Bienheureuse Rosalie Rendu
Jeanne-Marie Rendu entra à
Paris chez les Filles de la Charité, devenant « Sœur Rosalie ». Elle
établit dans un faubourg misérable de Paris un refuge pour les indigents et mit
tout son zèle à visiter les pauvres chez eux, à mettre la paix durant les
guerres civiles qui agitèrent la capitale au début du XIXème siècle et à
entraîner un grand nombre de personnes à exercer la charité. Elle seconda ainsi
le zèle du Bienheureux Frédéric Ozanam. Elle mourut en 1856, laissant dans le cœur
du petit peuple de Paris l’empreinte de sa charité puisée aux plus pures
sources de la foi.
Rosalie Rendu (1786-1856)
Jeanne Marie Rendu naît le 9 septembre 1786 à Confort, au canton de Gex,
dans le Jura. Elle est l'aînée de quatre filles. Les parents, petits
propriétaires montagnards à la vie simple, jouissent d'une certaine aisance et
d'une réelle estime dans tout le pays. Jeanne Marie est baptisée le jour même
de sa naissance dans l'église paroissiale de Lancrans. Son parrain par
procuration est Jacques Emery, ami de la famille et futur Supérieur Général des
Sulpiciens à Paris.
Jeanne Marie Rendu a trois ans lorsqu'éclate en France la Révolution.
Dès 1790, l'adhésion par serment à la Constitution civile du clergé est
imposée. De nombreux prêtres, fidèles à l'Église, refusent ce serment. Ils sont
chassés de leurs paroisses, certains sont mis à mort, d'autres doivent se
cacher pour se soustraire aux poursuites. La maison de la famille Rendu devient
un refuge pour ces prêtres réfractaires. L'évêque d'Annecy y trouve asile sous
le nom de Pierre. Jeanne Marie est intriguée par ce domestique qui est mieux
traité que les autres. Une nuit, elle découvre qu'il célèbre la messe. Elle
s'offusque de ce qu'on ne lui ait pas dit la vérité. Quelque temps plus tard,
dans une discussion avec sa mère, elle lui lance sous forme de menace: “Prenez
garde, je dirai que Pierre n'est pas Pierre”. Madame Rendu pour éviter
toute indiscrétion de la part de sa fille, la met au courant de la
situation.
C'est dans cette atmosphère de foi solide, sans cesse exposée au danger
de dénonciation, que Jeanne Marie est éduquée. Elle fera sa première communion
une nuit, dans la cave de sa maison, à la lueur d'une bougie. Ce climat
exceptionnel forge son caractère.
La mort du père, le 12 mai 1796, et celle de la dernière petite sœur
âgée de quatre mois, le 19 juillet de la même année, bouleversent toute la
famille. Jeanne Marie, consciente de sa responsabilité d'aînée, aide sa mère,
spécialement dans la garde de ses petites sœurs.
Au lendemain de la Terreur, les esprits s'apaisent et, petit à petit, la
vie reprend son cours normal. Madame Rendu, soucieuse de l'éducation de sa
fille aînée, l'envoie chez les Sœurs Ursulines à Gex, Jeanne Marie demeure deux
ans dans ce pensionnat. Au cours de ses promenades dans la ville, elle découvre
l'hôpital où les Filles de la Charité assurent les soins aux malades. Elle n'a
plus qu'un désir, aller les rejoindre. Sa mère consent à ce que Jeanne Marie,
malgré son jeune âge, fasse un stage dans ce lieu de souffrance. L'appel de
Dieu, qu'elle pressentait depuis plusieurs années, se précise: elle sera Fille
de la Charité.
En 1802, Amande Jacquinot du village de Lancrans confie à son amie
qu'elle se prépare à partir à Paris pour entrer dans la Compagnie des Filles de
la Charité de Saint Vincent de Paul. Jeanne Marie saute sur l'occasion et elle
supplie sa mère de la laisser partir. Ayant questionné Monsieur de Varicourt,
curé-doyen à Gex, Madame Rendu, heureuse mais très émue de la vocation de sa
fille, acquiesce à sa demande.
Le 25 mai 1802, Jeanne Marie arrive à la Maison Mère des Filles de la
Charité, rue du Vieux Colombier à Paris. Elle va avoir 16 ans! La réouverture
du Séminaire (noviciat supprimé par les Révolutionnaires) a eu lieu en décembre
1800. À leur arrivée, les voyageuses sont accueillies par 50 jeunes en
formation. Jeanne Marie est très soucieuse de bien correspondre aux exigences
de sa nouvelle vie. Sa santé est ébranlée tant par la tension de son esprit,
que par le manque d'exercice physique. Sur le conseil du médecin et de son
parrain, Monsieur Emery, Jeanne Marie est envoyée à la maison des Filles de la
Charité du quartier Mouffetard pour être au service des pauvres. Elle y restera
54 ans!
La soif d'action, de dévouement, de service qui brûlait Jeanne Marie ne
pouvait trouver un terrain plus propice à son apaisement que ce quartier
parisien. C'est, à l'époque, le quartier le plus misérable de la capitale en
pleine expansion. Pauvreté sous toutes ses formes, misère psychologique et
spirituelle, maladies, taudis insalubres, dénuement sont le lot quotidien des
habitants qui tentent de survivre. Jeanne Marie, qui a reçu le nom de Sœur
Rosalie, y fait “son apprentissage”, accompagnant les Sœurs dans la visite des
malades et des pauvres. Entretemps, elle enseigne le catéchisme et la lecture
aux petites filles accueillies à l'école gratuite. En 1807, Sœur Rosalie,
entourée des Sœurs de sa communauté, avec émotion et une profonde joie, s'engage
par vœux au service de Dieu et des pauvres.
En 1815, Sœur Rosalie devient la Supérieure de la communauté de la rue
des Francs Bourgeois qui sera transférée, deux ans plus tard, rue de l'Épée de
Bois pour des raisons de place et de commodité. Toutes ses qualités de
dévouement, d'autorité naturelle, d'humilité, de compassion, ses capacités
d'organisation vont pouvoir se révéler. “Ses pauvres”, comme elle les
appelle, sont de plus en plus nombreux en cette époque troublée. Les ravages
d'un libéralisme économique triomphant accentuent la misère des
laissés-pour-compte. Elle envoie ses Sœurs dans tous les recoins de la Paroisse
Saint-Médard pour apporter des vivres, des vêtements, des soins, une parole
réconfortante.
Pour venir en aide à tous ceux qui souffrent, Sœur Rosalie ouvre un
dispensaire, une pharmacie, une école, un orphelinat, une crèche, un patronage
pour les jeunes ouvrières, une maison pour les vieillards sans ressources...
Bientôt tout un réseau d'œuvres charitables va s'établir pour contrer la pauvreté.
Son exemple stimule ses Sœurs à qui elle répétait souvent: “Une fille de
la Charité est comme une borne sur laquelle tous ceux qui sont fatigués ont le
droit de déposer leur fardeau”. Elle est si simple, elle vit si pauvrement
qu'elle transpire la présence de Dieu.
Sa foi, ferme comme un roc et limpide comme une source, lui révèle
Jésus-Christ en toute circonstance: elle expérimente au quotidien cette
conviction de saint Vincent de Paul: “Dix fois par jour, vous irez voir le
pauvre, dix fois par jour vous y trouverez Dieu... vous allez en de pauvres
maisons, mais vous y trouvez Dieu”. Sa vie de prière est intense; comme
l'affirme une sœur, “elle vivait continuellement en la présence de Dieu:
avait-elle une mission difficile à remplir, nous étions assurées de la voir
monter. à la chapelle ou de la trouver à genoux dans son bureau”.
Elle était attentive à assurer à ses compagnes le temps pour l'oraison,
mais “Fallait-il quitter Dieu pour Dieu” comme saint Vincent l'avait enseigné à
ses filles et l'accompagner dans une visite charitable, elle disait à la sœur
qui l'accompagnait: “Ma Sœur, commençons notre oraison!”. Elle en indiquait le
plan, la division en peu de mots simples et clairs, et entrait dans un saint
recueillement. Comme la moniale dans le cloître, Sœur Rosalie marchait avec son
Dieu: elle lui parlait de cette famille en détresse parce que le père n'a plus
de travail, de ce vieillard qui risque de mourir seul dans une mansarde: “Jamais
je ne fais si bien l'oraison que dans la rue” disait-elle.
“Les pauvres eux-mêmes avaient remarqué sa manière de prier et d'agir”,
rapporte une de ses compagnes. “Humble dans son autorité, Sœur Rosalie nous
reprenait avec une grande délicatesse et avait le don de consoler. Ses conseils
étaient dictés par la justice et donnés avec toute l'effusion d'un cœur qui
pénétrait les besoins des âmes”. “Elle était sévère sur la manière dont nous
recevions les pauvres: ils sont nos Seigneurs et nos Maîtres!” “Les pauvres
vous diront des injures, plus ils sont grossiers, plus vous devez être dignes”
— disait-elle — “Rappelez-vous ces haillons qui vous cachent notre
Seigneur”.
Les Supérieurs lui confièrent les postulantes et les jeunes sœurs pour
les former. Elle eut dans sa maison des sœurs passantes, mauvaises têtes ou fragiles.
Un jour, elle donna, à une de ses sœurs en difficulté ce conseil qui était le
secret de sa vie: Si vous voulez que quelqu'un vous aime, aimez d'abord en
premier; et si vous n'avez rien à donner, donnez-vous vous-même”. En raison
du nombre croissant de sœurs le Bureau de Bienfaisance devint une maison de
charité avec un dispensaire et une école. Elle y voyait la Providence de
Dieu.
Sa notoriété gagne vite tous les quartiers de la capitale, et au-delà,
les villes de province. Sœur Rosalie sait s'entourer de collaborateurs dévoués,
efficaces et de plus en plus nombreux. Les dons affluent vite, car les riches
ne savent pas résister à cette femme si persuasive. Même les souverains qui se
sont succédé à la tête du pays ne l'ont pas oubliée dans leurs libéralités. Les
Dames de la Charité aident dans les visites à domicile. Dans le parloir de la
communauté on voyait souvent des évêques; des prêtres, l'Ambassadeur d'Espagne,
Donoso Cortés, Charles X, le Général Cavaignac, des écrivains et des hommes
politiques, même l'Empereur Napoléon III et sa femme, des jeunes gens
appartenant à toutes les écoles et aspirant à toutes les carrières: étudiants
en droit et en médecine, élèves de l'École Normale et de l'École Polytechnique,
chacun venant chercher chez Sœur Rosalie, des conseils, des renseignements, une
“bonne œuvre” à accomplir. Parmi eux, le Bienheureux Frédéric Ozanam
cofondateur de la Conférence de Saint Vincent de Paul et le Vénérable Jean Léon
Le Prévost, futur fondateur des Religieux de Saint Vincent de Paul,
connaissaient bien la route qui menait à son bureau et avec d'autres amis, ils
venaient chercher auprès de Sœur Rosalie des conseils pour mettre en œuvre
leurs projets. Elle était au centre du mouvement de charité qui caractérisa
Paris et la France dans la première moitié du XIXe siècle.
L'expérience de Sœur Rosalie est inestimable pour ces jeunes gens. Elle
oriente leur apostolat, les guide et leur enseigne à aller et venir dans le
quartier, elle leur indique des familles à visiter qu'elle choisissait avec
soin.
Elle entre aussi en relation avec la Supérieure du Bon Sauveur de Caen
et lui demande d'accueillir de nombreuses personnes. Elle est particulièrement
attentive aux prêtres et religieuses atteintes de troubles psychiatriques. Sa
correspondance est brève, mais émouvante de délicatesse, de patience et de
respect pour ces malades.
Les épreuves ne manquent pas dans ce quartier Mouffetard. Les épidémies
de choléra se succèdent. Le manque d'hygiène, la misère favorisent leur
virulence. Spécialement en 1832 et 1846, le dévouement, les risques pris par
Sœur Rosalie et ses Filles ont frappé l'imagination. On l'a vu ramasser
elle-même les corps abandonnés dans les rues!
Durant les journées d'émeutes de juillet 1830 et de février 1848,
barricades et luttes sanglantes opposent le pouvoir à une classe ouvrière
déchaînée. Monseigneur Affre, archevêque de Paris, est tué en voulant
s'interposer entre les belligérants. Sœur Rosalie souffre: elle aussi monte sur
les barricades pour secourir les combattants blessés de quelque camp qu'ils
soient. Sans crainte aucune, elle risque sa vie dans les affrontements. Son
courage et son esprit de liberté forcent l'admiration.
Lorsque l'ordre est rétabli, elle essaie de sauver nombre de ces hommes
qu'elle connaît et qui sont victimes d'une répression féroce. Elle est beaucoup
aidée par le maire de l'arrondissement, le docteur Ulysse Trélat, pur
républicain, lui aussi très populaire.
En 1852, Napoléon III décide de lui remettre la Croix de la Légion
d'honneur: elle est prête à refuser cet honneur personnel, mais Monsieur
Etienne, supérieur des Prêtres de la Mission et des Filles de la Charité
l'oblige à l'accepter.
De santé fragile, Sœur Rosalie n'a jamais pris aucun instant de repos,
finissant toujours par surmonter fatigues et fièvres. L'âge, une grande
sensibilité nerveuse, l'accumulation des tâches finissent par venir à bout de
sa grande résistance et de sa forte volonté. Durant les deux dernières années
de sa vie, elle devient progressivement aveugle. Elle meurt le 7 février 1856,
après une courte maladie.
L'émotion est considérable dans le quartier, dans tous les milieux
sociaux à Paris et en Province. Après la célébration des obsèques à l'église
Saint Médard, sa paroisse, une foule immense et très émue suit sa dépouille jusqu'au
cimetière Montparnasse. Elle vient manifester son admiration pour l'œuvre
accomplie et son affection pour cette Sœur hors du commun.
De nombreux articles de presse viennent témoigner de l'admiration, de la
vénération même que Sœur Rosalie avait suscitées. Des journaux de toute
tendance se font l'écho des sentiments du peuple.
L'Univers,principal journal catholique de l'époque, dirigé par Louis Veuillot
écrit dès le 8 février: “Nos lecteurs comprendront l'importance du malheur qui
vient de frapper la classe pauvre de Paris: ils joindront leurs suffrages aux
larmes et aux prières des malheureux”.
Le Constitutionnel, journal de la gauche anticléricale, n'hésite
pas à annoncer la mort de cette Fille de la Charité : “Les malheureux du 12ème
arrondissement viennent de faire une perte bien regrettable: la Sœur Rosalie,
Supérieure de la communauté de la rue de l'Épée de Bois, est décédée hier à la
suite d'une longue maladie. Depuis de longues années, cette respectable
religieuse était la providence des classes nécessiteuses et nombreuses dans ce
quartier”.
Le journal officiel de l'Empire, le Moniteur, loue l'action
bienfaisante de cette Sœur: “Les honneurs funèbres ont été rendus à la Sœur
Rosalie avec un éclat inaccoutumé. La sainte femme était depuis cinquante‑deux
ans hospitalière dans un quartier où il y a beaucoup de malheureux à soulager
et tous les malheureux reconnaissants l'ont accompagnée à l'église et au
cimetière. Un piquet d'honneur faisait partie du cortège”.
Des visiteurs
affluent nombreux au cimetière Montparnasse. Ils viennent se recueillir sur la
tombe de celle qui fut leur Providence. Mais comme il est difficile de trouver
l'enclos réservé aux Filles de la Charité! Le corps est alors transporté dans
un lieu beaucoup plus accessible, plus près de l'entrée du cimetière. Sur la
tombe toute simple, surmontée d'une grande Croix, sont gravés ces mots: “À
la bonne mère Rosalie, ses amis reconnaissants, les riches et les pauvres”.
