Statue of Our Lady of La Salette, Saint James the Apostle Parish Church of Paete, Paete, Laguna[2] - (belongs to the Episcopal District IV[3] -- Roman Catholic Diocese of San Pablo, Philippines
Notre-Dame de La Salette
(+ 1846)
Cette fête célèbre la mission de la Vierge Marie, Réconciliatrice des pécheurs, rappelée le 19 septembre 1846 sur la montagne de La Salette. (grands lieux diocèsains)
- Sanctuaire Notre-Dame de la Salette - un lieu, un message (GoogleMaps).
...Les paroles de Marie à La Salette, par leur simplicité et leur rigueur, gardent une réelle actualité, dans un monde qui subit toujours les fléaux de la guerre et de la faim, et tant de malheurs qui sont des signes et souvent des conséquences du péché des hommes. Et aujourd'hui encore, Celle que "toutes les générations diront bienheureuse" (Lc 1,48) veut conduire "tout son peuple", qui traverse les épreuves de ce temps, à la joie qui naît de l'accomplissement paisible des missions données à l'homme par Dieu...
extrait de la lettre de Saint Jean-Paul II, du Vatican, le 6 mai 1996 pour le 150° anniversaire de l'Apparition de Notre Dame.
- la congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, a publié
un décret le 18 mars 2016 inscrivant la célébration de la Vierge Marie sous le
titre de 'La Salette' dans le propre de France, au 19 septembre, à titre de
mémoire facultative.
SOURCE : https://nominis.cef.fr/contenus/saint/12975/Notre-Dame-de-La-Salette.html
Statue
de la Vierge de la Salette avec les enfants (détail), intérieur de l'église de
Corps.
Statua
della Madonna di La Salette con i bambini veggenti, Mélanie Calvat e Maximin
Giraud
Notre-Dame de La Salette
Le 19 septembre 1846,
l'auguste Vierge Marie apparaissait dans le diocèse de Grenoble, sur la
montagne de La Salette qui domine le village de La Salette de plus de 2500
pieds.
Comme témoins de Son
apparition, Marie choisit deux petits bergers qui ne se connaissent que depuis
la veille: Maximin Giraud âgé de onze ans et Mélanie Calvat âgée de quatorze
ans. Maximin a raconté l'apparition comme suit: «Il est midi. Assis au sommet
de la montagne, Mélanie et moi faisons notre frugal repas... quand tout à coup,
Mélanie s'arrête, son bâton lui échappe des mains. Effrayée, elle se tourne
vers moi en disant: 'Vois-tu là-bas cette grande lumière? -- Oui, je la vois.'
«Cette lumière devant
laquelle celle du soleil semble pâlir, paraît s'entr'ouvrir, et nous distinguons
dans son intérieur la forme d'une Dame encore plus brillante... Quoiqu'à une
distance de vingt mètres environ, nous entendons une voix douce disant:
'Avancez, Mes enfants, n'ayez pas peur. Je suis ici pour vous annoncer une
grande nouvelle.' La crainte respectueuse qui nous avait tenus en arrêt
s'évanouit, nous courons à Elle. La belle Dame S'avance aussi, et suspendue en
face de nous, à dix centimètres du sol, commence ainsi Son discours:
«Si Mon peuple ne veut
pas se soumettre, Je suis forcée de laisser aller le bras de Mon Fils. Il est
si lourd et si pesant que Je ne puis le retenir. Depuis si longtemps que Je
souffre pour vous autres; si Je veux que Mon Fils ne vous abandonne pas, Je
suis chargée de Le prier sans cesse et vous n'en faites pas cas. Vous aurez
beau prier, beau faire, vous ne pourrez récompenser la peine que J'ai prise
pour vous! J'ai donné six jours pour travailler, Je Me suis réservé le septième
et on ne veut pas Me l'accorder; c'est cela qui appesantit tant le bras de Mon
Fils. Aussi ceux qui mènent les charrettes ne savent plus jurer sans y mettre
le nom de Mon Fils: ce sont ces deux choses qui appesantissent tant Son bras.
Si la récolte se gâte ce n'est qu'à cause de vous autres... Il viendra une
grande famine. Avant que la famine vienne, les enfants au-dessous de sept ans
prendront un tremblement et mourront entre les bras des personnes qui les
tiendront. Les autres feront pénitence par la famine. Les noix deviendront
mauvaises et les raisins pourriront.'
«Puis, continue Maximin,
Elle nous demanda: Faites-vous bien vos prières Mes enfants?' Tous les deux
nous répondîmes d'une seule voix: Non, madame, pas guère. -- Ah! Mes enfants,
il faut bien la faire, soir et matin. Quand vous n'aurez pas le temps, récitez
au moins un Pater et un Ave Maria, et si vous en avez le temps, il faut en dire
davantage... Il ne va que quelques femmes âgées à la messe. Les autres
travaillent le dimanche, tout l'été, et l'hiver, quand ils ne savent que faire,
ils ne vont à la messe rien que pour se moquer de la religion. Le Carême, ils
vont à la boucherie comme les chiens...» Elle termina Son discours par ces mots
prononcés en français: «Eh bien! Mes enfants, vous le ferez passer à tout mon
peuple!'
«Immobiles comme des
statues, les yeux fixés sur la belle Dame, nous La voyions glisser sur la cime
de l'herbe sans la faire fléchir... Là, en notre présence, Elle S'éleva
insensiblement, resta quelques minutes entre le ciel et la terre, à une hauteur
de deux mètres. Puis, la tête et le corps se confondirent avec la lumière qui
L'encadrait. Nous ne vîmes plus qu'un globe de feu s'élever dans le
firmament...»
Les prophéties de la
Vierge ne tardèrent pas à se réaliser à la lettre. En 1848, la disette des
pommes de terre fit baisser la population de l'Irlande de huit millions à cinq
millions. La rareté et la cherté des vivres causèrent la mort de plus de cent
cinquante mille personnes en France, et plus d'un million dans toute l'Europe.
Le tzar de Russie augmenta alors du tiers le traitement de ses fonctionnaires.
En 1851, la maladie du 'pictin' se déclara, occasionnant d'énormes pertes de
blé. En 1852, la maladie des noyers détruisit toute la récolte des noix. On
situe à la même époque l'arrivée du phylloxéra, insecte qui cause encore de
grands ravages dans les vignobles de France. En 1854, la 'suette' provoqua la
mort subite de soixante-quinze mille enfants en France. Un froid glacial les
saisissait et les faisait expirer au bout de deux heures.
Notre Mère du ciel est
venue pleurer des larmes de corédemptrice sur les hauteurs dénudées de la terre
dans le but de fléchir la colère de Dieu, de prier pour la conversion des
pécheurs et d'attendrir nos coeurs endurcis. Impuissant devant l'endurcissement
de Jérusalem, Son Fils pleura sur elle et sur ses enfants. Marie pleure aussi
sur Son peuple et sur le monde, demandant que les hommes avouent leurs
égarements et qu'ils réparent leurs torts. À cette condition seulement, le
monde pourrait encore obtenir la Miséricorde de Dieu.
Résumé O.D.M.
SOURCE : http://magnificat.ca/cal/fr/saints/notre-dame_de_la_salette.html
Statue de la Vierge Marie, Sanctuaire de Notre-Dame de La Salette
Statue de la Vierge Marie, Sanctuaire de Notre-Dame de La Salette
A Monseigneur Louis Dufaux
Évêque de Grenoble
Le diocèse de Grenoble,
les Missionnaires de la Salette et de nombreux fidèles dans le monde célèbrent
cette année le 150e anniversaire de l'apparition de la Sainte Vierge Marie
dans ce site des Alpes d'où son message n'a cessé de rayonner. Une telle commémoration
peut être riche de grâces; je tiens à m'y associer, en union avec les pèlerins
qui viennent vénérer la Mère du Seigneur sous le titre de Notre Dame
Réconciliatrice des pécheurs.
Mère du Sauveur, Mère de
l'Église, Mère des hommes, Marie accompagne chacun dans le pèlerinage de la
vie. Alors que s'intensifie la préparation du grand Jubilé de la Rédemption,
l'année consacrée à l'anniversaire de l'apparition de Marie à Maximin et à
Mélanie replié sente une étape significative.
Marie, Mère pleine
d'amour, a montré en ce lieu sa tristesse devant le mal moral de l'humanité.
Par ses larmes, elle nous aide à mieux saisir la douloureuse gravité du péché,
du rejet de Dieu, mais aussi la fidélité passionnée que son Fils garde envers
ses enfants, Lui, le Rédempteur dont l'amour est blessé par l'oubli et les
refus.
Le message de La Salette
fut délivré à deux jeunes pâtres en un temps de grandes souffrances des
peuples, affectés par la famine et en butte à bien des injustices. De plus,
l'indifférence ou l'hostilité à l'égard du message évangélique augmentaient.
Notre-Dame, en se faisant contempler portant sur elle l'image de son Fils
crucifié, montre que, associée à l'œuvre du salut, elle compatit aux épreuves
de ses enfants et souffre de les voir s'éloigner de l'Église du Christ au point
d'oublier ou de rejeter la présence de Dieu dans leur vie et la sainteté de son
Nom.
Le rayonnement de
l'événement de La Salette atteste bien que le message de Marie n'est pas tout
entier dans la souffrance exprimée par les larmes; la Vierge appelle à se
ressaisir: elle invite à la pénitence, à la persévérance dans la prière et
particulièrement à la fidélité de la pratique dominicale; elle demande que son
message « passe à tout son peuple » par le témoignage de deux
enfants. Et, de fait, leur voix se fera rapidement entendre. Les pèlerins
viendront; bien des conversions auront lieu, Marie était apparue dans une
lumière qui évoque la splendeur de l'humanité transfigurée par la Résurrection
du Christ: La Salette est un message d'espérance, car notre espérance est
soutenue par l'intercession de Celle qui est la Mère des hommes. Les ruptures ne
sont pas irrémédiables. La nuit du péché cède devant la lumière de la
miséricorde divine.
La souffrance humaine
assumée peut contribuer â la purification et au salut. Pour qui marche
humblement dans les voies du Seigneur, le bras du Fils de Marie ne pèsera pas
pour condamner, mais il saisira la main qui tend pour faire entrer dans la vie
nouvelle les pécheurs réconciliés par la grâce de la Croix.
Les paroles de Marie à La
Salette, par leur simplicité et leur rigueur, gardent une réelle actualité,
dans un monde qui subit toujours les fléaux de la guerre et de la faim, et tant
de malheurs qui sont des signes et souvent des conséquences du péché des
hommes. Et aujourd'hui encore, Celle que « toutes les générations diront
bienheureuse » [1] veut conduire « tout son peuple », qui
traverse les épreuves de ce temps, à la joie qui naît de l'accomplissement
paisible des missions données à l'homme par Dieu.
Les Missionnaires de La
Salette n'ont cessé d'approfondir l'étude du message de La Salette et ils
s'attachent à en montrer la valeur permanente pour le IIIe millénaire qui
approche. Ils sont particulièrement chargés de « faire passer au peuple »
l'appel à renouveler la vie chrétienne, qui est à l'origine de leur fondation
dans le diocèse de Grenoble. En cette année jubilaire, je les invite à
poursuivre avec ardeur leur mission, dans les différentes régions du monde où
ils sont à l'œuvre. De même, j'adresse tous mes encouragements aux Sœurs de La
Salette et aux autres Instituts dont la fondation et l'inspiration sont en
relation avec l'événement de La Salette.
Je prie pour que la Mère
du Christ, en cette année marquante, les assiste dans le renouveau spirituel
qu'ils désirent et les aide à se donner à leurs taches d'évangélisation avec le
dynamisme missionnaire que l'Église attend d'eux.
De ces terres de Savoie
et du Dauphiné où la Vierge Marie a fait entendre son message voici un siècle
et demi, le même appel retentit aujourd'hui encore pour les nombreux pèlerins
qui montent vers ce sanctuaire, ainsi que pour ceux qui se rendent en tant
d'autres sanctuaires salettins.
Je les encourage tous à
présenter à la Vierge Immaculée les peines et les espérances de ce monde, à
quelques années seulement du grand Jubilé.
Puissent-ils être les
témoins de la réconciliation, don de Dieu et fruit de la Rédemption pour les
personnes, les familles et les peuples! Que le pèlerinage les aide à ne pas
laisser leur vie chrétienne tomber dans la tiédeur ou dans l'indifférence et à
ne jamais oublier de donner au Christ ressuscité la première place dans leur
vie! Puissent-ils être dans le monde des artisans de la paix que le Seigneur a
promise [3] et demeurer indéfectiblement persuadés
de la valeur inaliénable de la plus humble des personnes humaines!
Marie est présente à
l'Église comme au jour de la Croix, au jour de la Résurrection et au jour de la
Pentecôte.
À La Salette, elle a
clairement manifesté la constance de sa prière pour le monde. Elle
n'abandonnera jamais les hommes qui sont créés à l'image et à la ressemblance
de Dieu et à qui il est donné de devenir enfants de Dieu . Puisse-t-elle
conduire vers son Fils l'ensemble des nations de la terre!
En confiant à Notre-Dame
Réconciliatrice la communauté diocésaine de Grenoble, les Missionnaires de la
Salette, ainsi que les religieux et les religieuses qui partagent la même
spiritualité, j'accorde de grand cœur à tous la Bénédiction Apostolique.
Du Vatican, le 6 mai 1996.
IOANNES PAULUS PP. II
[1] Luc. 1, 48.
[2] Cfr. Io. 14, 27.
[3] Cfr. Io. 1, 12.
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Représentation
de la Vierge Marie et des deux jeunes bergers, Mélanie et Maxime
RENCONTRE DE SA SAINTETÉ
JEAN PAUL II
AVEC LES MISSIONNAIRES DE
NOTRE-DAME DE LA SALETTE
Jeudi, 4 mai 2000
Chers Missionnaires de
Notre-Dame de La Salette,
Je suis heureux de vous
accueillir alors que vous célébrez votre vingt- neuvième Chapitre général. Avec
votre Supérieur général et son conseil, que je salue cordialement, vous
représentez l’ensemble de vos confrères répartis dans de nombreux pays du
monde. Au nom de l’Église, je vous remercie vivement des efforts que vous avez
consentis ces dernières années pour étendre votre champ d’apostolat, notamment
en Inde et dans les pays de l’Est européen, envisageant aussi de vous établir
prochainement en Indonésie et en Birmanie. Que le Seigneur bénisse avec
abondance vos généreux engagements apostoliques et qu’il vous donne de
persévérer avec l’audace et l’enthousiasme des générations de missionnaires qui
vous ont précédés !
Vous avez choisi pour
thème de vos assises capitulaires : “Ensemble bâtissons l’avenir”.
L’avenir de votre Institut, vous souhaitez le construire ensemble, avec l’aide
de Dieu, en redonnant une vigueur nouvelle au charisme salettin qui vous rassemble,
par une fidélité créative à votre vocation, en soulignant notamment la place
essentielle de la mission, de la vie communautaire et de l’interdépendance dans
la communion.
À la lumière du message
de Notre-Dame de la Salette, vous donnez une place importante au ministère de
la réconciliation. Cette année jubilaire est une occasion privilégiée pour
redécouvrir la plénitude de la miséricorde de Dieu, qui veut réconcilier l’homme
avec Lui et avec ses frères. En effet, «communauté réconciliée et
réconciliatrice, l’Église ne peut oublier qu’à l’origine de son don et de sa
mission se trouve l’initiative, remplie d’amour compatissant et de miséricorde,
du Dieu qui est amour et qui par amour a créé les hommes : il les a créés pour
qu’ils vivent dans son amitié et en communion entre eux» (Reconciliatio et
pænitentia, n. 10). Dans cet esprit, je souhaite vivement que votre Chapitre
stimule les membres de l’Institut à prendre une conscience renouvelée de leur
participation à la mission réconciliatrice de l’Église qui est au cœur de leur
vocation missionnaire, aidant sans cesse les fidèles à accueillir le pardon
divin pour en être les témoins dans toutes les nations.
Comme je l’ai écrit à l’occasion
du cent cinquantième anniversaire de l’apparition de la Vierge, «La Salette est
un message d’espérance, car notre espérance est soutenue par l’intercession de
celle qui est la Mère des hommes» (Lettre à Mgr Louis Dufaux, Évêque de
Grenoble, 6 mai 1996). Que l’annonce de cette espérance soit toujours au centre
de votre rencontre avec les hommes et les femmes d’aujourd’hui ! Grâce à elle,
nos contemporains peuvent être assurés que les ruptures ne sont pas
irrémédiables et qu’il est toujours possible de se convertir de ses infidélités
pour construire une humanité réconciliée et pour suivre le Seigneur, car nul
n'est trop loin pour Dieu.
Chers Missionnaires de
Notre-Dame de La Salette, n’ayez pas peur de témoigner que le Christ est venu
partager notre humanité pour que nous puissions avoir part à sa divinité.
Proclamez avec audace la Parole de Dieu, qui est une force de transformation
des cœurs, des sociétés et des cultures. Sous le regard de Marie, présence
maternelle au milieu du peuple de Dieu, invitez sans cesse à la conversion, à
la communion et à la solidarité. N’hésitez pas à annoncer à vos frères que Dieu
chemine avec les hommes, qu'il les appelle à une vie nouvelle, qu'il les
encourage pour les conduire à la liberté véritable. La qualité de votre vie
spirituelle et de votre vie communautaire sera une expression particulièrement
parlante de l’authenticité et de la fécondité de votre annonce du message
évangélique.
Cela exige du
missionnaire qu’il accepte de vivre en état permanent de conversion. Le
véritable missionnaire est celui qui accepte de s’engager résolument sur les
voies de la sainteté. «Le missionnaire, s’il n’est pas un contemplatif, ne peut
annoncer le Christ d’une manière crédible ; il est un témoin de l’expérience de
Dieu et doit pouvoir dire comme les Apôtres :‘Ce que nous avons contemplé…, le
Verbe de vie…, nous vous l’annonçons’ (1 Jn 1, 1-3)» (Redemptoris missio,
n. 90). Après l’enthousiasme de la première rencontre avec le Christ sur les
chemins de la mission, il est nécessaire de soutenir courageusement les efforts
de chaque jour par une intense vie de prière, de pénitence et de don de soi. En
participant à la mission du Christ par leur parole et par le témoignage de
toute leur existence, les missionnaires conduiront les hommes à s’ouvrir à la
Bonne Nouvelle, qu’ils ont mission de faire passer à tous (cf. Décret
d’approbation des Constitutions, 6 juin 1985). Ainsi ils pourront “bâtir
ensemble l’avenir”, vivre courageusement l’inconnu du lendemain, assurés de la
présence du Christ qui les accompagne à tout instant de leur vie dans leurs
rencontres avec les hommes et les peuples.
Je confie les membres de
la Congrégation des Missionnaires de Notre- Dame de La Salette à l’intercession
de la Vierge Marie, Notre-Dame Réconciliatrice, et de grand cœur je donne à
tous mon affectueuse Bénédiction apostolique que j’étends volontiers aux
personnes qui bénéficient de leur ministère et à toutes celles qui partagent la
spiritualité salettine.
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Nostra Signora di La Salette piangente, come i veggenti l'hanno trovata nella sua prima apparizione
Celle qui pleure
NOTRE DAME DE LA SALETTE
par
Léon BLOY
À PIERRE TERMIER,
INGÉNIEUR CHEF AU CORPS DES MINES,
PROFESSEUR À L’ÉCOLE DES MINES
Il faut bien que ce livre
vous soit dédié, mon cher ami, puisqu’il n’existerait pas sans vous. J’en avais
abandonné le projet, il y a vingt-sept ans, et j’avais fini par n’y plus
penser, le croyant impraticable.
Notre Dame de Compassion
sanglotait toujours sur Sa Montagne et je ne L’entendais plus... Elle commanda
que je fusse réveillé par vous.
Nous nous sommes
rencontrés de façon si miraculeuse ! Depuis trente ans, vous attendiez
quelqu’un qui vous parlât de la Salette. J’attendais qu’il me fût donné d’en
parler convenablement.
Il arriva enfin qu’un
jour – il n’y a pas bien longtemps – ayant lu, dans un de mes livres, quelques
pages où je m’étais efforcé de glorifier Notre Dame de la Salette, il vous
parut que je pouvais bien être l’écrivain que vous aviez espéré. Nous nous
connûmes alors et votre impression, loin de changer, devint plus précise.
Encouragé par vous,
voyant en vous un ambassadeur de Marie, qu’avais-je mieux à faire que
d’obéir ? Il ne me fallait pas moins pour affronter les difficultés et les
amertumes inhérentes à un tel sujet.
La Salette est encore,
après soixante ans, la Fontaine de Contradiction dont il est parlé dans le
Saint Livre, et ceux qui l’aiment sont appelés à souffrir.
Faites-le passer à tout
Mon peuple, avait dit aux Bergers la Mère de Dieu, leur ayant annoncé la Grande
Nouvelle.
Alors je vous dis :
Faites passer mon livre aux pauvres. Vous m’entendez bien. Je parle de ce
troupeau douloureux à qui personne ne pense et qui ne fait pitié à
personne : les généreux qui ne connaissent pas la Vérité, les belles âmes
vagabondes qui auraient besoin d’un asile de jour...
« Misereor super
turbam », disait Jésus. Ayez pitié de cette troupe qui meurt de soif au
bord des fleuves du Paradis.
Nativité de Marie, 8
septembre 1907.
Léon BLOY.
DÉCLARATION DE L’AUTEUR
En ma qualité de
catholique, je déclare me soumettre entièrement à la doctrine de l’Église, aux
règles et décisions du Saint-Siège, notamment aux décrets des Souverains
Pontifes Urbain VIII et Benoît XIV, concernant la canonisation des Saints.
S’il m’arrive, parlant
des deux Bergers de la Salette, d’employer les mots « saint »,
« sainte » ou « sainteté », ce n’est que d’une manière
purement relative, par insuffisance de langage, faute de termes qui rendent
plus complètement ma pensée. D’avance je désavoue le sens rigoureux et absolu
qu’on voudrait attribuer à ces expressions ; car nul ne peut être nommé
SAINT, tant que l’Église ne l’a pas qualifié ainsi officiellement.
Léon BLOY.
TACEAT MULLER !...
Je viens de subir un
terrible sermon contre le Matérialisme ou Naturalisme opposé à la Révélation
surnaturelle. Tous les lieux communs philosophiques de séminaire ont défilé
devant le Saint Sacrement immobile. J’étais, hélas ! venu à l’église,
comme « un mendiant plein de prières ». Ce gouffre de paroles vaines
les a englouties et mon âme a glissé au mauvais sommeil que procure le
bavardage. En présence de l’Ennemi, voilà donc ce que trouvent, aujourd’hui,
les prédicateurs élevés depuis si longtemps et cultivés avec tant de soin dans
le mépris des avertissements de la Salette – à la veille des échéances
effroyables !
Quelle déformation
systématique ou quel manque de foi ne doit-on pas supposer, pour que des
ministres tels et en si grand nombre en soient venus à ne plus savoir que le
fonds de l’homme c’est la Foi et l’Obéissance, et que, par conséquent, il lui
faut des Apôtres et non des conférenciers, des Témoins et non des
démonstrateurs. Ce n’est plus le temps de prouver que Dieu existe. L’heure
sonne de donner sa vie pour Jésus-Christ.
Or, tout le monde la lui
refuse avec énergie. N’importe qui, mais pas Celui-là ! Un démon
plutôt ! il est vrai que les chrétiens ont cessé de croire aux démons.
Essayez – avec l’autorité de l’Évangile – de faire comprendre, par exemple, que
la richesse est une malédiction, qu’il est impossible de servir Dieu et le
monde, que les fêtes ou bazars prétendus de charité invoquent
l’incendie et que les belles dévotes qui vont y chercher un dernier supplice
vraiment infernal sont des servantes du diable, fort attentives et récompensées
comme il faut ! Ce ne sera pas trop du changement infini opéré par ce
qu’on est convenu de nommer inexactement la mort, pour découvrir soudain, en
poussant une clameur à percer le sein de l’Éternité, à quel point les plus
fidèles d’entre nous auront été des gens sans foi.
« Quand la France
boueuse de la tête aux pieds, disait Mélanie, aura été purifiée par les fléaux
de la Justice divine, Dieu lui donnera un homme, mais un homme libre pour
la gouverner. Elle sera alors assoupie, presque anéantie. »
Il faudrait être avantagé
d’une stupidité rare pour chercher cet homme parmi les bestiaux de pèlerinages
ou de congrès catholiques. Ah ! je m’en souviens de ces cohues, au
lendemain de la guerre, en 73 exactement.
Les derrières cuisaient
encore de la botte allemande. On ne parlait que de retourner à Dieu. On
s’empilait dans des cercles catholiques pour entendre la bonne parole de Mgr
Mermillod, racontant ce qu’il avait souffert pour Jésus-Christ ou les
bafouillages œcuméniques de M. de Mun. On se cramponnait éperdument au compte
de Chambord, supposé le grand Monarque annoncé par des prophéties et dont la
bedaine illégitime devait tout sauver. On se précipitait aux
pèlerinages en chantant des couplets libérateurs. On votait l’érection d’un
sanctuaire au Sacré-Cœur ; sur les murailles duquel se liraient ces mots
secourables : Gallia poenitens et devota, et chacun apportait sa
pierre, car c’était le Vœu national, étrangement oublié depuis. Quoi
encore ? Les Pères Augustins de l’Assomption fondaient le Pèlerin prospère
et la profitable Croix, pour l’avilissement irrémédiable de la pensée et
du sentiment chrétiens. Un peu plus tard, enfin, se bâtissait, sur le solide
fumier des cœurs, une banque fameuse devant absorber le crédit universel et
confondre pour toujours la concurrente perfidie des fils d’Israël. Cette levée
en masse des bas de laine catholiques fut nommée prodigieusement une Croisade et
eut pour dévouement un immense Krach demeuré célèbre.
L’obéissance à la Mère de
Dieu, venue tout exprès, il y a soixante ans aujourd’hui, pour notifier sa
volonté, fut le seul expédient dont nul ne s’avisa.
Pourtant, on aurait pu
croire que c’était bien simple. La Souveraine des univers se dérangeait,
si j’ose dire, comme se dérangerait la Voie lactée, si cette créature
incalculable, épouvantée de la méchanceté des hommes, s’agenouillait dans le
bleu sombre du firmament. Elle se dérangeait pour nous apporter en pleurant1 la
« grande nouvelle » de l’énormité de notre danger. Parlant comme la
Trinité seule peut parler, cette Ambassadrice déclarait l’imminence des
châtiments et des cataclysmes et disait ce qu’il fallait faire pour ne pas
périr, car les menaces proférées par Elle étaient des menaces conditionnelles,
dès les premiers mots : Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je
suis FORCÉE de laisser aller le bras de mon Fils2.
Je le répète, quoi de
plus simple que de s’humilier et d’obéir ? On a fait exactement le
contraire. Marie avait demandé le Septième Jour et le respect du Nom de son
Fils. Elle voulait que les lois de l’Église fussent observées et que, pendant
le Carême, ses enfants n’allassent pas à la boucherie « comme des chiens ».
Elle avait confié à
chacun des deux bergers, à Mélanie surtout, un secret de vie et de mort,
exprimant sa volonté formelle – ratifiée depuis par Pie IX et Léon XIII – qu’on
le fît passer à tout son peuple, à partir d’une époque déterminée. Enfin elle avait
donné, en français, la Règle d’un nouvel Ordre religieux : « les
Apôtres des Derniers Temps ».
... Les vrais disciples
du Dieu vivant et régnant dans les cieux ; les vrais imitateurs du Christ
fait homme ; mes enfants, mes vrais dévots ; ceux qui se sont donnés
à moi pour que je les conduise à mon divin Fils ; ceux que je porte, pour
ainsi dire, dans mes bras ; ceux qui ont vécu de mon esprit ; les
Apôtres des Derniers Temps, les fidèles disciples de Jésus-Christ qui ont vécu
dans le mépris du monde et d’eux-mêmes, dans la pauvreté et dans l’humilité,
dans le silence, dans l’oraison et la mortification, dans la chasteté et dans
l’union avec Dieu, dans la souffrance et inconnus du monde. Il est temps qu’ils
sortent et viennent éclairer la terre... Car voici le temps des temps, la fin
des fins.
Soixante ans se sont
écoulés. On est devenu plus profanateur, plus blasphémateur, plus désobéissant,
plus « chien »3.
Mais ne semble-t-il pas que cet insuccès incompréhensible, ce fiasco
monstrueux, et tout de même adorable, de l’impératrice du Paradis, n’a l’air de
rien quand on pense à la Dérision irrémissible qui a remplacé
l’Obéissance ?
On travailla le dimanche
de plus en plus et, surtout, on fit travailler les pauvres. Le Blasphème devint
une toge virile, même pour les femmes, un signe de force et d’indépendance,
comme le tabac ou l’alcool. On ambitionna d’être chien, fils de chien et
même neveu de pourceau, à toutes les époques de l’année, indistinctement, et
cette ambition fut comblée. Les paroles de Marie qu’Elle voulait qu’on fît
passer à tout Son peuple, aussi bien au Tibet ou à la Terre de Feu que dans
l’Isère, n’allèrent pas sensiblement plus loin que le pied de la Montagne. Pour
ce qui est des Apôtres des Derniers Temps, on les remplaça par
d’ecclésiastiques marchands de soupe que les pèlerins purent apprécier.
Ces prétendus
missionnaires furent la dérision inexpiable dont il vient d’être parlé. La
Désobéissance absolue est un état incompréhensible aussi longtemps que l’idée
de dérision ne se présente pas à l’esprit. La Chute initiale a dû
être déterminée, non par la désobéissance formelle, mais par une obéissance
dérisoire dont nous ne pouvons avoir aucune idée et, parce que l’abîme
invoque l’abîme, le châtiment fut – en apparence, du moins – la Dérision
infinie, la Subsannation biblique : « Voici Adam, semblable à
nous... »
Les soi-disant
missionnaires de la Salette, innocents peut-être, à force de balourdise et de
bassesse de cœur, – mais de quelle affreuse innocence ! – furent, je le
répète, un institut dérisoire opposé par l’autorité diocésaine au Commandement
formel qu’il s’agissait d’éluder. La Sainte Vierge avait demandé des Apôtres.
On lui donna des aubergistes 4.
Elle avait voulu de vrais disciples de Jésus-Christ, méprisant le monde et
eux-mêmes. On installa des prêtres d’affaires, de pieux comptables chargés
de faire valoir. Pour ce qui était de la recommandation de « sortir
et d’éclairer la terre », on y pourvut par la réclame et le rabattage des
pèlerins...
Après le balayage de ces
mercenaires en 1902, les chapelains mis en leur place continuèrent simplement
la table d’hôtel et la literie5.
Ils continuèrent aussi le quotidien et stéréotypé récit du Miracle, assorti
d’une exhortation sulpicienne à la pratique de quelques vertus
raisonnables, sans omettre l’avis fréquent de se méfier de certaines
publications exagérées ou mensongères, telles que le témoignage écrit des deux
bergers qui furent les assistants, les auditeurs, les vrais missionnaires
choisis par la Sainte Vierge elle-même pour propager ses avertissements et ses
menaces et qui, jusqu’à leur dernier jour, n’ont cessé, Mélanie surtout, de
protester contre la prévarication sacerdotale et le mercantilisme odieux qui se
pratiquaient sur la Montagne.
Le crime de tous ces
gens-là, crime énorme, réellement épouvantable, c’est d’avoir bâillonné la
Reine du Ciel, de lui avoir plombé les lèvres, comme quelqu’un l’écrivait
naguère, avec une effrayante énergie.
Il est difficile, je ne
dis pas d’imaginer, mais de concevoir une supplication aussi lamentable :
– Depuis le temps que je
souffre pour vous autres ; depuis dix-neuf siècles que je promène, parmi
les montagnes, les Sept Douleurs dont je suis Bergère, les sept brebis de
l’Esprit-Saint qui doivent, un jour, brouter le monde ; si je veux que mon
Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse. Que puis-je
faire pour vous que je n’aie pas fait ? Je suis l’Égypte et la Mer
Rouge ; je suis le Désert et la Manne ; je suis la Vigne très belle,
mais je suis, en même temps, la Soif divine et la Lance qui perce le Cœur du
Sauveur. Je suis la Flagellation infiniment douloureuse, je suis la Couronne
d’Épines et les Clous et surtout la Croix très dure où s’engendre la joie des
hommes. Les deux Bras de mon fils y furent attachés, mais il n’en faut qu’un
pour vous écraser et celui-là je ne peux plus le retenir, tant il est
pesant !... Ah ! mes enfants, si vous vous convertissiez !...
Des hommes alors se sont
levés qui avaient la mitre en tête et qui tenaient en leurs mains le bâton des
pasteurs du troupeau du Christ. Et ces hommes ont dit à Notre Dame :
– En voilà assez,
n’est-ce pas ? Taceat Mulier in Ecclesia ! Nous sommes les
Évêques, les Docteurs, et nous n’avons besoin de personne, pas même des
Personnes qui sont en Dieu. Nous sommes, d’ailleurs, les amis de César et nous
ne voulons pas de tumulte parmi le peuple. Vos menaces ne nous troublent pas le
moins du monde et vos petits bergers n’obtiendront de nous, même dans leur
vieillesse, que le mépris, la calomnie, la dérision, la persécution, la misère,
l’exil et finalement l’oubli !...
L’espérance du présent
ouvrage est de réparer en quelque manière, et s’il en est temps encore, le
sacrilège perfidie de ces Caïphes et de ces Judas qui détruisent, depuis
soixante ans, le plus beau royaume du monde.
Paris-Montmartre, février
1907.
I
HISTOIRE DE CE LIVRE
ENTREPRIS EN 1879
J’ai fait le pèlerinage
de la Salette autrefois, il n’y a pas loin de trente ans, lorsque le chemin de
fer de Grenoble à La Mure n’existait pas. Une diligence homicide attelée de
douze chevaux, dans certaines montées, cassait les reins des voyageurs, de l’aurore
au crépuscule, dans les plus longs jours. On râlait dix heures avant d’être
abandonné aux muletiers.
C’est fort bien ainsi,
d’ailleurs. Cela dégoûtait plusieurs touristes et le paysage était affectueux
et consolant pour le pèlerin. En certains endroits on descendait pour soulager
les bêtes, et c’était une douceur exquise d’aller lentement sous les grands
arbres, au bruit des courantes eaux qui fuyaient vers les abîmes. Je me
souviens pour toujours de ces quelques centaines de pas, en compagnie d’un
missionnaire qui avait, je crois, du génie et qui me disait, en mots
extraordinaires, la majesté des Textes Saints. Il mourut, trois semaines plus
tard, ayant demandé longtemps à la Mère de Dieu de finir à la Salette où on
l’enterra. Il avait assez de la hideur de ce monde et de la pharisaïque piété
contemporaine qui lui semblait une apostasie.
Je ne nommerai pas ce
prêtre. Sa famille est trop peu digne de lui, mais je sais ce qu’il me
donna, dum loqueretur in via et aperiret mihi Scripturas. Cher défunt !
je revis sa tombe, l’année suivante, une humble croix sur un humble tumulus de
gazon ; puis, l’an dernier, vingt-six ans plus tard, mais abandonnée, sa
dépouille ayant été transférée dans un caveau récemment construit à deux pas de
là, où peut être lu son nom bien connu des Anges et de quelques amis de Dieu.
Ce missionnaire, plus
orateur qu’écrivain, parcourait le monde, annonçant la Gloire de la Mère de
Jésus-Christ, et c’est toujours à la Salette qu’il revenait puiser, aux pieds
de Celle qui pleure, les inspirations de son zèle apostolique.
Le Discours, infiniment
extraordinaire, qu’entendirent les enfants sur cette Montagne, était devenu le
centre de ses pensées, et l’intelligence qu’il en avait était comme un de ces
dons inexprimables que le Vénérable Grignion de Montfort attribuait
prophétiquement aux Apôtres des Derniers Temps.
On se ferait un renom
d’exégète rien qu’avec les miettes du festin de chaque jour offert à ses
auditeurs par ce très humble, quand il parlait de la Reine des Patriarches et
des Martyrs. L’espèce de défaveur mystérieuse qui pèse sur la Salette dans la
pensée d’un grand nombre de chrétiens faisait déborder son cœur. Le présent
livre, entrepris et commencé sous ses yeux, à la Salette même, a été interrompu
un quart de siècle, Dieu sait comment et pourquoi. Cette œuvre de justice était
son désir suprême, son espérance.
Il mourut dès les
premières pages, comme si la Consolatrice qu’il servait n’avait pas voulu que
cette âme, vraiment sacerdotale et crucifiée, perdît, en une manière, l’auréole
douloureuse qu’elle met au front de ces victimes de l’Amour dont il est parlé
dans la Troisième Béatitude et qui ne doivent pas être consolées sur terre.
Cette œuvre, que je
reprends aujourd’hui, me paraît encore plus difficile et redoutable
qu’autrefois. La mort de celui qui me l’inspirait m’accabla d’un deuil que je
croyais irréparable, et la vie la plus malheureuse qui puisse être imaginée
m’en détourna ensuite indéfiniment.
Le moment n’était pas
venu. Qu’aurais-je pu faire alors, sinon une paraphrase exégétique et
littéraire du Discours, tout au plus ? Trop de choses m’étaient inconnues.
J’ignorais même le Secret de Mélanie, publié seulement en novembre 1879, et si
impénétrablement obnubilé par l’épouvante sacerdotale qu’aujourd’hui encore
presque tous les catholiques l’ignorent ou le préjugent.
Puis ne fallait-il pas
que se déroulassent les turpitudes et congénitales ignominies de la République
française, qui sont maintenant à un tel point qu’on se demande ce que fait la
mort ? Tous les démons ne s’étaient-ils pas levés déjà comme un seul démon
pour réclamer l’épanouissement complet de la puante fleur démocratique, si
laborieusement acclimatée par eux dans le Royaume qui fut le lieu de naissance
de l’Autorité chrétienne ? Enfin et surtout la Justice du Bras pesant ne
devait-elle pas attendre que l’Ambassadrice en pleurs, soixante fois
outragée, dît à son Fils : – Je ne connais plus ce peuple, il est devenu
trop épouvantable ?
Après si long temps, mon
nom étant devenu quasi célèbre, quelques amoureux ont cru que je pourrais bien
être désigné pour écrire sur la Salette le livre dont certaines âmes ont
besoin, un livre pieux qui ne serait pas hostile à la magnificence divine, un
livre qui dirait, à l’expiration de soixante années, quelques plausibles mots
sur cet Évènement inouï, absolument incompris et même ignoré des prétendus
missionnaires ou prêtres séculiers qui se sont succédé sur la Montagne.
« Faites-le passer à
tout mon peuple », a dit, par deux fois, la Toute Ineffable. Voilà ce qui
désolait mon initiateur. – Qui donc y pense ? me disait-il, et que
pourrait-on faire passer à tout le peuple, c’est-à-dire tous les hommes ?
Les gens d’ici savent-ils seulement ce qui s’est accompli en ce lieu, et le
plus fort est-il capable de comprendre un mot, rien qu’un mot de ce Discours
qui paraît être le Verbum novissimum de l’Esprit-Saint ?
Hélas !
l’explication, irrémédiablement perdue, qu’aurait pu donner cet homme, sera,
désormais, ce qu’elle pourra : une angoissante vision des temps actuels à
propos des promesses et des menaces également dédaignées de la Mère du Fils de
Dieu – vision de terreur énormément aggravée par la certitude acquise et tout à
fait incontestable de certains évènements préliminaires. Qu’importe, après
tout, si mon œuvre, ainsi mutilée, contient encore assez de cette parole
engloutie pour attirer à la Salette quelques-unes de ces magnifiques âmes
capables d’en pressentir la beauté, même à travers les obscurités ou les
défaillances d’une insuffisante prédication ?
J’aurais voulu pouvoir
leur dire, comme Bossuet parlant devant la perruque du roi de France :
« Écoutez, croyez, profitez, je vous romps le pain de vie » ;
mais une manière de parler si haute n’éloignerait-elle pas, au contraire, de la
façon la plus sûre, un grand nombre de cœurs déjà subjugués, à leur insu, par
le Prince fastueux à la Tête écrasée qui ne cesse de promettre à ses esclaves
l’empire souverain dont il est lui-même dépossédé ?... Quel triomphe
d’arriver seulement à faire entrevoir la Splendeur aux contemporains des
automobiles !
Le prêtre de Jérusalem,
le missionnaire dont je viens de parler, se nommait Louis-Marie-René, et c’est
déjà beaucoup plus que je n’aurais voulu dire. Que tel soit donc le patronage
de ce livre qui sera surtout un livre de douleur. La Salette est, par
excellence, le Lieu des larmes très douloureuses.
On se rappelle que
lorsque l’Apparue cessa de parler aux enfants, il y eut un drame
extraordinaire. La resplendissante Dame dont les Pieds, au témoignage de ses
puérils auditeurs, ne touchaient pas le sol, effleurant seulement « la
cime de l’herbe », s’éloigne d’eux avec lenteur par une sorte de
glissement et, après avoir franchi le ruisselet qui la sépare de l’escarpement
du plateau, Elle commence à décrire cet étonnant Itinéraire serpentin,
marqué aujourd’hui par ces Quatorze Croix de la Voie peineuse qui, dans la
translucide méditation des sanglants Mystères, semblent se superposer...
Ce chemin de croix unique
avait été décrété comme toutes choses, antérieurement à la création des
espaces. Il entrait dans l’intégrité du Plan divin que les agenouillements des
derniers habitants chrétiens de la terre fussent déterminés, avec cette
précision, dans ce lieu sauvage, par le sillon des Pieds de lumière. Il n’est
pas indifférent de se prosterner là ou ailleurs. Les âmes religieuses, qui
viennent pleurer à la Salette, font une chose qui retentit harmonieusement dans
toute la série des Décrets divins touchant la Rédemption de l’humanité. Leurs
larmes tombent sur ce sol privilégié, comme une semence de beaucoup d’autres
larmes qui finiront, si Dieu veut, par y couler, un jour, comme des ondes.
« L’abîme des Larmes de Marie invoque l’abîme de nos larmes par la Voix de
ses cataractes. » Elle nous provoque à cette effusion comme son Fils, du
haut de la Croix, la provoquait amoureusement Elle-même à l’effusion totale de
son incomparable Cœur brisé.
II
LE TORRENT SUBLIME.
Je reviens à mon voyage.
Donc plus de diligence cruelle roulant tout un jour. La moitié seulement de
l’ancienne fatigue et l’autre moitié semblable à un rêve. Oh ! ce chemin
de fer au bord du gouffre, durant une heure ! Quelle ivresse d’aller ainsi
au-devant de Napoléon marchant de Sisteron sur Grenoble, par Corps et la
Mure ! Corps surtout, l’archiprêtré de La Salette !
Le hasard n’existant pas,
on peut imaginer avec stupeur « l’aigle » de ce conquérant
« volant vers Paris de clocher en clocher », mais descendant de celui
de Corps, trente et un an avant Notre Dame : « Mes enfants, n’ayez
pas peur, je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle ! »
puis : « Vous le ferez passer à tout mon peuple. » Comment faire
pour n’y pas penser ?
Le grand homme et ses
compagnons fidèles parurent être toute la France pendant vingt jours, tout le
possible de la France, tout l’éventuel humain et divin de cette angélique
patrie, de cette fille aînée du Fils de Dieu et de son Église, de cette
habitante de la Plaie de son Cœur, qui ne pourrait tomber plus bas qu’en devenant
la Madeleine des nations !
Le pauvre César évadé,
mendiant incorrigible de la Domination universelle, enveloppait sans le savoir,
à la manière des Prototypes, le futur indévoilé des campagnes ou des villages
qui ne pouvaient avoir d’existence historique sinon par la volonté d’un tel
passant. Je l’ai cherché çà et là, et j’avoue que son souvenir était plus pour
moi que les éternelles montagnes. Les a-t-il vues seulement ? A-t-il vu le
Drac, le formidable torrent, gloire du Dauphiné ? J’en doute. Un torrent
n’a que faire de regarder les autres torrents, et la montagne elle-même, pour
lui, n’est qu’un obstacle dont il mugit dans sa profondeur.
Pèlerin de la Salette et
rien que cela, en attendant l’honneur de m’agenouiller sur le Saint Tombeau, je
l’ai regardé et vu de près, ce furieux torrent, avec une admiration qui me
suffoquait. Combien de siècles a-t-il fallu à cette eau pour creuser un si
vaste lit dans cette solitude grandiose ? Pendant d’innombrables ans, elle
a dû ronger des rocs et creuser des gouffres en écumant. Tandis que les
générations naissaient et mouraient, à mesure que se déroulait l’Histoire, sous
les Allobroges et les Romains, sous les Burgondes, les Francs ou les Sarrasins,
sous les seigneurs d’Albon et les premiers Valois, pendant les atroces guerres
de religion, pendant la Révolution, pendant l’étonnant Empire et jusqu’à nos
jours où la Désirée devait apparaître – infatigablement cette eau toujours
jeune émiettait les dures assises, les criblant de l’artillerie de ses galets,
sapant à leur base les colossales colonnes, formant l’abîme continu qui partage
en deux cette haute province dauphinoise, apanage ancien des aînés de la
France : le Grésivaudan, le Royannès, les Baronnies, le Gapençois, l’Embrunois,
le Briançonnais, de la Durance à l’Isère, troupeau monstrueux de croupes vertes
ou de pitons chauves dont Dieu seul connaît tous les noms !
Le train pour la Mure
venant de Grenoble roule, durant je ne sais combien de kilomètres, le long de
cette fente énorme procurée par le Drac au-dessus duquel on a l’illusion d’être
suspendu. Clameur d’en bas qui ne s’interrompt jamais et qui peut devenir tout
à coup immense au temps des pluies ou de la fonte des neiges.
Un romancier morose et
stérilisé voulut, il y a quelques années, se venger de la basse peur que lui
avait donné ce cri de l’abîme. Bêtement et vilainement, il s’efforça de le
déconsidérer par ses adjectifs et ses méchantes métaphores, comparant cette eau
sublime à « une rivière débile, maléficiée, pourrie... ». Ce pauvre
homme, qui a dû plaire beaucoup aux ennemis de la Salette, blâme naturellement
les montagnes et se montre fort éloigné d’approuver les circonstances ou les
détails de l’Apparition, qui aurait eu lieu en plaine, dans le voisinage d’une
gare et beaucoup plus simplement, si on avait consulté son goût. In die
judicii, libera nos, Domine.
J’espère que ma
pantelante admiration pour ce magnifique spectacle me sera comptée. Pourquoi
voudrait-on que Dieu ne fût pas un artiste comme les autres, jaloux de son
œuvre et désirant qu’on l’admire ? Ne parle-t-il pas, à chaque instant, de
ses « saintes montagnes » qu’il a « préparées dans sa
force » et dont « les altitudes sont siennes » ? Ego
sum Dominus faciens omnia et nullus mecum. Il ne s’agit pas des montagnes des
autres, mais des siennes et il exige qu’on l’adore pour les avoir faites.
Existe-t-il un pèlerinage
aussi merveilleusement acheminé par l’admiration préalable du voyageur ?
Je ne le pense pas. Autrefois, ce n’était pas ainsi. La route suivie par les
diligences ne côtoyait pas l’abîme. Il a fallu cette voie de fer unique,
chef-d’œuvre des hommes, pour que nous fût révélé ce chef-d’œuvre de Dieu,
connu seulement alors de quelques paysans. Je l’ai revu, au retour, éclairé,
cette fois, par la pleine lune, criblant de ses rayons d’argent le paysage
immense et je croyais être en Paradis.
III
EN PARADIS
En Paradis !
Avant d’aller plus loin, ne conviendrait-il pas d’explorer en quelque manière,
autant qu’il se peut, cette « région de paix et de lumière », ce
« siège – cette capitale – du rafraîchissement et de la consolation
béatifique », ce paradis terrestre dans les cieux ?
Ici l’indigence des mots
humains est à faire pleurer. Tout ce qui n’est pas corps, espace ou durée, est
inexprimable à ce point que le Verbe de Dieu lui-même, Notre Seigneur
Jésus-Christ, n’a jamais parlé qu’en paraboles et similitudes6.
C’est la destinée de l’homme de ne pouvoir arracher son cœur du célèbre Lieu de
Volupté d’où il fut ignominieusement expulsé au commencement des temps. Il a
besoin que le Paradis soit un lieu, un lieu très haut ou très bas et nous
sommes forcés, dans le premier cas, de dire que la Sainte Vierge en est
descendue pour pleurer à la Salette. Mélanie a raconté le paradis enfantin
qu’elle construisit, le 19 septembre, avec Maximin, un peu avant
l’Apparition : Une large pierre qu’ils couvrirent de fleurs. C’est sur ce
paradis que la Belle Dame vint s’asseoir. La Reine du Paradis d’Hénoch et du
Bon Larron, lequel est cet incompréhensible Sein d’Abraham où fut ravi, pour y
entendre les irrévélables Arcanes, le Docteur immense des nations ; –
cette Reine est attirée par l’extrême puérilité de ce paradis des petits
bergers. « Elle a regardé dans le monde entier, disait Mélanie, et n’a pas
trouvé plus bas. Elle a bien été forcée de me choisir. »
Le Paradis est tellement
et de tant de manières au seuil du Miracle de la Salette, qu’il est aussi
impossible de n’en pas parler que d’en dire un valable mot. Ce paradis, sans
doute, c’est la Belle Dame elle-même, mais cela, c’est trop facile. Autant
proclamer l’identité de Dieu avec l’un ou l’autre de ses attributs. Le fond du
Paradis ou de l’idée de Paradis, c’est l’union à Dieu dès la vie présente,
c’est-à-dire la Détresse infinie du cœur de l’homme, et l’union à Dieu dans la
Vie future, c’est-à-dire la Béatitude. Le mode en est infiniment inconnu et
indevinable, mais on peut, jusqu’à un certain point, contenter l’esprit par
l’hypothèse fort plausible d’une ascension éternelle, ascension sans fin
dans la Foi, dans l’Espérance, dans l’Amour.
Contradiction
ineffable ! On croira de plus en plus, sachant qu’on ne comprendra
jamais ; on espérera de plus en plus, assuré de ne jamais atteindre ;
on aimera de plus en plus ce qui ne peut jamais être possédé.
Il est bien entendu que
je m’exprime comme un impuissant. Secundum hominem dico12.
L’union à Dieu est certainement réalisée par les Saints, dès la vie présente,
et parfaitement consommée, aussitôt après leur naissance à l’autre Vie, mais
cela ne leur suffit pas et cela ne suffit pas à Dieu. L’union la plus intime
n’est pas assez, il faut l’identification qui ne sera elle-même jamais
assez, en sorte que la Béatitude ne peut être conçue ou imaginée que comme une
ascension toujours plus vive, plus impétueuse, plus foudroyante, non pas vers
Dieu, mais en Dieu, en l’Essence même de l’Incirconscrit. Ouragan théologal
sans fin ni trêve que l’Église, parlant à des hommes, est forcée de
nommer Requies aeterna !
La foule déchaînée des
Saints est comparable à une immense armée de tempêtes, se ruant à Dieu avec une
véhémence capable de déraciner les nébuleuses, et cela pendant toute
l’éternité... Les rêveries astronomiques peuvent-elles, ici, être
utilisées ? L’inconcevable énormité des chiffres chargés de signifier les
effrayantes hyperboles de la Distance ou de la Vitesse aiderait tout au plus à
entrevoir l’impossibilité de comprendre « ce que Dieu a préparé à ceux qui
l’aiment ». On pourrait même dire, puisqu’il s’agit de l’infini et de
l’Éternel, qu’il doit y avoir une accélération continuelle de chaque torrent
analogue à l’étourdissante multiplication de la pesanteur des corps
tombants. Idée plausible et bien simple à présenter aux théoriciens de
l’immobilité béatifique. Une Mystique paralysée qu’encourage une imagerie fort
abjecte localise les Saints dans l’attitude hiératique promulguée par les
Instituts, sous l’auréole immuable que ne déplacera jamais aucun souffle et
parmi l’or ou l’argent des ustensiles de piété que ne rongera la rouille ni les
vers. Car telle est l’idée que peuvent se former du Paradis et de la Félicité
des Saints, des catholiques engendrés, le siècle dernier, par les acéphales
échappés à la guillotine.
Mais combien vaines,
lamentablement infirmes, sont les analogies littéraires ou conjectures
métaphysiques d’un pauvre écrivain penché sur l’insondable et n’obtenant pas même
l’énergie d’intuition qu’il faudrait pour discerner, un instant, au risque de
mourir d’effroi, le vertigineux abîme de l’Inintelligence contemporaine !
Requiem aeternam dona
eis, Domine
, c’est-à-dire :
Donnez à ces âmes, Seigneur, d’entrer dans la bataille infinie où chacune
d’elles, comme une cataracte retournée, vous assiégera éternellement.
Une chère âme pieuse
demandait ceci : – Dans cette ascension universelle, que deviendront les
médiocres, les pauvres hommes qui, n’ayant rien fait pour Dieu en ce monde,
auront été, néanmoins, sauvés par l’effet d’une rencontre ineffable de la
Justice et de la Gloire ? Que deviendront-ils, ceux qui, ayant aimé les
belles choses de la terre, la Poésie, l’Art, la Guerre, la Volupté même, se
trouveront tout à coup face à face avec l’Absolu, n’ayant rien préparé pour
leur passage, mais sauvés quand même, les mains vides ? Il leur faudra
donc, sous peine d’inanition éternelle, réaliser aussitôt
et absolument tout ce qui leur manque, et la Sagesse y a pourvu. La
Beauté, devenue un vautour, emportera sans fin, pour les dévorer toujours, ceux
qui l’auront vraiment aimée sous une apparence quelconque.
Assurément il en sera
ainsi et plus d’un poète s’étonnera d’avoir été, à son insu, tellement l’ami de
Dieu. Mais faudra-t-il, à cause des commandements inobservés, qu’il soit
confondu avec les médiocres ? Cette punition serait énorme et la pensée en
est monstrueuse. La vérité, infiniment probable, c’est que les uns et les
autres prendront d’eux-mêmes l’étage qui leur convient, avec un discernement
admirable.
Et alors, ce sera un
firmament de splendeurs différenciées, inimaginables. Les Saints monteront vers
Dieu comme la foudre, en la supposant multipliée par elle-même, à chaque
seconde, pendant les siècles des siècles, leur charité grandissant toujours, en
même temps que leur éclat, Astres indicibles que suivront d’énormément loin
ceux qui n’auront connu que la Face de Jésus-Christ et qui auront ignoré son
Cœur. Pour ce qui est des autres, des pauvres chrétiens dits pratiquants,
observateurs de la Lettre facile, mais non pervers et capables d’une certaine
générosité, ils suivront à leur tour, n’étant pas perdus, à des milliards de
chevauchées d’éclairs, ayant préalablement payé leurs places d’un inexprimable
prix, joyeux tout de même – infiniment plus que ne pourraient dire les plus
rares lexiques du bonheur – et joyeux précisément de la gloire incomparable de
leurs aînés, joyeux dans la profondeur et dans l’étendue, joyeux comme le
Seigneur quand il acheva de créer le monde !
Et tous, je l’ai dit,
monteront ensemble comme une tempête sans accalmie, la tempête bienheureuse de
l’interminable fin des fins, une assomption de cataractes d’amour, et tel sera
le Jardin de Volupté, l’indéfinissable Paradis nommé dans les Écritures.
J’ai rappelé le paradis
de Mélanie et de Maximin. Voilà le mien, tel quel. Puisse-t-il, comme le leur,
faire descendre chez moi la Vierge Marie !
IV
LOUIS-PHILIPPE, LE 19
SEPTEMBRE 1846.
« Il est environ
deus heures et demie. Le Roi, la Reine, leurs Altesses Royales, Mme la
Princesse Adélaïde, Mgr le Duc et Mme la Duchesse de Nemours, le Prince
Philippe de Wurtemberg et le Comte d’Eu, accompagnés de M. le ministre de
l’Instruction publique, de MM. les généraux de Chabannes, de Lagrange, de
Ressigny, de M. le colonel Dumas et de plusieurs officiers d’ordonnance,
sortent pour faire une promenade dans le parc. Après la promenade, Leurs
Majestés et Leurs Altesses rentrent au château vers cinq heures pour dîner, en
attendant les illuminations du soir. »
C’est ainsi qu’un
correspondant plein de diligence, dans une dépêche datée de la Ferté-Vidame,
annonce au Moniteur universel l’événement le plus considérable de la
journée du 19 septembre 1846 7.
Je suis, par bonheur, en
état de rappeler cet événement à l’univers qui paraît l’avoir oublié. À la
distance de plus de soixante ans, il n’est pas sans intérêt de contempler, par
l’imagination ou la mémoire, cette promenade du roi de Juillet accompagné de
son engeance dans un honnête parc, en vue de prendre de l’appétit pour le dîner
et de se préparer, par le naïf spectacle de la nature, aux magnificences
municipales de l’illumination du soir.
Ce divertissement
historique, mis en regard de l’autre Promenade Royale qui s’accomplissait au
même instant sur la montagne de la Salette, est, je crois, de nature à saisir
fortement la pensée. Le contraste vraiment biblique d’un tel rapprochement
n’est pas pour augmenter le prestige déjà médiocre de cette monarchie sans
gloire, née dans le bourbier libéral de 1830 et prédestinée à s’éteindre sans
honneur dans le cloaque économique de 1848. Il serait curieux de savoir ce qui
se passait dans l’âme du Roi Citoyen au moment même où la Souveraine des Cieux,
tout en pleurs, se manifestait à deux enfants sur un point inconnu de cette
belle France polluée et mourante sous l’abjecte domination de ce thaumaturge
d’avilissement.
Il fallait sous les
platanes ou les marronniers, rêvant ou parlant des grandes choses d’un règne de
seize ans et des résultats magnifiques d’une administration exempte de ce
fanatisme d’honneur qui paralysait autrefois l’essor généreux du libéralisme
révolutionnaire. Tout venait à souhait, au dehors comme à l’intérieur. Par un
amendement resté célèbre dans les fastes parlementaires, le comte de Morny
prétendait que les grands Corps de l’État étaient satisfaits. Dieu et le Pape
étaient convenablement outragés, l’infâme jésuitisme allait enfin rendre le
dernier soupir et le pays légal n’avait pas d’autres voeux à former que de voir
s’éterniser, dans une aussi bienfaisante dynastie, les félicités inespérées de
cet adorable gouvernement. On allait enfin épouser l’Espagne, on allait devenir
immense. À l’exemple de Charles-Quint et de Napoléon, le patriarche de
l’Orléanisme pouvait aspirer à la domination universelle. La ventrée de la lice
avait, d’ailleurs, suffisamment grandi et Leurs Altesses caracolaient assez
noblement autour de Sa Majesté dans la brise automnale de cette sereine journée
de septembre. Le roi des Français pouvait dire comme le prophète de la terre de
Hus : « Je mourrai dans le lit que je me suis fait et je multiplierai
mes jours comme le palmier ; je suis comme un arbre dont la racine s’étend
le long des eaux et la rosée descendra sur mes branches. Ma gloire se
renouvellera de jour en jour et mon arc se fortifiera dans ma main 8. »
À deux cents lieues, la
Mère de Dieu pleure amèrement sur son peuple. Si Leurs Majestés et Leurs
Altesses pouvaient, un instant, consentir à prendre l’attitude qui leur
convient, c’est-à-dire à se vautrer sur le sol et qu’ils approchassent de la
terre leurs oreilles jusqu’à ce jour inattentives, peut-être que cette créature
humble et fidèle leur transmettrait quelque étrange bruit lointain de menaces
et sanglots qui les ferait pâlir. Peut-être aussi que le dîner serait alors
sans ivresse et l’illumination sans espérance...
Pendant que l’Orléanisme se congratule dans la vesprée, les deux pâtres choisis pour représenter toutes les majestés triomphantes ou déchues, vivantes ou défuntes, se sont approchés de leur Reine. C’est à ce moment que la Mère douloureuse élève la voix par-dessus le murmure indistinct de l’hymne des Glaives9 chanté autour d’Elle dans dix mille églises :
Si mon peuple ne veut pas
se soumettre, Je suis forcée de laisser aller le Bras de mon Fils...
V
DESSEIN DE L’AUTEUR.
Le dessein de cet
ouvrage, nettement indiqué dans l’introduction, n’est pas de faire le récit du
Miracle de la Salette. Il a été fait si souvent que les chrétiens sont
inexcusables de l’ignorer. Devenus grands, les deux bergers eux-mêmes l’ont
écrit et publié, et leurs deux narrations, qui auraient dû être répandues
partout, sont identiques en ce qui regarde les circonstances de l’Évènement et
le texte du Discours public. Pour ce qui est des Secrets, Mélanie seule a
divulgué le sien, mais en réservant pour le Souverain Pontife la
Règle, donnée par Marie, d’un nouvel Ordre religieux, l’Ordre des
« Apôtres des Derniers Temps », fondation clairement prophétisée, au
XVIIe siècle, par le Vénérable Grignion de Montfort.
N’écrivant pas pour la
multitude, je m’adresse donc exclusivement à ceux qui savent le Fait de la
Salette, assuré que les autres ne s’y intéresseraient pas. Je veux surtout
montrer, aussi bien que je pourrai, le miracle qui a suivi et qui est peut-être
plus grand que Celui de l’Apparition – le miracle, certainement plus
incroyable, de l’indifférence universelle ou de l’hostilité d’un grand nombre.
