nous rappelle notre condition à la fois charnelle et spirituelle. Nous faisons l’expérience concrète d’aller vers Dieu avec toute notre personne : corps, soeur et âme, avec nos facultés plus ou moins disponibles… Le pèlerinage est donc un rite au sens où « le Petit Prince » de Saint Exupéry le définit : « un rite, c’est ce qui fait qu’un jour est différent des autres jours, une heure différente des autres heures ». C’est la rupture avec l’engrenage quotidien pour se rendre attentifs à la Parole de Dieu, à l’enseignement de l’Église, au témoignage des saints qui retrouvent une nouveauté étonnante…

Pour un catholique, le pèlerinage à Rome comprend à la visite des quatre Basiliques Majeures : St Pierre, St Jean du Latran, Ste Marie Majeure, St Paul-Hors-les-Murs. C’est ce que nous avons voulu faire pendant ces trois journées. Bien sûr, nous avons admiré ces joyaux de l’architecture, de la sculpture, de la mosaïque. Mais surtout, nous nous sommes arrêtés pour prier en présence de Jésus-Eucharistie, devant les tombeaux de St Pierre, de St Paul, du bienheureux Jean XXIII dont on a placé le corps intact tout près de l’autel de St Pierre, à droite du Baldaquin. En visitant le baptistère de saint Jean de Latran, nous avons, dans l’action de grâces, pris une conscience renouvelée pour le cadeau infini reçu lors de notre Baptême. Le Père Thierry Blot et un père Bénédictin nous ont proposé une célébration qui nous permettait de renouveler notre profession de Foi en Dieu-Trinité, en la Résurrection de la chair, en la Vie Éternelle.


Samedi soir à 18h30, s’ouvraient les cérémonies liées à la Béatification de Soeur Rosalie, avec une Messe solennelle célébrée en l’église St Louis des Français pour les pèlerins de langue française. Elle était présidée par le Cardinal Lustiger, archevêque de Paris (où Soeur Rosalie a vécu 54 ans), assisté de Mgr Guy-Marie Bagnard, évêque de Belley-Ars (Soeur Rosalie est née dans l’Ain et y a vécu jusqu’à l’âge de 16 ans). L’un et l’autre avaient quitté Lourdes et l’Assemblée des Évêques pour représenter à Rome l’Église de France. Arrivé tôt, notre groupe a l’honneur de se trouver dans les premiers rangs, et plusieurs sont choisis pour faire les lectures, la prière universelle et participer à la procession des Offrandes. Le Cardinal nous a tenu en haleine dans son homélie sur la signification du geste de Jésus chassant les vendeurs du Temple. Il faut comprendre que la Présence du Messie met fin à tous les sacrifices de l’ancienne Alliance et que désormais, Jésus, le Nouveau Temple de Dieu, ouvre à tous les peuples, par son unique Sacrifice, l’accès à la Maison de Dieu, « Maison de prière pour toutes les nations » (Marc 11, 17 et 28).


Dimanche 9 novembre. 7h30 : ouverture des barrières qui permettent d’entrer sur la Place St Pierre où sera célébrée la Béatification de Soeur Rosalie et de quatre autres Bienheureux Juan Nepomuceno Zegrí Moreno, fondateur des Soeurs « Mercedarie » de la Charité ; Valentin Paquay, prêtre belge de l’Ordre des Frères Mineurs ; Luigi Maria Monti, fondateur des Filles de l’Immaculée Conception ; Bonifacia Rodríguez Castro, fondatrice des Servantes de St Joseph. Quand nous arrivons, la file des pèlerins est déjà très longue ; nous l’intégrons jusqu’à ce que nous puissions atteindre la « bonne place » pour voir l’autel et l’écran qui projette la cérémonie. Au total 30.000 pèlerins environ. De nombreux concélébrants dont Mgr Legagneur, prêtre de la famille Rendu. Il y a aussi dans notre groupe le Père Xavier Rendu, prêtre du diocèse de Belley-Ars, en mission à Grandvilliers dans l’Oise. Lorsqu’apparaît la voiture de notre Pape Jean-Paul II, les applaudissements crépitent, les ovations résonnent de toutes parts. Très vite un silence impressionnant s’impose et permet d’entrer dans la prière. 