Des mains anonymes ont fleuri et continuent de fleurir cette sépulture: hommage
discret mais durable rendu à cette humble Fille de Saint Vincent de Paul.
Bienheureuse Rosalie Rendu
Sœur de
Saint-Vincent-de-Paul (✝ 1856)
Biographie site du
Vatican, Rosalie Rendu (1786-1856)
Homélie du pape Jean-Paul II pour
la béatification de cinq serviteurs de Dieu, le 9 novembre 2003:
..."A une époque troublée par des conflits sociaux, Rosalie Rendu
s'est joyeusement faite la servante des plus pauvres, pour redonner à chacun sa
dignité, par des aides matérielles, par l'éducation et l'enseignement du
mystère chrétien, poussant Frédéric
Ozanam à se mettre au service des pauvres. Sa charité était
inventive. Où puisait-elle la force pour réaliser autant de choses? C'est dans
son intense vie d'oraison et dans sa prière incessante du chapelet, qui ne la
quittait pas. Son secret était simple: en vraie fille de Vincent de Paul,
comme une autre Sœur de son temps, sainte Catherine Labouré, voit en tout homme
le visage du Christ. Rendons grâce pour le témoignage de charité que la famille
vincentienne ne cesse de donner au monde!"...
Prov. 31, 20-26 Elle ouvrit sa main à la misère, la tendit au Pauvre. Dans
sa bouche, il n’y avait que parole de bonté - O Dieu, qui as fait don à la
bienheureuse Rosalie, vierge, de ton Esprit d’Amour, pour qu’elle fût en aide à
ceux qui sont dans la détresse et l’abandon. A son exemple, donne-nous aussi la
joie de découvrir le Christ dans les Pauvres et de Le servir avec une
inlassable charité. (Grandes
figures - Diocèse de Belley-Ars)
"Les pauvres vous diront des injures. Plus ils sont grossiers, plus
vous devez en être dignes. Rappelez-vous que ces haillons vous cachent Notre
Seigneur" Bienheureuse Rosalie Rendu - diocèse de Paris.
Voir aussi les Saints parisiens sur
le site du diocèse de Paris.
À Paris, en 1856, la bienheureuse Rosalie (Jeanne-Marie Rendu), vierge.
Fille de la Charité, elle établit dans une maison d’un faubourg misérable de la
ville un refuge pour les indigents et mit tout son zèle à visiter les pauvres
chez eux, à mettre la paix durant les guerres civiles, et à entraîner un grand
nombre, surtout des jeunes et des riches, à exercer la charité.
Martyrologe
romain
“Jamais je ne fais si bien l'oraison que dans la rue”
disait-elle.
CHAPELLE PAPALE POUR LA BÉATIFICATION DE 5
SERVITEURS DE DIEU
HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II
Fête de la dédicace de la Basilique patriarcale du
Latran
Dimanche 9 novembre 2003
1. "Car le Temple de Dieu est sacré, et ce temple, c'est
vous" (1 Co 3, 17). Nous écoutons à nouveau aujourd'hui ces
paroles de l'Apôtre Paul au cours de la célébration solennelle de la fête de la
dédicace de la Basilique Saint-Jean-de-Latran, Cathédrale de Rome, Mère de
toutes les Eglises.
Chaque lieu réservé au culte divin est le signe de ce temple spirituel
qu'est l'Eglise, composé de pierres vivantes, c'est-à-dire des fidèles, unis
dans l'unique foi, par la participation aux sacrements et le lien de la
charité. Et les saints sont de façon particulière les
pierres précieuses de ce temple spirituel.
La sainteté, fruit de l'oeuvre incessante de l'Esprit de Dieu,
resplendit chez les nouveaux bienheureux: Nepomuceno Zegrí y Moreno, prêtre; Valentin Paquay, prêtre; Luigi Maria Monti, religieux; Bonifacia Rodríguez de Castro, vierge; Rosalie Rendu, vierge.
2. La vision du sanctuaire, que le prophète Ezéchiel nous présente
dans la liturgie d'aujourd'hui, décrit un torrent qui s'écoule vers le temple
en apportant la vie, la vigueur et l'espérance: "là où cette eau
pénètre elle assainit" (Ez 47, 9). Cette image exprime la bonté
infinie de Dieu et son dessein de salut, qui franchit les murs de l'enceinte
sacrée pour être une bénédiction sur toute la terre.
Nepomuceno Zegrí y Moreno, prêtre intègre, à
la profonde piété eucharistique, comprit parfaitement que l'annonce de
l'Evangile doit se convertir en une réalité dynamique, en mesure de transformer
la vie du fidèle. Etant curé, il se proposa "d'être la providence visible
pour tous ceux qui, gémissant dans l'abandon, boivent la coupe de l'amertume et
s'alimentent du pain des vicissitudes" (19 juin 1859).
C'est avec ces intentions qu'il développa sa spiritualité rédemptrice,
née de l'intimité avec le Christ et orientée vers la charité à l'égard des plus
démunis. C'est du vocable de la Vierge "de las Mercedes", Mère du
Rédempteur, qu'il s'inspira pour fonder les Soeurs mercédaires de la Charité,
dans le but de rendre l'amour de Dieu toujours présent là où restaient "une
seule douleur à soigner, un seul malheur à consoler, une seule espérance à
communiquer aux coeurs". Aujourd'hui, en suivant les traces de son
Fondateur, cet Institut vit en se consacrant au témoignage et à la promotion de
la charité rédemptrice.
3. Le prêtre Valentin Paquay est bien un disciple du Christ
et un prêtre selon le coeur de Dieu. Apôtre de la miséricorde, il passait de
longues heures au confessionnal avec un don particulier pour remettre les
pêcheurs sur le droit chemin, rappelant aux hommes la grandeur du pardon divin.
En mettant au centre de sa vie de prêtre la célébration du Mystère
eucharistique, il invite les fidèles à s'approcher souvent de la communion au
Pain de Vie.
Comme tant de saints, le Père Valentin s'était mis tout jeune sous la
protection de Notre-Dame, invoquée dans l'Eglise de son enfance, à Tongres,
comme Cause de notre joie. A son exemple, puissiez-vous servir vos
frères, pour leur donner la joie de rencontrer le Christ en vérité!
4. "Et voici que de l'eau sortait de dessous le seuil du
Temple... où cette eau pénètre, elle assainit" (Ez 47, 1.9).
L'image de l'eau, qui fait revivre toute chose, illumine en effet l'existence
du bienheureux Luigi Maria Monti, entièrement consacrée à
soigner les blessures du corps et de l'âme des malades et des orphelins. Il
aimait les appeler les "poverelli di Cristo", et il les
servait animé par une foi vivante, soutenue par une intense et constante
prière. Dans son dévouement évangélique, il s'inspira constamment de l'exemple
de la Sainte Vierge et plaça la Congrégation qu'il avait fondée sous le signe
de Marie Immaculée.
Combien est actuel le message de ce nouveau bienheureux! Pour ses fils
spirituels et pour tous les croyants, il est un exemple de fidélité à l'appel
de Dieu et de l'annonce de l'Evangile de la charité; un modèle de solidarité
envers les plus démunis et de remise confiante et tendre entre les mains de la
Vierge Immaculée.
5. Les paroles de Jésus dans l'Evangile proclamé aujourd'hui:
"Ne faites pas de la maison de mon père une maison de commerce"
(Jn 2, 16), interpellent la société actuelle, parfois tentée de tout
convertir en marchandise et en gain en mettant de côté les valeurs et la
dignité qui n'ont pas de prix. La personne étant l'image et la demeure de Dieu,
il faut une purification qui la protège, quelle que soit sa condition sociale
ou son activité professionnelle.
C'est à cela que se consacra totalement la bienheureuse Bonifacia Rodríguez de Castro, qui en tant que
travailleuse, comprit les risques de cette condition sociale de son époque.
Dans la vie simple et cachée de la Sainte Famille de Nazareth, elle découvrit
un modèle de spiritualité du travail, qui donne sa dignité à la personne et qui
fait de toute activité, si humble qu'elle puisse paraître, une offrande à Dieu
et un moyen de sanctification.
Tel est l'esprit qu'elle désira transmettre aux femmes travailleuses,
tout d'abord avec l'Association joséphine, puis avec la fondation des Servantes
de Saint-Joseph, qui poursuivent son oeuvre dans le monde avec simplicité, joie
et abnégation.
6. A une époque troublée par des conflits sociaux, Rosalie Rendu s'est joyeusement faite la
servante des plus pauvres, pour redonner à chacun sa dignité, par des aides
matérielles, par l'éducation et l'enseignement du mystère chrétien, poussant
Frédéric Ozanam à se mettre au service des pauvres.
Sa charité était inventive. Où puisait-elle la force pour réaliser
autant de choses? C'est dans son intense vie d'oraison et dans sa prière
incessante du chapelet, qui ne la quittait pas. Son secret était simple:
en vraie fille de Vincent de Paul, comme une autre Soeur de son temps, sainte
Catherine Labouré, voir en tout homme le visage du Christ. Rendons grâce pour
le témoignage de charité que la famille vincentienne ne cesse de donner au
monde!
7. "Mais lui parlait du sanctuaire de son corps" (Jn
2, 21). Ces paroles évoquent le mystère de la mort et de la résurrection du
Christ. C'est à Jésus crucifié et ressuscité que doivent se conformer tous les
membres de l'Eglise.
Dans cette tâche exigeante, nous trouvons un soutien et un guide chez
Marie, Mère du Christ et Notre Mère. Les nouveaux bienheureux, que nous
contemplons aujourd'hui dans la gloire du ciel, intercèdent pour nous. Qu'il
nous soit concédé à nous aussi de nous retrouver tous un jour au Paradis, pour
goûter ensemble la joie dans la vie sans fin. Amen!
©
Copyright 2003 - Libreria Editrice Vaticana
La Bienheureuse Rosalie Rendu, apôtre de la rue
Mouffetard
Une borne pour y déposer les fardeaux
Une borne pour y déposer les fardeaux
Rome, 7 février 2013 (Zenit.org) Anita Bourdin
Le martyrologe romain fait
aujorud’hui mémoire de la bienheureuse Rosalie Rendu, vierge (1786-1856),
apôtre de Paris.
“Il faut qu'une Fille de la
Charité soit comme une borne qui est au coin d'une rue et sur laquelle tous
ceux qui passent puissent se reposer et déposer les fardeaux dont ils sont
chargés”, disait sœur Rosalie Rendu, apôtre de la Rue Mouffetard, à Paris,
béatifiée par Jean-Paul II à Rome en novembre 2003.
Jeanne Rendu recevra le nom de
Sœur Rosalie chez les Filles de la Charité, fondées par saint Vincent de Paul.
Elle était née au village de Confort, en France, dans le département de l’Ain,
le 9 septembre 1786.
Elle n'avait que seize ans
lorsqu'elle partit pour Paris, voulant réaliser la vocation qu’elle se
découvrait de se donner à Dieu et aux pauvres, c’est pourquoi elle choisit de
frapper à la porte des Filles de la Charité.
Durant toute sa longue vie, elle
cultiva les vertus recommandées par de saint Vincent de Paul à ses filles,
avant tout la charité. C’est ainsi qu’elle secourut sans se lasser toutes les
misères, jusqu’à accomplir des gestes vraiment héroïques, en particulier
pendant les Révolutions de 1830 et de 1848.
Mais sa maternité spirituelle ne
s’arrête pas à ces gestes personnels. De fait, on retrouve son nom et son
action au début de toutes les œuvres charitables écloses dans la première
moitié du XIXe siècle à Paris. Elle aida Frédéric Ozanam – béatifié en août
1997 - et ses compagnons à s'engager auprès des exclus de son temps. Elle
mourut, littéralement usée par ses 54 années passées au service des pauvres, le
7 février 1856.
Sa tombe, au cimetière
Montparnasse à Paris, est toujours visitée et fleurie. Dans le quartier
Mouffetard qu'elle a aimé et secouru, une avenue porte son nom : "Avenue
Sœur Rosalie".
( 7 février 2013) ©
Innovative Media Inc.
Bienheureuse Rosalie RENDU
Nom: RENDU
Prénom: Jeanne Marie
Nom de religion:
Rosalie
Pays:
France
Naissance:
09.09.1786 à Confort (Ain)
Mort:
07.02.1856 à Paris
Etat:
Religieuse
Note:
Fille de la Charité de Saint Vincent de Paul (1807). Elle œuvre pendant 54 ans
dans un quartier pauvre de Paris avec une charité multiforme.
Béatification:
09.11.2003 à Rome par Jean Paul II
Canonisation:
Fête: 7
février
Réf. dans l’Osservatore Romano: 2003 n.45
Réf.
dans la Documentation Catholique:
2003 n.22 p.1124-1125
Notice
brève
La bienheureuse Rosalie Rendu naît
sur les hauteurs du Jura dans le département actuel de l’Ain en 1786. A 15 ans
elle entre chez les sœurs de saint Vincent de Paul, attirée par leur service de
charité. Dès son noviciat et jusqu’à sa mort, c'est-à-dire pendant 54 ans, elle
se dévoue au service des pauvres dans le quartier Mouffetard, le faubourg le
plus déshérité de Paris, créant pour les nécessiteux de tous genres,
dispensaire, école, patronage, crèche et asile de vieillards. Avec cela, c’est
une âme de prière continuelle, elle dit : « Jamais je ne fais si bien
l’oraison que dans la rue ». Elle reçoit avec une égale charité les petits
et les grands, et traverse les époques troublées des révolutions de 1830 et
1848, ainsi que des épidémies de choléra, en redoublant de charité, jusqu’à
risquer sa vie. Aussi conquiert-elle le cœur de tous, fussent-ils
anticléricaux. Elle meurt en 1856. Une rue de Paris porte son nom.
Notice
développée
Jeanne Marie Rendu naît en 1786 au hameau de
Confort entre Bellegarde-sur-Valserine et Morez, dans l’actuel département de
l’Ain. Son père, Jean Antoine, est un petit propriétaire montagnard. Le jour
même de sa naissance, elle est baptisée à l’église paroissiale de Lancrans et
son parrain (par procuration) est un ami de la famille, Jacques Émery, qui fera
parler de lui plus tard. Pendant la période révolutionnaire, la famille cache
les prêtres réfractaires de passage. Jeanne Marie, elle-même, fait sa première
communion dans la cave de sa maison, la nuit, à la lueur d’une bougie. Son père
meurt en mai 1796 à 31 ans, laissant sa femme, Marie Anne, veuve avec trois
enfants. Jeanne Marie, l’aînée, consciente de ses responsabilités, aide sa
mère. Elle a un caractère espiègle mais déjà, elle aime faire le catéchisme et
se montre très charitable envers les pauvres, suivant en cela l’exemple de sa
mère. Elle n’a pas 15 ans qu’elle reçoit une demande en mariage. Pour assurer
sa tranquillité, on l’envoie finir son éducation à Gex chez d’anciennes
Ursulines qui ont repris leurs activités bienfaisantes après la Terreur. Au
cours de ses promenades en ville, Jeanne Marie découvre avec intérêt l’hôpital
où les Filles de la Charité (de saint Vincent de Paul) assurent le soin des
malades. Ensuite, pendant six mois, elle étudie les arts ménagers à Carouge
(près de Genève) puis elle passe six autres mois à l’hôpital de Gex avec les
sœurs. Elle désire aussi se faire religieuse malgré son jeune âge : elle
va avoir 16 ans. Elle obtient le consentement de sa mère. Le 25 mai 1802, elle
part avec deux autres postulantes et arrive à la Maison Mère des Filles de la
Charité, rue du Vieux Colombier à Paris. Elle se retrouve avec cinquante autres
jeunes postulantes. Jeanne Marie est très soucieuse de bien correspondre aux
exigences de sa nouvelle vie, mais à cause de sa sensibilité et de sa santé
fragile, elle souffre, tant par la tension d’esprit que par le manque
d’exercice physique. Le médecin juge qu’elle doit prendre l’air. Et on
l’envoie… dans le quartier le plus insalubre de Paris, le quartier Mouffetard,
où les sœurs ont une maison. Mais son parrain, ‘Monsieur Émery’, qui est devenu
supérieur général des Prêtres de Saint Sulpice, approuve la décision :
« C’est bien là ce qu’il vous faut. Vous serez la servante des
pauvres ». Elle n’a pas encore pris l’habit. C’est pourtant là, dans ce
quartier Mouffetard et ce faubourg Saint-Marcel, qu’elle passera le plus clair
de ses cinq ans de noviciat… et qu’elle restera jusqu’à la mort.