Ces voix enfantines qui,
descendues des Alpes, devaient grandir comme l’avalanche et remplir la Terre,
tant qu’on a pu, on s’est employé à les étouffer. « Faites-le passer à mon
peuple », avait dit la Souveraine. Les Juifs eux-mêmes s’étonneraient
d’une désobéissance aussi complète. Les premiers Pasteurs ne sont pas montés
dans leurs chaires pour annoncer à leurs diocésains la Grande Nouvelle, les
Prêcheurs et Missionnaires de tout Institut ne se sont pas mobilisés avec
enthousiasme pour faire connaître aux plus ignorants les menaces et les
promesses de l’omnipotente. Plusieurs ont fait le contraire avec une malice
infernale. Les Paroles tombées de cette Bouche quasi divine qui prononça le
FIAT de l’Incarnation, ces Paroles si terribles et si maternelles, on ne les a
pas enseignées dans les écoles et les enfants de l’âge des bergers ne les ont
pas apprises. On sait, à peu près partout vaguement, que la Salette existe, que
la Sainte Vierge s’y est manifestée d’une manière quelconque et qu’Elle a dit
quelque chose. Diverses personnes savent même que la profanation du Dimanche et
le Blasphème ont été singulièrement condamnés par Elle. Mais
le texte de ce Discours, on ne le trouve dans aucune mémoire, ni dans
aucune main. Quant aux Secrets, on ne veut pas même en entendre parler.
Eh bien ! c’est à
faire peur. Jésus-Christ souffre qu’on le méprise ou qu’on l’outrage. On est
exactement au vingtième siècle des soufflets et des crachats qui tombent sans
amnistie, depuis deux mille ans, sur sa Face infiniment sainte, constituant
ainsi ce qu’on nomme l’Ère chrétienne. Mais il ne souffrira pas que sa Mère
soit dédaignée, sa Mère en larmes !... Celle dont l’Église chante qu’elle
était « conçue avant les montagnes et les abîmes et avant l’éruption des
fontaines »10 ;
cette « Cité mystique pleine de peuple, assise dans la solitude et
pleurant sans que personne la console »11 ;
cette gémissante « Colombe cachée au creux de la pierre »12 ;
la Reine des Cieux, pleurant comme une abandonnée dans ce repli du rocher et ne
pouvant presque plus se soutenir, à force de douleur, après avoir été si forte
sur l’autre Montagne !...
Seule, sur cette pierre
mystérieusement préparée qui fait penser à l’autre Pierre sur qui l’Église est
bâtie ; le Sein chargé des instruments de torture de Son Enfant et
pleurant comme on n’avait pas pleuré depuis deux mille ans. DEPUIS QUE JE
SOUFFRE POUR VOUS AUTRES QUI N’EN FAITES PAS DE CAS, dit-Elle.
Qu’on se représente cette
Mère douloureuse restant assise sur cette pierre, continuant de sangloter dans
ce ravin et ne se levant jamais, jusqu’à la fin du monde ! On aura
ainsi quelque idée de ce qui subsiste éternellement sous l’Œil de Celui dont
Elle est la Mère et pour qui nulle chose n’est passée ni future. Qu’on essaie
ensuite de mesurer la puissance de cette perpétuelle clameur d’une telle Mère à
un tel Fils et, en même temps, l’indignation absolument inexprimable d’un tel
Fils contre les auteurs des larmes d’une telle mère ! Tout ce qu’on peut
dire ou écrire sur ce sujet est exactement au-dessous du rien...
VI
INSUCCÈS DE DIEU.
Voilà donc où nous en
sommes ! Les Larmes de Marie et ses Paroles ont été si parfaitement
cachées, soixante ans, que la Chrétienté les ignore. L’effrayante Colère de son
Fils n’est pas soupçonnée, même de ceux qui mangent sa Chair et boivent son
Sang, et le monde va son train. Cependant des prophéties nombreuses et
singulièrement unanimes affirment que notre époque est désignée pour
l’assouvissement de Dieu, qui sera le Déluge des Catastrophes. Cela entrevu ou
deviné seulement est à faire tourner les têtes et même les globes.
L’énormité du cas
nécessiterait une puissance de vision archangélique. Dix-neuf siècles accomplis
de christianisme, autant dire une centaine de générations arrosées du Sang du
Christ ! Et pour quel résultat ? Le vingtième siècle peut se le
demander avec stupeur. L’optimisme féroce qui présume l’Évangile annoncé d’ores
en avant à toutes les nations, n’est soutenable que dans la bonne
presse ou dans les plus basses classes primaires, antérieures aux
rudiments de la géographie la plus humble. La vérité trop certaine, c’est que,
sur les quatorze ou quinze cent millions d’êtres humains qui peuplent notre
globe, un tiers au plus connaît le Nom de Jésus-Christ et les quatre-vingt-dix-neuf
centièmes de ce tiers le connaissent en vain. Quant à la qualité du résidu,
c’est une honte infiniment mystérieuse, un prodige de douleur assimilable
seulement à l’incompréhensible Septénaire des Douleurs de la Compassion de
Marie.
La réalité apparente,
c’est l’insuccès de Dieu sur la terre, la faillite de la Rédemption. Les
résultats visibles sont tellement épouvantables d’insignifiance et le
deviennent tellement plus, chaque jour, qu’on se demande avec folie si le
Sauveur n’a pas abdiqué. « Quae utilitas in sanguine meo, dum descendo in
corruptionem ? » La voilà bien, l’Agonie du Jardin, telle que l’ont
vue des extatiques ! Ah ! c’était bien la peine de tant saigner et de
tant gémir, de recevoir tant de soufflets, tant de crachats, tant de coups de
fouet, d’être si affreusement crucifié ! C’était bien la peine d’être Fils
de Dieu et de mourir fils de l’homme pour aboutir, après dix-neuf siècles
piétinés par tous les démons, au catholicisme actuel !
Je sais qu’il y a eu des
Saints, un, peut-être, par chaque dizaine de millions d’habitants du globe,
autrefois surtout, et il paraît bien que cela suffit à Dieu, provisoirement du
moins, mais comment cela pourrait-il nous suffire et nous contenter, nous
autres qui ne voyons pas les causes ? On nous dit – avec quelle
rigueur ! – que tout ce qui n’est pas dans l’Église est perdu. Or il naît,
chaque jour, beaucoup plus de cent mille hommes qui
n’entendront jamais parler de l’Église ni d’un Dieu quelconque, même
dans le monde prétendu chrétien, et qu’on putréfie dès le berceau... J’ai vécu
de longs et douloureux mois chez Luther, dans un des trois royaumes
scandinaves, et j’y ai vu l’impossibilité de connaître la Vérité plus
insurmontable cent fois que chez les païens. Dieu sait pourtant si son Nom
terrible y est prononcé !
Que dire, après cela, des
idolâtres sans nombre parmi lesquels il serait injuste de ne pas compter les
catholiques traditionnels retranchés dans la certitude inexpugnable qu’ils sont
tamisés, triés grain à grain, comme un froment d’eucharistie et que la
pénitence n’est pas pour eux ? Ceux-là surtout sont effrayants. Les purs
sauvages de l’Afrique ou de la Polynésie, les fruits humains de la hideuse
culture asiatique, les polymorphes monstrueux de l’intellectualité la plus
avilie, de la raison la plus déchue ; tous ces infortunés ont leurs dieux
de bois ou de pierre dont quelques-uns sont si démoniaques et si noirs qu’on ne
peut plus rire ni pleurer quand on les a vus. Cependant, que Jésus leur soit
montré sur sa Croix et la plupart, instantanément, deviendront des gouffres
humbles.
L’idole des catholiques
honorables dont je viens de parler, c’est précisément la même Croix, mais posée
par eux sur les épaules, sur le cœur du Pauvre. Ils la renieraient s’il fallait
qu’ils la portassent eux-mêmes. À cette place, ils l’adorent et « la Sueur
de jésus coule jusqu’à terre en gouttes de sang »...
– Non fecit taliter
omni nationi. Vous l’avez dit vous-même, Seigneur. Nous sommes la nation
privilégiée, le troupeau choisi. C’est pour nous que vous êtes mort et nous
n’avons qu’à nous laisser vivre, il a fallu des martyrs et des pénitents,
jadis, pour nous installer dans ce confort spirituel et matériel qui est
probablement le miroir des Anges. Qu’avons-nous de mieux à faire que d’être
généreux et doux envers nous-mêmes et de jouir de vos dons, en méprisant comme
il convient les prophéties ou les menaces désapprouvées par nos pasteurs ?
Évidemment Notre-Dame de
la Salette ne dit rien et n’a rien à dire à de tels chrétiens.
Faudra-t-il donc que la mère de Dieu se promène en vain sur les montagnes ? Le Discours de la Salette est le plus douloureux soupir entendu depuis le Consummatum. Qui oserait dire que la Vierge est « bienheureuse » de voir couler en vain le Sang de son Fils, depuis tant de siècles, et où est le Séraphin qui délimiterait ce tourment ?
VII
REFUS UNIVERSEL DE LA PÉNITENCE.
« ... REGARDE, MÉLANIE, CE QU’ILS ONT FAIT DE NOTRE DÉSERT !...
Ridebo et Subsannabo. »
« Le lieu que tu
foules est une terre sainte », fut-il dit à Moïse sur l’Horeb, « montagne
de Dieu ». J’ai retrouvé cette Parole sur les murs de l’hôtellerie de la
Salette. Assurément elle y est à sa place, mais il faudrait tout le
Texte : « Solve calceamentum de pedibus
tuis. Déchausse-toi. »
Il ne viendrait plus
personne. C’est la Pénitence réelle. Il ne s’agit pas seulement des pieds, et
de quels pieds ! Il est indispensable de se déchausser l’esprit et le
cœur. Et voilà tout le monde en fuite ! Les prétendus missionnaires et,
après eux, les chapelains actuels, y ont pourvu. Ne quid nimis ! Pas
d’excès. Loin de demander trop, on s’ingénia à ne rien demander du tout et le
résultat dépassa les espérances.
« Des menaces dans
la bouche de Marie, si bonne et si douce ! me disait, l’autre jour, une
jeune mère ; des menaces contre de faibles enfants innocents et
purs ! et des menaces de mort, de mort affreuse !... Non !
non ! Marie est mère, elle n’a pas pu les prononcer. Elle ne sait
qu’aimer, la vengeance ne lui appartient pas, et je voudrais brûler la page où
l’on a osé lui prêter un langage comme celui-ci : Les enfants
au-dessous de sept ans prendront un tremblement et mourront entre les mains de
ceux qui les tiendront. Moi, croire à cette Apparition !
répétait-elle, en serrant son enfant contre son cœur, non, non, pauvre petit !
Jamais cette dévotion ne sera la mienne ; car c’est l’épouvante et non
l’amour qu’elle inspire13. »
Ce sucre fut ajouté au
vinaigre et au fiel du Golgotha et l’Océan des Larmes de Marie perdit son
amertume.
Effet très facile. Il
suffisait de décomposer le Message, en séparant ce qui est conditionnel de ce
qui ne l’est pas, par exemple le Discours public du Secret confié à Mélanie
pour être publié douze ans plus tard. Or, la séparation, c’est la mort. Aussi
longtemps que le Secret n’avait pas été publié, on pouvait le supposer
conciliable avec toutes les sentimentalités. On consentait qu’il existât. Quand
il fut connu, on décida de le supprimer et, comme il était l’âme du Message de
la Salette, ce Message fut aussi complètement tué que puisse être tué ce qui
est de Dieu. Quel moyen d’accepter au XIXe ou au XXe siècle – fût-ce
de Marie ! – une sorte d’Apocalypse précisée, une amplification ou
dévoilement du vingt-quatrième chapitre d’Isaïe : Ecce Dominus
dissipabit terram23.
Ces choses ne sont pas permises, même à Dieu qui a fermé son Évangile, n’est-ce
pas ? et qui ne doit pas ajouter un iota aux Révélations dont son Église a
le dépôt. Cela dépasserait trop les âmes, et les deux témoins de la Reine des
Martyrs, les deux bergers, l’ont appris à leurs dépens.
« Ce lieu où tu te
tiens est une terre sainte. » Parole obsédante ! Quels durent être
les sentiments de Mélanie, lorsqu’elle revint à la Salette, après combien de
pérégrinations douloureuses ! à l’âge de 71 ans, le 19 septembre 1902,
cinquante-sixième anniversaire de l’Apparition ? Il lui restait peu de
temps à souffrir et certaines choses, que n’entendraient pas les hommes, durent
être dites à cette fille extraordinaire. De tous les points de sa Montagne,
plus précieuse que le diamant, dut sortir une voix pour elle seule, une Voix
infiniment douce et gémissante :
– Regarde, Mélanie, ce qu’ils
ont fait de notre désert ! Autrefois, tu t’en souviens, on n’entendrait
que la plainte des troupeaux et le sanglot des eaux. Moi, la Mère de Dieu,
enfantée avant les collines et les fontaines, je t’attendais là depuis
toujours. J’attendais aussi ton petit compagnon Maximin, devenu, il y a
vingt-sept ans, mon compagnon dans le Paradis. Car vous étiez pour moi, chers
enfants, toute la famille humaine. Je vous avais choisis, et non pas d’autres,
pour être les notaires de mon Testament. Seule, parmi ces monts, dans le
voisinage du bon torrent, j’écoutais tomber goutte à goutte, sur les nations,
le Sang de mon Fils. Je t’ai fait voir l’immensité de cette peine qui étonnera
les Saints pendant toute l’Éternité. Avoir donné un tel Enfant pour si
peu ! Si tu savais !... Depuis tant de siècles, j’ai vu d’ici crouler
un grand nombre d’empires dont plusieurs se disaient chrétiens et qui
pourrissaient dans les luxures ou les carnages. C’est à peine si un homme sur
des multitudes avait quelquefois un mouvement de compassion pour son Sauveur.
De l’Orient à l’Occident, c’est une muraille rouge qui cache, plus de mille
ans, la moitié du ciel. Les persécutions, les guerres, les esclavages, tous les
fléaux de la Concupiscence et de l’Orgueil. Et ce fut le temps des Saints !
Aujourd’hui, c’est le
temps des démons tièdes et blafards, le temps des chrétiens sans foi, des
chrétiens affables qui ont une synagogue dans l’esprit et une
« boucherie » dans le cœur. Il y en a même de disposés à verser leur
sang, mais résolus très fermement à ne pas accepter la misère et l’ignominie.
Ceux-là sont les héroïques et il y en a peu. Je te le dis, les plus
cruels bourreaux de mon Fils ont toujours été ses amis, ses frères, ses membres
précieux et jamais Dieu ne fut mieux outragé que par les chrétiens. Tu l’as
beaucoup dit, Mélanie, voilà 56 ans que je ne peux plus retenir le Bras de
mon fils. Je l’ai retenu, cependant, parce que je suis la Femme forte,
mais je cesserai bientôt. On doit s’en apercevoir déjà. J’ai besoin d’être
deux fois forte, parce qu’Il compte sur moi. Son Cœur trop doux compte sur le
mien. Il sait que je serai implacable : « Maledictio matris eradicat
fundamenta – In interitu vestro, ridebo et subsannabo. J’éclaterai de rire et
je me moquerai de vous, quand vous serez dans les affres de la mort. » Ces
Paroles s’accompliront exactement. Dérision pour dérision. J’ai donné, en 1846,
le dernier avertissement. C’est l’espérance et la volonté du Fils de Dieu
d’être vengé par sa Mère.
VIII
LE SACRÉ-CŒUR COURONNÉ
D’ÉPINES.
« Son Cœur trop
doux. » C’est lui-même qui a dit cela : Mitis Corde. L’excès
divin, comme toujours. On dirait qu’il ne peut se décider à punir. Marie ne
serait pas là que son Bras resterait tout de même suspendu, son Bras écrasant.
Une visionnaire fameuse a dit que saint joseph avait le cœur trop tendre pour
supporter la Passion et que c’est à cause de cela qu’il n’en fut pas le témoin.
Le pressentiment seul du Vendredi-Saint suffisait pour le faire mourir de
compassion. Quelque chose de tel doit exister ineffablement en Dieu. Il fallait
la force de Marie à l’holocauste et il la faudra au châtiment, puisque la
Victime, si valide pour l’Amour, semble infirme pour la Justice.
Il est difficile de dire
combien les sentimentalités dévotes abaissent Marie et la découronnent. Les
pieuses chrétiennes veulent d’une Reine couronnée de roses, mais non pas
d’épines. Sous ce diadème elle leur ferait peur et horreur. Cela ne
conviendrait plus au genre de beauté que leurs misérables imaginations lui
supposent. Cependant la Liturgie sublime qu’elles ignorent veut expressément
que le Sauveur ait été couronné par sa Mère 14 et
où donc aurait-elle pu prendre ce diadème, sinon sur sa propre tête ? Ne
fallait-il pas à Jésus-Christ la plus somptueuse de toutes les couronnes et
quelle autre que celle de la Reine-Mère eût été digne du Roi son Fils ?
Mais j’ai parlé du Cœur,
de ce Cœur « doux et humble » qui est sur les autels et que tous les
catholiques adorent. C’est la dévotion des Derniers Temps – que ces derniers
temps soient des années ou des millénaires. Jésus veut triompher par son
Cœur, par son Cœur couronné d’épines. Car voici un mystère. On dirait que
la Face du Maître qui enivrait les Saints a disparu, à mesure que se montrait
son Cœur. Alors le signe de sa Royauté, le signe essentiel qu’il tient de sa
Mère, il a bien fallu qu’il descendit sur son Cœur et comme c’était une
couronne fermée, surmontée de la Croix, ainsi qu’il convient aux Empereurs, la
Croix est descendue en même temps, plantée pour toujours dans ce Cœur dévorant
et dévoré qui « possédera toute la terre parce qu’il est infiniment
doux ».
Telle est l'image qu'on a
été forcé d'offrir à la piété des fidèles, image d'aspect enfantin, la seule
tolérable parce qu'elle ne veut être que symbolique. Les horribles statues
représentant un Jésus glorieux et plastique, "en robe de brocart pourpré,
entrouvrant, avec une céleste modestie, son sein et dévoilant, du bout des
doigts, à une visitandine enfarinée d'extase, un énorme coeur d'or crénelé de
flammes 15";
ces honteuses et profanantes effigies doivent, en une manière, ajourner la
Communion des Saints, la Rémission des péchés, la Résurrection de la chair, la
Vie éternelle...
On aura beau chercher, la
représentation du Cœur très sacré n’est possible qu’en armoiries ou en sceau.
Il fut révélé à Marguerite-Marie que Jésus voulait son Cœur sur les étendards
de France et en abîme au milieu des fleurs de lys. Louis prétendu le
Grand méprisa ce désir divin qui ne put être accompli que deux siècles plus
tard, dans l’obscurité la plus profonde, lorsque le trône étant devenu vacant
et tous les théâtres de la gloire française étant fermés, un prince pauvre se
présenta 16...
Pour les intelligences
véritablement théologiques, la dévotion moderne au Cœur de Jésus est
la plus forte preuve que Marie doit tout accomplir et que son temps est venu.
Lorsque les chrétiens disent la si mystérieuse et si incompréhensive Oraison
Dominicale, combien peu savent ou devinent que l’Adveniat Regnum tuum proclame
cette Mère avec une précision absolue et l’appelle si fort que ces trois mots
ont fini par la faire descendre tout en larmes. C’est Elle qui est le
Règne du Père !...
Ah ! comme Elle nous
prie de l’écouter ! Attendite et videte si est dolor sicut dolor
meus. Elle sait si bien que tout est perdu si on ne l’écoute pas ! On l’a
attendue dix-neuf siècles. On l’a appelée dans tous les pays et dans toutes les
langues, matin et soir, avec des milliards de bouches. Des Apôtres, des
Martyrs, des Confesseurs, des Vierges, des Prostituées, des Assassins, des
Vieillards près de mourir et de tout petits Enfants qui savaient ou ne savaient
pas ce qu’ils disaient, l’ont suppliée de venir et Elle est venue enfin, comme
une malheureuse, réclamant le Septième Jour qui lui appartient et qu’on ne veut
pas lui donner.
Elle ne nomme pas
expressément le Cœur de Jésus, mais elle nomme celui de Napoléon III, ce qui
est étrange et terrible. Comment veut-on que Marie prononce le
mot cœur sans que se produise le Déluge, l’immersion,
l’engloutissement d’Elle-même et de tous les mondes en ce gouffre de sang et de
feu qui est le Cœur du Christ : « La fontaine sortie de la Maison du
Seigneur pour irriguer le torrent des épines », ainsi que
prophétisait Joël, 600 ans avant la Passion 17.
Mais que de paroles, mon
Dieu ! N’est-elle pas Elle-même le Cœur du Christ percé de la Lance et
déchiré par les Épines, où s’implante la Croix folle ? Que croirait-on si
cela n’était pas à croire ? Un point est indiscutable. Nous périssons pour
ne pas l’avoir écoutée.
IX
IL VOUS EST CONNU, Ô MA
DAME DE TRANSFIXION,
« Je bénirai les
maisons où l’image de mon Cœur sera exposée et honorée. » Telle est la
promesse. Que ce livre où j’abrite ma pensée soit donc béni ! ce livre
plein du désir d’honorer Marie douloureuse :
– Il Vous est connu, ô Ma
Dame de Transfixion, que je ne sais comment m’y prendre et que j’ai besoin d’être
aidé pour parler de Vous convenablement. Vous savez, ô Cœur percé d’Impératrice
de tous les mondes, que je voudrais ajouter à Votre Gloire en élargissant la
pensée de quelques-uns de mes frères. Mais l’entreprise passe mon pouvoir et il
me semble que je n’ai rien à dire.
Voici bientôt trente ans
que j’en avais audacieusement conçu la pensée. Celui de Vos amis que Vous
m’envoyâtes alors n’a plus de voix pour m’instruire. Il attend la Résurrection
dans Votre petit cimetière de la Montagne. Mais Vous m’avez poursuivi sans
relâche, me forçant à parler de la Salette, quand même, dans d’autres livres
qui n’étaient pas pour Vous seule et, finalement, Vous avez conduit par la
main, jusque dans ma pauvre caverne, un de Vos fils les plus doux, un savant
très humble qui m’a dit de Votre part que, n’ayant plus, selon l’ordre de la
nature, un grand nombre d’années à passer sur terre, il fallait que je
m’exécutasse, bon gré, mal gré.
Alors, ma Souveraine, il
est expédient que Vous fassiez tout, car mon impuissance est grande, ayant,
d’ailleurs, l’esprit offusqué de plusieurs choses qui ne sont pas saintes. Dans
le silence universel, ou peu s’en faut, considérez que Vous me faites un devoir
de vociférer contre l’injustice énorme, et qui n’eut jamais d’exemple, de tout
le peuple chrétien contempteur de Vos Larmes et dépositaire sans fidélité de
Vos avertissements les plus précieux. Vous me donnez la consigne de marquer,
comme des chiens qu’il faut abattre 18,
les dévorants pasteurs d’Ézéchiel occupés, en assez grand nombre, à se paître
eux-mêmes et dissimulateurs attentifs de Votre Révélation formidable.
Combien d’autres choses
encore ! Si je me tais, qui réhabilitera Vos témoins, Vos bergers de
dilection, Vos mandataires choisis parmi des milliards et honteusement rejetés
et calomniés par ces mêmes pasteurs qui les étouffèrent tant qu’ils
purent ? Si je me décourage, où est le chrétien qui osera dire qu’il est
bien vrai que Vous êtes venue, il y a soixante ans, pour nous informer, en
pleurant, de l’imminence du déluge et que nul n’a voulu Vous croire ? Vous
étiez, pourtant, l’Arche salutaire qu’on n’avait pas même eu la peine de
construire, comme autrefois, et dans laquelle il est certain que plus
de huit âmes auraient pu être sauvées 19...
Regardez, maintenant, le
pauvre instrument que je suis. Victime comme Vous de
la conspiration du silence, j’ai depuis vingt ans les lèvres
tellement cadenassées que c’est à peine si je peux manger. Ceux-là seuls
m’entendent qui sont tout près de moi et, pour ainsi dire, cœur à cœur.
Quand même Vous me
donneriez la langue d’un Jérémie, il n’y aurait rien de fait aussi longtemps
que Vous n’auriez pas donné des oreilles à la multitude. Je suis une chassie
dans l’œil des contemporains. Les plus vils ennemis de Dieu croient avoir le
droit de me mépriser et les amis déclarés du même Dieu sont les amis de mes ennemis.
Vous savez pourquoi, Vous qui enfantâtes l’Absolu afin que les hommes le
missent en croix. Mais je deviendrais un ambassadeur accrédité, si, tout de
suite, j’avais le pouvoir de changer les eaux en sang, ce que je Vous demande
très humblement.
J’obéirai donc, certain
que ce qu’il faut dire me sera mis en la bouche, espérant de Vous, ô Marie, je
ne sais quelle force miraculeuse et comblé, pour le demeurant de mes jours, de
cet accablant honneur.
X
NAPOLÉON III DÉCLARE LA
GUERRE À MÉLANIE.
Qu’il (Pie
IX) se méfie de Napoléon : son cœur est double et quand il voudra
être à la fois Pape et Empereur, bientôt Dieu se retirera de lui. Il est cet
aigle qui, voulant toujours s’élever, tombera sur l’épée dont il voulait se
servir pour obliger les peuples à se faire élever 20.
Tel est le huitième
paragraphe du Secret de Mélanie, confié par la Mère de Dieu à cette bergère, le
19 septembre 1846, avec mission de le publier douze ans plus tard. En
attendant, ce Secret, écrit de la main de Mélanie par ordre de son évêque, pour
être communiqué au Pape seul, fut porté à Rome en 1851 par deux prêtres
vénérables qui le confièrent, cacheté et scellé, au Souverain Pontife, en même
temps que celui de Maximin aujourd’hui encore inconnu.
Il convient de faire
observer tout d’abord qu’en 1846, le futur Napoléon III, à qui nul ne songeait,
était enfermé dans le fort de Ham et condamné à une prison perpétuelle. Même en
juillet 1851, le Coup d’État et le Second Empire étaient encore parmi les
choses qui appartiennent exclusivement aux prophètes. Un fait aussi concluant
vaut qu’on le signale.
Pie IX parla-t-il ?
On est forcé de croire que, de manière ou d’autre, quelque chose transpira
puisque Louis-Napoléon, devenu empereur « par la grâce de Dieu et la
volonté nationale », s’empressa de déclarer la guerre à Mélanie. Ce fut un
de ses premiers actes, et, certainement, l’un des moins connus.
Le vénéré Mgr de
Bruillard, évêque de Grenoble, qui avait proclamé le Miracle, un peu avant le
Coup d’État, demanda à Napoléon, en novembre 1852, de lui donner un coadjuteur,
alléguant son grand âge et ses infirmités. Le président décennal, qui avait
besoin d’un domestique, refusa le coadjuteur, exigeant la démission pure et
simple, afin de pouvoir placer sur le siège de Grenoble un prélat à sa
discrétion et ne croyant pas à la Salette, qui enterrât le miracle. Ainsi
devint successeur de saint Hugues, l’abbé Ginoulhiac, de Montpellier, vicaire
général à l’archevêché d’Aix, ancien professeur de théologie gallicane.
« Bien des croyants,
dit Amédée Nicolas 21,
s’alarmèrent en apprenant quel était le nouvel évêque. Mais la Sainte Vierge
avait choisi un prélat qui, doué de beaucoup d’adresse, de perspicacité et de
prudence, connaissant le discours public, ignorant les Secrets qui étaient la
terreur de Napoléon, pouvait le mieux conserver la dévotion et le sanctuaire,
en rassurant le chef de l’État, en lui affirmant, autant qu’il le pouvait, et
en toute bonne foi, qu’il ne s’agissait, dans les parties cachées, ni de lui ni
de son trône. La Providence ne prodigue pas les miracles. Le plus souvent, elle
se sert, pour arriver à ses fins, des hommes les plus médiocres, de leur
caractère, de leur manière d’être, de leurs qualités, même de leurs défauts.
Nous croyons, nous, que sans l’élévation, sur le siège de Grenoble, de Mgr
Ginoulhiac qui était, d’autre part, gallican et plaisait aussi à l’Empire par
ce côté, et sans une intervention divine, la Salette aurait été persécutée et
pourchassée par l’Empereur. Ce choix a bien eu des inconvénients ; il en
est résulté, pour les deux témoins, beaucoup de peines et de souffrances imméritées,
cela est vrai ; mais il a sauvé le principal, c’est-à-dire la dévotion, le
pèlerinage, le sanctuaire et la montagne. »
Le nouvel évêque,
cependant, ne tarda pas à se trouver dans un embarras extrême. Les Secrets,
celui de Mélanie surtout, qu’on disait si menaçants et qu’il ne connaissait pas
encore, étaient comme une arête en son gosier, quand il lui fallait parler à
son empereur des cormorans. « Mais, heureusement, dit-il, dans son
Instruction pastorale du 4 novembre 1854, nous vivons sous un gouvernement qui
est assez sûr de lui-même pour ne pas trembler devant de prétendues confidences
prophétiques faites à un enfant...22 »
Napoléon III, peu rassuré, voulait fermer le sanctuaire et il fallut
l’intervention de Jules Favre, alors très redouté, qui manifestait l’intention
de porter la chose devant le Corps législatif par une interpellation, pour que
le gouvernement renonçât à persécuter la Salette. Quant à Ginoulhiac, rassasié
de tant d’émotions, inquiet de sentir trembler dans sa main la crosse
précieuse, il décida d’en finir en faisant disparaître les témoins de Marie,
les « deux enfants ignorants et grossiers », les « chétifs
instruments » qui donnaient à Sa Grandeur tant de tablature. Le plus sûr
eût été de les tuer, mais il y avait trop de monde, trop d’yeux ouverts. Il
fallait un expédient non moins épiscopal que celui de Caïphe. La
redoutable Mélanie fut exilée en Angleterre, à la fin de septembre 1854, abus
d’autorité, acte inique au premier chef, qu’on ne manqua pas de présenter comme
une faveur insigne sollicitée par la victime elle-même, attendrissant effet
d’une bonté pastorale pouvant aller jusqu’à la faiblesse.
L’année suivante, cet
évêque effrayant ne craignit pas d’affirmer, sur la Montagne même, que
« la mission des enfants était finie par la remise de leurs
Secrets au Pape, que rien ne les rattachait plus au Miracle ; que leurs
actes et leurs paroles, depuis le 18 juillet 1851, étaient complètement indifférents ;
qu’ils pouvaient s’éloigner, se disperser par le
monde, devenir INFIDÈLES à une grande grâce reçue, sans que le fait
de l’Apparition en fût ébranlé ». À quelque prix que ce fût, il s’agissait
de démonétiser les deux Témoins.
XI
VIE ERRANTE DE LA BERGÈRE.
LE CARDINAL PERRAUD, SUCCESSEUR DE TALLEYRAND.
LA DÉPOUILLE.
« Pourquoi es-tu
triste, mon âme, et pourquoi me troubles-tu ? » Il a pourtant bien
fallu qu’il l’articulât, cette interrogation liturgique, le triste évêque, avant
de monter à l’autel, le lendemain matin et tous les autres matins qui
suivirent, jusqu’à la fin de sa vie ! Et quand vint l’heure de la mort,
l’heure terrible ou suave de la recommandation de l’âme, il ne lui fut pas
possible de penser seulement avec les assistants de son agonie, les
rituelles paroles qui ouvrent la porte bienheureuse : Viam mandatorum
tuorum cucurri. Il ne le put pas, parce qu’ayant dit à la sainte fille :
« Vous êtes une folle ! » il était selon la justice qu’il mourût
privé de raison.
Un jour, sera publiée,
pour l’étonnement et l’épouvante d’un grand nombre, la monographie des
châtiments infligés aux persécuteurs ou blasphémateurs ecclésiastiques de la
Salette. La liste en est déjà longue.
Mélanie ne devait plus
connaître le repos. Après un séjour de six ans au Carmel de Darlington, retour
en France et arrivée à Marseille, le 28 septembre 1860 23.
Entrée, à Marseille, dans une communauté religieuse pour y enseigner l’alphabet
à de toutes petites filles. – Envoi, dans les îles ioniennes, à Céphalonie et à
Corfou, en 1861 et 1862. – Retour à Marseille en 1862 où elle reste dans une
propriété rurale jusqu’en 1867 sous la direction de Mgr Petagna, évêque de
Castellamare, chassé de son diocèse par l’invasion piémontaise, qui passait les
années de son exil à Marseille. – Départ pour l’Italie, en juillet 1867, pour
Castellamare, non loin de Naples, où elle séjourna 18 ans, toujours sous la
direction de Mgr Petagna rentré dans son diocèse en cette même année, jusqu’à
la mort de ce digne et pieux évêque et au delà. – Vers 1885, rentrée en France,
avec la permission spéciale de Léon XIII, pour y soigner sa mère malade, à
Cannes et au Cannet, jusqu’à la mort de cette dernière, puis séjour à Marseille
de 1890 à 1892.– Retour en Italie où elle se fixe, cette fois, à Galatina,
entre Lecce et Otrante, pour y passer quelques années non loin de son ancien
directeur, Mgr Zola, de 1892 à 1897. – En 1895, voyage en France, à l’occasion
d’un procès retentissant et scandaleux, gagné, naturellement, contre elle par
Mgr Perraud, Cardinal-Evêque d’Autun, successeur de feu Talleyrand, et même
académicien, qui fit à la bergère l’honneur de la dépouiller, au profit de sa
mense épiscopale, d’un legs important à elle fait pour les Apôtres des Derniers
Temps. Dans le legs était comprise une chapelle publique que le Cardinal frappa
d’interdit 24.
À ce sujet, recrudescence des calomnies, déluge d’immondices. Libertinage,
hérésie, escroquerie, folie, possession ! Telles furent les aménités de
la bonne presse. – Du 14 septembre 1897 au 2 octobre 1898, à Messine, dans
l’institut des Filles dites du divin Zèle du Cœur de Jésus, pour
y diriger les jeunes aspirantes pendant l’année du noviciat. – De là à
Moncalieri. – Puis rentrée nouvelle et dernière en France où elle passe cinq
ans, de 1899 à 1904, à Saint-Pourçain, Diou, Cusset (Allier) et Argœuvres
(Somme). Deux fois elle se rend à la Salette : le 18 septembre 1902, pour
y passer le 56e anniversaire de l’Apparition, et une dernière fois, le 28
juillet 1903. Elle avait reçu le sacrement de l’Extrême-Onction à Diou, durant
une grave maladie qui n’eut pas de suite, le 26 janvier 1903. – Enfin, au
milieu de l’année 1904, elle quitte définitivement son pays natal pour aller se
fixer dans la province de Bari, en Italie, où elle vit incognito jusqu’à sa
mort à la mi-décembre, connue seulement de son nouvel évêque, Mgr Cecchini, et
d’une pieuse dame, la signora Gianuzzi. Sa dernière communion, le 14 décembre,
dans la cathédrale d’Altamura, est son suprême Viatique.
Cette errance
continuelle, cette incessante migration nécessitée par une hostilité sans pardon,
– favorable, d’ailleurs, à l’accomplissement de sa mission, – fut tournée
contre elle, taxée de vagabondage, dans le pire sens du mot, interprétée de la
façon la plus basse et la plus haineuse. Peu de saintes furent autant
calomniées.
« Je mourrai en Italie »,
disait-elle à Dieu, moins de deux ans avant sa mort, « – dans un pays que
je ne connais pas, – où je ne connais personne, – pays presque sauvage, – mais
où on aime bien le bon Dieu, – je serai seule, – un beau matin, on verra mes
volets fermés, – on ouvrira de force la porte, – et on me trouvera
morte. » Cette prophétie s’est réalisée à la lettre dans tous ses détails 25.
L’extraordinaire beauté
de cette vie fut cachée, plus de soixante ans, avec un art vraiment diabolique,
et la très précieuse mort ne fut pas connue. À cette époque, d’ailleurs, qui
pensait à la Bergère ? À peine la nommait-on sur la Montagne, en déplorant
qu’elle eût mal tourné. Immolation irréprochable. Maximin, mort en 1875, avait
été déshonoré, lui aussi, fort studieusement et d’une manière qui ne laissait
rien à désirer. Bon débarras de l’un et de l’autre.
La légende, solidement
implantée, dès lors, de l’indignité regrettable des témoins, tournait, en
somme, à la Gloire de Dieu dont c’est la pratique ordinaire – n’est-ce
pas ? – de tirer le bien du mal et de se servir des instruments les plus
méprisables. L’éloquence des séminaristes pouvait se donner carrière.
L’invérifiable mensonge était adopté par tous les chrétiens, prêtres ou
laïques, irréparablement déçus. Le Secret était devenu une rêverie dangereuse
ou ridicule et, pour une fois, le vieux Serpent triomphait du Pied
Virginal !...
Cependant, Deus non
irridetur, on ne se moque pas de Dieu. Mélanie était morte le matin de l’Octave
de l’Immaculée Conception et, la veille, cette année-là, en divers diocèses, on
avait célébré la Manifestation de la Médaille miraculeuse, fête
renvoyée du 27 novembre. Rappel liturgique du Dragon poursuivant en vain la
Femme aux ailes d’aigle qui fuyait devant lui dans le désert ; et pour
quelle autre, que cette mourante abandonnée, l’Église aurait-elle chanté les
fatidiques paroles : « POSUIT IN EA VERRA SIGNORUM SUORUM ET
PRODIGIORUM SUORUM IN TERRA » 26.
Trois ans se sont
écoulés. La Messagère enterrée ne parcourt plus le monde. Elle est immobile et
incorrompue dans un tombeau que les peuples visiteront un jour. Mais la
prophétie qu’elle apporta continue son cours comme un fleuve de plus en plus
majestueux, de plus en plus redoutable. On l’entend déjà gronder et les plus
impavides commencent à en avoir peur.
XII
LES PRÊTRES ET LE SECRET
DE MÉLANIE.
S’il n’y avait eu que
Napoléon III, la conspiration du silence ne lui aurait pas survécu trente-six
ans. Même l’étonnante infirmité humaine qui transforme en une routine le
ressentiment des griefs les plus oubliés ; tout ce qui pouvait, avant la
catastrophe de 1870, s’opposer encore à la Salette et à ses Témoins, se serait
usé depuis, la seule énergie de la sève catholique démolissant la muraille de
plus en plus, à chaque renouveau. Mais il y avait ceci qu’on n’avouait pas, le
jugeant intolérable, et dont on ne voulait à aucun prix :
Les prêtres, ministres de
mon Fils, les prêtres, par leur mauvaise vie, par leurs irrévérences et leur
impiété à célébrer les Saints Mystères, par l’amour de l’argent, l’amour de
l’honneur et des plaisirs, les prêtres sont devenus des CLOAQUES
D’IMPURETÉ. Oui, les prêtres demandent vengeance et la vengeance est suspendue
sur leurs têtes. Malheur aux prêtres et aux personnes consacrées à Dieu,
lesquelles, par leurs infidélités et leur mauvaise vie, crucifient de nouveau
mon Fils ! Les péchés des personnes consacrées à Dieu crient vers le Ciel
et appellent la vengeance, et voilà que la vengeance est à leurs portes, car il
ne se trouve personne pour implorer miséricorde et pardon pour le peuple ;
IL N’Y A PLUS D’ÂMES GÉNÉREUSES, il n’y a plus personne digne d’offrir la
Victime sans tache à l’Éternel, en faveur du monde 27.
« Nolite tangere
Christos meos... Qui vos audit, me audit : et qui vos spernit, me spernit.
» Vous l’entendez, ô Mère du Verbe, c’est à Vous que cela s’adresse. Vous
avez osé toucher au clergé. On pourrait penser que Vous en aviez le droit,
étant sa Reine, Regina cleri, mais il n’en est rien et voici Votre
punition : Nous décidons que Vous aurez parlé en vain.
« Ils ne veulent pas
faire leur examen de conscience », disait Mélanie. « Tu es ille vir,
tu fecisti hanc rem abscondite ! », dit l’Esprit-Saint. C’est
toi le coupable ! dit la conscience. Quel que soit le crime accompli, en
n’importe quel lieu du monde, cette parole doit être justement et
rigoureusement appliquée à chacun de nous. Les saints l’ont toujours entendu
ainsi. Et parce que les prêtres sont plus près de Dieu et, dès lors, plus
responsables, il est naturel qu’ils soient atteints les premiers.
– « Vous êtes la
lumière du monde ! » leur a dit le Maître. Il n’y aura jamais
d’affirmation plus certaine. Mais on sait que la plus candide flamme terrestre,
présentée au soleil, projette une ombre. De même, la Lumière de Dieu, si elle
venait à se lever derrière la lumière du monde, cette dernière, à l’instant,
donnerait une ombre noire, gluante, fuligineuse, de la plus impénétrable
opacité. Telle doit être la sensation d’un humble prêtre qui fait
son examen de conscience. Comment, alors, pourrait-il se troubler ou
s’étonner de l’énergie de certains mots ?
Il s’agit bien de
cela ! d’ailleurs. La Parole de Dieu est, par essence, incontestable,
indiscutable, irréfragable, définitive. On est forcé de la recevoir
intégralement ou de se déclarer apostat. Or la parole de Marie, c’est la Parole
de Dieu, aussi bien à la Salette que dans l’Évangile. Si elle dit que nous
sommes des « chiens », c’est la Sagesse éternelle qui parle. S’il lui
plaît d’ajouter que les prêtres sont des « cloaques d’impureté », il
n’y a pas mieux à faire que de croire qu’il en est ainsi, avec de très humbles
actions de grâces pour le bienfait d’une si précieuse révélation et sans
songer, une minute, à distinguer sophistiquement. Cette parole sait ce
qu’elle dit, elle le sait infiniment et, nous autres, nous ne savons pas même
ce que nous pensons.
On a parlé
d’« expressions hyperboliques », on a voulu sauver le Secret, en
expliquant que le mot cloaque n’avait pas un sens absolu, comme si Dieu ne
parlait pas toujours ABSOLUMENT. Infidélité, mauvaise vie, irrévérence,
impiété, amour de l’argent, de l’honneur et des plaisirs. Total : cloaque
d’impureté. Que penser d’un prêtre qui dirait : « Cela n’est pas pour
moi ? » Saint François de Sales, saint Philippe de Néri, saint
Vincent de Paul, le curé d’Ars, cinquante mille autres, sans remonter aux
Martyrs, eussent dit en pleurant : « Ah ! que cela est
vrai ! comme notre Souveraine me connaît et combien est inutile mon
hypocrisie de tous les instants ! » Mais voilà ! Il n’y a
plus d’âmes généreuses. La vérité stricte que ne contestera jamais un homme
déterminé à donner sa vie pour Dieu, c’est que tout prêtre qui ne tend pas à la
Sainteté est réellement, rigoureusement, absolument, un Judas et une ordure.
Tout à l’heure, j’ai cité
deux Textes, le premier, du psaume 104 : « Nolite tangere... Ne
touchez pas à mes oints », pour faire voir le beau parti qu’on en peut
tirer. L’autre moitié du même verset paraît une foudroyante réponse de
Marie : « ... et in prophetis meis nolite malignari – et ne
maltraitez pas mes prophètes ». Ceux d’entre les persécuteurs de Mélanie
et de Maximin qui n’avaient pas « reçu leurs âmes tout à fait en
vain » durent trembler quelquefois, en lisant ces mots dans leurs
bréviaires. Pour ce qui est de l’Oracle évangélique : « Celui qui
vous écoute m’écoute, etc. », ne voit-on pas qu’il convient supérieurement
à Notre Dame de la Salette ? « Faites tout ce qu’il vous dira »,
avait dit, aux noces de Cana, la Mère de Jésus. « Celui qui T’écoute
M’écoute et celui qui Te méprise Me méprise », lui répond son Fils,
dix-neuf siècles plus tard, l’entendant pleurer sur une montagne.
XIII
IMMENSE DIGNITÉ DE MARIE.
L’incompréhension du Fait
de la Salette est une suite naturelle de l’incompréhension ou de l’ignorance
des Privilèges – d’ailleurs infiniment inexplicables – de Marie. Pour ne parler
que de son Immaculée Conception qui est un mystère effrayant, il est à
remarquer qu’à Lourdes, Elle ne dit pas : « Je suis conçue sans
péché », mais : « Je suis l’immaculée Conception. » C’est
comme si une montagne disait : « Je suis la Celsitude ». Marie
est la seule ayant le droit de parler d’Elle-même absolument, comme Jésus
parle de Lui-même, quand il dit : « Je suis la Lumière, la Vérité, la
Vie. » Le « Vêtement de Soleil », mentionné dans l’Apocalypse,
est son vêtement d’Absolu. Elle est si près de Dieu et si loin des autres
créatures qu’on a besoin d’un effort de la Raison pour ne pas confondre. J’ose
même dire, au risque de me confondre moi-même, que plus la Raison et la Foi grandissent,
plus la Mère de Dieu grandit et qu’on devient de moins en moins capable de la
délimiter, de la distinguer.
Ah ! je sais combien
ces mots sont misérables ! Il ont du moins pour eux d’être adéquats à la
misère de la pensée. Un ange même, si on pouvait entendre son latin sans être
foudroyé d’amour dès la première syllabe ; comment expliquerait-il qu’on
peut concevoir Marie sans concevoir la Trinité même et la discerner encore un
peu dans l’éblouissement de la grande Ténèbre ?
À la Salette, Elle parle à
la première personne comme Dieu seul peut parler. On a beaucoup remarqué
cela. Des gens très forts se sont élancés pour soutenir les murs de l’Église
que ce langage allait, sans doute, jeter par terre ; pour expliquer –
oh ! faiblement – que tous les prophètes canoniques se sont exprimés ainsi
et qu’en cette rencontre, leur Reine admirable n’est, comme eux, qu’un
porte-voix rien de plus. Nul ne s’est avisé de demander comment la Mère de
Dieu aurait pu s’exprimer autrement. Dans le Discours public, c’est toujours le
Nom de son Fils accompagnant les reproches et les menaces. Il nous est ainsi
montré qu’Elle parle, avant tout et uniquement, en qualité de Mère de Dieu, de
Souveraine absolue, au point que ce Fils qui est le Créateur d’Elle-même a
l’air de ne rien pouvoir sans sa permission. Essayez de remplacer la Première
Personne par la Troisième, de lire, par exemple : « Dieu vous a
donné six jours pour travailler, il s’est réservé le septième et on
ne veut pas le lui accorder. » Aussitôt, c’est la parénèse d’un
prédicateur quelconque et ce qui fait le caractère précis de ce célèbre
Discours qui a étonné tant d’âmes, l’Autorité suprême, disparaît.
Il est bien entendu que
Marie n’est pas Dieu, quoique Mère de Dieu. Cependant rien ne peut exprimer sa
dignité. Théologiquement il est aussi impossible de l’adorer que d’exagérer le
culte d’honneur qui lui appartient. La gloire de Marie et son excellence
œcuménique défient l’Hyperbole. Elle est ce feu de Salomon qui ne dit
jamais : « En voilà assez ! » Elle est le Paradis terrestre
et la Jérusalem céleste. Elle est Celle à qui Dieu a tout donné. Si vous pensez
à sa Beauté, ce sera une dérision de dire qu’Elle est la Beauté même,
puisqu’Elle dépasse infiniment cette louange. Si vous voulez exalter sa Force
et sa Puissance, vous n’aurez pas mieux à faire que de reconnaître qu’Elle est,
en vérité, la dernière des créatures, puisqu’Elle a pu accomplir cet
inimaginable prodige de s’humilier beaucoup plus bas que tous les abîmes avant
lesquels Elle avait été conçue. Si vous désirez mourir, tous les mourants de
bonne volonté sont dans ses Bras. Si vous demandez à naître, la Voie lactée
jaillira de ses Mamelles pour vous nourrir. Quelque poète que vous fussiez,
capable, si j’ose dire, d’étonner le Couple innocent sous les platanes du
Paradis, vous auriez l’air de vendre à faux poids les plus fétides substances,
vous ressembleriez à un négrier ou à un propriétaire de malheureux, si vous
entrepreniez, – fût-ce en pleurant et à deux genoux ! – si vous rêviez
seulement de dire un mot de sa Pureté qui fait ressembler à la sueur des damnés
du plus bas enfer, les gouttelettes de rosée suspendues, un matin d’été, aux
tissus d’argent et d’opale des aimables araignées des bois.
Vous aurez beau prier,
beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la peine que j’ai prise pour
vous autres.
L’Église militante
subsisterait dix mille ans encore, et il y aurait des centaines de conciles
dont chacun ajouterait une gemme inestimable à la parure de cette Reine, que
cela ne ferait pas autant pour sa splendeur que ce témoignage d’Elle-même à
Elle-même, dans le désert, en présence de deux pauvres petits enfants.
XIV
La parole de Marie,
toujours identique à la Parole de l’Esprit-Saint que l’Église nomme son Époux
et qui la pénètre indiciblement, est toujours, par nature, en assimilations ou
paraboles. Elle est, surtout, itérative, Dieu disant toujours la même chose et
ne parlant jamais que de Lui-même, ainsi que je l’ai fait remarquer ailleurs28.
Il fallait, par conséquent, que le Secret fût identique au Discours public et
c’est en cela que se manifeste leur commune origine. Je ne me propose pas de
les interpréter. D’autres l’ont essayé, avec plus ou moins de bonheur. Mais,
précisément parce que la Parole divine est invariablement assimilée ou
figurative, les prophéties sont invérifiables de ce côté de la vie, puisque,
même leur accomplissement n’est qu’une autre figure de l’avenir. En ce sens,
comme dans tous les sens, un prophète parle toujours. Defunctus adhuc
loquitur.
Certaines menaces du
Secret de la Salette, telles que la chute de Napoléon III, s’étant accomplies
très visiblement, on peut être sûr que cette catastrophe est elle-même
préfigurative de quelque autre grande punition que nui ne peut deviner.
J’oserais même dire que cette menace n’est pas étrangère à la chute colossale
du premier Napoléon, car les prophéties n’appartiennent pas à la durée, non
plus qu’à l’espace, et c’est une fête pour la pensée de les sentir palpiter au
centre des temps d’où elles rayonnent sur toutes les époques et sur
tous les mondes.
Donc identité nécessaire
du Discours public et du Secret. Lorsque Marie dit aux
Bergers : N’avez-vous pas vu du blé gâté, mes
enfants ? aussitôt se retrace en ma mémoire tout le 2e alinéa
sur les prêtres et les personnes consacrées à Dieu, les quinze lignes citées
plus haut. Même remarque pour les raisins qui pourrissent. Le Pain et le Vin
sont une telle signification du Sacrifice !
Les pommes de terre vont
continuer à se gâter et à Noël il n’y en aura plus. Quelqu’un m’a
dit : « Les pommes de terre, ce sont les morts, et Noël,
c’est l’avènement de Dieu. » Or jamais, depuis les grands prophètes
hébreux, il n’avait été annoncé autant de massacres, de fléaux horribles, de
pestes et de famines ; jamais, autant que dans le Secret, l’imagination ne
fut conviée au spectacle de la terre engloutissant d’aussi prodigieuses multitudes !
Qu’il me soit permis de
citer ici une lettre naïvement et singulièrement lumineuse qui me fut écrite,
l’an dernier, par une amoureuse de Dieu :
« J’ai rêvé que je
voyais passer beaucoup de monde que je ne connaissais pas. On entrait et on
sortait. C’était un grand va-et-vient. Tout à coup une femme attirait mon
attention ; elle avait quelque chose qui me touchait infiniment. Tout le
monde étant parti, elle me dit ces mots extraordinaires : « On me
croit SANS PÉCHÉ, je veux raconter mon passé. » Alors elle se mettait
à chanter ou à parler, car ses paroles étaient comme un chant divin qui me
pénétrait de douleur. C’était la plainte d’Ève. Je me suis réveillée toute
navrée, toute abîmée dans la douleur et me demandant : – Où suis-je ?
C’est la Salette, c’est Notre Dame de la Salette qui m’a parlé, c’est Ève
qui pleure ! Ensuite le Discours de la Salette recommençait en moi,
comme de lui-même. Je recevais le sens des mots, je déchiffrais avec facilité
les paroles comme si j’en avais reçu la clef... De tout cela, il me reste peu
dans l’esprit, l’état lucide s’est dissipé, et je n’ai plus que le souvenir
d’une chose divine qui a passé à côté de moi... Avec son bras droit, Ève a
cloué le Sauveur. – Avec son bras gauche elle le déclouera. – « Mon peuple »,
c’est tout le genre humain depuis le commencement. – C’est Ève qui parle en
lançant son regard à travers les âges. – C’est elle qu’accablent les
deux lourdes chaînes... »
Que pensez-vous de cet
aspect nouveau du Miracle de la Salette, de cet élargissement surnaturel de
notre horizon ? Mutans Evae nomen. C’est Marie qui nous parle et
c’est Ève qui nous parle. C’est la même source de vie, la même fontaine de
pleurs. C’est pourquoi son vêtement, ou l’apparence de son vêtement, est si
extraordinairement symbolique.
Oh ! ce
vêtement ! Quand je pense à la si totale incompréhension d’un écrivain
célèbre que nos catholiques ont cru précieux parce qu’il était venu vers
l’Église d’un lieu très bas, et qui tenta presque aussitôt de déshonorer la
Salette, en ridiculisant ses images dont le symbolisme lui échappait, après
avoir bafoué de ses adjectifs la Montagne elle-même qui l’avait assommé de sa
grandeur ! Ce pauvre homme, qui croyait aimer Marie, est mort très
cruellement, peu d’années plus tard, en exécution, j’en ai peur, de la menace
attachée au flanc du Commandement redoutable : Honora Matrem ut sis
longaevus super terram.
Il faut presque renoncer
au sens des mots, lorsqu’il est question de tels objets. On ne peut plus
savoir, par exemple, ce que c’est qu’un vêtement. Le tailleur d’images qui a
fait les groupes de la Salette ne voulut être que l’écolier des deux enfants
et, à cause de cela, son œuvre a, je pense, toute la valeur qu’elle pouvait
avoir. Mais comment traduire, en marbre ou en bronze, un vêtement de prophéties,
une robe ou une tunique de l’Esprit-Saint ? Car c’est bien cela que les
bergers ont pu voir avec les yeux qui leur furent prêtés pour un instant.
Ils ont dit :
« la Dame en feu ». Bossuet ou saint Augustin auraient-ils mieux
dit ? On ne sculpte pas du feu, surtout du feu extra-terrestre. La face de
la dame et le « bouquet de myrrhe » de Salomon pendu à son cou, le
Crucifié vivant sur son sein, étaient comme enveloppés d’un feu essentiel que
l’intensité de tous les volcans ensemble n’égalerait pas. Donc silence. L’or,
le diamant, les pierres les plus précieuses, le soleil même, parurent à ces
deux enfants comme de la boue.
XV
PERSÉCUTION DE MGR FAVA.
La non-existence, après
soixante ans, de l’Ordre des Apôtres des Derniers Temps est l’effet infiniment
déplorable d’une désobéissance inouïe, non seulement à la Sainte Vierge qui
avait exigé son institution, mais à Léon XIII qui ordonna formellement à Mgr
Fava, évêque de Grenoble : « de prendre la Règle donnée par la Très
Sainte Vierge à Mélanie pour la faire observer aux Religieux et Religieuses qui
sont sur la Montagne de la Salette ». Et Mélanie, reçue en audience
privée, le lendemain, eut la consolation d’entendre le Saint-Père lui dire plusieurs
fois : « Vous irez sur la Montagne avec la Règle que vous a donnée la
Très Sainte Vierge. Vous la ferez observer aux Religieux et aux
Religieuses ». Cela se passait le 3 décembre 1878.
« Que s’est-il passé
pour que rien ne se soit fait ? » écrivait-elle, dix-sept ans plus
tard. – « Quelqu’un que je connais, s’il était à son lit de mort, à cette
heure suprême où l’on dit adieu à tous les partis, à tous les intérêts
terrestres et où les yeux n’aperçoivent qu’un Juge scrutateur des cœurs,
pourrait nous le dire avant d’en avoir la vision dans l’autre monde. Et il
pourrait aussi nous dire pourquoi les ordres du Saint-Père n’ont pas été suivis 29. »
La constante hostilité de
Mgr Fava, autrement active que celle de Mgr Ginoulhiac, bien qu’il ne fût
talonné par aucun empereur, ressemble à un cas de possession diabolique. Cet
inconcevable pontife, toujours accompagné de son instrument d’iniquité, le Père
Berthier, des prétendus Missionnaires de la Salette, relançait sa victime
jusqu’à Rome – où il étonna de son arrogance Léon XIII qui ne sut pas le
briser, – et jusqu’au fond de l’Italie où elle avait espéré trouver un refuge,
ne reculant pas même devant cette monstruosité d’essayer de la corrompre avec
des billets de banque. – « J’ai ici quelques billets de cent
francs pour vos menus plaisirs », osa-t-il lui dire. Jusqu’à son
effrayante mort, il ne cessa d’agir contre elle et d’entraver sa mission par tous
les moyens imaginables.
Elle avait écrit, le 3
janvier 1880 :
« ... Ce n’est pas
malin que Mgr Fava ne veuille pas entrer dans mes vues qui sont toutes opposées
aux siennes. Mes vues étaient de faire de la Montagne de la Salette un nouveau
calvaire d’expiation, de réparation, d’immolation, de prière et de pénitence
pour le salut de ma chère France et du monde entier. Je désirais que le lieu où
Marie Immaculée a versé tant de larmes fût un lieu saint, un modèle, et que
l’on y observât rigoureusement la sainte Loi de Dieu, la Loi du Dimanche,
et que ni les Pères ni les Religieuses ne fissent aucun négoce, laissant
aux séculiers le soin de vendre des objets de piété 30. »
Autre plainte, le 8
septembre 1895 :
« ... Que c’est donc
triste de voir ce saint lieu habité par des incroyants ! Dès le
commencement, je me consolais en pensant que cette Montagne, où Marie avait
versé des larmes, serait, un jour, habitée par des âmes modèles de l’exacte
observance de la loi de Dieu, des âmes humbles, charitables, dévouées et
zélées ; que ce saint lieu deviendrait et serait le foyer de
la pénitence, de l’expiation et de la continuelle prière pour les besoins
de l’Église et la conversion des pécheurs !... J’ai été trompée ; je
ne leur en veux pas ; ils n’ont rien compris de la miséricordieuse
Apparition ; ils n’ont pas la vocation religieuse et apostolique ;
ils sont des membres disloqués. Que Dieu les éclaire ! »
La présence des
Missionnaires prétendus, installés et prospérant, un demi-siècle, sur sa
Montagne, la crucifiait : « ... Ce sont les anciens
missionnaires », écrivait-elle, le 19 décembre 1903, « qui ont
détruit le pèlerinage ; ce sont eux, hélas ! qui ont osé découronner Notre
Dame de la Salette31 ;
ce sont eux qui, complices de Mgr Fava, ont refusé, contre l’ordre du Pape,
d’accepter la Règle de la Mère de Dieu ; ce sont eux qui ont calomnié le si
bon et si humble Maximin et qui lui ont refusé un morceau de
pain !... » En 1902, ils avaient demandé à Mélanie, dans leur
sacristie : « Que va-t-il arriver ? » – « La Madone,
répondit-elle, va vous balayer. » Déjà Maximin, un peu avant sa mort,
arrivée le 1er mars 1875, avait dit en parlant d’eux : « Ils
descendront de la Montagne et n’y remonteront pas. » Décidément les deux
Bergers étaient mieux informés de l’avenir que ces soi-disant religieux, le P.
Berthier, par exemple, disant : « Après tout, nous sommes
propriétaires des lieux de l’Apparition. Nous les avons achetés par acte
notarié en bonne et due forme : personne ne peut nous déloger. »
Adorable balayage ! « Ce qui se serait fait dans la miséricorde –
avait dit encore Mélanie – se fera sur des ruines. »
La douleur de cette
profanation lui fut un martyre. Son admirable correspondance en est remplie et
on peut bien dire qu’elle en est morte après en avoir constamment vécu. Elle ne
pouvait pas se mettre à genoux, parler à Dieu ni parler aux hommes, sans que
cette épine perçât son cœur.
« Ceux qui étouffent
la vérité... Le matériel offusque leur intelligence... Je suis indignée contre
l’esprit de mensonge des Pères de la Salette... Ils ont horreur de ce Secret
qui lève un coin du voile... Malheureux religieux qui ne sont pas
fidèles ! gémissait-elle ; oh ! combien il y en a qui arriveront
au terrible Jugement de Dieu, avec les mains et le cœur vides, mais les yeux
pleins, pleins du désir des biens de la terre et vides de bonnes œuvres !
Prions, prions... Notre pauvre France est bien malheureuse et bien
malade ; mais ce ne sont pas les personnes qui ne croient à rien qui
offensent le plus la Majesté Divine ; les personnes qui appartiennent au
démon font les œuvres du démon. Ce sont les âmes chrétiennes, les Chandeliers
de l’Église, le Sel de la terre, qui ne font plus leur office... La divine
Marie n’a pas parlé pour ne rien dire, ni pour que ses sages
avertissements soient ensevelis... Les excuses que certaines personnes donnent
pour ne pas croire au Secret, ne sont que des accusations contre
elles-mêmes. Pour ne pas changer de vie, il est plus facile de dire que l’on ne
croit pas au Secret, ou bien qu’il est exagéré, que le mal n’est pas si
grand ; que la Très Sainte Vierge n’a pas pu se plaindre du sel de la
terre, etc., etc. Ces raisonnements-là, on devrait me laisser faire à moi,
ignorante comme je suis ! Mais ils me semblent honteux dans la bouche des
personnes tant soit peu doctes, sinon pieuses. Que nous dit l’Écriture Sainte,
l’Ancien et le Nouveau Testament ? Comment parle-t-elle du
prêtre ?... Qui a demandé le crucifiement de notre doux Sauveur ?...
Les hérésies, par qui ont-elles commencé ?... En 1893, quelles furent les
premières personnes qui adhérèrent à la disparition de la monarchie ?
etc., etc. Quelles sont les personnes qui allaient contre l’infaillibilité du
Pape ?... Et aujourd’hui, qui sont ceux qui se récrient contre le Secret
de la Vierge Marie ?... Le Sel de la terre !...32 »
XVI
DONS PROPHÉTIQUES DE
MÉLANIE.
Après ce qui vient d’être
lu, on peut aisément comprendre l’exaspération de la multitude superbe des
ecclésiastiques même honorables, surtout honorables, mais contempteurs des
exigences de la Sainteté ou de l’Héroïsme.
