vendredi 17 avril 2015

Saint ROBERT de la CHAISE-DIEU (ROBERT de TURLANDE), prêtre, chanoine et fondateur de l'abbaye de la Chaise-Dieu


Saint Robert de La Chaise-Dieu

Robert de Turlande, natif d'Auvergne, prêtre et chanoine, fonda un hospice pour les pauvres. Après un séjour de plusieurs années à Cluny, sous Saint Odilon, il fit le pèlerinage de Rome puis se retira dans une solitude près de Brioude, où il rassembla beaucoup de disciples. Leurs cellules furent le noyau de la grande abbaye de Casa Dei (La Chaise-Dieu), qui hébergeait quelques trois cents moines. Robert leur donna la règle de Saint Benoît et fit de sa fondation la maison-mère d'une grande congrégation de bénédictins.



Saint Robert de la Chaise-Dieu

Fondateur de l'abbaye de la Chaise-Dieu (+ 1067)

Saint Robert fonda le 28 décembre 1043, selon la date gardée par la tradition, un petit ermitage au lieu qu’il appellera Casa Dei, qui veut dire en latin populaire Maison de Dieu et dérivera en La Chaise-Dieu.

(source: Saint Robert de Turlande - diocèse du Puy)

Le site "abbaye-chaise-dieu.com" donne les informations sur saint Robert, sa biographie, son testament.

Robert de Turlande naît vers 1001, près de Pierrefort, cadet d’une famille nombreuse. Il est placé sous la direction des chanoines de Brioude, en 1018. Il devient chanoine en 1026 et est ordonné prêtre. Il fait élever un hôpital pour les pauvres et les pèlerins qui affluent à la basilique Saint-Julien.... En 1050, les travaux d’édification du monastère de la Chaise Dieu sont terminés. En 1052, le roi Henri Ier place les supérieurs de la Chaise-Dieu sous l’abri de la justice royale et le pape Léon IX accorde sa protection à l’abbaye. Robert de Turlande fait preuve d’une grande activité ; il crée dans le Massif central de nombreuses fondations : en tout, une cinquantaine de foyers de prière et d’apostolat. Il meurt à la Chaise-Dieu le 17 avril 1067. (diocèse de Saint-Flour)

Au 17 avril au martyrologe romain: Au monastère de la Chaise-Dieu en Auvergne, l’an 1067, saint Robert, abbé, qui vécut d’abord dans la solitude, puis en ce même lieu rassembla des frères et gagna au Seigneur une foule considérable par la parole de sa prédication et l’exemple de sa vie.

Martyrologe romain

Vous savez mes frères, comment la Charité du Christ nous a réunis ici, comment le Seigneur nous a appris à donner tout ce qui est en nous et à le donner à tous, connus et inconnus, riches et indigents, qu'on l'accepte de bon cœur ou qu'on n'en veuille pas.

SOURCE : http://nominis.cef.fr/contenus/saint/996/Saint-Robert-de-la-Chaise-Dieu.html

Prier avec lui

Ô Dieu qui as doué 

le glorieux saint Robert, 

ton serviteur, d’une admirable charité 

et qui lui as fait supporter 
avec une patience héroïque des travaux innombrables, 
pour le salut des âmes, 
daigne te rendre favorable à nos prières, 
afin qu’animés par ses exemples 
et soutenus par son intercession, 
nous puissions acquérir 
la couronne de l’immortalité, 
par Jésus le Christ, notre Seigneur. 
Amen

Sa vie

Saint Robert fonda le 28 décembre 1043, selon la date gardée par la tradition, un petit ermitage au lieu qu’il appellera Casa Dei, qui veut dire en latin populaire Maison de Dieu et dérivera en La Chaise-Dieu.

SAINT ROBERT et LA CHAISE-DIEU

Saint Robert de Turlande est né en 1001. Après avoir été chanoine à Saint-Julien-de-Brioude, il décide vers 1040 de partir en pèlerinage ; il se rend à Rome, puis à la grande abbaye du Mont Cassin, en Italie du Sud, fondée par Saint Benoît, père des moines d’Occident.

Très vite, les vocations afflueront auprès de Saint Robert et, dès 1050, le petit ermitage de La Chaise-Dieu est devenu une abbaye reconnue par l’évêque de Clermont dont elle dépend. En 1052, c’est le pape Léon IX qui accorde sa protection à l’abbaye. A la mort du fondateur, en 1067, déjà 42 prieurés dépendent de La Chaise-Dieu qui a également une dépendance féminine avec le monastère de Lavaudieu situé dans la vallée près de Brioude, sur les bords de la Sénouire.

UN IMMENSE RAYONNEMENT

L’ abbaye ne cessera d’étendre son influence au Moyen Age, ayant environ 300 maisons sous sa dépendance à la fin du XIIIème siècle, ce qui en fait l’une des plus importantes congrégations bénédictines en France à cette époque. Elle aura même des dépendances en Espagne (Burgos) et en Italie (Frassinoro, notamment) . Elle sera favorisée par les papes, spécialement par Clément VI qui avait été moine de l’abbaye et fit construire une nouvelle église abbatiale (c’est l’église actuelle) dans laquelle il fut, conformément à son désir, inhumé en 1353.

Après une période difficile au XVème et surtout au XVIème siècle avec l’introduction de la commende et la crise religieuse du temps de la Réforme, l’abbaye connut une période de renouveau avec l’arrivée de la congrégation bénédictine réformée de Saint-Maur en 1640. En 1790, il restait vingt moines à La Chaise-Dieu dont trois avaient moins de trente ans ; la municipalité décida alors de choisir le dernier prieur de l’abbaye comme maire.

La révolution passant à une phase de lutte contre l’église, les moines durent quitter l’abbaye qui fut confisquée et vendue par lots comme bien national.

L’ancienne église abbatiale est devenue aujourd’hui église paroissiale ainsi que la chapelle des Pénitents (ancien réfectoire du monastère).

TESTAMENT DE SAINT ROBERT

" Vous savez mes frères, comment la Charité du Christ nous a réunis ici, comment le Seigneur nous a. appris à donner tout ce qui est en nous et à le donner à tous, connus et inconnus, riches et indigents, qu’on l’accepte de bon coeur ou qu’on n’en veuille pas.

C’est pourquoi j’ai voulu que l’autel majeur de cette sainte maison fût consacré sous le vocable par excellence de Dieu qui est la charité, afin que la charité fût toujours et de tous temps la reine de ce monastère et de ceux qui l’habitent ou qui l’habiteront par la suite et que l’épargne sordide et l’avarice n’y puissent jamais trouver la moindre place. Je vous prédis en conséquence que si vous mettez de côté mes recommandations sur ce point, on verra les calamités et la pénurie s’abattre sur le monastère ; si, au contraire, vous et vos successeurs observez religieusement ce que je vous ai enseigné, vous recevrez de Dieu, sans qu’il y ait de doute possible, et les biens temporels en ce monde, et les biens éternels en abondance. "



Saint Robert de Turlande.

Fondateur de La Chaise-Dieu

Ses origines et sa famille d'après les Cartulaires.

Il y avait en Auvergne un jeune homme d'excellente et très riche famille, doué de tous les dons, sympathique, populaire même, qui pouvait, à son gré, se laisser mollement bercer par une vie de chanoine ou parvenir aux plus hautes destinées. Du premier argent qu'il reçu de son père il fonda un hôpital qu'il desservit lui-même. Puis, abandonnant le confort de la ville, il se retira un beau jour dans une inextricable forêt du Brivadois, peuplée de bêtes à peine plus sauvages que les grossiers montagnards qui en habitaient les lisières, et il entreprit de défricher les indigènes et de civiliser la forêt.

Il se lança dans cette entreprise avec deux amis, logés d'abord, comme lui, sous des huttes de branchages, nourris de racines et de produits spontanés de la nature. D'autres hommes, attirés par son exemple, épris de la grandeur de son oeuvre le rejoignirent au nombre de plus de deux cents, s'associèrent à lui, le reconnurent pour chef et lui obéirent aveuglément.

La forêt et la famine reculent devant leurs défrichements, des chemins sont ouverts, les eaux asservies irriguent les prairies qui se rougissent peu à peu de troupeaux, actionnent des moulins fariniers, des foulons pour tissus. Hostiles et méchants d'abord, les indigènes vaincus par l'inlassable bonté du fondateur et la multitude de ses bienfaits, s'inclinent devant lui. Des villages, un bourg s'élèvent, destinés non seulement à recevoir les associés et leurs animaux, mais à héberger gratuitement les voyageurs et à hospitaliser les malades, auxquels ils fournissent non moins gratuitement les soins médicaux et la pharmacie.

Cette société de civilisation est singulière, Le chef est élu et les affaires importantes se règlent en assemblées générales comme dans les autres sociétés; mais tout y est en commun à perpétuité. Les associés doivent leur peine et le travail de toute leur vie sans recevoir aucun autre salaire qu'une nourriture, un entretien et des vêtements de pauvres. Il leur est interdit de se constituer un pécule personnel. Tous les produits nets de l'association sont employés à fonder des succursales sur le même modèle. Pas un sou pour les membres, tout pour les autres. Appelez cela humanitarisme, socialisme, collectivisme, altruisme ou tel autre nom moderne que vous voudrez, l'altruisme des membres de cette société fut d'une fécondité merveilleuse pour l'ensemble des citoyens.

On était, à une époque où l'Europe venait de connaître tous les fléaux. Elle était couverte de ruines; les désastres étaient immenses, on croyait l'humanité sur le point de se dissoudre. Le désordre était partout, même dans les institutions les meilleures. L'opinion s'émut à la nouvelle des résultats obtenus par la société réparatrice.

De toutes parts on s'adresse à son chef. En quelques années plus de cinquante établissements tombés ou décadents lui sont confiés; il y envoie des colonies de sociétaires imbus de son esprit de sacrifice et soumis à d'austères statuts. Ils y rétablissent l'ordre par la discipline, l'exemple, l'autorité morale, et par l'ordre la richesse publique. Le fondateur a insufflé à ses compagnons, qu'il appelle ses enfants, une telle soif d'action et de dévouement, que l'association du Tout pour les autres se ressent pendant plus d'un siècle après sa mort de la forte impulsion qu'il leur a donnée.

A ce moment l'oeuvre de ces étonnants altruistes a pris des proportions grandioses. Leurs colonies sont implantées en Haute et Basse Auvergne, en Rouergue, Gévaudan, Forez, Lyonnais, Limousin, Poitou, Saintonge, Agénois, Périgord, Albigeois, et jusqu'à l'extrémité, du Languedoc; elles débordent les Pyrénées, à l'appel d'un souverain espagnol qui les installe à Burgos, Ossa, Caneto. Ils ont des établissements dans le bassin de la Seine comme dans celui du Rhône, en Viennois, Valentinois, Provence et Dauphiné. La renommée de l'association franchit les Alpes, ou les maîtres de l'Italie, dévastée par les guerres civiles, lui livrent en partie Fraxinoro, Pavie, Lucques et Plaisance avec un grand nombre de sujets. Presque partout - voilà ce que l'on ne saurait jamais redire assez - c'étaient des ruines qu'on leur donnait à relever, et c'étaient les donateurs que la donation enrichissait le plus.

Les landes transformées en labours, les marécages assainis les vignobles plantés, les populations dispersées par l'âpreté de l'homme ramenées dans les foyers éteints, les routes rendues praticables aux marchands avec des gites-étapes, les secours de toutes sortes prodigués au peuple, les faibles protégés contre la tyrannie des puissants, voilà une partie de l'oeuvre matérielle de cette, association qui, de son siège principal d'Auvergne, dirigeait ses nombreuses filiales éparses dans l'Europe latine.

Laissons de côté les hommes illustres sortis de son sein, les merveilles d'architecture surgies de son immatérielle pensée, Les éléments de la science et de l'histoire conservés par son labeur ; oublions même pour un instant son oeuvre principale et son but essentiel, le baume versé aux douleurs morales, l'espérance d'en-haut rendue aux désespérés de la terre, la consolation de mourir apportée aux mourants, l'idée de devoir maintenue dans la société humaine, plus indispensable certes que celle de ses droits. Quelles statues ne dresserions-nous pas au fondateur désintéressé d'une société civile qui aurait tant fait pour le peuple, nous qui nous piquons d'être des économistes, des scientifiques, et qui prodiguons les monuments à de moindres bienfaiteurs de l'humanité, à des généraux d'une heure, aux réveurs néfastes, ou tout simplement à celui qui parla bien !