Elle émet ses vœux en 1807, à 21 ans, sous le
nom de sœur Rosalie. En 1815, elle devient supérieure de sa maison, laquelle,
sise rue des Francs Bourgeois, sera transférée à la rue de l’Épée de Bois. La
misère de ce quartier est due aux révolutions successives (1789, 1830, 1848) et
aux ravages du libéralisme économique ambiant. La sœur fait face sur tous les
fronts. Elle apporte des secours en nourriture et en vêtements, ouvre un
dispensaire, une école gratuite, un orphelinat, une crèche, un patronage, une
maison pour les vieillards. Elle donne avec joie et elle agit sans fébrilité,
car la “grande maxime” de Monsieur Émery qui est son oracle en toutes choses
est : « de ne jamais
anticiper sur les desseins de la Providence et d'aller toujours à sa suite. Il
me faut aller du jour au jour. ». Il lui dit souvent : "Mon
enfant, il faut qu'un prêtre et une Sœur de la Charité soient comme une borne
qui est au coin d'une rue et sur laquelle tous ceux qui passent puissent se
reposer et déposer les fardeaux dont ils sont chargés." Aussi Sœur Rosalie
prodigue-t-elle à tous des paroles de consolation. Son parloir devient un
rendez-vous pour toutes sortes de gens. On y voit même des rois. Pour les
prêtres et les religieuses qui ont des difficultés psychologiques, elle
manifeste sa sollicitude avec délicatesse. Son nom est attaché à tous les
débuts d’œuvres charitables de l’époque. C’est elle qui a stimulé les débuts du
bienheureux Frédéric Ozanam 2 (fondateur des Conférences de Saint Vincent de Paul).
« Où puisait-elle la force pour réaliser autant de choses ? – se
demande le Saint-Père dans son homélie de béatification – C’est dans son
intense vie d’oraison et dans sa prière incessante du chapelet, qui ne la
quittait pas. Son secret était simple : en vraie fille de saint Vincent de
Paul, voir en tout homme le visage du Christ ».
Il y a, dans son parcours, des moments spécialement dramatiques :
- les épidémies de choléra, en particulier celles de 1832 et 1846
- les révolutions de 1830 et 1848 où elle risque sa vie pour en sauver
d’autres.
Dès 1854, elle devient presque aveugle. En 1856, elle attrape une
pleurésie. Après s’être usée 54 ans au service des pauvres, ses dernières
paroles sont pour les recommander à Dieu : "Ô mon Dieu, quand je ne
serai plus, mes enfants, mes chers enfants, vous ne les abandonnerez
pas !" Elle meurt le 7 février
1856. Ses obsèques sont un triomphe. Le cortège s’avance dans les rues noires
de monde, avec la croix (ce qui n’est pas permis habituellement). Au cimetière
Montparnasse, sa tombe, encore fleurie de nos jours, porte cette
inscription : « Pertransivit benefaciendo » (Elle a passé en
faisant le bien), et au-dessous : « A la bonne mère Rosalie, ses amis
reconnaissants, les riches et les pauvres ».
SOURCE : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/hagiographie/fiches/f0684.htm
Sœur Rosalie Rendu : auprès des pauvres de Paris
Sœur Rosalie Rendu : auprès des pauvres de Paris
Détails
Camille Caquineau
Sœur Rosalie Rendu a
incarné la charité dans le Paris du XIXème siècle. Née juste avant la Révolution de 1789, c’est
dans une société post-révolutionnaire déchristianisée et appauvrie qu’elle
donne sa vie au service des plus pauvres. Jean-Paul II l’a
béatifiée le 9 novembre 2003.
© C. Burkel
Jeanne-Marie Rendu naît le
9 septembre 1786 à Confort, au pays de Gex, dans le Jura. Ses
parents, petits propriétaires montagnards, vivent dans l’aisance et la
simplicité et sont estimés dans tout le pays.
Jeanne-Marie a trois ans
lorsqu’éclate la Révolution. Dès 1790, l’adhésion par serment à la Constitution
civile du clergé est imposée. La maison de la famille Rendu devient un refuge
pour les prêtres réfractaires. Jeanne-Marie grandit dans ce contexte de foi chrétienne,
sans cesse exposée au danger de la dénonciation. Elle fait
même sa première communion une nuit, au fond d’une cave. Ce climat
d’héroïque piété forge son caractère : elle devient une jeune
fille vive, espiègle, droite et volontaire.
En 1796, la famille est
bouleversée par le décès du père et de la dernière petite sœur, âgée de quatre
mois. C’est l’aînée qui va aider la mère à élever ses trois sœurs. Au lendemain
de la Terreur, les esprits s’apaisent et la vie reprend. Madame Rendu envoie
Jeanne-Marie étudier au pensionnat des sœurs Ursulines, à Gex. Au cours d’une
promenade, elle découvre un hôpital où les Filles de la Charité s’occupent des
malades et des pauvres. Elle y effectue un stage à la fin duquel elle exprime
le grand désir de devenir elle aussi Fille de la Charité.
Le 25 mai 1802,
Jeanne-Marie a 16 ans. Elle entre déjà au noviciat de la maison
mère des Filles de la Charité, rue du Vieux Colombier à Paris.
Mais sa santé est fragile et son zèle à vouloir répondre aux exigences de sa
nouvelle vie la détériore. Elle est donc envoyée dans la petite communauté de
la rue des Francs-Bourgeois qui sera transférée plus tard rue de
l’Epée-de-Bois, dans le quartier Mouffetard. Là, elle reçoit le nom de Rosalie,
pour la distinguer d’une autre religieuse qui porte le même prénom qu’elle.
Elle y restera cinquante-quatre ans au cours desquels elle ne tendra
que vers un but : "Traquer la misère pour rendre à l’homme sa
dignité."
Une Supérieure engagée
Une Supérieure engagée
En ce début du XIXème siècle, le quartier Mouffetard est le plus misérable
d’une capitale en pleine expansion. Les pauvres s’y entassent, victimes de la
misère et de tous les vices : taudis insalubres, maladies, détresse du
chômage, vols, alcoolisme… Sœur Rosalie y fait son apprentissage, accompagnant
les sœurs dans la visite des pauvres et des malades. Elle enseigne déjà le
catéchisme et la lecture aux petites filles accueillies à l’école gratuite.
Elle prononce ses vœux en 1807, entourée de sa communauté.
En 1815, lors de l’occupation
étrangère de Paris, après la chute de Napoléon, sœur Rosalie est nommée
Supérieure de sa petite communauté du Vème
arrondissement. Sa soif d’action, son dévouement, son autorité naturelle, son
humilité, sa compassion et ses capacités d’organisation se révèlent dans sa
lutte contre la misère. Les ravages du libéralisme économique de l’époque
accentuent le nombre et la misère de "ses pauvres", comme elle les
appelle. Ses sœurs sont envoyées dans tous les recoins de la paroisse
Saint-Médard, pour apporter vivres, vêtements, soins, ou paroles
réconfortantes. Pour venir en aide à tous ceux qui souffrent, elle ouvre une
pharmacie, une école, un dispensaire, un orphelinat, une crèche, un patronage
pour les jeunes ouvrières, une maison pour les vieillards sans ressources...
Son exemple stimule ses sœurs à qui elle répète souvent : "Une
fille de la Charité est comme une borne sur laquelle tous ceux qui sont
fatigués ont le droit de déposer leur fardeau." Elle est sévère
sur la manière dont les sœurs reçoivent les pauvres : "Ils sont nos
seigneurs et nos maîtres !" On l’appelle "l’ange du
quartier" et "la mère de toute les mères".
"Donnez-vous vous-même"
"Donnez-vous vous-même"
Elle incite ses sœurs à prendre
le temps de l’oraison avant les visites aux pauvres. La maison des malades est
son monastère, les murs de la ville et les salles d’hôpitaux, son cloître. Sa
foi, ferme comme un roc, lui révèle Jésus Christ en toute circonstance :
"Jamais je ne fais si bien l’oraison que dans la rue", dit-elle. Sa
vie de prière est intense.
Plus que l’action, le plus précieux à ses yeux est de sauver les âmes.
Elle instruit, catéchise, évangélise particulièrement les malades et les
mourants. Elle élève les âmes vers des réalités surnaturelles par la prière et
la réception des sacrements. Dans ce quartier où Dieu est souvent méconnu, personne
ne repousse le prêtre envoyé par sœur Rosalie.
Ses supérieures lui confient les postulantes et les jeunes sœurs, pour les
former. Un jour, elle donne à une de ses sœurs en difficulté ce conseil qui
était le secret de sa vie : "Si vous voulez que quelqu’un
vous aime, aimez d’abord en premier ; et si vous n’avez rien à donner,
donnez-vous vous-même."
Sa renommée se répand dans tous les quartiers de la capitale et au-delà, dans
les villes de province. Les particuliers, les associations, les ordres religieux,
l’Église, l’État : tout le monde s’adresse à elle ! Elle finit par
entraîner la charité publique et privée dans la lutte contre la pauvreté. Les
dons affluent vite, car les riches ne savent pas résister à cette femme si
persuasive. Les souverains qui se succèdent à la tête du pays ne l’oublient pas
dans leurs libéralités. Les riches comme les pauvres viennent dans son parloir.
Ils viennent trouver auprès d’elle du soutien, des conseils, ou encore
"une bonne œuvre" à accomplir. Sœur Rosalie accueille des
personnalités éminentes telles que l’ambassadeur d’Espagne, Donoso Cortés,
Charles X, le général Cavaignac, des écrivains et des hommes politiques,
des évêques, et même l’empereur Napoléon III et sa femme. Pleine de
compassion, de délicatesse et de clairvoyance, d’une autorité quasi maternelle,
elle se montre franche dans ses paroles, avec un brin de sévérité s’il le faut.
En cornette sur les barricades
En cornette sur les barricades
Les étudiants de tous les
horizons viennent frapper à sa porte ou à sa modeste "Banque de la Providence".
Parmi eux, elle inspire, oriente et appuie les projets du cofondateur de la
Conférence de Saint-Vincent-de-Paul, le bienheureux Frédéric Ozanam, et le
vénérable Jean-Léon Le Prévost, futur fondateur des Religieux de
Saint-Vincent-de-Paul. Elle a été au centre du déploiement d’un réseau
de charité qui caractérisa Paris et la France dans la première moitié du XIXème siècle.
Durant la Révolution de 1830 et 1848, les émeutiers élèvent des barricades. Des
luttes sanglantes opposent le pouvoir à une classe ouvrière déchaînée. Sans
crainte de perdre sa vie, cette dame en cornette blanche monte sur les
barricades et s’interpose entre les belligérants. Elle parcourt les rues,
parlemente avec les insurgés, secourt les blessés, protège les réfugiés. Sœur
Rosalie clame : "On ne tue pas ici !" Comme jadis ses
parents, elle donne asile à l’archevêque.
Une foule immense la suit
Une foule immense la suit
La guerre civile terminée, une
épidémie de choléra fait des centaines de victimes par jour, à Paris. Courant
tous les risques, sœur Rosalie va jusqu’à ramasser elle-même les corps
abandonnés dans les rues. Avec ingéniosité et courage, et grâce au dévouement
des Filles de la Charité, elle organise les secours.
En 1852, Napoléon III décide de lui remettre la Croix de la Légion
d’honneur qu’elle reçoit très humblement, mais qu’elle ne portera
jamais.
De santé fragile, sœur Rosalie surmonte fatigues et fièvres. Mais l’absence de
repos, l’âge, et l’accumulation des tâches finissent par venir à bout de sa
résistance et de sa volonté. Durant les deux dernières années de sa vie, elle
devient progressivement aveugle.
Elle meurt le
7 février 1856, après une courte maladie. Ses obsèques sont célébrées à l’église
Saint-Médard. Une foule immense suit sa dépouille jusqu’au cimetière
Montparnasse, manifestant ainsi son admiration pour l’œuvre accomplie par cette
sœur hors du commun. Un hommage discret mais visible encore aujourd’hui est
rendu à ce témoin de la miséricorde de Dieu. Sur sa tombe il est gravé : "À
la bonne mère Rosalie, ses amis reconnaissants, les pauvres et les riches".
A lire :
Claude Dinnat, Sœur Rosalie Rendu ou
l’Amour à l’œuvre dans le Paris du XIXe siècle, L’Harmattan, 2001
Béatifiée par le
pape Jean-Paul II le 9 novembre 2003
Petite
bibliographie sur Soeur Rosalie
*Soeur Rosalie
Rendu ou l’Amour à l’oeuvre dans le Paris du XIXe siècle, par Claude Dinnat, Préface
du Père Joseph Choné, Promoteur de la Cause des Saints. Éd. de l’Harmattan,
2001, 233 p.
C’est actuellement l’ouvrage le mieux documenté sur Soeur Rosalie. M. Claude
Dinnat, né en 1938, a été professeur du second degré et chef d’établissement
dans l’Éducation Nationale ; il est licencié en théologie.
On peut aussi consulter des ouvrages plus anciens :
*Le Vicomte Armand de Melun : Vie de Soeur Rosalie, fille de la Charité,
Paris, 1857 – 6e édit. Paris, Poussielgue, 1877, 270 p. – 13e édit. 1929, Paris,
J. de Gigord.
L’auteur est contemporain et ami de Soeur Rosalie. Son livre possède l’avantage
d’être celui d’un témoin oculaire.
*Marie André, Soeur Rosalie, Toulouse, l’Apostolat de la prière, 1953.
*Henri Desmet, c.m. : Soeur Rosalie, 50 ans d’apostolat au Quartier
Mouffetard, Paris, éd. Pierre Kremer, 1954, 362 p.
Le Père Desmet, religieux lazariste, a recueilli beaucoup d’informations,
certaines puisées auprès de la famille Rendu. Le récit est souvent émouvant.
Mais en voulant faire « une étude d’âme », l’auteur procède à des
reconstitutions de scènes et de dialogues dont il est difficile de savoir si
elles s’appuient ou non sur des sources précises.