C’est d’abord la présentation de chaque Bienheureux dont le portrait est dévoilé au-dessus du podium, Bientôt, la voiture du Saint Père est poussée à droite de l’autel d’où il vivra humblement l’Eucharistie avec l’intensité et la ferveur que nous lui connaissons dans la prière. Longtemps agenouillé au moment de la Consécration, il reste plongé dans l’Adoration et la Communion mystérieuse avec tous ces saints, immense Famille de Frères aînés dans la Foi et le don de leur vie par Amour pour le Christ et son Église.

Le regard de Soeur Rosalie semble fixer chacun de ceux qui se tournent vers lui. Regard profond, grave et doux à la fois. On ne peut s’empêcher de supplier ce regard de se poser sur tous ceux qui sont au loin par la distance, mais tellement proches par la prière ; sur ceux aussi qui ne savent pas ou ne savent plus combien il est exaltant de donner sa vie au Christ en servant les plus petits, en se livrant toujours plus à l’Amour de Jésus qui continue à nous rappeler :  » Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des cieux est à eux. » (Mt 5, 3)


Lundi 10 novembre. Une Messe d’Action de grâces, toujours présidée par le Cardinal Lustiger, assisté par notre Évêque, rassemble une grande partie de la Famille religieuse de Soeur Rosalie, les pèlerins parisiens et ceux du diocèse de Belley-Ars, à l’église St Grégoire VII, proche de la salle d’audience Paul VI, au Vatican. L’atmosphère joyeuse de la prière reconnaissante émane de l’Assemblée qui peut encore admirer le touchant portrait expressif de Soeur Rosalie placé devant le choeur. Nous chantons ; « Si rude que semble sa route, Le don total jamais repris Marque ses pas quoiqu’il en coûte, Sous la conduite de l’Esprit. »

Mardi 11 novembre  : Afin de poursuivre notre pèlerinage dans la ligne des serviteurs pauvres, le Père Roch Valentin nous réserve une dernière Eucharistie pour lier la gerbe de nos prières en l’église Notre Dame dei Monti, celle-là même où St Benoît Labre aimait venir prier et où il s’est effondré au moment de faire son Grand Passage vers le Christ, le Mercredi Saint 16 avril 1783. Après la Messe nous irons nous recueillir dans la chambre où le boucher du quartier l’avait transporté ; c’est un lieu de pèlerinage où réside le Saint Sacrement, car toute la vie du « Mendiant de Dieu », pèlerin de l’Absolu consistait à prier, à vivre de l’Eucharistie et à demeurer pauvre parmi les pauvres ; son lieu de repos était l’arche n°43 du Colisée à Rome. »Un jour, les langues vont se taire, les prophéties disparaîtront. Devant Dieu le Seigneur notre Maître, Seul l’Amour restera »… « Comme un grand feu en plein hiver, comme une étoile dans la nuit… »


2. Liturgie de la béatification


Après le chant d’entrée : « Nous irons dans la joie vers la Maison de Dieu », et l’acte pénitentiel, c’est la présentation des 5 nouveaux bienheureux. Les 5 évêques des pays d’origine viennent demander au Pape la béatification. On lit ensuite une brève biographie de chacun d’eux. On trouvera ci-dessous la présentation de Rosalie Rendu par le Cardinal Lustiger. Puis le Pape prononce la formule de béatification (voir l’encadré ci-dessous).

En réponse, l’Assemblée chante un solennel AMEN et la Chorale entonne un ALLELUIA.

Les évêques des lieux d’origine des nouveaux bienheureux viennent alors remercier le Saint-Père, ainsi que les postulateurs et échangent et échangent avec lui le baiser de paix. Suit le chant du Gloria et la liturgie se poursuit comme d’ordinaire avec les lectures du jour qui sont celles de la fête de la Dédicace de la Basilique du Latran.

L’homélie du Pape (cf. ci-dessous) commente les lectures et en montre la mise en oeuvre dans la vie des nouveaux bienheureux. Jean-Paul II n’a lu que le premier paragraphe de son homélie multilingue, puisque les béatifiés sont espagnols, italien, belge et français. C’est Mgr François Duthel, un lyonnais, responsable de la Section française de la Secrétairerie d’État au Vatican, qui lit le passage de l’homélie concernant Soeur Rosalie Rendu.