Mais voilà, c'était un moine! La société ne distribuait aucun dividende, et ses membres ne réclamaient pas la journée de huit heures!

On a deviné, même avant d'avoir lu le titre, qu'il s'agit de Saint Robert, fondateur de la Chaise-Dieu. A défaut de la statue qu'il serait le premier à renverser s'il pouvait renaître, c'est bien le moins que nous ne privions pas nos grands hommes de leur véritable état civil; et c'est à rétablir celui de Saint Robert que cette notice est consacrée.

La butte de Montgâcon qu'on aperçoit d'ici au fond de la Limagne, Maringues, Bulhon, Luzillat, Saint-Denis, qu'elle domine, autant de lieux qu'il marqua de ses prodiges dont son hagiographe du XII° siècle a conservé le récit: autant de noms qui font refleurir en touffes parfumées les joies de l'enfance pour celui qui écrit ces lignes, les doux souvenirs de jeunesse et les couronnes d'immortelles suspendues aux tombes qui lui sont chères !

Poussé par les évènements dans la Haute-Auvergne, ç'a été pour y retrouver le lieu de l'origine de Robert, les demeures, les personnes et les biens de sa famille; puis en Dauphiné, pour y retrouver son nom dans la Grande Chartreuse dont les Casadiens furent les co-fondateurs en lui fournissant une partie du sol sur lequel elle fut édifiée, dans l'Asile de Saint-Robert de Cornillon construit par la Chaise-Dieu à 4 ou 5 kilomètres de Grenoble, et, dans cette séduisante ville, mon âme d'auvergnat s'est dilatée à revoir ces notes depuis longtemps recueillies, en ayant sous les yeux son faubourg Saint-Laurent qui dut sa renaissance et sa prospérité à une autre société monastique de notre région. Revenir à Clermont, dans cette salle, c'est, avoir à sa droite Montferrand dont le quartier primitif, celui de Saint Robert, appartint à La Chaise-Dieu, à sa gauche la cathédrale où se passa l'un des épisodes les plus touchants de sa vie.

Bien modeste est l'hommage rendu ici à sa radieuse mémoire rencontrée partout, en essayant de lui restituer son nom. Mais c'est aussi une dette dont je m'acquitte envers le public. L'ayant appelé Robert de Turlande dans diverses publications, contrairement à tous les hagiographes, je dois en fournir la justification.

NOTIONS POSITIVES SUR L'ORIGINE DE SAINT ROBERT. 

ERREURS DES HAGIOGRAPHES

Groupons d'abord les renseignements positifs qui nous sont parvenus sur lui.

Deux des contemporains de Saint Robert ont écrit sa vie. L'un, Géraud de Laveine, son disciple, son chapelain et son ami, était d'Auvergne(1); il a rédigé ses notes entre 1066, date de la mort de son chef, et 1070 époque de son retour de Rome, où il fut envoyé par Durand, second abbé de la Chaise-Dieu, pour les porter au pape et obtenir la canonisation du fondateur.

Le second, Marbod, archidiacre d'Angers et plus tard évêque de Redon, déclare dans la préface de sa Vita S.Roberti, avoir utilisé, pour la rédaction de la biographie du saint, le mémoire de Géraud, moine sincère et pieux, mais ajoute-t-il, écrivain prolixe et peu châtié. Dans le même siècle, Bernard, capiscole de la même ville d'Angers, rédigeait le Livre des miracles de Sainte Foi, après être venu au moins à trois reprises à Conques en une dizaine d'années (1010-1020) et fait chaque fois un séjour assez prolongé dans ce monastère. De même Marbod dut avoir avec le pays de Saint Robert et de la Chaise-Dieu des rapports de famille, de carrière ou de pèlerinages; fort rares, en effet, sont à cette époque, les hagiographes traitant de personnages étrangers sinon toujours à leur contrée natale, du moins aux événements de leur propre existence. Marbod était encore archidiacre lorsqu'il écrivit les Actes de Saint Robert, c'est donc qu'ils ont été composés avant 1096, année de son élection à l'évêché de Redon en Bretagne. L'âge de Marbod lui a permis de connaître les disciples de Robert et peut-être le saint lui-même.

Nous avons une autre source de renseignements dans le Livre tripartite des miracles de Saint Robert, écrit en 1160 par Bertrand, moine de la Chaise-Dieu, qui eut sous la main les documents et connut les traditions orales de l'abbaye.

Baluze lui donne un frère du nom de Guillaume: pour ami intime, pour « familier », un noble laïque prénommé Etienne; et cet Etienne était chevalier ; il fut l'un des deux premiers compagnons de sa retraite dans les forêts de la Chaise-Dieu.

Bertrand nous apprend, en outre, que Robert « fréquentait beaucoup un château d'Auvergne appelé Broussade ( al Brossadol) ». Il y couchait, y faisait des séjours et il y laissa des souvenirs; de son vivant le seigneur ou suzerain de l'endroit que Bertrand ne désigne pas autrement que « le père de famille », fut un des miraculés de Robert. L'existence de ce château, fort connu dans l'histoire du pays, est signalée en 1010-1015 par le capiscole Bernard exactement contemporain de Saint Robert. Il n'en reste que la ferme de Broussade, commune de Saint-Georges, limitrophe de la commune de Saint-Flour.

Lorsque Robert II, comte d'Auvergne et de Rouergue, voulut, de concert avec sa femme Philippie de Gévaudan, donner à l'abbaye de Conques, en 1059, quatre mas dépendant du fief de l'église de Tanavelle, paroisse contiguë aussi à celle de Saînt-Flour qui la sépare seule de Brossadol, et où les Mercoeurs avaient des possessions féodales, les seules personnes qu'ils appelèrent à confirmer cet acte de leur sceau, furent Etienne, évêque (Etienne de Mercoeur), et « Robert, abbé de La Chaise-Dieu » qui le souscrivit avec cette qualité.

D'après Marbod, il serait né au sein d'une région déserte que sa mère Raingarde, dans un délai de grossesse avancée, traversait pour se rendre dans un château où elle devait faire ses couches. La tradition casadienne dit que ce château était celui de Reihlac (en Brivadois), que Robert y fut porté et y passa son enfance. Il est démontré par la donation de Guillaume, frère prouvé de Saint Robert dont on trouvera le texte plus loin, que la famille possédait des biens en ce lieu.

La résidence de ses parents était à une certaine distance de Brioude, assez rapprochée néanmoins pour que, lors de sa fugue vers Saint Odilon de Mercoeur et l'abbaye de Cluny, les habitants de Brioude, inquiets de sa disparition, aient eu le temps d'aller s'y informer de lui, d'en revenir et de le rattraper sur la route de Bourgogne.

Enfin les anciens hagiographes sont d'accord sur ce fait que sa famille avait des biens et des relations tout à la fois avec l'Auvergne et le Rouergue, bien que sa principale résidence fût dans la première de ces provinces

Je n'ai pas à m'arrêter aux éléments biographiques proprement dits. Nous n'avons à en retenir que son éducation dans les écoles de Brioude où, clerc d'abord, il reçut la prêtise puis une prébende de chanoine dont il était encore investi au mois de Septembre 1052, près de dix ans après la fondation de son établissement monastique de Casa Dei, la maison de Dieu, devenue la Chaise-Dieu; qu'il y fut un cloîtré intermittent , allant et venant sans cesse au dehors pour le développement de son oeuvre, pas plus contemplatif qu'il ne l'avait été à Brioude; et qu'il y mourut le 17 ou le 24 avril 1066, âgé de 65 ans, d'autre disent 75 ans.

Voilà tout le fond des données positives qui nous seraient parvenues sur l'origine, la famille de Saint Robert, l'habitat et la situation des propriétés de ses parents. Il nous est interdit d'en sortir sans une preuve péremptoire.

Malheureusement les commentateurs et les hagiographes modernes ne se sont pas gênés pour violer cette règle élémentaire de la critique; ils s'en sont donnés à coeur-joie depuis le XVIIe siècle à amplifier et à dénaturer. Je n'en citerai que tout juste ce qu'il faut pour saisir la filiation des fables.

Jacques Branche, prieur de Pébrac, voisin de La Chaise-Dieu, écrivait en 1652: « Saint Robert... prit sa naissance des comtes d'Aurillac d'où Saint Gérauld avait aussi tiré la sienne». Ce n'est plus le ut creditur, de Marbod contemporain de Robert, et des Acta, c'est une affirmation que les auteurs de la Gallia avaient déjà autorisée sur la foi de quelque correspondant d'Auvergne mal informé.

Deux siècles plus tard, son homonyme Dominique Branche surenchérit, nomme carrément Saint Robert « Robert d'Aurillac » et s'exprime ainsi en 1842: « Il (Saint Robert) eut pour père le comte d'Aurillac, du même nom que son illustre aïeul Saint Gérauld, lequel était issu de l'ancienne maison de Poitou ». Et comme les Bénédictins avaient émis l'opinion que sa mère Raingarde était du Rouergue, avec un égal sans-gêne il fait de Raingarde la « fille du comte de Rodez».

M. Chaîi de la Varenne et bien d'autres ont reproduit l'affirmation de cette double origine princière que Dominique Branche appuie non pas d'un texte, mais de l'indication vague d'une vingtaine d'ouvrages français, latins et même espagnols, c'est-à-dire du bloc de tous ceux qui vont lui servir pour composer la vie entière du saint, bien que la plupart soient muets ou imprécis sur l'origine de sa famille. Cela fait illusion au lecteur: il peut croire surabondamment établi un fait qui ne l'est pas du tout.

Le dernier écrivain qui se soit occupé du fondateur de la Chaise-Dieu est revenu prudemment au «dit-on» de Marbod pour la prétendue origine paternelle de Robert, mais il a reproduit les hagiographes relativement modernes pour sa mère qu'il fait fille du comte de Rodez; de tout quoi personne jusqu'à ce jour n'a donné ni preuves ni indices.

Ces renseignements récents ou relativement modernes sont absolument fantaisistes.

Le père de Saint Robert ne fut pas plus comte d'Aurillac que sa mère ne fût fille du comte de Rodez. Il y eut bien au IX° un Géraud comte des marches limosino-auvergnates, qualifié comes Limovicinus, qui fut seigneur et non pas comte d'Aurillac, et dont le fils Géraud est appelé du titre personnel de comes sans indication d'aucun gouvernement territorial dans un mandeburde de Charles le Simple; mais il n'eut jamais de comtes d'Aurillac qualifiés de ce titre, soit de son temps, soit après lui. Saint Géraud d'Aurillac, son unique fils, a obstinément refusé de se marier, malgré les belles alliances qui lui étaient offertes, la soeur de Guillaume le Pieux duc d'Aquitaine notamment; il n'a donc pu être l'aïeul de personne. Enfin, le comte de Rodez n'existait pas lors de la naissance de Saint Robert; il a été créé plus d'un siècle après. Voilà pourtant comme on est parti!

On n'a pas encore, que je sache, soumis les dires des hagiographes et des historiens sur l'origine de Saint Robert au contrôle de la critique, ni essayé de combler leurs lacunes à l'aide de des documents.
Faisons donc table rase de ces dires trop modernes, de confiance et perpétuellement ressassés, qui altèrent les textes primitifs sans leur en substituer de nouveaux, et tiennent pour démontré ce qui ne l'a jamais été à ce jour.

Si, en revanche, nous trouvons, à l'époque voulue et dans les conditions exigées par les notions positives que nous venons de dégager, une famille:
  1. Vivant dans les deux premiers tiers du XI° siècle;
  2. En Auvergne;
  3. Avec des relations et des propriétés en Rouergue;
  4. Une famille seigneuriale de grande allure, riche, très libérale et très pieuse;
  5. Dont le chef soit un Géraud;
  6. Mari d'une Raingarde, à une époque coïncidant avec la naissance et l'enfance de Saint Robert;
  7. Père, entre autres fils, d'un Guillaume;
  8. Ayant des biens à Reilhac;
  9. A Brossadol, et des liens féodaux étroits avec les seigneurs de ce lieu;
  10. Donnant, du vivant de Saint Robert et de son familier Etienne, des marques d'intérêt toutes particulières à un homme noble ainsi prénommé et appartenant à une famille leur voisine de terres;
  11. Si cette famille a sa résidence à une certaine distance mais non excessive de Brioude;
  12. Si elle prend part, enfin, des premières, à la dotation de La Chaise-Dieu à ses débuts.
Cette famille-là remplissant ces douzes conditions, sera incontestablement celle de Saint Robert. Il y en aurait une treizième, c'est que Saint Robert avait les cheveux roux. On comprendra aisément que pour celle-là le contrôle est plus difficile, le portrait des Turlande ne nous est pas parvenu.