*A noter une
plaquette de 32 p. remarquable par le texte et magnifiquement illustrée en
couleurs, réalisée par les Filles de la Charité et le professeur Claude Dinnat
(auteur de la biographie la plus récente sur Soeur Rosalie, éd. de l’Harmattan,
2001, 228 p.) et publiée aux éditions du Signe
Liturgie du 7 février : Bienheureuse
Rosalie Rendu – Vierge – Mémoire
ANTIENNE
D’OUVERTURE Prov. 31, 20-26 Elle ouvrit sa main à la misère, la tendit au Pauvre. Dans
sa bouche, il n’y avait que parole de bonté
PRIERE : O Dieu, qui as fait don à la bienheureuse
Rosalie, vierge, de ton Esprit d’Amour, pour qu’elle fût en aide à ceux qui
sont dans la détresse et l’abandon. A son exemple, donne-nous aussi la joie de
découvrir le Christ dans les Pauvres et de Le servir avec une inlassable
charité. Par Jésus.
PREMIÈRE LECTURE (au choix)
Lecture du Livre de Ben Sirac le Sage (Sir 3, 29 ; 4, 1-10) Penche
l’oreille vers le pauvre. Ne détourne pas du miséreux ton regard.
Lecture de la Première Lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens (1 Cor 12,
31 – 13, 1-13) (Hymne à la charité) (cf. Lectionnaire rituel p. 17)
PSAUME : Ps 71, 1-2, 7-8, 12-13, 17 R/ Écoute, Seigneur,
le pauvre qui t’appelle.
ÉVANGILE (au choix)
Acclamation (Mt 25, 40) Alleluia, Alleluia. Chaque fois que vous l’avez fait à
l’un des ces petits qui sont mes frères, c’est à Moi que vous l’avez fait,
Alleluia !
Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (Mt 25, 31-46). (cf. Lectionnaire
rituel p. 561) « Nous serons jugés sur l’amour »ou bien :
Acclamation (Mt 5, 7) Alleluia, Alleluia. Bienheureux les miséricordieux, car
ils obtiendront miséricorde. Alleluia !
Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (Mt 5, 1-12a) (cf. Lectionnaire
rituel p. 34) Les Béatitudes.
PRIÈRE SUR LES OFFRANDES : Réunis pour le Saint Sacrifice
du Christ, ton Fils, dans le souvenir de la bienheureuse Rosalie, vierge,
accepte, Seigneur, l’humble offrande que nous te présentons et transforme-nous
en apôtres brûlants de ton amour. Par Jésus.
PRÉFACE DES SAINTS ET DES SAINTES VIERGES ET RELIGIEUX (SES)
ANTIENNE DE COMMUNION (Jn 13, 35) « A ceci, tous vous
reconnaîtront pour mes disciples : à l’Amour que vous aurez les uns pour
les autres », dit le Seigneur.
PRIÈRE APRÈS LA COMMUNION : O Dieu, notre Père, qui nous
as nourris du Pain de Vie, fais qu’à l’exemple de la Bienheureuse vierge
Rosalie, nous te glorifiions par la fidélité de notre service, et que nous nous
dépensions dans une constante charité pour le bien de nos frères. Par Jésus.
-
La béatification de Soeur Rosalie est un événement diocésain :
la future bienheureuse a son berceau familial dans la Vallée de la Valserine.
Voici un résumé des 16 premières années de sa vie qu’elle a vécues dans les
Pays de l’Ain.
Jeanne-Marie Rendu est née et a été baptisée le 9 septembre 1786, dans le Haut
Bugey, à Confort, alors simple hameau de Lancrans, sur la route de Bellegarde à
Morez, sur le flanc ouest de la montagne du Jura. En bas coule la Valserine.
Cette vallée est le berceau de la famille Rendu. La région était restée
rattachée au duché de Savoie jusqu’en 1760, alors que le Pays de Gex était
devenu français dès 1601 par le Traité de Lyon.
La Famille
Rendu
– La famille Rendu était nombreuse. Au XVe siècle, elle représentait le sixième
de la population de Lancrans. Elle était connue très honorablement et comptait
plusieurs personnalités de marque, et bientôt Mgr Louis Rendu, évêque d’Annecy
(1853-1859). Jean-Antoine, le père de Jeanne Marie, était petit propriétaire
cultivateur. Il mourut en mai 1796 – il n’avait pas encore 32 ans – peu après
la naissance de son quatrième enfant, Jeanne-Françoise, décédée le 19 juillet
de la même année, à l’âge de 4 mois. La mère, Marie-Anne Laracine, après 11 ans
de mariage, se trouvait donc seule. Elle éleva ses trois enfants dans un esprit
profondément chrétien. Sa vie de foi et de charité a beaucoup imprégné
Jeanne-Marie, alors âgée de 10 ans, et qui l’aidait dans les travaux du ménage,
gardant les plus jeunes.
Une enfant qui a du tempérament – Trois traits caractérisent
la petite Jeanne-Marie : sa vivacité, sa foi et son attention aux
souffrances des autres. Espiègle, toujours en mouvement, elle taquinait volontiers
ses soeurs, jetant leurs poupées chez le voisin, aimant mieux les papillons que
les livres. Pourtant, son regard spirituel et fin en imposait : son jeu
préféré était celui de maîtresse d’école : elle enseignait le catéchisme
et faisait réciter les prières. Et si l’on était sage, comme récompense, on
allait à la chapelle de la Sainte Vierge. Mais dès qu’elle apercevait un pauvre
sur la route, elle quittait tout pour aller au devant de lui, le prenant par la
main, le conduisant à la maison, partageant son pain avec lui, ouvrant sa
bourse au besoin. De même, elle aimait servir les ouvriers et les domestiques
qui travaillaient chez sa mère, pleine d’attentions et de soins pour eux, elle
partageait leurs tâches, plaignait leurs peines. Cet amour des pauvres lui
venait de sa mère. Il devait marquer toute sa vie. D’autant qu’elle a traversé
trois Révolutions. Et les Révolutions multiplient les pauvres.
Le creuset de la Révolution de 1789 – Elle connut la première
épreuve durant sa petite enfance. La persécution sévissait contre l’Église
catholique depuis 1791 avec l’obligation du serment prescrit aux prêtres par la
Constitution civile du Clergé refusée par le Pape. Dans le nouveau diocèse de
Belley qui comptait 662 prêtres, 69 refusèrent le serment. Parmi eux, 23
prêtres du District de Gex.La famille Rendu accueillait tous les prêtres de
passage qui étaient pourchassés pour leur fidélité à Rome, en particulier le
curé de Gex, Colliex, qui prépara Jeanne-Marie à sa première communion qu’elle
reçut dans une cave. Celle-ci, curieuse, découvrit un autre jour que le
domestique qu’on appelait Pierre et que l’on traitait avec tant d’égards
n’était pas vraiment jardinier : elle le vit à travers les rideaux de son
lit célébrer la messe. C’était en effet Mgr Joseph-Marie Paget, évêque de
Genève en résidence à Annecy et se cachant avant de fuir en Italie. On dut
mettre l’enfant au courant pour qu’elle garde le silence. Elle avait 7 ans. Cet
exemple de foi et de courage – si souvent renouvelé – devait la marquer
profondément.
Le choix de la vie religieuse – Elle n’avait pas 15 ans quand
on la demanda en mariage. Elle supplia plutôt sa mère de la mettre en pension
dans un couvent. Depuis 1660, une communauté des Filles de la Charité était à
Gex, implantée par St Vincent de Paul lui-même. La Supérieure, Soeur Suzanne,
connaissait Madame Rendu. Elle lui dit que Jeanne-Marie est trop jeune pour
servir à l’Hôpital. Elle conseille la maison des Dames Maçon, anciennes
religieuses Ursulines à Gex. Jeanne-Marie y resta un an. Elle y approfondit sa
vie de piété. Puis le curé-doyen de Gex, M. de Varicourt, son confident, la fit
placer à Carouge, près de Genève, dans une maison de Demoiselles, où elle
apprit les arts ménagers. Elle y demeura 6 mois avant de rejoindre l’Hôpital de
Gex où elle découvrit, à l’école des Filles de la Charité, la beauté du service
des malades et des indigents. Six nouveaux mois passent. Jeanne-Marie a 16 ans.
Elle fait la connaissance, à Lancrans, de Melle Jacquinot, 31 ans, qui se
prépare à entrer au noviciat des Filles de la Charité à Paris. Jeanne-Marie
veut la suivre. Sa mère ne peut résister à sa détermination. Elle lui remet une
lettre pour un prêtre déjà célèbre – Supérieur des Prêtres de Saint-Sulpice –
originaire de Gex, M. Emery, parrain de Jeanne-Marie et ami de son grand-père
Jean-Joseph Rendu. Résidant à Paris, il confirmera la vocation de sa filleule.
Jeanne-Marie part en diligence, avec Mlle Jacquinod et une autre
postulante : elle ne reverra plus Confort ni la maison de son enfance.
Elle pleure cette douloureuse séparation de sa mère, mais la volonté de Dieu
qu’elle désire est la plus forte. Le 25 mai 1802, elle entre au noviciat.
Désormais, elle sera toute à Dieu et aux pauvres de Paris ; elle
traversera les Révolutions de 1830 et de 1848, secourant également insurgés et
loyalistes.
Elle rendra son âme à Dieu le 7 février 1856. Ses dernières
paroles sont pour recommander « ses » pauvres à Dieu :
« Mes enfants, mes chers enfants, quand je ne serai plus, ô mon Dieu, vous
ne les abandonnerez pas ! » Ses funérailles à l’église Saint-Médard,
puis son inhumation au Cimetière Montparnasse sont un triomphe. Sur sa tombe,
on lit : « A Soeur Rosalie, ses amis reconnaissants, les riches et
les pauvres. »
Dans son
village natal, Confort, une Maison de retraite rappelle son dévouement pour les
pauvres et une petite communauté de Filles de la Charité perpétue son souvenir.
Vers 1846, une
jeune compagne, Soeur Marie de Castalin, nouvellement arrivée dans la maison et
témoin du bien qui se fait par l’intermédiaire de Soeur Rosalie, résolut de
mettre son héritage à sa disposition. « Si vous voulez me faire plaisir,
lui répondit Soeur Rosalie, faites donc à Confort une petite maison de charité
de deux ou trois soeurs, pour y recevoir quelques vieillards, car ils sont pauvres
et bien malheureux. »
Soeur Rosalie, en effet, n’oubliait pas son pays natal. Déjà elle avait fait
restaurer la petite chapelle de la Vierge. Mais le tout petit hameau
d’autrefois s’était peuplé. Par son influence, il était devenu commune, avait
sa mairie, son église. Les habitants s’étaient multipliés, mais vraiment
pauvrement, et il n’y avait rien pour les vieillards. Soeur Rosalie meurt le 7
février 1856 sans voir se réaliser son désir.
La chambre-oratoire- La supérieure qui lui succède continue les démarches. En
1858, la maison natale de Soeur Rosalie est achetée avec plusieurs maisons
avoisinantes et quelques travaux d’aménagement sont exécutés. La chambre où est
née Jeanne-Marie Rendu est transformée en petit oratoire.
Hospices et orphelinat – Le 11 avril 1860, trois premières
soeurs arrivent à Confort. Peu à peu surgissent d’autres bâtiments. Deux ailes
s’adjoignent au bâtiment principal. Dans l’aile gauche, est installé l’hospice
des vieillards, dans l’aile droite, l’orphelinat et l’asile qui reçoit, au
patronage, les enfants du village. Les soeurs, plus nombreuses, visitent aussi
les personnes isolées ou malades chez elles. Une aumônerie est bâtie et sera
transformée ultérieurement en villa Saint Vincent pour recevoir, en été, une
colonie de vacances. Un établissement comprenant externat et pensionnat est
confié aux Frères des Écoles chrétiennes pour l’enseignement des garçons.
Tout ce travail est effectué en 15 ans (1861-1875). En 1876, l’orphelinat
compte 45 filles. Il y a deux salles de vieillards. L’exploitation d’une ferme
permet à tous les résidents de cette époque d’être nourris et de pourvoir aux
besoins de la maison.
La statue N.-D. de Confort – Plus tard, le petit oratoire
primitif est agrandi, transformé en chapelle pour l’hospice devenu Hôtel-Dieu.
Le 12 février 1928 ; la chapelle achevée est solennellement bénite et
dédiée à la Vierge Marie de la Médaille Miraculeuse. La vénérable statue de
Notre-Dame de Réconfort trouve refuge et place d’honneur dans ce nouvel
édifice, car la petite chapelle de la place du village n’existe plus, sacrifiée
à l’alignement de la route nationale.
Au cours des années, l’établissement évolue, se transforme, s’agrandit, se
modernise. L’orphelinat disparaît en 1951. L’Hôtel-Dieu devient Maison de
Retraite. Depuis quelques années, la gestion en est confiée à l’Association
Santé et Bien-être. Une communauté de Filles de la Charité demeure sur place
auprès des personnes âgées et malades et perpétue ainsi, par sa présence, le
souvenir de Soeur Rosalie dans son pays natal.
Le
Séminaire : Où la jeune novice retrouve son parrain
Un parrain célèbre – Le parrain de Jeanne-Marie était un
prêtre : « Monsieur » Emery, comme on disait alors. Originaire
de Gex, Jacques-André Emery était devenu Supérieur de la Compagnie des Prêtres
de Saint-Sulpice, à Paris, du nom de l’église où la communauté avait été
fondée, par M. Olier, au XVIIe siècle. Pour le baptême de sa filleule, en
raison de son éloignement du Pays de Gex, M. Emery s’était fait remplacer par
le grand-père Rendu. Et voici que, 16 ans plus tard, il retrouve Jeanne-Marie
chez les Filles de la Charité ses « voisines », qu’il connaît bien.
Conseiller des Filles de la Charité – En effet, les prêtres de
la mission, fondés également par saint Vincent de Paul, avaient été persécutés
durant la Révolution. Dispersés, déportés ou exécutés sur l’échafaud, ils
n’avaient pas pu aider la Congrégation des Filles de la Charité qui avaient
trouvé en M. Emery le conseiller prudent et avisé dont elles avaient besoin.
Elles-mêmes furent en butte à la persécution. On compte plusieurs martyres
Filles de la Charité, béatifiées par le pape Jean-Paul II. Sous la Terreur, la
Soeur Deleau, Supérieure Générale, avait dû partir en exil. Elle revient après
la chute de Robespierre. Avec l’aide de M. Emery, elle dirige la Compagnie,
réduite à une vie cachée, sans visibilité. Car les Soeurs avaient dû se
séculariser, abandonner leur habit religieux ainsi que l’enseignement à cause
des serments à la Constitution civile du clergé qu’on exigeait d’elles. Mais le
Ministre de l’Intérieur, M. Chaptal, avait fait appel aux Filles de la Charité
pour s’occuper des hospices qui étaient dans un état délabré.
Dans un arrêté du 22 décembre 1800, il autorise la venue d’une communauté, 11,
rue du Vieux-Colombier tout près de l’église Saint-Sulpice.
La Maison du Vieux-Colombier – M. Emery y vient dire la Messe
pour les religieuses et les entendre en confession. Les Soeurs ont le droit de
former des élèves. Un noviciat s’organise donc. La chapelle est restaurée
depuis peu lorsque, le 4 mai 1802, on y reçoit le corps de Louise de Marillac,
la co-fondatrice. Là, Jeanne-Marie rencontre son parrain pour qui elle éprouve
un grand respect. « Je le regardais comme un oracle », écrit-elle.
Elle n’oubliera jamais son enseignement résumé dans cette formule :
« Mon enfant, il faut qu’un prêtre et une Soeur de la Charité soient comme
une borne qui est au coin d’une rue et sur laquelle tous ceux qui passent
puissent se reposer et déposer les fardeaux dont ils sont chargés. » C’est
bien ce que veut être et sera la jeune jurassienne pour tous les marginaux de
son quartier.