La prière universelle fait également référence aux nouveaux bienheureux, en particulier la troisième intention évoque Rosalie Rendu : « Pour les responsables de la vie politique et sociale. Que l’Esprit Saint leur donne lumière et force pour construire la vraie paix sans se laisser arrêter par les divisions et les injustices. Que le témoignage de Soeur Rosalie Rendu, qui savait réunir autour d’elle les riches et les pauvres, les aide tous à surmonter les obstacles et à promouvoir de nouvelles formes de collaboration et de soutien avec les personnes sans défense et les plus petits. »


3. Présentation de la nouvelle Bienheureuse par le Cardinal Lustiger


Ce dimanche 9 novembre, à Rome, voici en quels termes j’ai présenté au Pape la servante de Dieu, Soeur Rosalie Rendu, et je lui ai demandé de la béatifier. Soeur Rosalie bien qu’originaire de la Bresse (sic ! ) était une vraie parisienne, une « bonne femme » formidable, Fille de la Charité. Jeanne-Marie Rendu, née le 9 septembre 1786, à Confort dans l’Ain, est baptisée à sa naissance (le jour même dans l’église de Lancrans, ndlr). Lorsque la révolution éclate, elle a trois ans. Plusieurs prêtres et même l’évêque d’Annecy qui refusent de prêter le serment de la Constitution civile du clergé, trouvent refuge dans sa maison familiale. Sa famille a éveillé Jeanne-Marie à la foi et lui a donné le goût de la prière. Sa première communion, elle la fait de nuit, dans la cave de la maison. Elle avait dix ans quand son père meurt ainsi que sa toute-petite soeur. Jeanne-Marie aide sa mère et garde deux soeurs plus jeunes. 


Lorsque la Terreur s’arrête, elle va en pension à Gex. C’est là qu’elle découvre l’Hôpital où les Filles de la Charité assurent les soins aux malades. Elle va les aider. Émerveillée par ces soeurs, elle décide, à la suite d’une de ses amies, de répondre à cet appel de Dieu.

Elle quitte tout et se rend à Paris en 1802 chez les Filles de la Charité ; elle reçoit le nom de Soeur Rosalie. Ses supérieures l’envoient dans le quartier Mouffetard – la Mouff’. Le cours de la Bièvre, complètement enterré maintenant, y avait attiré quantité d’industries parmi les plus polluantes. Alentour s’entasse une population ouvrière dans la misère noire ! 

Soeur Rosalie se met au service des plus pauvres, leur fait découvrir leur dignité et retrouver l’espérance. En 1815, elle devient supérieure de sa communauté. Ses qualités d’humble dévouement et de compassion pour tant d’hommes dans la misère et la souffrance attirent beaucoup de personnes qui, à sa suite, subviennent aux urgences et s’activent à la réinsertion des plus démunis. Jean-Paul II, lors de la béatification de Frédéric Ozanam à Notre-Dame de Paris, le 22 août 1997, a souligné que c’est une Fille de la Charité, Soeur Rosalie Rendu qui a guidé ce jeune universitaire, professeur en Sorbonne, et ses compagnons, vers les pauvres du quartier Mouffetard, aidant ainsi à la fondation de la Société de Saint Vincent de Paul.

En juillet 1830, journées d’émeutes à Paris. Avec sa communauté, elle porte secours aux blessés et cache des personnes en danger, entre autres, Mgr de Quelen, un de mes prédécesseurs. En février 1848, encore des émeutes. La garde mobile tire sur les insurgés. L’archevêque de Paris, Mgr Affre, venu en pacificateur, tombe blessé à mort par une balle perdue. Soeur Rosalie secourt un officier de la garde mis à mal par des insurgés qu’elle soigne aussi. S’élevant une fois encore contre la violence et la haine, au risque de sa vue, elle s’interpose sur la barricade de la rue de l’Épée de Bois et appelle au calme.