Et si, à l'accumulation de tant de preuves, elle nous offre en outre par le nom et la situation de certaines de ses terres, des apparences suffisantes pour expliquer très clairement l'opinion un peu vague (ut creditur) qui s'est manifesté après la mort de Saint Robert d'une commune origine avec Saint Géraud d'Aurillac, ce sera l'évidence même.

Or, il y en a une, et il n'y en a qu'une, dans les actes contemporains, à remplir toutes ces conditions, celle des seigneurs de Turlande.

Turlande est un village de la commune de Paulhenc, canton de Pierrefort, arrondissement de Saint-Flour. De son château, construit sur la rive droite de la Truyère, affluent du Lot, il reste encore quelques vestiges. La rivière qui baigne les pieds de la montagne au sommet de laquelle il s'élevait, sert et a toujours servi de limite aux provinces d'Auvergne et du Rouergue, aux anciens comtés du même nom, aux diocèses de Clermont et de Rodez. Elle sépare les départements de l'Aveyron et du Cantal, les arrondissements de Saint-Flour et d'Espalion. Le fief de Turlande était à cheval sur le territoire de ces deux arrondissements et s'étendait même aussi loin sur celui d'Espalion que sur celui de Saint-Flour, dans le canton de Sainte-Geneviève spécialement, et sur la circonscription carolingienne des vigueries de la Viadène, de Barrès et de Bromme, ces deux dernières représentées aujourd'hui à peu près par le canton de Mur-de-Barrès et une partie de ceux de Sainte-Geneviève, Saint-Amant-des-Côts et Pierrefort.

Le château de Turlande, très fort, très souvent attaqué, pris et repris, comme toutes les forteresses de frontière, pendant les guerres féodales et surtout pendant la guerre de Cent ans, où il fut repris pour la troisième fois par Chopin de Badefol, et resta occupé jusqu'au printemps de 1391 par une établie anglaise alliée des garnisons de Carlat, d'Alleuze et du Saillant, fut ruiné à cette époque. Plus au moins rétabli ensuite, il est détruit depuis près de trois siècles.

Peu de chapelles de résidence féodales, et même peu d'églises de villes eurent une plus complète collection de reliques rapportées d'Orient par les pèlerins ou les croisés, à consulter la qualité plus que le volume: elles comprenaient une parcelle du bois de la croix, des reliques de Saint Pierre et de Saint André, des cheveux de Sainte Madeleine, un morceau de la robe de la Vierge Marie et d'une robe attribuée à Notre Seigneur; un fragment de la pierre sur laquelle la sainte famille s'était reposé lors de sa fuite en Égypte, des restes des Saints Blaise, Ferréol, Georges et Maxime.

Lorsque les Bourbons annexèrent Turlande à leurs vicomtés de Murat et de Carlat, ils firent don d'un grand reliquaire à leurs armes pour conserver ces richesses, dont l'origine et la nature étaient consignées dans «un cahier écrit en langue gothique ».

Les trois seigneuries de Turlande, Mels et Bénavent contigües et enchevêtrées dans le canton de Sainte-Geneviève, paraissent n'avoir formé qu'un seule terre, propriété d'une même famille à l'origine; j'entends par là l'époque où les vigueries carolingiennes furent dissoutes et où les seigneurs locaux substituèrent leur autorité à celle du souverain dans ces circonscriptions administratives. Le district où Turlande, Mels et Bénavent se trouvaient situés, était la viguerie de Barrès, qui chevauchait, elle aussi, la Truyère tout comme la terre de Turlande, et dépendait du ministère de Carlat, devenu vicomté dans la seconde partie du X° siècle. On sait que ce fut à la fin de ce siècle et les premières années du suivant que s'accomplit la révolution féodale dans notre région.

Les indices de la commune origine des seigneurs de Turlande, Mels et Bénavent, aux environs de l'an mille, ont été judicieusement réunis par les derniers historiens du Carladès. Nous aurons à y revenir à propos de Bénavent.

Chapitre II

LE PÈRE DE SAINT ROBERT. POSSESSIONS DE LA FAMILLE. SES RAPPORTS AVEC BROSSADOL ET REILHAC. ÉTIENNE DE CHALIERS, LE FAMILIER DE SAINT ROBERT.

Quand il s'agit d'un problème généalogique des X et XI° siècles, la source classique des renseignements, s'il en existe, est dans les cartulaires; les hagiographes de Saint Robert ne s'en sont pas servi. Ceux qui nous intéressent n'étaient pas composés du temps de Géraud de Laveine, homme trop fruste pour compulser les archives des monastères. L'Angevain Marbod était un étranger de passage, et Bernard, moine de la Chaise-Dieu, n'a pas poussé ses recherches. Les hagiographes du XVII° au XIX° siècle n'ont pas eu comme nous la commodité que nous offre la publication de ces précieux recueils.

Nous en avons quatre utiles à consulter pour les deux provinces où nous amène la recherche de l'origine de Saint Robert, l'Auvergne et le Rouergue, ce sont les cartulaires de Brioude, Sauxillanges, Conques et Saint-Flour. Il nous manque, il est vrai, le plus intéressant de tous pour notre sujet, le cartulaire de la Chaise-Dieu. S'il a été composé, il a disparu, mais il peut se reconstituer en partie en réunissant dans un même recueil les actes intéressant l'histoire de ce grand monastère, en ce moment épars dans les divers dépôts de France et de l'étranger. Il se fera ou se refera certainement. On peut dire, en attendant, que le silence de tous les autres cartulaires de la région sur la famille d'un homme qui a tenu une si grande place dans le monde religieux de son époque, serait à priori surprenant.

Il serait à peu près sans exemple que les parents d'un tel bienfaiteur de l'Église n'aient personnellement rien fait pour que l'un ou l'autre des monastères de Conques, Bonneval, Saint-Flour, Brioude et Sauxillange, puisqu'ils se rattachent à la fois au Rouergue et à l'Auvergne du XI° siècle, et qu'ils fussent restés indifférents à celui de la Chaise-Dieu aux temps de sa fondation et du vivant de Saint Robert.

Or, c'est dans le cartulaire de Conques, à la charte 421 (Mars 1007-1010), que nous trouvons tout d'abord, à une époque parfaitement correspondante à la jeunesse du saint, le nom de ses parents Géraud et Raingarde.

Escabrins était, d'après M. Desjardins, le savant éditeur du cartulaire, un lieu situé sur la commune de Lacalm (canton de Sainte-Geneviève), limitrophe du canton de Pierrefort et de la terre de Turlande. La région est à retenir car c'est dans ce même canton de Sainte-Geneviève que nous verrons Géraud de Turlande, frère de Saint Robert, avec le nom de la seigneurie de Turlande sous le règne du roi Robert II mort en 1031

Nous apprenons par la charte 342 du même cartulaire que, entre 996 et 1004, Raingarde avait un fils du nom de Géraud. Nous courons d'autant moins le risque de nous égarer que dans les 2100 et tant d'actes des cartulaires précités, il n'y a qu'un seul ménage du nom de Géraud et de Raingarde, et ils vivent simultanément dans le même pays et à l'époque voulue.

Ce fils Géraud fut l'ainé de la famille, et lui-même se dira le frère de Guillaume et de Robert. C'est sous le roi Robert II et sous son successeur que les seigneurs du pays commencèrent de prendre le nom du château qu'ils construisirent ou de celui qui était leur principale résidence; les seigneurs qui le portent avant sont une très minime exception; et souvent pendant la période de transition, le même personnage figure aux actes qui le concernent tantôt avec son seul prénom, et tantôt avec l'adjonction du nom féodal. Si la famille de domicile ou si elle en a plusieurs séparés par de grandes distances, elle sera facilement désignée sous le nom terrien de son nouvel habitat ou de chaque domicile, après avoir été quelque temps appelée du nom de l'autre, car au début le caractère patronymique du nom fut hésitant. Quant aux fils et aux filles qui sont d'Église, au commencement du XI° siècle, on ne leur donne pour ainsi dire jamais le nom de famille dans les actes monastiques, pas plus qu'on ne le donne dans un grand nombre d'ordres religieux de cette époque. Ils ne peuvent être cependant classés socialement et historiquement que sous le nom devenu patronymique dans leur famille de leur vivant et resté invariablement patronymique après eux.

Géraud, fils de Géraud et de Raingarde, prit celui du château de Turlande. Il le portait entre 1024 et 1062. Ceux de ses frères qui furent allotis sur cette terre le portent aussi en toute certitude dans les actes. D'où la présomption que le père commun le portait lui-même à la fin de sa vie. Géraud, mari de Raingarde, était donc seigneur de Turlande. Voilà d'abord exécutées les conditions 1, 2, 4, 5 et 6 que nous avons à remplir.

Vers 1024, devenu chef de famille, Géraud II de Turlande donne sous ce nom, à l'abbaye de Conques, l'alleu et la suzeraineté de son église de Saint-Amant-d'Orlhaguet, où Rigaud de Turlande, qui en tient la moitié en fief de lui, abandonne aussi ses droits; il la gratifie de son mas du Périer (canton de Pierrefort) où il possède des redevances indivises avec Jean; d'autres biens communs entre lui et son frère Deusdet; et encore sa part du mas d'Erail, commun entre lui et "GUILLAUME SON FRERE" et codonateur. Ce qui constitue et confirme formellement les réponses aux questions 3 et 6.

Quelques années plus tard, en 1060-1062, après les partages de famille, Geraud de Turlande renouvelle le don de l'église de Saint-Amans d'Orlhaguet avec son frère Pons qui n'avait pas participé à la première donation, et il ajoute l'église de Saint-Etienne située sur le même territoire d'Orlhaguet, dont il était copropriétaire avec le même Pons

Dans ces actes, comme dans les autres, Géraud est toujours nommé le premier, et c'est lui qui, en sa qualité de chef de famille, détient "l'alleu" des terres où les puînés ne possèdent leur part d'héritage qu'en "fief" tenu par lui. Il y est constaté que l'abbaye de Conques à donné "la viguerie" de ses possessions dans ces parages à Géraud et à Jean, à charge évidemment de les défendre. C'est un véritable traité d'inféodation qui augmenta la seigneurie de Turlande dans cette partie du Rouergue, province où Géraud était le voisin de Conques en plusieurs lieux.

Géraud ne borna pas ses bienfaits à l'abbaye rouergate. Il avait un noyau de terres importantes autour de Saint-Flour (anciennement Incidiac); ils étaient là, lui et ses frères, comme dans le canton de Pierrefort et de même, au surplus, que les seigneurs de Brezons leurs voisins à Turlande, les vassaux d'Amblard, Comtour de Nonette. On ne sait si c'est ce dernier qui leur a inféodé des paroisses en ce lieu, mais il y a texte positif qu'aux environs de 1000 à 1010, le Comtour de Nonette distribua les terres de ce pays à ses chevaliers pour les tenir de lui en fief. Lorsque, en réparation de ses violences, ce principule eut cédé la terre de Saint-Flour à l'Apôtre et que le Pape en eut gratifié l'ordre de Cluny en la personne de son chef Saint Odilon, celui-ci vint sur les lieux peu de temps avant la mort du roi Robert, et vers 1025. Il fit convoquer devant lui les principes illius terroe, ainsi s'exprime le vieux cartulaire de Saint-Flour, auquel nous recourons maintenant. "Et parmi eux", ajoute le document, les seigneurs de Brossadol, de Murat, de Miermont, de Saint-Urcize "et ceux de Turlande".