Il ne serait pas hors de
propos de rappeler ici l’admirable formule du philosophe Blanc de
Saint-Bonnet : « Le clergé saint fait le peuple vertueux, le clergé
vertueux fait le peuple honnête, le clergé honnête fait le peuple impie. »
En sommes-nous encore seulement au clergé honnête ? On a pu se le demander
en 1789. Pourquoi pas aujourd’hui ? Il me semble qu’après tant de grâces
et tant de crimes, le collier de malédictions doit être infiniment plus somptueux.
Pourquoi n’en serions-nous pas au diabolisme tout pur ? Il est bien
certain, il est d’observation facile et directe que le seul nom, je ne dis
pas, de la Salette, mais du Secret de Mélanie, ou simplement le nom de Mélanie
tout court suffit, en France, pour agiter les séminaires et les sacristies,
pour déséquilibrer un grand nombre de nos évêques. Il a plu à Marie de se
servir d’une petite bergère pour épouvanter de puissants pasteurs, comme si
elle eût été un molosse devant des loups fort timides. Et ribedit... Et
subsannabit.
Alors quoi ? C’est
donc bien vrai que nous sommes des maudits ? S’il ne s’agissait que d’une
imposture aisément ou malaisément démontrable, il n’y aurait pas tant de
vacarme. Mais il est prouvé infiniment et indiscutablement, par des miracles de
guérisons, par des miracles de conversions, par des miracles de prophéties, que
c’est la Mère de Dieu, la Mère de la Vérité éternelle qui a parlé de Sa bouche
et voilà ce qui ne peut pas être supporté33.
Ces bergers si obstinés
dans leurs témoignages et dont il n’y avait pas moyen de « plomber »
les lèvres, il ne suffisait pas de faire croire qu’ils étaient des âmes
perdues, mille fois indignes de la grâce inouïe qu’ils reçurent, dont la
mission, d’ailleurs, était bien finie depuis le Discours public ; il
fallait surtout cacher, en même temps que leurs vertus, leur don surhumain
de prophétie, ce qui était fort difficile.
En mars 1854, – on est
prié de remarquer la date – Mélanie annonçait déjà les Prussiens, les désignant
par leur nom, et l’incendie de Paris. Résumant le règne de Napoléon III en
trois mots : Hypocrisie, Ingratitude, Trahison, l’empereur, pour
elle, était « l’hypocrite, la fourbe, l’ingrat, le misérable, le cynique,
le traître, le persécuteur de l’Église et du Pape, détrônant Dieu pour
couronner le démon » ! Non contente de ce langage, elle se livrait à
des actes étrangement significatifs. On sait qu’elle quitta le couvent de la
Providence à Corenc, en 1854, pour être envoyée en Angleterre ; or, après
son départ, on remarqua ces mots qu’elle avait gravés dans le bois de son
pupitre à l’aide d’un canif : « PRUSSIENS 1870 ». Encore à
Corenc, la maîtresse de classe lui donna, un jour, une carte de France à
étudier. La pauvre enfant se mit à pleurer et biffa d’un trait l’Alsace et
la Lorraine. Le 28 novembre 1870, après les désastres, elle écrivait à sa
mère : « Il y a 24 ans que je savais que cette guerre
arriverait ; il y a 22 ans que je disais que Napoléon était un fourbe,
qu’il ruinerait notre pauvre France. »
Dans d’autres admirables
lettres, elle explique ce qu’elle appelait sa « Vue »34.
Elle avait réellement la vision actuelle et universelle des choses futures
« et tout cela dans une seule parole qui s’échappe des lèvres de Celle qui
fait trembler l’enfer, la Vierge Marie ». « ... Je trouve très
difficile de rendre une chose qui n’a pas de comparaison... Quand la Sainte
Vierge me parlait, je voyais s’exécuter ce qu’elle disait ; je voyais le
monde entier, je voyais l’œil de l’Éternel ; c’était un tableau en
action ; je voyais le sang de ceux qui étaient mis à mort et le sang des
martyrs. » « ... La Sainte Vierge, EN UN SEUL MOT, peut
dire et faire comprendre de quoi écrire pendant cent ans... Elle prononçait
toutes les paroles, soit du Secret, soit des Règles, et je pouvais deviner ou
pénétrer tout ce qu’elles impliquaient. Un grand voile était levé, les évènements
se découvraient à mes yeux et à mon imagination, à mesure que parlait Marie et,
devant moi, se déroulaient de grands espaces ; je voyais les changements
de la terre, et Dieu, immuable dans sa gloire, regardait la Vierge qui
s’abaissait à parler à deux points. » (Elle et Maximin) 35.
En 1871, elle écrivit à
Thiers, le priant, l’adjurant d’enlever la statue de Voltaire dont la présence
dans Paris était, à ses yeux, un épouvantable danger pour la France entière.
Elle ajoutait que, si le gouvernement ne faisait pas observer les Commandements
de Dieu, les châtiments arrivés déjà ne seraient rien en comparaison de ceux à
venir. On pense l’accueil qui dut être fait à cette lettre par l’octogénaire
funambule.
XVII
DONS PROPHÉTIQUES DE
MAXIMIN.
Quel homme a été plus
vilipendé que Maximin ? Ceux même qui lui devaient tout et qui l’ont
laissé périr de misère dans leur voisinage, les prétendus Missionnaires,
abusèrent horriblement de leur prestige sacerdotal pour déshonorer ce pauvre
qui les avait enfantés, qui les avait vêtus et nourris, qui leur avait donné
ses montagnes et son ciel et le Paradis dans le cœur, s’ils avaient voulu36 !
On sait que les vrais chrétiens sont les plus désarmés des hommes, puisque la
Charité et l’Humilité les empêchent de se défendre. Mélanie
« aventurière », Maximin « ivrogne », épithètes indécollables !
On a vu des pèlerins épouvantés de l’avenir éternel de cet Alexis dans le
réduit de la maison de sa Mère.
Or voici le témoignage de
Mélanie : « Bon et loyal Maximin !... Je crois qu’il a beaucoup
souffert et toujours en silence ; en vérité, je suis couverte de confusion
quand je vois combien je suis éloignée de sa vie toute cachée en Dieu ;
et, si je parviens à arriver au ciel, je ne toucherai pas même les chevilles de
ses pieds. Souvent je le prie de m’obtenir cette générosité d’âme qui me serait
si nécessaire... je vous remercie beaucoup de la précieuse photographie du bon
Maximin, je l’ai reconnu à ses yeux candides et innocents. Je pense toujours à
lui et à tout ce qu’il a souffert avec une extraordinaire patience, avec ce
grand esprit de foi qui lui faisait voir Dieu en tout ou les instruments de
Dieu dans les personnes qui le faisaient souffrir... » Virginitate
clarâ floruit, fut-il dit à ses funérailles. « Pas de De
Profundis sur sa tombe, il n’en a pas besoin ; chantons
le Gloria Patri et le Te Deum, il lui en surviendra un surcroît
de gloire au ciel où il habite. » C’est Mélanie qui parle encore.
Maximin, lui aussi, avait
vu, longtemps à l’avance, le péril prussien :
« L’Italie une,
écrivait-il en 1866, est l’ennemie de la France comme le poison est l’ennemi de
l’homme. Tous les Français qui ont du sang dans les veines devraient voler au
secours de Rome et abattre l’unification italienne comme on abat une vipère.
Les Prussiens, qui n’ont d’affinité avec les Italiens que par leur haine contre
la religion de Notre Seigneur Jésus-Christ, s’uniront, un jour, à eux pour nous
punir de ce que nous n’avons pas été fidèles à notre droit d’aînesse de
défendre et de protéger en tout et partout la Religion et la Papauté... J’ai
grand’peur que notre ferveur pour l’Italie et nos complaisances pour la Prusse
ne se tournent bientôt contre nous, et ce jour n’est pas loin. »
Le 29 juillet 1851,
Maximin avait dit à un personnage absolument digne de foi, M. Dausse, ingénieur
à Grenoble, qui a laissé des Souvenirs curieux : « Quand Paris
brûlera, il y aura quatre rois autour », ce qui s’est réalisé à
la lettre. (Les rois de Prusse, de Bavière, de Wurtemberg et de Saxe.)
Le même ingénieur raconte
aussi que, avant la guerre de Crimée, – en 1854 – M. Michal, curé de Corenc,
affirmait, en présence de Maximin, que l’Empereur, dans une réunion
diplomatique aux Tuileries, avait quitté son trône pour tendre la main à
l’Ambassadeur de Russie, que, de là, naturellement, l’opinion s’était
accréditée qu’il n’y aurait pas guerre avec cette puissance. « Alors,
poursuit le narrateur, Maximin vient se mettre devant lui, les bras croisés et
répond carrément : – Eh ! bien, moi, je vous dis qu’il y aura
guerre avec la Russie !... »
Autre fait plus étonnant.
Maximin se trouvant sur la Montagne, le 18 ou 19 septembre 1870, on parla de la
prédiction de Mélanie : Paris sera brûlé. L’un des assistants donna
aussitôt l’explication naturelle : « Ce sera par les
Prussiens. » – Non, non, répliqua Maximin, ce n’est pas par
les Prussiens que Paris sera brûlé, c’est PAR SA CANAILLE.
Le 4 décembre 1868,
Maximin était reçu à l’Archevêché de Paris, Mgr Darboy, si admirablement
domestiqué par l’Empereur, comme on sait, ayant désiré le voir. L’entrevue,
racontée par Maximin, fut assez longue. Sa Grandeur qui, sans doute, avait
espéré contraindre le berger à lui dévoiler son secret, parla de manière à
scandaliser profondément son auditeur qui avait été zouave pontifical,
accusant la Sainte Vierge d’exagérer les égards qu’on doit à la Papauté et de n’avoir
fait que des prophéties de hasard. – « Moi aussi, je ferais bien des
prophéties de cette force-là ! » osa dire cet archevêque. Enfin,
s’exaspérant jusqu’au blasphème : – « Après tout, qu’est-ce qu’un
discours comme celui de votre prétendue Belle Dame ? Il n’est pas plus
français qu’il n’a le sens commun... Il est stupide, son discours ! Et le
Secret ne peut être que stupide... Non, je ne puis, moi, archevêque de Paris,
autoriser une dévotion pareille ! »
Maximin, humilié pour ce
prince de l’Église qui s’oubliait tellement devant lui, voulu que Notre Dame de
la Salette eût le dernier mot. – « Monseigneur, répondit-il avec force, il
est aussi vrai que la Sainte Vierge m’est apparue à la Salette et qu’elle m’a
parlé, qu’il est vrai qu’en 1871, vous serez fusillé par la canaille. »
Trois ans plus tard, à la Roquette, on assure que le prélat, prisonnier,
répondit à des personnes qui voulaient faire des tentatives pour le
sauver : – « C’est inutile, Maximin m’a dit que je
serais fusillé. »
Le célèbre avocat de la Salette,
Amédée Nicolas, raconte ce fait dont il fut témoin sur la Montagne, en août
1871 :
« Un savant
professeur de théologie et son ami, curé dans une grande ville, étaient venus à
la Salette, avec une douzaine d’objections préparées et étudiées d’avance, pour
les proposer à Maximin, lorsqu’il quitterait son échoppe, pour venir, sur la
demande des pèlerins (qui le préféraient aux missionnaires), faire le récit du
Miracle. Lorsque Maximin eut achevé, le professeur proposa la première
objection. Maximin se borna à dire : « Passez à la seconde. » De
même pour les seconde, troisième et quatrième. À la cinquième, il répondit en
quelques mots. Cette réponse fit aussitôt crouler les cinq objections et cet
écroulement entraîna celui des sept autres. Voyant cela, ce professeur et ce
curé nous dirent à nous-mêmes, car nous étions à côté d’eux : « Ce
jeune homme est toujours dans sa mission ; il est assisté par la Sainte
Vierge, aujourd’hui comme aux premiers jours ; c’est évident pour nous.
Aucun théologien, fût-il le plus savant du monde, n’aurait pu faire un pareil
tour de force. Tout cela est certainement surhumain. Il nous a mieux prouvé le
Miracle qu’il n’eût été possible de le faire par les plus fortes démonstrations
37. »
La vie de Maximin a été
des plus accidentées. Après avoir passé quelques années dans un séminaire, il
fut soldat, puis étudiant en médecine. Mais il échoua partout et se vit réduit
à servir des ouvriers pour vivre, gagner sa vie.
Se trouvant à Paris dans
le plus grand dénûment, il engagea un de ses vêtements au Mont-de-Piété. Un
jour, à bout de ressources, et n’ayant plus rien à manger, il entre à
Saint-Sulpice et va s’agenouiller devant l’autel de la Sainte Vierge.
« J’ai bien faim, dit-il, ma bonne Mère, vous allez donc me laisser mourir
de faim ? Et pourtant, tout ce que vous m’avez commandé, je l’ai fait.
J’ai fait passer à tout votre peuple les graves et solennels avertissements que
vous êtes venue apporter. Encore quelque peu et je vais tomber d’inanition. Si
vous ne voulez pas me tirer de la misère où je suis, alors je vais m’adresser à
votre époux saint Joseph qui, lui, aura bien pitié de moi ! »
Affaibli par un jeûne
prolongé, il ne tarde pas à s’assoupir. Un homme qu’il ne connaissait pas le
réveille, l’invite à le suivre chez un restaurateur et lui fait servir un
copieux repas. Quand il est rassasié, l’inconnu paye le maître d’hôtel et dit à
Maximin d’aller au Mont-de-Pitié retirer l’habit qu’il y a engagé. Il ajoute
qu’il trouvera dans la poche de cet habit un billet qui le mettra à l’abri de
la misère. Aussitôt il disparaît. Maximin n’a jamais su qui était cet homme.
Comment cet inconnu savait-il qu’il avait engagé son habit au Mont-de-Pitié ?
Comment savait-il qu’il y avait dans la poche de cet habit un billet assurant
l’avenir de Maximin ? Ce dernier, ne pouvant expliquer naturellement une
chose aussi extraordinaire, a toujours cru que cet étranger était saint Joseph.
Docilement, Maximin se rend
au Mont-de-Pitié et trouve, en effet, dans la poche de son habit,
un testament qu’une personne charitable avait fait en sa faveur. Par
ce testament on lui offrait de le recevoir dans une famille et on lui laissait
quinze mille francs pour subvenir à ses besoins. Comment ce testament se
trouvait-il dans la poche de l’habit de Maximin ! Il ne le sut jamais.
Mais quelle était la valeur de cet écrit ? Maximin le montra à un notaire
qui le trouva en bonne forme et fit les diligences nécessaires. On lui versa
donc quinze mille francs avec lesquels il entreprit un commerce de bestiaux où
il se ruina 38.
Sa mission exigeait qu’il vécût et mourût dans l’indigence. Combien d’autres
histoires du même genre !
J’entends d’ici le chœur
immense des voix sacristines : « La sainteté de Mélanie et
de Maximin, et leur état de prophètes ! Mais, monsieur, cela renverse
toutes nos idées ! On ne nous fera pas croire que tant de bons chrétiens,
tant de vénérables pasteurs, depuis tant d’années, n’en aient rien su et qu’une
légende contraire ait pu s’établir ! Cette supposition est
déraisonnable. » Cela me remet en mémoire la belle réponse du
commis-voyageur à qui on parlait du Palais des Papes à Avignon :
« Quelle bonne blague ! S’il y avait eu des papes à Avignon, ça
se saurait ! » Eh ! sans doute. Ça se sait même un peu, mais
c’est une règle sans exception que, pour savoir, il faut s’instruire avec la
candeur d’un enfant et l’humble bonne volonté de ces autres pasteurs à qui les
anges de Noël promirent autrefois « la paix sur la terre ».
« Invenietis infantes, pannis involutos et positos in praesepio 39. »
L’ignorance, coupable ou
non, du plus grand fait de l’histoire moderne et de sa conséquence immédiate, à
savoir l’éminente sainteté des deux Témoins, n’empêchera pas ceux-ci de
continuer leur mission du fond de leurs tombes que l’Église, un jour, nommera
peut-être miraculeuses. Defuncti adhuc loquuntur. Cette ignorance,
monstrueuse dans tous les cas, n’empêchera pas non plus l’espérance de quelques
âmes, ni les centaines de millions de bras tordus par le désespoir, à l’heure
marquée.
On se rappelle que le
Secret de Mélanie a été publié en 1879, avec l’imprimatur de Mgr Zola,
évêque de Lecce. Cette formule latine, significative, pour la sainte fille, de
tant d’amertumes, de tribulations et de combats, resta dans sa mémoire,
étrangement et profondément.
« Puisqu’on ne veut
pas du Message, remède à nos maux, la divine Justice vengera l’ingratitude des
hommes et donnera l’IMPRIMATUR aux fléaux annoncés par la Reine des
Anges !!! » Ainsi s’exprimait la Bergère de la Salette, le 23 mai
1904.
XVIII
LES ÉVÊQUES DE GRENOBLE À
SOISSONS.
Oh ! le beau livre à
faire ! Démontrer méthodiquement l’identité absolue du Discours public
avec le Secret de Mélanie et l’éternelle impossibilité de les séparer, de
manière à faire éclater l’unité profonde et magnifique de la Révélation du 19
septembre. Sans doute, en ces choses qui sont de Dieu, l’évidence parfaite est
inespérable, mais ne serait-ce pas beaucoup d’entrevoir au moins ceci :
que le Discours et le Secret se renversent l’un dans l’autre continuellement, comme
une figure dans son miroir, comme l’invisible dans le Visible, comme le
Créateur dans la Créature ?...
C’est inconcevable que ce
travail n’ait pas été fait encore. J’y ai bien pensé et je le ferai peut-être
un jour, si Dieu m’aide. Mais, sans parler de mon insuffisance qui est à faire
peur, il est certain qu’ici une telle étude semblerait un hors-d’œuvre
monstrueux. Songez qu’il faudrait faire intervenir Isaïe, « le voyant des
choses futures pour la consolation de ceux qui pleurent sur la Montagne40 » ;
Isaïe, en son XXIVe chapitre où il parle du « Secret de Dieu, si
redoutable à quiconque en est le dépositaire, et de la prévarication des
transgresseurs. » Ce chapitre, écrit il y a vingt-six siècles, est un écho
merveilleusement anticipé du Secret de Mélanie et le Discours public de la
Salette fait entendre cet écho, tout à fait imperceptible sans lui. C’est le
sens de la dernière parole de Marie : Faites-le passer à tout mon
peuple. Faites-le passer, au moins, aux générations de vingt-six siècles.
Encore une fois, je ne me
charge pas de cet immense labeur d’interprétation qui exigerait, je le crains,
l’intelligence miraculeusement illuminée d’un saint. Mais c’est quelque chose
de pressentir cette concordance colossale et d’en avertir les humbles qui
cherchent Dieu amoureusement 41.
La réalité du Secret de
Mélanie n’est pas niable, puisque même ceux qui n’en font pas de
cas sont forcés, chaque jour, à l’endroit précis où la Sainte Vierge s’est
montrée, de confesser qu’Elle a donné un secret à chacun des deux bergers et
d’alléguer, en même temps, on ne sait quoi pour expliquer leur inexcusable
incrédulité.
C’est accablant de penser
que, depuis que le Secret de Mélanie est connu, à savoir depuis quarante ans,
il ne s’est pas rencontré, sur le siège épiscopal de Grenoble, un seul pontife
capable de sentir l’honneur inexprimable d’être chef d’un diocèse où la Mère de
Dieu a daigné prophétiser Elle-même ; confiant, pour toute la terre, à
deux enfants de ce diocèse incroyablement privilégié, le Message inouï de
l’impatience divine à son dernier terme et l’annonce, – conditionnelle, sans
doute, mais pour quel délai ? – du dernier Déluge !
J’ai appris avec
stupéfaction, – persuadé que certain rôle n’était plus tenable – que le
titulaire actuel, Mgr Henry, a, tout dernièrement, à la Salette même,
exprimé publiquement des doutes sur le Secret, demandant des
preuves !!! des affirmations explicites et formelles de la Cour de
Rome, comme si les approbations, les ORDRES même de Pie IX et de Léon XIII ne
suffisaient pas42 !
Quelle honte ! Il est absolument impossible que Mgr Henry ne
connaisse pas toute cette histoire, c’est-à-dire la désobéissance épouvantable
de son prédécesseur Fava dont la fin devrait le faire trembler. Il ne peut pas
ignorer le mensonge constant des opposants et leur diabolique esprit de
calomnie contre une stigmatisée qu’il sera forcé, un jour, – si Dieu
permet qu’il vive – de faire honorer par tous ses prêtres. Il est donc en état
de prévarication caractérisée, sciens et prudens, ennemi sagace et déclaré
de la Mère de Dieu. Sa seule excuse – combien misérable ! – serait la
pusillanimité, l’indécision invincible, l’irrésolution chronique, le
lanternement sempiternel.
Le jour même de sa prise
de possession, cet évêque de Grenoble – de Grenoble ! – disait :
« À cette heure, la difficulté n’est pas de faire son devoir, mais de
savoir où il est. » Parole que reprenait l’évêque d’Orléans, le 26 août
1902, à Notre-Dame de la Délivrance : « Il est toujours facile de
faire son devoir, il est plus difficile de le connaître. » Une analogie
fera comprendre l’énormité de cette reculade.
En mars 1814, la France,
piétinée, violée, dévorée par six cent mille soldats étrangers, allait être
délivrée par Napoléon. Une stratégie divine, à laquelle peuvent être comparés
seulement les plus grands prodiges d’Annibal, allait tout sauver. L’atroce
Blücher était entre les deux mâchoires de l’étau où l’homme d’Iéna et de
Montmirail allait broyer ses soixante mille Prussiens. Par la volonté de Dieu,
le manque de volonté d’un seul homme fit manquer la plus belle de toutes les
victoires.
Ce général Moreau, ce
désolant capitulard de Soissons, n’était pourtant pas une âme vendue, ni un
soldat sans courage, on l’a dit du moins. C’était simplement un médiocre, un imbécile
sans résolution ni fierté, qui pensa qu’il y avait mieux que d’obéir, et dont
la vile prudence fut un arrêt de mort pour des multitudes. Celui-là, aussi, se
demanda où était son devoir, oubliant la consigne qu’il n’avait qu’à exécuter
rigoureusement, dans les termes de l’Ordonnance sur le service des places de
guerre, c’est-à-dire « en épuisant tous les moyens de défense, en
restant sourd aux nouvelles communiquées par l’ennemi et en résistant à ses
insinuations comme à ses attaques ». Le décret impérial de 1811 portait
cette instruction quasi prophétique : « Le gouverneur d’une place de
guerre doit se souvenir qu’il défend l’un des boulevards de notre royaume, l’un
des points d’appui de nos armées et que sa reddition, avancée ou retardée
d’un seul jour, peut être de la plus grande conséquence pour la défense de
l’État et le salut de l’armée. » « Quand un soldat commence à se
demander où est son devoir, dit à ce propos, l’excellent historien Henry
Houssaye, il est bien près de n’écouter plus que son intérêt. »
La Salette est
probablement le dernier boulevard du Christianisme, et voilà quarante ans que
cette forteresse capitule !
XIX
SACERDOCE PROFITABLE.
CHÂTIMENTS. TÉNÈBRES.
Le secret de l’hostilité
sacerdotale contre le Secret de Mélanie, c’est qu’il faudrait, l’acceptant,
renoncer au sacerdoce profitable, dire adieu au casuel, aux tarifs, aux
classes, à l’exécrable son de l’argent dans les églises. En supposant même un
clergé d’une pureté de mœurs admirable, où est le prêtre qui oserait déclarer
un degré quelconque d’horreur pour ce trafic des « vendeurs de
colombes » et des « changeurs », dans la Maison du Père ainsi
transformée en une « caverne de brigands » ? Car telle est la
précision du Texte évangélique. Où est le curé de paroisse qui oserait donner
aux Amis de Dieu, aux va-nu-pieds qui lui sont si chers, la première place, en
reléguant les riches, avec leurs prie-Dieu capitonnés, au bas de l’église, le
plus loin possible de l’autel ? Sancta sanctis, non canibus. Cet
audacieux serait aussitôt dénoncé par tous ses confrères et sévèrement blâmé
par l’autorité diocésaine43.
Il s’agit bien de chérir
la pauvreté et l’humiliation ! La lettre de l’Évangile n’engage personne.
Elle pouvait convenir aux premiers Apôtres ou à quelques moines poussiéreux du
onzième siècle ; elle ne vaut rien pour des sulpiciens que l’esprit a
vivifiés et qui sont forcés d’aller dans le monde. Puis il est toujours facile
de tourner en conseil de perfection le précepte vraiment excessif de
tout haïr, de tout quitter, de tout vendre, pour devenir les disciples et les
compagnons de Jésus-Christ.
La Sainte Vierge ayant
parlé fortement du clergé : dans le Discours, d’abord, d’une manière très
enveloppée ; dans le Secret ensuite, explicitement 44,
il a bien fallu que le « cloaque » protestât – à la manière des
cloaques, en exhalant l’asphyxie. Le monde chrétien ne respire plus. En 1846
tout était déjà perdu. Un remède unique, surnaturel, fut apporté d’en haut par
la Mère de Dieu qui pleurait. Le « Père de famille, planteur de la Vigne
et constructeur de la Tour », pouvait-il bien croire que cela ferait
quelque chose ? La Sagesse éternelle pouvait-elle se
dire : Verebuntur Matrem meam ? La fumée du cloaque étouffa
cette Révélation, si parfaitement que les bons prêtres eux-mêmes, trompés
depuis deux générations de prêtres, avouent leur ignorance du remède. Dès lors,
comment dire suffisamment la vanité des œuvres accomplies en pleine
désobéissance ?
« On ira à la
Salette », écrivait un excellent prêtre, « on ira à Lourdes, à
Paray-le-Monial, à Rome, à Jérusalem, etc., en chantant : « Sauvez
Rome et la France ! » On ne fait que cela depuis trente et quelques
années. On inventera des pèlerinages d’hommes et même de prêtres. On organisera
des congrès de la Sainte Vierge, des congrès eucharistiques, des ligues de
l’Ave Maria, des neuvaines, etc. Et le ciel restera d’airain. Tout sera d’une
parfaite insignifiance pour apaiser Dieu irrité, parce que, en somme, on
vit à sa guise et que, pour ne pas entendre les reproches de sa Mère, on
piétine son Message. »
Laissons parler
Mélanie :
« ... Il me semble
que depuis longtemps, je donne un petit coup de cloche pour avertir les humains
que nous allons au-devant des tristes et lugubres évènements du règne de
l’Antéchrist. La foi n’est-elle pas éteinte ? – Non, nous dira quelqu’un.
– Si la foi n’est pas éteinte, qu’elle montre ses œuvres, car la foi marche de
pair avec les œuvres. – Mais, répondra-t-on, on fait des pèlerinages ; il
se fait un grand nombre de bonnes œuvres. – Soit, le peuple français est
naturellement porté aux choses extérieures ; mais si ces pèlerinages
ont été faits en expiation, pour fléchir la juste colère de Dieu, lui demander
pardon, etc., s’est-on vêtu de sacs et couvert de cendres, par une sincère
pénitence ? – Non ! – A-t-on au moins laissé de côté ces modes
diaboliques et indécentes ? etc. – Rien de tout cela ! Après avoir
visité les Lieux Saints, les Sanctuaires, on fréquente les théâtres, comme
auparavant... On pourrait compter les élus, les âmes foncièrement
chrétiennes ; les autres ne peuvent se compter. L’apostasie est à peu
près générale. L’Antéchrist n’aura pas grand’peine à établir son règne en
Europe ; ceux qui, à cette heure, gouvernent la France, le lui préparent
sans rencontrer d’obstacles. Pauvre France !... En attendant, elle rit, elle
s’amuse, parce qu’elle ne croit pas à une vie meilleure ; parce qu’elle
n’a pas la foi, mais simplement la vanité de la foi, en feignant la
religion, en se faisant inscrire DIRECTRICE ou ZÉLATRICE ou PRÉSIDENTE de telle
ou telle confraternité. »
Cette lettre est du 28
novembre 1887.
Un an auparavant, alors
que beaucoup de journalistes s’agitaient, elle avait écrit déjà :
« ... Il est inutile
de nous donner du mal pour chercher à deviner quel sera le prince qui
montera sur le trône de France. Si l’on ne connaissait pas le Secret, l’on
serait pardonnable : Pour un temps, Dieu ne se souviendra plus de la
France ni de l’Italie. On s’est révolté contre Dieu et contre sa douce
loi : nous serons gouvernés par une verge de fer, et des lois dures et
odieuses nous seront imposées. Ceux qui nous gouvernent ne sont que des
instruments dans les mains du Très-Haut. À mesure que les méchants avancent sur
le terrain catholique, nous avons la lâcheté de reculer... Nous nous plions à
toutes les exigences des ennemis de Dieu et des âmes. On proteste, me
direz-vous ? Oui, on proteste ! ce n’est pas cher ! Les premiers
chrétiens protestaient avec leur sang, avec leur vie. Allons, nous ne sommes
que des ombres de chrétiens, nous craignons plus les châtiments des
hommes que les peines de l’Enfer. Croyez-vous que le bon Dieu donne un roi à la
France avant de l’avoir justement et sévèrement châtiée ? Et après,
serons-nous du nombre des vivants ! Toutes les intrigues de certains
prétendants au trône de France ne sont que des amusements d’enfants 45. »
« ... Un fait me
cause la plus triste impression. C’est l’habitude diabolique de
procurer des secours aux victimes d’un tremblement de terre, ou de toute autre
catastrophe, en donnant des bals, des représentations de théâtre. Je ne
puis admettre que l’on ose recourir à un mal pour opérer un bien 46.
Oh ! aveuglement de l’homme sans Dieu ! Et ceux qui agissent ainsi
sont des chrétiens ! Je n’en saurais douter, nous sommes près de la grande
guerre, c’est-à-dire de l’avènement de l’homme de perdition, de l’Antéchrist.
Je le sais, personne ne consent à reconnaître une vérité qui épouvante, mais
qui n’en est pas moins la vérité. Notre génération marche vers
l’Antéchrist DONT ELLE DOIT FAIRE LA RENCONTRE ; et les indifférents
de refuser de croire et les impies de railler. Cela est ainsi. Malheur !
malheur ! malheur ! »
« ... Je suis glacée
de frayeur en voyant la rage de l’enfer et des hommes, y compris les femmes
infernales (sic) ; le feu et le sang y auront grand jeu. Que de
massacres ! Que de tortures affreuses ! Oh ! les femmes sont
terribles ! Pauvres prêtres qui tomberont entre leurs
mains !... »
« L’Église aura une
crise affreuse... Expulsion des curés de leur presbytère, des évêques de leurs
palais, poursuit la voyante ; fermeture et confiscation des églises ;
massacres du clergé pires que sous la Terreur. Beaucoup seront tués par
vengeance personnelle ; ceux qui auront faibli ne seront pas
épargnés ; le projet des maçons est de faire pécher les consacrés avant de
les tuer ! je vis que ces morts violentes étaient, en très grand nombre, tout
autre chose que le martyre ; que c’était la réalisation, dans toute son
horreur, du mot « Malheur ! » de l’Écriture... Vous ne voulez
pas du Message de la Miséricorde, vous repoussez la main tendue ; il n’y a
plus rien à faire : Dieu abandonnera les hommes à eux-mêmes... Ce
sera le temps des ténèbres 47. »
XX
LA FEMME COURBÉE 18 ANS, FIGURE DE LA SALETTE.
MARIE PARLE, JÉSUS NE PARLERA DONC PLUS ?
LOURDES ET LA SALETTE.
Il y a dans saint Luc,
évangéliste de Marie, un récit qui ne pourra jamais être lu avec assez
d’attention et de respect :
« Jésus enseignait à
la synagogue un jour de sabbat. Vint une femme qui avait, depuis dix-huit ans,
un esprit d’infirmité. Elle était inclinée, et ne pouvait absolument pas
regarder en haut. Jésus, l’ayant vue, l’appela et lui dit : « Femme,
tu es délivrée de ton infirmité. » Et il lui imposa les mains. Aussitôt elle
se redressa et elle glorifiait Dieu. »
Il ne faut pas se lasser
de redire que l’Évangile, aussi bien que l’Ancien Testament, est
essentiellement parabolique, figuratif, prophétique, l’Esprit-Saint n’ayant
jamais parlé autrement. Alors, qui est cette femme, possédée, dix-huit ans,
d’un esprit d’infirmité ? Je ne vois que Marie pour identifier une telle
figure.
Ô Marie ! Ma Dame de
Compassion ! que venez-vous faire ici ?
C’est, en effet, le jour
du sabbat, samedi, veille de vos Douleurs48.
Voilà précisément dix-huit siècles bien accomplis que vous êtes
courbée et muette, l’Époux qui vous possède bienheureusement étant lui-même,
quoique Dieu, – par mystère impénétrable – un Esprit d’infirmité et de
courbature, jusqu’à l’heure merveilleuse où Il nous enseignera toutes choses.
Pendant dix-huit siècles vous avez gardé le silence, après avoir
parlé six fois49 seulement
dans les Évangiles ! À la Salette enfin, et pour la septième fois, vous
parlez avec une autorité si souveraine qu’après cela il ne peut plus y avoir
que le jugement universel et la combustion des mondes. Vous parlez ainsi parce
que Jésus vous a délivrée, c’est ce que je lis dans l’Évangile, et vous
glorifiez Dieu comme nul autre ne le pourrait faire. Cependant ce n’est pas
encore votre victoire, puisque voici le « chef de la synagogue »
suivi de beaucoup de prêtres qui s’indignent ensemble de ce que Jésus ait fait
ce miracle un jour de sabbat, c’est-à-dire qu’il vous ait donné d’être leur
juge. Il est étonnant, ce chef des « hypocrites » qui vous prend vos
propres paroles, ô Mère de la Parole, pour condamner votre Fils en vous méprisant :
« Il y a six jours pour travailler, dit-il... » L’Esprit-Saint est
tellement uni à son Épouse que, si on savait lire, on trouverait la Salette à
toutes les pages de l’Évangile.
La Révélation de la
Salette, envisagée comme une rupture du silence de dix-huit siècles, offre, en
même temps, la consolation et la terreur. Et je ne pense même pas ici
au Message, c’est-à-dire aux menaces et aux promesses. J’ai simplement en
vue le fait inouï de fa Sainte Vierge parlant avec autorité dans l’Église.
Je dis que ce fait est
consolant, en raison du caractère de Celle qui parle, puisque l’Église
l’invoque sous le nom de Consolatrix et, aussi, parce que c’est une
sorte d’accomplissement, sous nos yeux, de la Troisième Parole de Jésus
mourant. Mais il est, en même temps, terrible à cause du silence de ce même
Jésus qu’il semble impliquer. Jésus et Marie ne parlent pas ensemble. Quand
Jésus commence sa Prédication, Marie s’abîme dans le silence et, si Elle en
sort aujourd’hui, est-ce donc à dire que Jésus ne va plus parler ? Voilà,
ce me semble, un des côtés les plus obscurs de la Salette et l’un des moins
explorés, probablement à cause de l’immense effroi qu’on y rencontre. Quelques
écrivains ascétiques tels que le saint évêque de Lausanne, Amadée, et surtout,
au dix-septième siècle, le Vénérable Grignion de Montfort, ont affirmé que le
Règne de Marie est réservé pour les derniers temps, ce qui donnerait à supposer
que notre Mère ayant enfin parlé en Souveraine, Jésus ne reprendra désormais la
parole que pour faire entendre le redoutable ESURIVI, j’ai eu faim50,
qui doit tout finir...
J’écris ceci le jour de
l’Assomption. D’autres voient Marie dans la gloire, je la vois dans
l’ignominie. J’ai beau faire, je ne me représente pas la Mère du Christ
douloureux dans la douce lumière de Lourdes. Cela ne m’est pas donné. Je ne
sens pas d’attrait vers une Immaculée Conception couronnée de roses, blanche et
bleue, dans les musiques suaves et dans les parfums. Je suis trop souillé, trop
loin de l’innocence, trop voisin des boucs, trop besoigneux de pardon51.
Ce qu’il me faut, C’est
l’Immaculée Conception couronnée d’épines, Ma Dame de la Salette, l’immaculée
Conception stigmatisée, infiniment sanglante et pâle, et désolée, et
terrible, parmi ses larmes et ses chaînes, dans ses sombres vêtements de
« Dominatrice des nations, faite comme une veuve, accroupie dans la
solitude » ; la Vierge aux Épées, telle que l’a vue tout le Moyen
Âge : Méduse d’innocence et de douleur qui changeait en pierres de
cathédrales ceux qui la regardaient pleurer.
Les prêtres sont pour
elle ce qu’ils sont pour Dieu et pour l’Église. Chacun d’eux représente
Jésus-Christ et je la vois très bien s’agenouillant devant eux comme elle
s’agenouilla devant son Fils, lorsque celui-ci vint lui demander humblement la
permission d’aller souffrir52.
– Je vous en prie, leur
dit-elle, mes très chers enfants, ne méprisez pas mon Message. C’est mon
dernier effort pour sauver le troupeau dont vous êtes les pasteurs et dont il
vous sera demandé un compte sévère. Si vous ne lui dites pas que je suis venue
et que j’ai pleuré sur lui avec amertume, si vous ne lui répétez
pas toutes mes paroles, qui pourra les lui enseigner et comment
serez-vous sauvés les uns et les autres ? Tout ce que j’ai dit à mes deux
témoins, tout ce que je leur ai révélé pour le faire passer à tout mon peuple,
est infiniment précieux et salutaire, et vous ne pouvez faire un choix sans me
blesser à la pupille de l’œil, sans percer vos âmes...
Vous qui avez tant reçu
de mon Fils, jusqu’à tenir sa divine place, vous qui devriez être si
saints ! comment pouvez-vous ne pas pleurer avec moi en vous frappant la
poitrine ? Comment avez-vous osé vous moquer de mes avertissements et
empêcher les autres d’y croire ?... J’avais donné une Règle. Qu’en a-t-on
fait ? C’est en vain que deux papes ont voulu le faire pratiquer. Mes
chers Apôtres des Derniers Temps, mes doux fils bien-aimés, où sont-ils ?
je les avais choisis moi-même, triés avec soin, comme les grains de froment du
Pain des Anges. Quelques-uns sont tout près de vous. Si je les nommais, à
l’instant vous les feriez souffrir... Par le Nom très redoutable de votre
Maître que vous forcez à descendre chaque jour, je vous supplie d’avoir
peur...
– Que faudrait-il donc
faire ? demandait à Mélanie un prêtre qui se disait « un peu comme
saint Thomas ». – La pénitence des Ninivites, répondit-elle. – Oh !
pour cela, non, nous n’avons ni la foi, ni la force de ce temps-là. – Eh !
bien, vous aurez les châtiments qui seront plus durs que la pénitence et,
n’ayant pas de force, vous renierez Dieu.
– C’est
fait ! disent des voix d’En-Bas qui sont en train de monter et qu’on
n’entend pas encore.
XXI
PROFANATION DU DIMANCHE
Tout le monde sait que le
blasphème et le refus de sanctifier le Dimanche furent les deux grands
reproches de la Salette, les deux accusations mortelles, les deux choses
qui appesantissent tant le Bras de mon Fils. Là encore, disons-le en passant,
la concordance du Discours public avec le Secret est flagrante, car il est dit
dans ce dernier que même les personnes consacrées à Dieu... prendront
l’esprit des mauvais anges et qu’on verra l’abomination dans les lieux saints,
ce qui implique nécessairement l’absolu des profanations et des reniements
supposés par ces deux effroyables crimes.
Encore une fois, je n’ai
pas entrepris d’expliquer ni seulement de montrer ces profondes et divines
conformités, dessein pour l’exécution duquel je suppose qu’il faudrait plus de
lumière que Dieu n’en accorde habituellement aux écrivains qui ne sont pas des
écrivains ecclésiastiques. Mais voici, bien à propos, un petit livre très
posthume de Paul Verlaine, Voyage en France par un Français, où se lit,
contre le travail du Dimanche, une belle protestation de ce grand poète
malheureux.
Ah ! je n’ignore pas
que celui-là n’est pas, lui non plus, une autorité. Tant s’en faut ! On
finira par savoir, dans le monde pieux, que Paul Verlaine a écrit les vers les
plus beaux qui soient, à la louange de « sa Mère Marie », à la gloire
de la Pénitence et du Saint Sacrement et qu’il est, en réalité,
l’unique poète catholique depuis les inspirés du grand Hymnaire :
mais on y mettra le temps. Un demi-siècle environ pour l’élite de nos
séminaires et cent ans au moins pour un tiers des autres, à partir de la mort
de François Coppée qui ne paraît pas prochaine. Tout de même, le « pauvre
Lélian », vers 1880, présenta, en prose, cette idée originale et forte que
la loi du travail, ordinairement regardée comme une malédiction, est, au
contraire, le « dernier et seul souvenir consolant du Paradis
terrestre ». En lisant cela, j’ai cru voir la Porte si bien gardée
s’entr’ouvrir.
Ah ! que c’est
beau ! Ainsi Dieu, tout fâché qu’il fût contre l’homme et le condamnant à
tout perdre, aurait employé cette ruse adorable de le flageller avec
l’Espérance, de lui infliger comme châtiment ce qui devait être son réconfort
et de le lier rudement par une chaîne de Dilection ! Du milieu de ses
propres entraves beaucoup plus dures, il a vu cela, le lamentable
Verlaine ! Il a vu ou entrevu que si le paresseux accomplit cet acte
effrayant de couper la dernière amarre, le travailleur pervers, qui n’est
courageux que le Dimanche, parce qu’il s’agit de braver un maître invisible,
renouvelle à son insu – étant une épouvantable brute – le Crime initial et reperd,
chaque fois, pour lui-même et pour beaucoup d’autres, le Jardin de Volupté.
Adam et Ève ont dû, en une manière qu’on ne sait pas, mépriser le Septième Jour
et travailler le Dimanche tout l’été, ou, n’aller à la Messe que pour
se moquer de la religion, ou, pendant le carême, aller à la boucherie
comme des chiens, car les paroles divines sont toujours certaines et
identiques, en amont comme en aval de leur cours éternel.
La sanctification du
Dimanche, c’est la sanctification du travail, et le travail, non sanctifié de
cette manière, est tellement maudit que l’apparente solidité des maisons
privées ou des monuments publics, à la construction desquels il fut travaillé
le Dimanche, est un problème. Le Secret annonce des maux inouïs, tels qu’aucun
prophète n’en annonça jamais d’aussi affreux et d’aussi universels. La
terre sera frappée de toutes sortes de plaies. Les montagnes et la nature
entière trembleront d’épouvante. Des prodromes, d’ailleurs, se
manifestent. Les feuilles publiques, prodromes elles-mêmes de la démence du
monde, relatent, chaque jour, sans y rien comprendre, les plus alarmantes
catastrophes : tremblements de terre ou volcans détruisant de grandes
villes, des pays entiers ; explosions, incendies, accidents innombrables
et de toute sorte procurés par la main-forte scientifique ou industrielle, au
service de la Désobéissance et de l’Orgueil. Cela pour ne rien dire des
homicides continuels et de plus en plus atroces, préludes, sous nos yeux, de
massacres sans pardon. Hier, un train de voyageurs sautait dans la Loire...
L’heure va sonner où les catastrophes se toucheront, où il n’y aura plus que
des catastrophes. À chaque tour de cette roue des supplices dont le mouvement
s’accélère, de graves individus recherchent aussitôt les « responsabilités »,
dans l’espérance, dirait-on, d’augmenter le mal, en réduisant au désespoir
quelque mercenaire sans protection.
Ah ! misérables que
nous sommes ! Elle est sur chacun de nous, la responsabilité ! Le mot
châtiments révolte notre orgueil. Il nous faut des causes naturelles, des
explications scientifiques où Dieu n’intervienne pas... Ce travail avait été
bien fait, pourtant ! Les matériaux étaient excellents et on avait eu de
bons ouvriers. Il n’y avait rien à redire à ces assises de pierre dure, capables
de soutenir une montagne, et cette charpente de fer avec ses arbalétriers, ses
boulons, ses rivets, que sais-je encore ? étaient au-dessus de tout
éloge... Mais voici. Ce travail avait été fait le Dimanche, très probablement,
et les ouvriers – un seul, peut-être – avaient dû mettre le Nom de mon
Fils au milieu. Il n’a pas fallu davantage. Telle est l’explication de la Mère
de Dieu.
Je me suis réservé le
Septième Jour
. La profanation du Dimanche renouvelle continuellement le premier péché. C’est l’attentat à la RÉSERVE du Seigneur. Peine de mort dans les deux cas, et de mort terrible... J’ai parlé plus haut des larmes d’Ève. La Chute n’est pas un fait accompli autrefois et dont nous subissons les conséquences. Nous tombons toujours, et voilà pourquoi Ève pleure. Ses larmes nous accompagnent dans le gouffre.
XXII
AFFAIRE CATERINI.
Il n’y a pas moyen de
comprendre l’énorme prévarication sacerdotale, et surtout épiscopale, relative
au Miracle de la Salette, quand on ignore l’affaire Caterini. Voici donc rapidement
cette histoire misérable.
Le Secret de Mélanie
commence par ces mots : Mélanie, ce que je vais vous dire maintenant
ne sera pas toujours secret : vous pourrez le publier en 185853.
En 1858, Mélanie était
enfermée au Carmel de Darlington, en Angleterre. Elle demanda à sortir pour
remplir sa mission. Quand elle revint, en 1860, la gravité de ce Secret effraya
les membres du clergé auxquels elle en parla. Elle se borna pour lors à le
donner manuscrit. C’est ainsi que de nombreuses copies s’en répandirent avant
1870.
Plusieurs publications
suivirent. Celle qui parut en 1872 fut honorée de la bénédiction de Pie IX.
Celle qui parut en 1873 fut approuvée par le cardinal Xyste-Riario Sforza,
archevêque de Naples. Celle qui parut en 1879 fut publiée par la Bergère
elle-même, avec l’imprimatur de Mgr de Lecce, le Compte Zola, son
directeur.
C’est alors que des
prêtres français, des religieux et plusieurs évêques, voulant faire condamner
par Rome la brochure de Mélanie, Mgr Cortet, évêque de Troyes, se chargea
d’attacher le grelot.
Mgr Cortet, connaissant
mal les règles du Droit canonique en cette matière, s’adressa à la Congrégation
de l’Index qui le renvoya à celle de l’Inquisition. Là encore, il ne put rien
obtenir. À bout d’expédients, il menaça le cardinal Caterini, simple diacre,
mais, secrétaire par rang d’âge de cette Congrégation, du retrait du
Denier de saint Pierre « si l’on ne faisait pas quelque chose (sic) en
sa faveur ». Le secrétaire, âgé de 85 ans, signa la lettre suivante rédigée
par un sous-secrétaire :
« Révérendissime
Seigneur, Votre lettre du 23 juillet, relative à la publication de l’opuscule
intitulé : – L’Apparition de la Sainte Vierge sur la Montagne de la
Salette – a été remise aux Très Éminents Cardinaux, avec moi Inquisiteurs
de la Foi, qui veulent que vous sachiez que le Saint-Siège a vu avec déplaisir
la publication qui en a été faite et que sa volonté est que les exemplaires
déjà répandus soient, autant que possible, retirés des mains des
fidèles...
« Rome, le 8 août
1880.
« P. Card. CATERINI. »
À la réception de cette
lettre, Mgr Cortet fut atterré, car ce n’était pas une condamnation. – 1° Rome
ne dit pas de « retirer autant que possible », quand elle condamne un
livre. – 2° C’était une lettre privée qu’on lui envoyait et nullement un
décret, car il est de rigueur qu’on relate, dans un décret, la date de la
réunion du Saint-Office. – 3° Au lieu du pointillé, qui sera expliqué dans un
instant, il y avait ces mots : « Mais qu’on la maintienne (la
brochure) dans les mains du clergé, pour qu’il en profite ». Cette
dernière phrase était, en réalité, une approbation de la brochure. Impossible
de publier cela.
Mgr Cortet envoya cette
réponse à son collègue de Nîmes. Mgr Besson ne s’embarrassa pas pour si peu. Il
supprima la dernière ligne, la remplaça par un pointillé et publia, sous la
couleur d’un décret, cette lettre privée, tronquée, faussée, qui n’était pas
même à son adresse. Mgr de Troyes l’imita. Un grand nombre de Semaines
religieuses s’empressèrent d’en faire autant, bien qu’elles sussent ce
qu’il en était. Les Revues catholiques, les « bons journaux »,
furent priés d’insérer et le firent de bonne foi, on l’espère. Tout le monde
crut, ou voulut croire, que la brochure de Mélanie était condamnée !
Plus tard, les
Missionnaires de la Salette, estimant que le pointillé en disait encore trop,
le remplacèrent par un seul point, et glissèrent par milliers dans les mains
des pèlerins leur petit papier. En même temps les calomnies allaient bon
train ; aucun doute n’était possible : « L’Enfant de Marie avait
mal tourné ; elle était égarée par la vanité, infidèle à sa mission,
etc. »
Voici, à ce sujet, une
lettre de Mélanie à M. l’abbé Roubaud, curé de Vins, au diocèse de Fréjus, mort
en 1897, laissant une haute réputation de sainteté :
Castellamare, 25 octobre 1880.
« Mon très Révérend
Père,
« Ne vous troublez
pas de tout ce que fait le démon par le moyen des hommes ; le bon Dieu le
permet pour affermir la foi des vrais croyants... Les personnages à qui je me
suis adressée à Rome appartiennent, l’un à la Congrégation de l’Index et
l’autre à celle du Saint-Office ou de l’Inquisition qui est la même. Autant
l’un que l’autre, ils ignoraient la lettre du cardinal Caterini. C’est ce qui
leur a fait dire que c’est un parti qui agit indépendamment du Pape et même des
Congrégations de l’Index et de l’Inquisition... »
Elle écrivit, en outre, à
Mgr Pennachi, consulteur de l’Index, qui lui fit la même réponse. Mgr Zola,
évêque de Lecce, qui avait donné l’imprimatur, s’était rendu immédiatement à
Rome pour avoir des explications. Le sous-secrétaire qui avait écrit la lettre
fit très humblement toutes ses excuses à Mgr de Lecce, lui disant qu’il avait
eu la main forcée par l’évêque de Troyes et autres évêques de France. Sa lettre
ne devait pas être publiée. Les formules qui compromettaient, dans cette
affaire, « les Éminentissimes Cardinaux » et « le
Saint-Siège », étaient des rocamboles !!!54 »
Voici, pour conclure, ce
qu’écrivait encore Mélanie, le 13 octobre 1880 :
« ... Le plus grand
coupable par rapport à la lettre du cardinal Caterini est Mgr Fava. Cependant
il n’y a rien de si opportun que les avertissements de notre miséricordieuse
Mère Marie, à la veille du jour où les religieux sont chassés... comme le dit
très bien le Secret que l’on rejette... Les ténèbres obscurcissent les
intelligences ; ne voyons-nous pas s’accomplir, à la lettre, ces paroles
du Secret !...
Un évêque écrit à la Congrégation de l’Index et un Cardinal, secrétaire de la Congrégation de l’Inquisition, répond une lettre privée et non officielle, et cette lettre privée se reproduit dans les Semaines religieuses, puis dans les journaux religieux et ainsi parcourt le monde !!!... Le Secret, inopportun pour les fidèles, excite la curiosité de tout le monde et, de tous côtés, je reçois des lettres pour me demander ma petite brochure que je n’ai plus. Voilà jusqu’où sont allées la sagesse et la prudence de l’opportunisme... En vérité, nous sommes plongés dans les ténèbres ! Et c’est un châtiment de Dieu. En arrêtant la diffusion du Secret, on prend une très grande responsabilité devant Dieu ! On répondra devant Dieu de tout le Message de la Vierge Marie ! Je ne voudrais pas être à la place de ces personnes-là au terrible Jugement !... »
SAINTETÉ DE MÉLANIE.
À tout cela Mélanie
n’avait à opposer que sa sainteté, son immense beauté d’âme universellement, je
ne dis pas méconnue, mais inconnue. Les moins hostiles ont la charité d’espérer
qu’elle n’est pas perdue éternellement, qu’elle finira par être admise dans le
Paradis, fort au-dessous des dames, après un Purgatoire dont la pensée fait
frémir. Les légendes fabriquées par le démon sont si tenaces que, longtemps
encore, on croira que la Bergère de la Salette a mal fini ; qu’après une
grâce inouïe dont la moins pieuse des enfants du petit catéchisme eût été plus
digne, elle est retombée, presque aussitôt, dans la tiédeur, dans l’indolence
de l’âme, dans la vanité, dans l’infidélité, dans le mensonge 55.
Quand on sait à quoi s’en tenir, cette vieille boue des décrottoirs de l’enfer
semble si basse et si puante qu’il n’y a pas moyen de s’y arrêter un instant.
La volonté de Mélanie
était que ses directeurs ou confesseurs ne dévoilassent rien de sa
vie intime. Mais, dès 1852, plusieurs personnes ont su par le P. Sibillat,
qui avait obtenu quelques confidences de cette enfant privilégiée, que,
longtemps avant 1846, le Ciel l’avait visitée, que la grande Apparition de 1846
n’était qu’un épisode de son enfance ; et les Religieuses de
Corenc, ses compagnes, purent observer que ces grâces ne cessaient pas. On a la
preuve qu’elles n’ont jamais cessé.
« Cette humble fille
– dit son historien futur qu’il ne m’appartient pas de nommer – dont les âmes,
même religieuses, ne peuvent, avant que sa Vie intime soit publiée, soupçonner
la haute sainteté et la grande mission dans l’Église, fut comblée, dès l’âge de
trois ans, des dons surnaturels les plus étonnants, tels qu’on les trouve dans les
vies de quelques saints. Instruite par l’Enfant Jésus qui lui avait appris
qu’il fallait cacher ces grâces, elle les cachait avec tant d’humilité et
d’habileté et, quand on les surprenait, on voyait tant combien on la faisait
souffrir, que ses directeurs eux-mêmes n’en ont connu qu’une faible partie.
Dans les montagnes où elle gardait les troupeaux avant l’Apparition, on
l’appelait déjà la petite sainte et on lui attribuait des
miracles. »
Aujourd’hui il est connu
qu’elle en a fait et la preuve en sera donnée, quand la Congrégation des Rites
daignera s’occuper de la Béatification d’une si pauvre Bergère. La découverte
de ses stigmates a été la chose la plus fortuite. Elle-même paraissait
les ignorer – bien qu’elle les cachât, comme tout le reste, instinctivement
– ou du moins, elle paraissait croire que tous les chrétiens devaient être
ainsi – ce qui n’est pas loin du sublime le plus terrassant. Mélanie fut
souvent communiée par Notre Seigneur lui-même et jouissait de la vue
continuelle de son Ange gardien. Les habitants d’Altamura ont affirmé avoir
entendu dans l’appartement de « la pieuse dame française », à
l’Angelus du soir, la nuit qu’elle est morte, des chants angéliques et le
tintement d’une clochette, comme quand on porte le Saint Viatique.
Combien d’autres choses
encore ! Mais ce qui étonne plus que tout, ce qui décourage de penser, ce
qui donne aux seules larmes d’amour un inestimable prix, c’est de se dire
qu’elle voyait tout dans la Lumière de Dieu, non simultanément, mais
successivement, c’est-à-dire au moment où sa pensée se portait sur un objet.
Don extraordinaire, unique peut-être dans la vie des saints. Elle semblait
vivre dans le Paradis terrestre comme si la Chute n’avait pas été.
À une croyante qui
voulait savoir quelque chose des Apôtres des Derniers Temps, fut communiqué ce
fragment de ce que Mélanie appelait sa « Vue » 56 :
« ... En d’autres
endroits, je vis les Disciples des Apôtres des Derniers Temps. Je compris bien
clairement que ces messieurs, que j’appelle les Disciples, faisaient partie de
l’Ordre. C’étaient des hommes libres, des jeunes gens qui, ne se sentant pas
appelés au sacerdoce, voulant cependant embrasser la vie chrétienne, accompagnaient
les Pères dans quelques missions et travaillaient de tout leur pouvoir à leur
propre sanctification et au salut des âmes. Ils étaient très zélés pour la
gloire de Dieu. Ces disciples étaient auprès des malades qui ne voulaient pas
se confesser, auprès des pauvres, des blessés, des prisonniers, dans les
réunions publiques, dans les assemblées sectaires, etc., etc. J’en vis même qui
mangeaient et buvaient avec des impies, avec ceux qui ne voulaient pas entendre
parler de Dieu ni des prêtres ; et voilà que ces Anges terrestres
tâchaient par tous les moyens imaginables de leur parler et de les amener à
Dieu, et de sauver ces pauvres âmes qui ont chacune la valeur du Sang de
Jésus-Christ, fou d’amour pour nous. Cette vue était bien claire, bien précise et
ne me laissait aucun doute sur ce que je voyais ; et j’admirais la
grandeur de Dieu, son amour pour les hommes et les saintes industries dont il
usait pour les sauver tous ; et je voyais que son amour ne peut pas être
compris sur la terre, parce qu’il dépasse tout ce que les hommes les plus
saints peuvent concevoir...
« ... Avec elles
(les Religieuses), il y avait aussi des femmes et des filles remplies de zèle
qui aidaient les religieuses dans leurs œuvres. Ces veuves et ces filles
étaient des personnes qui, sans oser se lier par les vœux de religion,
désiraient servir le bon Dieu, vaquer à leur salut et mener une vie retirée du
monde. Elles étaient vêtues de noir et très simples. Elles portaient aussi une
croix sur la poitrine, comme les Disciples, mais un peu moins grande que celle
des Missionnaires et elle n’était pas extérieure.
« ... Les Disciples
et les femmes faisaient aussi cette promesse ou oblation à la Très Sainte
Vierge : de se donner à Elle et de Lui donner, pour les âmes du
Purgatoire, en faveur de la conversion des pécheurs, toutes leurs prières,
toutes leurs pénitences, en un mot toutes leurs œuvres méritoires.
« Je vis que les
Missionnaires vivaient en communauté... Je vis que les disciples qui savaient
lire disaient l’Office dans leur chapelle ; je vis aussi que les
Religieuses disaient l’Office de la Sainte Vierge ainsi que les femmes. »
Il est infiniment
intéressant de rapprocher de cette vue si actuelle, si précise, de la Bergère,
la prophétie plus générale, mais combien éloquente, écrite, 150 ans avant la
Salette, par le Vénérable Grignion de Montfort :
« ... Mais quels
seront ces serviteurs, esclaves et enfants de Marie ? Ce seront un feu
brûlant des ministres du Seigneur qui mettront le feu de l’amour divin partout
et, sicut sagittae in manus potentis, des flèches aiguës dans la main de
la puissante Marie pour percer les ennemis ; ce seront des enfants de
Lévi, bien purifiés par le feu de grandes tribulations et bien collés à Dieu,
qui porteront l’or de l’amour dans le cœur, l’encens de l’oraison dans
l’esprit, et la myrrhe de la mortification dans le corps, et qui seront partout
la bonne odeur de Jésus-Christ aux pauvres et aux petits, tandis qu’ils seront
une odeur de mort aux grands, aux riches et aux orgueilleux mondains.
« Ce seront des
nuées tonnantes et volantes par les airs, au moindre souffle du Saint-Esprit,
qui, sans s’attacher à rien, ni s’étonner de rien, ni se mettre en peine de
rien, répandront la pluie de la parole de Dieu et de la vie éternelle ;
ils tonneront contre le péché, ils gronderont contre le monde, ils frapperont
le diable et ses suppôts et ils perceront d’outre en outre, pour la vie ou pour
la mort, avec leur glaive à deux tranchants de la parole de Dieu, tous ceux
auxquels ils seront envoyés de la part du Très-Haut.
« Ce seront des
Apôtres véritables des Derniers Temps, à qui le Seigneur des vertus donnera la
parole et la force, pour opérer des merveilles et remporter des dépouilles
glorieuses sur ses ennemis ; ils dormiront sans or ni argent et, qui plus est,
sans soin au milieu des autres prêtres, ecclésiastiques et clercs, inter
medios cleros, et cependant auront les ailes argentées de la colombe, pour
aller, avec la pure intention de la gloire de Dieu et du salut des âmes, où le
Saint-Esprit les appellera 57 ;
et ils ne laisseront après eux, dans les lieux où ils auront prêché, que l’or
de la charité qui est l’accomplissement de toute la loi. Enfin nous savons que ce
seront de vrais disciples de Jésus-Christ, qui, marchant sur les traces de sa
pauvreté, humilité, mépris du monde et charité, enseigneront la voie étroite de
Dieu dans la pure vérité, selon le saint Évangile, et non selon les maximes du
monde, sans se mettre en peine ni faire acception de personne, sans épargner,
écouter ni craindre aucun mortel, quelque puissant qu’il soit 58.
« Ils auront dans
leur bouche le glaive à deux tranchants de la parole de Dieu ; ils
porteront sur leurs épaules l’étendard ensanglanté de la Croix, le Crucifix
dans la main droite, le chapelet dans la gauche, les Noms sacrés de Jésus et de
Marie sur leur cœur, et la modestie et mortification de Jésus-Christ dans toute
leur conduite. Voilà de grands hommes qui viendront ; mais Marie sera là,
par ordre du Très-Haut, pour étendre son empire sur celui des impies, idolâtres
et mahométans. Quand et comment cela se fera-t-il ?... Dieu seul le sait ;
c’est à nous de nous taire, de prier, de soupirer et
d’attendre : Expectans, expectavi 59. »
Assurément Dieu seul le
sait. Cependant nous savons aussi, nous autres, pourquoi et comment cela ne
s’est pas fait, pourquoi, le 19 septembre prochain, 62e anniversaire de
l’Apparition, il n’y aura pas même un faible commencement d’exécution, une
lointaine velléité d’obéissance. Nous ne savons que trop les sordides et basses
causes de cette prévarication inouïe. Mais tous ne le savent pas et c’est pour
les ignorants que ce livre est surtout écrit. Les autres, les vrais coupables
par malice ou par lâcheté, chercheront naturellement à l’étouffer, selon leur
méthode, simplement par esprit de suite, sans honte ni peur. Comment faire peur
à des hommes consacrés à Dieu qui ont pu voir le châtiment terrible
d’un assez grand nombre d’entre eux sans se frapper la poitrine ?... Enfin
j’ai voulu rendre témoignage afin de m’endormir en paix, quand mon heure sera
venue.