Pendant 54 ans, Soeur Rosalie a parcouru inlassablement ce quartier de Paris, et y a servi Jésus-Christ dans les plus délaissés. Le 7 février 1856, usée par ce service, elle meurt après une courte maladie. Elle reçoit de tous un hommage extraordinaire, comme le montre cette inscription sur sa tombe : « A la bonne Mère Rosalie, ses amis reconnaissants, les pauvres et les riches ».La leçon qu’elle nous donne, c’est ce que la force de la foi est capable d’inventer. On peut trouver chez elle, venue du monde rural et confrontée à un monde ouvrier urbain très pauvre et très violent, une inspiration pour la nouvelle évangélisation des villes.


4. Homélie de Jean-Paul II pour la béatification (extraits)


« Le Temple de Dieu est sacré et ce temple, c’est vous » (1 Co 3, 7) Nous avons écouté une fois de plus ces paroles de l’Apôtre Paul que nous propose aujourd’hui la liturgie solennelle de la fête de la dédicace de la Basilique du Latran, cathédrale de Rome et Mère de toutes les églises. 


Tout lieu réservé au culte divin est un signe de ce temple spirituel qu’est l’Église, fait de pierres vivantes : les fidèles unis dans la même foi, par la participation aux mêmes sacrements et par le lien de la charité. Les saints, en particulier, sont des pierres précieuses de ce temple spirituel. 

La sainteté, fruit du travail incessant de l’Esprit de Dieu brille dans les nouveaux bienheureux : Jean Nepomucène Zegri y Moreno, prêtre, Valentin Paquay, prêtre, Luigi Maria Monti, religieux, Bonifacia Rodriguez Castro, vierge, Rosalie Rendu, vierge. 

La vision du Sanctuaire qui nous est présentée dans la liturgie de ce jour par le prophète Ezéchiel décrit un torrent qui s’écoule du temple et qui est porteur de vie, de vigueur et d’espérance. « Tout vivra là où cette rivière coulera » (Ez 47, 9). Cette image exprime l’infinie bonté de Dieu et son dessein de salut qui jaillit sous les murs de l’enceinte sacrée et devient ainsi la bénédiction de la terre entière. (suit un résumé de la vie des quatre premiers bienheureux, et voici le paragraphe concernant Soeur Rosalie. Il a été lu par Mgr François Duthel, de la Secrétairerie d’État au Vatican)

Dans une époque troublée par les conflits sociaux, Rosalie Rendu, joyeusement, est devenue servante des plus pauvres, rendant à chacun sa dignité au moyen de l’aide matérielle, de l’éducation et de l’enseignement du mystère du Christ, conduisant Frédéric Ozanam à se mettre au service des pauvres.
Sa charité était inventive. Où puisait-elle la force de mener à bien tant de choses ? Dans sa vie de prière intense et dans la récitation continuelle du chapelet qu’elle n’a jamais abandonné. Son secret était simple : voir le visage du Christ en tout homme et toute femme, en vraie fille de saint Vincent de Paul et comme une autre soeur de son époque : sainte Catherine Labouré. Rendons grâce pour le témoignage de charité que la Famille vincentienne ne cesse de donner au monde. 

« Il parlait du temple de son corps » (Jn 2, 21). Ces paroles évoquent le mystère de la mort et de la résurrection du Christ. Tous les membres de l’Église doivent être configurés à Jésus crucifié et ressuscité.
Marie, Mère du Christ et notre Mère, est notre force et notre guide dans cet engagement. Puissent les nouveaux bienheureux que nous contemplons aujourd’hui dans la gloire du ciel, intercéder pour nous. Puisse-t-il nous être accordé aussi à nous tous de nous retrouver un jour au Paradis pour connaître ensemble la joie de la vie éternelle. Amen ! 

A propos de la cornette de Soeur Rosalie 

« La mère de Jeanne-Marie était en relation avec une Fille de la Charité, Supérieure de l’Hôpital de Gex : Soeur Suzanne. La jeune fille insista pour rencontrer cette religieuse et sa mère ne put qu’acquiescer à ce désir, bien qu’elle craignît que le costume des soeurs de cette communauté ne rebutât une adolescente peu au fait de l’austérité et des contraintes d’une vie consacrée. Mais Jeanne-Marie n’était pas une fille comme les autres : elle surprit tout le monde en trouvant beau et seyant ce costume si particulier avec sa cornette qui a si longtemps distingué les Filles de la Charité à travers le monde entier. « Cette coiffure me convient, elle cachera ma figure », aurait-elle dit. » (Claude Dinnat, Soeur Rosalie Rendu, pp. 31-32)