Un peu plus loin, le même document résumant deux autres actes postérieurs de quelques années seulement, spécifie le nom des donateurs et des biens donnés par les Turlande. Parmi les fiefs dont Géraud de Turlande et son frère Pons délaissèrent la seigneurie au monastère que fondait Saint-Odilon, se trouvait le fief paroissial de Saint-Georges (au moyen-âge Saint-Georges de Brossadol). Géraud était là ainsi qu'à Mentières, et sans doute aussi à Tiviers et à Cussac, paroisses contiguës à la précédente, le seigneur suzerain d'Albuin de Brossadol, bien probablement l'Albuin de la Roche de la Basse-Auvergne. C'est, en effet, lui, Géraud, qui avait inféodé Saint-Georges de Brossadol à Albuin. Après sa mort, advenue au plus tôt entre 1060 et 1062, les partages de la famille n'ayant pas encore été faits, Pons de Turlande les réclama, et la seigneurie de Saint-Georges fut mise dans son lot. L'effet rétroactif de cette opération fut d'annuler la donation de Géraud; mais Pons en fit une nouvelle par laquelle il gratifiait le prieur de Saint-Flour des droits que le partage lui assignait sur ce fief, et il lui donnait en outre l'église de Tiviers. Albuin de Brossadol, feudataire de Turlande, se démit, de son coté, de ses droits de tenure sur les fiefs des églises de Saint-Georges, Mentières et Cussac. Nous voyons là paraître les frères Géraud et Pons à la même époque, avec les mêmes nom et prénoms et le même degré de parenté que dans le cartulaire rouergat, preuve manifeste entre tant d'autres que la famille avait pied dans les deux provinces.

Leurs autres frères, Guillaume et Robert, notamment ne possédaient rien dans cette partie des vastes domaines de la famille. Guillaume a son principal apanage dans ce pays de Brivadois, en Basse-Auvergne, que sa situation géographique fit incorporer au diocèse de Saint-Flour, lorsqu'en 1317 il fut démembré du diocèse trop vaste de Clermont. Une donation faite vers la fin de la première moitié du XI° siècle dit que les biens situés dans le territoire de Cumignat (canton de Brioude), sont situés " in potestate de Guillaume, fils de Géraud". dans la diplomatique de nos cartulaires, ce terme de postestat a le sens de seigneurat. Mais les voici figurant dans deux libéralités faites à Brioude aux dépens de leurs biens du Brivadois. C'est dans l'un de ces actes que Guillaume, qui eut aussi une part d'Orlhaguet, est formellement dit "frère de Saint Robert".

Le premier texte relate deux donations ayant chacune un intérêt très important pour nous. C'est d'abord le don par Géraud au chapitre de Saint-Julien d'un mas situé dans la viguerie de Brioude et de biens dépendant de la villa de Chauriat (qui doit être lu de préférence Chauliat), sous la condition que Robert son frère serve à la mort du donateur une réfection aux chanoines le jour de son anniversaire. Cette condition suppose que Robert devait être le bénéficiaire sa vie durant des biens donnés, car on n'impose pas à quelqu'un une charge en compensation d'une autre charge. Telle était, d'ailleurs, la combinaison ordinaire des dons faits par les chefs de famille aux monastères pour servir de donation aux puînés qui y prenaient l'habit; les biens étaient donnés à l'établissement en nue propriété, la jouissance restant au membre de la famille qui entrait dans le monastère, souvent même après eux à un frère, à un parent resté dans le monde. Robert était donc alors à Brioude, mais pas encore chanoine, l'acte-notice, très concis, ne lui donnait pas cette qualité.

La seconde donation contenue dans le premier document porte sur les possessions du même Géraud frère de Robert, (plus tard Saint Robert), sous la condition que le chapitre de Brioude donne la sépulture à Etienne de Chaliers quand il viendra à mourir. Il cède pour cela certaines redevances à lever sur la terre de Reilhac. Il n'a pas encore pris le nom de Turlande, son frère Robert n'est pas encore chanoine, mais Robert est en age de souscrire et il souscrit le premier cette donation de Géraud. l'acte est donc de mots en langue vulgaire (mas, Jauriag, Molimart, Calaires) au texte latin.

Par le second acte de Brioude, Guillaume délaisse à ce chapitre, peu après la canonisation de Robert, les redevances de Reilhac données naguère par son frère Géraud et dont il avait gardé la jouissance. C'est dans ce document qu'il est dit "frère de Saint Robert". Geraud de Laveine, envoyé à Rome par Durand Henri, second abbé de La Chaise-Dieu, pour obtenir la canonisation du fondateur, revint avec la bulle aux environ de 1070. Ainsi, bien que les actes ne soient pas datés, nous avons leurs dates approximatives, strictement limitées en arrière et en avant.

L'absolue identité des redevances de Reilhac en nature et nombre de têtes d'animaux, moutons, porcs, agneaux, poules, en nature, et quantité de grains, énumérés méticuleusement dans le même ordre, rapprochées de la certitude apportée par les cartulaires que Géraud de Turlande avait, en 1060-1062, un frère, Guillaume, et de toutes les corrélations positives, ne permettent pas de douter qu'il ne s'agisse ici des frères Guillaume et Géraud de Turlande, parfaitement établis par les actes du cartulaire de Conques qui viennent d'être cités.

Dans Etienne de Chaliers à qui Géraud, alors chef de la famille, porte tellement d'intérêt que de ses propres deniers il assure la sépulture de ce personnage dans le Chapitre de Brioude, nous retrouvons cet Etienne, qui fut le plus grand ami de Saint Robert, le cofondateur avec lui de la Chaise-Dieu. Quand Robert demeurait encore à Brioude, il n'était pas seulement son ami, mais son "familier". Il avait été de plus, paraît-il, l'un des chevaliers de son père. Etienne vint à Brioude où Robert le convertit; il y resta quelques temps auprès de lui, partageant ses bonnes oeuvres , bien que laïque et toujours chevalier; ils se retirèrent ensuite ensemble dans la forêt (1043-1046). Ce fut même Etienne que Robert chargea de découvrir un endroit sauvage et néanmoins peu éloigné d'une église paroissiale, où ils pourraient apaiser leur besoin de solitude tout en priant Dieu dans son temple. Etienne lui fit agréer son choix. Il paraît être mort avant l'achèvement du monastère, car il n'est plus question de lui à partir de ce moment; nous n'avons du moins plus trouvé ses traces après 1052. Le second compagnon de Robert, Dalmas, figure encore en tête des traités que passe l'abbaye en 1061, mais Etienne en est absent. Etienne de Chaliers convient à merveille à tout cela, et par la situation de Chaliers (canton de Ruines, arrondissement de Saint-Flour) dans l'ancien comté de Brioude, à peu de distance de Brossadol et de Reilhac propriétés des Turlande.

Le prénom de ce cofondateur de la Chaise-Dieu se reproduit avec respect dans sa famille

Il ressort donc clairement du rapprochement des cartulaires de Conques, Saint Flour et Brioude que Géraud et Guillaume, frères de saint Robert, ne sont autres que Géraud et Guillaume de Turlande; et que Turlande est bien le nom féodal de la famille. Il est d'ailleurs tout naturel qu'elle ait choisi pour son principal siège le château de Turlande, puisqu'il se trouvait situé entre ses grandes terres du Rouergue et ses domaines d'Auvergne. Elle s'y perpétua pendant plusieurs siècles; on l'y suit jusqu'au XV° siècle.

Marcellin Boudet.

Chapitre III

Notes et Documents concernant l'histoire d'Auvergne

Saint Robert de Turlande: Fondateur de La Chaise-Dieu

Ses origines et sa famille d'après les Cartulaires

DOTATION DE LA CHAISE-DIEU PAR GERAUD DE TURLANDE - BROSSADOL - LIEN ENTRE LES TURLANDE ET SAINT ROBERT

On doit s'attendre à ce que Géraud de Turlande ait participé à la dotation de l'abbaye de La Chaise-Dieu fondée par son propre frère; et s'il ne l'avait pas fait ce pourrait être une objection de quelque poids. Or, non seulement il y a participé mais il est signalé avec Etienne de Mercoeur comme l'un des plus importants et des 'premiers bienfaiteurs' de l'oeuvre, par ceux-là même qui ont ignoré les liens écrits qui l'attachaient au fondateur. L'hagiographe de la Gallia n'admet qu'un autre seigneur d'Auvergne dans son énumération des quatre donateurs du début, Guillaume de Baffie; le quatrième est Guillaume de Poitiers, duc d'Aquitaine, dont la contribution fut naturellement la plus forte.

Mais il y a mieux, les biens donnés par Géraud de Turlande à la Chaise-Dieu furent précisément ceux de Brossadol. Les libéralités se continuèrent même pendant les premières années qui suivirent le décès de Saint Robert. Elles comprirent le fief paroissial de saint-Georges de Brossadol, des cens sur la chapelle de Saint-Michel de Brossadol et sur la léproserie de Saint-Thomas établie dans les territoires de Brossadol et de Saint-Georges, propriétés certaines des frères de Turlande provenant du père de Saint Robert au moment de la fondation.

Et comme les points accessoires s'expliquent de surcroît, lorsque la solution vraie du problème principal est dégagée, on comprend aussi, avec Géraud de Turlande père et fils seigneurs suzerains de Saint Georges de Brossadol, pourquoi Saint Robert, peu visiteur de sa nature en dehors des relations les plus étroites du sang, fréquentait particulièrement le château de Brossadol où l'hébergeait 'le père de famille' dont parle le moine Bertrand. La poussière du banc qui lui servait de siège, le contact du lit où il avait l'habitude de coucher à Brossadol opéraient des miracles. Ce père de famille de Saint Robert n'est autre que Géraud de Turlande.

Que ce soit son père ou son frère ainé, l'identité des prénoms a pu rendre le moine perplexe sur ce point, cela nous est assez indifférent. Ce château de Brossadol, le seul que l'on connaisse comme ayant été par lui habituellement visité, est, il est vrai, l'habitat des vassaux de son père et de ses frères ainés; mais nous savons, d'une part, que l'ainé était resté le suzerain allodial de la part de ses frères, et que, d'ailleurs, la possession utile des castra du temps était le plus souvent divisée entre plusieurs membres de la même famille, chacun possédant une ou plusieurs tours ou une partie de l'espace compris dans la grande enceinte, en outre d'une portion du territoire rural. De plus, les seigneurs directs et partiels de Brossadol vassaux des Turlande étaient eux-mêmes, suivant les plus grandes vraisemblances, les plus proches parents paternels de Robert et de ses frères.

Les seigneurs de Turlande remplissent ainsi, sans exception aucune, toutes les conditions positives exigées par les documents pour la famille de Saint Robert; et elle seule les remplit. Il est donc Robert de Turlande.

Chapitre IV

LA MÈRE DE SAINT ROBERT

Qui était Raingarde, femme du premier Géraud de Turlande et mère de Saint Robert ? Le Livre tripartite nous apprend que saint Robert était le neveu de Rencon, évêque d'Auvergne de 1028 à 1053 environ. Rencon est un prénom tout à fait inusité dans la famille paternelle du fondateur de La Chaise-Dieu, voire même dans le province, et le prélat qui le porte est absent des actes intéressant les Turlande, c'est donc qu'il était un oncle maternel,

Cela ne nous avancerait guère si le meilleur érudit que l'Auvergne ait eu depuis longtemps, Augustin Chassaing, n'avait découvert dans un des nécrologues de Brioude ou du Chapitre cathédral qu'il était sur le point de publier, quand la mort l'a surpris, un passage où ce personnage est appelé Renco de Monte claro episc. Avern. Ceux qui ont lu cette mention ont pu facilement prendre son nom patronymique pour une inversion de Clarus mons, et c'est là sans doute pourquoi le nom de la famille de ce prélat est resté ignoré de nos catalogues épiscopaux. Il y eut des Montclar en Haute-Auvergne, en Velay, en Toulousain et en Rouergue dans l'arrondissement de Saint-Affrique. Les plus importants au moyen-âge étaient les maîtres d'un second Montclar du Rouergue. Ces derniers qui furent les vicomtes de Montclar du moyen-âge, eurent dans le Cardalès des possessions contigües à celles des Turlande et paraissent devoir être préférés.

Cette alliance concorde à merveille avec l'extension territoriale de la famille de Saint-Robert dans le diocèse de Rodez, sa dévotion à Sainte Foi et ses bienfaits à l'abbaye rouergate de Bonneval à laquelle ils donnèrent au moins un abbé au XIIe siècle.