A l’école de Monsieur Emery elle se forge une âme de Fille de la Charité. Elle
écrit elle-même : « Il avait avec notre maison des rapports très
intimes et nous faisait beaucoup de bien. Il nous faisait lui-même des
instructions et nous donnait des avis salutaires. Et quels beaux sujets
d’oraison nous donnait Monsieur Emery sur l’humilité ! Il avait lui-même
une grande dévotion à saint Vincent de Paul, l’invoquait souvent et nous
excitait bien à l’invoquer et à l’imiter. Il nous exhortait aussi bien
puissamment à la dévotion envers la Très Sainte Vierge et il nous recommandait de ne jamais manquer à dire chaque jour le chapelet. (…)
Monsieur Emery venait m’y visiter tous les jours et je ne puis vous dire toutes
les attentions et les bontés qu’il a eues pour moi. (…) Quelquefois même, il y
avait dans ses corrections quelque chose de malin ou de piquant, mais tout cela
était assaisonné de charité et d’esprit de foi. Et toujours il portait avec lui
le caractère d’un véritable prêtre, animé de l’esprit de son état. (…) Il était
en fait l’oracle et la lumière de notre maison. Sa grande maxime était de ne
jamais anticiper sur les desseins de la Providence et d’aller toujours à sa
suite. Il me faut, disait-il, aller du jour au jour. »
Une novice externe ! – Jeanne-Marie ne resta pas
longtemps au séminaire. La supérieure, chargée de la formation de la future Soeur
Rosalie, est la Soeur Gilette Julienne Ricourt, une bretonne de 40 ans, pieuse
et expérimentée. Mais la jeune novice, malgré sa fidélité aux exercices
religieux et son courage, ne peut éviter un sentiment pénible d’enfermement et
d’inactivité. « Elle était d’une extrême sensibilité physique et morale…
Après quelques mois de séjour, elle tombe si dangereusement malade que pour la
faire changer d’air et hâter sa convalescence, elle fut envoyée près de la Soeur
Tardy, rue des Francs-Bourgeois Saint Marcel. »
La voilà donc envoyée dans un quartier insalubre, sans aucune hygiène, pour
« changer d’air » et se refaire une santé ! Mais qu’en pense son
parrain ? « Lorsque Monsieur Emery me vit placée dans le Faubourg
Saint Marcel, où il y avait tant de pauvres, il en fut satisfait et il me
dit : « C’est bien là ce qu’il vous faut, vous serez la servante de
tous les pauvres. »
De fait, elle devait effectuer là, au service des pauvres, avant même sa prise
d’habit, la plus grande partie de ses cinq ans de noviciat, avant de retourner
rue du Vieux Colombier pour ses premiers voeux.
Le miracle
de Soeur Rosalie
La béatification de Soeur Rosalie (9 novembre 2003 à Rome) est l’aboutissement
d’un « procès » canonique ouvert en 1974. Pour être honorée
publiquement dans l’Église, il fallait d’abord que soit reconnue
« l’héroïcité des vertus » dont elle a fait preuve. Il fallait aussi
que soit reconnu un miracle obtenu par son intercession. C’est une guérison,
datant de 1952, qui a été retenue par la Congrégation romaine pour la Cause des
Saints. Le décret d’approbation a été lu en présence du pape Jean-Paul II le 12
avril 2003. Voici le récit de ce miracle.
Récit de la guérison de Soeur Thérèse – Soeur Thérèse
elle-même, à L’Haÿ-les-Roses, a écrit le 20 février 1996, le récit de sa
guérison. Depuis 1937, elle était à la rue des Meuniers. En 1942, elle devient
institutrice à la classe enfantine puis au Cours Moyen. En 1950, elle commence
à sentir des troubles moteurs avec une paralysie qui se développe et rend la
marche parfois impossible. Fortement encouragés par la Supérieure, Soeur
Laugier, la Communauté et les élèves, ainsi que bien d’autres personnes, prient
et sollicitent la guérison de la malade par l’intercession de Soeur Rosalie
Rendu. « Ma paralysie augmente et l’année scolaire 50-51 se termine par un
séjour à l’hôpital Saint Joseph… Le professeur Thomas diagnostique :
« Syringomyélite ». Il prescrit des applications de radium sur la
colonne vertébrale deux fois par semaine… La paralysie augmente : on me
traîne à ma classe sur un fauteuil roulant. Je suis toute courbée et ne vois
pas mes élèves, impressionnées par mon état et qui n’ont jamais été aussi
disciplinées… »
En 1952 « je ne fais plus la classe. Les prières redoublent avec les
recommandations à soeur Rosalie. Soeur Laugier promet même de me conduire à sa
tombe le 2 février ». Le 31 janvier, la Soeur Laugier lui demande de ne se
lever qu’à 9 h. « J’ai répondu : à 9 h. 15, s’il vous plaît ma
Soeur ». Nuit affreuse ! A 9 h. 15, je saute du lit… Mais quoi ?
Je m’habille comme avant… rhabillée, je me rends compte que je suis guérie. Je
fais deux ou trois fois le tour de ma chambre en gambadant. Puis je m’assieds,
anxieuse, que vont dire nos Soeurs ? Soeur Madeleine vient me voir, je
danse devant elle, ébahie ! « Vous êtes folle ! »
« Non, je suis guérie »… Soeur Laugier arrive du marché. « Il
faut remercier Soeur Rosalie, allons à la chapelle »… et c’est un vibrant
» Magnificat. » Quant à mes élèves, que je vais voir ensuite, après
m’avoir caressée pour voir si c’était bien moi, elles courent comme des folles
dans tout le quartier jusqu’à la Porte Dorée en criant à tout venant :
« Soeur Thérèse est guérie ! » L’après-midi, la cour est
remplie des parents qui n’en croient pas leurs yeux… Avec la Soeur de la
Crèche, je commence mes pèlerinages par le Sacré-Coeur de Montmartre. Nous
grimpons jusqu’à la basilique, à pied bien sûr… Ma compagne est fatiguée, pas
moi ! Je reste à genoux avant de redescendre à pied et en métro. …
Cimetière Montparnasse, le 2 février… depuis… je marche toujours. C’était le
1er février 1952… il y a 44 ans ! » Agée de 93 ans, Soeur Thérèse
est actuellement (année 2003) en résidence à la Maison Saint Vincent de
L’Haÿ-les-Roses (Val de Marne)
La servante
de tous
Nous avons laissé Jeanne-Marie Rendu – devenue Soeur Rosalie,
son nom de religieuse -, lors de sa période de noviciat qui s’est terminée par
sa profession religieuse en 1807. Elle a alors 21 ans. Jeanne-Marie a déjà fait
son apprentissage en accompagnant les Soeurs dans la visite des malades et des
pauvres. Entre-temps, elle enseigne le catéchisme et la lecture aux petites
filles qui sont accueillies à l’école gratuite. Désormais, comme le font les
Filles de la Charité, elle renouvellera chaque année avec joie ce don
d’elle-même au service de Dieu et des pauvres.
Une supérieure de 29 ans – En 1815, Soeur Rosalie devient la
supérieure de la Communauté de la rue des Francs-Bourgeois qui sera transférée
deux ans plus tard rue de l’Épée de Bois, pour des raisons de commodité. Ses
capacités de dévouement, d’autorité naturelle, d’humilité, de compassion, ses
capacités d’organisation vont pouvoir se révéler. « Ses pauvres »,
comme elle les appelle sont de plus en plus nombreux ; en cette période
troublée. Les conséquences de la Révolution et des guerres napoléoniennes,
aggravées par un libéralisme économique triomphant, ont multiplié les laissés
pour compte.
Attentive à toutes les misères – Soeur Rosalie envoie ses
soeurs dans tous les recoins de la paroisse Saint-Médard pour apporter des
vivres, des vêtements, des soins, une parole réconfortante. Les « Dames de
la Charité » aident dans les visites domicile. La jeune Conférence de
Saint Vincent de Paul, avec le (futur) bienheureux Frédéric Ozanam, vient
chercher près de Soeur Rosalie soutien et conseils pour leur rencontre avec
tous les démunis. Soeur Rosalie est particulièrement attentive aux prêtres et
aux religieuses atteints de troubles psychiques. Sa correspondance est brève
mais émouvante de délicatesse, de patience et de respect pour ces malades.
Un réseau d’oeuvres de charité – Pour venir en aide à tous
ceux qui souffrent et aux différentes formes de pauvreté, Soeur Rosalie ouvre
un dispensaire, une pharmacie, une école, un orphelinat, une crèche, un
patronage pour les jeunes ouvrières, une maison pour vieillards sans
ressources. Bientôt, tout un réseau d’oeuvres charitables vient contrer une
misère sans cesse renaissante. Car les détresses ne manquent pas dans ce
quartier Mouffetard. Les épidémies de choléra se succèdent. Le manque
d’hygiène, la misère, favorisent leur virulence. Spécialement en 1842 et en
1846, le dévouement et les risques pris par Soeur Rosalie et ses Filles ont
frappé l’imagination. On l’a vu ramasser elle-même les corps abandonnés dans
les rues.
Aussi, sa notoriété dépasse vite son quartier et gagne l’ensemble de la
capitale et même les villes de province. La Supérieure du Bon Sauveur de Caen
lui envoie de nombreuses personnes à secourir.
« Que le riche subventionne le pauvre ! » – Pourtant, Soeur
Rosalie ne se laisse pas déborder par la tâche écrasante. Elle sait s’entourer
de collaborateurs dévoués et efficaces, de plus en plus nombreux. Les dons
affluent, car les riches ne savent pas résister à cette femme persuasive. Même
les souverains qui se sont succédés à la tête du pays ne l’oublient pas dans
leurs libéralités. Napoléon III décide en 1852 décide de lui remettre la Légion
d’Honneur : elle est prête à refuser cet honneur personnel, mais Monsieur
Etienne, Supérieur des Prêtres de la Mission et des Filles de la Charité,
l’oblige à accepter. De fait, à sa mort en 1856, une foule immense et unanimement
émue suit sa dépouille jusqu’au cimetière Montparnasse.
On comprend l’épitaphe gravée sur sa tombe : « A la bonne Mère
Rosalie, ses amis reconnaissants, les pauvres et les riches ». Une
inscription juste au-dessus en latin : « pertransivit bene faciendo »
(Elle a passé en faisant le bien), parole désignant Jésus dans les Évangiles.
De fait, c’est l’amour du Christ qui l’a guidé toute sa vie et c’est bien Lui
qu’elle servait en servant les pauvres.
A travers
trois Révolutions : le chemin du pardon
Soeur Rosalie, sans quitter pratiquement sa mission parisienne et le quartier
Mouffetard, n’a pas eu pourtant une vie de tout repos. Elle a traversé trois Révolutions
tout en gardant au coeur la même foi, la foi qui garde ferme dans l’espérance
de la vie éternelle et qui s’épanouit en charité, celle qui ne passera jamais.
Comme la charité, dont parle Saint Paul dans sa Lettre aux Corinthiens, Soeur
Rosalie endure tout, supporte tout…
1789 ! La Révolution est en marche
qui met fin à « l’Ancien Régime » et, dès le début, elle se retourne
contre l’Église. Constitution civile du clergé, poursuite des prêtres
insermentés jusque dans la maison de la famille Rendu à Confort. La future Soeur
Rosalie est témoin, chez elle, à l’âge de 7 ans, d’une messe clandestine. (cf.
EPA n°11, p.539).
1830 ! Les « Trois
Glorieuses » : 27-28-29 juillet 18Paris est couvert de barricades.
Pendant qu’à la rue de l’Épée de Bois, on s’occupe des blessés – émeutiers ou
soldats – Soeur Rosalie part à la recherche du général de Montmahaut, un
bienfaiteur des pauvres porté disparu. Risquant sa vie, elle franchit les
barricades. Elle le découvre grièvement blessé, place de l’Hôtel de Ville… Elle
le ranime : il est sauvé ! Les révolutions sont toujours
impitoyables ; la justice des lendemains de révolution l’est souvent. Des
personnes qui s’étaient compromises pendant les émeutes sont venues chercher
refuge chez Soeur Rosalie qui les a protégées et a facilité leur fuite. Ordre
est donné au Préfet de Police, Gicquel, d’arrêter Soeur Rosalie. « Impossible,
dit le policier chargé de l’exécution. Tout le peuple prendrait les
armes ! » Qu’à cela ne tienne, le Préfet s’y rendra lui-même.
Traversant la foule, il demande à parler à Soeur Rosalie. Très aimablement, il
est prié d’attendre son tour. Ensuite s’engage le dialogue : – Que puis-je
faire pour vous rendre service, dit-elle. – Madame, je ne suis pas venu pour
vous demander un service, mais pour vous en rendre ; je suis Le Préfet de
Police et je veux savoir comment vous avez osé vous mettre en rébellion contre
la loi. – Monsieur le Préfet, je suis Fille de la Charité, je viens en aide aux
malheureux partout… Si vous étiez poursuivi, je vous porterais secours, je vous
le promets ! – Ne recommencez pas, répond le Préfet surpris. – Cela, je ne
peux pas vous le promettre. Une Fille de Saint Vincent ne peut manquer à la
Charité.
1848 ! De nouveau l’horizon se
charge de nuages ! Une bourgeoisie triomphante, insolente, et une partie
du peuple qui tend une oreille favorable aux sirènes révolutionnaires ! Et
ce fut le même déroulement qu’en 1830 : batailles de rues dans tout
Paris ! Une forte barricade avait été dressée à l’angle de la rue
Mouffetard et de la rue de l’Epée de Bois. Elle était bien défendue ! Un
officier de la Garde Mobile avait gravi la barricade avec ses troupes… mais
tous ses hommes étant tombés sous la rafale des manifestants, il reste seul au
milieu des émeutiers en furie, il se précipite alors dans la petite cour de la
maison des Soeurs : les fusils des manifestants se braquent sur lui. Sr Rosalie
s’interpose en criant : « On ne tue pas ici ! » –
« Non ! mais dehors ! On l’emmène ! ! « . Sr Rosalie
refuse. Les hommes, ivres de sang, vont faire feu par dessus les épaules des
soeurs qui entourent le condamné. Mais Soeur Rosalie s’est jetée à genoux :
« Au nom de tout ce que j’ai fait pour vous, pour vos femmes et vos
enfants, je vous demande la vie de cet homme ! » Les fusils
s’abaissent… quelques hommes pleurent… l’officier est sauvé ! – Qui
êtes-vous, ma Soeur ? demande-t-il. Rien, Monsieur, une simple Fille de la
Charité. Oui ! Une simple Fille de la Charité… rien que cela ! Mais
vraiment cela !
Le rôle joué par Sr Rosalie en une période troublée de notre histoire rappelle
l’action de M. Vincent en son temps. Comme lui, avec réalisme, intelligence et
audace, à travers émeutes et révolutions, elle a mis tout en oeuvre pour la
défense des faibles et le rapprochement des catégories sociales. Grâce à son
Charisme personnel et à sa foi, la communauté du quartier Mouffetard a tracé un
chemin vers la justice et vers la paix.Saint Vincent disait aux premières
soeurs : « Si l »on vous mène voir l’évêque… dites-lui que vous
êtes pauvres Filles de la Charité qui vous êtes données à Dieu pour servir les
pauvres ». C’est bien cette identité que Sr Rosalie a incarnée
merveilleusement pendant 54 ans au quartier Mouffetard.