La formule de béatification

« Nous, selon les voeux de nos Frères dans l’épiscopat (le Pape nomme les 5 évêques demandeurs, dont le Cardinal Lustiger), ainsi que de nombreux autres frères dans l’épiscopat et de nombreux fidèles du Christ, après avoir consulté la Congrégation pour les Causes des Saints, par notre Autorité apostolique, nous accordons la faculté (suivante)… : la Vénérable servante de Dieu, Rosalie Rendu pourra être appelée désormais bienheureuse et l’on pourra célébrer sa fête chaque année le 7 février dans les lieux et de la manière établis par le droit. Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. » (traduction non officielle)

Confort : Sr Rosalie et l’abbé Chapelu


Parmi les 55 pèlerins du diocèse de Belley-Ars, « nos » deux soeurs, pétillantes d’humour, Mlles Blanc Madeleine et Suzanne, de Nantua, nous ont envoyé le petit poème ci-dessous « Merci, Soeur Rosalie » et un sonnet à la manière de Joachim du Bellay (de Liré en Anjou et non pas de Belley dans l’Ain). A l’inverse du poète angevin qui, à Rome, se languit de son pays natal, elles expriment, de retour au pays des catholards, leur nostalgie de Rome. De plus, en raison de leur lien de parenté avec l’abbé Chapelu, elles nous ont communiqué un document sur ce prêtre étonnant. Originaire d’Apremont, devenu le premier curé de Confort, il a été l’auxiliaire de Soeur Rosalie et a contribué à faire vivre dans sa paroisse et dans le diocèse son souvenir et son exemple.


Merci, Soeur Rosalie, 

et pour les gâteries, 
Nous ne sommes pas qu’esprit, 
Nous avons d’l'appétit. 
Ces nouilles, ces spaghettis, 
Couverts de Parmesan 
Et ce vin d’Italie, 
Ce crû si gouleyant, 
Bu en bonne compagnie ; 
Et ce vol dans les airs 
Sur l’aile d’un oiseau de fer. 
Nous arrivâmes indemnes 
Au Foyer Saint-Joseph. 
Chacun reçut sa clef 
Qui portait l’emblème 
D’un site de Palestine. 
Le nôtre, c’est Bethléem. 
Oh, cette joie très fine 
Et nous allons crêcher 
Une petite semaine. 
Au retour des Saintes Messes 
Le soeur plein d’allégresse : 
Vive Soeur Rosalie ! 

Que jamais je n’oublie :
Qu’il faut être une borne 
une borne d’amour 
qui sera un recours 
à ceux qui passent mornes.



L’intuition de Soeur Rosalie – En 1843, M. Chapelu fut envoyé comme vicaire à Lancrans qui avait alors pour curé M. Mermod. C’est là qu’il fut mis en relation avec soeur Rosalie. Cette humble fille de Saint Vincent de Paul, toute puissante à Paris par le renom de sa charité, rêvait de faire ériger une paroisse dans son village natal, à Confort, hameau de Lancrans. 


Son auxiliaire : l’abbé Chapelu – Mais à distance les pourparlers sont difficiles, les négociations traînent en longueur et quand on n’est pas sur les lieux pour bénéficier des circonstances, les meilleures entreprises sont vouées à un échec certain. Il fallait à Soeur Rosalie un auxiliaire. Elle le trouva en l’abbé Chapelu.



Pour rendre le Christ eucharistique plus proche des chrétiens… Le jeune prêtre était trop zélé pour ne point répondre à une telle confiance ; son soeur était trop bon, trop généreux pour ne pas s’attendrir à la vue des vaillants chrétiens et des enfants, qui, le dimanche ou même chaque matin, faisaient douze kilomètres pour assister aux offices ou aux catéchismes. Il entra donc dans les vues de Soeur Rosalie, adopta son plan, délimita lui-même la future paroisse, triompha non sans peine de puissantes oppositions et parvint à faire ériger le village de Confort en succursale (1852).