Les menaces de la Salette
ont été conditionnelles. Il y a lieu de croire qu’elles ne le sont plus. Les
Apôtres de Marie, qui auraient dû être institués avant le Déluge de sang et de
feu, le seront après, voilà tout.
XXIV
OBJECTIONS, CALOMNIES.
L’ASSOMPTIONISTE DROCHON.
Ma tâche n’est-elle pas
finie ? Je crois avoir dit tout ce qu’il fallait et je ne pourrais plus
maintenant que me répéter. On m’a présenté une liste des objections contre le
Secret qui ne cessent d’avoir cours à la Salette. Je les connais trop et je les
ai réfutées implicitement ou explicitement dans les pages qui précèdent. On
sait, d’ailleurs, que les objections présentées par la haine, l’orgueil ou
l’intérêt, sont invincibles. Elles renaissent à mesure qu’on les égorge.
Cependant le trait distinctif de celles-ci est une faiblesse extrême, une
faiblesse enfantine, telle qu’on a honte de les entendre.
Exemple : « Si
le Pape voulait la publication du Secret, il l’aurait faite lui-même. »
Cette objection, dans la bouche de prêtres qui passent pour instruits, étonne
et afflige. On sent qu’il serait bien inutile de leur dire que le Pape a pu et
a dû vouloir respecter la mission, évidente pour lui, de Mélanie et
qu’il a donné des preuves de ce respect. Cette idée n’entrerait pas dans de
tels cerveaux. Comment espérer aussi de faire comprendre à ces esclaves de
la lettre, à ces ilotes du vocable, que le Pape étant infaillible, son
SILENCE est une approbation ? Or le secret n’a jamais été condamné.
Ajoutons que ce serait peut-être une question de savoir s’il est selon les
grandes Règles que le Pape fasse en personne la publication d’un tel document.
Puis, que répondre à de
vieilles calomnies que l’accoutumance a transformées en vérités indiscutables,
et dont nul chrétien ne s’avise de rechercher la provenance ? Ici, il n’y
a plus seulement la honte de l’esprit, mais l’horreur de l’âme et c’est
abominable de penser à des mensonges tant de fois réfutés et si vainement
confondus !
Un Père Assomptionniste,
nommé Drochon, les a réunis en bouquet dans une Histoire illustrée des
Pèlerinages français, formidable in-4° de 1274 pages (qu’il faudrait 2548
hommes pour lire, aurait dit Barbey d’Aurevilly), publié avec l’autorisation et
l’admiration du Père Picard, son supérieur général 60.
On sait que les Assomptionnistes ont été les plus constants ennemis de Mélanie
et de son Secret, et qu’ils se sont acharnés à cette guerre avec toute la force
et l’autorité que leur donnait le succès inouï et lamentable de leurs
déprimantes publications 61.
Dans la masse énorme de
ce Père Drochon, treize pages seulement sont données au Pèlerinage de la
Salette et il est presque impossible d’y trouver une ligne qui ne soit inexacte
ou mensongère. Qu’on en juge :
« ... Maximin et
Mélanie auraient reçu, nous l’avons dit, chacun leur (sic) secret :
« Infirmes, défaillants, si vous le voulez, en tout le reste, dit M.
l’abbé Nortet, ils ne seront trouvés forts qu’en un seul point, ce qu’ils ont
affirmé être leur mission. » « Ces enfants peuvent s’éloigner,
s’écriait à son tour Mgr Ginoulhiac, le 19 septembre 1855 (il
avait exilé Mélanie l’année précédente), devenir infidèles à une
grande grâce reçue (!), l’Apparition de Marie n’en sera pas
ébranlée. » Ces citations font prévoir les vicissitudes qui ont marqué la
vie des deux enfants... « Mélanie, après avoir contemplé la Reine du
Ciel, ne ferma point ses yeux au monde (!!!), comme nous l’avons vu
faire à Anglèze de Sagazan, à Liloye et à tant d’autres, comme le fit peu après
Bernadette. Elle entra, sans doute, au couvent de la Providence à Corenc ;
mais se croyant appelée à quelque chose
d’important, rêvant de missions et de conquêtes apostoliques, sœur
Marie de la Croix inspira des doutes sérieux sur sa vocation à la vie
des religieuses, qui n’est efficace que si elle est humble (!!!).
Après trois ans (un an) de noviciat, Mgr Ginoulhiac consulté s’opposa
à sa profession 62.
Elle revint à Corps où un prélat romain d’origine anglaise
la décida à le suivre en Angleterre, dans le but de s’y adonner à la
pénitence pour la conversion du pays. De 1854 à 1860, elle séjourna au couvent
des Carmélites de Darlington. Elle y prit l’habit, fit, paraît-il (!),
des vœux, en 1856, mais elle revint en France, quatre ans plus
tard, se fixa à Marseille où, d’après (!) M. Amédée
Nicolas, elle fut relevée de ses vœux. Elle y séjourna jusqu’en 1867. (Rien de
Corfou, etc.) Mgr Louis Zola, alors évêque de Lecce en
Italie, l’emmena dans son diocèse et la fixa à Castellamare.
(Admirable ! Alors Mgr Zola n’était pas encore évêque ;
c’est de Mgr Petagna qu’il s’agit et il n’emmena pas Mélanie ;
puis Castellamare n’est pas du diocèse de Lecce, c’est même un autre évêché et
il est bien loin de Lecce. C’est comme si on situait Amines dans le diocèse de
Périgueux. On n’est pas fort en géographie chez les Assomptionnistes.
L’historien a puisé ses renseignements à bonne source, chez les Missionnaires
de la Salette, et son livre est gros). À la mort de l’évêque, en 1888 (ni Mgr
Petagna ni Mgr Zola ne sont morts en 1888), elle revint à Marseille où elle est
encore (1890). Au milieu de cette vie agitée et inconstante, Mélanie est
restée vertueuse (Ah ! tout de même ! tout juste vertueuse !)
et, comme Maximin, persévérante sur un seul point, sa foi ardente (Après
ce qui précède, le mot ardente est tout à fait stupide, mais c’est
comme ça qu’on écrit à l’Assomption) en l’Apparition et dans le Secret qu’elle
avait entendu. » (Et pas un mot de ce secret ! comme si la
publication de Mélanie et l’imprimatur de Mgr Zola étaient apocryphes,
puisque, d’autre part, Drochon dit que ce secret est le « clou » de
l’Apparition – style Bailly, style Croix et Pèlerin.)
Cette page m’a rappelé le
mot de Chateaubriand : « Il est des temps où l’on ne doit dépenser le
mépris qu’avec économie, à cause du grand nombre des nécessiteux. »
XXV
L’HÔTELLERIE.
Dès le commencement de ce
travail, des personnes pieuses et d’intention pure jugèrent excessif mon blâme
de l’hôtellerie de la Salette63.
Il faut pourtant bien, m’ont-elles dit, que les pèlerins soient hébergés,
surtout les infirmes et les malades, et ils ne peuvent pas exiger qu’on les
loge et qu’on les nourrisse pour rien. Or voilà précisément ce qui ne
devrait pas être en question. Le droit strict des pèlerins, surtout des
infirmes et des malades, c’est d’être hébergés pour rien. En octobre 1880, du
temps des prétendus missionnaires, je vis, un matin, arriver à la porte de
l’hôtellerie, par une neige terrible, un mendiant à peine moins blanc que la
neige et qui paraissait avoir quatre-vingts ans. Il avait cheminé des heures
dans la montagne, certain, disait-il, de trouver à la Salette l’hospitalité de
deux jours assurée aux chemineaux par un règlement de l’hôtellerie. Je n’ai pas
vu ce règlement, rêvé, peut-être, par de pauvres malheureux, mais ce que j’ai
bien vu et trop bien vu, c’est le désespoir, l’humble désespoir de ce
vieillard, me disant, un quart d’heure après : « Ils m’ont donné une
soupe froide et m’ont dit qu’il fallait partir. J’aurais bien voulu me
reposer. » Pour ne pas être complice d’un assassinat, je payai, quoique
très pauvre, trois jours de pension pour cet envoyé, qui était peut-être
Raphaël, et dont le remerciement est resté en moi comme une lumière douce dans
la cellule d’un condamné.
À partir de ce jour, j’ai
compris ce qui se passait sur cette montagne. Pour parler net, j’ai vu
l’épouvantable esprit d’avarice de ces soi-disant religieux qui n’auraient dû
être eux-mêmes que des mendiants et des serviteurs de mendiants, car la Salette
est, par essence et par excellence, un pèlerinage de va-nu-pieds. Qu’on vienne
à la base de cette montagne comme on voudra et tant qu’on voudra, mais, arrivé
là, on ne peut monter délicatement qu’avec le diable sur les épaules.
Les premiers pèlerins ne s’y trompaient pas et n’auraient pas pu s’y tromper.
La route actuelle n’existait pas, et le service des mulets ne se faisait pas comme
aujourd’hui. On voyait se traîner, sur les flancs du Mont, des infirmes, des
agonisants, des quasi-morts, qui rampaient des journées entières et qui
redescendaient guéris. Mlle des Brulais, qui fut un des premiers témoins de la
Salette, a relaté quelques exemples vraiment prodigieux64.
Je ne crois pas qu’il soit possible de citer un seul cas de mort d’un de ces
malades sur la Montagne. Combien, cependant, durent passer la nuit sans toit,
ni tente, sub Jove frigido, à cette altitude mortelle pour des être
humains privés d’abri ! De quels secours pouvaient être, pour des
centaines et des milliers de pèlerins, le couvert de quelques cabanes en
planches ? Quid inter tantos ? Mais on était venu porté par la
foi, on était hospitalisé, chauffé, réconforté, guéri par la foi.
Aujourd’hui, on monte
commodément dans une voiture ou sur le dos d’un mulet ; on paie sa chambre
et sa table, 1re ou 2e classe ; on prie à son aise, à l’abri de
vraies murailles, dans une basilique bien close, et on s’étonne de ne pas
obtenir ce qu’on demande. On n’est peut-être pas des pharisiens, mais on ne
croit pas être, sicut ceteri hominum, des voleurs, des injustes, des
adultères et on n’a pas peur de « lever les yeux vers le ciel ».
Alors on redescend dans la même voiture ou sur le dos du même mulet, mais non
pas comme le pauvre publicain. Descendit hic
justificatus (hoc est sanatus) in domum suam. Il n’y a plus de
miracles parce qu’il n’y a plus de croyants ni de PÉNITENTS, parce qu’il n’y a
plus d’enthousiasme, c’est-à-dire de charité. Il n’y a plus d’âmes
généreuses.
On serait suffoqué de
trouver un comptoir et des livres de comptabilité dans l’antichambre d’un
poète, et on n’est pas le moins du monde impressionné de rencontrer ces mêmes
objets dans un lieu de pèlerinage, et de quel pèlerinage ! C’est
ahurissant de se dire qu’il y a un endroit où la Sainte Vierge s’est montrée,
où elle a pleuré d’amour et de compassion, où elle a dit les plus grandes choses
qu’on ait entendues depuis Isaïe, où elle a guéri et consolé tant de
malheureux, et qu’à deux pas de cet endroit, il y a une caisse !
– C’est abominable,
direz-vous, mais où est le remède ? – Vous le savez aussi bien que moi.
L’hôtellerie de la Salette, – transformée en une Maison-Dieu, où chaque pèlerin
valide se constituerait serviteur des pauvres ou garde-malade, pour quelques
heures ou quelques jours – serait approvisionnée surabondamment et constamment,
si les chrétiens lui donnaient la centième partie de ce qu’ils donnent si
vainement et avec tant d’amertume au percepteur. Elle serait vingt fois plus
riche que maintenant, trop riche, sans doute, mais, du moins, on n’entendrait
plus cet infâme bruit de monnaie que déteste Dieu, et on aurait la joie et la
gloire de ranimer d’innombrables pauvres.
C’est bien cela que les
bergers ont pu comprendre, et ce n’est pas sans effroi que je pense à ce qui a
dû se passer dans le doux et noble cœur de Maximin, quand il était témoin de
l’exploitation de sa Montagne, et qu’il périssait de misère à quelques pas des
sordides religieux qui n’existaient que par lui. Pour ce qui est de la vieille
Mélanie, ce qu’elle dut sentir lorsqu’elle fit le pèlerinage, une dernière fois
avant de mourir, je me le suis déjà demandé et je n’ai trouvé d’autre réponse
que les larmes.
Mon livre, je l’ai assez
dit, n’a qu’un objet : Prouver que tout l’effort des ennemis de Dieu, dans
le cas de la Salette, a tendu à déconsidérer le Secret de Mélanie, le seul en
cause, celui de Maximin n’ayant jamais été divulgué. Alors, double tactique.
D’une part, les Missionnaires ou Chapelains installés sur la Montagne ont
toujours et très fermement voulu que les menaces de la Sainte Vierge se soient
accomplies, peu de temps après l’Apparition, d’une manière tout à fait complète
et définitive, en sorte qu’il est démontré que nous n’avons plus rien à
craindre et que toute autre prophétie, concernant l’avenir ou même le temps
présent, doit être tenue pour billevesée. Je les ai vus travailler, chaque
jour, près de la Fontaine, à l’heure du Récit, apportant des statistiques de
famine, en Irlande par la maladie des pommes de terre ; en France, en
Espagne ou en Pologne, par la maladie du blé, etc. Pour ce qui est de la menace
du Discours relative aux « petits enfants au-dessous de sept
ans... », il paraît qu’elle s’explique très suffisamment par une épidémie
déplorable qui eut lieu vers cette époque, c’est-à-dire il y a soixante ans. En
conséquence, le soi-disant Secret n’est qu’une méchante rêverie très apocryphe
que les bons catholiques doivent écarter.
Puis, il faut tenir
compte de la différence des temps. En 1846, la Religion était méprisée et la
société chrétienne avait besoin d’être châtiée. Aujourd’hui, elle est au
contraire, ne le voit-on pas ? dans l’état le plus florissant. De toutes
manières, le Secret est insoutenable.
D’autre part, on veut à
toute force que les Bergers n’aient jamais été persévérants que sur un
seul point : Maximin ivrogne, selon la légende ignoble et criminellement
fausse des Missionnaires, ne sortant de sa torpeur que pour raconter
l’Apparition avec lucidité, par un miracle constant ; Mélanie, sainte
fille, si on veut, mais livrée au plus dangereux vagabondage et continuellement
« entourée d’hurluberlus et de prêtres désobéissants qui lui montaient la
tête », ne retrouvant comme Maximin, son équilibre et sa raison, que quand
il s’agissait du récit de cette même Apparition, identiquement relatée par elle
depuis 1846. En dehors du Discours public tout sec, impossible à mettre en doute,
sans se condamner soi-même à l’inexistence, où est le moyen de supposer un
secret de vie et de mort surérogatoirement divulgué par de tels témoins ?
– Après cela, pourraient
dire les intéressés, si on veut prendre la peine de considérer les choses
froidement, raisonnablement, pratiquement, comment ne pas voir, ô Mère du
Verbe, que votre prétendue Révélation n’est qu’une imposture des démons pour
empêcher de saints religieux de gagner honnêtement leur vie sur votre
Montagne ?
XXVI
LA SALETTE ET LOUIS XVII.
D’excellents travaux
historiques ont élucidé récemment la question de la Survivance de Louis XVII.
Question déjà vieille et qu’on ne peut plus ignorer aujourd’hui, sans un peu de
honte. Mon Fils de Louis XVI, publié en 1900, n’a pas apporté de document
nouveau, mais le témoignage d’une admiration infinie pour ce grand geste de
Dieu, unique dans l’Histoire : une Race Royale qui passait pour la
première du monde, non pas rejetée précisément, ni exterminée, mais tombée dans
l’ignominie insondable, sans espoir d’en sortir jamais.
« C’est à faire
chavirer l’imagination de se dire qu’il y eut un homme sans pain, sans toit,
sans parenté, sans nom, sans patrie, un individu quelconque perdu dans le fond
des foules, que le dernier des goujats pouvait insulter et qui était,
cependant, le Roi de France !... Le roi de France reconnu tel, en secret,
par tous les gouvernements, dont les titulaires suaient d’angoisse à la seule
pensée qu’il vivait toujours, qu’on pouvait le rencontrer à chaque pas, et
qu’il tenait peut-être à presque rien que la pauvre France, toute frappée à
mort qu’elle fût, voyant passer cette figure de sa douleur, ne reconnût soudain
le Sang de ses anciens Maîtres et ne se précipitât vers lui avec un grand cri,
dans un élan sublime de résurrection !
« On fit ce qu’on
put pour le tuer. Les emprisonnements les plus barbares, le couteau, le feu, le
poison, la calomnie, le ridicule féroce, la misère noire et le chagrin noir,
tout fut employé. On réussit à la fin, lorsque Dieu l’eut assez gardé et
lorsqu’il avait déjà soixante ans, c’est-à-dire lorsqu’il avait achevé de
porter la pénitence de soixante rois... »65
La disgrâce de ce
« Roi fantôme » fut si parfaite que les mots ignominie » ou
« opprobre » ne suffisent plus. On lui refusa ce qui ne se refuse pas
aux pires scélérats, son identité personnelle, – pour mieux dire, une identité
quelconque. On voulut absolument qu’il ne fût personne, dans la stricte
acception du mot, et que ses enfants ne fussent les enfants de personne. Ainsi
s’accomplit, en une manière que Dieu seul pouvait inventer, la séculaire
formule capétienne : Le Roi ne meurt pas, puisque la descendance
légitime de Louis XVI était condamnée à ne pouvoir ni vivre ni mourir.
Le Dauphin, fils de Louis
XVI, – authentiquement Louis XVII – prétendu mort au Temple, en 1795, exhala
son âme douloureuse à Delft, en Hollande, le 10 août 1845, un peu plus de
treize mois avant l’Apparition de la Salette, « promptitude fort
singulière de ce miracle, si peu de temps après que le Candélabre aux Lys d’Or,
dont il est parle dans le Pentateuque, avait été renversé.
« Lorsque éclata la
nouvelle de l’Apparition, un seul chrétien se demanda-t-il si quelque chose
d’infiniment précieux ne venait pas d’être brisé, pour que la Splendeur
elle-même, la Gloire impassible et inaccessible parût en deuil ?
– Depuis le temps que je souffre pour vous autres ! Quel mot
troublant et inconcevable !
« La catastrophe est
si énorme que ce qui ne peut absolument pas souffrir souffre néanmoins et
pleure. La Béatitude sanglote et supplie. La Toute-Puissance déclare qu’elle
n’en peut plus et demande grâce... Que s’est-il donc passé, sinon que Quelqu’un
est mort qui ne devait pas mourir ?... »66
Si encore il était
vraiment mort comme tout le monde meurt, mais je le répète, c’était bien pis,
le Roi de France ne devant pas mourir. Et voilà plus de soixante ans que cela
continue ! J’ai là, devant moi, le portrait d’un pauvre petit enfant de 4
ou 5 ans, qu’où nomme le Prince Henri-Charles-Louis de Bourbon, Dauphin de
France. Il paraît que c’est lui qui continuera la série des Rois fantômes...
Plusieurs lettres de
Mélanie, dont quelques-unes à la Princesse Amélie de Bourbon, prouvent que la
prophétesse n’avait aucun doute sur la Survivance représentée par le prétendu
Naundorff et ses enfants. En 1881, elle nomme l’héritier direct « Roi
légitime, Roi FLEUR DE LYS » et recommande l’espérance. On sait
d’autre part que, bien des années auparavant, Maximin avait fait le voyage de
Frohsdorf et qu’une entrevue avec le Comte de Chambord avait eu pour effet la
renonciation effective de celui-ci au trône de France. Tout porte à croire, en
effet, que Maximin aurait dit à ce prétendant ce que Martin de Gallardon, en
1816, avait dit à l’infâme Louis XVIII : « Vous êtes un
usurpateur. » Le Comte de Chambord, au contraire de son fratricide
grand-oncle, n’osa pas succéder aux deux Caïns de la Restauration, mais, tout
de même, il garda les 300 millions du patrimoine royal, et les héritiers volés,
depuis trois générations, continuèrent d’être pauvres et couverts de la plus
abondante ignominie, comme l’avaient été leur père et surtout leur grand-père,
le Dauphin du Temple.
Analogie ou affinité,
correspondance ou relation mystérieuse entre le Miracle de la Salette et le
Miracle de la destinée du Fils de Louis XVI. Un roi pauvre, un roi mourant de
faim et de misère ; le fils couvert d’ordures et obstinément renié de
soixante rois, vient offrir à la France de la sauver, et on l’assassine, après
l’avoir longtemps flagellé. Nolumus hunc regnare super nos.
Aussitôt après, la vraie
Reine de France, la Souveraine à qui fut authentiquement, valablement et
irrévocablement donné ce Royaume, vient, à son tour, supplier en pleurant son
peuple et tous les autres peuples dont il est l’Aîné, de considérer le Gouffre
effroyable qui les invoque... Ne pouvant la tuer, on lui répond par la
Désobéissance, la Négation de ses paroles et la judaïque lapidation de ses
témoins. Nolumus HANC regnare super nos.
J’ai pensé, bien des fois
que la patience de Dieu est la meilleure preuve du Christianisme.
Aujourd’hui tout est-il
perdu ? N’y a-t-il plus rien à espérer ? N’est-il plus d’autres
remèdes que les châtiments ? L’auteur de ce livre en est persuadé. La
France ne veut plus de Roi, ni de Reine ni de Dieu, ni d’Eucharistie, ni de
Pénitence, ni de Pardon, ni de Paix, ni de Guerre, ni de Gloire, ni de Beauté,
ni de quoi que ce soit qui donne la vie ou la mort. Elle veut, en sa qualité de
maîtresse, et d’exemplaire des nations, ce qui n’a jamais été voulu par aucune
décadence : la parfaite stupidité dans le mouvement artificiel et
automatique. Cela se nomme le Sport, qui doit être un des noms anglais de la
Damnation.
En l’année 1864, dit le
Secret, Lucifer et un grand nombre de Démons seront détachés de l’Enfer...
On sait que Léon XIII,
frappé. de cette prédiction, a voulu que tous les prêtres catholiques
récitassent chaque jour, après leur messe, agenouillés au pied de l’autel,
cette prière assez semblable à un exorcisme :
SANCTE MICHAEL,
ARCHANGELE, DEFENDE NOS IN PRAELIO : CONTRA NEQUITIAM ET INSIDIAS DIABOLI
ESTO PRAESIDIUM. IMPERET ILLI DEUS, SUPPLICES DEPRECAMUR ; TUQUE, PRINCEPS
MILITIAE COELESTIS, SATANAM ALIOSQUE SPIRITUS MALIGNOS QUI AD PERDITIONEM
ANIMARUM PERVAGANTUR IN MUNDO, DIVINA VIRTUTE IN INFERNUM DETRUDE. AMEN.
Chapelle de Notre-Dame de la Salette de Vindefontaine - Vitrail d'entrée
APPENDICES
PIÈCE JUSTIFICATIVE
Le document qui suit, écrit de la main de Mélanie, fera connaître la source des
calomnies sans cesse répétées, depuis trente ans, contre le Secret, la Règle de
la Sainte Vierge, la Voyante et sa Mission.
« (Cusset, Allier),
ce 28 février 1904 67
À Monsieur l’abbé H
Rigaux,
Curé d’Argœuves
par Dreuil-les-Amiens (Somme)
Mon très Révérend et très cher Père,
Que Jésus soit aimé de
tous les cœurs !
Je vous vous promis, cela
plaisant à Dieu, de mettre par écrit mon voyage à Rome, ce qui l’a précédé, le
Congrès tenu au nom du Saint-Père par son Éminence le Cardinal Ferrieri, Préfet
de la Congrégation des Évêques et Réguliers, ce qui s’y est dit, mon audience
privée auprès du Saint-Père et ce que nous avions dit, mon entrée chez les
Salésianes (Visitandines), puis ma sortie et ce qui a suivi.
Jusqu’à présent, je n’ai
pas pu écrire cela, par cause de maladie. Que le bon Dieu soit béni de
tout !
I
En l’an de grâce 1878 et,
je crois, en octobre, un matin après la Sainte Messe, le Révérend Père Fusco me
dit avoir lu dans un journal l’intention de Mgr Fava, évêque de Grenoble, de
venir à Rome pour faire approuver sa règle pour les Pères et pour les Sœurs de
la Montagne de la Salette.
À cette nouvelle je
dis : – Pour avoir ma conscience nette, je vais me hâter d’écrire la Règle
de la Très Sainte Mère de Dieu et l’envoyer au Saint-Père. – Je la porterai
moi-même à Rome, dit le Père Pusco. – Et tout se fit comme nous avions dit.
Un mois environ s’était
écoulé, quand un dimanche, mon saint Évêque, Mgr Pétagna, me fit savoir qu’il
désirait me parler. Je me rendis à l’Évêché. En montant les escaliers, je
rencontrais des bons vieux chanoines qui versaient des larmes et
disaient : – Il aurait mieux fait de rester dans son diocèse et ne pas
venir tuer notre Évêque. Si ce n’était sa soutane je l’aurais pris pour un
gendarme hautain, impérieux. – D’autres chanoines me dirent : – Par
charité, faites finir les cruelles instances de l’Évêque de Grenoble auprès de
Mgr Pétagna déjà assez malade. – Je demandai la raison des ordres que
l’évêque de Grenoble donnait à mon saint Évêque. On me dit : – L’Évêque de
Grenoble, avec un air de puissante autorité, ordonne à notre saint
Évêque de vous obliger, de vous contraindre d’aller dans son diocèse, etc.,
etc. – J’entre, et, pour la première fois, je voyais Mgr Fava.
L’Évêque de Grenoble
était accompagné d’un prêtre, que je sus, plus tard, être le Père Berthier, un
des missionnaires de la Salette.
Mgr de Grenoble me dit
entre autres choses banales, indifférentes, qu’il avait entendu dire que
j’étais ici et qu’il était venu de bien loin pour me voir. – Je le remerciai. –
Mon saint Évêque, déjà malade, se sentait épuisé et avait besoin de repos et
surtout de tranquillité d’esprit. Un domestique vint lui dire que sa chambre
était préparée, s’il avait besoin de se reposer. Alors, mon saint Évêque me
dit : – Mgr de Grenoble et le R. Père Berthier prendront leur repas chez
vous, parce que, ici, depuis que je suis si souffrant, on ne prépare rien, on
ne se met plus à table. – Je dis à mon saint Évêque, en lui exprimant mon
regret pour son état maladif, que je le remerciais de l’honneur qu’il me
procurait d’avoir Monseigneur et ce digne Prêtre chez nous, et le priai de me permettre
de me retirer, afin que chez moi on pût préparer le nécessaire. – Mon saint
Évêque, remarquant le mutisme de Mgr Fava sur ce qu’on venait de combiner, crut
qu’il n’avait pas compris. Il le répéta une deuxième fois, puis, une troisième
fois, et je revins chez moi afin de tout préparer pour le déjeuner de midi.
À midi, arrive Mgr de
Grenoble avec le P. Berthier. Sa première parole fut : – Je suis venu à
Rome pour trous raisons : pour faire approuver ma règle pour les Pères et
pour les Sœurs, pour obtenir le titre de Basilique à l’Église de la montagne de
la Saiette, et faire faire une NOUVELLE STATUE de Notre-Dame, semblable au
modèle que j’ai apporté ; parce que, voyez-vous, aucune statue ne
représente bien la Sainte Vierge, qui ne devait pas avoir un fichu ni un
tablier ; et tout le monde murmure et désapprouve ce costume des femmes de
la campagne. Le modèle que j’ai fait exécuter est bien mieux ! D’abord,
elle ne portera pas de croix parce que, voyez-vous, cela attriste les pèlerins,
et la Sainte Vierge ne devait pas avoir de croix 68...
– Je passe, ma plume se refuse à faire savoir, en détail, tout ce que sa
Grandeur a dit. J’étais effrayée ; c’est à peine si j’ai pu lui
dire : – Et, au bas de votre statue, Monseigneur, vous écrirez en grosses
lettres : Vierge de la vision de Mgr Fava ! – On appela
pour nous mettre à table.
Après le repas, l’Évêque
de Grenoble ouvrit un balcon pour voir la campagne et surtout le Vésuve que
nous avions en face. Sa Grandeur me demanda qui nous avions pour voisin à côté
de nous. Je lui répondis que nous étions seules.
– Oh ! mais vous
êtes princièrement logées ! – Et il se mit à parcourir les pièces. Il
sortit sur la terrasse qui servait, quand il ne pleuvait pas, de lieu de
récréation à mes élèves. Il contempla encore longtemps le Vésuve, la mer et le
paysage... Après quoi il rentra, non sans avoir ouvert et examiné ma chambre de
travail ; et, en voyant tant et tant de lettres sur mon bureau, il me
dit : – Mais votre correspondance est bien plus nombreuse que la
mienne ! D’où vous viennent toutes ces lettres ? – De toute l’Europe,
Monseigneur. – Vous êtes logée dans un palais trop beau ! Sans sortir,
vous avez de quoi vous promener...
Après environ trois
quarts d’heure ou une heure, Monseigneur dit qu’il allait souhaiter le bonsoir
à Mgr Pétagna, puis reprendre le train pour Rome : – Oh ! elle sera
ravissante de beauté MA statue : toute en marbre, avec un beau manteau qui
l’entoure ; pas de souliers, pas de crucifix, cela attriste trop ; la
Sainte Vierge ne devait pas être accoutrée comme vous avez dit. – Eh !
bien, Monseigneur, lui ai-je dit, si le bon Dieu m’envoyait sa Providence, je
ferais faire une peinture, ou la Très Sainte Vierge Mère de Dieu serait
représentée au milieu de deux resplendissantes lumières, et vêtue telle qu’elle
est apparue sur la Montagne de la Salette. – Et Mgr Fava s’en alla ainsi que le
P. Berthier.
Dans l’après-midi
avancée, à mon grand étonnement, une personne envoyée par mon saint Évêque vint
me dire que mon saint Évêque avait quelque chose à me communiquer.
Je demandai à cette
personne si Mgr de Grenoble était parti. – Heureusement il partait,
répondit-elle, quand un messager a ouvert la porte et remis à Mgr Pétagna un
pli venant de Rome pour vous être communiqué. Alors, cet Évêque Carbonaro est
rentré, et il voulait absolument savoir le contenu de la dépêche. Il fait bien
de la peine à notre Monseigneur. – Je partis avec la même personne pour l’Évêché.
Arrivée à la porte je lui
dis : – Sans doute que Mgr l’Évêque de Grenoble sera resté : entrez,
et dites à notre Mgr Pétagna que la personne l’attend. – Ainsi fut fait.
Mon saint Évêque vint à
moi avec la dépêche et, à demi-voix, il me dit à peu près ceci : – Le
Saint-Père désire vous parler. Voici la dépêche en ce qui vous concerne :
« Si Mélanie n’est
pas malade et qu’elle paisse venir à Rome, Sa Sainteté voudrait lui parler. Si
elle ne peut pas venir, qu’elle envoie tout ce qui se rapporte à la fondation
du nouvel Ordre religieux des Apôtres des derniers temps. »
Je demandai à Monseigneur
quand il voulait que je parte.
– C’est aujourd’hui
dimanche, dit-il, et aussi trop tôt à cause de vos préparatifs. Il n’y a rien
qui presse.
À ce moment 1’Évêque de
Grenoble s’amène et dit : – Monseigneur, je crois que vous avez dit à
Mélanie toute la dépêche, vous pouvez bien me la dire à moi.
Et mon saint Évêque
répondit humblement : – Excusez-moi, Monseigneur, il y a, dans la dépêche,
des choses pour elle et pour moi. Ce qui n’est pas un secret, c’est qu’elle est
mandée à Rome.
– Ah bien ! Et
savez-vous pourquoi ? ce qu’elle va y faire, Monseigneur ?
Silence de mon saint
Évêque.
– C’est très bien, nous
partirons ce soir ensemble.
Alors je dis : – Je
ne voyage pas le dimanche.
Mgr de Grenoble : –
Mais vous devez obéir au Pape !
– Le Saint-Père ne m’a
pas dit de partir au reçu de la dépêche.
Regardant mon saint
Évêque, il lui dit : – Il faut lui commander de partir ce soir avec moi,
Monseigneur.
– Monseigneur, elle ne
peut partir comme cela. Il faut bien, si elle a quelque chose à préparer, lui
en donner le temps.
– Obéissez !
obéissez ! Vous savez que je suis l’Évêque de Grenoble ! et j’ai tant
de choses à vous apprendre, à vous dire et à vous demander. Voyez, c’est ce soir,
à dix heures, que nous devons prendre le chemin de fer pour Rome. Vous vous y
trouverez, n’est-ce pas ?
– Je ne sais pas,
Monseigneur.
– Ah ! mais il le
faut !... Monseigneur, s’écria-t-il, obligez-la, commandez-lui de partir
ce soir avec moi.
Mon saint Évêque, pâle
comme la mort, lui répondit : – Je n’ai pas l’art de commander aux
personnes qui obéissent au moindre signe. Pas plus que le Saint Père je ne puis
savoir si elle a quelque préparatif à faire avant son départ.
Pour en finir, je dis que
je me retirais. Il était nuit.
L’Évêque de Grenoble en
me disant : « Au revoir, à dix heures ! » rentra dans le
salon, et je pus parler et prendre l’obéissance de mon saint Évêque qui me
dit : – Monseigneur de Grenoble me conduira dans la tombe. Si vous pouvez,
partez ce soir pour me l’enlever d’autour de moi. Je vous donnerai le Père
Fusco et votre compagne. Vous partirez quand vous pourrez, ce soir, et que le
bon DIEU vous bénisse.
Arrivée chez moi, nous
nous concertons, croyant que je ne resterais que deux ou trois jours à Rome.
Comme j’y avais envoyé la Règle de la Mère de DIEU depuis environ un
mois : – Je crois, dit le Père Fusco, que vous êtes mandée pour s’entendre
au sujet de la fondation des Apôtres des derniers temps. Car l’Évêque de
Grenoble nous a dit à l’Évêché, qu’étant allé à la Sacrée Congrégation des
Évêques et Réguliers pour qu’on se hâte d’approuver sa Règle, le cardinal
Ferrieri lui avait fait entendre qu’en ce moment il était très occupé, et que
Monseigneur pouvait, pendant au moins huit jours, passer son temps à visiter
les monuments de Rome et des environs. Voila pourquoi l’Évêque de Grenoble est
venu ici.
Nous combinâmes alors de
prendre à Castellamare le train de neuf heures du soir.
À dix heures, nous étions
à Naples. Nous dûmes attendre le train qui partait pour Rome. Permission de
Dieu !... l’Évêque de Grenoble arrive tout essoufflé :
– Il y a une demi-heure
que je vous cherche ! Eh bien, venez, nous allons prendre place.
Je remerciai Monseigneur
et lui dis que nous voyagions toujours en troisième classe.
– Mais, dit-il, est-ce
qu’il y a quelqu’un avec vous ?
– Un prêtre et ma
compagne, Monseigneur.
– Ils peuvent se mettre
dans un autre wagon, dit Monseigneur. Donnez-moi votre billet, j’y ferai
ajouter un supplément de première classe.
Je lui dis que mon saint
Évêque ayant eu la bonté de me donner ces personnes pour m’accompagner, je ne
pouvais pas m’en séparer.
Presque fâché,
Monseigneur dit : – Je paierai encore un supplément pour eux. Mais
savez-vous pourquoi vous êtes mandée à Rome ?
Je répondis : – Non,
et je ne m’en inquiète pas.
Nous partons. L’Évêque de
Grenoble qui avait tant de choses à dire, ne me dit rien. Mais j’étais bien
peinée de voir que le Père Fusco et ma compagne étaient regardés de travers, et
on aurait dit avec colère.
Le P. Berthier n’avait
pas l’air satisfait : il n’avait pas réussi, en fermant la portière, afin
que mes compagnons ne pussent monter dans notre compartiment : aussitôt la
porte s’était ouverte, et le P. Fusco, en entrant, avait dit :
– Excusez-moi, Monseigneur,
si je prends la liberté d’entrer ici, c’est pour me conformer à notre Mgr
l’Éveque de Castellamare, qui désire que je ne quitte pas Sœur Marie de la
Croix.
Et l’Évêque de Grenoble
n’avait rien répondu.
Lundi, à sept heures du
matin, nous arrivions à Rome, et là, nous nous séparâmes. Monseigneur et le P.
Berthier s’en allèrent au Séminaire Français, il me semble ; et nous fûmes
dans une église, où le P. Fusco célébra la Sainte Messe. Après, nous fûmes
loger dans un hôtel, ou nous demeurâmes, je crois, plus de huit jours.
Dès le premier jour, je
fis annoncer mon arrivée au cardinal Ferrieri pour me mettre à sa disposition.
Son Éminence me fit dire qu’il m’avertirait d’avance pour le jour qu’il aurait
besoin de moi.
Nous étions donc en
liberté, tous les jours après la Sainte Messe ; et nous passions les
après-midi agréablement en Dieu, en visitant les belles églises de la Maggiore,
di S. Paulo hors les murs, l’Église qui a un grand tableau représentant
Notre-Dame de la Salette, et les Catacombes. Mais nos premières visites furent
aux personnages connus de nous pour être très croyants, très dévots à
Notre-Dame de la Salette, par exemple, les cardinaux Consolini et Guidi, qui,
gracieusement, m’offrirent leurs services dans n’importe quelles circonstances.
Et je leur remis, à l’un comme à l’autre, une copie du Secret que je voulais
publier avec l’Imprimatur de Mgr Pétagna, mon saint Évêque de Castellamare
di Stabia.
L’Évêque de Grenoble,
avec une bouté grande, envoyait tous les jours, souvent deux fois par jour, le
P. Berthier pour prendre de nos nouvelles ; et surtout ce dernier
s’informait beaucoup auprès du Maître d’hôtel, si nous nous absentions souvent,
si nos absences étaient longues, s’il savait où nous allions, ce que nous
faisions et si nous recevions des visites. Un jour, je crois, le troisième, le
maître d’hôtel nous dit :
– Le prêtre qui vient
tous les jours et qui est avec l’Évêque de Grenoble, est venu me dire de la
part de cet Évêque, qu’il se chargeait de me payer toutes les dépenses que vous
ferez ici, et pour tout le temps que vous resterez à Rome.
Pour ne plus y revenir,
je dis ici que, lorsque je dus entrer chez les Salésianes et mes compagnes
retourner à Castellamare, je priai le maître d’hôtel de vouloir bien faire
tenir la note de notre dépense à l’Évêque de Grenoble. L’Évêque répondit qu’il
ne connaissait pas cette note69.
Le maître d’hôtel lui rappelle la promesse qu’il lui avait faite par deux fois.
L’Évêque ne voulut rien entendre. Ce pauvre maître d’hôtel n’en revenait pas
d’étonnement. Je pris alors la note et je payai, tout en consolant ce pauvre
monsieur.
Il faut encore dire ici
ce que je n’ai su de bonne source qu’après. Mgr de Grenoble ne perdit pas son
temps après notre arrivée à Rome. Il se rendait dans les Sacrées Congrégations,
chez des Cardinaux, des Évêques, pour savoir dans quel but, pour quelle raison
la Bergère de la Salette « a été mandée à Rome ». Et s’il n’obtenait
pas satisfaction, il allait s’informer ailleurs. Quelqu’un lui dit que le
Cardinal Ferrieri avait la Règle que la Sainte Vierge a donnée à Mélanie, et
que « le Secrétaire du Cardinal Ferrieri, Mgr Bianchi, doit être bien pour
savoir ces choses ». Quand l’Évêque de Grenoble eut cette lumière, il
chercha Mgr Bianchi, qui lui annonça qu’il y avait un congrès pour cette
affaire. L’Évêque de Grenoble reconnut en Mgr Bianchi l’homme capable de
l’aider pour combattre contre « la Règle de Mélanie ». L’Évêque de
Grenoble chercha (ou acheta, m’a-t-on dit) d’autres prélats.
II
Vers la fin de la
semaine, le Cardinal Ferrieri me fit dire le jour et l’heure que j’étais
attendue. Nous arrivons dix minutes plus tôt. Nous restâmes pendant ce temps
dans la salle d’attente. À chaque instant on sonnait : c’étaient toujours
des Évêques, et la personne chargée de la porte leur disait :
– Son Éminence ne reçoit
pas : il y a un Congrès extraordinaire...
Ce fut là, pour la
première fois, que je sus que je venais à un Congrès. Il y eut deux ou trois
Évêques, l’un après l’autre, qui insistèrent pour entrer, et l’un d’eux disait
avoir été invité par l’Évêque de Grenoble. On ne les laissa pas entrer.
L’heure est passée,
l’Évêque de Grenoble ne venait pas. Le Cardinal Ferrieri me fit entrer et
m’asseoir à côté de lui ; tandis que son secrétaire, Mgr Blanchi,
feuilletait des papiers.
Le Cardinal me dit :
– Y a-t-il longtemps que
vous n’êtes pas allée sur la montagne de la Salette ?
– J’y suis allée en 1871.
– Les connaissez-vous,
ces religieux et leur genre de vie ?
– Je ne connais pas leurs
personnes : ils ne m’ont jamais adressé la parole ; pas même pour se
renseigner sur la sainte Apparition. Quant à leur genre de vie, privée ou
publique, par entendu dire, ils ne sont que des médiocres séculiers, sans foi,
sans zèle, ne s’occupant qu’à amasser de l’argent, jaloux, calomniateurs et de
cœur dur. Cela m’humilie, Éminence, parce que c’est bien plus fort que cela, ce
que je ferais et serais, sans la Divine grâce.
– Avez-vous vu ?
Avez-vous été témoin de quelque chose qui ne soit pas selon Dieu ?
– Je dirai, Éminence, ce
qui m’a frappée, ce qui m’a péniblement impressionnée. C’était, je crois, en
1854. Pendant que l’Évêque de Grenoble cherchait le moyen de se débarrasser de
moi par l’exil, il m’envoya pour environ un mois sur la montagne de la Salette.
C’était en février. Malgré la neige et le mauvais chemin, tous les jours,
quelques pèlerins arrivaient à dos de mulet. Un jour arriva une riche dame.
Alors tous les Pères allèrent à sa rencontre avec force cérémonies ; et
comme le muletier voulait entrer, aussi, parce qu’il était porteur des bagages
de cette dame et que, d’ailleurs, il avait besoin de se reposer et de prendre
quelque chose, un Père prit le bagage et ferma brusquement la porte au nez du
pauvre muletier, qui était transi de froid. Il vint entendre la Messe à genoux.
Vers la fin du Saint Sacrifice, cet homme tomba avec fracas. Je vais à lui pour
l’aider à se relever et le fais asseoir. Or, ni les Pères, ni les personnes
attachées à leur service ne se déplacèrent ; ni, après la messe, ne lui
offrirent quelque chose à boire. Ah ! si j’ai regretté d’être trop pauvre,
c’est ce jour-là, je n’avais pas un centime ! Je descends et rencontre Mme
Denaz, qui me dit :
– Allez à la cuisine,
vous y trouverez votre café.
J’y cours, je prends ma
tasse et vite la porte à ce pauvre homme. Après, en me remerciant, il me
dit :
– Vous m’avez remonté.
Quand je suis parti de corps, c’était trop matin. Et puis, marcher dans la
neige pendant trois heures, c’est fatigant. Cette Dame m’avait bien dit de
demander quelque boisson aux Pères et à sa charge ; ils ne m’ont pas
laissé entrer, et vous allez voir qu’ils se feront bien payer pour ce que je
n’ai pas pris. C’est toujours comme cela que font ces Pères ; aussi ils ne
sont pas aimés.
Je reporte ma tasse et
Mme Denaz (elle était la belle-sœur d’un des Pères) me dit :
– Je suis sûre que vous
n’avez pas pris votre déjeuner, que vous l’avez fait prendre au muletier. Si
vous restez longtemps ici, la maison serait bien vite sans ressources et nous
serions réduits à manquer de tout.
Quelques jours après,
parmi les pèlerins qui arrivèrent, se trouvait un pauvre qui demandait l’aumône
aux étrangers. Par cas, je me trouvais dans le magasin des Pères, quand le
pauvre mendiant, avant de quitter la Sainte Montagne, voulut acheter une simple
médaille de Notre-Dame de la Salette. La personne qui tenait le magasin met la
médaille sur le comptoir : le pauvre la prend et la baise avec amour, et
la personne prend le sol, mais s’aperçoit que ce n’est qu’un demi-sol !
Vite, vite, elle rappelle le pauvre, lance contre lui son demi-sol, et se fait
rendre la médaille (les demi-sols étaient alors en circulation dans tous les
commerces de France).
Le pauvre avait beau dire
qu’il n’avait que ce demi-sol, la personne était inflexible. Pour en finir, je
donnai le sol et pris la médaille que je donnai à cet homme. Là-haut, on ne
sait pas, quand on donne aux pauvres, qu’on prête à DIEU.
Par cette occasion de me
trouver dans le magasin des Pères, je voulus m’assurer si, comme ils me
l’avalent dit, ils ne vendaient absolument que des objets de piété. J’y trouvai
des bijoux pour ornements des dames, des tabatières, etc., etc.
Il me semble, Éminence,
que sur ce lieu saint, où la Très Sainte Vierge a versé tant de larmes, où elle
nous a rappelé l’observance de la sanctification du dimanche, il me semble,
dis-je, que si ces Pères étaient pénétrés de la hauteur de leur mission, ils
sacrifieraient leur avarices et seraient les premiers à donner le bon exemple,
en fermant leurs marchandises les saints jours de repos.
Voici Mgr de Grenoble qui
arrive : il salue en militaire avec la main au front. Il y a une petite
discussion à la porte : c’est le P. Berthier qui veut entrer. On ferme la
porte, et tous, nous nous asseyons. Le Congrès commence.
Le cardinal Ferrieri
dit :
– Eh bien !
Monseigneur, on dit que vous avez fait une Règle pour vos missionnaires.
– Oui, Éminence.
– Et saviez-vous que la
Sainte Vierge en avait donné une à Mélanie ?
– Oui, Éminence, mais ma
Règle est bien autre que celle de Mélanie.
– Et comment vous est-il
venu en tête de faire une Règle, tandis que vous saviez que la Très Sainte
Vierge en avait donné une à Mélanie ?
(SILENCE DE Mgr FAVA.)
– Mais au moins, vous
avez consulté Mélanie pour faire votre Règle ?
(SILENCE DE Mgr FAVA.)
Le cardinal s’adressant à
moi me dit :
– Est-ce que Monseigneur
ne vous a pas consultée quand il fit sa Règle ?
– Non, Éminence, jamais.
– Eh bien ! nous
ordonnons que Mélanie aille sur la Montagne de la Salette, avec la Règle qu’elle
a reçue de la Sainte Vierge, et qu’elle la fasse observer par les Pères et les
Religieuses.
– Éminence, dit Mgr Fava,
je n’accepterai la Règle de Mélanie que quand l’Église m’aura prouvé qu’elle
vient de la Sainte Vierge.
Et Mgr Bianchi,
secrétaire, qui, selon les lois et les Règles ecclésiastiques, n’était ici que
pour écrire les demandes, objections et réponses, mais vendu, dit :
– Éminence, vous ne savez
pas que les Religieuses sont comme cela avec Mélanie ?
En disant ces paroles, il
mit ses deux index l’un vis-à-vis de l’autre, en les faisant battre.
Alors je dis :
– Je n’ai jamais parlé
avec les Sœurs qui sont là-haut. Comment pouvons-nous être en désaccord. Je
l’ignore.
Son Éminence me demanda
ce que je pensais de ce que venait de dire Monseigneur de Grenoble.
– Je me soumets en tout
aux décisions de la Sainte Église !
Je compris bien, après,
que j’aurais dû dire : « aux décisions du Saint-Père ». Ma bévue
a été grande.
Monseigneur, désireux de
savoir pourquoi les prélats qu’il avait achetés comme avocats n’étaient pas
venus, s’en alla, et, restée seule, je témoignais de mon étonnement, au
cardinal Ferrieri, de la solennelle rébellion de Mgr Fava contre la décision du
Saint-Père. Il me dit :
– Que
voulez-vous, les Évêques français sont tous des Papes ! Nous
sommes obligés de les ménager pour ne pas occasionner un schisme. Ils ne sont
pas Romains Papistes. Nous les supportons pour éviter un plus grand mal...
Ah ! si vous s’aviez combien nous avons à souffrir de leur part.
Pour faire comprendre ce
qui suit de la relation du Congrès, je dois dire que, depuis quelques mois,
deux ou trois bons prêtres, désireux de se dévouer à l’œuvre des Apôtres des
Derniers Temps, vivaient en communauté dans le premier étage du même palais que
nous. Nous habitions le second étage, dans une autre aile du palais. – Il est
bien, il me semble, inutile de dire que tout se faisait avec la bénédiction de
Mgr Pétagna, de glorieuse mémoire. – Et pendant deux ou trois ans, j’ai payé le
loyer de cet étage, avec les subsides que j’avais reçus pour la fondation de
cette œuvre de la Mère de DIEU.
Ces bons Pères vivaient
dans la retraite, la pénitence, la prière et l’étude sacrée. Ils ne montaient
chez nous que pour les repas. – Un de ces Pères vit encore : on peut le
consulter si on a quelque doute. – De tout cela je n’avais rien dit, ni rien
laissé suspecter à l’Évêque de Grenoble, lorsqu’il vint chez moi à Castellamare
di Stabia ; mais je pense que le fin Père Berthier ne perdait pas son
temps, pendant que je m’entretenais avec Mgr Fava, et qu’il aura fait des
questions aux personnes de la maison, et aussi à d’autres personnes qui, avec
la meilleure bonne foi, l’auront mis en lumière. C’est pourquoi Mgr Bianchi,
dès que le cardinal Ferrieri eut terminé et qu’il se levait de son siège, dit :
– N’est-ce pas, Éminence,
qu’il ne faut pas élever autel contre autel ? On dit que Mélanie a des
prêtres, tandis qu’il y a les bons missionnaires sur la montagne de la
Salette : elle élève autel contre autel.
– Oh ! non, dit
simplement son Éminence.
Et je dis :
– Je ne crois pas,
Monseigneur, élever autel contre autel. Les Pères de la Salette sont
missionnaires de la Saiette, tandis que ceux d’Italie sont les missionnaires de
la Mère de DIEU, et ils observent sa Règle.
– C’est mal, c’est mal,
il ne faut pas faire cela, dit Mgr Bianchi.
Et nous nous
séparâmes : le Congrès prit fin.
En sortant, je retrouvai
mes compagnons dans l’antichambre. Ils me racontèrent les vives instances du P.
Berthier pour assister au Congrès, comme avocat de Mgr Fava, ainsi que la
fâcheuse mine de ce dernier, quand, en entrant, il ne trouva pas les Évêques
qu’il avait invités. Par deux fois il demanda si un tel et un tel Évêque
n’était pas venu. On lui répondit que beaucoup d’Évêques étaient venus, mais
n’étaient pas entrés. Comme s’il eût été furieux, il avait repris :
– C’est moi qui leur ai
dit de venir ; ils l’avaient promis : ils étaient engagés.
Et s’adressant à la
personne qui avait gardé la porte :
– Peut-être que les
évêques sont venus. Pourquoi ne sont-ils pas entrés ?
– Parce que j’avais la
consigne de ne laisser entre personne, Excellence.
III
Comme toujours, le Père
Berthier vint à notre hôtel prendre de nos nouvelles.
Le jour après, l’Évêque
de Grenoble m’envoya chercher par le Père Berthier : Sa Grandeur voulait me
faire visiter le... je ne sais pas précisément si c’est le Collège ou le
Séminaire Français : c’était là que logeait l’Évêque de Grenoble, et où
les femmes n’entre jamais. Mais Monseigneur se faisait fort contre tous les
règlements.
Le P. Berthier croyait
sans doute, et de bonne foi, que Lui, étant venu me chercher, je serais allée
seule avec lui. Mes fidèles compagnons de voyage se trouvèrent à partir avec
moi. Nous entrâmes dans le parloir, où Mgr de Grenoble attendait ; et son
déplaisir, en voyant que je n’étais pas seule avec le P. Berthier, se manifesta
sensiblement à nos yeux.
– Eh bien, me dit-il,
vous voilà. Attendez un instant. Je vais solliciter la permission
pour vous au supérieur ; puis nous visiterons le Séminaire.
Et il s’éloigna.
Pendant ce temps, je
pensais :
– Monseigneur n’obtiendra
pas la permission. Il me semble que c’est bien ici que se trouve ce Directeur
(ou professeur) qui ne croit pas à la Salette ; il fait même du mal aux
séminaristes.
Je vois revenir
Monseigneur. À son allure, je vois qu’il n’est pas satisfait. Il dit quelques
paroles à voix basse ; puis il vint à moi ; puis il me fit retirer à
part, et me demanda ce que j’allais dire au Pape.
– Je n’en sais rien,
Monseigneur, car cela dépendra de ce que le Saint-Père me dira ou me demandera.
– Mais vous devez bien
savoir un peu ce que le Pape vous dira ?
– Non, Monseigneur. Je
n’ai pas encore pensé de penser à ce que me dira le Saint-Père.
– Ah ! vous n’êtes
donc pas instruite : vous ne savez donc pas que le Pape est une personne comme
une autre : et l’on doit penser, préparer ce que l’on a à lui dire.
– Ne sachant pas sur quel
sujet, ni sur quoi le Saint-Père daignera me parler, je ne puis penser ;
je m’abandonne, tout à la sainte volonté du bon Dieu.
– Eh ! bien,
écoutez-moi bien. J’ai ici quelques billets de cent francs pour VOS MENUS
PLAISIRS. Si le Pape voulait vous faire faire quelque chose ; à tout vous
répondrez au Pape : que vous ferez comme voudra l’Évêque de Grenoble et
tout de la manière que voudra l’Évêque de Grenoble. Et si le Pape vous disait
d’aller à tel endroit et faire telle chose ; vous lui direz :
« Je veux aller là où l’Évêque de Grenoble me dira d’aller ; je veux
dépendre en tout de l’Évêque de Grenoble, qui est mon VÉRITABLE SUPÉRIEUR. » Et
ces billets de banque sont pour VOS MENUS PLAISIRS.
Je répondis :
– Monseigneur, je ne
dirai au Très Saint-Père que ce que ma conscience me dictera au moment même que
j’aurai l’insigne faveur de lui parler. Vos raisonnements sont bons,
Monseigneur, mais ils ne sont pas les miens.
Et l’Évêque de Grenoble
qui m’offrait (mais il tenait toujours les billets de banque sur l’ourlet, sur
le bord de son portefeuille), se mit à les renfermer soigneusement. Et nous
nous séparâmes. Et il n’envoya plus à l’hôtel prendre de nos nouvelles.
En nous en retournant à
notre hôtel, mes compagnons me dirent :
– Pourquoi l’Évêque de
Grenoble tenait-il en mains son portefeuille ouvert, tout le temps qu’il vous
parlait ?
– C’est que son
Excellence voulait m’acheter. Le marché n’a pas réussi : il a gardé ses
billets de banque, et moi ma liberté de conscience.
Depuis ce jour, je ne
revis plus l’Évêques de Grenoble, ni le Père Berthier.
IV
Ce fut, ce qu’il me
semble, le trois Décembre, que j’eus la grâce d’une audience avec le
Saint-Père Léon XIII.
Mes deux compagnons
m’avaient sollicitée de demander à Sa Sainteté la faveur de lui baiser les
pieds. Hélas ! Hélas ! l’entourage du Saint-Père était prévenu contre
nous !... Le Saint-Père seul ignorait les intrigues, et de cela j’avais
parlé à Son Éminence le cardinal Guidi, avant de me rendre chez le Saint-Père
au Vatican.
Le Saint-Père me reçut
avec bonté et me dit en bon français :
– Bien ! vous allez
partir tout de suite pour la montagne de la Salette, avec la Règle de la Très
Sainte Vierge, et vous la ferez observer aux prêtres et aux religieuses.
(Ces paroles du
Saint-Père confirmèrent ma pensée, que le Saint-Père n’avait encore rien su de
ce qui s’était passé au Congrès.)
– Que suis-je, Très
Saint-Père, pour oser m’imposer ?
– Oui, je vous dis :
Vous allez partir avec Monseigneur de Grenoble, et vous ferez observer la Règle
de la Sainte Vierge.
– Très Saint-Père,
permettez que je vous dise que depuis longtemps, ces prêtres et ces religieuses
vivent de la vie plus que séculière ; et qu’il leur sera très, très
difficile de se plier à une Règle d’humilité, d’abnégation. Il me semble plus
facile de faire cette fondation avec des personnes séculières de bonne volonté,
plutôt qu’avec toutes celles qui sont sur la montagne, et qui sont loin d’être
de bons chrétiens.
– Écoutez. Vous allez
aller là-haut avec la Règle de la Sainte Vierge, que vous leur ferez connaître.
Et ceux- qui ne voudront pas l’observer, l’Évêque les enverra dans quelque
paroisse.
– C’est bien, Très
Saint-Père.
– Vous allez donc partir,
et partir tout de suite. Mais comme, pour l’ordinaire, quand le bon Dieu daigne
donner un règlement de vie monastique, il donne, il communique à la même
personne l’esprit dans lequel doit être observé le Règlement, c’est pourquoi il
faut que vous l’écriviez, quand vous serez à Grenoble, avant de monter sur la
montagne de la Salette, et que vous me l’envoyiez.
– Oh ! Très
Saint-Père, de grâce, ne m’envoyez pas à Grenoble, sous Mgr Pava ; parce
que je n’aurai pas ma liberté d’action.
– Comment, comment
cela ?
– Mgr Fava m’ordonnerait
d’écrire comme il veut, non comme veut l’Esprit-Saint.
– Mais non ! mais
non ! Vous vous mettrez seule dans une chambre et vous écrirez. Quand vous
aurez écrit bien des pages, vous me l’envoyez à MOI.
– Très Saint Père,
pardonnez si j’ose vous manifester mes difficultés ; quand j’aurai écrit
deux pages, Monseigneur de Grenoble m’ordonnera de les lui remettre, et sous
prétexte de mieux faire, il changera le tout, en m’ordonnant de copier ses
explications sur le mode de pratiquer la Règle de la Sainte Vierge.
– Oh ! mais non.
Voici ce que vous ferez : Quand vous aurez écrit partout dans une feuille,
vous la mettrez vous-même dans une enveloppe, que vous cachetez bien, et vous
mettez mon adresse comme cela : Sa Sainteté le Pape Léon XIII, que
c’est moi (sic), en mettant sa main sur sa poitrine.
– Très Saint-Père,
pardonnez si, de nouveau, j’ose manifester la répulsion que je sens en moi
d’écrire sous l’autorité de Mgr de Grenoble. Sa Grandeur décachettera mon
enveloppe, changera mes écrits, et fera copier sa réforme par une autre
personne : de sorte que ce ne seront plus mes écrits qui parviendront à
Votre Sainteté.
– Oh ! mais non.
L’Évêque de Grenoble ne ferait pas cela !
– Très Saint-Père, j’ai
passé par ces voies : le vieux serpent ne dort jamais !
– Et comment faire ?
– Envoyez-moi, Très
Saint-Père, en tout autre pays, pourvu que je ne sois pas sous l’Évêque de
Grenoble.
– Comment faire :
j’ai donne ordre que vous iriez sur la Montagne de la Salette, pour faire
observer aux prêtres et aux religieuses la Règle que la Très Sainte Vierge vous
a donnée, et qu’avant de monter, vous écriviez les Constitutions que vous
m’enverriez ? Et vous savez que quand le Pape a donné un ordre, il ne peut
pas revenir sur cela.
– Très Saint-Père, Notre
Seigneur vous a confié tout pouvoir sur la terre pour gouverner son
Église ; or la terre est spacieuse pour aller et revenir.
– Écoutez. Priez bien
cette nuit ; et demain je vous ferai dire ma décision.
– Très Saint-Père, j’ai,
dans la salle, le prêtre que mon saint Évêque de Castellamare a bien voulu me
donner pour m’accompagner dans mon voyage, et une compagne : ils
voudraient la faveur de votre bénédiction.
Aussitôt, l’Évêque
Camérier, avec ennui, dit deux paroles au Saint-Père, qui paraissaient être un
refus. Moi, ayant compris, je fis de nouveau ma demande. Enfin le Saint-Père
dit de les faire entrer.
V
Nous rentrâmes à l’hôtel.
Il était nuit. En peu de paroles j’écrivis à mon Saint Évêque, pour lui
souhaiter la bonne fête : il s’appelait XAVIER.
Le jour après, nous
sommes allés de nouveau chez son Éminence le Cardinal Guidi, pour lui rendre
compte de mon entretien avec le Saint-Père ; du mauvais effet que m’a
donné tout l’entourage de Sa Sainteté le Pape Léon XIII ; des difficultés
éprouvées pour que mes compagnons pussent se faire bénir par le Saint-Père...,
et enfin, de la décision du Saint-Père, qui était que je restasse à Rome pour
faire mes écrits, etc., etc.
Son Éminence Guidi se
montra fort étonnée et peinée de ce que le Saint-Père n’avait pas reçu sa carte
avec les quelques lignes qu’il lui avait adressées et envoyées par son
secrétaire, afin de l’avertir, de le prémunir des pièges que les révoltés de la
vérité de Notre Dame de la Salette pouvaient lui tendre.
– C’est incroyable,
disait son Éminence, qu’ils aient arrêté mon écrit adressé au Pape. Et
cependant, la personne qui a fait cela n’ignore pas la peine, la censure
qu’encourt toute personne qui se permet de s’emparer d’une lettre venant d’un
cardinal et adressée au Pape. C’est si vrai, que, même un cardinal, ne peut, en
aucune manière, briser un cachet d’une lettre, ou d’un objet d’un autre
cardinal. Ce qui m’est arrivé pour mon adresse au Pape est très grave.