Des
funérailles triomphales
Soeur Rosalie s’est dévouée de tout son être sans jamais prendre de vacances,
heureuse d’apporter à cette part de l’humanité délaissée qu’étaient les
habitants de son quartier le nécessaire matériel pour survivre, le réconfort
affectif et moral pour la maintenir ou la rétablir dans leur dignité, la Parole
de Dieu qui lui redonne l’espérance. Tout cela au prix de son propre confort,
n’accordant à son corps aucun instant de repos, fortifiant son esprit par une
prière continue, sa volonté par un abandon total à la Grâce. Mais voici que
viennent l’âge et les infirmités…
Soeur Rosalie devient aveugle – Depuis 1854, Soeur Rosalie est
devenue presque aveugle, voyant à peine suffisamment pour se diriger dans la
maison, mais semblant retrouver la vue au moment de soigner les pauvres qui se
présentaient. On veut faire une neuvaine à Sainte Germaine pour obtenir sa
guérison. Elle se récuse. « N’en faites rien. Je serais effrayée d’être la
personne choisie par Dieu pour être l’objet d’un miracle. Je croirais qu’Il
demande de moi des choses extraordinaires, j’en serais troublée et puis on
s’imaginerait peut-être que je l’ai obtenu par vertu. » En juillet 1855,
elle fait écrire par une de ses soeurs une lettre à sa mère, à Confort. Elle
réussit à ajouter ces quelques mots de sa propre main : »Je vous
envoie quelques lignes qui vous montreront mon infirmité. Que je sens vivement
la privation de ne pas vous en dire davantage. Je n’ai pas besoin de vous dire
de prier pour moi afin qu’il me donne patience et résignation . » En
octobre de la même année, on tente une opération de la cataracte par l’un des
plus habiles chirurgiens de l’époque : c’est l’échec.
Le pressentiment de la fin – « J’ai grand peur de la mort »,
avait-elle confié à Soeur Tissot. « Si Dieu veut me donner encore quelques
années sur cette terre, je ne demande pas à la quitter ! » On pense
au « non recuso laborem » de saint Martin. Dans la nuit du 4 février
1856, elle prend froid. Elle ne veut pas déranger la soeur qui est près d’elle.
Au matin, le médecin diagnostique une pleurésie.
« Les pauvres ne sont pas si bien que moi », répond-elle lorsqu’on la
plaint. On lui avait posé un vésicatoire et la serviette qui l’entourait avait
pesé sur la plaie toute ensanglantée. – « Ma Mère, lui dit la soeur
infirmière, n’avez-vous donc rien senti ? » – « Oui, je le
sentais, mais c’était un clou de la croix de Notre Seigneur et je voulais le
conserver. »
Les derniers moments- Le 6 février au matin, elle semble aller mieux, prend un
bouillon. Mais, peu après midi, la douleur de côté reparaît, le pouls
s’accélère, la langue s’embarrasse, quelques mots annoncent le délire. On court
chercher le curé de Saint-Médard qui lui donne l’extrême-onction et récite les
prières des agonisants. La mourante fait le signe de la croix et retombe dans
le coma. Elle s’éteint le lendemain 7 février à 11 heures, « sans
agitation, sans agonie, comme si elle était passée d’un sommeil léger à un plus
profond repos. » Ses dernières paroles sensées sont pour ses pauvres et
pour son Dieu : « Apprenant qu’un pauvre avait demandé à rester sur
le carré pour réchauffer ses membres engourdis par le froid, elle
s’écria : et moi qui grelotte dans un bon lit, portez-lui de suite une
couverture… Mes enfants, mes chers enfants, quand je ne serai plus, ô mon Dieu,
vous ne les abandonnerez pas ! «
La nouvelle de sa mort se répand comme une traînée de poudre. C’est la
consternation. Le 8 février, son corps est exposé dans une chapelle ardente.
Une longue procession se forme jusqu’à la nuit tombée et recommence le jour
suivant. Un grand silence s’est étendu sur tout le quartier. Beaucoup accourent
de Paris et de la banlieue. La Cardinal de Bonald, archevêque de Rouen, fait toucher
sa croix pectorale au corps de la soeur comme aux reliques d’une sainte.
Les funérailles – Le samedi 9 février ont lieu les obsèques.
Ce jour-là a été chômé comme un beau dimanche. Toutes les fenêtres étaient
occupées. A peine pouvait-on circuler dans les rues, la population se portait
vers la maison de l’Épée de Bois pour jeter une dernière goutte d’eau bénite
sur le cercueil. La foule se reportait ensuite sur l’église S. Médard dont on
avait fermé les portes pour que les Soeurs de S. Vincent de Paul puissent y
trouver place. Ainsi, la Croix de procession a pu circuler librement dans les
rues de Paris, contrairement aux règles laïques alors en vigueur. La Croix qui
indiquait la Source d’une vie rayonnante de Charité.
La
« mère » de la Société de S. Vincent de Paul
Au lendemain de la
Révolution de 1830, au milieu de l’effervescence des esprits, des catholiques
s’engagent, simplement pour être fidèles à l’Évangile… Il y avait à ce
moment-là, à la Sorbonne, toute une jeunesse studieuse, désireuse d’insuffler
une vie nouvelle à cette société malade. Un petit groupe, en particulier, se
réunissait dans une sorte de cercle d’études appelé « Conférence
d’histoire ». Les réunions avaient lieu chez Emmanuel Bailly, un laïc,
prototype du militant d’Action catholique. Parmi les membres de ce cercle se
trouvaient Frédéric Ozanam, Paul Lamache, Félix Clavé, Auguste Letaillandier,
François Lallier et quelques autres. Leur chemin va croiser celui de Soeur
Rosalie…
Des
Conférences d’Histoire… – Au lendemain de la Révolution de 1789, de nombreuses
oeuvres avaient vu le jour pour le service des déshérités, à l’initiative de
laïcs catholiques. L’un d’eux, Emmanuel Bailly, né en 1794, homme effacé et
infatigable dans les bonnes oeuvres, avait quitté sa charge de professeur de
philosophie à Juilly pour fonder à Paris, en 1825, la « Société des bonnes
études » qui s’installe place de l’Estrapade. On y trouve bibliothèque et
salles de conférence. C’est un embryon d’Institut catholique en même temps
qu’une pension de famille pour étudiants.
Le 1er décembre 1832, Emmanuel Bailly inaugure des « Conférences
d’Histoire » qui étaient l’occasion de vives discussions, car les
étudiants qui les suivaient n’étaient pas tous chrétiens et il y avait parmi
eux de jeunes saint-simoniens répétaient ce qu’ils avaient appris de leurs
maîtres : « que la religion chrétienne avait fait son temps, que la
magnifique translation des reliques de Saint Vincent de Paul en 1830 avait été
le solennel enterrement de la charité ». Et voici qu’un soir un jeune orateur,
nommé Colson, attaque l’Église, « qui a fait son temps », et met en
doute la vitalité de la foi des jeunes chrétiens présents à la séance.
… aux Conférences de Charité – Ozanam fait partie de
l’auditoire et répond vigoureusement à l’orateur. Mais, à l’issue de la soirée,
il confie à ses amis croyants : « Ne vous semble-t-il pas qu’il est
temps de joindre l’action à la parole, et d’affirmer par des oeuvres la
vitalité de notre foi ? » On décide alors de demander conseil à Emmanuel
Bailly qui approuve pleinement l’idée d’une réunion fraternelle de jeunes gens
résolus à s’occuper uniquement d’oeuvres de charité. Ils sont 6 jeunes gens
qui, sur les conseils de Soeur Rosalie, décident d’aller visiter les pauvres à
domicile.
Leur première réunion se tint dans les bureaux du journal qu’éditait Monsieur
Bailly, La Tribune Catholique, le mardi 23 avril 1833, à 20 heures : ce
jour-là Ozanam fêtait ses 20 ans ! A l’unanimité, les six jeunes gens
choisirent de nommer la réunion Conférence de charité et, sur la demande de
Jean-Léon Le Prévost, ils adoptèrent pour patron saint Vincent de Paul. Ainsi
naquit très humblement la plus grande association de charité des temps
modernes, qu’on appelle aujourd’hui la Société de Saint Vincent de Paul.
Les conseils de Soeur Rosalie – On se demanda quels pauvres
visiter et comment les secourir. Emmanuel Bailly – qui connaissait
personnellement Soeur Rosalie – les envoie rue de l’Épée de Bois. Elle
« approuva beaucoup ce projet, indiqua des pauvres, et conseilla de donner
des bons en nature à la place d’argent dont les pauvres abuseraient ».
Ils apprennent avec elle à voir Notre Seigneur dans les pauvres et la manière
chrétienne de les aborder, de les respecter, de les considérer comme des
frères, riches en humanité. Ainsi, elle « leur recommandait la patience
qui ne croit jamais perdu le temps qu’on passe à écouter le pauvre,
l’indulgence plus portée à plaindre qu’à condamner, enfin la politesse, si
douce à celui qui n’a jamais rencontré que dédain et mépris… »
Unis au-delà du politique – Qu’ils soient libéraux voire
républicains, comme Ozanam, ou monarchistes comme Armand de Melun – qui sera le
premier biographe de Soeur Rosalie – ce qui faisait leur unité, note. Lallier,
ami d’Ozanam, c’était « l’obéissance aux commandements de Dieu et un amour
filial pour l’Église catholique qui en a la garde ».
En janvier 1835, les membres sont Sur les conseils de Soeur Rosalie, ils
décident de se séparer et à la Conférence de St-Étienne-du-Mont s’ajoute
désormais celle de Saint-Sulpice. Soeur Rosalie obtint bientôt une Conférence
pour « sa » paroisse St Médard, « la plus pieuse de la
capitale », écrira Ozanam.
Simple religieuse de terrain, elle conseille ces jeunes intellectuels et leur
apporte une aide directe. Un jour, voyant dans son cabinet ces étudiants des
grandes Écoles, venant chercher une bonne oeuvre ou en rendre compte, elle
s’écrie : « Je les ai tous réunis pour le service de Dieu ; ils
ont tous travaillé pour sa gloire : quelle bonne journée pour eux !
«
Échos de la béatification
Échos de la béatification
Les 55 pèlerins du
diocèse de Belley-Ars et des Familles Rendu-Larracine qui s’y rattachaient,
conduits par Mgr Bagnard, s’étaient joints aux quelque 500 pèlerins du diocèse
de Paris et de la Famille vincentienne (Soeurs de la Charité, Pères Lazaristes,
Équipes Saint Vincent, Société de saint Vincent de Paul, Jeunesses mariales)
qui s’étaient déplacés à Rome sous la conduite du Cardinal Lustiger, archevêque
de Paris. Tous ont pu participer à la béatification du dimanche 9 novembre et
aux autres rencontres prévues, notamment à l’Ambassade de France. L’État
français était représenté par le Ministre des Transports, M. Gilles de Robien,
accompagné de son épouse.
1. Un
pèlerinage : aux sources de la foi – « Soeur Rosalie, borne
d’amour sur le chemin du malheureux ; Soeur Rosalie, borne d’amour sur le
chemin qui mène à Dieu » – Ce refrain, au premier abord surprenant, nous
l’avons entendu fredonner mainte et mainte fois par nos deux soeurs,
pétillantes d’humour, Mesdemoiselles Blanc Madeleine et Suzanne… L’image de la
« borne » vient de Soeur Rosalie elle-même : « Une Fille de
la Charité est comme une borne sur laquelle tous ceux qui sont fatigués ont le
droit de déposer leur fardeau. » Beaucoup participaient pour la première
fois à une Béatification. Et lorsqu’il s’agit d’une enfant du Pays, cela vous
saisit !
Nous voilà donc posés sur le sol romain, vendredi 7 novembre à 20hEt dès le
samedi matin nous marchons sur les pas de Saint Pierre, le premier Pape choisi
par Jésus, convaincu de tout devoir à son Maître qu’il a renié .
« Seigneur tu sais tout, tu sais bien que je t’aime ! » (Jn 21,
17) – Un séminariste, Frère de la Communauté du Verbe de Vie, nous remet en
mémoire l’Histoire de la Basilique et de son riche symbolisme. Citons seulement
la fameuse double colonnade du Bernin évoquant les bras de la Mère Eglise,
accueillant tous ses enfants et les hommes de Bonne Volonté pour les introduire
dans le Coeur de Dieu.
Devant la façade, à droite et à gauche des marches qui précèdent le parvis, les
colossales statues de St Pierre et St Paul, rappellent que l’Annonce
évangélique destinée aussi bien au peuple choisi, les Juifs – auxquels Pierre
va s’adresser à la suite de Jésus. – qu’aux Nations lointaines qui ne
connaissent pas le Dieu d’Abraham et auxquelles Paul sera envoyé.
Tout pèlerin qui va à Rome entend faire une démarche de conversion et de foi au
Christ et à l’Eglise qu’Il a engendrée par son Sang sur la Croix, avec la
coopération de Marie (Jn 19, 26-27), et qu’Il a confiée à ses Apôtres. Un
pèlerinage nous rappelle notre condition à la fois charnelle et spirituelle.
Nous faisons l’expérience concrète d’aller vers Dieu avec toute notre
personne : corps, soeur et âme, avec nos facultés plus ou moins
disponibles… Le pèlerinage est donc un rite au sens où « le Petit
Prince » de Saint Exupéry le définit : « un rite, c’est ce qui
fait qu’un jour est différent des autres jours, une heure différente des autres
heures ». C’est la rupture avec l’engrenage quotidien pour se rendre
attentifs à la Parole de Dieu, à l’enseignement de l’Église, au témoignage des
saints qui retrouvent une nouveauté étonnante…
Pour un catholique, le pèlerinage à Rome comprend à la visite des quatre
Basiliques Majeures : St Pierre, St Jean du Latran, Ste Marie Majeure, St
Paul-Hors-les-Murs. C’est ce que nous avons voulu faire pendant ces trois
journées. Bien sûr, nous avons admiré ces joyaux de l’architecture, de la
sculpture, de la mosaïque. Mais surtout, nous nous sommes arrêtés pour prier en
présence de Jésus-Eucharistie, devant les tombeaux de St Pierre, de St Paul, du
bienheureux Jean XXIII dont on a placé le corps intact tout près de l’autel de
St Pierre, à droite du Baldaquin. En visitant le baptistère de saint Jean de
Latran, nous avons, dans l’action de grâces, pris une conscience renouvelée
pour le cadeau infini reçu lors de notre Baptême. Le Père Thierry Blot et un
père Bénédictin nous ont proposé une célébration qui nous permettait de
renouveler notre profession de Foi en Dieu-Trinité, en la Résurrection de la
chair, en la Vie Éternelle.
Samedi soir à 18h30, s’ouvraient les
cérémonies liées à la Béatification de Soeur Rosalie, avec une Messe solennelle
célébrée en l’église St Louis des Français pour les pèlerins de langue
française. Elle était présidée par le Cardinal Lustiger, archevêque de Paris
(où Soeur Rosalie a vécu 54 ans), assisté de Mgr Guy-Marie Bagnard, évêque de
Belley-Ars (Soeur Rosalie est née dans l’Ain et y a vécu jusqu’à l’âge de 16
ans). L’un et l’autre avaient quitté Lourdes et l’Assemblée des Évêques pour
représenter à Rome l’Église de France. Arrivé tôt, notre groupe a l’honneur de
se trouver dans les premiers rangs, et plusieurs sont choisis pour faire les
lectures, la prière universelle et participer à la procession des Offrandes. Le
Cardinal nous a tenu en haleine dans son homélie sur la signification du geste
de Jésus chassant les vendeurs du Temple. Il faut comprendre que la Présence du
Messie met fin à tous les sacrifices de l’ancienne Alliance et que désormais,
Jésus, le Nouveau Temple de Dieu, ouvre à tous les peuples, par son unique
Sacrifice, l’accès à la Maison de Dieu, « Maison de prière pour toutes les
nations » (Marc 11, 17 et 28).