Confort devient quasi-paroisse… Aussitôt M. Chapelu se met à l’oeuvre. La tâche était lourde puisque tout était à créer. Le jeune curé s’installa provisoirement dans une humble maison du village, habitée aujourd’hui par Mlle Eugénie Gros (en 19..) et reconnaissable à la statue de la sainte Vierge qui en orne la façade. L’installation était primitive : la même pièce servait de salon, de salle à manger, de cabinet de travail et de chambre à coucher.


D’abord construire l’église… La première pensée du curé de Confort fut de construire l’église et le presbytère. Il y avait bien au centre du village une antique chapelle dédiée à Notre-Dame de Pitié et construite à la fin du XII° siècle par les moines cisterciens de Chézery. Cette chapelle était même, depuis le moyen âge, le but d’un pèlerinage très fréquenté ; mais son exiguïté la rendait impropre au service paroissial. Il fallait bâtir une nouvelle église et tout d’abord chercher un emplacement favorable.

Un curé architecte et entrepreneur Cet emplacement fut bientôt trouvé. Un bon vieillard, nommé Joseph du Pelan, qui devait donner son petit patrimoine à l’hospice ; à la condition que les religieuses auraient soin de lui jusqu’à la fin de ses jours, céda le terrain nécessaire à la construction de l’église et de la cure. Ce terrain, situé au nord du village, sur une petite élévation, était admirablement disposé pour recevoir ces deux édifices. Puis, il faut un architecte, pour dresser le plan, un entrepreneur pour réunir les matériaux ; l’abbé Chapelu n’est pas embarrassé pour si peu ; il sera lui-même l’architecte et l’entrepreneur. Il manoeuvra si bien qu’en 1856 la première pierre fut posée par Mgr Chalandon.

Soeur Rosalie part vers le Seigneur… Mais où trouver les ressources ? Soeur Rosalie avait offert 30.000 francs et sur cette promesse, le curé de Confort n’avait pas hésité à se lancer dans son entreprise. Mais les oeuvres de Dieu sont toujours marquées par le sceau de l’épreuve. La première pierre de l’église est à peine posée que Dieu rappelle à lui la généreuse bienfaitrice, avant qu’elle eût pu réaliser ses engagements. La commune ne peut faire aucun sacrifice d’argent et le secours de l’Etat étant subordonné à celui de la commune, le pauvre curé se trouve tout d’un coup sans ressources. Une pareille situation était faite pour abattre les plus audacieux ; mais l’abbé Chapelu n’est pas de ceux qui se découragent. La commune et l’Etat sont avares de leurs deniers ; il se passera de leur aide et fera construire son église à lui tout seul. et l’abbé Chapelu se fait quêteur… Non content d’être entrepreneur et architecte, il se fera tout à tour bûcheron, chaufournier, terrassier, carrier, tailleur de pierre, maçon et couvreur. Ce qui est peut-être plus pénible et plus méritoire encore, il se fait quêteur. Il écrit lettres sur lettres ; après avoir exhalé sa douleur et pleuré la perte immense qu’il vient de faire en la personne de Soeur Rosalie, remontée au ciel pour y recevoir la récompense de ses travaux, il appelle à son aide les âmes pieuses et charitables.

L’idée d’une maison de secours… « Ah ! écrivait-il, si la mort de Soeur Rosalie n’était pas survenue si tôt, je n’aurais pas besoin de recourir à votre charité ; mais je vous prie de m’aider à construire mon église et aussi à convertir la maison d’une si sainte Fille de la Charité en maison de secours, afin de perpétuer sa mémoire, de régénérer le pays et d’y faire fleurir ses vertus. »

Soutiens épiscopal et impérial… Une autre invention de son zèle va l’aider à subvenir aux dépenses nombreuses nécessités par ses travaux : il organise une loterie. Mgr l’évêque de Belley l’autorise et l’encourage. M. le chanoine Pernet l’aide à placer des billets ; Mgr l’archevêque d’Aix et Mgr l’évêque de Gap lui en prennent un certain nombre. L’empereur Napoléon III envoie un lot superbe. l’abbé écrit à toutes les personnes charitables qu’il connaît ; pour assurer le succès de son oeuvre, il demande aux directeurs de la Compagnie P.L.M. des billets à prix réduit et il entreprend de nombreux voyages à Bourg, à Lyon, à Saint-Etienne et jusqu’à Paris.