Mes compagnons
racontèrent à Son Éminence ce qu’ils avaient vu avant mon audience, c’est-à-dire
les billets de banque que Mgr de Grenoble voulait me donner, à condition que le
ne dirais au Saint-Père que comme il allait me dire, lui, Évêque de Grenoble,
et qu’après avoir été instruite, j’avais élevé la voix en protestant et disant
que je ne parlerais ou ne répondrais au Saint-Père que selon ma conscience, et
ce que le Divin Maître m’inspirerait dans le moment, puis l’air courroucé de
l’Évêque de Grenoble.
Je dis, entre autre
chose, à Son Éminence, que j’avais commencé d’écrire les Constitutions, étant à
Castellamare di Stabia ; et que je désirais avoir ce cahier ; comme
aussi quelque lingerie ; parce que je ne savais pas combien de temps me
prendront ces écrits, Son Éminence, avec une paternelle bonté, dit à ma
compagne :
– Envoyez tout ce dont Mélanie
a besoin. Et vous me l’enverrez bien fermé, bien cacheté, à mon adresse que
voici.
Et, tous les trois, nous
reçûmes son adresse.
Puis son Éminence
ajouta :
– Mélanie, ayez soin,
quand vous quitterez votre chambre où vous écrirez, de bien la fermer, de
mettre la clef dans votre poche, toujours, toujours.
En sortant de chez Son
Éminence, nous nous dirigeons chez un papetier, pour acheter du papier, plumes,
encre et divers objets, que je mis dans un foulard.
Nous nous retirions à
notre hôtel, quand nous rencontrâmes le cardinal Ferrieri, accompagné de son
Secrétaire, Mgr Bianchi. Il venait me chercher pour me conduire chez les
Salésianes, al monte Palatino. Nous rentrons à l’hôtel, et là, seule avec
le bon cardinal Ferrieri, il me renouvelle de la part du Saint-Père, que
« Sa Sainteté désire que je ne reçoive personne, la curiosité des Romains
étant grande ; leurs incessantes visites au parloir m’empêcheraient
d’écrire. Elle désire que je sois parfaitement libre, tant d’écrire des lettres
et de les cacheter moi-même, que d’en recevoir sans qu’elles aient été
décachetées par qui que ce soit ».
Après nous partîmes.
(Il faut que je dise que
j’avais averti ma compagne que, si je voyais de nouvelles scélératesses, je ne
le lui ferais savoir qu’en deux mots, en langue grecque, et c’est ce qui
arriva.)
Pendant tout le trajet,
Mgr Bianchi m’exhorta à ne pas me laisser influencer par personne :
« qu’à Rome, on ne croit pas que je sois libre dans mes actions ; et
que toujours on voyait ces deux personnes près de moi, pour me donner des
ordres. Qu’elles ont trop d’influence sur moi, etc., etc. »
– Monseigneur, lui
répondis-je, Mgr l’Évêque de Grenoble a eu la preuve que je ne me laisse pas
influencer. Il a eu la preuve que je me laisse encore moins acheter,
c’est-à-dire, acheter ma liberté de conscience ; et sans aucun mépris pour
son caractère sacré, j’ai méprisé les billets de banque qu’il m’offrait, pour
que je répète au Saint-Père la leçon qu’il venait de me donner. Je désire que
DIEU l’éclaire ; qu’il entre dans la voie de la justice ; sinon il
sera foudroyé par les maîtres qu’il aura servis.
Changeant la
conversation, Mgr Bianchi me dit :
– Qu’est-ce que vous
portez là, dans ce paquet ?
– Des choses qui me sont
nécessaires.
Monseigneur me laissa.
Nous arrivions au monastère.
Son Éminence le cardinal
Ferrieri me dit :
– J’ai une lettre du Pape
pour la Communauté : pour vous présenter et vous recommander à ces bonnes
religieuses. Entres autres recommandations, Sa Sainteté leur dit que vous devez
avoir toute votre liberté, et la liberté de votre temps.
Le parloir s’ouvre. Je
remercie chaudement Son Éminence et j’entre.
Ma première visite fut au
Très-Haut, dans son Sacrement d’amour. Puis je fus conduite dans ma cellule,
vraie cellule de Visitandine, où les portes n’ont pas de serrure. Dedans, une
petite table à écrire, deux chaises et un lit. C’est tout. Donc, je ne pouvais
pas enfermer mes écrits sous clef, la sœur qui m’avait montré ma cellule
s’étant retirée pour entendre la lecture de la lettre du Saint-Père.
VI
Trois où quatre jours
après, je reçus une lettre du P. Bernard, missionnaire de la Salette.
Sans m’étendre, je dis
seulement que c’était une lettre de récriminations : « de ma
désobéissance aux ordres du Pape, etc., etc. »
J’entrevis là l’action de
Mgr de Grenoble et de Mgr Bianchi.
Je rendis grâces à Dieu
de m’avoir délivrée de leurs mains. – Et surtout lorsque je compris la manière
dont l’Évêque de Grenoble voulait se débarrasser de moi, ayant, à Grenoble, le
P. Berthier pour complice.
Après environ sept ou
huit jours, je reçus de ma compagne le cahier, les papiers, la cire pour
cacheter et un voile.
Ces diverses choses
avaient été soigneusement enfermées dans une boite en bois adressée à Son
Éminence le cardinal Guidi qui attacha de nouveau la boîte avec de forts rubans
rouges, et scella le tout, et à plusieurs endroits, avec son sceau sur cire.
Ce fut la Supérieure qui
m’apporta la boîte, en plein jour. Or elle avait été ouverte et fouillée, les
rubans étaient coupés et les cachets enlevés. J’en fis la remarque à la
Supérieure qui me répondit humblement : qu’elle était arrivée comme
je la voyais.
Déjà, j’avais remarqué
que les lettres que je recevais avaient été ouvertes ; et de Castellamare
di Stabia, on m’avait fait comprendre, en langue étrangère, que mes lettres
envoyées de Rome avaient été ouvertes au cabinet noir de Mgr Bianchi.
Je dois dire pour ne pas
laisser croire qui est innocent de bonne foi que la Supérieure n’était pour
rien dans les trames de Mgr Blanchi et de 1’Évêque de Grenoble. Elle était une
machine inconsciente dont se servait Mgr Bianchi.
J’écrivis à Castellamare,
et de là on écrivit au cardinal Guidi, qui envoya demander à la Supérieure si
elle avait reçu, pour agir comme elle le faisait, un ordre supérieur. – Elle
répondit négativement. – Il l’invita à « s’en tenir aux ordres du
Pape ».
En attendant, j’écrivais
de jour et une bonne partie de la nuit. Je désirais avoir terminé en deux mois.
Tantôt la Supérieure
venait me dire d’aller faire quelques tours dans le vaste jardin ; tantôt
elle me disait de tenir compagnie à une infirme ; tantôt d’aller visiter
les caves, les souterrains du palais des Césars ; et tantôt de venir à la
récréation. – Mgr Bianchi, qui, sans doute, voulait ma sanctification, donna de
nouveaux ordres à la Supérieure. Il est inutile de prolonger cette narration...
Quelques jours avant mon départ pour Castellamare, la Supérieure, qui déjà
m’avait dit que Mgr Blanchi venait souvent demander de mes nouvelles, vint me
faire presque des excuses : « Si, quelquefois, elle avait outrepassé
la discrétion à mon égard. » – Je l’embrassai avec affection, en
l’assurant qu’elle m’avait toujours traitée avec trop de bonté. – Elle m’ouvrit
son cœur : entre autres choses, elle me dit :
– Le Saint-Père a envoyé,
trois fois environ, le Cardinal Ferrieri pour savoir si vous écriviez ; si
personne ne venait vous visiter, et si le temps ne vous dure pas, étant
enfermée. – Son Éminence paraît vous estimer beaucoup. Il m’a demandé des
nouvelles de votre santé, il m’a recommandé de bien vous soigner. – Mgr Bianchi
est venu, très souvent, me demander bien des choses sur votre conduite dans la
Communauté. Il me semblait tout irrité quand je lui disais du bien ; et me
reprochait de ne pas assez vous faire pratiquer les vertus. Il m’avait ordonné
de lui faire tenir toutes vos lettres, et aussi celles qui vous étaient
adressées ; et, afin que vous ne voyiez pas qu’elles avaient été ouvertes,
de ne vous les remettre que le soir, quand vous étiez à table. Il m’a commandé
de vous humilier, surtout en public, de vous contrarier, de vous contredire en
tout : « Faites-la aller à vos offices. » Et dernièrement il me
dit : « Tâchez qu’elle ne donne pas d’ambassade aux personnes qui
viennent dans le Monastère. Quand elle se rend avec les religieuses,
repoussez-la, dites lui d’aller passer par où passent les mondaines. Ne lui
faites garnir sa lampe du soir, que pour une petite heure. »
Après que feus fini mes
écrits, je les fis porter au Cardinal Ferrieri pour le Saint-Père, ainsi que ma
lettre adressée au Pape, dans laquelle je lui disais que j’étais à la
disposition de Sa Sainteté, pour aller où elle me dirait d’aller.
Quinze jours passèrent et
je n’eus aucune nouvelle. Un mois passé, toujours pas de nouvelles. Mais Mgr
Bianchi est venu ces jours derniers. Je l’ai connu au zèle de la Supérieure.
Cette fois-ci, on veut me faire Visitandine, on veut me cloîtrer. Déjà j’avais
reçu cette nouvelle d’un prêtre français, à qui Mgr Fava avait écrit :
« Enfin, elle est enfermée dans un cloître, d’où elle ne sortira jamais plus ! »
– On avait compté sans le Très-Haut. Il est vrai qu’on a usé de tout le
possible et l’impossible. – J’écrivis de nouveau au Saint-Père, qui,
probablement, n’a jamais reçu mes lettres.
Je tombe malade : je
garde le lit quelques jours seulement ; mais les luttes continuaient
bravement. La Supérieure était jeune, les plus anciennes religieuses étaient à
leur aise avec elle. C’est pourquoi, lorsque la Supérieure entrait avec moi à
la récréation, une sœur dit :
– Ma Mère, Mélanie est
trop faible pour venir ici. Voyez, elle semble une déterrée.
Et voyant que la
Supérieure ne prenait pas garde, elle dit :
– Ma Mère, on nous a
confié Mélanie bien portante et voyez-la maintenant !
Un autre jour, la même
sœur lui dit :
– J’aimerais beaucoup que
Mélanie restât longtemps, et même toujours avec nous, mais pas aux dépens de sa
vie ; et vous savez comme elle nous a été recommandée. C’est devoir de
conscience d’avertir le Saint-Père du danger qu’elle court.
En attendant, la lutte
augmentait. Et par surcroît, il m’arrivait des lettres de la ville, où l’on me
traitait de désobéissante, d’entêtée, de révoltée à la volonté du chef de
l’Église et presque d’une damnée !!!
Entre temps, la
Supérieure vint me dire : « qu’il ne convenait pas que je fusse sans
voile dans la maison, tandis que les sœurs le portent. » Aussitôt je mis
sur ma tête un voile que je ne quittai plus. – Puis elle m’insinuait de me
faire Visitandine. Je lui dis que le Saint-Père Pie IX avait dit à mon saint
Évêque que, « pour remplir ma mission, je ne pouvais pas être
cloîtrée ». – Une autre fois, la sœur Placide dit à la Supérieure :
– Ma Mère, devant Dieu,
pour la paix de ma conscience, je me décharge de la responsabilité que la
Communauté avait acceptée, du soin de Mélanie, pour vous la laisser tout entière :
parce que ce n’est pas à nous de donner d’ordres à Mélanie : c’est aux
personnes qui nous l’ont confiée.
– J’ai écrit, dit la
Supérieure, j’ai écrit deux fois.
Enfin, le Cardinal
Ferrieri arriva, et entre autres choses il me dit que le Saint-Père a décidé
que je retourne à Castellamare : et que je pouvais écrire pour que
quelqu’un vienne me prendre. Ce qui fut fait.
VII
Dès que je fus en route,
hors du couvent, je demandai à ma compagne s’il y avait encore, à Castellamare,
des croyants au divin Message.
– Oui, me répondit-elle,
mais à Rome, Mgr Fava, Mgr Bianchi et le Père Berthier n’ont cessé et ne
discontinuent de semer partout calomnies criminelles et erreurs.
Ce qui se dit contre moi,
repris-je, mes péchés le méritent ; et c’est un exercice de patience pour
me bien faire entrer dans ma nullité. Quant au divin Message, il écrasera les
ennemis du Très-Haut. DIEU ne dit-il pas, par la bouche de Jérémie, que sa
parole est un feu ardent, et un marteau qui brise les pierres ? C’est
pourquoi, qui s’insurge contre la parole de DIEU ne fait autre chose que d’être
cause de la répandre davantage.
À ce moment arrivait à
nous le bon Père Trévis, qui venait à notre rencontre. Entre autres choses, je
lui dis :
– Avant de quitter Rome,
je voudrais voir la nouvelle statue de Notre-Dame de la Salette, que Mgr Fava
est venu commander.
Nous y allâmes.
Entrés dans les ateliers,
nous vîmes diverses statues ébauchées. Une seule était finie. Mais aucune ne
paraissait représenter une Vierge quelconque. Je dis au Père Trévis :
– Mais où est donc la
statue, modèle de Mgr de Grenoble ?
– La voici, me dit le
monsieur qui nous faisait visiter son atelier.
– Mais non ! mais
non ! Monsieur ; ça ne peut pas être Notre-Dame de la Salette !
Elle n’a rien qui lui ressemble.
– Cependant, dit le
monsieur, elle est exactement faite sur le modèle que vous voyez là derrière,
et que l’Évêque de Grenoble m’a donné. D’ailleurs il doit être bien renseigné
comme Évêque du diocèse où l’Apparition eut lieu.
– Sa grandeur Mgr Fava,
oui, devait être renseigné ; mais le fait est qu’il n’a jamais interrogé
aucun des deux bergers. Son modèle est donc tout entier fantaisiste : et
avec raison vous pouvez mettre sur le socle de sa statue :
« Statue de la vision privée de Mgr Fava ! » Elle ne sera jamais
la statue de Notre-Dame de la Salette, dont on ne voyait pas les cheveux, et
qui portait une grande croix sur sa poitrine. La madone, par charité, par
compassion, est venue nous enseigner en paroles et en exemple. Un jour
DIEU vengera le mépris fait à sa divine Mère !
Nous nous retirions. Le
monsieur, à voix basse, demanda à M. Trévis : « qui était cette dame
à l’air renseigné sur le costume de Notre-Dame de la Salette ? »
Comme j’allais quitter
Rome dans la soirée, M. Trévis lui dit :
– C’est la Bergère de la
Salette...
Nous nous dirigeâmes à
l’hôtel, et de là à la gare pour Naples. C’est alors que le Père Trévis et ma
compagne dirent les intrigues, les calomnies que Messeigneurs Bianchi, Fava et
le Père Berthier avaient répandues à Rome et en France par écrit. Tout cela ne
me touchait pas : c’etait tout à mon profit. Ce qui me bouleversait,
c’était la fausse statue en marbre commandée par l’Évêque de Grenoble, et qui
devait être couronnée, cette même année 1879, sur la Montagne de la
Salette !!!
– Mon DIEU ! ne
permettez pas que l’erreur de l’Évêque de Grenoble et du Père Berthier
triomphe ! Vous, à qui rien n’est impossible, arrêtez les vains complots
des ennemis de la vérité. Ayez pitié de votre peuple ; ayez pitié de
l’aveuglement de beaucoup de vos oints ; convertissez-nous tous à vous,
Seigneur JÉSUS !
Le soir, nous prîmes le
train pour Naples-Castellamare di Stabia, et ce fut pendant ce voyage que mes
compagnons m’apprirent la nouvelle guerre que les journaux noirs faisaient à la
divine Apparition, qui disaient :
« Qu’en versant
d’abondantes larmes, lorsque j’étais auprès du Saint-Père, je lui avais déclaré
n’avoir rien vu sur la Montagne » ;
Qui disaient :
« Que le Pape ne
croyait pas à l’Apparition ; et que c’est pour cette raison que le
Pape fait faire une statue qui ne représentera pas Notre-Dame de la
Salette » ;
Qui disaient :
« Le Pape ne veut
plus qu’on mette les enfants devant les statues de Notre-Dame de la
Salette » ;
Qui disaient :
« Mélanie n’a pas
voulu obéir au Pape : elle est excommuniée » ;
Qui disaient :
« Le Pape a
emprisonné Mélanie à Rome. Elle fait du tapage. Elle veut sortir, et le Pape ne
veut pas qu’elle sorte, etc., etc. »
VIII
Nous voici arrivés à
Castellamare. Une profonde tristesse me serre le cœur. Je ne retrouverai plus
Monseigneur Pétagna, mon saint Évêque.
Il avait quitté la terre
d’exil depuis quelques mois ; il était allé recevoir la noble et sublime
récompense que DIEU réserve à ses plus dignes Ministres, à ceux qui ont
combattu le bon combat pour la justice.
Quelques mois après, les
journaux et les imprimés pleuvaient de tous côtés, annonçant avec pompe :
« le couronnement de la statue en beau marbre blanc, exécutée sous les
yeux du Souverain Pontife, selon le modèle que lui avait donné Monseigneur
Fava ! »
Entre temps, je recevais
de Rome une lettre, et le jour après, j’en recevais plusieurs de diverses
personnes, de Rome aussi, qui, toutes disaient à peu près ce qui suit :
« Je ne sais, chère
Sœur, si vous avez entendu parler du bruit qui court à Rome ? On dit que,
depuis mai dernier, la nouvelle statue de Mgr de Grenoble n’a pas été
travaillée : parce que le sculpteur est atteint d’infirmité à un
bras. »
Une autre lettre :
« Savez-vous, ma
très chère Sœur, que le sculpteur de la Vierge de Monseigneur Fava a été frappé
de paralysie au bras ? »
Une autre :
« On vient de nous
apprendre que le couronnement de Notre-Dame de la Salette n’aura pas lieu cette
année, à cause d’un accident arrivé au Maître sculpteur, qui a une paralysie
dans les bras : il n’a pas pu faire à temps son travail. Ou, si le
couronnement a lieu, on couronnera le modèle en craie (plâtre), en
attendant que la statue en marbre s’achève... »
Ce qui est vrai, c’est
qu’en septembre 1879, on a couronné, avec grande pompe, le modèle (en
plâtre !) de Mgr Fava : par la raison que la reproduction en marbre
n’avait pu être terminée. On n’en disait pas la raison vraie.
De plusieurs côtés on
m’écrivait pour informations, et on me donnait les nouvelles qui circulaient en
France et qui venaient de Mgr Fava et du P. Berthier. Tantôt c’était que
« le sculpteur avait dû s’absenter ». Tantôt c’était qu’ « il
s’était trop fatigué. On lui avait ordonné un certain temps de repos, etc.,
etc. ».
Mais, dans mon cher pays
des montagnes, où les journaux ne pénètrent pas : les chemins de fer les
plus rapprochés étant à plus de quatre heures de voiture, on ne connaissait que
ce que les Pères de la Salette disaient, c’est-à-dire : « La statue
en marbre blanc sera très ressemblante ; un chef-d’œuvre de l’art 70.
Le modèle a été fait par Sa Grandeur Mgr l’Évêque de Grenoble ; et sur ce
modèle merveilleux, la statue sera faite à Rome, sous les yeux du
grand Pape Léon XIII. Les bergers n’ont pas su rendre le costume de la Vierge.
Notre grand Évêque Mgr Fava, a mieux compris et il a pu rendre l’exactitude de
ce costume du Ciel dans son modèle qui est ravissant de beauté 71. »
Le jour du couronnement,
les foules étaient accourues. Je laisse la parole à un témoin oculaire qui m’a
raconté le fait :
« La Basilique était
parée. La nouvelle statue venue de Rome était sur le Maître-Autel ; mais
cachée par un rideau. Tout le monde palpitait du désir de voir
la vraie Notre-Dame de la Salette. Les personnes qui se trouvaient au
bas de la Basilique montaient sur leurs chaises, pour la voir des premiers. On
trouvait l’office trop long. Enfin on entend un bruit sourd. C’était la foule
qui disait qu’on avait vu bouger le rideau. Enfin, voilà le rideau qui se
baisse lentement. On ne voyait encore que la tête, quand les habitants de nos
contrées s’écrièrent :
« – Ce n’est pas
ça ! Ce n’est pas Elle ! Elle a ses cheveux éparpillés sur ses
épaules !
« Le rideau
continuait à descendre ; et toujours et à mesure qu’on voyait plus
distinctement, les personnes disaient avec étonnement :
« – Oh ! ce
n’est pas Notre-Dame de la Salette : elle n’a pas sa Croix !
« – Oh ! on lui
voit les mains, et elle a un manteau comme les demoiselles de Paris : ce
n’est pas Elle, ce n’est pas Elle.
« Et ce fut une
générale désapprobation ; jusqu’à ce que le chant couvrît les murmures de
tous ces braves gens 72. »
Je réponds, ici, à deux
demandes qui m’ont été faites souvent :
1° Pourquoi les Médailles
et les Images représentant Notre-Dame de la Salette ne sont-elles pas répandues
en tous pays, comme le sont, ordinairement, toutes les autres médailles et
images miraculeuses ?
2° Pourquoi ne
trouve-t-on pas à acheter des médailles ou des images de Notre-Dame de la
Salette, chez aucun des marchands d’objets de Piété ?
Cette question, je me
l’étais faite à moi-même ; et je souffrais de cette privation. J’aurais
voulu en acheter, pour répandre la dévotion à cette douce Mère partout où
j’allais. Ce ne fut qu’en 1871 que je découvris le truc du vieux serpent.
J’étais venue en France
voir ma regrettée mère ; puis à Lyon pour voir une de mes sœurs. Après
être allées à Fourvières, nous entrâmes dans presque tous les magasins d’objets
de piété, sans avoir pu trouver une seule médaille ou image de la
Salette !...
Alors, je dis à ma
sœur :
– Sais-tu où se frappent
ces médailles ?
– Oui, me dit-elle.
– Conduis-moi.
Nous arrivons et je
demande cinq ou six grosses. Le patronne me répond qu’elle n’en avait plus.
– Comment, lui dis-je.
C’est bien ici que se frappent ces médailles qui se vendent sur la montagne de
la Salette ?
– Oui, me dit cette dame,
mais les missionnaires nous ont donné leur confiance, en posant la condition
que seront exclus tous les autres négociants d’objets de piété. Vous pouvez
trouver des médailles chez les Pères de la Salette.
Voilà comment j’ai
appris, le cœur rempli de douleur, pourquoi, dans les autres magasins, les
médailles de Notre-Dame de la Salette ne se trouvent pas.
Ne faut-il pas que ces
pauvres misérables Pères aient perdu de vue le Très-Haut, leur âme, l’éternité
des peines, pour oser substituer leur gloire, leur intérêt matériel, à la
gloire de ce Dieu qui doit les juger ?... oh !... oh !... où en
sommes-nous arrivés !... Et ces êtres osaient se dire les Missionnaires de
la Salette, tandis que toute leur préoccupation était d’entasser trésors sur
trésors, et qu’ils haïssaient les pauvres ! Ils ont laissé avoir faim le
bon, le désintéressé, le vertueux Maximin, qui aurait fait pleurer de
compassion les pierres !
Sœur Marie de la Croix,
Bergère de la Salette
Pour copie conforme, le
18 mai 1904.
H. RIGAUX,
Curé d’Argœuves.
Les notes qu’on trouvera
ici, à chaque page, et qui forment un commentaire suivi du récit de la Bergère,
sont de la main d’un excellent prêtre qui eut l’honneur de connaître
Mélanie, personnellement, et d’être son directeur de conscience, vers les
derniers temps de sa vie.
L'église
d'Agnières-en-Dévoluy (Hautes-Alpes) :
le vitrail circulaire situé au-dessus de l'entrée, représentant l'apparition de la Salette. Trois phrases
prononcées par la Vierge sont inscrites dans le vitrail : « Le bras de mon
Fils est si lourd, si puissant » ; « S’ils se convertissent les pierres se
changeront en en blé » ; « Je suis ici pour vous conter une grande nouvelle
»
Our Lady of La Salette and the two
children, on a stained glass, in the church of the little village Agnières-en-Dévoluy, Hautes-Alpes, France.
Three sentences from the Virgin are written around them: "The arm of my
Son is heavy, so heavy" — "If they convert, then stones will change
into wheat" — "I am here to tell you a great news".
« Eh bien ! mes
enfants, vous le ferez passer à tout mon peuple. »
I
Le 18 septembre, veille
de la sainte Apparition de la Sainte Vierge, j’étais seule, comme à mon
ordinaire, à garder les quatre vaches de mes Maîtres. Vers les onze heures du
matin, je vis venir auprès de moi un petit garçon. À cette vue, je m’effrayai,
parce qu’il me semblait que tout le monde devait savoir que je fuyais toutes
sortes de compagnies. Cet enfant s’approcha de moi et me dit :
« Petite, je viens avec toi, je suis aussi de Corps. » À ces paroles,
mon mauvais naturel se fit bientôt voir, et, faisant quelques pas en arrière,
je lui dis : « Je ne veux personne, je veux rester seule. »
Puis, je m’éloignais, mais cet enfant me suivait73 en
me disant : « Va, laisse-moi avec toi, mon maître m’a dit de venir
garder mes vaches avec les tiennes, je suis de Corps. »
Moi je m’éloignai de lui,
en lui faisant signe que je ne voulais personne ; et après m’être
éloignée, je m’assis sur le gazon. Là, je faisais ma conversation avec les
petites fleurs du Bon Dieu.
Un moment après, je
regarde derrière moi, et je trouve Maximin assis tout près de moi. Il me dit
aussitôt : « Garde-moi, je serai bien sage74. »
Mais mon mauvais naturel n’entendit pas raison. Je me relève avec
précipitation, et je m’enfuis un peu plus loin sans rien lui dire, et je me
remis à jouer avec les fleurs du Bon Dieu. Un instant après, Maximin était
encore là à me dire qu’il serait bien sage, qu’il ne parlerait pas, qu’il
s’ennuierait d’être tout seul, et que son Maître l’envoyait auprès de moi...
etc. Cette fois, j’en eus pitié, je lui fis signe de s’asseoir, et moi je
continuai avec les petites fleurs du Bon Dieu.
Maximin ne tarda pas à
rompre le silence, il se mit à rire (je crois qu’il se moquait de moi) ;
je le regarde et il me dit : « Amusons-nous, faisons un jeu. »
Je ne lui répondis rien, car j’étais si ignorante que je ne comprenais rien au
jeu avec une autre personne, ayant toujours été seule. Je m’amusais seule avec
les fleurs, et Maximin s’approchant tout à fait de moi, ne faisait que rire en
me disant que les fleurs n’avaient pas d’oreilles pour m’entendre, et que nous
devions jouer ensemble. Mais je n’avais aucune inclination pour le jeu qu’il me
disait de faire. Cependant, je me mis à lui parler, et il me dit que les dix
jours qu’il devait passer avec son Maître allaient bientôt finir, et qu’ensuite
il s’en irait à Corps chez son père, etc.
Tandis qu’il me parlait,
la cloche de la Salette se fit entendre, c’était l’Angelus ; je fis signe
à Maximin d’élever son âme à Dieu. Il se découvrit la tête et garda un moment
le silence. Ensuite, je lui dis : « Veux-tu dîner ? – Oui, me dit-il.
Allons. » Nous nous assîmes ; je sortis de mon sac les provisions que
m’avaient données mes Maîtres, et selon mon habitude, avant d’entamer mon petit
pain rond, avec la pointe de mon couteau, je fis une croix sur mon pain, et au
milieu un tout petit trou, en disant : « Si le diable y est, qu’il en
sorte, et si le Bon Dieu y est, qu’il y reste » et vite, vite, je
recouvris le petit trou. Maximin partit d’un grand éclat de rire, et donna un
coup de pied à mon pain, qui s’échappa de mes mains, roula jusqu’au bas de la
montagne et se perdit.
J’avais un autre morceau
de pain, nous le mangeâmes ensemble ; ensuite nous fîmes un jeu ;
puis, comprenant que Maximin devait avoir besoin de manger75,
je lui indiquai un endroit de la montagne couvert de petits fruits. Je
l’engageai à aller en manger, ce qu’il fit aussitôt ; il en mangea et en
rapporta plein son chapeau. Le soir, nous descendîmes ensemble de la montagne,
et nous nous promîmes de revenir garder nos vaches ensemble.
Le lendemain, 19
septembre 76,
je me retrouve en chemin avec Maximin, nous gravissons ensemble la montagne. Je
trouvais que Maximin était très bon, très simple, et que volontiers il parlait
de ce dont je voulais parler ; il était aussi très souple, ne tenant pas à
son sentiment ; il était seulement un peu curieux, car quand je
m’éloignais de lui, dès qu’il me voyait arrêtée, il accourait vite pour voir ce
que je faisais, et entendre ce que je disais avec les fleurs du Bon Dieu ;
et s’il n’arrivait pas à temps, il me demandait ce que j’avais dit. Maximin me
dit de lui apprendre un jeu. La matinée était déjà avancée ; je lui dis de
ramasser des fleurs pour faire le « Paradis » 77.
Nous nous mîmes tous les
deux à l’ouvrage ; nous eûmes bientôt une quantité de fleurs de diverses
couleurs. L’Angelus du village se fit entendre, car le ciel était beau, il n’y
avait pas de nuages. Après avoir dit au Bon Dieu ce que nous savions, je dis à
Maximin que nous devions conduire nos vaches sur un petit plateau près du petit
ravin, où il y aurait des pierres pour bâtir le « Paradis ». Nous
conduisîmes nos vaches au lieu désigné, et ensuite nous prîmes notre petit
repas ; puis, nous nous mîmes à porter des pierres et à construire notre
petite maison, qui consistait en un rez-de-chaussée, qui, soi-disant, était
notre habitation, puis un étage au-dessus, qui était, selon nous, le
« Paradis ».
Cet étage était tout
garni de fleurs de différentes couleurs, avec des couronnes suspendues par des
tiges de fleurs. Ce « Paradis » était couvert par une seule et large
pierre que nous avions recouverte de fleurs ; nous avions aussi suspendu
des couronnes tout autour. Le « Paradis » terminé, nous le
regardions ; le sommeil nous vint ; nous nous éloignâmes de là à
environ deux pas, et nous nous endormîmes sur le gazon.
La Belle Dame s’assied
sur notre « Paradis » sans le faire crouler 78.
II
M’étant réveillée, et ne
voyant pas nos vaches, j’appelai Maximin et je gravis le petit monticule. De
là, ayant vu que nos vaches étaient couchées tranquillement, je redescendais et
Maximin montait, quand, tout à coup, je vis une belle lumière plus brillante
que le soleil, et à peine ai-je pu dire ces paroles : « Maximin, vois-tu,
là-bas ? Ah ! mon Dieu ! » En même temps je laisse tomber
le bâton que j’avais en main. Je ne sais ce qui se passait en moi de délicieux
dans ce moment, mais je me sentais attirer, je me sentais un grand respect
plein d’amour, et mon cœur aurait voulu courir plus vite que moi79.
Je regardais bien
fortement cette lumière qui était immobile, et comme si elle se fût ouverte,
j’aperçus une autre lumière bien plus brillante et qui était en mouvement, et
dans cette lumière une Très Belle Dame assise sur notre « Paradis »,
ayant la tête dans ses mains. Cette Belle Dame s’est levée, elle a croisé
médiocrement ses bras en nous regardant et nous a dit : « Avancez, mes
enfants, n’ayez pas peur ; je suis ici pour vous annoncer une grande
nouvelle. » Ces douces et suaves paroles me firent voler jusqu’à elle, et
mon cœur aurait voulu se coller à elle pour toujours. Arrivée bien près de la
Belle Dame, devant elle à sa droite, elle commence le discours, et des larmes
commencent aussi à couler de ses beaux yeux :
Si mon peuple ne veut pas
se soumettre, je suis forcée de laisser aller la main de mon Fils. Elle est si
lourde et si pesante que je ne puis plus la retenir.
Depuis le temps que je
souffre pour vous autres ! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas,
je suis chargée de le prier sans cesse. Et pour vous autres, vous n’en faites
pas cas. Vous aurez beau prier, beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser
la peine que j’ai prise pour vous autres.
Je vous ai donné six
jours pour travailler, je me suis réservé le septième, et on ne veut pas me
l’accorder80.
C’est ce qui appesantit tant le bras de mon Fils.
Ceux qui conduisent les
charrettes ne savent pas parler sans y mettre le Nom de mon Fils au milieu. Ce
sont les deux choses qui appesantissent tant le bras de mon Fils 81.
Si la récolte se gâte, ce
n’est qu’à cause de vous autres.
Je vous l’ai fait voir
l’année passée par les pommes de terre ; vous n’en avez pas fait
cas ; c’est au contraire quand vous en trouviez de gâtées, vous juriez et
vous mettiez le nom de mon Fils. Elles vont continuer à se gâter ; et à la
Noël, il n’y en aura plus.
Ici, je cherchais à
interpréter la parole : pomme de terre ; je croyais comprendre
que cela signifiait pommes. La Belle et Bonne Dame, devinant ma pensée, reprit
ainsi :
Vous ne me comprenez pas,
mes enfants ? je vais vous le dire autrement.
La traduction en français
est celle-ci :
Si la récolte se gâte, ce
n’est rien que pour vous autres ; je vous l’ai fait voir l’année passée
par les pommes de terre, et vous n’en avez pas fait cas ; c’était au
contraire, quand vous en trouviez de gâtées, vous juriez et vous mettiez le Nom
de mon Fils. Elles vont continuer à se gâter, et à la Noël il n’y en aura plus.
Si vous avez du blé, il
ne faut pas le semer.
Tout ce que vous sèmerez,
les bêtes le mangeront ; et ce qui viendra tombera tout en poussière quand
vous le battrez. Il viendra une grande famine. Avant que la famine vienne, les
petits enfants au-dessous de sept ans prendront un tremblement et mourront entre
les mains des personnes qui les tiendront ; les autres feront pénitence
par la faim. Les noix deviendront mauvaises ; les raisins pourriront 82.
Ici, la Belle Dame qui me
ravissait, resta un moment sans se faire entendre ; je voyais cependant
qu’elle continuait, comme si elle parlait, de remuer gracieusement ses aimables
lèvres. Maximin recevait alors son secret. Puis, s’adressant à moi, la Très
Sainte Vierge me parla et me donna un secret en français. Ce secret, le voici
tout entier, et tel qu’elle me l’a donné :
III
1. – Mélanie, ce que je
vais vous dire maintenant, ne sera pas toujours secret ; vous pourrez le
publier en 1858 83.
2. – Les prêtres,
ministres de mon Fils, les prêtres, par leur mauvaise vie, par leurs
irrévérences et leur impiété à célébrer les saints mystères, par l’amour de
l’argent, l’amour de l’honneur et des plaisirs, les prêtres sont devenus des
cloaques d’impureté. Oui, les prêtres demandent vengeance, et la vengeance est
suspendue sur leurs têtes. Malheur aux prêtres et aux personnes consacrées à
Dieu, lesquelles, par leurs infidélités et leur mauvaise vie, crucifient de
nouveau mon Fils ! Les péchés des personnes consacrées à Dieu crient vers
le Ciel et appellent la vengeance, et voilà que la vengeance est à leurs
portes, car il ne se trouve plus personne pour implorer miséricorde et pardon
pour le peuple ; il n’y a plus d’âmes généreuses, il n’y a plus personne
digne d’offrir la Victime sans tache à l’Éternel en faveur du monde.
3. – Dieu va frapper
d’une manière sans exemple.
4. – Malheur aux
habitants de la terre ! Dieu va épuiser sa colère, et personne ne pourra
se soustraire à tant de maux réunis.
5. – Les chefs, les
conducteurs du peuple de Dieu ont négligé la prière et la pénitence, et le
démon a obscurci leurs intelligences ; ils sont devenus ces étoiles
errantes que le vieux diable traînera avec sa queue pour les faire périr. Dieu
permettra au vieux serpent de mettre des divisions parmi les régnants, dans
toutes les sociétés et dans toutes les familles ; on souffrira des peines
physiques et morales ; Dieu abandonnera les hommes à eux-mêmes et enverra
des châtiments qui se succéderont pendant plus de trente-cinq ans.
6. – La Société est à la
veille des fléaux les plus terribles et des plus grands évènements ; on
doit s’attendre à être gouverné par une verge de fer et à boire le calice de la
colère de Dieu.
7. – Que le Vicaire de
mon Fils, le souverain Pontife Pie IX, ne sorte plus de Rome, après l’année
1859 ; mais qu’il soit ferme et généreux, qu’il combatte avec les armes de
la foi et de l’amour ; je serai avec lui.
8. – Qu’il se méfie de Napoléon ;
son cœur est double, et quand il voudra être à la fois Pape et empereur,
bientôt Dieu se retirera de lui ; il est cet aigle qui, voulant toujours
s’élever, tombera sur l’épée dont il voulait se servir pour obliger les peuples
à se faire élever.
9. – L’Italie sera punie
de son ambition en voulant secouer le joug du Seigneur des Seigneurs ;
aussi elle sera livrée à la guerre ; le sang coulera de tous côtés ;
les églises seront fermées ou profanées ; les prêtres, les religieux seront
chassés ; on les fera mourir, et mourir d’une mort cruelle. Plusieurs
abandonneront la foi et le nombre des prêtres et des religieux qui se
sépareront de la vraie religion sera grand ; parmi ces personnes il se
trouvera même des Évêques.
10. – Que le Pape se
tienne en garde contre les faiseurs de miracles, car le temps est venu que les
prodiges les plus étonnants auront lieu sur la terre et dans les airs.
11. – En l’année 1864,
Lucifer avec un grand nombre de démons seront détachés de l’enfer : ils
aboliront la foi peu à peu et même dans les personnes consacrées à Dieu ;
ils les aveugleront d’une telle manière, qu’à moins d’une grâce particulière,
ces personnes prendront l’esprit de ces mauvais anges ; plusieurs maisons
religieuses perdront entièrement la foi et perdront beaucoup d’âmes.
12. – Les mauvais livres
abonderont sur la terre, et les esprits de ténèbres répandront partout un
relâchement universel pour tout ce qui regarde le service de Dieu ; ils
auront un très grand pouvoir sur la nature ; il y aura des églises pour
servir ces esprits. Des personnes seront transportées d’un lieu à un autre par
ces esprits mauvais, et même des prêtres, parce qu’ils ne se seront pas
conduits par le bon esprit de l’Évangile, qui est un esprit d’humilité, de
charité et de zèle pour la gloire de Dieu. On fera ressusciter des morts et des
justes (c’est-à-dire que ces morts prendront la figure des âmes justes qui
avaient vécu sur la terre, afin de mieux séduire les hommes ; ces
soi-disant morts ressuscités, qui ne seront autre chose que le démon sous ces
figures, prêcheront un autre Évangile contraire à celui du vrai Christ-Jésus,
niant l’existence du Ciel, soit encore les âmes des damnés. Toutes ces âmes
paraîtront comme unies à leurs corps). Il y aura en tous lieux des prodiges
extraordinaires, parce que la vraie foi s’est éteinte et que la fausse lumière
éclaire le monde. Malheur aux Princes de l’Église qui ne se seront occupés qu’à
entasser richesses sur richesses, qu’à sauvegarder leur autorité et à dominer
avec orgueil.
13. – Le Vicaire de mon
Fils aura beaucoup à souffrir, parce que, pour un temps, l’Église sera livrée à
de grandes persécutions ; ce sera le temps des ténèbres ; l’Église
aura une crise affreuse.
14. – La sainte foi de
Dieu étant oubliée, chaque individu voudra se guider par lui-même et être
supérieur à ses semblables. On abolira les pouvoirs civils et ecclésiastiques,
tout ordre et toute justice seront foulés aux pieds ; on ne verra
qu’homicides, haine, jalousie, mensonge et discorde, sans amour pour la patrie
ni pour la famille.
15. – Le Saint-Père
souffrira beaucoup. Je serai avec lui jusqu’à la fin pour recevoir son
sacrifice.
16. – Les méchants
attenteront plusieurs fois à sa vie sans pouvoir nuire à ses jours ; mais
ni lui, ni son successeur..., ne verront le triomphe de l’Église de Dieu.
17. – Les gouvernants
civils auront tous un même dessein, qui sera d’abolir et de faire disparaître
tout principe religieux, pour faire place au matérialisme, à l’athéisme, au
spiritisme et à toutes sortes de vices.
18. – Dans l’année 1865,
on verra l’abomination dans les lieux saints ; dans les couvents, les
fleurs de l’Église seront putréfiées et le démon se rendra comme le roi des
cœurs. Que ceux qui sont à la tête des communautés religieuses se tiennent en
garde pour les personnes qu’ils doivent recevoir, parce que le démon usera de
toute sa malice pour introduire dans les ordres religieux des personnes
adonnées au péché, car les désordres et l’amour des plaisirs charnels seront
répandus par toute la terre.
19. – La France, l’Italie,
l’Espagne et l’Angleterre seront en guerre ; le sang coulera dans les
rues ; le Français se battra avec le Français, l’Italien avec
l’Italien ; ensuite il y aura une guerre générale qui sera épouvantable.
Pour un temps, Dieu ne se souviendra plus de la France ni de l’Italie, parce
que l’Évangile de Jésus-Christ n’est plus connu. Les méchants déploieront toute
leur malice ; on se tuera, on se massacrera mutuellement jusque dans les
maisons.
20. – Au premier coup de
son épée foudroyante, les montagnes et la terre entière trembleront
d’épouvante, parce que les désordres et les crimes des hommes percent la voûte
des cieux. Paris sera brûlé et Marseille englouti ; plusieurs grandes
villes seront ébranlées et englouties par des tremblements de terre : on
croira que tout est perdu ; on ne verra qu’homicides, on n’entendra que
bruits d’armes et que blasphèmes. Les justes souffriront beaucoup ; leurs
prières, leur pénitence et leurs larmes monteront jusqu’au Ciel, et tout le
peuple de Dieu demandera pardon et miséricorde, et demandera mon aide et mon
intercession. Alors Jésus-Christ, par un acte de sa justice et de sa grande
miséricorde pour les justes, commandera à ses anges que tous ses ennemis soient
mis à mort. Tout à coup les persécuteurs de l’Église de Jésus-Christ et tous
les hommes adonnés au péché périront, et la terre deviendra comme un désert.
Alors se fera la paix, la réconciliation de Dieu avec les hommes ;
Jésus-Christ sera servi, adoré et glorifié ; la charité fleurira partout.
Les nouveaux rois seront le bras droit de la Sainte Église, qui sera forte,
humble, pieuse, pauvre, zélée et imitatrice des vertus de Jésus-Christ.
L’Évangile sera prêché partout, et les hommes feront de grands progrès dans la
foi, parce qu’il y aura unité parmi les ouvriers de Jésus-Christ, et que les
hommes vivront dans la crainte de Dieu.
21. – Cette paix parmi
les hommes ne sera pas longue ; vingt-cinq ans d’abondantes récoltes leur
feront oublier que les péchés des hommes sont cause de toutes les peines qui
arrivent sur la terre.
22. – Un avant-coureur de
l’Antéchrist, avec ses troupes de plusieurs nations, combattra contre le vrai
Christ, le seul Sauveur du monde ; il répandra beaucoup de sang, et voudra
anéantir le culte de Dieu pour se faire regarder comme un Dieu.
23. – La terre sera
frappée de toutes sortes de plaies (outre la peste et la famine qui seront
générales) ; il y aura des guerres jusqu’à la dernière guerre, qui sera
alors faite par les dix rois de l’Antéchrist, lesquels rois auront tous un même
dessein et seront les seuls qui gouverneront le monde. Avant que ceci arrive,
il y aura une espèce de fausse paix dans le monde ; on ne pensera qu’à se
divertir ; les méchants se livreront à toutes sortes de péchés ; mais
les enfants de la Sainte Église, les enfants de la foi, mes vrais imitateurs,
croîtront dans l’amour de Dieu et dans les vertus qui me sont les plus chères.
Heureuses les âmes humbles conduites par l’Esprit-Saint ! Je combattrai
avec elles jusqu’à ce qu’elles arrivent à la plénitude de l’âge.
24. – La nature demande
vengeance pour les hommes, et elle frémit d’épouvante dans l’attente de ce qui
doit arriver à la terre souillée de crimes.
25. – Tremblez, terre, et
vous qui faites profession de servir Jésus-Christ et qui, au dedans, vous
adorez vous-mêmes, tremblez ; car Dieu va vous livrer à son ennemi, parce
que les lieux saints sont dans la corruption ; beaucoup de couvents ne
sont plus les maisons de Dieu, mais les pâturages d’Asmodée et des siens.
26. – Ce sera pendant ce
temps que naîtra l’Antéchrist, d’une religieuse hébraïque, d’une fausse vierge
qui aura communication avec le vieux serpent, le maître de l’impureté ;
son père sera Év. ; en naissant, il vomira des blasphèmes, il aura des
dents ; en un mot ce sera le diable incarné ; il poussera des cris effrayants,
il fera des prodiges, il ne se nourrira que d’impuretés. Il aura des frères
qui, quoiqu’ils ne soient pas comme lui des démons incarnés, seront des enfants
de mal ; à 12 ans, ils se feront remarquer par leurs vaillantes victoires
qu’ils remporteront ; bientôt, ils seront chacun à la tête des armées,
assistés par des légions de l’enfer.
27. – Les saisons seront
changées, la terre ne produira que de mauvais fruits, les astres perdront leurs
mouvement réguliers, la lune ne reflétera qu’une faible lumière
rougeâtre ; l’eau et le feu donneront au globe de la terre des mouvements
convulsifs et d’horribles tremblements de terre, qui feront engloutir des
montagnes, des villes (etc.).
28. – Rome perdra la foi
et deviendra le siège de l’Antéchrist.
29. – Les démons de l’air
avec l’Antéchrist feront de grands prodiges sur la terre et dans les airs, et
les hommes se pervertiront de plus en plus. Dieu aura soin de ses fidèles
serviteurs et des hommes de bonne volonté ; l’Évangile sera prêché
partout, tous les peuples et toutes les nations auront connaissance de la
vérité !
30. – J’adresse un
pressant appel à la terre ; j’appelle les vrais disciples du Dieu vivant
et régnant dans les cieux ; j’appelle les vrais imitateurs du Christ fait
homme, le seul et vrai Sauveur des hommes ; j’appelle mes enfants, mes
vrais dévots, ceux qui se sont donnés à moi pour que je les conduise à mon
divin Fils, ceux que je porte pour ainsi dire dans mes bras, ceux qui ont vécu
de mon esprit ; enfin j’appelle les Apôtres des Derniers Temps, les
fidèles disciples de Jésus-Christ qui ont vécu dans un mépris du monde et
d’eux-mêmes, dans la pauvreté et dans l’humilité, dans le mépris et dans le
silence, dans l’oraison et dans la mortification, dans la chasteté et dans
l’union avec Dieu, dans la souffrance et inconnus du monde. Il est temps qu’ils
sortent et viennent éclairer la terre. Allez et montrez-vous comme mes enfants
chéris ; je suis avec vous et en vous, pourvu que votre foi soit la
lumière qui vous éclaire dans ces jours de malheurs. Que votre zèle vous rende
comme des affamés pour la gloire et l’honneur de Jésus-Christ. Combattez,
enfants de lumière, vous petit nombre qui y voyez ; car voici le temps des
temps, la fin des fins.
31. – L’Église sera
éclipsée, le monde sera dans la consternation. Mais voilà Énoch et Élie remplis
de l’Esprit de Dieu ; ils prêcheront avec la force de Dieu, et les hommes
de bonne volonté croiront en Dieu, et beaucoup d’âmes seront consolées ;
ils feront de grands progrès par la vertu du Saint-Esprit et condamneront les
erreurs diaboliques de l’Antéchrist.
32. – Malheur aux
habitants de la terre ! il y aura des guerres sanglantes et des
famines ; des pestes et des maladies contagieuses ; il y aura des
pluies d’une grêle effroyable d’animaux ; des tonnerres qui ébranleront
des villes ; des tremblements de terre qui engloutiront des pays ; on
entendra des voix dans les airs ; les hommes se battront la tête contre
les murailles ; ils appelleront la mort, et, d’un autre côté, la mort fera
leur supplice ; le sang coulera de tous côtés. Qui pourra vaincre, si Dieu
ne diminue le temps de l’épreuve ? Par le sang, les larmes et les prières
des justes, Dieu se laissera fléchir ; Énoch et Élie seront mis à
mort ; Rome païenne disparaîtra ; le feu du Ciel tombera et consumera
trois villes ; tout l’univers sera frappé de terreur, et beaucoup se
laisseront séduire parce qu’ils n’ont pas adoré le vrai Christ vivant parmi
eux. Il est temps ; le soleil s’obscurcit ; la foi seule vivra.
33.– Voici le
temps ; l’abîme s’ouvre. Voici le roi des rois des ténèbres. Voici la bête
avec ses sujets, se disant le sauveur du monde. Il s’élèvera avec orgueil dans
les airs pour aller jusqu’au ciel ; il sera étouffé par le souffle de
saint Michel Archange. Il tombera et la terre qui, depuis trois jours, sera en
de continuelles évolutions, ouvrira son sein plein de feu ; il sera plongé
pour jamais avec tous les siens dans les gouffres éternels de l’enfer. Alors
l’eau et le feu purifieront la terre et consumeront toutes les œuvres de l’orgueil
des hommes et tout sera renouvelé : Dieu sera servi et glorifié.
IV
Ensuite la Sainte Vierge
me donna, aussi EN FRANÇAIS, la Règle d’un nouvel Ordre religieux.
Après m’avoir donné la
Règle de ce nouvel Ordre religieux, la Sainte Vierge reprit ainsi la suite du
Discours
:
« S’ils se
convertissent, les pierres et les rochers se changeront en blé, et les pommes
de terre se trouveront ensemencées par les terres.
« Faites-vous bien
votre prière, mes enfants ? »
Nous répondîmes tous les
deux :
– Oh ! non, Madame,
pas beaucoup.
« Ah ! mes
enfants, il faut bien la faire, soir et matin. Quand vous ne pourrez pas mieux
faire, dites un Pater et un Ave Maria ; et quand vous aurez le temps et
que vous pourrez mieux faire, vous en direz davantage.
« Il ne va que
quelques femmes un peu âgées à la Messe ; les autres travaillent tout
l’été le Dimanche ; et l’hiver, quand ils ne savent que faire, ils ne vont
à la Messe que pour se moquer de la religion. Le Carême, ils vont à la
boucherie comme des chiens 84.
« N’avez-vous pas vu
du blé gâté, mes enfants ? »
Tous les deux nous avons
répondu : – Oh ! non, Madame.
La Sainte Vierge
s’adressant à Maximin : « Mais toi, mon enfant, tu dois bien en avoir
vu une fois vers le Coin 85,
avec ton père. L’homme de la pièce dit à ton père : Venez voir comme mon
blé se gâte. Vous y allâtes. Ton père prit deux ou trois épis dans sa main, il
les frotta, et ils tombèrent en poussière. Puis, en vous en retournant, quand
vous n’étiez plus qu’à une demi-heure de Corps, ton père te donna un morceau de
pain en te disant : Tiens, mon enfant, mange cette année, car je ne sais
pas qui mangera l’année prochaine, si le blé se gâte comme cela. "
Maximin répondit : –
C’est bien vrai, Madame, je ne me le rappelais pas.
La Très Sainte Vierge a
terminé son Discours en français : « Eh bien ! mes enfants, vous
le ferez passer à tout mon peuple. »
La Très Belle Dame
traversa le ruisseau ; et, à deux pas du ruisseau, sans se retourner vers
nous qui la suivions (parce qu’elle attirait à elle par son éclat et plus
encore par sa bonté qui m’enivrait, qui semblait me faire fondre le cœur), elle
nous a dit encore :
« Eh bien ! mes
enfants, vous le ferez passer à tout mon peuple 86. »
Puis elle a continué de
marcher jusqu’à l’endroit où j’étais montée pour regarder où étaient mes
vaches. Ses pieds ne touchaient que le bout de l’herbe sans la faire plier.
Arrivée sur la petite hauteur, la Belle Dame s’arrêta, et vite je me plaçai
devant elle, pour bien, bien la regarder, et tâcher de savoir quel chemin elle
inclinait le plus à prendre ; car c’était fait de moi, j’avais oublié et
mes vaches et les maîtres chez lesquels j’étais en service ; je m’étais
attachée pour toujours et sans condition à Ma Dame ; oui, je voulais ne
plus jamais, jamais la quitter ; je la suivais sans arrière-pensée, et
dans la disposition de la servir tant que je vivrais.
Avec Ma Dame,
je croyais avoir oublié le paradis ; je n’avais plus que la pensée de bien
la servir en tout ; et je croyais que j’aurais pu faire tout ce qu’elle m’aurait
dit de faire, car il me semblait qu’Elle avait beaucoup de pouvoir. Elle me
regardait avec une tendre bonté qui m’attirait à Elle ; j’aurais voulu,
avec les yeux fermés, m’élancer dans ses bras. Elle ne m’a pas donné le temps
de le faire. Elle s’est élevée insensiblement de terre à une hauteur d’environ
un mètre et plus ; et, restant ainsi suspendue en l’air un tout petit
instant, Ma belle Dame regarda le Ciel, puis la terre à sa droite et à sa
gauche, puis Elle me regarda avec des yeux si doux, si aimables et si bons, que
je croyais qu’elle m’attirait dans son intérieur, et il me semblait que mon
cœur s’ouvrait au sien.
Et tandis que mon cœur se
fondait en une douce dilatation, la belle figure de Ma Bonne Dame disparaissait
peu à peu : il me semblait que la lumière en mouvement se multipliait ou
bien se condensait autour de la Très Sainte Vierge, pour m’empêcher de la voir
plus longtemps. Ainsi la lumière prenait la place des parties du corps qui
disparaissaient à mes yeux ; ou bien il semblait que le corps de Ma Dame
se changeait en lumière en se fondant. Ainsi la lumière en forme de globe
s’élevait doucement en direction droite 87.
Je ne puis pas dire si le
volume de lumière diminuait à mesure qu’elle s’élevait, ou bien si c’était
l’éloignement qui faisait que je voyais diminuer la lumière à mesure qu’elle
s’élevait ; ce que je sais, c’est que je suis restée la tête levée et les
yeux fixés sur la lumière, même après que cette lumière, qui allait toujours
s’éloignant et diminuant de volume, eut fini par disparaître.
Mes yeux se détachent du
firmament, je regarde autour de moi, je vois Maximin qui me regardait, je lui
dis : « Mémin, cela doit être le bon Dieu de mon père 88,
ou la Sainte Vierge, ou quelque grande sainte. » Et Maximin lançant la
main en l’air, il dit : « Ah ! si je l’avais su ! »
V
Le soir du 19 septembre,
nous nous retirâmes un peu plus tôt qu’à l’ordinaire. Arrivée chez mes maîtres,
je m’occupais à attacher mes vaches et à mettre tout en ordre dans l’écurie. Je
n’avais pas terminé, que ma maîtresse vint à moi en pleurant et me dit :
« Pourquoi, mon enfant, ne venez-vous pas me dire ce qui vous est arrivé
sur la montagne ? » (Maximin n’ayant pas trouvé ses maîtres, qui ne
s’étaient pas encore retirés de leurs travaux, était venu chez les miens, et
avait raconté tout ce qu’il avait vu et entendu.) Je lui répondis :
« Je voulais bien vous le dire, mais je voulais finir mon ouvrage,
auparavant. » Un moment après, je me rendis dans la maison, et ma
maîtresse me dit : « Racontez ce que vous avez vu ; le berger de
Bruite (c’était le surnom de Pierre Selme, maître de Maximin) m’a tout
raconté. »
Je commence, et, vers la
moitié du récit, mes maîtres arrivèrent de leurs champs ; ma maîtresse,
qui pleurait en entendant les plaintes et les menaces de notre tendre Mère,
dit : « Ah ! vous vouliez aller ramasser le blé demain ;
gardez-vous en bien, venez entendre ce qui est arrivé aujourd’hui à cette
enfant et au berger de Selme. » Et se tournant vers moi, elle dit :
« Recommencez tout ce que vous m’avez dit. » Je recommence ; et,
lorsque j’eus terminé, mon Maître dit : « C’est la Sainte Vierge, ou
bien une grande sainte, qui est venue de la part du Bon Dieu ; mais c’est
comme si le Bon Dieu était venu lui-même ; il faut faire tout ce que cette
Sainte a dit. Comment allez-vous faire pour dire cela à tout son
peuple ? » Je lui répondis : « Vous me direz comment je
dois faire, et je le ferai. » Ensuite il ajouta en regardant sa mère, sa
femme et son frère : « Il faut y penser. » Puis chacun se retira
à ses affaires.
C’était après le souper.
Maximin et ses maîtres vinrent chez les miens pour raconter ce que Maximin leur
avait dit, et pour savoir ce qu’il y avait à faire : « Car,
dirent-ils, il nous semble que c’est la Sainte Vierge qui a été envoyée par le
Bon Dieu ; les paroles qu’Elle a dites le font croire. Et Elle leur a dit
de le faire passer à tout son peuple ; il faudra peut-être que ces enfants
parcourent le monde entier pour faire connaître qu’il faut que tout le monde
observe les commandements du Bon Dieu, sinon de grands malheurs vont arriver
sur nous. » Après un moment de silence, mon maître dit, en s’adressant à
Maximin et à moi : « Savez-vous ce que vous devez faire, mes
enfants ? Demain, levez-vous de bon matin, allez tous les deux à Monsieur
le Curé, et racontez-lui tout ce que vous avez vu et entendu ; dites-lui
bien comment la chose s’est passée ; il vous dira ce que vous avez à
faire. »
Le 20 septembre,
lendemain de l’apparition, je partis de bonne heure avec Maximin. Arrivés à la
Cure, je frappe à la porte. La domestique de Monsieur le Curé vint ouvrir et demanda
ce que nous voulions. Je lui dis (en français, moi qui ne l’avais jamais
parlé) : « Nous voudrions parler à Monsieur le Curé. » –
« Et que voulez-vous lui dire ? » nous demanda-t-elle. –
« Nous voulons lui dire, Mademoiselle, qu’hier nous sommes allés garder
nos vaches sur la montagne des Baisses, et après avoir dîné, etc., etc. »
Nous lui racontâmes une bonne partie du discours de la Très Sainte Vierge.
Alors la cloche de l’église sonna ; c’était le dernier coup de la Messe.
Monsieur l’abbé Perrin, curé de la Salette, qui nous avait entendus, ouvrit sa
porte avec fracas : il pleurait ; il se frappait la poitrine ;
il nous dit : « Mes enfants, nous sommes perdus, le bon Dieu va nous
punir. Ah ! mon Dieu, c’est la Sainte Vierge qui vous est
apparue ! » Et il partit pour dire la Sainte Messe. Nous nous
regardâmes avec Maximin et la domestique ; puis Maximin me dit :
« Moi, je m’en vais chez mon père, à Corps. » Et nous nous séparâmes.
N’ayant pas reçu d’ordre
de mes Maîtres de me retirer aussitôt après avoir parlé à Monsieur le Curé, je
crus ne pas faire mal en assistant à la Messe. Je fus donc à l’église. La Messe
commence, et, après le premier Évangile, Monsieur le Curé se tourne vers le
peuple et essaie de raconter à ses paroissiens l’apparition qui venait d’avoir
lieu, la veille, sur une de leurs Montagnes, et les exhorte à ne plus
travailler le Dimanche ; sa voix était entrecoupée par des sanglots, et
tout le peuple était ému. Après la Sainte Messe, je me retirai chez mes
maîtres. Monsieur Peytard, qui est encore aujourd’hui Maire de la Salette, y
vint m’interroger sur le fait de l’apparition ; et, après s’être assuré de
la vérité de ce que je lui disais, il se retira convaincu.
Je continuai de rester au
service de mes Maîtres jusqu’à la fête de la Toussaint. Ensuite je fus mise
comme pensionnaire chez les religieuses de la Providence, dans mon pays, à
Corps.
VI
La Très Sainte Vierge
était très grande et bien proportionnée ; elle paraissait être si légère
qu’avec un souffle on l’aurait fait remuer, cependant elle était immobile et
bien posée. Sa physionomie était majestueuse, imposante, mais non imposante
comme le sont les Seigneurs d’ici-bas. Elle imposait une crainte respectueuse.
En même temps que Sa Majesté imposait du respect mêlé d’amour, elle attirait à
Elle. Son regard était doux et pénétrant ; ses yeux semblaient parler avec
les miens, mais la conversation venait d’un profond et vif sentiment d’amour
envers cette beauté ravissante qui me liquéfiait. La douceur de son regard, son
air de bonté incompréhensible faisait comprendre et sentir qu’elle attirait à
Elle et voulait se donner ; c’était une expression d’amour qui ne peut pas
s’exprimer avec la langue de chair ni avec les lettres de l’alphabet.
Le vêtement de la Très
Sainte Vierge était blanc argenté et tout brillant ; il n’avait rien
de matériel : il était composé de lumière et de gloire, variant et
scintillant. Sur la terre il n’y a pas d’expression ni de comparaison à donner.
La Sainte Vierge était
toute belle et toute formée d’amour ; en la regardant je languissais de me
fondre en elle. Dans ses atours, comme dans sa personne, tout respirait la
majesté, la splendeur, la magnificence d’une Reine incomparable. Elle
paraissait belle, blanche, immaculée, cristallisée, éblouissante, céleste, fraîche,
neuve comme une Vierge ; il semblait que la
parole Amour s’échappait de ses lèvres argentées et toutes pures.
Elle me paraissait comme une bonne Mère, pleine de bonté, d’amabilité, d’amour
pour nous, de compassion, de miséricorde.