Chapitre V

LES FRÈRES DE SAINT ROBERT

Les frères certains. - Jean de Bénavent; Bernard de Mels - Raymond le Miraculé et Raymond le Naufragé

Les frères certains

Géraud, mari de Raingarde, peut être considéré comme le fondateur du château de Turlande, bien qu'il n'en ait porté le nom qu'à la fin de sa vie tout au plus. Mais comme ce nom est porté avec le caractère patronymique par plusieurs de ses fils, entre autres Géraud, Pons et Rigaud, et que, d'autre part, on ne trouve rien de cet établissement féodal avant lui, il faut bien remonter et s'arrêter à lui.

Il eut de nombreux enfants. C'est le patriarche à une époque éminemment prolifique.

Nous en avons vu défiler sept dans les documents d'ordre positif, dont deux au moins furent d'église : Géraud, Pons, Rigaud, Guillaume, Raymond, le prêtre Deusdet et Saint Robert; n'y revenons pas. Il y en a deux autres discutables, Jean et Bernard. Raymond appelle également quelques explications. Il nous faut donc dire un mot de ceux-là; en prévenant toutefois le lecteur que nous entrons avec eux dans le domaine des inductions.

Jean de Bénavent et Bernard de Mels

Parmi les copossesseurs de l'héritage familial d'Orlhaguet avec Géraud II de Turlande et ses frères, il en est un pour qui la présomption de fraternité est très forte, c'est Jean. Il possède une part indivise d'Orlhaguet avec le chef de famille; il se joint à lui dans le même acte pour en disposer en faveur du même monastère de Conques; dans la charte 38 de Conques où il figure, tous les autres copossesseurs sont des frères prouvés de Géraud de Turlande; aucun étranger certain ne prend part à cet acte de famille. Il est d'autant plus à croire que Jean est le frère de Géraud qu'il y a non seulement copropriété de la terre entre lui et les frères de Turlande, mais indivision particulière d'une parcelle entre l'aîné et lui. Ce Jean parait avoir eu pour lot principal la partie de la terre primitive qui forma la seigneurie de Bénavent, et n'être autre que Jean de Bénavent, lequel reçut aussi une part, avec Guillaume et son frère Robert alors prêtre, dans un corps de biens que la famille possédait auprès des seigneurs de La Roche-Donnezat au Puy-pendant, près de la Roche et de Gergovia en 1030-1040, où il avait pour voisins Guillaume frère de Robert, et le comte de Gévaudan. Il est le premier seigneur portant le nom de Bénavent que l'on connaisse, et il n'y avait alors aucun fief de ce nom en Auvergne.

Les copropriétés des premiers seigneurs de Turlande, Mels et Bénavent dans l'ancienne paroisse d'Orlhaguet au XIe siècle, cadrent fort bien avec l'existence primitive d'un territoire unique appartenant à leur auteur commun.

Aucun étranger certain ne prend part à cet acte de famille. Il est d'autant plus à croire que Jean est le frère de Géraud qu'il y a non seulement copropriété de la terre entre lui et les frères de Turlande, mais indivision particulière d'une parcelle entre l'aîné et lui. Ce Jean parait avoir eu pour lot principal la partie de la terre primitive qui forma la seigneurie de Bénavent, et n'être autre que Jean de Bénavent, lequel reçut aussi une part, avec Guillaume et son frère Robert alors prêtre, dans un corps de biens que la famille possédait auprès des seigneurs de La Roche-Donnezat au Puy-pendant, près de la Roche et de Gergovia en 1030-1040, où il avait pour voisins Guillaume frère de Robert, et le comte de Gévaudan. Il est le premier seigneur portant le nom de Bénavent que l'on connaisse, et il n'y avait alors aucun fief de ce nom en Auvergne.

Les copropriétés des premiers seigneurs de Turlande, Mels et Bénavent dans l'ancienne paroisse d'Orlhaguet au XIe siècle, cadrent fort bien avec l'existence primitive d'un territoire unique appartenant à leur auteur commun.

Les éditeurs des Documents historiques du Carladès voient dans Bernard de Mels qui, le premier, prit le nom de cette terre en 1060-1062, un frère de Rigaud de Turlande, frère lui-même de Géraud II et conséquemment de Saint Robert. Cette conjecture se fonde sur ce que, à la même époque où les frères Géraud, Rigaud, Guillaume et Deusdet de Turlande donnaient à l'abbaye de Conques tout ce qu'ils possédaient, y compris l'église, ses terres et le fief presbytéral, pour y fonder un prieuré, Bernard de Mels et 'son frère Rigaud' complétaient cette libéralité en se démettant de leurs biens dans les mêmes objets au profit du même monastère; et comme dans la charte des frères de Turlande (n° 38 du Cartulaire de Conques sous la rubrique Breve de ecclesia Aureliageto, Rigaud est appelé en termes exprès Rigaldus de Turlanda, le moine rédacteur du résumé de la charte suivante n° 39 sous la rubrique Item de cadem ecclesia, a pu juger inutile de répéter le nom de Turlande à la suite du prénom de Rigaud, s'en référant à l'acte précédent pour cela, de même qu'il s'y réfère pour le nom du lieu. Tout en reconnaissant que la copropriété des Turlande et de Bernard de Mels dans Orlhaguet est de nature à fortifier cette hypothèse jusqu'à la rendre très plausible, on estimera néanmoins que l'absence du nom terrien de Rigaud dans la charte 39 lui laisse un caractère conjectural, vu que Bernard de Mels pouvait avoir, lui aussi, un Rigaud pour frère.

Chapitre VI

Raymond le Miraculé

Dans une charte rédigée vers 1035 figure Raymond 'frère de Géraud fils de Raingarde', c'est à dire Géraud de Turlande. Est-il Raymond chevalier 'riche à cinquante hommes d'armes' dont parle le Livre des miracles de Sainte Foi. Il y en a de très sérieux indices à défaut de preuves.

Suivant l'usage pour les cadets il avait été alloti surtout dans les terres maternelles aux confins des domaines des comtes de Toulouse. Sa principale résidence dans cette région était Vallières, dans la paroisse de Saint-Dier de Panat, aujourd'hui Villefranche de Panat, canton de Salles-Curan, arrondissement de Millau. A noter que les vicomtes de Carlat l'étaient aussi de Millau et que Panat est près d'un Montclar. Mais c'était la coutume du temps d'attribuer quelque chose aux puînés dans les divers corps des biens paternels, et Raymon était en Auvergne le vassal de Pierre, clerc 'd'illustrissime race et très puissant par les dignités supérieures dont il était revêtu'.

En effet, ce Pierre était le lieutenant du comte d'Auvergne en Auvergne; le Cartulaire inédit de Paray-le-Monial nous le montre exerçant les fonctions de 'vicomte' jusqu'à l'extrémité septentrionale de la province, sur les marches de la Bourgogne; on n'en connaît pas d'autre après lui détenant le pouvoir vicomtal à titre de fonction. Ce haut personnage que Bernard, écolâtre d'Angers, a rencontré à Conques en 1020, lui a dit que Raymond était 'son chevalier'. Raymond avait donc suivi la carrière des armes.

En comprimant une sédition, il fut frappé d'un si furieux coup d'épée au travers de la figure qu'il en eut le nez et les lèvres abattus sur le menton, la langue presque entièrement coupée à la racine, un côté de la mâchoire tranché complètement, et l'autre à moitié; de telle sorte que son visage n'offrait plus qu'une énorme plaie béante d'ou pendaient des débris de chair et d'os. Ses fidèles et ses amis le rapportèrent en cet état dans sa maison et l'y gardèrent pendant trois mois entre la vie et la mort. Son affreuse blessure ne lui permettait pas de manger. On était obligé de lui ingurgiter des bouillies grasses par l'ouverture de la plaie. Le malheureux, à qui ce martyre était devenu intolérable, résolut enfin de se faire porter au tombeau de Sainte Foi, moins pour demander le prolongement d'une vie odieuse que pour solliciter la sainte de l'assister dans son passage à l'éternité, car il ne doutait pas qu'il ne fût perdu sans espoir. On devait l'emmener le lendemain matin, lorsque, durant son lourd sommeil, Foi lui apparut sous la forme d'une jeune fille surhumainement belle. Elle se mit en prière près de lui, termina par l'oraison dominicale, puis, se faisant son médecin, de ses doigts légers remettant en place et consolidant chacune de ses dents noyées de pus dans leurs alvéoles, elle rajusta la mâchoire pendante, et de son souffle divin rendit la forme et la vie à ce visage que la mort envahissait. Cela fait, elle lui recommanda d'aller à Conques rendre grâce au Saint-Sauveur.

Raymond s'éveille; les premières lueurs du jour teintaient l'horizon. Il porte les mains à son visage, tout y est à sa place. Peut-être il pourra parler ? Il appelle ses serviteurs, il demande à manger et sa voix retentit. Les domestiques, éveillés au bruit, se demandent d'abord quel est l'imbécile qui a faim de si bonne heure, mais, ô stupéfaction ! c'est la voix du maître. Ils se précipitent, ils allument des torches, ils accourent et trouvent Raymond bien réellement guéri.

Il leur raconte l'apparition, se rend aussitôt à Conques; puis, comme il était ignorant 'en sa qualité de laïque n'ayant jamais reçu d'instruction', il va trouver les moines pour leur faire conserver le souvenir du miracle dont je viens de traduire presque littéralement le récit contemporain.

Chapitre VII

Raymond le Naufragé.

Ce Raymond-là paraît aussi se rattacher à la famille de Saint Robert.

L'histoire de ce personnage est un étrange roman. Qu'on en juge.

Raymond voulut faire le pèlerinage de Jérusalem. Il partit vers l'an mille, jeune alors, néanmoins marié et père de famille. Après avoir traversé l'Italie, il s'embarque pour la Palestine à Luna, port d'Étrurie. Assailli par une épouvantable tempête, son navire est mis en pièces; tous ceux qui le montaient se noient à l'exception de lui-même et d'un seul de ses domestiques, assez heureux, l'un et l'autre, pour s'accrocher en coulant à des débris de mâture. Le serviteur est jeté sur la côte d'Italie d'où il regagne la France, y portant la nouvelle de la mort de son maître. Cependant Raymond, cramponné à son épave et ne cessant d'invoquer la grande Sainte Foi, est jeté sur la côte africaine après avoir été le jouet des flots pendant trois jours. La plage est déserte, il n'y trouve même pas des fauves. Au moment où il va expirer de fatigue, de soif et de faim, il est entouré par un équipage de pirates qui s'emparent de lui, le rembarquent et l'emmènent avec eux dans leur pays. On l'interroge dès que qu'il a repris des forces: il s'avoue chrétien, mais, pour ne pas éveiller l'avarice ou la férocité des pirates, il se dit paysan; sur quoi on lui met une pioche à la main et on lui fait piocher la terre; mais comme il pioche très mal, on le lacère de coups de fouet sans miséricorde. Il confesse alors qu'il est chevalier et qu'il n'a jamais connu d'autre métier que celui de la guerre. On s'en assure aussitôt, et les bandits demeurent émerveillé de l'art avec lequel il se sert des armes d'attaque pour porter les coups, du bouclier pour les parer

Ils l'emmènent désormais avec eux dans leurs expéditions. Le voilà forban; il devient même capitaine de ces écumeurs de mer. Dans un terrible combat contre d'autres pirates de la côte de Barbarie, les Berbères le font prisonnier après avoir dispersé ou massacré tous ses compagnons. il en prend son parti, se bat bravement pour leur compte, conquiert un grade élevé parmi eux, mais les Berbères sont vaincus à leur tour par les Sarrasins de Cordoue qui le capturent pour la troisième fois. Là encore, le captif devint un grand chef de guerre dont les musulmans s'enorgueillissent; d'où l'on doit induire qu'il avait pris le turban au moins pour la forme. L'aventurier est enlevé par les Arabes, puis pris sur eux avec une multitude de guerriers maures, par Sanche, comte de Castille, dans une grande et sanglante bataille. Ce fut probablement la bataille de Djebal-Quinto livrée en 1009, sur la terre d'Afrique, par Sanche aux arabes et au calife de Cordoue. Sanche apprend qu'il est chrétien et de noble lignée. Emu du récit de ses aventures, il lui rend la liberté.