Où Soeur Rosalie intervient… Cette loterie produisit une somme assez ronde, mais hélas ! insuffisante pour couvrir toutes les dépenses. Heureusement la Vierge-Immaculée qu’il invoque et dont il place le nom béni en tête de ses lettres, vient à son secoursEn mourant Soeur Rosalie avait chargé deux Filles de Saint Vincent de Paul, les Soeurs de Moissac et de Costalin, d’exécuter ses dernières volontés et de prêter main forte au bon curé dans ses travaux. La somme promise fut versée et l’abbé Chapelu se réjouit du nouveau concours qui lui arrivait en la personne de ces deux religieuses favorisées des dons de la fortune et tout disposées à continuer l’oeuvre de leur illustre devancière. Il ne put s’empêcher de laisser échapper sa joie et il termine une de ses lettres à la Soeur de Costalin par ces mots : « Vivent les Soeurs ! « 

Le curé paie de sa personne… Cependant l’intrépide curé n’avait pas attendu, pour commencer à bâtir, le règlement de toutes ces questions pécuniaires. Il avait obtenu de la commune sur les flancs les plus escarpés du Mont Sorgia, une coupe de bois dont personne ne voulait parce qu’il aurait fallu, pour l’exploiter, exposer sa vie. Il y va travailler en personne ; son exemple entraîne quelques paroissiens de bonne volonté. Le bois est descendu ; il sert à entretenir deux fours à chaux à la hâte ; car on fait sa chaux soi-même ; c’est beaucoup moins dispendieux.


et les paroissiens collaborent… Et puis, quel spectacle digne d’admiration, que de voir ce vaillant curé, revêtu d’une pauvre soutanelle – sa soutane d’ordonnance, comme on disait – accompagné de trois ou quatre de ses paroissiens les plus hardis, muni de tous les outils nécessaires, crics, coins, massues, tranchets, travailler dans une carrière de pierre blanche qu’il a découverte et en extraire d’énormes blocs qu’il fait transporter sur le chantier. Ce chantier, il en est l’âme ; aucun ouvrage ne lui étant inconnu, il dirige les ouvriers, les anime par ses paroles et par son exemple. Il taille la pierre et travaille le bois ; il charge d’énormes fardeaux sur ses épaules et les porte jusqu’au sommet des murailles. Car, elles se dressent maintenant ces murailles ; les voici bientôt surmontées de leur toiture en travaillons que plus tard remplaceront les ardoises. Après cela, il faut poser les chenaux et voilà M. Chapelu transformé en ouvrier plombier, soudant ensemble les diverses pièces, au risque de se brûler les doigts. 


… y compris les enfants de choeur Pour cette délicate opération, il prenait ordinairement avec lui un de ses enfants de choeur, le jeune Grosbegnin, aujourd’hui un des meilleurs paroissiens de Confort ; l’enfant était chargé de garnir le réchaud et de souffler sur la braise pour chauffer les fers. Alors il arrivait parfois que l’opérateur poussait un cri aussitôt réprimé ; sa main venait de toucher quelque fer rougi. L’enfant riait sous cape de la mésaventure ; mais le curé, stoïque, continuait tranquillement sa besogne.


L’église est consacrée en 1861 Vint un jour où l’église fut à peu près terminée. Les habitants de Confort avaient devant eux un petit bijou de style gothique flamboyant, en forme de croix latine, avec une seule nef, mais deux vastes chapelles latérales, s aux voûtes ornées d’élégantes nervures. Ce gracieux édifice méritait assurément les honneurs de la consécration ; on appelle Mgr de Langalerie, évêque de Belley, qui vint avec son vicaire général. C’était en 1861… cinq ans seulement après la naissance au ciel de Soeur Rosalie.