La couronne de roses
qu’elle avait sur la tête était si belle, si brillante, qu’on ne peut pas s’en
faire une idée ; les roses de diverses couleurs n’étaient pas de la
terre ; c’était une réunion de fleurs qui entouraient la tête de la Très
Sainte Vierge en forme de couronne ; mais les roses se changeaient ou se
remplaçaient ; puis, du cœur de chaque rose il sortait une si belle
lumière qu’elle ravissait et rendait les roses d’une beauté éclatante. De la
couronne de roses s’élevaient comme des branches d’or et une quantité d’autres
petites fleurs mêlées avec des brillants.
Le tout formait un très
beau diadème, qui brillait tout seul plus que notre soleil de la terre.
La Sainte Vierge avait
une très jolie Croix suspendue à son cou. Cette Croix paraissait être dorée, je
dis dorée pour ne pas dire une plaque d’or ; car j’ai vu
quelquefois des objets dorés avec diverses nuances d’or, ce qui faisait à mes
yeux un bien plus bel effet qu’une simple plaque d’or. Sur cette belle Croix
toute brillante de lumière, était un Christ, était Notre Seigneur, les bras
étendus sur la Croix. Presque aux deux extrémités de la Croix, d’un côté il y
avait un marteau, de l’autre une tenaille. Le Christ était couleur de chair
naturelle, mais il brillait d’un grand éclat ; et la lumière qui sortait
de tout son corps paraissait comme des dards très brillants, qui me fendaient
le cœur du désir de me fondre en lui. Quelquefois le Christ paraissait être
mort : il avait la tête penchée, et le corps était comme affaissé, comme
pour tomber, s’il n’avait pas été retenu par les clous qui le retenaient à la
Croix.
J’en avais une vive
compassion, et j’aurais voulu redire au monde entier son amour inconnu, et
infiltrer dans les âmes des mortels l’amour le plus senti et la reconnaissance
la plus vive envers un Dieu qui n’avait nullement besoin de nous pour être ce
qu’il est, ce qu’il était et ce qu’il sera toujours ; et pourtant, ô amour
incompréhensible à l’homme ! il s’est fait homme, et il a voulu mourir,
oui mourir, pour mieux écrire dans nos âmes et dans notre mémoire l’amour Fou
qu’il a pour nous ! Oh ! que je suis malheureuse de me trouver si
pauvre en expression pour redire l’amour, oui, l’amour de notre bon Sauveur
pour nous ! mais, d’un autre côté, que nous sommes heureux de pouvoir
sentir mieux ce que nous ne pouvons exprimer !
D’autres fois le Christ
semblait vivant ; il avait la tête droite, les yeux ouverts, et paraissait
être sur la Croix par sa propre volonté. Quelquefois aussi il paraissait
parler : il semblait vouloir montrer qu’il était en Croix pour nous, par
amour pour nous, pour nous attirer à son amour, qu’il a toujours un amour
nouveau pour nous, que son amour du commencement et de l’année 33 est toujours
celui d’aujourd’hui et qu’il sera toujours.
La Sainte Vierge pleurait
presque tout le temps qu’Elle me parla. Ses larmes coulaient une à une
lentement jusque vers ses genoux ; puis, comme des étincelles de lumière,
elles disparaissaient. Elles étaient brillantes et pleines d’amour. J’aurais
voulu La consoler, et qu’Elle ne pleurât plus. Mais il me semblait qu’Elle
avait besoin de montrer ses larmes pour mieux montrer son amour oublié par les
hommes. J’aurais voulu me jeter dans ses bras et lui dire : « Ma
bonne Mère, ne pleurez pas ! je veux vous aimer pour tous les hommes de la
terre. » Mais il me semblait qu’Elle me disait : « Il y en a
tant qui ne me connaissent pas ! »
J’étais entre la mort et
la vie, en voyant d’un côté tant d’amour, tant de désir d’être aimée, et d’un
autre côté tant de froideur, tant d’indifférence... Oh ! ma Mère, Mère
toute, toute belle et tout aimable, mon amour, cœur de mon cœur !...
Les larmes de notre
tendre Mère, loin d’amoindrir son air de majesté, de Reine et de Maîtresse,
semblaient, au contraire, l’embellir, la rendre plus aimable, plus belle, plus
puissante, plus remplie d’amour, plus maternelle, plus ravissante ; et
j’aurais mangé ses larmes, qui faisaient sauter mon cœur de compassion et
d’amour. Voir pleurer une Mère, et une telle Mère, sans prendre tous les moyens
imaginables pour la consoler, pour changer ses douleurs en joie, cela se
comprend-il ? Ô Mère plus que bonne ! Vous avez été formée de toutes
les prérogatives dont Dieu est capable ; vous avez comme épuisé la
puissance de Dieu ; vous êtes bonne, et puis bonne de la bonté de Dieu
même ; Dieu s’est agrandi en vous formant son chef-d’œuvre terrestre et
céleste.
La Très Sainte Vierge
avait un tablier jaune. Que dis-je, jaune ? Elle avait un tablier plus
brillant que plusieurs soleils ensemble. Ce n’était pas une étoffe matérielle,
c’était un composé de gloire, et cette gloire était scintillante et d’une
beauté ravissante. Tout en la Très Sainte Vierge me portait fortement, et
me faisait comme glisser à adorer et à aimer mon Jésus dans tous les états de
sa vie mortelle.
La Très Sainte Vierge
avait deux chaînes, l’une un peu plus large que l’autre. À la plus étroite
était suspendue la Croix dont j’ai fait mention plus haut. Ces chaînes
(puisqu’il faut donner le nom de chaînes) étaient comme des rayons de gloire
d’un grand éclat variant et scintillant.
Les souliers (puisque
souliers il faut dire) 89 étaient
blancs, mais un blanc argenté, brillant ; il y avait des roses autour. Ces
roses étaient d’une beauté éblouissante, et du cœur de chaque rose sortait une
flamme de lumière très belle et très agréable à voir. Sur les souliers, il y
avait une boucle en or, non en or de la terre, mais bien de l’or du paradis.
La vue de la Très Sainte
Vierge était elle-même un paradis accompli. Elle avait en Elle tout ce qui
pouvait satisfaire, car la terre était oubliée.
La Sainte Vierge était
entourée de deux lumières. La première lumière, plus près de la Très Sainte
Vierge, arrivait jusqu’à nous ; elle brillait d’un éclat très beau et
scintillant. La seconde lumière s’étendait un peu plus autour de la Belle Dame
et nous nous trouvions dans celle-là ; elle était immobile (c’est-à-dire
qu’elle ne scintillait pas), mais bien plus brillante que notre pauvre soleil
de la terre. Toutes ces lumières ne faisaient pas mal aux yeux et ne
fatiguaient nullement la vue.
Outre toutes ces
lumières, toute cette splendeur, il sortait encore des groupes ou faisceaux de
lumières, ou des rayons de lumière, du Corps de la Sainte Vierge, de ses habits
et de partout.
La voix de la Belle Dame
était douce ; elle enchantait, ravissait, faisait du bien au cœur ;
elle rassasiait, aplanissait tous les obstacles, calmait, adoucissait. Il me
semblait que j’aurais toujours voulu manger de sa belle voix, et mon cœur semblait
danser ou vouloir aller à sa rencontre pour se liquéfier en elle.
Les yeux de la Très
Sainte Vierge, notre tendre Mère, ne peuvent pas se décrire par une langue
humaine. Pour en parler, il faudrait un séraphin ; il faudrait plus, il
faudrait le langage de Dieu même, de ce Dieu qui a formé la Vierge Immaculée,
chef-d’œuvre de sa toute-puissance.
Les yeux de l’Auguste
Marie paraissaient mille et mille fois plus beaux que les brillants, les
diamants et les pierres précieuses les plus recherchées ; ils brillaient
comme deux soleils ; ils étaient doux de la douceur même, clairs comme un
miroir. Dans ses yeux on voyait le paradis ; ils attiraient à Elle ;
il semblait qu’Elle voulait se donner et attirer. Plus je la regardais, plus je
la voulais voir ; plus je la voyais, plus je l’aimais, et je l’aimais de
toutes mes forces.
Les yeux de la Belle
Immaculée étaient comme la porte de Dieu, d’où l’on voyait tout ce qui peut
enivrer l’âme. Quand mes yeux se rencontraient 90 avec
ceux de la Mère de Dieu et la mienne, j’éprouvais au-dedans de moi-même une
heureuse révolution d’amour et de protestation de l’aimer et de me fondre
d’amour.
En nous regardant, nos
yeux se parlaient à leur mode, et je l’aimais tant que j’aurais voulu
l’embrasser dans le milieu de ses yeux qui attendrissaient mon âme, et
semblaient l’attirer et la faire fondre avec la sienne. Ses yeux me plantèrent
un doux tremblement dans tout mon être ; et je craignais de faire le
moindre mouvement qui pût lui être désagréable tant soit peu.
Cette seule vue des yeux
de la plus pure des Vierges aurait suffi pour être le Ciel d’un
bienheureux ; aurait suffi pour faire entrer une âme dans la plénitude des
volontés du Très-Haut parmi tous les évènements qui arrivent dans le cours de
la vie mortelle ; aurait suffi pour faire faire à cette âme de continuels
actes de louange, de remerciement, de réparation et d’expiation. Cette seule
vue concentre l’âme en Dieu et la rend comme une morte-vivante, ne regardant
toutes les choses de la terre, même les choses qui paraissent les plus
sérieuses, que comme des amusements d’enfants ; elle ne voudrait entendre
parler que de Dieu et de ce qui touche à sa Gloire.
Le péché est le seul mal
qu’Elle voit sur la terre. Elle en mourrait de douleur si Dieu ne la soutenait.
Amen 91.
Castellamare, le 21
novembre 1878.
MARIE DE LA
CROIX, Victime de Jésus,
née MÉLANIE CALVAT, Bergère de la Salette
Nihil-obstat ; imprimatur.
Datum Lycii ex Curia Epii, die 15 Nov. 1879.
CARMELUS Archus COSMA,
Vicarius Generalis.
ORAISON FUNÈBRE
DE
SOEUR MARIE DE LA CROIX,
NÉE MÉLANIE CALVAT,
BERGÈRE DE LA SAIETTE
prononcée à Messine et,
au Service anniversaire,
dans la Cathédrale d’Altamura,
par le Chanoine Annibal-Marie de France,
publiée avec l’imprimatur de Monseigneur Letterio,
archevêque de Messin
« Cantabiles mihi erant justificationes tuae in loco peregrinationis meae. »
« J’ai chanté vos justifications dans le lieu de mon pèlerinage. »
(Ps. 118, 54.)
Une créature angélique,
un pur idéal d’innocence et de vertu, une existence humaine sans tache, très
suave, pleine des plus saintes aspirations de Dieu, de sa gloire et de son
éternel Amour, est passée par cette vallée de larmes.
Quand une personne aimée
de nous s’envole dans la mort, il en reste un vide que l’on voudrait combler
par le souvenir de la chère mémoire et par des larmes répandues sur la tombe
qui renferme la dépouille aimée. La religion sanctifie ce sentiment et l’élève
au sublime. Elle nous convoque à des cérémonies funèbres, met sur nos lèvres
des prières et des cantiques pour nos défunts, nous fait assister au grand
Sacrifice de l’Expiation et écrit sur la tombe de ceux qui ne sont
plus : Qui credit in me, etiam si mortuus fuerit, vivet.
Mais, quand se présente
le cas exceptionnel que la personne défunte et regrettée à été l’une de ces
âmes rares, consacrées aux plus hautes perfections, dans lesquelles se trouve
un je ne sais quel air surnaturel et divin, quand ses affections ne se sont pas
trouvées renfermées aux seules limites de la nature, mais ont présenté
l’empreinte de l’éternelle Charité, quand les phases de sa vie et de sa mort
sont accompagnées d’évènements et de circonstances qui sortent de l’ordinaire,
oh ! alors la tombe de cette créature d’élection est un autel, sa mémoire
une bénédiction, les cérémonies funèbres elles-mêmes, les notes plaintives de
l’orgue et les voix lugubres des chantres se changent en un hymne de fête, ou
bien forment l’écho de ces célestes cantiques dont les anges accompagnent cette
âme accomplissant son pèlerinage au royaume de la Gloire.
Et telles sont bien les
solennelles obsèques et les cérémonies dont nous offrons aujourd’hui le tribut
à notre bien-aimée défunte, à MÉLANIE CALVAT, la célèbre bergerette de la
Salette.
Des sentiments
d’affection et de foi, une intime reconnaissance et une sainte vénération,
voilà les émotions que nous ressentons, nous souvenant d’elle à la face de Dieu
et des hommes. Elle nous a appartenu : il fut grand l’amour qu’elle eut
pour nous, grand aussi l’amour dont nous l’avons aimée. Maintenant, nous
cherchons un soulagement à notre douleur, nous voulons nous mettre en rapport
avec cette chère âme, belle, innocente, tout imprégnée de l’amour de JÉSUS et
de MARIE, qui, néanmoins, palpite pour nous ; nous voulons l’invoquer sur
la terre pour quelle nous entende du Ciel ; nous voulons demander sa
médiation pour qu’elle le prie pour nous.
Vous, jeunes sœurs qui,
avec vos orphelines, l’avez eue plus d’une année, comme votre Mère et votre
Maîtresse de sublime vertu, vous éprouvez bien vif le besoin de témoigner à
cette sainte âme, une fois de plus, combien sont grands vos sentiments de
vénération, de tendresse et d’amour pour elle.
Ainsi donc, courage,
contemplons-la dans la Foi, brillante et souriante, bien qu’invisible à nous
dans ce saint temple (innixa dilecto suo), appuyée sur son Bien-Aimé, et
commençons son éloge après avoir invoqué le nom de JÉSUS.
MÉLANIE de la Salette
naquit à Corps, petit bourg de France, dans le diocèse de Grenoble, le 7
novembre 1831, de parents respectables. Son père était maçon et scieur de long
et se nommait PIERRE CALVAT. Sa mère se nommait JULIE BARNAUD.
Les historiens de la
célèbre apparition de la Très Sainte Vierge à la Salette disent qu’avant ce
grand évènement, MÉLANIE n’était qu’une pauvre petite bergère fruste et
ignorante, incapable d’apprendre le Pater. Mais combien ils se
trompent ! De grands mystères s’étaient déroulés entre DIEU et son âme,
depuis son enfance. Son bon père, quand elle n’avait que trois ans, lui montra
un Crucifix et lui dit : Vois, ma fille, comme Notre Seigneur JÉSUS-CHRIST
a voulu mourir sur la Croix par amour pour nous ! La petite fille fixa des
regards attentifs et, comme éclairée d’une lumière supérieure, sembla avoir
pénétré en silence le sens intime de cette parole et de cette image. Depuis
lors, une impulsion intérieure la poussait à l’amour de la Croix et du
Crucifié. Avec une intelligence incomparablement au-dessus de son âge, elle
disait : « Le Crucifix de mon père ne parle pas, mais il prie en
silence, je veux l’imiter, je me tairai et je le prierai en silence. »
C’est ainsi qu’elle se préparait à la contemplation. La mère de la petite
fille, femme non méchante, mais colère, la grondait sans cesse et lui intimait
l’ordre de sortir de la maison. La petite MÉLANIE souriait néanmoins et
s’efforçait d’embrasser cette mère irritée. Un jour, elle avait près de cinq
ans, sa mère lui ordonna de s’en aller et de ne plus revenir. La pauvre petite
se retira dans un bosquet voisin et se plaignant de son triste sort, comme elle
écrit dans quelques-uns de ses mémoires, elle s’assit au pied d’un arbre, lasse
et oppressée, et s’y endormit. Un songe mystérieux se présenta à elle et fut
comme le prélude de toute sa vie, de tout son pèlerinage terrestre. Il lui
sembla voir l’enfant JÉSUS, du même âge qu’elle, vêtu d’une robe rose, qui,
l’abordant, lui dit : « Petite sœur, ma chère petite sœur, où
allons-nous ? » Poussée par un instinct divin, elle répondit :
« Au Calvaire. » Alors, le céleste enfant la prit par la main et la
conduisit sur la montagne sainte. Pendant ce voyage, le ciel se couvrit de
nuages et s’obscurcit, et une grande pluie de croix de toutes dimensions lui
tomba sur les épaules. Une foule de gens lui adressaient des injures et lui
témoignaient leur mépris. Effrayée, elle serra la main de son guide céleste,
dont elle avait perdu la vue agréable au milieu des ténèbres. Tout à coup, elle
lâcha la main qui la conduisait et tomba dans une profonde désolation.
Néanmoins, le voyage se termina et elle arriva sur le Calvaire. Là il se passa
une scène horrible. En bas, il s’ouvrit un gouffre de feu, dans lequel des
multitudes de gens se précipitaient ; l’âme épouvantée, et obéissant à une
impulsion divine, elle s’offrit comme victime de toute souffrance pour le salut
éternel des âmes, pour la conversion des pécheurs.
À ce moment, la petite
fille s’éveilla ; le soleil apparaissait à l’horizon, ce songe avait duré
toute la nuit.
De retour à la maison
paternelle, elle ne raconta rien de ce qui s’était passé cette nuit, mais garda
le silence pour imiter le Crucifix de son père. Une vie nouvelle de souffrance
et de recueillement commençait pour elle. Le céleste enfant qu’elle avait vu en
songe lui est toujours présent à la pensée, elle lui parle dans le plus intime
secret de son cœur, elle lui offre ses travaux et ses souffrances, et il lui
semble qu’il l’appelle toujours du doux nom de « petite sœur, ma chère
petite sœur », au point que, chaque fois qu’on lui demandait quel était
son nom, elle répondait avec une grande simplicité : « Petite
sœur ».
Ainsi cachée et absorbée
par les précoces contemplations d’une vie remplie d’immenses grâces du ciel
(dont la révélation causera sans doute une grande surprise dans le monde
religieux), cette créature d’élection, dès son jeune âge, buvait en silence le
calice des humiliations et des mépris, chassée inhumainement plusieurs fois de
la maison maternelle, et envoyée, çà et là, au service de plusieurs familles de
paysans.
Un jour, sa mère irritée
voulant, en quelque sorte, s’en défaire, la mit, par punition (elle nous l’a
dit, il y a quelques années, en souriant), en service sur les montagnes
alpestres de la Salette, dans une pauvre famille de paysans qui lui confièrent
le soin de mener leurs vaches au pâturage.
Ces montagnes
appartiennent à la grande chaîne des Alpes françaises, élevées de près de
2 000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Là, l’hiver est très
rigoureux, mais quand une belle journée de printemps ou d’été y fait briller
les rayons du soleil, elles offrent un spectacle sublime et enchanteur. Au
loin, tout en haut, à l’horizon, une ceinture de montagnes escarpées, ici des
vallées profondes et, tout autour, des collines et des plateaux revêtus de
verts tapis d’herbe mêlée de petites fleurs sauvages. Ce lieu solitaire, où
l’on ne voyait presque jamais un être humain, fit vite les délices de cette âme
innocente, cachée, séparée du monde et comme intimement unie à son Créateur.
Alors, elle goûtait les paroles du docteur de Clairvaux : « Ô
bienheureuse solitude, ô seule béatitude ! »
Mais quels étaient les
mystères du divin amour qui se déroulaient dans ces lieux solitaires entre
cette âme choisie et son Dieu ? Il a été dit : « Je la conduirai
dans la solitude et je parlerai à son cœur. » Elle prenait plaisir,
pendant que ses vaches paissaient, à parler avec les fleurettes du Bon Dieu,
comme elle le disait, à les inviter à louer le Créateur, et à les plaindre de
ne pouvoir l’aimer.
Le 19 septembre 1846, un
samedi, survint, sur la montagne de la Salette, cette célèbre apparition de la
Très Sainte Vierge à l’heureuse bergerette et au petit MAXIMIN, qui, pour huit
jours, venait, lui aussi, sur cette montagne avec ses vaches.
La Sainte Mère de DIEU
apparut avec les signes de la Passion, pleurant pendant tout le temps qu’elle
parla aux deux bergers, menaça des châtiments divins à cause du mépris et de la
profanation du Dimanche et confia deux secrets, l’un à MÉLANIE et l’autre à
MAXIMIN. Avant de disparaître, la Sainte Vierge avait dit : « MES
PETITS ENFANTS, TOUT CE QUE JE VIENS DE VOUS CONFIER, FAITES-LE SAVOIR À MON
PEUPLE. »
Cet ordre de la Très
Sainte Vierge fut le point de départ d’un autre genre de vie pour la jeune bergère.
Elle fut comme arrachée à sa chère solitude, enlevée à l’oubli et au mystère de
sa vie cachée, et investie d’une mission qui devait lui causer des douleurs et
des larmes, des ovations et des mépris, la vénération et la calomnie, et de
longues pérégrinations de pays en pays. « Cantabiles mihi erant
justificationes tuae in loco peregrinationis meae. »
Ce ne fut que grâce à une
continuelle assistance surnaturelle qu’elle put résister et persévérer jusqu’à
la fin.
L’apparition de la
Salette a été une manifestation de la Mère des Douleurs. La Très Sainte Vierge
était apparue pendant les vêpres qui précédaient la fête de Notre-Dame des Sept
Douleurs. Elle avait un crucifix sur sa poitrine, ainsi que le marteau et les
tenailles, symbole éloquent de la mère broyée et désolée.
À partir de ce moment,
MÉLANIE fut appelée à participer plus intimement aux peines de JÉSUS et de
MARIE.
Chassée de France par
Napoléon III, elle alla en Angleterre et fit sa profession parmi les Carmélites
de Darlington.
Quand vint le moment de
publier le secret de la Salette, elle fut relevée de ses vœux par Pie IX et,
depuis ce jour, qui pourrait dire les multiples vicissitudes traversées par
cette créature unique ?
Encore jeune, avec ses
vingt-six ans, elle se trouve seule dans le monde, fugitive, errant à
l’aventure, un peu dans un pays, un peu dans un autre. Mais son esprit comme
son cœur se trouvaient toujours concentrés sur un seul point :
l’accomplissement de la volonté divine. En quelque lieu qu’elle se portât, il
semblait qu’autour d’elle l’atmosphère se purifiait et, à son aspect, chacun
était frappé de sa modestie, de sa suavité et même de son silence. Quand elle
se trouvait dans une église, son recueillement et son attitude humble faisaient
entrevoir quelque chose de sa sainteté cachée. Elle restait ignorée partout où
elle se rendait, mais lorsque, après un certain temps, elle était reconnue et
devenait un sujet de vénération, la pure colombe du Seigneur prenait son vol
vers d’autres régions.
En religion, elle avait
pris le nom de Sœur Marie de la Croix et elle le conserva toujours. Dieu la
voulait sans cesse crucifiée.
Douée d’une sensibilité
exquise, d’un esprit sagace et pénétrant, profonde et intime dans ses
affections, très sensible dans sa compassion des misères humaines, très
généreuse pour le Zèle de la gloire divine et le salut des âmes, elle passa
toute sa vie en une agonie spirituelle que l’on ne pourra comprendre qu’en
DIEU. Ses journées et ses nuits furent remplies de ses pleurs continuels et de
ses gémissements de mystique colombe. La plainte de la Très Sainte Vierge sur
la montagne de la Salette était toujours présente à son esprit, elle y
associait ses larmes qui, à la fin, allèrent jusqu’à faire baisser sa vue. Mais
les rayons vifs et pénétrants de ses yeux noirs pleins d’intelligence et
contemplatifs ne furent pas amoindris.
C’est à l’école de la
souffrance que se façonnent les trempes fortes et robustes de l’esprit. Mais
quelle différence entre les héros de la religion et ceux du siècle ! La
souffrance des Saints, c’est l’imitation de JÉSUS-CHRIST, le pur amour de DIEU,
l’amour de la Croix, le triomphe de la grâce sur l’humaine faiblesse, c’est une
souffrance qui se réjouit de donner une preuve d’amour à l’Aimé, qui s’enivre
dans la souffrance elle-même et lui fait prendre part à cette soif Mystérieuse
qui faisait crier au Divin Rédempteur sur la montagne du Sacrifice :
« Sitio », J’ai soif !
La souffrance des âmes
qui aiment DIEU a des motifs très élevés et des fins sublimes. Le cœur, l’âme,
les sens sont mis comme en un creuset parce que DIEU n’est pas aimé, parce que
l’on craint de l’offenser, ou souvent parce que, dans le secret de l’esprit, le
vivant Soleil de la Divine Présence se trouve comme obscurci, ou simplement
parce que l’âme aimante voudrait comme s’anéantir afin que Dieu fût glorifié,
ou parce qu’elle voudrait s’échapper du corps et voler vers les divines
caresses, et que l’heure et la minute ne sont pas arrivées. C’est ce qui
faisait crier au Prophète : Hélas, mon pèlerinage n’a pas encore assez
duré !
Telle était la souffrance
de cette créature privilégiée. Quelles ont été ses tribulations intérieures,
d’un genre plus qu’ordinaire, ce n’est pas ici le lieu de les dépeindre. Elle a
confié à une personne que, toute jeune encore, elle eut dix années d’enfer dans
son esprit. Alors on la crut folle ou hallucinée, alors on la conduisit à la
Grande Chartreuse. Néanmoins, chose merveilleuse que l’on ne rencontre que dans
la vie des Saints, elle-même n’était jamais rassasiée de souffrir pour
JÉSUS-CHRIST. Elle disait dans ses transports : « Je demande au
Seigneur de me faire souffrir et de me cacher. » Véritable caractère d’une
vertu solide et d’une profonde humilité.
Et ici, je ne dois pas
passer sous silence un long et saint martyre que souffrit cette sainte privilégiée
pendant toute sa vie.
Admettant, bien qu’avec
une foi purement humaine, l’apparition de la Très Sainte Vierge à la Salette,
nous pouvons également admettre, en raison de diverses déclarations explicites
de MÉLANIE CALVAT, que la Très Sainte Vierge, dès qu’elle lui eut confié un
secret, lui aurait ensuite révélé qu’il sortirait de la Sainte Église un
insigne ordre religieux, dit des nouveaux Apôtres ou des Missionnaires de la
Mère de DIEU, qui seront répandus par tout le monde et feront un bien immense à
la Catholicité. Cette congrégation comportera un second ordre et un
Tiers-Ordre. Ils seront enflammés, pour la gloire de DIEU et le salut des âmes,
d’une ardeur semblable à celle des premiers Apôtres. Les paroles contenues dans
le Secret de MÉLANIE et par lesquelles la Très Sainte Vierge annonce la
formation de ce grand ordre religieux n’ont, en vérité, rien de notre
humanité ; elles respirent un souffle divin, elles sont la simplicité mise
en harmonie avec le sublime. La Très Sainte Vierge, après avoir annoncé cet
évènement futur, donna à MÉLANIE la règle que devait suivre ce nouvel ordre
religieux. Cette règle, MÉLANIE la conserva de mémoire dans son esprit pendant
douze ans, sans l’avoir écrite. « Il semblait qu’elle était imprimée en
moi », disait-elle. Plus tard, le moment marqué par la Très Sainte Vierge
pour la divulgation du Secret étant arrivé, MÉLANIE écrivit cette règle, mais
alors il lui devint impossible de bien la conserver présente à la mémoire.
Cette règle fut soumise
au jugement d’une commission de cardinaux de la Sainte Église et jugée par eux
irréprochable. Elle est comme un chapitre de l’Évangile et contient la
quintessence de la perfection chrétienne mise en pratique avec la plus grande
douceur et avec charité.
Or MÉLANIE souffrit
pendant toute sa vie une agonie spirituelle, dans l’attente de voir
l’accomplissement de la parole de la Très Sainte Vierge et l’organisation des
nouveaux Apôtres de la Sainte Église. Loin de là, elle fut témoin des
persécutions que la dévotion à Notre-Dame de la Salette eut à supporter, par la
volonté de Dieu, et au point qu’à chaque persécution, cette dévotion semblait
devoir s’anéantir. Ses regards étaient toujours tournés vers Rome, attendant
que la suprême autorité de l’Église couronnât de gloire et d’honneur la
Salette, et qu’il en sortît enfin la fondation après laquelle elle soupirait.
Mais la prudence du Saint-Siège en pareille affaire et la divine Providence qui
règle et dispose tout avaient amené cette sainte créature à une continuelle et
parfaite résignation à la volonté divine. Alors, elle aura dit avec
Ezéchias : « Ecce in pace amaritudo mea amarissima ! »
Souvent, elle se considérait elle-même comme un obstacle à l’accomplissement du
plan divin, et alors elle s’anéantissait devant Dieu, se mortifiait de
différentes manières et souhaitait la mort, soupirait après elle, la demandait
dans ses prières.
C’est de cette manière
que cette pauvre exilée sur la terre chantait le cantique de ses destinées.
« Cantabiles mihi erant justificationes tuae in loco peregrinationis
meae. »
Si celle qui apparut sur
la montagne de la Salette fut la Très Sainte Vierge Marie, la Mère immaculée de
DIEU, si ce fut cette Mère incomparable qui confia son secret à MÉLANIE et à
MAXIMIN et donna une règle très sainte pour un nouvel ordre religieux très
nombreux des derniers Apôtres, qui pourra douter que la promesse de la Reine du
Ciel doit recevoir son entier accomplissement ? Dans ce cas, réjouis-toi,
ô innocente bergère de la Salette, réjouis-toi en DIEU, ô âme choisie entre
mille ; ton long martyre n’a été qu’une préparation à une grâce si
ineffable ! Le sacrifice de ta vie simple, offerte en holocauste à travers
les souffrances et les mortifications de toutes sortes, sera béni de JÉSUS et
de MARIE, et son fruit sera une génération d’élus. Et qui pourra les
nommer ? Generationes ejus, quis enarrabit ?
Que DIEU est admirable
dans ses œuvres ! La vie humble, cachée et pénitente de MÉLANIE sera
devenue, en face de l’infinie bonté de DIEU, un titre à sa miséricorde en
faveur de l’humanité ; la vie de MÉLANIE, qui commençait à être connue et
admirée, maintenant qu’elle-même est séparée de ce monde, sera peut-être un
motif pour hâter cette divine règle, dictée par la Très Sainte Vierge et, par
suite, les biens immenses qui pourront en découler.
DIEU connaît le chemin
des cœurs. Il est écrit que belles sont les voies de la Sagesse :
« Viae ejus viae pulchrae. » Lorsque dans la vie d’une sainte
créature, à une solide vertu se trouve joint un ensemble de situations
diverses, d’évènements et de fruits intrinsèques et extrinsèques, dans lequel
le beau, le sublime, le pathétique frappent, attirent, envahissent le cœur et
l’imagination, alors tout l’homme est conquis et gagné à la vérité.
J’ai cru découvrir
quelque chose de semblable dans cette vie et dans les diverses péripéties
traversées par cette élue du Seigneur, au point de ne savoir s’il fut, à notre
époque, dans le monde, une autre qui pût lui être comparée. Les quelques
mémoires qu’elle écrivit sur elle-même, par obéissance, mettront le comble à
ces merveilles. Tout d’abord, c’est une petite fille qui habite dans les bois,
souvent entourée d’animaux sauvages et d’oiseaux divers, se jouant avec les uns
comme avec les autres : puis c’est une jeune bergère solitaire qui conduit
les moutons et les vaches dans les endroits escarpés et sauvages et là, assise
à l’ombre d’un arbre touffu, prie ou cause avec les fleurs.
Mais voici que les
grandes splendeurs du surnaturel l’environnent, la transportent jusqu’au ciel.
La Toute Belle, Celle qui est lumière, amour, grâce, poésie de l’infini, la
Vierge Marie se montra à Elle, lui parla. Voici que le nom de la petite bergère
inconnue vole de bouche en bouche et remplit le monde.
Oh ! combien ont
envié son sort ! Combien ont désiré la voir ! la vénérer !
combien ont essayé de baiser au moins le bord de ses vêtements. Mais la voici
devenue plus belle encore du soin continuel et plein d’humilité qu’elle prenait
de se cacher ! L’heureuse bergère devient aussitôt une vierge sacrée,
vouée à l’Époux Céleste.
Les habits de la
pénitence, le silence des saints cloîtres donnent un nouvel éclat à sa beauté
céleste. Elle était alors dans la fleur de ses vingt ans.
D’ici peu d’années, la
bergère de la Salette, l’habitante des bois, la virginale colombe se trouve vouée
au pèlerinage du monde, elle entre dans une nouvelle phase de son existence qui
doit durer toute sa vie. Pendant cinquante ans environ, Mélanie de la Salette
accomplit une mission ou un sacrifice auquel Dieu la destinait par ses fins
impénétrables. Une vie nomade, errante, de pays en pays, toujours dans l’espoir
d’en trouver un où elle pût se cacher à tous, et où les hommes n’offenseraient
pas DIEU ! « Quelques-uns, me disait-elle un jour, croient que je me
plais à voyager et à aller de çà, de là ! mais combien ils se
trompent ! » Et combien elle avait de motifs pour justifier ses
pérégrinations !
Mais une halte de la
sainte élue du Seigneur dans ses divers pèlerinages nous vaut le doux, le suave
souvenir de notre ville de Messine et de ce pieux Institut religieux de
charité. Il est bien juste que nous évoquions cette sainte mémoire et que nous
vous en entretenions quelque peu, puisque c’est pour Elle que nous sommes ici
recueillis au pied du Saint Autel et que nous célébrons cette cérémonie
funèbre.
Messine, la cité de Marie
très sainte, a reçu de tout temps les marques particulières de l’amour de Celle
qui lui a promis sa protection perpétuelle. Il y a sept ans que MÉLANIE de la
Salette vint demeurer ici, pendant un an et 18 jours. Son arrivée fut précédée
de quelques signes qui tiennent du miracle.
Ce qui donna naissance à
un si grand bien fut que notre Institut traversait alors une période de
difficultés telle qu’il semblait devoir être supprimé. Depuis quelque temps, un
séjour de peu d’heures à Castellamare di Stabia m’avait fait souvenir de ce que
je savais par la renommée, c’est-à-dire, que la Bergère de la Salette se
trouvait là ! Grand fut mon désir de la connaître, mais ce fut en
vain ; parce que cette colombe fugitive avait porté ailleurs son nid. Elle
se trouvait à Galatina, diocèse de Lecce. Il me resta un vide dans le cœur.
De retour à Messine, j’en
écrivis à Mgr Zola, d’heureuse mémoire, alors évêque de Lecce, qui me donna
gracieusement l’adresse de MÉLANIE, et bientôt j’entrai en correspondance avec
la servante du Seigneur. Oh ! quel parfum de Sainteté me semblait
s’exhaler de ses lettres. Je m’en trouvais transporté au Paradis ! Un jour
elle m’écrivit qu’elle allait quitter Galatina, mais qu’elle ne ferait
connaître à personne sa nouvelle adresse. Cela me surprit et je me décidai à
aller la trouver pour l’inviter à venir à Messine dans notre Institut. Ce fut
pour moi comme un voyage de dévotion vers la Sainte Vierge ; je souriais à
la pensée de voir et d’entendre parler cette heureuse créature qui avait vu la
Sainte Mère de DIEU et l’avait entendue parler.
J’ai vu Mélanie dans sa
pauvre demeure, j’ai conversé avec elle, je l’ai entendue raconter la Grande
Apparition de la Salette ; et saintes et profondes furent mes émotions. Je
l’invitai à venir à Messine, mais elle ne se décida pas. Elle me parla avec
affection de Messine, me dit qu’elle portait sur elle, imprimée, la lettre de
la Très Sainte Vierge aux habitants de Messine92,
et me la montra traduite en français. Finalement, elle ne se décida pas. De
retour, je trouvai mon pauvre institut près de sa fin. Alors, je m’enhardis à
exposer cette situation à l’Élue du Seigneur et lui renouvelai l’invitation,
lui demandant de venir au moins pour une année. Immédiatement elle me répondit
qu’elle acceptait, et qu’elle viendrait dans le but d’organiser et de former
cette Communauté des Filles du Divin Zèle du Cœur de JÉSUS, qui sont préposées
à l’éducation des orphelines recueillies, et qui ont embrassé la sainte Mission
d’obéir, par vœu, au précepte du Divin Zèle du Cœur de JÉSUS, Rogate ergo
Dominum.
Oh ! mes filles en
Jésus-Christ, quel bonheur pour vous ! MÉLANIE, la fille de prédilection
de MARIE Très Sainte, la créature sage, noble et aimable, a été l’Éducatrice et
en quelque sorte la fondatrice de votre humble Institut.
Vous ne pourrez jamais
oublier quel jour heureux fut celui de sa venue parmi vous. C’était le 14
septembre 1897, le cinquième jour de la neuvaine de N.-D. de la Salette, le
Saint jour de l’Exaltation de la Sainte Croix ; admirable mais inévitable
coïncidence de la part de Celle qui, sur la montagne de la Salette, avait vu la
Très Sainte Vierge et devait changer son nom en celui de Sœur Marie de la
Croix. Il était 10 heures du matin quand Sœur Marie de la Croix se présenta sur
cette place du Saint-Esprit, je l’attendais au seuil de ce Saint Temple. En la
voyant, je ne pus m’empêcher de m’écrier : D’où me vient tant d’honneur
qu’une préférée de la Mère de DIEU vient me trouver ? Mais elle, se
mettant de suite à genoux, demanda la bénédiction du prêtre, ensuite elle entra
dans la maison du Seigneur et assista dans un profond recueillement au Très
Saint Sacrifice de la Messe. Vous toutes, mes sœurs, ainsi que vos orphelines,
vous l’attendiez dans la grande salle du parloir. Vous étiez dans une sainte
attente, comme si, à travers une créature terrestre, vous eussiez dû voir la
Très Sainte Vierge en personne. Et non seulement la voir, mais la posséder au
milieu de vous ; quel guide maternel et quelle Maîtresse ! À son
entrée, accompagnée de moi, vous êtes tombées à genoux, saisies de respect et
d’affection et vous avez demandé sa bénédiction.
Mais l’humble servante du
Seigneur, confuse, se prosterna elle-même à terre et demanda la bénédiction du
ministre de DIEU pour elle et pour vous. Telle fut son arrivée dans notre
pauvre Institut.
Je ne veux pas vous
rappeler davantage les merveilles qu’elle opéra ici. Mon DIEU ! nous avons
assisté à des manières d’agir non communes ! Tout, dans cette créature,
était nouveau et souvent mystique. Assurément la vertu qui était en elle et
transperçait faisait souvenir des vies des Saints. Tout d’abord elle était
d’une charmante innocence : c’était une colombe très pure qui semblait
avoir plané au-dessus de toutes les misères humaines sans avoir été effleurée
d’une seule goutte. C’était un lis parfumé de virginité, c’était une toute
petite enfant sortant des fonts baptismaux, mais cependant riche en prudence et
en sagesse. Plus d’une fois, nous avons vu des oiseaux entrer dans le Monastère
et jusque dans sa chambre, comme s’ils la cherchaient pour jouer avec elle.
L’esprit de mortification
et de pénitence qui l’animait était remarquable. Elle prenait excessivement peu
de nourriture, à peine quelques onces, et l’absorbait à petites bouchées. À
Galatina, un kilogramme de pain lui durait quinze jours. Chez nous, elle en
prenait à peine une once ou deux par jour. Elle buvait également fort peu, et
jamais à pleines gorgées. Avant d’être parmi nous, elle restait par semaines
trois jours consécutifs sans boire et disait : « Il y a de si grandes
soifs par le monde ! » Le jour de Pâques, nous l’avons vue solenniser
à table cette grande Fête, en prenant la moitié d’un œuf ! Jamais un fruit,
jamais une douceur. Son sommeil ne dépassait pas trois heures et toujours sur
la terre nue, comme vous avez pu le constater, mes sœurs. Combien de fois, dans
le calme de la nuit, l’avez-vous vue passer, une lumière à la main, à travers
les dortoirs ! Que dirons-nous des macérations de son corps
virginal ? Que signifiaient ces linges couverts aux épaules de sang frais,
que vous avez eu occasion de trouver en mettant ses vêtements à la
lessive ? Que signifiait cette table toute hérissée de clous disposés en
croix, qui donnait le frisson et que nous conservons avec des traces de taches
de sang ?
Néanmoins, calme,
sereine, tranquille, consommée dans la vertu et la souffrance, elle semblait
extérieurement n’avoir rien ressenti ; gracieuse et délicate dans sa
démarche, ses manières et son langage, et comme si en elle les contrastes
s’étaient harmonisés, elle était recueillie et sociable, humble et imposante,
aimable et réservée, forte et soumise, et celle qui était restée une toute
petite enfant semblait supérieure à une personne adulte et mûre. Elle était, en
réalité, simple comme la colombe et prudente comme le serpent.
Je voudrais avoir le
langage d’un ange pour vous parler de notre MÉLANIE et vous donner une idée de
son amour ardent pour Notre Seigneur JÉSUS-CHRIST et la Très Sainte Vierge
MARIE. En vérité, sa vie fut une vie d’amour ! Elle aimait DIEU du pur
amour, et les flammes de cet incendie mystique la consumaient tantôt plus,
tantôt moins. Tous les sens, toutes les fibres, toutes les facultés de cette
créature de DIEU tressaillaient d’amour. Vous vous souvenez avec quel transport
d’amour elle se nourrissait, toute une journée, de JÉSUS au Saint-Sacrement.
C’était son expression : « Ce que j’aime, je voudrais le
manger ! »
Ah ! j’ai mis à une
épreuve son amour pour le Saint-Sacrement un jour que, inopinément et sans
qu’elle s’y attendît, je lui défendis de s’approcher de la Sainte Communion.
Elle tressaillit, se trouva mal et tomba à terre comme morte. J’ai pu alors me
faire une idée de ce qu’est un véritable esprit de vertu, quand, ayant repris
ses sens, elle parut pendant tout le reste de cette journée aussi douce, aussi
humble, aussi suave, et même davantage ; et moins que jamais, vous n’avez
pu vous défendre de votre admiration habituelle. Mais le pur amour de DIEU
engendre le zèle de sa gloire et du salut des âmes. Le zèle, a dit le Saint
Évêque de Genève, est la flamme de la charité. Grand était le zèle qui brûlait
dans le cœur virginal de Mélanie. Elle aurait voulu s’immoler à chaque instant
pour que DIEU fût glorifié, JÉSUS connu et aimé en tous lieux, et toutes les
âmes sanctifiées et sauvées. Sa foi vivante et son zèle ardent lui faisaient
considérer les prêtres comme de nouveaux Christs, et lui faisaient désirer
que le Monde fût rempli de vrais Ministres du Sanctuaire.
Je ne doute pas que, pour
ce motif, elle n’ait vivement aimé notre humble institut, et que, depuis
qu’elle l’a connu, elle ne l’ait porté toujours en son cœur, en faisant l’objet
de ses ardentes prières, parce que nous avions pris pour notre devise et notre
mission cette grande parole de l’Évangile, ce céleste précepte sorti du divin
zèle du Cœur de JÉSUS : Rogate ergo Dominum Messis ut mittat
operarios in Messem suam.
Oh ! mes Sœurs,
cette prière que vous récitez dévotement tous les jours, combien elle l’avait à
cœur ! elle voyait dans cette humble institution sortie de ses mains et
dans cet esprit de prière comme le précurseur de sa chère fondation des
nouveaux Apôtres ou des Missionnaires de la Mère de DIEU. Elle voulut même attacher
à son vêtement le scapulaire du Cœur de JÉSUS portant cette parole sacrée, qui
forme notre devise : « Demandez au maître de la moisson d’envoyer des
ouvriers à son champ », et ce ne sera ni vous, ni moi, mes sœurs, qui
donnerons un démenti à cette réflexion qu’elle me fit un jour, en
français : « Je suis de votre Congrégation. »
Je renonce à décrire les
merveilles dont vous ou moi avons été témoins pendant que MÉLANIE demeura parmi
nous. Je ne dis rien de ses recueillements subits, dans lesquels elle semblait
hors de ses sens et comme ravie en extase ; rien de cette sorte de
divination des cœurs qui lui faisait lire les pensées cachées, rien des deux ou
trois guérisons d’orphelines survenues à la suite d’un signe de Croix fait par
elle, rien de son extraordinaire confiance en la Très Sainte Vierge, grâce à
laquelle elle semblait avoir toujours dans les mains, et à temps voulu, les
objets, la nourriture ou l’argent, selon les besoins de la Maison. Faisons
silence sur tout cela et ne préjugeons rien des jugements autorisés qu’il
appartient à l’autorité de prononcer.
... Qu’il passa vite pour
nous, le temps que nous gardâmes MÉLANIE de la Salette ! Vint le jour de
son départ ; elle en était profondément attristée. Vous vous souvenez avec
quelle humilité elle se prosternait en vous demandant pardon à grands
cris ; et vous, avec des plaintes amères, mais hélas ! plus
compréhensibles que les siennes, vous faisiez comme elle ! « Mère,
lui disiez-vous, à travers vos sanglots, vous souviendrez-vous de nous ?
nous recommanderez-vous au Seigneur ? » Et elle : « Oui,
mes filles, toujours je vous porterai dans mon cœur ; toujours je prierai
pour vous..., je vous laisse pour supérieure la Très Sainte Vierge. »
De Messine elle alla à
Moncaliéri ; de Moncaliéri en France. Elle fut à Diou ; elle fut à
Cusset. Mais un jour elle dit : « Je ne veux pas rester en
France ; je ne veux pas mourir chez les Francs-Maçons. » C’est
alors qu’elle se résolut à retourner dans sa chère Italie, chercher quelque
refuge isolé où personne ne la connût, où, dans le silence et la solitude, elle
pût se préparer à la mort. Dès ce moment, les feux du divin amour étaient
devenus en elle irrésistibles ; elle se sentait fortement attirée au Ciel.
Altamura, de la province
de Bari, ville heureuse et bénie, fut le terme de ses pèlerinages terrestres.
Elle y arriva en juin 1904. Elle avait alors 72 ans, et était comme à bout de
forces. S. E. Mgr Cecchini, le très digne Évêque des deux diocèses d’Altamura
et d’Acquaviva, lui fit grand accueil : il savait quel trésor Dieu
envoyait à sa ville épiscopale ! Sur les instantes prières de la Servante
du Seigneur, il garda fidèlement le secret de sa venue. Il la confia, sans la
nommer, à la noble et pieuse famille Gianuzzi qui ne tarda pas à constater
l’extraordinaire sainteté de cette admirable étrangère, et se prit bien vite à
l’aimer autant qu’à la vénérer ; mais Elle, qui, détachée de toute
affection terrestre, chassée même de la maison de sa mère, avait passé dans le
silence et le secret les premières années de sa petite enfance, Dieu la
destinait à mourir dans une chambre étroite, dans un abandon total, loin de la
présence, loin des secours de toute créature humaine.
C’est sa coutume, à Dieu,
de révéler à ses chers serviteurs le jour et l’heure de leur mort. Avait-il
réservé cette grâce à la favorite de la Très Sainte Vierge ? nous
l’ignorons. Il faut pourtant remarquer que MÉLANIE CALVAT, trois mois avant sa
mort, quitta la pieuse famille Gianuzzi en lui rendant humblement grâces pour
sa cordiale hospitalité, et se retira dans un petit quartier de la ville, le
plus écarté, là où elle pouvait le plus facilement se cacher à tous les
regards. Tous les matins elle se rendait à la cathédrale pour y entendre la
Sainte Messe et s’y nourrir de « son cher ami de l’Eucharistie ».
Rien qu’à la voir, les fidèles étaient dans l’admiration devant le
recueillement profond de cette inconnue.
Le 15 décembre de cette
même année 1904, jour octave de la fête mondiale de l’Immaculée Conception, et
veille de la neuvaine préparatoire de Noël, on ne vit pas venir à l’église la
Servante du Seigneur.
Mgr l’Évêque se hâte
d’envoyer chez elle son valet de chambre, s’informer si elle a besoin de
quelque chose. On frappe à la porte ; pas de réponse. On refrappe, on
refrappe avec bruit ; toujours le silence. On va vite prévenir Monseigneur
qui, soupçonnant un accident grave, avise l’autorité civile. Celle-ci se rend
sur les lieux, constate que personne ne répond, brise la porte et entre.
La Servante du Seigneur
gisait sans vie sur la terre nue.
De la sorte sont morts de
grands saints à qui l’Église a donné les honneurs des autels ; saint Paul
l’ermite et sainte Marie l’Égyptienne, dans le désert ; saint François
Xavier, sur une plage ; et dans une étable, sainte Germaine Cousin, cette
bergère de France dont la vie a bien des ressemblances avec la vie de MÉLANIE.
Remarquons pourtant que
la miséricorde de Dieu, cette Providence, pleine d’amour pour ceux qui
l’aiment, avait déjà précédemment pris ses dispositions pour sa servante. En
France, avant son départ pour Altamura, elle avait été sur le point de mourir,
et, comme si elle eût été sur son lit de mort, elle avait reçu le saint
Viatique et l’Extrême-Onction. Oh ! bienheureux ceux dont la vie est avec
Jésus, dont la vie s’éteint dans l’amour de Jésus ! Beati mortui qui
in Domino moriuntur... Elle avait vécu pauvre, solitaire, pénitente ; elle
n’avait désiré que l’oubli : seule avec Dieu ! Elle voulait mourir
comme elle avait vécu !
Mais saurons-nous les
inventions délicates et pleines d’amour de son Bien-Aimé, de celui qui est
fidèle et vrai, dans ces solennels moments ? Qui nous dira les secours
pleins d’affection de l’Immaculée, de celle qui, sur la montagne de la Salette,
s’était montrée à elle, si belle et si majestueuse ! Et cette assistance
réconfortante des anges, ses frères ? Tout cela a été dérobé aux regards
des hommes...
La mort de MÉLANIE a été
comme l’image condensée de sa vie 93 !
Mais ce serait se tromper
que de voir dans cette mort sur la terre nue la simple conséquence imprévue
d’une syncope. Non ! son lit, elle ne s’en servait pas, la servante de
Dieu, innocente pénitente. Nous l’avons déjà dit, c’est sur la terre nue
qu’elle prenait, pendant quelques heures de la nuit, son repos et son
sommeil... N’est-ce pas le cas de s’écrier : Moriatur anima mea morte
justorum ? Cette « Juste », puissions-nous mourir comme
elle mourut ? Puisse la fin de notre vie ressembler à la sienne !
Adieu, âme si belle !
Adieu, créature d’amour, ouvrage complet de l’amour, du très pur et très saint
amour de Jésus, le Souverain Bien ! Adieu, Vierge vigilante et
prudente ! Quand, dans le calme de la nuit, la voix de l’Époux t’appela,
sans retard, tu courus à Lui, avec la Lampe mystique, la lampe remplie d’huile
et ruisselante de splendeur !... Pour toi sont finis les travaux, les
longs et fatigants voyages, les pèlerinages épuisants, les profondes agonies
d’amour, du saint Amour avec sa faim insatiable et son inextinguible soif de la
Justice qui n’habite pas cette terre ! À cette heure, c’est le Très-Haut
qui est ton héritage !... Oui, cette pensée nous est très douce : les
flammes expiatrices n’ont pas été pour toi, ou du moins ton passage y a été
rapide, et te voilà, pour l’éternité, entrée dans la joie de ton Dieu !
Oui, ils sont réalisés dans le bonheur, ces ardents désirs de l’union sans fin
avec le Seigneur, qui, si souvent, t’arrachaient ce cri : « Quand
viendra l’heure ? Oh ! quand l’heure viendra-t-elle !... »
Sois dans l’allégresse, dilate ton cœur dans la vision béatifique de ce Jésus,
l’objet de tes soupirs, l’aspiration perpétuelle de ton âme pleine d’amour, ce
Jésus que tu n’as pas craint de suivre sur sa voie douloureuse ! Sa croix,
elle a été pour toi délices, sourire et joies, « fleur qui jamais ne se
flétrit », écrivais-tu souvent ! Oh ! que de fois, semblable à
l’Épouse du Cantique, tu as langui d’amour pour le Bien-Aimé ! C’était un
feu qui s’élançait de ta poitrine !... Et quand, entrée dans le royaume de
l’Éternelle Gloire, quand tu as vu la Reine sans tache, Celle qui avait comme
affolé ton cœur d’un amour d’enfant, si tendre et si plein de confiance, ce
cri : « Madonna mia ! Madonna mia ! » avec lequel tu
acclamas la Grande Reine... tout cela, comment pourrais-je le dire !...
Ô MÉLANIE, de ce trône
élevé sur lequel Dieu vous a assise au Ciel, vos regards s’abaissent-ils encore
sur cette terre ? Nous aimez-vous toujours avec ce cœur qui nous a tant
aimés en ces bas lieux de l’exil ? Mais que dis-je ? Est-ce que tout
amour d’ici-bas ne se perfectionne pas au contact de Dieu ? Est-il
possible que, dans le Ciel, les Bienheureux n’aiment pas ceux qui les
aiment ? Oui ! En Dieu vous nous aimez... Un jour, pendant que vous
étiez au milieu des pauvres orphelines, on vous disait : « Mère (on
vous donnait ce doux nom), Mère, une fois partie, vous ne penserez plus à nous.
– Ah ! répondiez-vous, vous ne connaissez pas mon cœur ! »
À cette heure où dans le Royaume de l’Éternel Amour vous nous aimez de la parfaite Charité, ah ! ne cessez pas de prier pour nous. Priez pour tous ceux qui vous vénèrent comme une créature céleste. Priez pour ces vierges, « les Filles du Divin Zèle », pour l’éducation religieuse desquelles vous avez dépensé une année de votre vie, avec des soins plus que maternels, avec une direction sage et éclairée, avec un zèle tout particulier pour les remettre dans la voie du Seigneur. Vous le savez, ces pieuses filles consacrées au Très Saint Cœur de Jésus et vouées par vous-même à Marie, la Mère Immaculée, vous regardaient comme une déléguée de la Très Sainte Vierge venue au milieu d’elles, il y a sept ans, et qui semblait avoir toujours été parmi elles.
Et sur moi aussi, sur moi
qui apporte à votre mémoire ce faible tribut d’hommages, sur moi qui de votre
noble cœur ai reçu tant de témoignages de votre pure et sainte dilection, sur
moi aussi daignez répandre le puissant secours de vos prières à l’adorable
Rédempteur Jésus-Christ et à Marie sa Mère immaculée !...
« Mélanie, ce que je
vais vous dire à présent ne sera pas secret ; c’est la Règle que vous
ferez suivre exactement à mes filles, qui seront ici lorsqu’elle sera approuvée
par les supérieurs. Mes Missionnaires suivront la même Règle. »
1. Les membres de l’Ordre
de la Mère de Dieu aimeront Dieu par-dessus toutes choses et leur prochain
comme eux-mêmes pour le pur amour de Dieu.
2. L’Esprit de cet Ordre
n’est pas autre que l’Esprit de Jésus-Christ en soi et l’esprit de Jésus dans
les âmes.
3. Les membres de cet
Ordre s’appliqueront à étudier Jésus-Christ et à l’imiter, et plus Jésus sera
connu, plus ils s’humilieront à la vue de leur néant, de leur faiblesse, de
leur incapacité à faire un bien réel dans les âmes sans la grâce divine.
4. Ils seront d’une obéissance
parfaite en tout et partout.
5. Chacun d’eux se
conservera dans une grande chasteté de corps et d’esprit afin que Jésus-Christ
fasse sa demeure en eux.
6. Les membres de cet
Ordre n’auront qu’un cœur et qu’une âme en l’amour de Jésus-Christ.
7. Aucun n’aura rien en
propre pour soi, mais que tout soit commun, sans ambitionner la moindre des
choses passagères ; je veux que mes enfants soient nus, dépouillés de
tout.
8. Ils auront une grande
charité, sans bornes ; ils souffriront tout de tout le monde, à l’exemple
de leur Divin Maître et ne feront souffrir personne.
9. Les membres de l’Ordre
obéiront à leurs supérieurs et leur rendront l’honneur et le respect qui leur
sont dus, avec une grande simplicité de cœur.
10. La supérieure
veillera avec douceur à l’observance de la règle ; de temps en temps elle
se consultera avec le Père Missionnaire qui aura soin de vos âmes, afin d’être
aidée dans le bon gouvernement de la maison ; elle sera la plus humble et
sera plus sévère pour elle que pour les autres. Elle corrigera les fautes de
ses filles avec une grande douceur et prudence ; elle élèvera toujours son
âme à Dieu avant de faire une correction.
11. Il y aura dans le
sanctuaire le Saint-Sacrement exposé le jour et la nuit, pendant les mois de
septembre, de février et mai, où les membres de l’Ordre se feront un bonheur de
passer d’heureuses heures quand la charité ou le salut des âmes ne les
retiendront pas ailleurs.
12. Ils mèneront une vie
bien intérieure, quoique laborieuse, unissant la vie contemplative à la vie
active ; ils se sacrifieront et se feront tous victimes de Jésus et de
Jésus crucifié.
13. Ils recevront tous
les jours, avec une vraie piété, le Pain de Vie ; vous pourrez cependant
retrancher la communion à quelques membres quand vous verrez qu’ils ne suivent
pas les traces de Jésus crucifié.
14. Outre les jeûnes
commandés par l’Église, ils jeûneront encore pendant les mois de septembre,
février et mai. Ils se serviront de quelques instruments de pénitence ;
ceux qui seront trop faibles et ne pourront pas faire les œuvres d’expiation,
offriront avec humilité et douceur leur infirmité à Jésus-Christ.
15. Ils jeûneront tous
les vendredis et feront quelque pénitence. Toutes ces œuvres seront offertes
pour les âmes du Purgatoire, en faveur de la conversion des pécheurs et pour
leur propre avancement dans l’amour de Dieu.
16. Les membres de
l’Ordre seront très humbles et très doux envers les séculiers, et les recevront
avec une grande bonté ; ceux qui seront les plus humbles auront la
première place dans le cœur de Jésus, ainsi que dans le mien.
17. Les membres n’auront
qu’un cœur et qu’une âme ; aucun ne tiendra à sa propre volonté.
18. Ils seront d’une
pureté angélique, ils observeront une grande modestie en tout et partout.
19. Tous garderont un
grand silence, évitant avec soin les conversations inutiles avec les étrangers.
20. Les sujets qui
voudront être reçus seront dans la disposition bien sincère de se donner à Dieu
entièrement et de se sacrifier pour son amour. Ils s’attacheront bien à
l’obéissance, qui les conduira au ciel.
21. Ils ne seront admis
au nombre des postulants qu’après avoir fait une retraite de 12 jours, pendant
laquelle retraite ils feront au Père Missionnaire, confesseur de la Communauté,
une confession générale à travailler de toutes leurs forces à se sanctifier et
à acquérir les vertus propres ; s’ils sont disposés à travailler de toutes
leurs forces, à se sanctifier et à acquérir les vertus propres d’une Victime
qui veut s’immoler chaque jour pour le Dieu du ciel et de la terre, ils seront
reçus au Noviciat et seront trois mois avant de prendre le costume de
l’Ordre ; et ils se rappelleront bien qu’ils n’ont été reçus dans la
maison de la Mère de Dieu que pour travailler à leur sanctification par la
prière, par la pénitence et par toutes les œuvres qui regardent la gloire de
Dieu et le salut des âmes.
22. Mes Missionnaires
seront les Apôtres des derniers temps ; ils prêcheront l’Évangile de
Jésus-Christ dans toute sa pureté par toute la terre.
23. Ils auront un zèle
infatigable, ils prêcheront la réforme des cœurs, la pénitence et l’observation
de la Loi de Dieu ; ils prêcheront sur la nécessité de la prière, sur le
mépris des choses de la terre, sur la mort, le jugement, le paradis et l’enfer,
sur la vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Ils fortifieront les
hommes dans la foi, afin que quand le démon viendra, un grand nombre ne soit
pas trompé.
24. On formera bien les
nouveaux sujets aux vertus chrétiennes et aux pratiques de l’humilité, de
charité, d’obéissance, de renoncement et de douceur.
25. Le Noviciat sera de
six ans ; ceux qui auront donné la preuve des solides vertus et qui
voudront se ranger au nombre des combattants de Jésus-Christ dans cet Ordre,
demanderont cette grâce à genoux à la Supérieure, et après que vous leur aurez
fait connaître leurs obligations à la Règle que je vous donne, s’ils vous
promettent de l’observer fidèlement, vous les recevrez.
26. L’oraison se fera en
commun dans le sanctuaire, à l’heure qui sera convenable et qui sera établie.
27. On mangera au
réfectoire commun ce qui sera nécessaire pour soutenir la vie et pour
travailler à la gloire de Dieu ; en même temps que l’on donnera au corps
ce qui lui convient, l’âme se fortifiera par une sainte lecture qui se fera
pendant le repas.
28. On aura le plus grand
soin des membres infirmes et malades.
29. Si un membre
offensait un autre membre par quelque parole ou autre acte, qu’il répare sa
faute le plus tôt possible.
30. Tous les membres de
cet Ordre feront la génuflexion chaque fois qu’ils passeront devant le
Tabernacle où est Jésus-Christ.
31. Chaque fois que les
sujets se rencontreront, l’un dira : « Que Jésus soit aimé de tous
les cœurs ! » ; l’autre répondra : « Ainsi
soit-il ».
32. Les religieuses
diront l’office, comme les religieuses de Corenc près Grenoble ; les
chapitres et autres pratiques se feront de même.
33. Tous les membres
porteront une croix comme la mienne.
Observez bien ma
Règle ».
Nihil obstat
: Sainte-Marie de
la Pierre-qui-Vire, 22 août 1952, Dom Denis HURRE, Abbé.
Imprimatur : Sens,
en la fête du Christ-Roi, 26 octobre 1952. Frédéric LAMY, Archevêque.
VUE
DU COSTUME ET DES ŒUVRES
AUXQUELLES SERONT EMPLOYÉS
LES FILS ET LES FILLES
DE L’ORDRE DE LA MÈRE DE DIEU
En même temps que la Très
Sainte Vierge me donnait les Règles et me parlait des Apôtres des derniers
temps, je voyais une immense plaine avec des monticules. Mes yeux voyaient
tout. J’ignore si c’était les yeux du corps... Mais je serais mieux selon la
vérité si je disais que je vis la terre au-dessous de moi, de manière que je
voyais l’univers entier avec ses habitants, vaquant à leurs occupations, chacun
selon son état (non pas tous par justice mais bien par ambition. Et, par un
juste châtiment de Dieu, ils étaient en guerre avec eux-mêmes).