Arrivé en vue de son château, Raymond se renseigne. Bien lui en a pris. Sa femme, qui le croit mort depuis quinze ans, y vit avec un autre époux et ses deux filles sont mariées. Il n'ose se montrer de crainte qu'on ne le tue, et il se cache chez des paysans, dans une pauvre cabane du village, comptant, pour conserver l'incognito, sur son costume de pèlerin et les changements que l'âge a produits dans sa personne. La malchance voulut qu'une femme du village le reconnut. 'N'êtes-vous pas Raymond qui partit pour Jérusalem et que je croyais avoir péri pendant la traversée ? ', lui demanda-t-elle. Il proteste, 'Ne niez pas, c'est inutile, je vous reconnais '.

Malgré ses protestations, la femme courut en cachette au château avertir sa maîtresse qui pensa plus dès lors qu'aux moyens de donner la mort, sans trop se compromettre, à ce malencontreux revenant. Sainte Foi, qui était apparue à Raymond pendant son sommeil, la veille de son départ d'Espagne, pour le prévenir qu'il avait été dépouillé de sa terre, mais qu'elle la lui ferait recouvrer en récompense de la confiance qu'il avait eu en elle au moment du naufrage, lui apparaît de nouveau, lui révèle le complot tramé par sa femme et, dans une troisième apparition, lui conseille de fuir au plus vite.

Il avait laissé un ami très dévoué dans le pays, le seigneur Hugues Escafred qui, voyant les jeunes filles de Raymond sacrifiées par leur mère au profit de son nouvel époux et sur le point d'être spoliées par elle, les avait prises sous sa protection et mariées à deux de ses fils. Au récit des sinistres desseins formés contre Raymond, Escafred assemble ses fils, ses gendres, ses fidèles, et rétablit son ami dans son château les armes à la main.

Maintenant, qui devait garder la femme? Procès. Il est jugé que c'est Raymond qui doit la reprendre et qu'il peut le faire sans déshonneur à cause de la bonne foi. Le second mari ne demandait qu'à s'en défaire; mais lui, Raymond, n'en voulut point, non parce qu'elle s'était remariée à un autre, mais parce qu'elle avait voulu le faire assassiner.

On ajoute, dit le capiscole angevin sortant ici de l'ordre des faits positifs, et avertissant le lecteur qu'il entre dans des racontars, on ajoute que les premiers pirates lui avaient fait boire une potion de simples ensorcelés par des incantations magiques, dont l'effet était d'abolir si bien la mémoire qu'il en oubliait et sa famille et sa maison. On dit que Sainte Foi la lui rendit, mais en partie seulement, pour que les lacunes dont elle restait entachée attestassent les malheurs de sa captivité et la merveilleuse intervention de Dieu en sa faveur.

Merveilleux, en effet, ce roman d'aventures d'avant la première croisade, mis en écrit tout chaud par le contemporain, et que je me suis borné à traduire au pied de la lettre sans y rien ajouter! Il n'y manque rien, ni la trahison, ni la bataille, ni la vertu récompensée, ni la belle, à cette seule différence près que la belle, c'est à qui en sera débarrassé. Et, franchement, il y avait de quoi occasionner un peu d'anémie au cerveau du malheureux Raymond dans ses quinze années d'aventures dramatiques, sans recourir à l'hypothèse de la boisson des pirates barbaresques. Et savez-vous comment, d'après l'auteur du récit, s'appelait leur pays, celui où ils conduisirent le naufragé? Le 'pays de Turlande!'.

Je n'ai pas été plus heureux que le savant éditeur du Livre des Miracles de Sainte Foi, et que les spécialistes versés dans la géographie ancienne et moderne des côtes africaines. Impossible de découvrir un pays de Turlande (le pays de la Tour), ailleurs que dans celui de la famille dont nous nous occupons (arrondissement de Saint-Flour et d'Espalion). Là, il en a même deux, aux deux extrémités de la Viadène; l'un, le chef-fief, en Auvergne sur la ligne divisoire arverno-rouergate, l'autre dans la commune d'Espalion; telles deux grandes bornes de la terre de Turlande. Le hasard fait rarement de ces coups, et l'on ne voit guère qu'une explication acceptable; le nom de Turlande s'est associé si intimement à celui de la famille et du pays natal de Raymond le Naufragé dans la pensée du professeur angevin, pendant ses deux derniers séjours à Conques, que, revenu chez lui, et prenant la plume pour écrire son récit, une facile confusion s'est opérée dans sa mémoire; la seigneurie de Turlande, habitat de Raymond et des siens dans la vallée de la Truyère, est devenu le pays qu'il avait habité chez les pirates barbaresques.

Autre particularité utile à noter. Le nom d'Escafred est assez peu banal pour se prêter à l'équivoque. Or cette famille méridionale eut au moins une branche en Rouergue et en Auvergne, du XIe au XIVe siècle.

Ce Raymond fit son offrande à Sainte Foi et c'est à sa reconnaissance que doit être attribué le don fait à Conques par lui, de concert avec son frère Géraud, de biens situés en Toulousain vers 1010, à une date qui correspond avec son retour de captivité.

Doit-il être identifié avec son homonyme, le chevalier de Pierre lieutenant du comte d'Auvergne, le donateur de Vallières, frère de notre saint dont nous venons de parler? Raymond le miraculé et Raymond le Naufragé seraient-ils un seul personnage? Cela se peut en supposant une vingtaine d'années de différences dans l'âge des deux frères, Géraud II et Raymond, ce qui n'est pas sans exemple, surtout si Géraud eut une autre femme en outre de Raingarde. Dans ce cas, nous aurions quelques lueurs sur la bigame du roman. Ce serait lui, Raymond, le mari d'Albrade. La notice du capiscole fait rentrer Raymond dans son château et reprendre la vie commune avec sa femme après que la paysanne l'a reconnu; la sainte le lui avait ordonné. Ils auraient fait alors ensemble la donation de Vallières; et ce n'est que lorsque les criminels projets d'Albrade, retardés par une maladie et des circonstances défavorables, furent arrêtés dans son esprit, que sainte Foi l'avertit dans un songe de fuir pour se soustraire à leur exécution. Le nom d'Albrade est aussi peu ordinaire que celui d'Escafred. On ne le retrouve qu'une autre fois dans les noms féminins de la région. Elle avait épousé un seigneur prénommé Jean; celui-là serait "l'homme beau entre tous" dont elle s'était éprise et qu'elle avait épousé, se croyant veuve après le naufrage. Elle serait retourné avec lui après la mort de Raymond, et elle en aurait eu deux fils, dont l'un Didier, rappelle le patron de la paroisse où se trouvait son domaine de Vallières. Ensemble, ils firent la donation au prieuré de Sauxillanges d'un champ situé à 'al. Badolento' dans la viguerie d'Usson (Badanclant, commune de Mazoires, canton d'Ardes ?), lequel confinait aux terres de Géraud, de Guillaume et de Robert, nous retrouvons ici le nom des trois fils certains de Géraud et de Raingarde.

Chapitre VIII

LES GRANDS PARENTS DE SAINT ROBERT; LEURS RAPPORT AVEC REILHAC

Presque tous les hagiographes qui ont recueilli la tradition ancienne de La Chaise-Dieu ont constaté les relations des ascendants de Saint Robert avec un lieu portant le nom de Reilhac. J'ai démontré par deux actes dont le rapprochement est péremptoire que cette tradition était fondée, et que sa famille était bien propriétaire à Reilhac en Brivadois. L'étude des maîtres de ce lieu au temps de ses grands parents va nous révéler ceux-ci par de multiples et de singuliers rapports de noms de lieux et de synchronismes. Ce ne sera pas l'évidence matérielle cependant, comme pour son père, sa mère et ses frères de Turlande; ce sera du moins une grande vraisemblance. C'est sous ses réserves que je crois devoir consigner les notes qui suivent.

Sous le roi Lothaire, un seigneur du nom de Géraud épousa Ingelberge, dame de Reilhac, très probablement de la famille de Béraud 1er de Mercoeur. Je me sers ici des termes de dame et de seigneur, bien qu'ils ne fussent pas en usage chez les nobles de la fin du X° siècle, parce que si la qualification de dominus et de domina ne leur est pas encore donné dans nos cartulaires, ils n'en possédaient pas moins le seigneurat sauf les droits régaliens.

Reilhac était le chef-lieu primitif d'une vaste paroisse du canton de Langeac, arrondissement de Brioude, qui s'étendait dans la vallée de Cronce, depuis Arlet jusqu'à la source de cette petite rivière dans la chaîne de la Margeride entre Brioude, Saint-Flour et Ruines. Elle dépendit, au X° siècle, du comté de Brioude et, suivant les époques, de la viguerie de Rageade (canton de Ruines, arrondissement de Saint-Flour) ou celle de Chanteuges. Avant Ingelberge, on trouve le lieu dans le domaine des seigneurs de Mercoeur; dans celui d'Itier Ier tige de cette race d'après son testament de 936, où il figure avec le Mercoeur du canton de Lavoûte-Chillac, situé près de là, le vrai, le plus ancien Mercoeur, celui d'où la race a tiré son nom, qu'elle a communiqué ensuite au Mercoeur d'Ardes; et avec Rageade, les Loudières (commune de Rageade), le Fayet (commune de Mentières) et Reyrolles (commune de Saint-Georges , canton nord de Saint-Flour). La villa Rialago passe à son fils aîné, Béraud Ier, qui dispose vers 970-982 de ce qu'il y possède par le dernier acte connu de lui. Il résulte de ces deux actes, très intéressants au point de vue géographique, que la viguerie dont Reilhac faisait partie englobait alors toute la Margeride, versants Cantal et Haute-Loire, depuis Mercoeur et La Chapelle-Laurent jusqu'à Mentières et à la paroisse de Saint-Georges de Brossadol près de Saint-Flour, et même jusqu'à Védrine-Saint-Loup. Rageade et Chazelle (arrondissement de Saint-Flour), membres de cette viguerie, sont même plus près de Reilhac et de Langeac que de Saint Flour. Le fait a son prix au point de vue du voisinage des Turlande.

Cette circonstance que Reilhac sert d'apanage à Ingelberge aussitôt après Béraud Ier de Mercoeur, le père de Saint Odilon, la convenance des dates, les rapports plus intimes que l'on trouve à partir de cette époque entre la famille des Mercoeur et celle des seigneurs de Turlande et de Solignac, donnent à croire qu'Ingelberge fut une des filles de Béraud, une soeur par conséquent de Saint Odilon, abbé de Cluny. Ce dernier ne la nomme pas, il est vrai, dans la charte de fondation du prieuré de Lavoûte, près de Brioude, où il énumère les membres de sa famille la plus proche; mais il n'y nomme pas tous ceux qui sont morts, il s'en faut; il se contente, pour plusieurs de donner le nom de ses neveux ou petits-neveux vivants. En outre, il dit avoir eu plusieurs soeurs et plusieurs neveux issus d'elles; et dans un membre de phrase séparé, il met ensemble, à coté l'un de l'autre, parmi ses neveux ou petits-neveux "Géraud et Robert" dans l'ordre de primogéniture qui fut précisément celui de Géraud de Turlande et de son frère Robert.

Or, d'une part, en 1025, Saint Robert était à Brioude et probablement non encore engagé dans les ordres; et il est certain, d'autre part, que Géraud, mari d'Ingelberge, eut un fils aîné du nom de Géraud; ce serait dans ce Géraud là qu'il faudrait voir le père de Saint Robert et de ses frères de Turlande.

Ingelberge eut trois maris. Du premier, qu'elle épousa fort jeune suivant l'usage et qui paraît avoir été Bernard fils de Bernard et de Goda de Vielle-Brioude, veuve d'Erail, tige des comtes du Gévaudan, il lui vint un fils Gausbert; du second, Ebrard, de la famille des seigneurs d'Usson, épousé vers 969, on ne lui connaît pas d'enfants. Le troisième fut Géraud. Ce fut avec son second mari Ebrard, qu'entre 970 et 975, elle gratifia l'ordre de Cluny d'un vignoble, d'une mansion et d'autres immeubles pour fonder le monastère de Reilhac qui fut, au siècle suivant, annexé au prieuré de Lavoûte fondé par tous les Mercoeur réunis et dotés par eux. Le jeune Gausbert s'associa à sa mère et à son beau-père Ebrard dans cette oeuvre. Ils voulurent être inhumés à Reilhac, indice que là était alors la résidence d'Ingelberge dans le pays: "si nous tombons dans le besoin, disent-ils tous les trois, Cluny devra venir à notre secours en nous fournissant le nécessaire à l'aide des revenus de Sauxillanges, et le moine qui aura l'obédience de Reilhac sera tenu de nous donner la sépulture".