Dimanche 9
novembre. 7h30 : ouverture des barrières qui permettent d’entrer sur la Place
St Pierre où sera célébrée la Béatification de Soeur Rosalie et de quatre
autres Bienheureux Juan Nepomuceno Zegrí Moreno, fondateur des Soeurs
« Mercedarie » de la Charité ; Valentin Paquay, prêtre belge de
l’Ordre des Frères Mineurs ; Luigi Maria Monti, fondateur des Filles de
l’Immaculée Conception ; Bonifacia Rodríguez Castro, fondatrice des
Servantes de St Joseph. Quand nous arrivons, la file des pèlerins est déjà très
longue ; nous l’intégrons jusqu’à ce que nous puissions atteindre la
« bonne place » pour voir l’autel et l’écran qui projette la
cérémonie. Au total 30.000 pèlerins environ. De nombreux concélébrants dont Mgr
Legagneur, prêtre de la famille Rendu. Il y a aussi dans notre groupe le Père
Xavier Rendu, prêtre du diocèse de Belley-Ars, en mission à Grandvilliers dans
l’Oise. Lorsqu’apparaît la voiture de notre Pape Jean-Paul II, les
applaudissements crépitent, les ovations résonnent de toutes parts. Très vite
un silence impressionnant s’impose et permet d’entrer dans la prière.
C’est d’abord la présentation de chaque Bienheureux dont le portrait est
dévoilé au-dessus du podium, Bientôt, la voiture du Saint Père est poussée à
droite de l’autel d’où il vivra humblement l’Eucharistie avec l’intensité et la
ferveur que nous lui connaissons dans la prière. Longtemps agenouillé au moment
de la Consécration, il reste plongé dans l’Adoration et la Communion
mystérieuse avec tous ces saints, immense Famille de Frères aînés dans la Foi
et le don de leur vie par Amour pour le Christ et son Église.
Le regard de Soeur Rosalie semble fixer chacun de ceux qui se tournent vers
lui. Regard profond, grave et doux à la fois. On ne peut s’empêcher de supplier
ce regard de se poser sur tous ceux qui sont au loin par la distance, mais
tellement proches par la prière ; sur ceux aussi qui ne savent pas ou ne
savent plus combien il est exaltant de donner sa vie au Christ en servant les
plus petits, en se livrant toujours plus à l’Amour de Jésus qui continue à nous
rappeler : » Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume
des cieux est à eux. » (Mt 5, 3)
Lundi 10
novembre. Une Messe d’Action de grâces, toujours présidée par le Cardinal Lustiger,
assisté par notre Évêque, rassemble une grande partie de la Famille religieuse
de Soeur Rosalie, les pèlerins parisiens et ceux du diocèse de Belley-Ars, à
l’église St Grégoire VII, proche de la salle d’audience Paul VI, au Vatican.
L’atmosphère joyeuse de la prière reconnaissante émane de l’Assemblée qui peut
encore admirer le touchant portrait expressif de Soeur Rosalie placé devant le
choeur. Nous chantons ; « Si rude que semble sa route, Le don total
jamais repris Marque ses pas quoiqu’il en coûte, Sous la conduite de
l’Esprit. »
Mardi 11
novembre : Afin de poursuivre notre pèlerinage dans la ligne des serviteurs
pauvres, le Père Roch Valentin nous réserve une dernière Eucharistie pour lier
la gerbe de nos prières en l’église Notre Dame dei Monti, celle-là même où St
Benoît Labre aimait venir prier et où il s’est effondré au moment de faire son
Grand Passage vers le Christ, le Mercredi Saint 16 avril 1783. Après la Messe
nous irons nous recueillir dans la chambre où le boucher du quartier l’avait
transporté ; c’est un lieu de pèlerinage où réside le Saint Sacrement, car
toute la vie du « Mendiant de Dieu », pèlerin de l’Absolu consistait
à prier, à vivre de l’Eucharistie et à demeurer pauvre parmi les pauvres ;
son lieu de repos était l’arche n°43 du Colisée à Rome. »Un jour, les
langues vont se taire, les prophéties disparaîtront. Devant Dieu le Seigneur
notre Maître, Seul l’Amour restera »… « Comme un grand feu en plein
hiver, comme une étoile dans la nuit… »
2. Liturgie
de la béatification
Après le chant d’entrée : « Nous irons dans la joie vers la Maison de
Dieu », et l’acte pénitentiel, c’est la présentation des 5 nouveaux
bienheureux. Les 5 évêques des pays d’origine viennent demander au Pape la
béatification. On lit ensuite une brève biographie de chacun d’eux. On trouvera
ci-dessous la présentation de Rosalie Rendu par le Cardinal Lustiger. Puis le
Pape prononce la formule de béatification (voir l’encadré ci-dessous).
En réponse, l’Assemblée chante un solennel AMEN et la Chorale entonne un
ALLELUIA.
Les évêques des lieux d’origine des nouveaux bienheureux viennent alors
remercier le Saint-Père, ainsi que les postulateurs et échangent et échangent
avec lui le baiser de paix. Suit le chant du Gloria et la liturgie se poursuit
comme d’ordinaire avec les lectures du jour qui sont celles de la fête de la
Dédicace de la Basilique du Latran.
L’homélie du Pape (cf. ci-dessous) commente les lectures et en montre la mise
en oeuvre dans la vie des nouveaux bienheureux. Jean-Paul II n’a lu que le
premier paragraphe de son homélie multilingue, puisque les béatifiés sont
espagnols, italien, belge et français. C’est Mgr François Duthel, un lyonnais,
responsable de la Section française de la Secrétairerie d’État au Vatican, qui
lit le passage de l’homélie concernant Soeur Rosalie Rendu.
La prière universelle fait également référence aux nouveaux bienheureux, en
particulier la troisième intention évoque Rosalie Rendu : « Pour les
responsables de la vie politique et sociale. Que l’Esprit Saint leur donne
lumière et force pour construire la vraie paix sans se laisser arrêter par les
divisions et les injustices. Que le témoignage de Soeur Rosalie Rendu, qui
savait réunir autour d’elle les riches et les pauvres, les aide tous à
surmonter les obstacles et à promouvoir de nouvelles formes de collaboration et
de soutien avec les personnes sans défense et les plus petits. »
3.
Présentation de la nouvelle Bienheureuse par le Cardinal Lustiger
Ce dimanche 9
novembre, à Rome, voici en quels termes j’ai présenté au Pape la servante de
Dieu, Soeur Rosalie Rendu, et je lui ai demandé de la béatifier. Soeur Rosalie
bien qu’originaire de la Bresse (sic ! ) était une vraie parisienne, une « bonne
femme » formidable, Fille de la Charité. Jeanne-Marie Rendu, née le 9
septembre 1786, à Confort dans l’Ain, est baptisée à sa naissance (le jour même
dans l’église de Lancrans, ndlr). Lorsque la révolution éclate, elle a trois
ans. Plusieurs prêtres et même l’évêque d’Annecy qui refusent de prêter le
serment de la Constitution civile du clergé, trouvent refuge dans sa maison
familiale. Sa famille a éveillé Jeanne-Marie à la foi et lui a donné le goût de
la prière. Sa première communion, elle la fait de nuit, dans la cave de la
maison. Elle avait dix ans quand son père meurt ainsi que sa toute-petite
soeur. Jeanne-Marie aide sa mère et garde deux soeurs plus jeunes.
Lorsque la Terreur s’arrête, elle va en pension à Gex. C’est là qu’elle
découvre l’Hôpital où les Filles de la Charité assurent les soins aux malades.
Elle va les aider. Émerveillée par ces soeurs, elle décide, à la suite d’une de
ses amies, de répondre à cet appel de Dieu.
Elle quitte tout et se rend à Paris en 1802 chez les Filles de la Charité ;
elle reçoit le nom de Soeur Rosalie. Ses supérieures l’envoient dans le
quartier Mouffetard – la Mouff’. Le cours de la Bièvre, complètement enterré
maintenant, y avait attiré quantité d’industries parmi les plus polluantes.
Alentour s’entasse une population ouvrière dans la misère noire !
Soeur Rosalie se met au service des plus pauvres, leur fait découvrir leur
dignité et retrouver l’espérance. En 1815, elle devient supérieure de sa
communauté. Ses qualités d’humble dévouement et de compassion pour tant
d’hommes dans la misère et la souffrance attirent beaucoup de personnes qui, à
sa suite, subviennent aux urgences et s’activent à la réinsertion des plus
démunis. Jean-Paul II, lors de la béatification de Frédéric Ozanam à Notre-Dame
de Paris, le 22 août 1997, a souligné que c’est une Fille de la Charité, Soeur
Rosalie Rendu qui a guidé ce jeune universitaire, professeur en Sorbonne, et
ses compagnons, vers les pauvres du quartier Mouffetard, aidant ainsi à la
fondation de la Société de Saint Vincent de Paul.
En juillet 1830, journées d’émeutes à Paris. Avec sa communauté, elle porte
secours aux blessés et cache des personnes en danger, entre autres, Mgr de
Quelen, un de mes prédécesseurs. En février 1848, encore des émeutes. La garde
mobile tire sur les insurgés. L’archevêque de Paris, Mgr Affre, venu en
pacificateur, tombe blessé à mort par une balle perdue. Soeur Rosalie secourt
un officier de la garde mis à mal par des insurgés qu’elle soigne aussi.
S’élevant une fois encore contre la violence et la haine, au risque de sa vue,
elle s’interpose sur la barricade de la rue de l’Épée de Bois et appelle au
calme.
Pendant 54 ans, Soeur Rosalie a parcouru inlassablement ce quartier de Paris,
et y a servi Jésus-Christ dans les plus délaissés. Le 7 février 1856, usée par
ce service, elle meurt après une courte maladie. Elle reçoit de tous un hommage
extraordinaire, comme le montre cette inscription sur sa tombe : « A
la bonne Mère Rosalie, ses amis reconnaissants, les pauvres et les riches ».La
leçon qu’elle nous donne, c’est ce que la force de la foi est capable
d’inventer. On peut trouver chez elle, venue du monde rural et confrontée à un
monde ouvrier urbain très pauvre et très violent, une inspiration pour la
nouvelle évangélisation des villes.
4. Homélie
de Jean-Paul II pour la béatification (extraits)
« Le Temple de
Dieu est sacré et ce temple, c’est vous » (1 Co 3, 7) Nous avons écouté
une fois de plus ces paroles de l’Apôtre Paul que nous propose aujourd’hui la
liturgie solennelle de la fête de la dédicace de la Basilique du Latran,
cathédrale de Rome et Mère de toutes les églises.
Tout lieu réservé au culte divin est un signe de ce temple spirituel qu’est
l’Église, fait de pierres vivantes : les fidèles unis dans la même foi,
par la participation aux mêmes sacrements et par le lien de la charité. Les
saints, en particulier, sont des pierres précieuses de ce temple spirituel.
La sainteté, fruit du travail incessant de l’Esprit de Dieu brille dans les
nouveaux bienheureux : Jean Nepomucène Zegri y Moreno, prêtre, Valentin
Paquay, prêtre, Luigi Maria Monti, religieux, Bonifacia Rodriguez Castro,
vierge, Rosalie Rendu, vierge.
La vision du Sanctuaire qui nous est présentée dans la liturgie de ce jour par
le prophète Ezéchiel décrit un torrent qui s’écoule du temple et qui est
porteur de vie, de vigueur et d’espérance. « Tout vivra là où cette
rivière coulera » (Ez 47, 9). Cette image exprime l’infinie bonté de Dieu
et son dessein de salut qui jaillit sous les murs de l’enceinte sacrée et devient
ainsi la bénédiction de la terre entière. (suit un résumé de la vie des quatre
premiers bienheureux, et voici le paragraphe concernant Soeur Rosalie. Il a été
lu par Mgr François Duthel, de la Secrétairerie d’État au Vatican)
Dans une époque troublée par les conflits sociaux, Rosalie Rendu, joyeusement,
est devenue servante des plus pauvres, rendant à chacun sa dignité au moyen de
l’aide matérielle, de l’éducation et de l’enseignement du mystère du Christ,
conduisant Frédéric Ozanam à se mettre au service des pauvres.
Sa charité était inventive. Où puisait-elle la force de mener à bien tant de
choses ? Dans sa vie de prière intense et dans la récitation continuelle
du chapelet qu’elle n’a jamais abandonné. Son secret était simple : voir
le visage du Christ en tout homme et toute femme, en vraie fille de saint
Vincent de Paul et comme une autre soeur de son époque : sainte Catherine
Labouré. Rendons grâce pour le témoignage de charité que la Famille
vincentienne ne cesse de donner au monde.
« Il parlait du temple de son corps » (Jn 2, 21). Ces paroles
évoquent le mystère de la mort et de la résurrection du Christ. Tous les
membres de l’Église doivent être configurés à Jésus crucifié et ressuscité.
Marie, Mère du Christ et notre Mère, est notre force et notre guide dans cet
engagement. Puissent les nouveaux bienheureux que nous contemplons aujourd’hui
dans la gloire du ciel, intercéder pour nous. Puisse-t-il nous être accordé
aussi à nous tous de nous retrouver un jour au Paradis pour connaître ensemble
la joie de la vie éternelle. Amen !
A propos de la cornette de Soeur Rosalie
« La mère de Jeanne-Marie était en relation avec une Fille de la Charité,
Supérieure de l’Hôpital de Gex : Soeur Suzanne. La jeune fille insista
pour rencontrer cette religieuse et sa mère ne put qu’acquiescer à ce désir,
bien qu’elle craignît que le costume des soeurs de cette communauté ne rebutât
une adolescente peu au fait de l’austérité et des contraintes d’une vie
consacrée. Mais Jeanne-Marie n’était pas une fille comme les autres : elle
surprit tout le monde en trouvant beau et seyant ce costume si particulier avec
sa cornette qui a si longtemps distingué les Filles de la Charité à travers le
monde entier. « Cette coiffure me convient, elle cachera ma figure »,
aurait-elle dit. » (Claude Dinnat, Soeur Rosalie Rendu, pp. 31-32)
La formule de béatification
« Nous, selon les voeux de nos Frères dans l’épiscopat (le Pape nomme les
5 évêques demandeurs, dont le Cardinal Lustiger), ainsi que de nombreux autres
frères dans l’épiscopat et de nombreux fidèles du Christ, après avoir consulté
la Congrégation pour les Causes des Saints, par notre Autorité apostolique,
nous accordons la faculté (suivante)… : la Vénérable servante de Dieu,
Rosalie Rendu pourra être appelée désormais bienheureuse et l’on pourra
célébrer sa fête chaque année le 7 février dans les lieux et de la manière
établis par le droit. Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. »
(traduction non officielle)
Confort : Sr Rosalie et l’abbé Chapelu
Confort : Sr Rosalie et l’abbé Chapelu
Parmi les 55
pèlerins du diocèse de Belley-Ars, « nos » deux soeurs, pétillantes
d’humour, Mlles Blanc Madeleine et Suzanne, de Nantua, nous ont envoyé le petit
poème ci-dessous « Merci, Soeur Rosalie » et un sonnet à la manière
de Joachim du Bellay (de Liré en Anjou et non pas de Belley dans l’Ain). A
l’inverse du poète angevin qui, à Rome, se languit de son pays natal, elles
expriment, de retour au pays des catholards, leur nostalgie de Rome. De plus,
en raison de leur lien de parenté avec l’abbé Chapelu, elles nous ont
communiqué un document sur ce prêtre étonnant. Originaire d’Apremont, devenu le
premier curé de Confort, il a été l’auxiliaire de Soeur Rosalie et a contribué
à faire vivre dans sa paroisse et dans le diocèse son souvenir et son exemple.