Je vis donc cette immense
plaine avec ses habitants. Dans certaines parties les hommes étaient
blancs ; en d’autres, ils étaient couleur bois, ou bien un peu plus ou un
peu moins foncés. Je vis, en d’autres pays, des hommes qui étaient presque
jaunes, couleur paille bien claire et avec des yeux rouges. Et d’autres pays où
ils étaient tout noirs comme du charbon. Je vis des pays où les habitants
étaient très petits de taille ; et d’autres pays où ils étaient fort
grands. Eh bien, je vis que les Missionnaires et les Religieuses étaient dans
ces pays et dans toutes les parties du globe.
Je vis les Apôtres des
derniers temps avec leur costume. Ils avaient une soutane noire, pas très fine,
et sans boutons ; des agrafes en tenaient lieu, à la soutane comme à la
pèlerine. Leurs chapeaux étaient très grossiers et les cornes bien formées 94.
Leurs ceintures étaient blanches, d’un tissu grossier. Elles étaient à peu près
larges comme cette ligne
__________________________________95
et les bouts pendaient
presque jusqu’au bas de la soutane. Sur un des bouts de la ceinture il y avait
ces trois lettres, en couleur rouge : M.P.J. (Mourir pour Jésus). Sur
l’autre bout il y avait ces trois lettres en couleur bleue 96 :
E.D.M. (Enfant de Marie).
Ils portaient tous une
croix assez grande, suspendue au cou par un gros cordon noir ; et le bout
du pied de la croix entrait dans la ceinture, du côté gauche. Mais quand ils
prêchaient ou faisaient quelque fonction religieuse, elle était suspendue sur
leur poitrine. À leur ceinture, du côté droit, était suspendu un chapelet et à
ce chapelet il y avait une croix sans Christ. Je vis que les Apôtres des
derniers temps avaient des souliers blancs (dans les longues courses ils les
portaient noirs) avec une boucle dessus.
Les religieuses qui
entraient les premières dans l’Ordre de la Mère de Dieu étaient des religieuses
de la Providence de Grenoble : j’en vis deux et une seule sœur converse.
Elles furent parmi les premières qui, après avoir reçu l’esprit de l’Ordre, en
prirent le costume en la fête de l’Incarnation du divin Rédempteur 97.
Je vis qu’elles avaient la robe noire et grossière, faite presque comme un sac 98,
les manches larges. Leurs souliers étaient blancs, avec les boucles dessus. La
ceinture, le chapelet et la Croix étaient comme ceux des Pères. Elles n’avaient
pas de bonnet, mais une chose blanche qui encadrait la figure. Au-dessus était
un voile noir, qui pendait assez bas par derrière. Elles avaient une espèce de
pèlerine blanche.
Je vis que les
Missionnaires prêchaient, confessaient, assistaient les mourants, donnaient des
retraites : aux prêtres 99,
aux rois et à ceux qui composaient leur cour, aux grands, aux soldats, aux
employés, aux pauvres, aux enfants, aux religieux, aux religieuses, aux femmes
et aux vierges. Je vis, en certains endroits, des Missionnaires auprès des
malades, des pauvres, des prisonniers, et baptisant des enfants et des grandes
personnes.
En d’autres endroits, je
vis les Disciples des Apôtres des derniers temps : je compris bien
clairement que ces Messieurs que j’appelle les Disciples faisaient partie de
l’Ordre. C’étaient des hommes libres : des jeunes gens qui, ne se sentant
pas appelés au sacerdoce, voulant cependant embrasser la vie chrétienne, faire
leur salut, accompagnaient les Pères dans quelques missions et travaillaient de
tout leur pouvoir à leur propre sanctification et au salut des âmes. Ils
étaient très saints et très zélés pour la gloire de Dieu. Ces disciples étaient
auprès des malades qui ne voulaient pas se confesser, auprès des pauvres, des
blessés, des réunions, des prisonniers, des sectes, etc., etc. J’en vis même
qui mangeaient et buvaient avec des impies et plusieurs de ceux qui ne
voulaient pas entendre parler de Dieu ni des prêtres. Et voilà que ces Anges
terrestres tâchaient, par tous les moyens imaginables, de leur parler, et de
les amener à Dieu, et de sauver ces pauvres âmes, qui ont chacune la valeur du
sang de Jésus-Christ, fou d’amour pour nous. Cette vue était bien claire, bien
précise, et ne laissait aucun doute sur ce que je voyais ; et j’admirais
la grandeur de Dieu, son amour pour les hommes, et les saintes industries dont
il usait pour les sauver tous. Et je voyais que son amour ne peut pas être
compris sur la terre, parce qu’il dépasse tout ce que les hommes les plus
saints peuvent concevoir.
Je vis donc que
l’Évangile de Jésus-Christ était prêché dans toute sa pureté par toute la terre
et à tous les peuples.
Je vis que les
Religieuses étaient occupées à toutes sortes d’œuvres spirituelles et
corporelles, et s’étendaient, comme les Missionnaires par toute la terre.
Avec elles il y avait des
femmes et des filles remplies de zèle, qui aidaient les religieuses dans leurs
œuvres. Ces veuves et ces filles étaient des personnes qui, sans vouloir se
lier par les vœux de Religion, désiraient servir le bon Dieu, vaquer à leur
salut et mener une vie retirée du monde. Elles étaient vêtues de noir et
étaient très simples100.
Elles portaient aussi une croix sur la poitrine, comme les Disciples, mais un
peu moins grande que celle des Missionnaires, et elle n’était pas extérieure.
Je vis et je compris que
les Apôtres des derniers temps et les Religieuses faisaient les trois vœux de
Religion. De plus, ils faisaient la promesse de se donner et de donner à la
Très Sainte Vierge, pour les âmes du purgatoire, en faveur de la conversion des
pécheurs, toutes leurs prières, toutes leurs pénitences, en un mot toutes leurs
œuvres méritoires. Les Disciples et les femmes faisaient aussi cette promesse
ou oblation à la Très Sainte Vierge.
Je vis que les
Missionnaires vivaient en communauté, et qu’ils disaient l’Office divin
ensemble, au chœur. Dans quelques maisons ils n’étaient pas nombreux. Je vis
que les Disciples qui savaient lire disaient l’Office de la Sainte Vierge dans
leur chapelle.
Je vis aussi que les
Religieuses, ainsi que les femmes, disaient l’Office de la Sainte Vierge.
Je compris en Dieu que
les Apôtres des derniers temps devaient marcher sur les traces des Apôtres de
la primitive Église de Jésus-Christ, avec cette différence que le Supérieur
général avait soin de rappeler (quand cela se pouvait faire), chaque année, les
membres de l’Ordre dans la Maison centrale, pour faire une retraite de dix
jours. Et je vis que, quand des membres de l’Ordre étaient très éloignés, cette
retraite se faisait dans chaque maison ; ou bien ils se rendaient dans une
des Maisons centrales de la Province. Ces retraites se faisaient dans le but de
se retremper dans la ferveur, et dans l’observance de la Règle.
Je vis que les Supérieurs
changeaient et envoyaient des sujets dans une des Maisons de l’Ordre, établie
exprès pour les infirmes et pour les membres qui avaient perdu leur première
ferveur par l’influence et la contagion des grands de la terre, et qui
s’étaient rendus mous et avaient perdu la charité et le zèle. Les malades
étaient bien soignés dans cette maison 101.
Je vis que notre doux
Sauveur regardait les ouvriers de cet Ordre avec beaucoup de complaisance,
parce qu’ils servaient le bon Dieu avec un entier et complet dévouement, sans
recherche d’eux-mêmes. Étant entièrement détachés de toutes les choses de la
terre, ils étaient totalement entre les mains de la Providence de Dieu, remplis
de foi et de confiance en Dieu.
Je vis les âmes du
Purgatoire comme en fête, pour les bienfaits qu’elles recevaient des Apôtres
des derniers temps et des Religieuses ; et je vis que les âmes souffrantes
du Purgatoire, qui étaient délivrées ou qui avaient encore quelque chose à
expier, et qui en avaient le pouvoir, priaient beaucoup, et que de nombreuses
conversions se faisaient par leurs prières. Car je vis que Dieu voulait que les
Missionnaires et les Religieuses de cet Ordre missent toutes leurs prières,
pénitences et bonnes œuvres entre les mains de Marie, leur première Supérieure
et leur Maîtresse, pour les âmes du Purgatoire, en faveur de la conversion des
pécheurs du monde entier.
Je vis et je compris que
le bon Dieu voulait que cet Ordre luttât contre tous les abus qui ont amené le
décadence du Clergé et de l’état religieux et la ruine de la Société
chrétienne.
Beaucoup d’Ordres et de
Congrégations religieuses rentraient dans leur première ferveur, par les soins
et les exemples des Pères ; ou bien se fondaient dans l’Ordre de la Mère
de Dieu.
Je vis que cet Ordre ne
recevait jamais jamais pour Missionnaires ni pour Religieuses des personnes
dont les parents avaient besoin de la charité d’autrui, ou besoin de ce fils et
de cette fille pour les servir. Et quand les parents de quelqu’un des membres
étaient tombés dans la misère, la Communauté, par amour pour le quatrième
Commandement, par prudence, par charité, et pour la tranquillité de ses
membres, dont les parents étaient affligés, donnaient abondamment, selon ses
besoins, à cette famille. Et cela se faisait avec une grande charité, avec une
grande joie, et reconnaissance envers Dieu, de ce qu’il donnait à la Communauté
l’occasion de soulager les membres de Jésus, qui s’est donné à nous tout
entier.
Je vis que les membres de
l’Ordre de la Mère de Dieu faisaient tous leurs efforts pour se dépouiller
entièrement de l’esprit du siècle corrompu, s’avancer dans l’amour de Dieu et
acquérir les vertus de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ils avaient de très bas
sentiments d’eux-mêmes. Ils étaient très unis entre eux, n’ayant ni ambition,
ni envie, ni jalousie, ne désirant en toutes choses que de plaire à leur Divin
Maître ; ne désirant rien hors du Cœur de Jésus, où ils habitaient plus ou
moins étroitement, selon que leur amour était plus pur et plus généreux. Cet
amour de Jésus produisait en eux les fruits d’une grande obéissance, d’une profonde
humilité et simplicité, d’une très grande mortification, d’un zèle très ardent,
et d’un parfait abandon entre les mains du Divin Maître.
Je vis que cet Ordre
était comme le foyer de toutes les œuvres, et comme un autel perpétuel où la
prière était incessante pour les divers besoins de la Sainte Église, pour les
âmes tièdes et pour la conversion des pécheurs du monde entier.
Léon BLOY, 1908
Our Lady of la Salette crying,
carved board
La Vierge de la Salette pleurant,
panneau sculpté
NOTES
1. En
pleurant ! Les Anges ne pleurent pas, mais la Reine des Anges pleure,
et c’est pour cela qu’Elle est leur Reine.
2.
« Le peuple ne veut pas se soumettre et la Cité du Très-Haut
est forcée ! » Représentez-vous les Anges et les Saints poussant
cette clameur d’alarme dans le ciel !
3. Chien.
Je rappelle que telle est l’expression dont il a plu à la Mère de Dieu de se
servir.
4.
Sur cette question de l’auberge et des aubergistes, voir le chapitre XXV du
présent ouvrage.
5.
Voir chapitre XXV.
6.
Témoignage de l’Évangéliste saint Matthieu : chap. XIII, v. 34.
7. Moniteur du
21 septembre 1846.
8.
Job, XXIX, 18, 19 et 20.
9.
Hymne O quot undis lacrymarum, fête de Notre-Dame des Sept-Douleurs.
10.
Prov. VIII, 24, 25.
11.
Thren. I, I, 2.
12.
Cant. II, 14.
13. Écho
de la Sainte Montagne, par Mlle des Brulais, Nantes, 1854.
14. Missa
Spineae D. N. J. C. Introitus.
15.
Léon Bloy : Le Désespéré.
16.
Léon Bloy : Le Fils de Louis
XVI.
17.
Joël III, 18. Joël planus in principiis, in fine obscurior, a dit saint
Jérôme parlant à des hommes qui ne pouvaient pas connaître le Sacré-Cœur.
18. Videte
canes, videte malos operarios... Philip. III, 2.
19.
I Petr. III, 20.
20.
Les quatre derniers mots donnent l’idée d’une construction défectueuse et
amphibologique. Raison de plus, semble-t-il, pour les respecter.
21. Défense
et explication du Secret de Mélanie de la Salette. Nîmes, 1881.
22.
« Nous vivons sous un prince ennemi de la fraude », avait déjà dit
Molière.
23.
Là, elle fut relevée des vœux non solennels qu’elle avait
faits, en février 1856, au Carmel d’Angleterre. De l’aveu de Pie IX, en effet,
la mission que la Sainte Vierge lui avait confiée à la Salette lui défendait de
rester cloîtrée. Bientôt même vint de Rome, consultée à son sujet, cette autre
réponse : « Cachez-la autant que vous le pourrez. » C’était par
crainte du carbonaro couronné, l’homme au « cœur double »,
dénoncé comme tel par la Sainte Vierge elle-même à sa confidente, avec ordre
précis de dire à Pie IX : « Qu’il se méfie de Napoléon ! »
– ce que fit celle-ci dans la rédaction de son secret pour le Saint-Père,
secret qui fut remis à Sa Sainteté, le 18 juillet 1851, comme on l’a déjà vu.
L’Empereur ne pouvait supporter Mélanie, se sentant visé défavorablement par
son Message. Aussi fut-il donné suite à ce prudent avis.
24.
Les documents relatifs à cette honteuse affaire ont été publiés, en 1898, chez
l’éditeur Chamuel, à Paris. Mélanie, Bergère de la Salette, et le cardinal
Perraud.
25.
Mélanie habitait à Altamura une petite maison « hors les murs ». Elle
y était seule depuis peu de temps ; et, seul de son diocèse, Mgr
Cecchini savait qu’elle était la sainte dont on lui avait confié la garde. Tous
les matins elle se rendait à la cathédrale, assistait au Saint-Sacrifice,
communiait et allait ensuite à l’évêché prendre un peu de café sans pain, puis
se retirait dans sa solitude. C’était toute sa nourriture pour la journée. Vers
midi, Monseigneur, qui n’avait pas eu encore l’occasion
de surprendre ce don de vivre presque sans nourriture, lui faisait
porter, par un familier de l’évêché, son repas qu’elle donnait aux pauvres. Le
15 décembre, ne la voyant pas à la cathédrale, il prit de l’inquiétude et
envoya chez elle. Les volets étaient fermés et aucune réponse n’ayant été
faite, il se décida à faire prévenir les autorités civiles. La porte fut
ouverte et on trouva la pieuse fille morte, par terre. Elle était entièrement
vêtue, ses vêtements modestement disposés ; ses bras en croix formaient
comme un appui pour son front. On n’eut qu’à la mettre religieusement dans le
cercueil...
26. Manifestatio
Immaculatae V. M. a Sacro Numismate. Graduale. Missale Romanum.
27.
Secret de Mélanie, 2e alinéa. « Il y a ceci de remarquable, faisait
observer, il y a 30 ans, Amédée Nicolas, qu’aucune communauté religieuse de
femmes n’a réclamé. Seuls les prêtres séculiers ou réguliers ont poussé des
cris. »
28. Le Salut par les Juifs.
29.
Ce quelqu’un, à proprement parler, n’eut pas de lit de mort. Un matin, il
fut trouvé mort sur son plancher, – comme, plus tard, Mélanie – mais, au
contraire de la sainte fille, dévêtu, les bras tordus, les poings crispés, le
visage, les yeux, exprimant l’effroi d’une horrible vision.
30. Notre Dame de la Salette et ses deux Élus.
160 lettres de Mélanie. Paris, Weibel, 9, rue Clovis.
31.
Expulsés de la Sainte Montagne, les anciens Missionnaires emportèrent la
caisse, les vases sacrés couverts de pierreries et jusqu’au Diadème de la
Sainte Vierge !!! Il fallut recourir au Pape pour leur faire rendre ces
richesses du Pèlerinage.
32. Notre Dame de la Salette et ses deux Élus.
33.
– L’Évangile est-il fermé, oui ou non ? me demandait, il y a plus de 25
ans, un assomptionniste fameux, ennemi des prophéties et des illuminations
exceptionnelles. – Moins que vous, mon cher père, lui répondis-je. Ce n’était
pas très spirituel, mais on fait ce qu’on peut, dans le dernier carré.
34.
Depuis l’Apparition, dit l’abbé Félicien Bliard, la Bergère a toujours conservé
une vue claire et distincte de toutes les parties du Secret, bien
qu’il soit d’une grande étendue et tort complexe ; elle a gardé le
souvenir fidèle de toutes les paroles de la Très Sainte Vierge
et l’intelligence de tout ce qu’elle a entendu. En même temps que la Vierge
parlait à la petite Bergère, celle-ci était élevée à une sublime vision dans
laquelle elle voyait clairement tout ce qui lui était dit. Et pendant un quart
de siècle, rien ne lui a échappé, tout est resté fidèlement gravé dans son
esprit. De là cette connaissance si assurée qu’elle semble avoir de l’avenir.
Dans les longs entretiens que j’ai eus avec elle, j’ai été frappé de la
lucidité, de la précision, de la fermeté inébranlable de ses idées. En la
ramenant sur le même sujet, je la trouvais toujours semblable à elle-même, sans
ombre d’hésitation. Du reste, elle est sobre de paroles et je l’ai trouvée
admirable de simplicité, de candeur et de prudence. Lorsque, dans nos
conférences, je touchais à des points qu’elle ne doit pas encore découvrir,
j’avais lieu d’admirer son silence ou l’adresse avec laquelle elle savait
éluder toute réponse. »
35. Notre Dame de la Salette et ses deux Élus.
La correspondance de Mélanie (160 lettres) donne à ce livre un intérêt
extraordinaire et surnaturel. On a comme la sensation d’avoir heureusement
escaladé la Montagne des Prophètes qui est « au-dessus du globe de la
terre », d’après Anne-Catherine Emmerich.
36.
L’ancien maire de Corps, M. Barbe, a, dans ses mains, un billet de 200 fr. (je
crois) que Maximin avait emprunté aux Missionnaires pour ne pas mourir de faim.
Il l’a retiré après la mort de Maximin, l’a payé afin d’avoir cette preuve de
leur dureté et de leur avarice. M. Barbe, à qui j’ai écrit vainement pour avoir
une photographie de ce document, vit-il encore ?
37. Défense et explication du Secret de Mélanie.
Nîmes, 1881.
38. Mélanie, Bergère de la Salette, et le
cardinal Perraud, Paris Chamuel, 1898.
39.
Je demande pardon pour la liberté que j’ai l’air de prendre avec le texte de
saint Luc, mais il m’est impossible de ne pas me souvenir de Noël, quand je
pense aux deux sublimes enfants pauvres sur leur Montagne : « Vous
avez trouvé de jeunes enfants enveloppés de langes et posés dans une
crèche. »
40.
Ecclésiastique, XLVIII, 27.
41.
Où n’entraînerait pas un tel travail ? Il faut une longue étude des Livres
Saints pour savoir combien il est difficile de trouver son chemin dans la forêt
toujours vierge des Assimilations. Exemple : Le Discours parle
des noix qui deviendront mauvaises. Or, la Vulgate les
nomme exactement six fois, cinq fois dans l’Exode, où elles prêtent
leur forme aux bobèches du Chandelier du Tabernacle, et une seule fois dans
le Cantique des Cantiques, lorsqu’il est question de Marie qui descend
dans son jardin : « Qui est Celle qui vient, se levant comme
l’aurore, belle comme la lune, élue comme le soleil, terrible comme l’armée des
osts ordonnée ? Je suis descendue dans le jardin des noix, afin de voir
les pommes des vallées, et pour regarder si la vigne était en fleur et si
germinaient les grenades. » Cant. VI, 9 et 10. Ce texte, lu à la Salette,
par un chrétien attentif, pourra lui sembler un peu formidable.
42.
C’était le 14 juillet 1907. Mgr Henry parlait, du haut de la
chaire de la Salette, à plus de mille pèlerins : « Vous êtes venus en
foule... en cette Fête nationale et MARIALE !!!? » leur
disait-il, signifiant ainsi une sorte de plain-pied festival entre les
assassins de la Bastille et Notre Dame des Sept Douleurs.
« ... Monseigneur
expose ensuite le Fait de la Salette... Il distingue avec soin le Message
public et le Message secret. Les enfants reçurent l’ordre et la mission de
« faire passer le premier à tout le peuple de Marie », c’est-à-dire
au monde entier (ce que la haine n’a pas permis) ; le second n’était
destiné qu’aux Bergers eux-mêmes (Démenti épiscopal à la Sainte Vierge qui
avait dit à Mélanie : Vous pourrez le publier en 1858) qui,
parfaitement conscients de cette distinction nécessaire (?) et toujours prêts à
redire le Discours de la Belle Dame, ne consentirent, après cinq ans de silence
et de réserve absolue, à révéler leurs Secrets qu’au Pape seul. À ce propos, Sa
Grandeur met en garde les fidèles contre tous les écrits et commentaires
fantaisistes qui circulent et prétendent reproduire le « Secret de
Mélanie ». (Reproduction bénie par Pie IX, approuvée par plusieurs
évêques, encouragée, 25 ans, par le silence de Léon XIII. Mais cela ne suffit à
aucun évêque de Grenoble.) Encore une fois, le Pape seul. À ce propos, Sa
Grandeur met en garde les fidèles contre toutes les élucubrations publiées
récemment. L’Évêque de Grenoble attend que Rome ait parlé. (Toujours même
tactique du Démon. Si Rome parlait, on lui répondrait comme Fava :
« Prouvez-moi que vous avez raison. »)
Annales
de Notre-Dame de la Salette, août 1907.
43.
Les prie-Dieu capitonnés. Prévarication dénoncée par saint Jacques, II, 2, 3,
4.
44. Les
chefs, les conducteurs du peuple de Dieu ont négligé la prière et la pénitence...
5e paragraphe du Secret.
Ceux qui conduisent les
charrettes
, est-il dit dans le
Discours. Ce rapprochement saisira les personnes habituées au mystère des
concordances. « Ceux qui conduisent les charrettes » ne sont-ils pas
évidemment les prêtres qui ne savent pas parler sans mettre le nom de mon
Fils au milieu ? Pater mî, pater mî, currus Israël, auriga ejus. IV Reg.
II, 12, XIII, 14.
45.
Il est inutile de faire observer l’actualité de cette page, écrite il y a plus
de vingt ans.
46.
Léon Bloy : Mon Journal.
« Lettre sur l’incendie du Bazar de Charité. »
47.
Une tradition porte que la France, après de longues iniquités, à une époque qui
ressemble à la nôtre, se réveillera, un matin, sans voir se lever le soleil.
Plusieurs jours durant, elle demeurerait dans les ténèbres au milieu desquelles
des spectres, sortis de l’enfer, viendraient tourmenter les vivants.
Il existe une prédiction
analogue de la Vénérable Anna-Maria Taïgi, morte en 1837.
48.
On sait que l’Apparition eut lieu un
samedi, le 19 septembre 1846, veille, cette année-là, de la
fête de N.-D. des Sept-Douleurs, et à l’heure des premières vêpres. C’était
aussi le dernier jour des Quatre-Temps de septembre. Le matin même, la grande
Liturgie fériale avait lu ces paroles du Lévitique : « C’est le jour
très fameux des Expiations et il sera appelé Saint... C’est le jour de
propitiation pour vous réconcilier au Seigneur. Toute âme qui ne se sera pas
affligée en ce jour périra. » Et bientôt après, à l’Évangile, ô
miracle ! l’histoire, précisément, de la Femme courbée depuis
dix-huit ans, redressée par Jésus et glorifiant Dieu !!! Missel
romain.
49.
Quatre fois dans saint Luc, deux fois dans saint Jean. Chaque fois, Elle monte
un des Six degrés du Trône d’ivoire de ce Salomon éternel, à la droite de qui
est marquée sa place, au milieu des Douze Lionceaux de l’Apostolat. Il Par. IX,
18 et 19.
50.
Matth. XXV, 35 et 42.
51.
Quelques-uns ne manqueront pas de dire que je suis un ennemi de Lourdes.
Hélas ! je donnerais facilement ma vie, Dieu le sait, et je consentirais à
subir des tourments affreux plutôt que de décrier un sanctuaire où Marie s’est
manifestée par des prodiges. Je sais, d’ailleurs, que le miracle de Lourdes a
été une suite du miracle de la Salette, comme l’arc-en-ciel est une
suite de l’orage, et j’espère, un jour, le montrer beaucoup mieux que par cette
image. Maïs c’est le droit de tout chrétien d’avoir une préférence, un attrait
particulier. Je crois même que c’est son devoir de le suivre, Dieu lui
désignnant ainsi son chemin.
« Je demande deux
choses », écrivais-je, il y a quelques années : « 1° un chrétien
bien portant allant à Lourdes pour y obtenir le bienfait de la maladie ;
2° un autre chrétien riche, guéri à Lourdes par le plus indubitable miracle, et
revenant distribuer tout son bien aux pauvres. Tant que je n’aurai pas vu ces
deux choses, je croirai que l’Ennemi a voulu profaner, par le Cabotinage, la
Médiocrité et l’Avarice, le lieu unique où fut AFFIRMÉ celui de tous les
Mystères qu’il doit le plus abhorrer : l’Immaculée Conception. »
La Vierge de Lourdes a
recommandé la pénitence, objectera-t-on. On sait ce que c’est que la
pénitence des gens du monde.
52.
Marie d’Agreda.
53.
1858 ! L’année de l’Apparition de Lourdes !
54.
Le cardinal Prosper Caterini, secrétaire et non préfet de
la congrégation, comme on le publia par erreur alors, né en 1795, premier
diacre du titre de Sainte-Marie-in-Via-Lata, mourut l’année d’après, en octobre
1881, à l’âge de 86 ans. Requiescat in pace, ainsi que Mgr Cortet, mort il
y a quelques années seulement.
55.
On a poursuivi l’année dernière, pour faux en écritures, un ecclésiastique
superbe qui avait accusé Mélanie d’être une FAUSSAIRE. Sicut fecit sic
fiet ei.
56.
Cette page, tout à fait inédite, complète ou confirme ce qui a été dit plus
haut, chap. XIV, du don de prophétie conféré à la Bergère.
57.
Ps. 67, v. 14. Matines de Pentecôte. Ce psaume chargé de mystère appartient liturgiquement
au Saint-Esprit.
58.
Conformité presque littérale avec le 30e alinéa du Secret de Mélanie, cité
dans l’introduction du présent ouvrage.
59. Traité de la vraie Dévotion à la Sainte
Vierge, 1re partie, chap. I : J’ai espéré en attendant.
60.
Paris, Plon, 1890.
61.
On sait aussi, depuis plus d'un demi-siècle, que c'est un signe
de modestie, chez les catholiques modernes, d'écrire d'une manière
épouvantable, et que cela est soigneusement enseigné dans leurs Instituts, à
tel point que tout ce qui fut écrit postérieurement aux Oraisons funèbres,
ou à la Henriade, est jugé négligeable, détraquant ou libidineux. Le
sublime Père Picard m'affirma un jour, à la honte de son ordre, qu'Ernest Hello
était un FOU. Son successeur, le Père Bailly, et ses éliacins de
la Croix ou du Pèlerin, ont vraiment abusé de la doctrine.
62.
Mgr Ginoulhiac dit à Mélanie : « Je viens de voir Maximin qui a
refusé de me dire son secret, à moi, son évêque !!! Il s’en
repentira !!! Mais vous, vous êtes plus raisonnable, vous avez plus
de connaissance que lui ; je pense que vous n’allez pas refuser d’obéir à
votre évêque... » Et sur le refus de la pauvre enfant de désobéir à la
Sainte Vierge, il lui fit la même menace : « Vous vous en
repentirez ! » Il ne tint que trop parole. Quand vint pour elle le
moment de faire profession, de prononcer ses vœux chez les Religieuses de la
Providence de Corenc, il s’y opposa, malgré les Religieuses qui disaient
combien elle était pieuse, et chercha, par tous les moyens et vexations
possibles, à la faire partir. Finalement il l’embarqua pour l’Angleterre, avec
défense de le dire même à ses parents. Bien mieux, il donna des ordres pour la
forcer à faire des vœux de clôture. Comme elle refusait de les faire, à cause
de la mission qu’elle aurait à remplir après 1858, et qu’aucune pression,
aucune insistance ne pouvait vaincre sa résistance, les religieuses lui dirent :
« Où irez-vous ? Mgr G*** nous a écrit que si vous revenez dans son
diocèse, il vous excommuniera partout où vous résiderez. »
63.
Je me suis exprimé plus fortement encore, à l’époque des Missionnaires. La Femme pauvre, pages 100 et 101.
64. L’Écho de la Sainte Montagne, par Mlle
des Brulais. Chez Henri Douchet, à Méricourt-l’Abbé (Somme), il n’existe pas de
livre plus recommandable sur les commencements de la Salette.
65.
Léon BLOY, Le Fils de Louis XVI.
Ce n’est pas ici le lieu de montrer, ne fût-ce qu’en raccourci, l’histoire
effrayante et fantasmatique de Louis XVII. Lire Le Dernier Roi légitime de France, par Henri PROVINS, et
l’inestimable ouvrage plus récent d’Otto FRIEDRICHS : Correspondance
intime et inédite de Louis XVII.
66. Le Fils de Louis XVI.
67.
Mélanie est morte le 14 décembre de la même année. Cette lettre précieuse peut
donc être considérée comme une sorte de testament. Il va de soi que
le style de la Bergère a été scrupuleusement respecté.
68.
Je ne souligne pas ces dernières lignes. Mélanie ne les ayant pas soulignées
elle-même. On est prié seulement de les remarquer.
69.
Cet endroit, non plus que le précédent, n’a pas été souligné par Mélanie.
70.
Ce chef-d’œuvre de l’art est d’une ânerie et d’une laideur
incompréhensibles pour quiconque ignore la profonde inintelligence esthétique
des chrétiens modernes.
71.
Il faut être missionnaire de la Salette ou rédacteur de La Croix pour
écrire une telle réclame, où TOUS les mots sont ridicules.
72.
Le cardinal Guibert, délégué de Léon XIII, ne voulant, à cause de son grand
âge, monter les marches du reposoir, un missionnaire prit le diadème et le
plaça lui-même sur la tête de la statue de plâtre. On la mit au rebut, quand la
statue de marbre fut achevée. Laquelle des deux est couronnée ? Ni l’une
ni l’autre. 1° Le Saint-Père ne couronne pas une statue en plâtre ; 2° Il
est essentiel que la couronne soit placée par le délégué : il
peut se faire aider, mais il faut qu’il intervienne physiquement ; 3° La
statue doit être celle qui sera honorée.
Le décret du couronnement
de Notre-Dame de la Salette n’a donc pas été exécuté ! Quand on
l’exécutera, on couronnera la vraie statue de l’Apparition. La prière de
Mélanie : « Mon Dieu, ne permettez pas que l’erreur de 1’Évêque de
Grenoble et du Père Berthier triomphe, etc. » ne pouvait être plus complètement
exaucée. Tout fut manqué, même le Discours. Mgr Paulinier, qui devait le
prononcer, se trouva fatigué, Mgr Fava LUT des tirades contre les
francs-maçons. Même la procession, on ne put la faire. Aucun ordre dans
cette foule mécontente. – Aucun miracle n’a été accordé aux prières faites
devant cette statue. Mélanie avait dit : « La statue du faux
couronnement ne fera jamais de miracles. »
73.
Mélanie avait alors quatorze ans et dix mois, mais ni grande ni forte, elle en
paraissait à peine dix. Elle était par tempérament très timide, et ses longues
années de services chez des étrangers, ainsi que le peu de tendresse de sa
mère qui ne l’avait jamais embrassée, n’avaient pas servi à réformer ce
défaut de caractère. Mais la pieuse enfant, que le Ciel avait visitée longtemps
avant 1846, recherchait surtout la solitude pour être unie à Dieu. Son
« Aimable Frère » lui avait dit : « Ma Sœur, fuyez le bruit
du monde, aimez la retraite et le recueillement : ayez votre cœur à la
Croix et la Croix dans votre cœur ; que Jésus-Christ soit votre seule
occupation. Aimez le silence et vous entendrez la voix du Dieu du Ciel qui vous
parlera au cœur ; ne formez de liaison avec personne et Dieu sera votre
tout. »
74.
Maximin n’avait qu’onze ans et portait au moins trois ans au-dessus de son âge.
Il n’avait jamais été en service et n’avait été demandé à son père, charron à
Corps, que pour remplacer, pendant huit jours, un berger malade. Le père s’y
était refusé d’abord, disant que « Mémin », étourdi comme il était,
laisserait tomber les vaches dans les précipices ; il n’avait cédé que sur
la promesse qu’il y aurait toujours quelqu’un pour le surveiller.
« Mémin » était aussi candide que vif, indiscret et espiègle :
« Garde-moi, je serai bien sage », quelle simplicité ! Mais
c’était la turbulence et le mouvement perpétuel ; et quoique très
intelligent, il était si inattentif, qu’en trois ans son père avait eu de la
peine à lui apprendre le « Notre Père » et « Je vous salue
Marie » ; il l’appelait « l’innocent ».
Mélanie ne savait ni ne
comprenait le français. Maximin ne le parlait pas, mais il en
comprenait quelques mots.
75.
Au lieu de gronder l’étourdi qui, d’un leste coup de pied, avait fait rouler au
bas de la montagne le premier petit pain, non seulement elle partage avec lui
le second, mais ne pense qu’au besoin qu’il doit avoir de manger et ne songe
pas à elle. Les privations, les pénitences que cette frêle enfant s’imposait
depuis des années, et qu’elle a continuées toute sa vie, ont été plus
qu’héroïques : elles ont été miraculeuses.
76.
Le 19 septembre, cette année-là, tombait la veille de la fête de Notre-Dame des
Sept-Douleurs, dont l’Église récitait les premières Vêpres à l’heure même de
l’Apparition. Le discours de la Sainte Vierge, son vêtement, ses larmes, le
chemin qu’elle fit, qui a exactement les sinuosités de celui du Calvaire, tout
fut en rapport avec cette fête, afin que nous ne doutions pas que nos révoltes
contre Dieu et son Église sont les sept glaives qui, au pied de la Croix, ont
transpercé son cœur.
77.
L’étourdi, dont tout le temps se passait à Corps en amusements de son âge,
s’ennuie comme la veille et demande encore à jouer. La Bergère, qui ne s’est
jamais amusée, lui apprend alors à faire un « Paradis » !...
Marie a réuni ses deux
chers enfants, de caractères si opposés, et la main de sa providence a su amener
« l’innocent » sur la montagne d’une manière si naturelle, que le
berger remplacé, qui, demain, sera guéri et reprendra son service, dira avec
une charmante ingénuité : « J’ai bien eu du malheur ! – Comment
donc ? – Je suis tombé malade : sans cela j’aurais vu la Sainte
Vierge ! C’est moi que Mémin a remplacé...
Puis, tout justement, c’est pendant ces huit jours qu’il a vu la
Sainte Vierge. Ah ! Monsieur, sans cette maladie, c’est moi qui
aurais vu la Sainte Vierge ! »
Ce jeune homme était
doux, tranquille et pieux. Mais il fallait à la Mère de Dieu un bon étourdi,
comme Maximin, qui ne vît rien dans l’Apparition, et qui
ne s’aperçut pas lui-même.
78.
Puisqu’il n’a pas encore été question de la Belle Dame, l’empressement de
Mélanie à signaler cette particularité dénote son admiration de la bonté de la
Sainte Vierge qui témoigna ainsi qu’elle avait agréé leur petite récréation.
79.
Le premier sentiment de Maximin, qui n’avait jamais eu d’apparition et crut que
Mélanie avait peur, fut différent. « Va, dit-il, prends ton bâton »
et brandissant le sien avec menace : « si elle nous touche, je lui
en jetterai un bon coup ». – Déjà la lumière s’était
ouverte : Mélanie reconnu aussitôt la Sainte Vierge et fut saisie de
crainte, presque d’effroi de voir pleurer la Sainte Vierge, qu’elle n’avait
jamais vue que dans la béatitude.
80.
La Sainte Vierge parle ici au nom de Dieu, et le Christ vivant qu’elle
portait sur son cœur prononça les paroles en même temps.
81.
Sans l’observation du Dimanche, il ne peut y avoir de vie religieuse. Voilà
quinze siècles que Tertullien répétait ces paroles aux fidèles de son
temps : « Sans le Dimanche il ne peut y avoir de chrétiens. Non
est christianus dominica. » Aussi, au milieu des questions adressées par
les persécuteurs aux martyrs, on distinguait surtout celle-ci :
« Observez-vous le dimanche ? » et, sur leur réponse affirmative,
c’était assez, on reconnaissait là le christianisme pour ainsi dire tout
entier. Mais la Sainte Vierge reproche à son peuple un second crime plus énorme
encore que la violation du Dimanche, c’est le Blasphème. Lorsque toute bouche,
non seulement ne prie plus, mais blasphème ; lorsqu’un peuple entier,
comme en France, n’oublie pas seulement d’honorer Dieu, mais l’insulte et le
nie, quels châtiments ne mérite-t-il pas ? « Ce sont les deux choses
qui appesantissent tant le bras de mon Fils. »
82.
Ces menaces étaient conditionnelles : « Si mon peuple ne veut pas se
soumettre. » Le mouvement de conversion qui se produisit après
l’Apparition ne fut pas suffisant : la plupart se sont réalisées à la
lettre.
La Sainte Vierge avait
dit que les pommes de terre continueraient à se gâter et qu’à Noël il n’y en
aurait plus. Or, dès le commencement de l’hiver, les pauvres gens mouraient de
faim dans la montagne : ils n’avaient pas seulement une pomme de terre à
manger. Il en fut ainsi dans toute la France et à l’étranger, mais surtout en
Irlande. Tous les journaux de Londres du 21 janvier 1847 disaient :
« La perte résultant, pour l’Irlande seulement, du manque de récolte des
pommes de terre peut être évaluée à 12 millions de livres sterling, faisant 300
millions de francs. » (Gazette du Midi, 28 janvier 1847.) Cette disette
ayant continué plusieurs années, la population de l’île descendit en 1866-1867,
de huit millions à cinq millions. Ces trois millions d’Irlandais moururent de
faim ou émigrèrent...
Elle avait dit que le blé
serait mangé par les bêtes et tomberait en poussière. Or, la maladie du
« pictin » se déclara en 1851, et causa en Europe des pertes énormes.
Voici ce qu’un
correspondant de l’Univers écrivait sur cette maladie du blé, numéro
du 15 juillet 1856 :
« J’ai ouvert les
alvéoles ou pailles desséchées. Les unes ne renferment aucune graine, ce sont
sans doute celles qui ont été envahies les premières et quand les embryons
étaient à peine noués. Les autres renferment un grain amaigri et desséché que
rien ne nourrit ; ce sont celles qui ont été envahies plus tard. Dans les
unes et les autres nous avons trouvé, sous forme de poudre jaune, des petits
vers qui, sans doute, produisent tous ces ravages. Chacun peut, aujourd’hui,
constater le même phénomène : il suffit de se rendre au premier champ de
blé, de prendre en mains quelques épis, d’ouvrir les corolles marquées à leur
racine d’une tache noire, et l’on verra pulluler les animalcules... »
Elle avait dit qu’il
viendrait une grande famine et Que les hommes feraient pénitence par la faim.
Or, en 1854-1855, le blé se vendait en France 55 et 60 francs les cent
kilogrammes. D’après des statistiques publiées par le
Constitutionnel et l’Univers en 1856, la cherté des vivres
aurait amené en France, pour les deux années 1854 et 1855, la mort de cent
cinquante-deux mille personnes ; et de plus d’un million, pour toute
l’Europe, d’après les autres journaux. Et l’Univers du 12 décembre 1856
ajoutait : « Sous cet euphémisme Décès résultant de la cherté,
il faut lire : Morts de misère et de faim... On ignore le chiffre de
1856, mais la cause n’a pas disparu... »
En Espagne le
gouvernement acheta du blé pour 60 millions de réaux, afin d’éviter la disette.
– En Pologne, les vivres étaient si chers, en 1856, que l’empereur de Russie
augmenta d’un tiers le traitement des fonctionnaires.
Elle avait dit qu’avant
la famine, les petits enfants prendraient un tremblement et mourraient entre
les mains des personnes qui les tiendraient. Or, en 1847, la réalisation de la
menace débuta par une grande mortalité des petits enfants dans le canton de
Corps. En 1854, dans la France, soixante-quinze mille enfants au-dessous de
sept ans moururent de la suette. Un froid glacial les saisissait, suivi
d’un tremblement qui amenait la mort après deux heures de souffrances.
Elle avait dit que les
noix deviendraient mauvaises. Or, un rapport adressé en 1852 au ministre de
l’intérieur a constaté que la maladie des noyers avait anéanti cette récolte,
l’année précédente, dans le Lyonnais, le Beaujolais et l’Isère et que c’était
une calamité pour ces régions, dont la récolte des noix est une des principales
ressources.
Elle avait dit que les
raisins pourriraient. Or le fléau dure encore. Voilà bientôt 60 ans que les
raisins pourrissent...
Le seul accomplissement
des menaces prophétiques publiques ne suffit-il pas pour qu’on dise : Si
la Salette n’est pas un article de foi, c’est un article de bonne foi ; si
la Salette n’est pas un dogme, c’est une grâce immense dont on n’a pas assez
profité ?
En commentant et méditant
le Secret, verset par verset, nous verrons que ses menaces prophétiques, plus
nombreuses et beaucoup plus graves que celles du discours public, se sont
pleinement réalisées jusqu’à ce jour. C’est le flambeau divin par excellence,
car la prophétie n’est possible qu’à Dieu. Il est évident qu’il est au-dessus
du pouvoir des créatures, non seulement de diriger les évènements lointains,
mais encore de les prévoir avec certitude, quand leurs causes n’existent pas
encore.
La grande Apparition de
la Salette a été éclairée de tous les flambeaux. Trois ans et quelques mois
après, M. l’abbé Michel Perrin, qui desservait le pèlerinage,
attestait, les pièces en main, plus de deux cent cinquante
guérisons obtenues par l’invocation de Notre-Dame de la Salette. La
fontaine, qui ne « fluait » qu’à la fonte des neiges ou à la suite
des grandes pluies, et qui, depuis, résiste à toutes les sécheresses, est un
miracle permanent.
Flambeau divin, les
interrogatoires qu’on fit subir aux enfants. N’était-il pas miraculeux de voir
deux enfants qui, la veille, ne parlaient pas le français, débiter un long
discours sans comprendre, et s’expliquer aisément en cette langue ?
« Les interrogatoires les plus subtils ne les effraient point, les phrases
les plus captieuses ne les déconcertent point ; ils échappent à tous les
pièges au moyen de réponses claires et péremptoires. Confrontés ou séparés,
leurs dépositions s’harmonisent, se complètent, se corroborent, et cela sur des
détails sans valeur. Les théologiens se sont avoués vaincus, les jurisconsultes
et les savants, d’abord d’une hardiesse extrême, craignirent bientôt d’y voir
trop clair. Après l’un de ces interrogatoires, on disait à Mélanie :
– Mon enfant, n’êtes-vous
pas ennuyée de répéter si souvent les mêmes choses ?
– Non, Monsieur.
– Cela doit pourtant vous
ennuyer, surtout quand on vous fait des questions embarrassantes ?
– Monsieur, on m’a
jamais fait des questions embarrassantes... »
Silence et
stupéfaction ! Tout l’auditoire se regarde, et chacun est très
embarrassé de s’être ainsi évertué en vain.
L’abbé Dupanloup, qui
devint évêque d’Orléans, avouait avoir été battu par ces deux
enfants. « Il faut remarquer, écrivait-il le 11 juin 1848, que jamais
accusés n’ont été, en justice, poursuivis de questions sur un crime comme ces
deux pauvres petits paysans le sont depuis deux ans sur la vision qu’ils
racontent. À des difficultés souvent préparées d’avance, quelquefois longuement
et insidieusement méditées, ils ont toujours opposé des réponses promptes,
brèves, claires, précises, péremptoires. On sent qu’ils seraient radicalement
incapables de tant de présence d’esprit, si tout cela n’était la vérité. On les
a vu conduire, comme on conduirait des malfaiteurs, sur le lieu même, ou de
leur révélation ou de leur imposture ; ni les personnages les plus graves
et les plus distingués ne les déconcertent, ni les menaces et les injures ne
les effraient, ni les caresses et la douceur ne les font fléchir, ni les plus
longs interrogatoires ne les fatiguent, ni la fréquente répétition de toutes
ces épreuves ne les trouve en contradiction, soit chacun avec lui-même, soit
l’un avec l’autre. »
Cette assistance surnaturelle
a duré toute leur vie.
Un savant professeur de
théologie et son ami, curé dans une grande ville, étaient venus à la Salette,
avec une douzaine d’objections préparées et étudiées d’avance, pour les
proposer à Maximin, lorsqu’il quitterait son échoppe, pour venir, sur la
demande des pèlerins (qui le préféraient aux Missionnaires), faire le récit du
miracle. Lorsque Maximin eut achevé son exposition, le professeur proposa la
première objection. Maximin se borna à dire : « Passez à la
seconde » ; les mêmes choses se passèrent à la 2e, à la 3e, à la 4e et
la 5e objection ; Maximin répondit alors en quelques mots ; il
fit crouler les cinq objections, et cet écroulement entraîna celui des sept
autres. En voyant cela, ce professeur et ce curé nous dirent à nous-même, car
nous étions à côté d’eux : « Ce jeune homme est toujours dans sa
mission ; il est assisté par la Sainte Vierge aujourd’hui comme aux
premiers jours ; c’est évident pour nous. Aucun théologien, fût-il le plus
savant du monde, n’aurait pu faire un pareil tour de force. Tout cela est
certainement surhumain. Il nous a mieux prouvé le miracle qu’on n’aurait pu le
faire par les plus fortes démonstrations. » AMEDÉE NICOLAS.
Tous ces signes divins ne
sont pour ainsi dire rien auprès des merveilles de grâces opérées dans les
âmes. Convertir les pécheurs, les ramener à Jésus, tel est le but de
l’apparition de la Salette et tel fut l’effet partout où elle fut comprise.
N’était-il pas miraculeux de voir se convertir, au récit de ces enfants, des
foules qui les accueillaient d’abord avec la dernière prévention et très
souvent avec mépris ? Dès la première année, le canton de Corps fut
entièrement renouvelé. Non seulement on n’y entendait plus blasphémer, non
seulement on n’y voyait personne travailler le dimanche, mais tous
fréquentaient les églises et, dès 1847, presque tous faisaient leurs Pâques.
Ainsi à Corps, sur une population de 1 800 habitants, il n’y eut pas
trente personnes qui négligèrent cet important devoir.
Mais pourquoi nous
étendre sur ces signes divins, lorsque chacun peut alléguer une autorité
supérieure : celle de la Sainte Église. Si la Salette n’est pas un article
de foi, c’est un article de bonne foi ; si ce n’est pas un dogme, c’est
une grâce dont on n’a pas assez profité.
83.
Délai admirable ! La Sainte Vierge voulait que Mélanie fût déliée de son
Secret, aussitôt après son apparition à Lourdes, le 11 février 1858 ! Il
est étonnant que personne n’ait semblé remarquer cela. (Léon Bloy).
84.
La Vierge très pure se sert d’une expression énergique, pour faire entendre
que, dans un seul exemple d’intempérance, elle veut flétrir les plaies hideuses
du sensualisme. Ne pouvant découvrir ces plaies sous les yeux des enfants, elle
nous les signale suffisamment, puisque non seulement dans le langage de la
Sainte Écriture, mais dans toutes les langues, le mot « chiens »
désigne les pécheurs qui ne cachent pas la honte de leurs vices.
85. Le
Coin est le nom d’une terre située à quelque distance de Corps.
86.
La Sainte Vierge montre l’importance qu’Elle attache à son enseignement. Elle
est venue, en effet, nous ramener à l’observation « in spiritu et
veritate » de la Loi de Dieu. Elle a si bien résumé, dans son discours,
les enseignements de son Fils, qu’il est impossible de parler d’une manière
utile aux chrétiens, aux religieux et aux ecclésiastiques de nos jours, sans
retomber, qu’on le veuille ou non, dans ce qu’Elle vient de dire. Aussi, après
avoir commencé comme son Fils : « poenitemini » (Marc, I, 15).
« Si mon peuple ne veut pas se soumettre », elle termine comme
lui : « Docete omnes gentes » (Math. XXVIII, 19) « Vous le
ferez passer à tout mon peuple ». Ces dernières paroles, Elle les redit.
Un souverain ne répète pas un ordre qu’il vient de donner ; mais Elle fit
entendre aux enfants que, la première fois, il s’agissait de la partie de son
discours destinée à être rendue immédiatement publique, et, la seconde fois,
des secrets.
87.
Maximin : « Nous ne vîmes plus qu’un globe de feu s’élever et
pénétrer dans le firmament. – Dans notre langage naïf, nous avons appelé ce
globe le second soleil. Nos regards furent longtemps attachés sur l’endroit où
le globe lumineux avait disparu. Je ne puis dépeindre ici l’extase dans
laquelle nous nous trouvions. Je ne parle que de moi ; je sais très bien
que tout mon être tait anéanti, que tout le système organique était arrêté en
ma personne. Lorsque nous eûmes le sentiment de nous-mêmes, Mélanie et moi nous
nous regardions sans pouvoir prononcer un seul mot, tantôt levant les yeux vers
le ciel, tantôt les portant à nos pieds, et autour de nous, tantôt interrogeant
du regard tout ce qui nous environnait. Nous semblions chercher le personnage
resplendissant que je n’ai plus revu. »
88.
Voilà un passage qui a certainement semblé bien insignifiant à bon nombre de
lecteurs. Mélanie qui prend la Belle Dame pour « le bon Dieu de son
père » ! Quel style ! Quelle idée singulière de nous transcrire
de la sorte, en plein récit officiel du Grand Fait, cette remarque enfantine,
pour ne pas dire mesquine ! Était-ce pour égayer la narration par la
réplique assez terre-à-terre de Maximin qui, d’habitude, a des réparties plus
originales ? Vraiment cette petite ligne est bien insignifiante..
Pour ceux qui ont eu le
bonheur de connaître personnellement la pieuse narratrice, cette ligne anodine
est l’une des plus charmantes du récit. Elle la leur fait revivre ; elle
leur rappelle une des délicatesses de ce caractère aussi admirable en réalité
qu’avide d’ombre et d’oubli.
« Mémin, cela doit
être le bon Dieu de mon père. » Vous paraît-elle seulement insignifiante,
cette phrase, ne la trouvez-vous pas aussi un peu choquante, si vous vous
souvenez de cette allusion que nous avons eu déjà l’occasion de faire aux
apparitions célestes si multipliées dont avait été favorisée la petite enfance
de Mélanie ? Quoi ! depuis une dizaine d’années elle vivait dans la
familiarité presque constante de Celle qu’elle appelait sa Mère ; et, dans
cette journée du 19 septembre, elle ne la reconnaît pas ! Elle se trompe aussi
grossièrement ! Elle la prend pour le « Bon Dieu de son
père » ! De qui se moque-t-on ici ? N’est-ce pas une
effronterie, plutôt qu’une phrase « insignifiante ? »...
Et nous qui avons eu la
joie de voir Mélanie de près, cette parole qu’elle se rappelle avoir dite à
Maximin nous comble d’allégresse ! Nous la voyons, ce jour-là, telle que
nous l’avons toujours connue.
Elle ne se moquait pas,
certes, de Maximin, pas plus qu’elle ne se moquait, par exemple, de moi vers la
fin de sa vie, en me laissant croire que c’était par inattention, indifférence,
paresse ou originalité, qu’elle arrivait en retard, ou même n’arrivait pas du
tout à l’église à son heure habituelle, un ou deux jours par semaine. Je
n’aurais jamais su le mystère si, un jour de semblable absence, je n’étais rentré
chez elle à l’improviste, sans qu’elle eût le temps de faire disparaître une preuve
matérielle de ses sanglants stigmates. J’abusai de ma prétendue autorité. Il
lui fallut s’expliquer. Et, malgré elle, pressée par mes questions, elle
m’avoua que Notre-Seigneur, crucifié, lui apparaissant, l’associait aux
souffrances de sa Passion... Et tout ce qu’on saura d’elle, un jour, c’est par
des moyens pareils qu’on en a surpris la connaissance...
Oh ! que l’humilité
était belle dans cette âme formée par l’« Aimable Frère » !
C’est bien Lui qui avait enseigné à cette âme, avec le « Sacramentum
Regis (Le sacrement du Roi) », l’art difficile de « cacher le
secret du Roi » ! Ces effusions des intimités divines, il fallait les
dérober à tout regard étranger... et on dirait que tout le travail de sa vie
extérieure consistait à les cacher. Une âme qui est dans des rapports quasi
ininterrompus avec le monde surnaturel et qui ne doit laisser apercevoir cela à
personne ! Une âme qui est à l’école de Celui qui sait tout, et qui doit
tout ignorer !... Elle avait pris le bon moyen, elle se mettait, comme par
instinct, au niveau de ceux qui lui parlaient.
J’ai été témoin, à ce
sujet, de choses véritablement stupéfiantes et que l’heure viendra peut-être de
raconter... Au 19 septembre elle était enfant, et elle parlait à Maximin comme
aurait parlé un enfant. Ce lui est si naturel qu’elle ne s’aperçoit pas même
qu’elle met en œuvre la plus belle des vertus ; et, tout simplement, sans
s’en douter, elle la pratique, elle en est tout embaumée, en plein
public : car lorsqu’on publie un récit comme le sien, on est bien au
milieu de la foule ! Mais que lui importe ? Elle n’y pense pas !
Et elle écrit la phrase « insignifiante » : « Cela doit
être le bon Dieu de mon père » !...
Le soir de ce grand jour,
sa maîtresse la trouvera dans l’écurie fondant en larmes. Ces larmes qu’elle
avait retenues devant Maximin, elle saura bien tes comprimer encore, dès
qu’elle s’apercevra qu’elle n’est pas seule. Elle ne doit pleurer qu’en secret
sur ces choses dont elle doit paraître la messagère inconsciente, mais qu’elle
a trop bien comprises... Qu’importe du reste qu’elle verse ou non des
larmes ? On les mentionnera, et c’est tout : nul ne songe à
demander : Pourquoi ? Elle a fermé toutes les curiosités avec sa
phrase enfantine sur « le bon Dieu de son père ».
Je m’exprimais mal tout à
l’heure, en disant que Mélanie se mettait au niveau de son milieu. Verrait-on
dans ces mots quelque chose comme une condescendance orgueilleuse qui la
poussait, non sans quelque dédain, à s’incliner de la sorte ? Non, ce
n’est pas elle qui se mettait à ce niveau. Elle n’avait qu’à se laisser
faire : c’est l’« Aimable Frère » qui faisait tout.
Entre ses mains, l’âme
humble n’a qu’à se prêter : Mélanie tout simplement se prêtait. Et c’était
vraiment si simple que personne ne songeait à s’en étonner. Notre-Seigneur se
fait ainsi des âmes qui ne sont que pour Lui de belles fleurs pour son
« Jardin fermé ». La Bergère disparaît-elle assez dans ce long récit
où, pourtant, elle est perpétuellement en scène !...
L’heure viendra, que
j’attends avec impatience, de soulever tous ces voiles, « Opera Dei
revelare honorificum est (Il est honorable de révéler les œuvres de
Dieu) ». Qu’il nous suffise, pour le moment, d’admirer, sans essayer de
les comprendre, toutes ces précautions divines. Notre-Seigneur aimait tant
cette âme, qu’il la voulait pour Lui et rien que pour Lui. Et elle, comme elle
se soumettait, docile et simple, à toutes les exigences de l’Ami céleste !
Prenez-la deux ans après l’Apparition : les écrivains ont tôt fait de nous
dire que jusqu’à l’âge de 17 ans et malgré les soins des Religieuses de Corps,
elle ne put être suffisamment instruite pour faire sa première communion, et ne
put apprendre l’alphabet (a). Ils trouvent là l’occasion facile d’un savant
commentaire du texte : « Quae stulta sunt mundi elegit Deus ut
confundat sapientes (Dieu choisit ce qui est fou aux yeux du monde afin de
confondre les sages). » C’est dur pourtant pour une jeune fille de passer
pour sotte à ce point ! Recevoir les leçons du grand docteur de
l’Éternelle Sagesse en personne, avoir été formée à cette école, et ne pouvoir,
devant le jury de la première communion, réciter la lettre du
catéchisme !... On n’a pas remarqué que, tout d’un coup, sans qu’elle s’en
rendît compte elle-même, elle s’était trouvée aussi instruite que ses
compagnes... Son âge de 17 ans expliquera tout : il est tout naturel en
effet qu’une jeune fille de 17 ans, profondément ignorante la veille, sache
lire le lendemain. Personne n’en fut surpris ; et l’on put voir enfin cet
enfant, à l’esprit si longtemps borné, prendre place dans les rangs des petites
communiantes de onze ans. Toute la paroisse de Corps était convaincue qu’elle
communiait pour la première fois... Comme l’« Aimable Frère » cachait
bien des secrets ! Non, la « Petite Sœur » ne se mettait pas au
niveau de son milieu ; c’était Lui qui la mettait, par amour, par
« préservatif », bien au-dessous de ce niveau.
(a) Pour qu’elle apprît à
lire, elles ne lui enseignèrent pas de vive voix la lettre du catéchisme :
« Quand vous saurez lire, lui disait-on, vous l’apprendrez dans votre
livre et ferez votre première communion. »
89.
Maximin : « Lorsque je dois parler de la Belle Dame qui m’est apparue
sur la Sainte Montagne, j’éprouve l’embarras que devait éprouver saint Paul en
descendant du troisième ciel. Non, l’œil de l’homme n’a jamais vu, son oreille
n’a jamais entendu ce qu’il m’a été donné de voir et d’entendre.
« Comment des
enfants ignorants, appelés à s’expliquer sur des choses si extraordinaires,
auraient-ils rencontré une justesse d’expression que des esprits d’élite ne
rencontrent pas toujours pour peindre des objets vulgaires ? Qu’on ne
s’étonne donc pas si ce que nous avons
appelé bonnet, couronne, fichu, chaînes, roses, tablier, robe, bas, boucles et souliers,
en avait à peine la forme. Dans ce beau costume, il n’y avait rien de
terrestre ; les rayons seuls et de nuances différentes s’entrecroisant,
produisaient un magnifique ensemble que nous avons amoindri et matérialisé.
« Une expression n’a
de valeur que par l’idée qu’on y attache ; mais où trouver, dans notre
langue, des expressions pour rendre des choses dont les hommes n’ont nulle
idée. C’était une lumière, mais lumière bien différente de toutes les
autres ; elle allait directement à mon cœur sans passer par mes organes et
cependant avec une harmonie que les plus beaux concerts ne sauraient
reproduire, que dis-je ? avec une saveur que les plus douces liqueurs ne
sauraient avoir.
« Je ne sais quelles
comparaisons employer, parce que les comparaisons prises dans le monde sensible
sont atteintes du défaut que je reproche aux mots de notre langue ; elles
n’offrent pas à l’esprit l’idée que je veux rendre. Lorsqu’à la fin d’un feu
d’artifice la foule s’écrie : « Voici le bouquet », y a-t-il un
rapport bien grand entre une réunion de fleurs et un ensemble de fusées qui
éclatent ? Non, assurément ; eh bien ! la distance qui sépare
les comparaisons que j’emploie et les idées que je veux rendre est infiniment
plus considérable encore. »
90.
La Sainte Vierge n’a pas permis au petit berger de voir ses yeux. Il n’a pu la
voir pleurer : il ne savait pas ce qu’étaient ces étincelles de lumière
qui disparaissaient vers les genoux de la Belle Dame. Elle ne lui a pas même
permis de contempler son visage : « J’ai pas pu voir sa figure
qui éblouissait. »
91.
« Amen, qu’il en soit ainsi ! » Immense souffrance et abandon
toujours à la volonté divine... Comme la sainte enfant se peint admirablement
dans ce cri impersonnel qui est ici d’une sublime simplicité ! La
connaissance que Dieu lui donnait des Péchés qui se font sur la terre,
l’« odeur » du péché est la seule souffrance dont elle se soit
plainte... Pour expier, elle pleura tellement qu’elle devint aveugle pendant
son séjour à Darlington. Elle recouvra la vue par un miracle, mais ses larmes
ne cessant de couler, sa vue redevint très faible.
92.
La ville de Messine se glorifie de posséder une lettre que la Sainte Vierge
écrivit à ses habitants qui venaient de recevoir la foi chrétienne.
93.
Mélanie fut souvent communiée par Notre-Seigneur lui-même et jouissait de la
vue continuelle de son ange gardien. Or deux habitants d’Altamura ont affirmé
avoir entendu dans l’appartement de la « pieuse dame française » à
l’Angelus du soir, la nuit qu’elle est morte, des chants angéliques sur l’air
de Pange lingua et le tintement d’une clochette comme lorsque l’on
porte le Saint-Viatique.
Devant un auditoire qui
connaissait ce témoignage, l’orateur s’est donc borné à l’insinuer, et la
solennité d’une oraison funèbre exigeait cette discrétion. Quelqu’un lui
écrivit de vouloir bien confirmer la déposition de ces deux témoins, ou la
démentir formellement. Voici sa réponse :
« Je vous certifie
qu’il est très vrai que le gentilhomme Pascal Massari, d’Altamura, personnage
respectable, digne de foi, et une dame, voisins de Mélanie, m’ont affirmé (et
sont prêts à prêter serment) avoir entendu, le premier, le chant de Pange
lingua qu’accompagnaient des voix angéliques, avec des tintements de
clochette ; l’autre un bruit continu de clochette comme quand on porte le
Saint-Viatique.
« J’ai recueilli ces
dépositions en présence de deux prêtres de mes amis, dont l’un est Français,
après avoir posé à ces personnes de minutieuses et précises questions. »
94.