Ils étaient cependant parmi les plus riches de ce monde; l'amende d'éviction pour le don d'Ingelberge était fixé à 400 sous, celle de la donation de Gausbert à 300 sous, signe de largesses assez considérables; mais nul seigneur, si puissant fût-il, n'était, à cette époque de la révolution féodale, à l'abri des revers de fortune. Deux donations complémentaires des vignobles de Reilhac faites par Gausbert à Cluny pour la même oeuvre, sous le règne de Lothaire terminé au commencement de 986, sont souscrites par Géraud. Ce dernier avait un frère Bernard, lévite entre 954 et 986, qui disposait alors d'un vignoble et d'un courtil situés à Reilhac pour l'âme de ses parents et de son "seigneur Etienne" qui paraît être Etienne Ier, vicomte de Gévaudan. Il donnait au même monastère, aux environ de l'an mille, une saussaie située à Mermech (Saint-Jean-en-Val près d'Usson).

Ce premier Géraud vivait encore avec sa femme Ingelberge sous le règne du roi Robert et l'abbatiat de Gilbert à Conques, c'est à dire entre 996 et 1004. Il n'était plus de ce monde au mois de mars 1019.
L'aîné de ses fils fut Géraud, seigneur de Turlande, que nous connaissons, et il eut deux filles au moins, Durante et Gilberte ou Girberge. Avec un autre de ses fils, non moins prouvé, nommé Albuin, il donna avant 994 à Sauxillanges, sous l'abbatiat de Mayeul, une vigne et une mansion sises à Vinzelle, dans le comté de Talende en Basse-Auvergne. Ils firent ensemble ce don "pour leurs âmes, celle d'Ingelberge et de tous leurs parents", sans distinction des vivants et des morts. Géraud et Ingelberge se trouvent ainsi constatés à la fois en Auvergne et en Rouergue, avec des propriétés dans les deux provinces et des libéralités aux monastères des deux diocèses, tout comme les membres de la famille de Turlande à la génération suivante. Ils fondent le prieuré de Reilhac dans la première comme leurs fils fonderont celui d'Orlhaguet dans la seconde.

Avec son fils Géraud qui fut le père de Saint Robert, ses deux filles et sa femme Ingelberge, Géraud vendait en 966-1004, à l'abbaye de Conques un capmas allodial avec jardin, vignobles et mansions dont il ne précise pas la situation autrement qu'en disant qu'ils confrontent à la fois aux terres de Saint-Julien (de Brioude), de Sainte-Foi (de Conques), de Saint-Pierre (de Sauxillanges) et de Saint-Géraud (d'Aurillac). Cette rare rencontre des propriétés des quatre monastères sur un même mas se produit dans la banlieue de Saint-Flour, notamment dans la Planèze et aux environs de Talizat, c'est-à dire près des domaines des Turlande.

Pour aller à Reilhac, en partant soit de Saint-Georges de Brossadol, près de Saint-Flour, soit de Turlande, il était nécessaire de traverser la chaîne de la Margeride, pays de pampa, de pâturages déserts et de plusieurs milliers d'hectares de forêts de sapins. Cette région répond à merveille à la solitude où Raingarde fut surprise par les douleurs de l'enfantement lorsqu'elle se rendait dans un château d'Auvergne pour y faire ses couches. Il faut donc renoncer aux versions variées non moins que contradictoires des écrivains plaçant le lieu de la naissance de Robert soit à Aurillac, par suite de l'analogie de consonance avec Reilhac, soit en Rouergue dans un bois près de de l'église de Cabrespine, commune de Coubizon, canton d'Estaing, soit au Rilhac de la commune de Rouziers, canton de Maurs, arrondissement d'Aurillac, sur les confins du Lot et du Rouergue. On comprendrait encore le choix de Rilhac ou Reilhac, commune de Vergongheon, canton d'Auzon, arrondissement de Brioude, dont l'existence est prouvée dès 896; mais le Reilhac de la viguerie de Rageade ou de Chanteuges en Brivadois, est celle qui, de beaucoup, convient le mieux.

Avant d'épouser Raingarde, la mère de Saint Robert, Géraud avait eu une première femme Emeldis possessionnée sur la seigneurie de La Roche et de Donnezat, dans l'ancienne viguerie de Talende et sous la montagne de Gergovia (canton de Veyre-Monton, arrondissement de Clermont). Peut-être fut-elle une petite-fille de Bertrand fils d'Erail et d'Emildis, tiges des comtes de Gévaudan, de Guillaume et Bertrand frères de Pons, et de leur soeur Philippie femme du comte Guillaume IV d'Auvergne. Divers rapports de noms et de biens, notamment autour de Gergovia et en Brivadois, sembleraient l'indiquer; mais ceci n'est qu'une conjecture.

Chapitre IX

L'ORIGINE DU PREMIER GÉRAUD -- LES VICOMTES DE CARLAT.

Les récents historiens du Carladès qui ont poussé plus loin que personne ne l'avait fait avant eux l'étude des origines des fiefs de ce pays et de leurs maîtres d'après les seuls documents contemporains, Bien que la partie historique antérieure au XIV° siècle soit l'oeuvre de Gustave Saige elle n'a été publiée qu'après communication et avec l'approbation du comte de Dienne; de sorte que nous ne pouvons séparer les deux collaborateurs d'une oeuvre où l'un apporta l'expérience d'un chartiste consommé, lauréat de l'Ecole des Chartes dès ses débuts, et l'autre sa connaissance approfondie d'une région ignorée de l'autre et d'un personnel historique où il retrouvait sa propre famille. On ne peut oublier, du reste, que c'est en suivant la piste des archives du Carladès de Paris à Monaco, que Mr de Dienne amena la découverte de ce fonds alors inexploré et même inconnu, dans les archives de la principauté, et par conséquent de sa publication. ont abouti, pour les seigneurs de Turlande, de Mels et de Bénavent, à la conviction non seulement que leurs seigneuries furent des démembrements d'une même terre mais qu'ils sortirent d'une même souche. Ils leur donnent pour auteur commun Gilbert Ier, vicomte de Carlat, mari d'Agnès, laquelle mourut veuve dans un âge avancé, après avoir testé vers 1010, 1012 au plus tard.

Il est certain, d'après le testament d'Agnès, qu'elle possédait dans son patrimoine personnel le pays de Viadène et tout au moins une très grande portion des vigueries de Bromme et de Barrès, sur lesquelles s'étendait la partie méridionale de la terre de Turlande. Elle partagea ce vaste territoire entre ses trois fils: Gilbert qui fut Gilbert II troisième vicomte connu de Carlat, Géraud et Bernard.
Il résulte encore de son testament que Gilbert et Bernard reçurent d'elle chacun la moitié de la châtellerie de Mels contigüe aux terres de Bénavent et Turlande; que Géraud en eu Alpuech dans le pays de Viadène (canton de Sainte-Geneviève) et Mandillac (commune de Thérondels au pays de Barrès) séparée de Turlande par le seul lit de la Truyière. A ces deux branches advinrent aussi Nigreserre et le fief de l'immense paroisse primitive de Raulhac. Turlande lui-même relevait du vicomté de Carlat.

Il est non moins certain que le 16 juillet 1266, Pierre de Turlande, descendant de Géraud père de Saint Robert, possédait encore Nigreserre et sa part de Raulhac, et qu'il en faisait hommage à Henri de Rodez vicomte de Carlat, comme dépendances de sa terre de Turlande, avec Lacapelle-Barrès et tout ce qu'il avait sur les paroisses de Bromme, Jou, Saint-Clément, et entre les rivières de Sinicq et de Cère, ce qui englobe Raulhac.

Il est de plus établi par un compromis conclu à Turlande le 21 août 1252, que Pierre et Aldebert de Carlat, autre famille descendant des vicomtes, étaient coseigneurs de Turlande; que vers le même temps Pons de Carlat, autre famille descendant des vicomtes, étaient coseigneurs de Turlande; que vers le même temps Pons de Carlat épousait Marthe de Bénavent, d'où serait venue la seconde maison de Bénavent qui réunit cette seigneurie à celle de Mels.

Du haut des ruines de Turlande, l'oeil possède une considérable partie de ces domaines du Barrès qui commencent à ses pieds même et l'entourent.

Il est démontré de plus que le premier seigneur de Mels connu, Bernard frère de Rigaud, que MM. Saige et de Dienne estiment être Rigaud de Turlande, copossédait une part d'Orlhaguet vers le milieu du XI° siècle;

Qu'enfin Deusdet de Turlande, prêtre, frère de Géraud et de Saint Robert, reçut du vicomte de Carlat, Gilbert Ier, le don d'un alleu situé à Bromme et qu'il l'offrit à Sainte Foi de Conques pour l'âme de ce vicomte, de sa femme Agnès et de ses trois fils, en intervertissant l'ordre de primogéniture et en nommant Géraud le premier, exception que seul pouvait se permettre un descendant.

La race féodale qui prit le nom de Turlande dans la première moitié du XI° siècle serait donc issue des vicomtes de Carlat. Mais quel est l'auteur de la branche ? Est-ce notre Géraud, mari d'Ingelgerbe et d'Emeldis, qui fut le fils d'Agnès et de Gilbert Ier ? Est-ce Bernard ainsi que le supposent les derniers historiens du Carladès ? La postérité de l'un aurait-elle hérité de l'autre dès les débuts ? Il est difficile de se prononcer avec précision, bien que Géraud paraisse infiniment préférable.

Concluons: Saint Robert est Robert de Turlande, cela est démontré. Qu'il descendît des premiers vicomtes de Carlat, c'est tout ce qu'il y a de plus vraisemblable; ainsi se justifierait l'épithète de vir clarissimus dont le moine Bertrand s'est plu à le décorer un siècle après sa mort, et la légende qui lui a donné une très illustre origine.

Marcellin BOUDET


Robert of Chaise-Dieu, OSB Abbot (RM)

(also known as Robert de Turlande)

Born in Auvergne, France; died 1087 (or 1067?); canonized in 1095. Saint Robert de Turlande, descended from Saint Gerald of Aurillac, was a canon of Saint Julian's Church at Brioude. He was noted for his love of the poor, for whom he founded a hospice. After spending many years at Cluny under Saint Odilo and having made a pilgrimage to Rome, Robert retired to the solitude near Brioude in Auvergne where he attracted many followers. With the help of a penitent knight named Stephen, founded Chaise- Dieu. More buildings soon arose to accommodate all of Saint Robert's disciples. These developed into the great abbey of Casa Dei (House of God) or Chaise-Dieu (Chair of God). At its height Chaise-Dieu housed 300 monks under the Benedictine Rule. It also became the motherhouse of an important Black Benedictine congregation (Attwater, Attwater2, Benedictines, Coulson, Encyclopedia).
St. Robert

Founder of the Abbey of Chaise-Dieu in Auvergne, b. at Aurilac, Auvergne, about 1000; d. in Auvergne, 1067. On his father's side he belonged to the family of the Counts of Aurilac, who had given birth to St. Géraud. He studied at Brioude near the basilica of St-Julien, in a school open to the nobility of Auvergne by the canons of that city. Having entered their community, and being ordained priest, Robert distinguished himself by his piety, charity, apostolic zeal, eloquent discourses, and the gift of miracles. For about forty years he remained at Cluny in order to live under the rule of his compatriot saint, Abbé Odilo. Brought back by force to Brioude, he started anew for Rome in order to consult the pope on his project. Benedict IX encouraged him to retire with two companions to the wooded plateau south-east of Auvergne. Here he built a hermitage under the name of Chaise-Dieu (Casa Dei). The renown of his virtues having brought him numerous disciples, he was obliged to build a monastery, which he placed under the rule of Saint Benedict (1050). Leo IX erected the Abbey of Chaise-Dieu, which became one of the most flourishing in Christendom. At the death of Robert it numbered 300 monks and had sent multitudes all though the centre of France. Robert also founded a community of women at Lavadieu near Brioude. Through the elevation of Pierre Roger, monk of Chaise-Dieu, to the sovereign pontificate, under the name of Clement VI, the abbey reached the height of its glory. The body of Saint Robert, preserved therein, was burned by the Huguenots during the religious wars. His work was destroyed by the French Revolution, but there remain for the admiration of tourists, the vast church, cloister, tomb of Clement VI, and Clementine Tower. The feast-day of St. Robert is 24 April.