Merci, Soeur
Rosalie,
et pour les gâteries,
Nous ne sommes pas qu’esprit,
Nous avons d’l'appétit.
Ces nouilles, ces spaghettis,
Couverts de Parmesan
Et ce vin d’Italie,
Ce crû si gouleyant,
Bu en bonne compagnie ;
Et ce vol dans les airs
Sur l’aile d’un oiseau de fer.
Nous arrivâmes indemnes
Au Foyer Saint-Joseph.
Chacun reçut sa clef
Qui portait l’emblème
D’un site de Palestine.
Le nôtre, c’est Bethléem.
Oh, cette joie très fine
Et nous allons crêcher
Une petite semaine.
Au retour des Saintes Messes
Le soeur plein d’allégresse :
Vive Soeur Rosalie !
Que jamais je n’oublie :
Qu’il faut être une borne
une borne d’amour
qui sera un recours
à ceux qui passent mornes.
L’intuition
de Soeur Rosalie – En 1843, M. Chapelu fut envoyé comme vicaire à Lancrans qui avait alors
pour curé M. Mermod. C’est là qu’il fut mis en relation avec soeur Rosalie.
Cette humble fille de Saint Vincent de Paul, toute puissante à Paris par le
renom de sa charité, rêvait de faire ériger une paroisse dans son village
natal, à Confort, hameau de Lancrans.
Son auxiliaire : l’abbé Chapelu – Mais à distance les pourparlers sont
difficiles, les négociations traînent en longueur et quand on n’est pas sur les
lieux pour bénéficier des circonstances, les meilleures entreprises sont vouées
à un échec certain. Il fallait à Soeur Rosalie un auxiliaire. Elle le trouva en
l’abbé Chapelu.
Pour rendre
le Christ eucharistique plus proche des chrétiens… Le jeune prêtre était trop
zélé pour ne point répondre à une telle confiance ; son soeur était trop
bon, trop généreux pour ne pas s’attendrir à la vue des vaillants chrétiens et
des enfants, qui, le dimanche ou même chaque matin, faisaient douze kilomètres
pour assister aux offices ou aux catéchismes. Il entra donc dans les vues de Soeur
Rosalie, adopta son plan, délimita lui-même la future paroisse, triompha non
sans peine de puissantes oppositions et parvint à faire ériger le village de
Confort en succursale (1852).
Confort devient quasi-paroisse… Aussitôt M. Chapelu se met à l’oeuvre. La tâche
était lourde puisque tout était à créer. Le jeune curé s’installa
provisoirement dans une humble maison du village, habitée aujourd’hui par Mlle
Eugénie Gros (en 19..) et reconnaissable à la statue de la sainte Vierge qui en
orne la façade. L’installation était primitive : la même pièce servait de
salon, de salle à manger, de cabinet de travail et de chambre à coucher.
D’abord
construire l’église… La première pensée du curé de Confort fut de construire
l’église et le presbytère. Il y avait bien au centre du village une antique chapelle
dédiée à Notre-Dame de Pitié et construite à la fin du XII° siècle par les
moines cisterciens de Chézery. Cette chapelle était même, depuis le moyen âge,
le but d’un pèlerinage très fréquenté ; mais son exiguïté la rendait
impropre au service paroissial. Il fallait bâtir une nouvelle église et tout
d’abord chercher un emplacement favorable.
Un curé
architecte et entrepreneur Cet emplacement fut bientôt trouvé. Un bon vieillard,
nommé Joseph du Pelan, qui devait donner son petit patrimoine à l’hospice ;
à la condition que les religieuses auraient soin de lui jusqu’à la fin de ses
jours, céda le terrain nécessaire à la construction de l’église et de la cure.
Ce terrain, situé au nord du village, sur une petite élévation, était
admirablement disposé pour recevoir ces deux édifices. Puis, il faut un
architecte, pour dresser le plan, un entrepreneur pour réunir les
matériaux ; l’abbé Chapelu n’est pas embarrassé pour si peu ; il sera
lui-même l’architecte et l’entrepreneur. Il manoeuvra si bien qu’en 1856 la
première pierre fut posée par Mgr Chalandon.
Soeur
Rosalie part vers le Seigneur… Mais où trouver les ressources ? Soeur Rosalie avait
offert 30.000 francs et sur cette promesse, le curé de Confort n’avait pas
hésité à se lancer dans son entreprise. Mais les oeuvres de Dieu sont toujours
marquées par le sceau de l’épreuve. La première pierre de l’église est à peine
posée que Dieu rappelle à lui la généreuse bienfaitrice, avant qu’elle eût pu
réaliser ses engagements. La commune ne peut faire aucun sacrifice d’argent et
le secours de l’Etat étant subordonné à celui de la commune, le pauvre curé se
trouve tout d’un coup sans ressources. Une pareille situation était faite pour
abattre les plus audacieux ; mais l’abbé Chapelu n’est pas de ceux qui se
découragent. La commune et l’Etat sont avares de leurs deniers ; il se
passera de leur aide et fera construire son église à lui tout seul. et l’abbé
Chapelu se fait quêteur… Non content d’être entrepreneur et architecte, il se
fera tout à tour bûcheron, chaufournier, terrassier, carrier, tailleur de
pierre, maçon et couvreur. Ce qui est peut-être plus pénible et plus méritoire
encore, il se fait quêteur. Il écrit lettres sur lettres ; après avoir
exhalé sa douleur et pleuré la perte immense qu’il vient de faire en la
personne de Soeur Rosalie, remontée au ciel pour y recevoir la récompense de
ses travaux, il appelle à son aide les âmes pieuses et charitables.
L’idée
d’une maison de secours… « Ah ! écrivait-il, si la mort de Soeur Rosalie
n’était pas survenue si tôt, je n’aurais pas besoin de recourir à votre
charité ; mais je vous prie de m’aider à construire mon église et aussi à
convertir la maison d’une si sainte Fille de la Charité en maison de secours,
afin de perpétuer sa mémoire, de régénérer le pays et d’y faire fleurir ses
vertus. »
Soutiens
épiscopal et impérial… Une autre invention de son zèle va l’aider à subvenir aux
dépenses nombreuses nécessités par ses travaux : il organise une loterie.
Mgr l’évêque de Belley l’autorise et l’encourage. M. le chanoine Pernet l’aide
à placer des billets ; Mgr l’archevêque d’Aix et Mgr l’évêque de Gap lui
en prennent un certain nombre. L’empereur Napoléon III envoie un lot superbe.
l’abbé écrit à toutes les personnes charitables qu’il connaît ; pour
assurer le succès de son oeuvre, il demande aux directeurs de la Compagnie
P.L.M. des billets à prix réduit et il entreprend de nombreux voyages à Bourg,
à Lyon, à Saint-Etienne et jusqu’à Paris.
Où Soeur
Rosalie intervient… Cette loterie produisit une somme assez ronde, mais hélas !
insuffisante pour couvrir toutes les dépenses. Heureusement la Vierge-Immaculée
qu’il invoque et dont il place le nom béni en tête de ses lettres, vient à son
secoursEn mourant Soeur Rosalie avait chargé deux Filles de Saint Vincent de
Paul, les Soeurs de Moissac et de Costalin, d’exécuter ses dernières volontés
et de prêter main forte au bon curé dans ses travaux. La somme promise fut
versée et l’abbé Chapelu se réjouit du nouveau concours qui lui arrivait en la
personne de ces deux religieuses favorisées des dons de la fortune et tout
disposées à continuer l’oeuvre de leur illustre devancière. Il ne put
s’empêcher de laisser échapper sa joie et il termine une de ses lettres à la
Soeur de Costalin par ces mots : « Vivent les Soeurs ! «
Le curé
paie de sa personne… Cependant l’intrépide curé n’avait pas attendu, pour
commencer à bâtir, le règlement de toutes ces questions pécuniaires. Il avait
obtenu de la commune sur les flancs les plus escarpés du Mont Sorgia, une coupe
de bois dont personne ne voulait parce qu’il aurait fallu, pour l’exploiter,
exposer sa vie. Il y va travailler en personne ; son exemple entraîne
quelques paroissiens de bonne volonté. Le bois est descendu ; il sert à
entretenir deux fours à chaux à la hâte ; car on fait sa chaux soi-même ;
c’est beaucoup moins dispendieux.
et les
paroissiens collaborent… Et puis, quel spectacle digne d’admiration, que de voir
ce vaillant curé, revêtu d’une pauvre soutanelle – sa soutane d’ordonnance,
comme on disait – accompagné de trois ou quatre de ses paroissiens les plus
hardis, muni de tous les outils nécessaires, crics, coins, massues, tranchets,
travailler dans une carrière de pierre blanche qu’il a découverte et en
extraire d’énormes blocs qu’il fait transporter sur le chantier. Ce chantier, il
en est l’âme ; aucun ouvrage ne lui étant inconnu, il dirige les ouvriers,
les anime par ses paroles et par son exemple. Il taille la pierre et travaille
le bois ; il charge d’énormes fardeaux sur ses épaules et les porte
jusqu’au sommet des murailles. Car, elles se dressent maintenant ces
murailles ; les voici bientôt surmontées de leur toiture en travaillons
que plus tard remplaceront les ardoises. Après cela, il faut poser les chenaux
et voilà M. Chapelu transformé en ouvrier plombier, soudant ensemble les
diverses pièces, au risque de se brûler les doigts.
… y compris les enfants de choeur Pour cette délicate opération, il prenait
ordinairement avec lui un de ses enfants de choeur, le jeune Grosbegnin,
aujourd’hui un des meilleurs paroissiens de Confort ; l’enfant était
chargé de garnir le réchaud et de souffler sur la braise pour chauffer les
fers. Alors il arrivait parfois que l’opérateur poussait un cri aussitôt
réprimé ; sa main venait de toucher quelque fer rougi. L’enfant riait sous
cape de la mésaventure ; mais le curé, stoïque, continuait tranquillement
sa besogne.
L’église
est consacrée en 1861 Vint un jour où l’église fut à peu près terminée. Les
habitants de Confort avaient devant eux un petit bijou de style gothique
flamboyant, en forme de croix latine, avec une seule nef, mais deux vastes
chapelles latérales, s aux voûtes ornées d’élégantes nervures. Ce gracieux
édifice méritait assurément les honneurs de la consécration ; on appelle
Mgr de Langalerie, évêque de Belley, qui vint avec son vicaire général. C’était
en 1861… cinq ans seulement après la naissance au ciel de Soeur Rosalie.
A la manière de Joachim du Bellay, deux pèlerines
« bien de chez nous » évoquent leur séjour romain pour la
béatification de Soeur Rosalie :
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage »,
ou comme ces deux-là qui quittent leur maison
et qui sont revenues avec leur baluchon,
pleines de souvenirs de ce beau pèlerinage.
Ah ! quand reverrons-nous les grandes basiliques,
les superbes colonnes, les audacieux frontons,
les sculptures de marbre, les plafonds en caisson
et partout sous nos pieds les belles mosaïques ?
Quand nous reverrons-nous au pied de l’obélisque,
amené sur les eaux depuis Héliopolis,
entre les colonnades aux deux bras grands ouverts ?
Quand irons-nous prier au pied de la Piéta
où le Christ paisible repose entre les bras,
comme au jour de Noël, de sa divine Mère
Soeur
Rosalie est une haute figure de Paris au XIXe siècle, aimée et vénérée par
tout le petit peuple et les miséreux du quartier Mouffetard. Jeanne-Marie
Rendu est née en 1786 à Confort (canton de Gex, dans le Jura) d’une famille
de cultivateurs aisés. Elle est l’aînée de quatre filles et se trouve assez
vite dans l’obligation d’aider sa mère lorsque son père disparaît en 1796.
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La
Révolution s’est installée, et la maison Rendu devient le refuge d’un évêque
et de prêtres réfractaires . Dans ce climat religieux s’est forgée l’âme de
la petite fille. Sa mère la confie aux Ursulines de Gex. C’est dans l’hôpital
de cette ville que Jeanne-Marie découvre les Filles de la Charité de saint
Vincent de Paul, ainsi que les misères humaines. Elle en sera marquée pour
toute sa vie. Dès lors elle attendra d’avoir l’âge requis pour faire son
entrée chez les Soeurs qui l’ont tant séduite. Elle arrive le 25 mai 1802 à
la Maison-mère des Filles de la Charité, rue du Vieux Colombier à Paris, pour
y faire son noviciat.
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Elle
sera envoyée dans le quartier Mouffetard, à l’époque le plus misérable de la
capitale, pour y faire son “apprentissage”. C’est là, en 1807, qu’elle
prononcera ses voeux définitifs. Jusqu’à sa mort, elle restera l’apôtre et la
providence de ce faubourg.
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En
1815, elle devient Supérieure de la maison de bienfaisance de la rue de
l’Epée-de-Bois. Toutes ses qualités de dévouement, d’autorité naturelle,
d’humilité, de compassion, ses capacitésd’organisation, vont pouvoir se
révéler. “Ses Pauvres”, comme elle les appelle, sont très nombreux en cette
époque troublée . Les ravages d’un libéralisme économique triomphant
accentuent la misère des laissés pour compte. Son oeuvre est immense, sa
notoriété gagne vite la capitale, et au-delà des villes de province. Elle
envoie ses soeurs dans tous les recoins de la paroisse Saint - Médard pour
apporter des vivres, des vêtements, des soins et une parole réconfortante.
Elle ouvre un dispensaire, une pharmacie, une école, un orphelinat, une
crèche. Bientôt tout un réseau d’oeuvres charitables va s’établir pour
traquer la pauvreté.
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Soeur
Rosalie étend ses relations sociales, mondaines pour trouver l’argent nécessaire.
Les “Dames de la Charité” l’aident dans les visites à domicile. Elle apporte
son soutien actif aux “Conférences de Saint Vincent de Paul” et aux étudiants
qui animent ces oeuvres : Frédéric Ozanam, Jean-Léon Le Prévost, Armand de
Melun, qui sera son biographe, et d’autres.
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Tout au
long de cette vie les épreuves ne manqueront pas. Citons les plus
caractéristiques :
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Révolutions
en 1830 et 1848.
Emeutes partielles en 1832 et 1834. Le choléra frappe par deux fois , en 1832 et 1848. |
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On voit
soeur Rosalie sur les barricades pour soigner les blessés, consoler les
mourants, demander le silence des armes, braver la fusillade.
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“Croyez-vous
que je sois désireuse de vivre quand on massacre mes enfants ?” dit-elle au
milieu des combats quand on lui demande de se protéger.
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Elle
sauve des officiers pourchassés par la foule, cache des insurgés recherchés
par les forces de l’ordre. A son corps défendant, elle devra accepter la
Croix de la Légion d’Honneur, accordée par Napoléon III.
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Le 7
février 1856, usée par la maladie et une vie sans repos, elle s’éteint dans
sa maison rue de l’Epée-de-Bois. Le jour de ses obsèques fut chômé dans tout
le faubourg. Tous, pauvres et riches, partagèrent la même émotion.
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Le
procès en béatification est ouvert depuis 1953. Elle a été béatifiée par
Jean-Paul II le 9 novembre 2003.
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