A la manière de Joachim du Bellay, deux pèlerines « bien de chez nous » évoquent leur séjour romain pour la béatification de Soeur Rosalie : 


« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage », 
ou comme ces deux-là qui quittent leur maison 
et qui sont revenues avec leur baluchon, 
pleines de souvenirs de ce beau pèlerinage.
Ah ! quand reverrons-nous les grandes basiliques, 
les superbes colonnes, les audacieux frontons, 
les sculptures de marbre, les plafonds en caisson 
et partout sous nos pieds les belles mosaïques ? 
Quand nous reverrons-nous au pied de l’obélisque, 
amené sur les eaux depuis Héliopolis, 
entre les colonnades aux deux bras grands ouverts ? 
Quand irons-nous prier au pied de la Piéta 
où le Christ paisible repose entre les bras, 
comme au jour de Noël, de sa divine Mère 




Soeur Rosalie est une haute figure de Paris au XIXe siècle, aimée et vénérée par tout le petit peuple et les miséreux du quartier Mouffetard. Jeanne-Marie Rendu est née en 1786 à Confort (canton de Gex, dans le Jura) d’une famille de cultivateurs aisés. Elle est l’aînée de quatre filles et se trouve assez vite dans l’obligation d’aider sa mère lorsque son père disparaît en 1796.


La Révolution s’est installée, et la maison Rendu devient le refuge d’un évêque et de prêtres réfractaires . Dans ce climat religieux s’est forgée l’âme de la petite fille. Sa mère la confie aux Ursulines de Gex. C’est dans l’hôpital de cette ville que Jeanne-Marie découvre les Filles de la Charité de saint Vincent de Paul, ainsi que les misères humaines. Elle en sera marquée pour toute sa vie. Dès lors elle attendra d’avoir l’âge requis pour faire son entrée chez les Soeurs qui l’ont tant séduite. Elle arrive le 25 mai 1802 à la Maison-mère des Filles de la Charité, rue du Vieux Colombier à Paris, pour y faire son noviciat.


Elle sera envoyée dans le quartier Mouffetard, à l’époque le plus misérable de la capitale, pour y faire son “apprentissage”. C’est là, en 1807, qu’elle prononcera ses voeux définitifs. Jusqu’à sa mort, elle restera l’apôtre et la providence de ce faubourg.


En 1815, elle devient Supérieure de la maison de bienfaisance de la rue de l’Epée-de-Bois. Toutes ses qualités de dévouement, d’autorité naturelle, d’humilité, de compassion, ses capacitésd’organisation, vont pouvoir se révéler. “Ses Pauvres”, comme elle les appelle, sont très nombreux en cette époque troublée . Les ravages d’un libéralisme économique triomphant accentuent la misère des laissés pour compte. Son oeuvre est immense, sa notoriété gagne vite la capitale, et au-delà des villes de province. Elle envoie ses soeurs dans tous les recoins de la paroisse Saint - Médard pour apporter des vivres, des vêtements, des soins et une parole réconfortante. Elle ouvre un dispensaire, une pharmacie, une école, un orphelinat, une crèche. Bientôt tout un réseau d’oeuvres charitables va s’établir pour traquer la pauvreté.



Soeur Rosalie étend ses relations sociales, mondaines pour trouver l’argent nécessaire. Les “Dames de la Charité” l’aident dans les visites à domicile. Elle apporte son soutien actif aux “Conférences de Saint Vincent de Paul” et aux étudiants qui animent ces oeuvres : Frédéric Ozanam, Jean-Léon Le Prévost, Armand de Melun, qui sera son biographe, et d’autres.


Tout au long de cette vie les épreuves ne manqueront pas. Citons les plus caractéristiques :


Révolutions en 1830 et 1848.

Emeutes partielles en 1832 et 1834.
Le choléra frappe par deux fois , en 1832 et 1848.


On voit soeur Rosalie sur les barricades pour soigner les blessés, consoler les mourants, demander le silence des armes, braver la fusillade.


“Croyez-vous que je sois désireuse de vivre quand on massacre mes enfants ?” dit-elle au milieu des combats quand on lui demande de se protéger.


Elle sauve des officiers pourchassés par la foule, cache des insurgés recherchés par les forces de l’ordre. A son corps défendant, elle devra accepter la Croix de la Légion d’Honneur, accordée par Napoléon III.


Le 7 février 1856, usée par la maladie et une vie sans repos, elle s’éteint dans sa maison rue de l’Epée-de-Bois. Le jour de ses obsèques fut chômé dans tout le faubourg. Tous, pauvres et riches, partagèrent la même émotion.


Le procès en béatification est ouvert depuis 1953. Elle a été béatifiée par Jean-Paul II le 9 novembre 2003.