Fournet, Pierre Auguste. "St. Robert." The Catholic Encyclopedia. Vol. 13. New York: Robert Appleton Company, 1912. 16 Apr. 2015 <http://www.newadvent.org/cathen/13095c.htm>.

Transcription. This article was transcribed for New Advent by Christine J. Murray. In memory of Robert Martus.

Ecclesiastical approbation. Nihil Obstat. February 1, 1912. Remy Lafort, D.D., Censor. Imprimatur. +John Cardinal Farley, Archbishop of New York.

Copyright © 2020 by Kevin Knight. Dedicated to the Immaculate Heart of Mary.


Our Patron Saint

Saint Robert of the House of God

Priest and Abbot

Robert de Turlande was born in the year 1000 in Aurillac, Auvergne, France. After a blameless life as a youth, St. Robert was ordained to the priesthood and became a canon of the church of St. Julian. St. Robert distinguished himself with fervent charity to the sick and poor and with his zeal for the public worship of God. He is said to have built and restored no less than fifty churches during his lifetime.

In 1046, with the permission of Pope Benedict IX, St. Robert and two companions built a hermitage and embarked on a life of prayer and total commitment to the poor.

Within three years so many disciples had joined the holy hermits it became necessary to build a monastery. With donations from the pious people, the buildings arose and developed into the great abbey of Chaise Dieu (Casa Dei). St. Robert was the Abbott and gave the community of 300 monks the Benedictine rule. Chaise Dieu became the mother-house of several other Benedictine monasteries and one of the most flourishing in Christendom.

Although much of Chaise Dieu was plundered during the religious wars and the French Revolution, there still remains the vast church and cloister. It is also the tomb of Pope Clement VI who began his spiritual life as a monk at Chaise Dieu.

St. Robert died in 1067 and his feast day is observed on April 17.

SOURCE : http://www.saintroberts.org/patron.htm

B. Robert, Abbot 

[First Abbot and founder of the great Benedictin Monastery of Chase-Dieu, in Latin Casa Dei, in the diocess of Clermont, in Auvergne.]  HE was brought up among the clergy of St. Julian’s, at Brioude, and made canon and treasurer of that church. He built an hospital in that town, rebuilt about fifty churches, and, out of a love of solitude and penance, retired with two companions to the spot where, three years after, he founded his abbey, in which he governed three hundred monks. It became the head of a congregation of several Benedictin monasteries, and in 1640, was aggregated to that of St. Maur. B. Robert died in 1067, on the 17th of April, and was interred on the 24th, on which he is honoured at Chaise-Dieu, and in other places in Auvergne. See Mabillon, Chatelain, &c.

Rev. Alban Butler (1711–73).  Volume IV: April. The Lives of the Saints.  1866.

SOURCE : http://www.bartleby.com/210/4/244.html

San Roberto di La Chaise-Dieu Abate


m. La-Chaise-Dieu, Francia, 17 aprile 1067

San Roberto, appartenente alla famiglia dei Turlande, o di La-Chaise-Dieu (Casa Dei), nacque nella regione francese dell’Alvernia all’inizio dell’XI secolo. Divenuto prete e canonico di San Giuliano a Brioude, fondò un’opera per i poveri. Ma si sentiva chiamato alla più stretta vita monastica. Siamo nell'XI secolo, ai tempi della riforma cluniacense. Lui andò proprio a Cluny e poi andò pellegrino a Roma. Al ritorno visse da eremita nella sua montuosa Alvernia. Raggiunto da numerosi compagni, fondò allora l'abbazia benedettina di La-Chaise-Dieu, di cui divenne primo abate. Morì nel 1067.

Etimologia: Roberto = splendente di gloria, dal tedesco

Emblema: Bastone pastorale, Modellino di La-Chaise-Dieu

Martirologio Romano: Nel monastero di Chaise-Dieu presso Clermont-Ferrand in Francia, san Roberto, abate, che radunò alcuni confratelli nello luogo stesso in cui viveva in solitudine, guadagnando molte anime al Signore con la parola della predicazione e con il suo esempio di vita. 

San Roberto, abate benedettino di La-Chaise-Dieu (Casa Dei), era discendente non dai conti di Aurillac (Cantal) in Francia, come si era sempre ritenuto, bensì dalla famiglia dei Turlande e non sono noti esattamente né l’anno né il luogo della sua nascita, comunque presumibilmente all’inizio dell’XI secolo nella regione francese dell’Alvernia. Sua madre, sorpresa dalle doglie del parto mentre si recava ad un castello vicino a casa, lo diede alla luce in mezzo ad un bosco. Da tale incidente, qualcuno profetizzò che un giorno Roberto sarebbe diventato un celebre eremita. Si narra inoltre che la mamma, rimasta senza latte, avesse dato a balia il figlio a due donne, dalle quali però egli si sarebbe rifiutato di allattarsi per la cattiva vita che conducevano.

Ancora in tenera età il santo fu affidato dai genitori agli ecclesiastici di Saint-Julien-de-Brioude, nell’Alta Loira, per impartirgli una formazione non solo scientifica, ma anche religiosa. Con così eccellenti maestri, Roberto trascorse una giovinezza innocente e virtuosa. Mostrando di possedere ottime qualità fu ammesso alla tonsura e quindi nominato canonico della chiesa di San Giuliano. Sovente trascorreva la notte in preghiera e quotidianamente si prendeva cura dei poveri e dei malati, sino a lavare loro le piaghe. A contatto con lui parecchi furono miracolosamente guariti. Questa tenerezza nei confronti degli sventurati anziché diminuire crebbe col passare degli anni. Per dedicarsi maggiormente e più facilmente ad essi fece edificare un ospedale a Brioude. Ricevuta poi l’ordinazione presbiterale, Roberto prese a celebrare ogni giorno la santa Messa manifestando grande devozione ed a convertire i peccatori con una continua e ardente predicazione della Parola di Dio. Ciononostante, nella sua immensa umiltà, egli riteneva se stesso un servo inutile.

L’amore della contemplazione gli ispirò ben presto il desiderio di abbandonare definitivamente il mondo per donarsi a Dio nella solitudine. A quel tempo godevano grande reputazione in Europa i monaci di Cluny, governati dall’abate Sant’Ugo, in quanto vivevano conformi al rigore della primitiva regola benedettina. In compagnia di un suo amico, Roberto tentò segretamente di raggiungerli, ma non appena si diffuse tra il popolo la notizia della fuga, fu rincorso e costretto a ritornare a Brioude. Pieno di vergogna per essere stato scoperto, fu colpito da un così grande dolore che si ammalò. Ristabilitosi, cercò di praticare nel mondo la vita monastica, ma non mancarono innumerevoli difficoltà nell’attuare tale progetto. Non gli restò dunque che recarsi in pellegrinaggio a Roma sulle tombe degli apostoli, per chiedere a Dio la grazia che gli rendesse nota la sua volontà.

Al ritorno, un giorno un soldato di nome Stefano cercò consiglio da lui riguardo a come avrebbe potuto ottenere la remissione delle proprie colpe. Roberto gli consigliò di rinunciare al mondo e di arruolarsi nella milizia dei servitori di Gesù Cristo. Il soldato replicò che avrebbe fatto volentieri un tale sacrificio solo in sua compagnia. Colpito dalla risposta, il santo rivelò a Stefano, quasi fosse stato un angelo inviatogli dal cielo, il desiderio che anch’egli provava di servire Dio nella solitudine. Senza indugiare oltre, Stefano si recò in pellegrinaggio al Santuario di Nostra Signora du Puy-en-Velay nell’Alta Loira, per implorare dalla Madre di Dio una benedizione sull’ardua intrapresa che stavano per iniziare. Nel viaggio di ritorno, egli scoprì fra le montagne, a venti chilometri da Brioude, le rovine di una chiesa abbandonata e, ritenendo molto adatto quel luogo, ne parlò a Roberto.

Nel frattempo Stefano guadagnò a Dio un altro soldato, Dalmazio, che Roberto associò con gioia alla loro vita. Dopo averli messi alla prova per qualche mese, prese infine con loro la strada dell’eremo lasciando da parte qualsiasi bene terreno. Gli abitanti del luogo nella loro rozzezza si dimostrarono ostili ai nuovi vicini e, anziché assisterli fornendo loro quanto occorreva per vivere, li ingiuriarono e minacciarono, ritenendoli forse dei fannulloni. I tre non si persero comunque d’animo ed in mezzo alle rovine realizzarono un oratorio in cui radunarsi per la preghiera, attorno al quale costruirono delle piccole celle. Stefano e Dalmazio attendevano ai lavori manuali e alla coltivazione della terra per la sussistenza della comunità, mentre Roberto si dava allo studio ed all’istruzione dei novizi che chiedevano di poter abbracciare quello stile di vita. Oltre alla preghiera comune, essi consumavano anche insieme il cibo frugale. Senza preoccuparsi eccessivamente del futuro, erano soliti distribuire ai poveri ed ai viandanti una buona parte dei raccolti e dei viveri. Un giorno Roberto donò ad un bisognoso tutto il pane avanzato dal giorno precedente e Dalmazio non nascose il suo disappunto ad uno dei due canonici del Puy, che avevano venduto quella terra ai tre eremiti: entro sera costui mandò loro tre cavalli carichi di ogni ben di Dio.

Si diffuse ben presto nella regione la fama di santità di quei solitari: l’avversione degli abitanti del luogo piano piano cessò e addirittura diversi giovani ed ecclesiastici chiesero di unirsi al gruppo per consacrare a Dio il resto della loro vita. Non era possibile infatti sottrarsi al fascino dell’esempio di Roberto, rimanere insensibili alle sue esortazioni, non riconoscere l’azione divina nei prodigi che operava, benché egli per modestia li attribuisse all’intercessione dei santi Agricola e Vitale, titolari dell’oratorio. Il numero degli eremiti divenne considerevole e si rese perciò necessaria l’edificazione di un monastero, volto a favorire la vita comunitaria ed a garantire una buona formazione degli aspiranti. Generosi benefattori contribuirono alla realizzazione dell’opera e fu così possibile a Roberto nel 1150 fondare l’abbazia de la Chaise-Dieu. Il vescovo di Clermont, Rencone, chiese al pontefice San Leone IX la necessaria autorizzazione all’erezione canonica della nuova abbazia, mentre Roberto si recò alla corte del re Enrico I di Francia per far ratificare le donazioni ricevute. Ritornati entrambi dalle loro missioni, il vescovo officiò la dedicazione del monastero, la vestizione dei primi monaci ed elesse come loro abate Roberto, secondo le disposizioni dello stesso papa. 

Alle ormai tre centinaia di monaci Roberto impose la regola benedettina. Tuttavia egli non limitò il suo zelo all’ambito del monastero, ma si adoperò per la riapertura al culto di oltre una cinquanta chiese della regione rimaste danneggiate dalle guerre. Dio rese noto anticipatamente al santo il giorno della sua morte. Prima di mettersi a letto, Roberto volle infatti celebrare l’ultima Messa a costo di farsi sostenere dinnanzi all’altare, dopodichè convocò i suoi discepoli, li abbracciò ad uno ad uno e li esortò ad impegnarsi seriamente per la propria santificazione. Morì il 17 aprile 1067. Al momento del suo trapasso, un monaco vide l’anima di Roberto salire al cielo sottoforma di globo di fuoco. Essendo numerosi i miracoli verificatisi sulla sua tomba, nel 1351 il pontefice avignonese Clemente VI, già abate di La-Chaise-Dieu, decise finalmente di canonizzare Roberto, meritandogli così di comparire ancora oggi sul Martyrologium Romanum nell’anniversario della sua nascita al Cielo.

Autore: 
Fabio Arduino