Trois cornes, a-t-elle dit.
95.
La ligne tracée par Mélanie a 112 millimètres.
96.
Bleu du ciel. (Explication orale de Mélanie).
97.
Elles ne seront pas les premières. Toutefois les premières n’auront pas encore
le costume, quand celles de Corenc se présenteront. (Explication orale de
Mélanie).
98.
C’est-à-dire, sans taille. (Explication orale de Mélanie).
99.
Dans une conversation elle a dit aussi « Aux évêques ».
100.
Mélanie portait leur costume. Dans son intérieur elle avait un petit bonnet.
101.
Vu la manière de parler de Mélanie, les infirmes et malades dont il est
question dans cet alinéa sont les infirmes et malades spirituels. (Sous
réserve).
SOURCE : http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Leonbloy/quipleure.html
Our Lady of La Salette
Our Lady of La Salette
Our
Lady of La Salette
Status
approved by the diocesan bishop in 1851
Date
Description
Mary appeared to two
small children,
Melanie Mathieu and Maximin Giraud, on the mountain of La Salette in the French Alps.
She was crying, and around her neck was a crucifix,
with a hammer and pincers on
either side.
Additional
Information
Apparition
of Our Lady of La Salette
Apparition
to Maximin and Melanie at La Salette, France, 1846
CatholicSaints.Info:
Blessed Virgin Mary
books
Our Sunday Visitor’s Encyclopedia of Saints
other
sites in english
Father Joseph Fluty: The Crucifix of La Salette
Message of Our Lady of La Salette
Notre Dame de La Salette: The Apparition
Notre Dame de La Salette: The Message
Pope John Paul II: Address to the Missionaries of Our Lady
of La Salette, 4 May 2000
images
video
e-books
A Pilgrimage to La Salette, by J Spencer Northcote
Holy Mountain of La Salette, by Bishop Ullathorne
Novena
in Honor of Our Lady of La Salette
fonti
in italiano
Readings
The Shrine of LaSalette
is of great authenticity and is destined to have a future. I love this devotion
and shall be glad to see it spread. – Pope Pius
IX
With all my heart, I
bless LaSalette and everything that pertains to LaSalette. – Pope Leo
XIII
The devotion of Our Lady
of LaSalette ought to spread, for it is a devotion that goes straight to the
heart. – Pope Benedict
XV
Very willingly do we
direct our desires and encouragement to the dear Missionaries of Our Lady of
LaSalette, in the easy confidence that the Most Holy Virgin will, in return, be
glad to obtain for them a great abundance of graces and consolation for the
fruitfulness of their ministry, now so varied and reaching to the most distant
fields of the Apostolate. – Pope Pius
XII
MLA
Citation
“Our Lady of La
Salette“. CatholicSaints.Info. 12 July 2022. Web. 27 October 2024.
<https://catholicsaints.info/our-lady-of-lasallette/>
SOURCE : https://catholicsaints.info/our-lady-of-lasallette/
Our
Lady of La Salette statue in Ostrowiec Swietokrzyski
Posąg
przedstawiający objawienie Matki Bożej z La Salette znajdujący się przed
kościołem pw. Najświętszej Maryi Panny Saletyńskiej
Thursday, 4 May 2000
Dear Missionaries of Our Lady of La Salette,
I am pleased to welcome you as you hold your 29th General Chapter. With your Superior General and his Council, whom I cordially greet, you represent all your confrères in many countries of the world. On behalf of the Church I warmly thank you for your efforts in recent years to expand the field of your apostolate, especially in India and the countries of Eastern Europe, with plans to establish yourselves soon in Indonesia and Myanmar. May the Lord abundantly bless your generous apostolic efforts and enable you to persevere with the daring and enthusiasm of the generations of missionaries who have preceded you!
You have chosen as the theme of your Chapter: "Let us build the future together". You hope to build your institute's future together with God's help, giving new vigour to La Salette charism that unites you through creative fidelity to your vocation and by notably stressing the essential place of mission, community life and interdependence in communion.
In the light of Our Lady of La Salette's message, you give an important place to the ministry of reconciliation. This Jubilee year is a privileged opportunity to rediscover the fullness of the mercy of God, who wants to reconcile man to himself and to his brothers and sisters. In fact, "the Church, as a reconciled and reconciling community, cannot forget that at the source of her gift and mission of reconciliation is the initiative, full of compassionate love and mercy, of that God who is love and who out of love created human beings; and he created them so that they might live in friendship with him and in communion with one another" (Reconciliatio et Paenitentia, n. 10). In this spirit, I keenly hope that your Chapter will encourage the institute's members to have a renewed awareness of their participation in the Church's reconciling mission, which is the heart of their missionary vocation, by continuously helping the faithful to accept divine forgiveness in order to bear witness to it in all nations.
As I wrote on the occasion of the 150th anniversary of the apparition of Our Lady: "La Salette is a message of hope, for our hope is nourished by the intercession of her who is the Mother of mankind" (Letter to Bishop Louis Dufaux of Grenoble, 6 May 1996; L'Osservatore Romano English edition, 3 July 1996, p. 8). May the proclamation of this hope always be at the heart of your encounter with the men and women of today! Through it our contemporaries can be assured that divisions are not irreparable and that it is always possible to repent of one's infidelities, in order to build a reconciled humanity and to follow the Lord, for nothing is beyond God's reach.
Dear Missionaries of Our Lady of La Salette, do not be afraid to bear witness that Christ came to share our humanity so that we might share in his divinity. Boldly proclaim the Word of God, a force that can transform hearts, societies and cultures. Under the gaze of Mary, a motherly presence among the People of God, constantly invite people to conversion, communion and solidarity. Do not hesitate to proclaim to your brethren that God walks with people, that he calls them to new life and encourages them in order to lead them to true freedom. The quality of your spiritual and community life will be a particularly eloquent expression of the authenticity and fruitfulness of your proclamation of the Gospel message.
This requires that the missionary be willing to live in a permanent state of conversion. The true missionary is the one who resolutely commits himself to following the paths of holiness. "Unless the missionary is a contemplative he cannot proclaim Christ in a credible way. He is a witness to the experience of God, and must be able to say with the Apostles: "that which we have looked upon ... concerning the word of life, ... we proclaim also to you' (1 Jn 1: 1-3)" (Redemptoris missio, n. 91). After the enthusiasm of the first encounter with Christ on the paths of mission, it is necessary to persevere in one's daily efforts through an intense prayer life, penance and the gift of self. By sharing in Christ's mission through their word and the witness of their entire life, missionaries will lead people to open themselves to the Good News, which it is their mission to bring to everyone (cf. Decree of Approval of the Constitutions, 6 June 1985). Thus they will be able "to build the future together", to live courageously the unknown tomorrow, confident of the presence of Christ, who accompanies them at every moment of their lives in their meetings with individuals and with peoples.
I entrust the members of the Congregation of the Missionaries of Our Lady of La Salette to the intercession of the Virgin Mary, Our Lady of Reconciliation, and cordially impart to everyone my affectionate Apostolic Blessing, which I gladly extend to all who benefit from their ministry and to everyone who shares the spirituality of La Salette.
© Copyright 2000 - Libreria Editrice Vaticana
Copyright © Dicastero per la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana
National
Shrine of Our Lady of La Salette (Biga II, Silang, Cavite) Established
September 19, 1968 Dedicated on December 6, 2017 Declared National Shrine on
October 20, 2018 Roman Catholic Diocese of Imus
Delivered by Our Lady to
MELANIE CALVAT and
MAXIMIN GIRAUD
The message was approved
by the Catholic Church and was published in its entirety at Lecce. France, on
November 15, 1879 with the imprimatur of Bishop Zola.
Published by the
Shepherdess of La Salette with Imprimatur by Mgr. Bishop of Lecce.
"Well my children
you will pass this on to all of my people."
Simple reproduction
without commentary or controversy of the original edition of Lecce in 1879.
APPARITION of the BLESSED
VIRGIN on the Mountain of
LA SALETTE the 19th of
September, 1846
The following Secret was
given by Our Lady to two children, Mélanie Calvat and Maximin Giraud, on
September 19, 1846, while they were tending cattle on the mountain of La
Salette, France.
"On the 18th of
September (1846), the eve of the Holy Apparition of the Holy Virgin, I was
alone, as usual, watching over my Master’s cows. Around eleven o’clock in the
morning, I saw a small boy walking towards me. I was frightened at this, for it
seemed to me that everyone ought to know that I avoided all kinds of company.
This boy came up to me and said:
"Little girl, I’m
coming with you, I’m from Corps too". At these words, the natural evil in
me soon showed itself, and taking a few steps back, I told him: "I don’t
want anybody around. I want to be alone." But the boy followed me, saying:
"Go on, let me stay with you. My Master told me to come and watch over my
cows together with yours. I’m from Corps."
I walked away from him,
gesturing to him that I didn’t want anybody around, and when I was some
distance away, I sat down on the grass. There, I used to talk with the little
flowers of the Good Lord.
A moment later, I looked
behind me, and there I found Maximin sitting close to me. Straightway he says
to me: "Keep me with you. I’ll be very good."
But the natural evil in
me will not hear reason. I jump to my feet, and run a little farther off
without saying a word and again I start playing with the little flowers of the
Good Lord. In an instant, Maximin was there again, telling me he would be very
good, that he wouldn’t talk, that he would get bored all by himself, and that
his Master had sent him to be with me, etc. This time, I took pity, I gestured
to him to sit down, and I kept on playing with the little flowers of the Good
Lord.
It wasn’t long before
Maximin broke the silence by bursting into laughter (I think he was making fun
of me). I look at him and he says to me: "Let’s have some fun, let’s make
up a game". I said nothing in reply, for I was so ignorant I didn’t understand
what games with other people were, always having been alone. I played with the
flowers, on my own, and Maximin came right up close to me, doing nothing but
laughing, telling me the flowers didn’t have ears to listen to me and that we
should play together instead. But I had no liking for the game he told me to
play. I started talking to him, however, and he told me that the ten days he
was to spend with his Master would soon be over and then he would go home to
his father in Corps etc...
While he was talking, I heard
the bell of La Salette, it was the Angelus. I gestured to Maximin to lift his
soul up to God. He took off his hat and was silent for a moment. Then I said:
"Do you want to have dinner?" "Yes, he replied, let’s eat."
We sat down and I brought out of my bag the provisions my Master had given me.
As was my habit, before breaking into my little round loaf, I made a cross with
the point of my knife in the bread, and a little hole in the middle, saying:
"If the devil’s in there, may he leave, and if the Good Lord is in there,
may he stay!" and I rapidly covered up the little hole. Maximin burst into
laughter and kicked the loaf out of my hands. It rolled down the mountainside
and was lost from site. I had another piece of bread which we shared. Afterwards,
we played a game. Then, realizing that Maximin must still be hungry, I pointed
out a place on the mountainside covered with all kinds of berries. I urged him
to go and eat some and he went straight away. He ate a few berries and brought
back his hat full of them. In the evening we walked back down the mountain
together and promised to come back the next day and watch over our cows
together.
The next day, the 19th of
September, I met Maximin on the way up. We climbed up the mountain side
together. I discovered that Maximin was a very good, simple boy, and would
willingly talk about what I wanted to talk about. He was also very flexible and
had no fixed opinions. He was just a little curious, for, when I walked away
from him, as soon as he saw I had stopped, he would run over to me to see what
I was doing and hear what I was saying to the flowers of the Good Lord. And if
he arrived too late, he would ask me what I had said.
Maximin told me to teach
him a game. It was already late morning. I told him to gather some flowers for
the "Paradise". We set to work together. Soon we had a number of
flowers of various colours. I could hear the village Angelus ringing, for the
weather was fine and there wasn’t a cloud in the sky. Having told the Good Lord
what we had learned, I said to Maximin that we ought to drive our cows on to a
small plateau near the gully, where there would be stones to build the
"Paradise". We drove our cows to the selected spot and then had a
small meal. Then we started collecting stones to build our little house, which
comprised of a so-called ground floor which was where we were to live, and then
a story above which was to be, as we called it, "Paradise."
This story was decorated
all over with different-coloured flowers, with garlands hanging from flower
stalks. This "Paradise" was covered by a single large stone which we
had strewn with flowers. We had also hung garlands all the way round. When we
had finished, we sat and looked at the "Paradise". We began to feel
sleepy and having moved a couple of feet away, we went to sleep on the grass.
II
When I woke up I couldn’t
see the cows, so I called Maximin and climbed up the little mound. From there I
could see our cows grazing peacefully and I was on my way down, with Maximin on
his way up, when all at once I saw a beautiful light shining more brightly than
the sun.
"Maximin, do you see
what is over there? Oh! my God!" At the same moment, I dropped the stick I
was holding. Something inconceivably fantastic passed through me in that
moment, and I felt myself being drawn. I felt a great respect, full of love,
and my heart beat faster.
I kept my eyes firmly
fixed on this light, which was static, and as if it had opened up, I caught
sight of another, much more brilliant light which was moving, and in this light
I saw a most beautiful lady sitting on top of our Paradise, with her head in
her hands.
This beautiful Lady stood
up, she coolly crossed her arms while watching us, and said to us:
"Come, my children,
fear not, I am here to PROCLAIM GREAT NEWS TO YOU."
These soft and sweet
words made me fly to her, and my heart desired to attach itself to her forever.
When I was up close to
the Beautiful Lady, in front of her to her right, she began to speak and from
her beautiful eyes tears also started to flow.
"If my people do not
wish to submit themselves, I am forced to let go off the hand of my Son. It is
so heavy and weighs me down so much I can no longer keep hold of it.
I have suffered all of
the time for the rest of you! If I do not wish my Son to abandon you, I must
take it upon myself to pray for this continually. And the rest of you think
little of this. In vain you will pray, in vain you will act, you will never be
able to make up for the troubles I have taken over for the rest of you.
I gave you six days to work,
I kept the seventh for myself, and no one wishes to grant it to me. This is
what weighs down the arm of my Son so much.
Those who drive carts
cannot speak without putting the name of my Son in the middle.
These are the two things
which weigh down the arm of my Son so much. If the harvest is spoiled, it is
only because of the rest of you. I made you see this last year with the
potatoes, you took little account of this. It was quite the opposite when you
found bad potatoes, you swore oaths, and you included the name of my Son. They
will continue to go bad, at Christmas there will be none left."
At this point, I was
trying to interpret the word "potatoes" (pommes de terre): I thought
I understood it to be "apples" (pommes). The Beautiful and Good Lady,
reading my thoughts, repeated thus:
"You do not
understand, my children. I will tell it to you another way.
"If the harvest is
spoiled, it does not seem to affect you. I made you see this last year with the
potatoes. You took little account of this. It was quite the opposite when you
found bad potatoes, you swore oaths, and you included the name of my Son. They
will continue to go bad and at Christmas, there will be none left.
If you have corn, you
must not sow it. The beasts will eat all that you sow. And all that grows will
fall to dust when you thresh it. A great famine will come. Before the famine
comes, children under the age of seven will begin to tremble and will die in the
arms of those who hold them. The others will do penance through hunger. The
nuts will go bad, the grapes will become rotten."
At this point, the
Beautiful Lady, who was entrancing me, for a moment did not make herself heard.
I could see, however, that she was continuing, as if speaking, to move
graciously her kindly lips. At this moment, Maximin was receiving his secret.
Then, turning to me, the Most Holy Virgin spoke to me and gave me a secret in
French. Here is this secret in its entirety as she gave it to me:
"Mélanie, what I am
going to tell you now will not always be a secret; you can publish it in 1858.
"Priests, my Son's
ministers, priests, by their evil life, by their irreverences and their impiety
in celebrating the holy mysteries, love of money, love of honor and pleasures,
priests have become sewers of impurity. Yes, priests call forth vengeance, and
vengeance is suspended over their heads. Woe to priests, and to persons
consecrated to God, who by their infidelities and their evil life are crucifying
my son anew! The sins of persons consecrated to God cry to heaven and call for
vengeance, and now here is vengeance at their very doors, for no longer is
anyone found to beg mercy and pardon for the people; there are no more generous
souls, there is now no one worthy of offering the spotless Victim to the
Eternal on the worlds behalf.
"God will strike in
an unparalleled manner. Woe to the inhabitants of the earth! God will exhaust
His anger, and no one will be able to escape so many evils at once. The heads,
the leaders of the people of God, have neglected prayer and penance, and the
devil has darkened their minds; they have become those wandering stars which
the ancient devil will drag with his tail to destruction. God will permit the
ancient serpent to sow divisions among rulers, in all societies and in all
families; both physical and moral punishments will be suffered. God will
abandon men to themselves and will send chastisements one after the other for
over 35 years.
"Society is on the
very eve of most terrible scourges and greatest events; one must expect to be
governed by a rod of iron and to drink the chalice of God's wrath.
"Let not my Son's
Vicar, the Sovereign Pontiff Pius IX leave Rome after the year 1859; but let
him be steadfast and generous, let him do battle with the weapons of faith and
love; I shall be with him.
"Let him beware of
Napoleon; his heart is double, and when he will want to be both Pope and
emperor at the same time, God will soon withdraw from him; he is that eagle
who, desiring always to rise, will fall on the sword he wanted to use to force
the peoples to exalt him.
"Italy will be
punished for its ambition in wanting to shake of the yoke of the Lord of lords;
thus she will be handed over to war; blood will flow on all sides; Churches
will be closed or desecrated; priests, religious will be driven out; they will
be put to death, and to a cruel death. Many will abandon the faith, and the
number of priests and religious who will separate themselves from the true
religion will be great; even Bishops will be found among these persons.
"Let the Pope beware
of miracle workers, for the time has come for the most astonishing wonders to
take place on the earth and in the air.
"In the year 1864
Lucifer, together with a great number of devils, will be loosed from hell;
little by little they will abolish the faith, and that even in persons
consecrated to God; they will so blind them, that without a special grace,
these persons will take on the spirit of these evil angels; a number of religious
houses will lose the faith entirely and cause many souls to be damned.
"Bad books will
abound over the earth, and the spirits of darkness will everywhere spread
universal relaxation in everything concerning God's service: they will have
very great power over nature; there will be churches to serve these spirits.
People will be transported form one place to another by these evil spirits, and
even priests, because they will not have lived by the good spirit of the
gospel, which is a spirit of humility, charity and zeal for the glory of God.
The dead and the just will be made to rise."
[Mélanie interpolated
here: "That is to say, these dead will assume the prospect of righteous
souls who once lived on earth, in order to seduce men more easily; these
so-called resurrected dead, who will be nothing other than the devil under
these faces, will preach another Gospel contrary to that of the true Christ
Jesus, denying the existence of heaven, if these be not in fact the souls of
the damned. All these souls will appear joined to their bodies."]
"There will be
extraordinary wonders every place because the true faith has been extinguished
and false light illumines the world. Woe to the princes of the church who will
be occupied only with piling up riches upon riches, with guarding their
authority and lording with pride!
"My Son's Vicar will
have much to suffer, because for a time the Church will be handed over to great
persecutions: it will be the time of darkness; the Church will undergo a
frightful crisis.
"With God's holy
faith forgotten, each individual will want to direct himself and rise above his
peers. Civil and ecclesiastical authority will be abolished , all order and
justice will be trampled underfoot. Only murders, hatred, jealousy, lying and
discord will be seen, with no love of country or family.
"The Holy Father
will suffer greatly. I shall be with him till the end to receive his sacrifice.
"The wicked will
make a number of attempts on his life without being able to harm him; but
neither he nor his successor will see the triumph of God's Church.
"Civil governments
will all have the same objective, which will be to abolish and make every
religious principle disappear, to make way for materialism, atheism, spiritism
and vices of all kinds.
"In the year 1865, the
abomination will be seen in the holy places; in the convents the flowers of the
Church will putrefy, and the devil will establish himself as king of all
hearts. Let those who are at the head of religious communities be on their
guard concerning the persons they are to receive, because the devil will use
all his malice to introduce into religious orders persons given to sin, for
disorders and love of carnal pleasures will be widespread over the whole earth.
"France, Italy,
Spain and England will be at war, blood will flow in the streets; Frenchmen
will fight Frenchmen, Italian with Italian; then there will be a general war
which will be appalling. For some time God will no longer remember France or
Italy, because the Gospel of Jesus Christ is no longer known. The wicked will
unleash all their malice; even in homes there will be killing and mutual
massacres.
"With the first
lightning blow of His sword, the mountains and all nature will tremble with
dread, because the disorders and crimes of men are piercing the vault of the
heavens. Paris will be burned and Marseilles swallowed up; a number of large
cities will be shattered and swallowed by earthquakes; all will seem lost; only
murders will be seen, the clash of arms and blasphemies heard. The righteous will
suffer greatly; their prayers, their penances and their tears will rise to
heaven and all God's people will ask pardon and mercy and will ask my help and
intercession. Then Jesus Christ, by an act of His justice and His great mercy
toward the righteous, will command His angels to put all His enemies to death.
At one blow the persecutors of the Church of Jesus Christ and all men given to
sin will perish, and the earth will become like a desert.
"Then there will be
peace, the reconciliation of God with men; Jesus Christ will be served, adored
and glorified; charity will flourish everywhere. The new kings will be the
right arm of Holy Church, which will be strong, humble, pious, poor, zealous
and imitative of the virtues of Jesus Christ. The Gospel will be preached
everywhere, and men will make great strides in the faith, because there will be
unity among Jesus Christ's workers and men will live in the fear of God.
"This peace among
men will not last long: 25 years of abundant harvests will make them forget that
the sins of men are the cause of all the woes which happen on earth.
"A precursor of the
Antichrist, with his troops drawn from many nations, will wage war against the
true Christ, sole Savior of the world; e will shed much blood and will seek to
annihilate the cult of God so as to be regarded as a god.
"The earth will be
struck with plagues of all kinds;" [Mélanie added here: "Besides
pestilence and famine, which will be widespread"] "there will be wars
up to the last war, which will then be waged by the ten kings of the
Antichrist, kings who will all have a common design and will be the sole rulers
of the world. Before this happens, there will be a sort of false peace in the
world; people will think only of amusing themselves; the wicked will indulge in
all kinds of sin; but the children of Holy Church, children of the true faith,
my true imitators, will grow in the love of God and in the virtues dearest to
me. Happy the humble souls lead by the Holy Ghost! I shall battle along with
them until they reach the fullness of maturity.
"Nature begs
vengeance on account of men, and she shudders with dread, awaiting what must
happen to the crime-stained earth.
"Tremble, earth, and
you who profess to serve Jesus Christ, while interiorly you adore yourselves,
tremble; for God will hand you over to His enemy, because the holy places are
in a state of corruption; many convents are no longer houses of God, but
pastures for Asmodeus and his own.
"It will be at this
time that the Antichrist will be born of a Hebrew nun, a false virgin who will
be in communication with the ancient serpent, master of impurity; his father
will be a bishop (Ev.). [We spell out the word "bishop" here. In the
French text appear only the first two letters of évèque, the French word for
bishop, but there is little doubt that this is the word they stand for, because
in Mélanie's first draft of the message the whole word is spelled out.]
"At birth he will
vomit blasphemies, he will have teeth; in a word, this will be the devil
incarnate; he will utter terrifying cries, he will work wonders, he will live
only on impurities. He will have brothers who, although not incarnate devils
like himself, will be children of evil; at the age of twelve, they will be
noted for the valiant victories they will win; soon they will each be at the
head of armies, assisted by legions from hell.
"The seasons will be
changed, the earth will produce only bad fruits, the heavenly bodies will lose
the regularity of their movements, the moon will reflect only a feeble reddish
light; water and fire will lend convulsive motions to the earth's sphere,
causing mountains , cities, etc., to be swallowed up.
"Rome will lose the
Faith and become the seat of the Antichrist.
"The demons of the
air, together with the Antichrist, will work great wonders on the earth and in
the air, and men will become ever more perverted. God will take care of His
faithful servants and mend of good will; the Gospel will be preached
everywhere, all peoples and all nations will have knowledge of the Truth.
"I address a
pressing appeal to the earth: I call upon the true disciples of the God living
and reigning in the heavens; I call upon the true imitators of Christ made man,
the one true Savior of men; I call upon my children, my true devotees, those
who have given themselves o me so that I may lead them to my Divine Son, those
whom I bear as it were in my arms, those who have lived in my spirit; finally,
I call upon the Apostles of the Latter Times, the faithful disciples of Jesus
Christ who have lived in contempt of the world and of themselves, in poverty
and humility, in contempt and silence, in prayer and mortification, in chastity
and in union with God, in suffering, and unknown to the world. It is time for
them to emerge and come enlighten the earth. Go, show yourselves to be my dear
children; I am with you and in you, provided your faith is the light
enlightening you in these evil times. May your zeal make your famished for the
glory and honor of Jesus Christ. Do battle, children of light, you, the few who
see thereby; fir the time of times, the end of ends, is at hand.
"The Church will be
eclipsed, the world will be in consternation. But there are Enoch and Elias,
they will preach with the power of God, and men of good will will believe in
God, and many souls will be comforted; they will make great progress by virtue
of the Holy Ghost and will condemn the diabolical errors of the Antichrist.
"Woe to the
inhabitants of the earth. There will be bloody wars, and famines; plagues and
contagious diseases; there will be frightful showers of animals; thunders which
will demolish cities; earthquakes which will engulf countries; voices will be
heard in the air; men will beat their heads against the walls; they will call
on death, yet death will constitute their torment; blood will flow on all
sides. Who could overcome, if God doesn't shorten the time of trial? At the
blood, tears and prayers of the righteous, God will relent; Enoch and Elias
will be put to death; pagan Rome will disappear; the fire of Heaven will fall
and consume three cities; the whole universe will be struck with terror, and
many will allow themselves to be seduced because they didn't adore the true
Christ living in their midst. It is time; the sun is darkening; Faith alone
will survive.
"The time is at
hand; the abyss is opening. Here is the king of the kings of darkness. Here is
the beast with its subjects, calling itself the savior of the world. In pride
he will rise skyward to go up to Heaven; he will be stifled by the breath of
St. Michael the Archangel. He will fall and the earth -which for three days
will be in constant change- will open its fiery bosom; he will be plunged
forever with all his followers into hell's eternal chasms. Then water and fire
will purify the earth and consume all the works of men's pride, and everything
will be renewed; God will be served and glorified."
SOURCE : http://www.catholicapologetics.info/catholicteaching/privaterevelation/lasalet.html
Notre-Dame de la Salette, Ars-sur-Formans
Notre-Dame de la Salette, Ars-sur-Formans
Notre-Dame
de la Salette, Ars-sur-Formans
The
Apparition of Our Lady of La Salette
On
September 19, 1846, the Mother of God appeared high in the Alps of France, near
the village of LaSalette. The witnesses of the event were Maximin Giraud and
Melanie Mathieu, eleven and fourteen years of age respectively. The children
first noticed the “Beautiful Lady” as she was seated on a stone, weeping. An
intense light surrounded her. She arose and came toward the children, saying:
“Come near, my children, do not be afraid. I am here to tell you great news.”
They ran to meet her. Then, she went on:
“If my people will not
submit, I shall be forced to let go the hand of my Son. It is so strong, so
heavy, that I can no longer withhold it. How long a time do I suffer for you!
If I would not have my Son abandon you, I am compelled to pray to Him without
ceasing. And, as to you, you take no heed of it. However much you pray, however
much you do, you will never recompense the pains I have taken for you.
“Six days have I given
you to labor, the seventh I have kept for myself; but it is not given to me.
This is what makes the hand of my Son so heavy. Those who drive the carts
cannot swear without introducing the name of my Son. These are the two things
which make the hand of my Son so heavy. If the harvest is spoiled, it is all on
your account. I gave you warning last year in the potatoes, but you did not
heed it. On the contrary, when you found the potatoes spoiled, you swore, you
took the name of my Son in vain. They will continue to decay, so that by
Christmas there will be none left.
“If you have wheat, it is
useless to sow it; all that you sow, the insects will eat. What comes up will
fall into dust when you thresh it.
“There will come a great
famine. Before the famine comes, the children under seven years of age will be
seized with trembling and will die in the hands of those who hold them; and
others will do penance by the famine. The walnuts will become worm-eaten, the
grapes will rot. If people are converted, the stones and the rocks will be
changed into heaps of wheat and the potatoes will be self-sown.
“Do you say your prayers
well, my children?” she asked. They had to reply: “Oh, no, Madame, not very
well.” “Now, my children,” she went on, “you must be sure to say them well,
morning and evening; when you cannot do better, say at least an Our Father and
a Hail Mary. But when you have time, say more.
“There are none who go to
Mass but a few aged women ; the rest work on Sunday all summer, and in the
winter, when they do not know what to do, they go to Mass just to mock at
religion. During Lent, they go to the market like dogs.
“Have you ever seen wheat
that is spoiled, my children?” Maximin replied: “No, Madame, I have never seen
any.” “But, my child,” she continued, “you must surely have seen some once,
with your father, near Coin. The master of the field told your father to go and
see his ruined wheat. You were both together. You took two or three of the ears
into your hands and rubbed them and they just fell into dust ; and then you
returned home. When you were still half an hour’s distance from Corps, your
father gave you a piece of bread and said to you; ‘Here, my child, eat some
bread this year at least; I don’t know who will eat any next year, if the wheat
goes on like that’.” Maximin replied: “Oh, yes, Madame, I remember now, just
this moment; I did not recall.”
Having shown through this
incident her maternal solicitude for us even in the details of our daily life,
Our Blessed Mother concluded her visit with these words: “Now, my children, you
will make this known to all my people.” As she turned and walked a short
distance, she repeated these final words. Then she stopped, ascended about a
yard in the air and disappeared.
That evening, when the
children returned home, they told what had happened. The first visitors to the
scene remarked that a spring had arisen where Our Weeping Mother’s feet had
rested.
– text taken from the
booklet The Apparition of Our Lady of La Salette published
by the National Shrine of Our Lady of La Salette, Ipswich, Massachusetts, 25
March 1951; it has the Imprimi ptest of Denis P Monahan, MS, provincial
superior; it has the nihil obstat of Hugh F Blunt, LL.D., censor librorum; it
has the Imprimatur of +Richard J Cushing, DD, Archbishop of Boston,
Massachusetts; a scan of the booklet is available online at https://archive.org/details/apparitionofourl00unse
SOURCE : https://catholicsaints.info/the-apparition-of-our-lady-of-la-salette/
Our Lady of La Salette
A Marian apparition
particularly focused on Reconciliation
The story of the
apparition
+ On Saturday, September
19, 1846, the Blessed Virgin Mary appeared to two children high in the French
Alps near the town of La Salette.
+ The visionaries—Maximin
Giraud (age 11) and Melanie Mathieu (age 14)—were tending cows when they saw a
woman surrounded by brilliant light. The woman was seated on a stone with her
elbows on her knees and her face buried in her hands; she was weeping.
+ Frightened by the
vision, the woman told the children not to be afraid and she shared with the
children a call for conversion and an appeal for prayer.
+ The bishop of Grenoble
approved the apparition five years later and, in 1852, he approved the
construction of a shrine at the sight of the apparition. Today the Shrine of
Our Lady of La Salette is a popular place of pilgrimage, particularly for those
seeking reconciliation and forgiveness.
Spiritual bonus
Bishop Philibert de
Bruillard, who approved the apparitions of Our Lady of La Salette, established
a new religious community to help promote devotion to the apparitions, welcome
pilgrims at the shrine, and to act as missionaries with a special call to
celebrate the Sacrament of Reconciliation. The first Missionaries of Our Lady
of La Salette professed religious vows in 1858. Today the priests and brothers
of this community serve in 25 countries.
Quote
“Come near, my children,
don’t be afraid. I am here to tell you great news.”—Our Lady of La Salette to
Melanie and Maximin
To learn more about the
Missionaries of Lady of La Salette, visit: www.lasalette.org
Prayer
God our Father, by the
precious blood of your Son, you reconciled the world to yourself and, as she
stood beside his cross, made his Mother the Reconciler of sinners. By her kind
intercession, may we obtain the forgiveness of our sins. We ask
this through our Lord Jesus Christ, your Son, who lives and reigns
with you and the Holy Spirit, one God, for ever and ever. Amen.
(Proper Collect for the
Feast of Our Lady of La Salette, approved by the Holy See and provided by the
Missionaries of Our Lady of La Salette)
Profiles prepared by Br.
Silas Henderson, S.D.S.
SOURCE : https://aleteia.org/daily-prayer/tuesday-september-19
Statue
de Notre-Dame de la Salette, Église Saint Erasme, Bonifacio
Our Lady of La Salette
Knowing the Virgin Mother
under the title of Our Lady of LaSalette may not be very familiar with many
Catholics and yet the title that Mary carries is not only an interesting one,
it is essential. Mary, please recall, always points to her Son as Lord and Savior.
The Mother of God invites us all to greater freedom in Christ Jesus through our
ongoing conversion.
The LaSalette
Congregation of Fathers and Brothers has their provincial house in the
Archdiocese of Hartford; they’ve also ministered through a Shrine dedicated the
Mother of God in Attleboro, MA, for many years.
On September 19, 1846,
the Mother of God appeared to two young shepherds, Melanie Calvat and Maximin
Giraud, on the heights of the mountain of La Salette in France. There She
dictated to them a public message which She asked to make known to all Her
people. And to each little shepherd privately She confided a secret, concerning
which She gave special directives. Our text for the feast of Blessed Maximin
Giraud, September 20th, gives in his own words a brief description of the
apparition. And we summarize [tomorrow] the public message, with its warnings
and predictions, all of which have already been fulfilled. Blessed Melanie
Calvat was invested with the mission of founding a new religious Order, the
Order of the Mother of God, which would associate under one single common rule
more than one community, and would include the Apostles of the Latter Times
announced by Saint Louis Mary de Montfort in his Prophetic Prayer.
Blessed Melanie was told
by the Mother of God to make known her secret after the year 1858, and she
published it herself in the face of great difficulties. It was important, and
remains important, for the Church to be aware of its contents. We therefore
will summarize today, briefly, the secret of La Salette for those who may not
yet know it, or even of it.
The Blessed Virgin
announced that it was primarily the defections of the Church which will bring
down on the world the exemplary chastisement:
God is going to strike in
an unprecedented manner. Woe to the inhabitants of the earth! God is going to
exhaust His wrath, and no one will be able to resist so many concerted woes…
Many will abandon the faith, and the number of priests and religious who will
dissociate themselves from the true religion will be great… Many religious
institutes will lose the faith entirely and will cause the loss of many souls.
The Church will pass through a frightful crisis… The Holy Father will suffer
greatly. I will be with him to the end to receive his sacrifice… For a time God
will not remember France or Italy because the Gospel of Jesus Christ is no
longer known… [But the] prayers, penance and tears of the just will ascend to
heaven, and the entire people of God will beg for pardon and mercy and will ask
My assistance and My intercession. Then Jesus Christ, by an act of His justice
and His great mercy toward the just [will intervene and] then there will be
peace, the reconciliation of God with men… Charity will flourish everywhere..
The Gospel will be preached everywhere, and men will make great progress in the
faith, because there will be unity among the workers of Jesus Christ and men
will live in the fear of God.
She foretells: Rome will
lose the faith and will become the seat of Antichrist. To call Her children to
combat for God in the days of darkness and sin, the Mother of God concludes:
I address an urgent
appeal to the earth: I summon the true disciples of God who lives and reigns in
heaven; I summon the true imitators of Christ made man, the one true Saviour of
men; I summon My children, My true devotees, those who have given themselves to
Me so that I might lead them to My divine Son, those whom I carry, so to speak,
in My arms, those who have lived according to My spirit; finally, I summon the
Apostles of the Latter Times, the faithful disciples of Jesus Christ who have
lived in scorn of the world and of themselves, in poverty and in humility, in
contempt and in silence, in prayer and in mortification, in chastity and in
union with God, in suffering and unknown to the world. It is time for them to
arise and come forth to enlighten the earth.
Go, and show yourselves
as My cherished children; I am with you and in you, provided that your faith be
the light that enlightens you in these days of woe. May your zeal cause you to
be as famished for the glory and honor of Jesus Christ. Fight, children of
light, you little number who see; for behold the time of times, the end of
ends.
The Apparition of the
Blessed Virgin on the Mountain of La Salette (Editions Magnificat:
Mont-Tremblant (St. Jovite), Québec, Canada, 1973).
SOURCE : https://communio.stblogs.org/index.php/2014/09/our-lady-of-la-salette/
September 20, 2021
The Story of Our Lady of
La Salette
Q: Last weekend, I
attended the 50th ordination anniversary of a priest and I learned that he had
belonged to the Missionaries of La Salette. What is the story of Our Lady of La
Salette?
On Saturday afternoon,
Sept. 19, 1846, two children — Maximin Guiraud (age 11) and Melanie Calvat (age
14) — were tending sheep for their employers near La Salette in the French
Alps. The effects of the French Revolution which had terrorized the Church, the
blood spilt during the reign of Napoleon, the increasing secularization of
social thought and the rising political turmoil enveloping Europe had taken a
serious toll on the faith of the people. In the parish of La Salette, fewer and
fewer people attended Mass and the sacraments were neglected. Cursing had
overtaken praying; licentiousness, purity; and greed and self-indulgence, piety
and sacrifice.
Melanie, one of eight
children, came from a poor family and began working at age 7. She had no
schooling, knew only bits of the Catechism, infrequently attended Mass,
and could hardly recite the Our Father or the Hail Mary. Similarly, Maximin,
whose mother had died and who did not like his stepmother, had little religious
education and no schooling.
While they were tending
their sheep, they saw a brilliant light, brighter than the sun. As they
approached, they noticed a “Beautiful Lady” seated on a rock and crying, with
her face in her hands. In tears, she stood and spoke to them in their local
French dialect. She wore a headdress topped by a lucent crown with a band of
roses, a dress with beams of light and slippers edged with roses. Around her
neck hung a golden crucifix: on one end of the cross beam was a hammer and
nails, and on the other, a pincher. Over her shoulders was a heavy chain.
Msgr. John S. Kennedy
gives the following version of the dialogue that ensued. (See “The Lady in
Tears,” in A Woman Clothed with the Sun.) She said, “Come to me, my
children. Do not be afraid. I am here to tell something of the greatest
importance.” She continued,
“If my people will not
obey, I shall be compelled to loose my Son’s arm. It is so heavy, so pressing
that I can no longer restrain it. How long I have suffered for you! If my Son
is not to cast you off, I am obliged to entreat Him without ceasing. But you
take not the least notice of that. No matter how well you pray in the future,
no matter how well you act, you will never be able to make up to me what I have
endured for your sake.
“I have appointed you six
days for working. The seventh I have reserved for myself. And no one will give
it to me. This it is which causes the weight of my Son’s arm to be crushing.
The cart drivers cannot swear without bringing in my Son’s name. These are the
two things which make my Son’s arms so burdernsome.
“If the harvest is
spoiled, it is your own fault. I warned you last year by means of the potatoes.
You paid no heed. Quite the reverse, when you discovered that the potatoes had
rotted, you swore, you abused my Son’s name. They will continue to rot, and by
Christmas this year there will be none left.
“If you have grain, it
will do no good to sow it, for what you sow the beasts will devour, and any
part of it that springs up will crumble into dust when you thresh it.
“A great famine is
coming. But before that happens, the children under seven years of age will be
seized with trembling and die in their parent’s arms. The grownups will pay for
their sins by hunger. The grapes will rot, and the walnuts will turn bad.”
Truly a sobering message.
Then Our Lady said, “If people are converted, the rocks will become piles of
wheat, and it will be found that the potatoes have sown themselves.” She then
asked the children, “Do you say your prayers well, my children?” “No, we hardly
say them at all,” they mumbled. “Ah, my children, it is very important to say
them, at night and in the morning. When you don’t have time, at least say an
Our Father and a Hail Mary. And when you can, say more.”
Our Lady then returned to
her chastisement of the people: “Only a few rather old women go to Mass in the
summer. All the rest work every Sunday throughout the summer. And in winter,
when they don’t know what to do with themselves, they go to Mass only to poke
fun at religion. During Lent they flock to the butcher shops, like dogs.” She
concluded saying, “My children, you will make this known to all my people.” She
then walked away, up a steep path, and disappeared in a bright light.
The children repeated the
story to each of their employers. When the people ascertained that the stories
matched, and several pious people concluded this had been an apparition of the
Blessed Mother, the children were sent to the parish priest of La Salette. The
priest recounted the children’s story at Mass. The government officials began
an investigation and the children maintained their story despite threats of
imprisonment. Once when investigating the site, someone broke off a piece of
the rock on which Our Lady had sat; a spring of water emerged in a place that
was dry except for when the snows were melting. The spring flowed steadily and
abundantly. Some of the water was given to a woman suffering from a long-term
serious illness; she drank a little of the water each day as she prayed a
novena and on the ninth day, she was cured.
The case was then
submitted to Bishop Bruillard of Grenoble, who initiated a thorough
investigation of the apparition. Meanwhile, more miraculous cures occurred. The
greatest miracle was truly spiritual: people attended Mass faithfully and
confessed regularly. They stopped working on Sundays and they returned to
living a pious and devotional life. Pilgrimages to the site became increasingly
popular. Five years later, on September 19, 1851, Bishop Bruillard determined
that the apparition “bore in itself all the marks of truth and that the faithful
are justified in believing it to be certain and indubitable.” A real conversion
had taken place.
The following year, a new
religious community was founded, the Missionaries of La Salette. Also, Bishop
Bruillard laid the cornerstone for a new basilica. Pilgrims increasingly
visited the site of the apparition, and Our Lady was referred to as
“Reconcilatrix of sinners.” Great saints have been devoted to Our Lady of La
Salette, including St. John Bosco, St. John Vianney and St. Madeleine Sophie
Barat.
As we ponder this
apparition, the message of our Blessed Mother is as pertinent now as then: How
many people forsake Sunday Mass but take time for the newspaper, sports or
shopping? How many have not been to confession in years? How many use our
Lord’s name as a common profanity? How many fail to pray each day? How many
entertain such blasphemies as The Da Vinci Code? Oh yes, the message still
resounds. The world and each of us is in need of conversion. Let us turn to Our
Lady of La Salette and offer her Memorare:
Remember, Our Lady of La
Salette, true mother of Sorrows, the tears you shed for us on Calvary. Remember
also the care you have taken to keep us faithful to Christ, your Son. Having
done so much for your children, you will not now abandon us. Comforted by this
consoling thought, we come to you pleading, despite our infidelities and
ingratitude. Virgin of Reconciliation, do not reject our prayers, but intercede
for us, obtain for us the grace to love Jesus above all else. May we console
you by living a holy life and so come to share the eternal life Christ gained
by His cross. Amen.
(This article courtesy of
the Arlington Catholic
Herald.)
Fr. Saunders was the
founding pastor of Our Lady of Hope Parish in Potomac Falls, VA. He now serves
as Pastor of St. Agnes in Arlington, VA and as the Episcopal Vicar of Faith
Formation for the Diocese of Arlington.
SOURCE : https://catholicexchange.com/the-story-of-our-lady-of-la-salette
Church
Saint-Exupère from Toulouse, chapelle Notre-Dame de la Salette
Église Saint-Exupère de Toulouse,
chapelle Notre-Dame de la Salette
Notre-Dame de La Salette est le nom sous lequel les fidèles catholiques désignent la Vierge Marie en tant qu'elle serait apparue à deux enfants le 19 septembre 1846 en haut du village de La Salette-Fallavaux, près de Corps (Isère)
Small Town Mary: Our Lady
of La Salette
Posted by Sarah Reinhard | Jan 25, 2016 | Everyday
Faith, Regular
Feature |
In the 1980s, when I was
growing up in a small town in Ohio, there was a popular song that we all loved. It
glorified life in a small town and made us feel that we were something special
because we didn’t have all the conveniences of urbanity. We could
forget that we had a forty-five-minute drive to “civilization” and all the fun
entertainment of life in the city.
We used to play that
song, my dad and I, and later my friends and I, over and over, and the melody
of it got into my bones. I still live in a small town, though it’s a
different small town. I’ll be probably raise my children in this
small town, and when I think of that song, I smile. I could make it
my anthem.
Life is pretty
predictable in small towns, and the news spreads fast. If someone
dies, the church committee knows before the funeral home. If a
neighbor finds out they have cancer, the phone prayer chain goes into full gear
by sundown. When there are family battles and babies born, there’s a
support crew lined up before the reality sets in at home.
When the Blessed Mother
appeared to Mélanie Calvat and Maximin Giraud—two uneducated peasant
children—in 1846, the word spread quickly.
It was about 3:00 on
September 19, the feast of Our Lady of Sorrows, in the mountain meadow in the
parish of La Salette, France. Mélanie, age fifteen, and Maximin, eleven,
were watching their cow-herds together. They had only become
acquainted the day before, and Mélanie wasn’t the social type, by her own
account. She had warmed to Maximin the day before, and after a small
lunch, the two of them began to play “Paradise,” a game of Mélanie’s invention. It
involved gathering stones together and decorating the resulting “house” with
many flowers of all different colors.
They arranged an area so
that their so-called living space would be the ground floor, and a large rock
above would be the actual “Paradise” (heaven). They strung garlands of
flowers all around it and worked themselves all the way to sleepiness so that,
a few feet from their house, they curled up on the grass and took a nap.
They woke up, and Mélanie
noticed that the cows had wandered off. She couldn’t see them, so
they both climbed up on the hill beside their “Paradise” to find them. While
they were there, a bright light—“shining more brightly than the sun,” Mélanie
wrote later—caught their attention, drawing them to it. It was
coming from a beautiful lady who was on top of their “Paradise,” dressed in a
white cloak with a yellow apron, with a crown and shoes decorated with many-colored
roses. She wore a crucifix around her neck, with a hammer and pliers
on each end of the cross-bar. Her beauty was compelling to the two
shepherds, as were the tears streaming down her face.
The children hesitated,
and the lady invited them to come closer, speaking at first in French.
Mélanie and Maximin were illiterate peasant children, and though they
spoke French, they were much more comfortable in a local dialect. Soon
after telling them “I am here to tell you great news,” the lady switched to
this dialect.
The lady’s tears were a
result of her Son’s anger. He was angry about people’s swearing,
specifically using God’s name in vain; their working on Sundays and violating
the day of rest; and the widespread disobedience of God’s laws. She
told the children that she could not hold off her Son’s hand much longer, and
that repentance in the form of confession, prayer, and penance were the only
things that could stop his anger from taking action.
By now, Mélanie and
Maximin knew that it was Mary, Jesus’ own mother, speaking with them. She
gave each of the children a secret of their own, which the other could not
hear, with instructions as to when and how they could be shared. Before
disappearing, Mary asked the children to spread her message. They
returned home and told their incredible tale, and it was put in writing the
next day.
It didn’t take long for
the word to spread. La Salette was, after all, a small town, and
this was a miraculous apparition. The Church officials were very
cautious, and, in some cases, downright cantankerous, opposing devotion to this
vision of Mary and questioning it from every angle.
In July of 1847, not
quite a year later, the detailed investigation began, including eight
conferences of questioning and debate. Though it seemed inevitable
that the apparition was true—twelve of sixteen voted in unquestionable
favor of its truth—the opposition, especially within the Church in France, was
remarkable. There is still some lingering controversy, though in
July, 1851, the apparition was officially approved, under the title Our Lady of
La Salette, in a pastoral letter by the diocesan bishop.
Mélanie was told by Mary
that she could make her secret public beginning in 1858. During the
investigative process, in 1851, both Mélanie and Maximin wrote their secrets
and sent them to Pope Pius IX, where they remain in the Vatican secret
archives. Mélanie released an extended version of her secret in
1858, which was sent by courier to Pope Pius IX and is lost; it was reproduced
in 1860 and distributed.
It is in this, from what
I have found, that the controversy lies. Over the years, the text of
her secret changed a bit, had some extra details, seemed to be embellished. I
can’t help but wonder if Mélanie, as she got older and as the message she
received soaked in, didn’t start to understand it a bit more. I
thought about incredible experiences in my own life—such as the pregnancy and
birth of a child—and how I can look back and see so much more than what I saw
at the time.
In the later and longer
versions of the secret, it’s clear that the secret is not exactly the same as
it was when it was sent to Pius IX in 1851, but it’s also obvious that the
later editions logically elaborate the shortened, abstract statements initially
made. In the opinion of wise and prudent observers, there’s a
distinction between the two Mélanies, the innocent and simple girl of 1846 and
the visionary of 1879, influenced by reading apocalyptic books and lives of
illuminati.
Maximin’s secret was
never published widely, though in 1866, he wrote a rebuttal of allegations
against the La Salette apparition. He and Mélanie sent copies of
their secrets to the Vatican during the investigations, and the focus was on
Mélanie’s secret. Maximin’s secret was shorter and less terrifying
than Mélanie’s secret. Though hers was published and expounded over
the years, Mary predicted in each version that a number of apocalyptic things
would occur.
Regarding society, Mary
predicted the harvest would fail completely, and in December 1846, the majority
of the popular crops were diseased, and, in 1847, Europe experienced a famine
that resulted in the death of around one million people, including one hundred
thousand in France. During this time, cholera became widespread
throughout France and many children died. She also predicted the
collapse of the Second French Republic with the Franco-Prussian War (1870-1871)
and the communist uprising with the Paris Commune (1871).
Mary also prophesied that
the Catholic faith in France and the world would dwindle greatly, both within
the civilian population and throughout the clerical hierarchy, because of many
sinful acts. She told the children that an attempt would be made on
the Pope’s life, though he would survive, and that he was not to trust
Napoleon.
Mary’s language was
prophetic, and that, together with the painful truths she revealed and the
pending punishment, inspired many people to conversion. The miracles
at La Salette started when Mélanie and Maximin were taken back to the site of
the apparition during interrogations from the local authorities. A
man in the group broke off a piece of the rock the Virgin Mary had been on, and
revealed a spring. Twenty-three cures were later accredited to that
spring in the first year after the apparition. Since then, hundreds
of additional miraculous cures have been reported.
In all the drama of
controversy, it’s easy to overlook a simple component that Our Lady of La
Salette reminds all of us, and that she admonished the two children: we
should be in prayer morning and night. This is easier said than done
in our hustle and bustle society.
If time is a problem, the
Virgin Mary continued, at least say an Our Father and a Hail Mary. Perhaps
she knew that women like myself, bearing the burden of busy, would roll our
eyes at the idea of continual prayer.
“When will I get my work
done?” I imagine myself asking her.
“Just say an Our Father
and a Hail Mary, dear,” she replies through the La Salette apparition.
Though it’s currently
home to only two hundred people, La Salette remains a pilgrimage destination. Our
Lady of La Salette appeared to a couple of small town nobodies, and she fanned
the flame of controversy with the difficult message she brought. At
the heart of it, though, was a call to conversion.
Mary leads us, always, to
Jesus, and in this instance she was no different. At La Salette,
France, Mary called all of us back to the fold from our sins, back to the arms
of God, back to the glory of heaven. We can choose not to go,
because free will remains ours to use. At La Salette, Mary also
tells us, just as any loving mother would, of the consequences we’ll face.
SOURCE : https://integratedcatholiclife.org/2016/01/reinhard-small-town-mary-our-lady-of-la-salette/
Notre-Dame de La Salette, Isère.
Notre-Dame de La Salette, Isère.
La Salette
Located in the commune
and parish of
La Salette-Fallavaux, Canton of Corps, Department of Isere, and Diocese of Grenoble. It
is celebrated as the place where, it is said, the Blessed Virgin appeared to two
little shepherds; and each year is visited by a large number of pilgrims.
On 19 September, 1846,
about three o'clock in the afternoon in full sunlight, on a mountain about 5918
feet high and about three miles distant from the village of La
Salette-Fallavaux, it is related that two children, a shepherdess of fifteen
named Mélanie Calvat, called Mathieu, and a shepherd-boy of eleven named
Maximin Giraud, both of them very ignorant, beheld in a
resplendent light a "beautiful lady" clad in a strange costume.
Speaking alternately in French and in patois, she charged them with a message
which they were "to deliver to all her people". After complaining of
the impiety of Christians,
and threatening them with dreadful chastisements in case they should persevere
in evil, she
promised them the Divine mercy if they would amend.
Finally, it is alleged,
before disappearing she communicated to each of the children a special secret.
The sensation caused by the recital of Mélanie and Maximin was profound, and
gave rise to several investigations and reports. Mgr. Philibert de
Bruillard, Bishop of Grenoble, appointed a
commission to examine judicially this marvellous event; the commission
concluded that the reality of the apparition should
be admitted. Soon several miraculous cures
took place on the mountain of La Salette, and pilgrimages to the
place were begun. The miracle,
needless to say, was ridiculed by free-thinkers, but it
was also questioned among the faithful, and especially
by ecclesiastics.
There arose against it in the Dioceses of Grenoble and Lyons
a violent opposition, aggravated by what is known as the incident of Ars. As a
result of this hostility and the consequent agitation, Mgr. de Bruillard (16
November 1851) declared the apparition of
the Blessed Virgin as
certain, and authorized the cult of Our Lady of La Salette. This act subdued,
but did not suppress, the opposition, whose leaders, profiting by the
succession in 1852 of a new bishop, Mgr. Ginoulhiac, to Mgr.
Bruillard, who had resigned, retaliated with violent attacks on the reality of
the miracle of
La Salette. They even asserted that the "beautiful lady" was a
young woman named
Lamerliere, which story gave rise to a widely advertised suit for slander. Despite these
hostile acts, the first stone of a great church was solemnly laid on
the mount of La Salette, 25 May, 1852, amid a large assembly of the faithful. This Church,
later elevated to the rank of a basilica, was served by
a body of a religious called Missionaries of La Salette.
In 1891 diocesan priests replaced these
missionaries, driven into exile by persecuting laws.
As said above, the Blessed Virgin confided
to each of the two children a special secret. These two secrets, which neither
Mélanie or Maximin ever made known to each other, were sent by them in 1851
to Pius IX on
the advice of Mgr. de Bruillard. It is unknown what impressions these
mysterious revelations made on the pope, for on this point
there were two versions diametrically opposed to each other. Maximin's secret
is not known, for it was never published. Mélanie's was inserted in its
entirety in brochure which she herself had printed in 1879 at Lecce, Italy, with the
approval of the bishop of
that town. A lively controversy followed as to whether the secret published in
1879 was identical with that communicated to Pius IX in 1851, or
in its second form it was not merely a work of the imagination. The latter
was the opinion of wise and prudent persons, who were
persuaded that a distinction must be made between the two Mélanies, between the
innocent and simple voyante of 1846 and the visionary of 1879, whose
mind had been disturbed by reading apocalyptic books and the lives of illuminati.
As Rome uttered
no decision the strife was prolonged between the disputants. Most of the
defenders of the text of 1879 suffered censure from their bishops. Maximin Giraud,
after an unhappy and wandering life, returned to Corps, his native village, and
died there a holy death (1 March, 1875). Mélanie Calvat ended a no less wandering
life at Altamura,
Italy (15 December, 1904).
Clugnet,
Léon. "La Salette." The Catholic Encyclopedia. Vol.
9. New York: Robert Appleton
Company, 1910. <http://www.newadvent.org/cathen/09008b.htm>.
Transcription. This
article was transcribed for New Advent by Joseph P. Thomas. Dedicated to
Mrs. Kathleen White.
Ecclesiastical
approbation. Nihil Obstat. October 1, 1910. Remy Lafort,
Censor. Imprimatur. +John M. Farley, Archbishop of New York.
Copyright © 2023 by Kevin Knight.
Dedicated to the Immaculate Heart of Mary.
SOURCE : https://www.newadvent.org/cathen/09008b.htm
Cort
(Tre Ville, Trentino), chiesa della Madonna de la Salette - Dipinto
dell'apparizione di La Salette
Cort
(Tre Ville, Trentino, Italy), Our Lady of La Salette church - Painting of the
apparition of La Salette
Nostra Signora de La Salette
Apparizione: 19 settembre 1846
Il 19 settembre 1846 a La Salette, nel cuore delle
Alpi francesi, la Vergine Maria apparve a due pastorelli poco più che
adolescenti, Mélanie Calvat e Maximin Giraud. Le sue parole e il suo
atteggiamento mesto costituirono un invito alla conversione, tramite il
rispetto del giorno festivo e l’opposizione alla bestemmia. Dopo cinque anni
d’indagini, il 19 settembre 1851, monsignor de Bruillard, vescovo di Grenoble,
emanò il decreto con cui l’apparizione era approvata. Sul luogo del fatto
prodigioso venne presto costruita una basilica, dove la Madonna è onorata come
“riconciliatrice dei peccatori”.
Nella linea delle apparizioni autentiche
La Madonna lungo i secoli è apparsa molte volte, lasciando messaggi, incitando alla preghiera ed al pentimento dei peccati. Per lo più i destinatari di tali apparizioni sono stati veggenti o persone di umili condizioni e di animo innocente, quasi a garanzia della veridicità degli eventi che si verificavano. Così fu, solo per citare alcune tra le più famose e ritenute autentiche, per l’apparizione nel 1531 di Guadalupe in Messico a san Juan Diego Cuauhtlatoatzin, un indio analfabeta; per quella di Lourdes nel 1858 a santa Bernadette Soubirous; per quella di Fatima nel 1917 ai tre pastorelli Giacinta, Francesco e Lucia.
Ma dodici anni prima delle apparizioni di Lourdes, così conosciute nel mondo,
la Madonna era già apparsa nella stessa Francia a La Salette, località del
dipartimento dell’Isère, nel cuore del circo delle Alpi francesi, in cui scorre
il fiume Drac, a circa 1800 metri sul livello del mare.
I veggenti
Come successe e sarebbe succeduto in seguito per altre apparizioni, la Vergine si è incontrata con due pastorelli: Mélanie Calvat, di circa 15 anni, e Maximin Giraud, undicenne. Erano molto poveri sia economicamente, sia culturalmente (nessuno dei due era mai andato a scuola, né al catechismo) e trascurati negli affetti.
Mélanie Calvat, o Mathieu-Calvat, viveva presso i contadini dei dintorni di Corps, paese in cui era nata il 7 novembre 1831. Collocata a servizio come pastorella, ritornava in famiglia solo nell’inverno, quando si soffriva la fame e il freddo: per questo maturò un carattere introverso e divenne timida e chiusa, di poche parole; rispondeva molte volte solo con dei sì o dei no.
Maximin Giraud, anch’egli nato a Corps il 26 agosto 1835, era invece molto
vivace: trascorreva il suo tempo libero correndo con il suo cane Loulou e una
capretta. Rimasto orfano di madre a diciassette mesi, preferiva stare fuori
casa, lontano dalla sua matrigna.
Mélanie e Maximin fanno amicizia
Verso la metà di settembre del 1846, un contadino delle alture Ablandins, Pierre Selme, aveva il suo pastorello ammalato: quindi scese a Corps dal suo amico Germain Giraud a chiedere in prestito per alcuni giorni il figlio Maximin. Nonostante il padre avesse affermato che il ragazzo fosse troppo distratto per fare il pastore, glielo concesse, a partire dal 14 settembre.
Il 17 settembre conobbe sui pascoli Mélanie Calvat, con la quale tentò di
chiacchierare, anche se la ragazza non ne aveva voglia. Comunque, dopo aver
scoperto di essere nativi entrambi di Corps, decisero di venire il giorno
seguente sullo stesso pascolo.
19 settembre 1846
Quindi il sabato 19 settembre 1846 salirono di buon’ora i versanti del monte Planeau, al di sopra del villaggio di La Salette, guidando ognuno quattro mucche a pascolare. Dopo una mattinata calma di pascolo, a mezzogiorno, al suono dell’Angelus della campana del villaggio sottostante, pranzarono con pane e formaggio e bevvero l’acqua fresca della “fontana degli uomini”, detta così per distinguerla da quella per le bestie; vennero poi raggiunti da altri pastorelli che controllavano altri bovini più a valle.
Dopo il pranzo Mélanie e Maximin si divisero dagli altri: attraversato un
ruscello, si stesero sull’erba e, contrariamente alle loro abitudini, si
assopirono al tepore del sole di fine estate. Svegliatisi di botto con il
pensiero delle mucche che si erano allontanate, le ritrovarono nell’altro
versante e cominciarono la discesa.
Una Bella Signora che piange
A metà strada, presso una piccola sorgente, Mélanie per prima vide su un
mucchio di pietre un globo di fuoco «come se il sole fosse caduto lì» e lo
indicò a Maximin. Da quella sfera luminosa cominciò ad apparire una donna,
seduta con la testa fra le mani, i gomiti sulle ginocchia, profondamente
triste.
Davanti al loro stupore, la Signora si alzò e con voce dolce, ma in lingua
francese, disse loro: «Avvicinatevi figli miei, non abbiate paura, sono qui per
annunciarvi una grande notizia». Rincuorati, i ragazzi si avvicinarono e videro
che la figura stava piangendo
Appariva alta, luminosa, vestita come le donne del luogo: lunga tunica, grande
grembiule alla vita, uno scialle incrociato e annodato dietro, una cuffia da
contadina. Numerose rose le incoronavano la testa e orlavano il suo scialle e i
suoi calzari. Sulla fronte splendeva una luce simile ad un diadema. Sulle
spalle aveva una lunga catena, mentre da un’altra catenina pendeva sul petto un
crocifisso sfavillante, ai lati del quale erano presenti un martello e una
tenaglia mezza aperta.
Il messaggio
I due pastorelli raccontarono in seguito ai loro interlocutori, agli inquirenti o ai semplici pellegrini, che la Signora piangeva per tutto il tempo che parlò loro. Sostanzialmente, con piccole sfumature, riferirono insieme o separatamente le stesse parole del messaggio della Signora, che, è bene ricordare, essi non riconobbero in quel momento come la Madonna.
La Vergine parlò molto in questa unica apparizione a La Salette, citando, oltre a problemi generali e mondiali, anche episodi locali, con riferimenti personali a episodi della famiglia di Maximin e facendo riferimento a esempi della vita dei campi. Inizialmente si espresse in francese, ma subito passò al dialetto di Corps, parlato dai ragazzi.
Non è possibile riportare in questo breve spazio tutto il messaggio e la sua necessaria interpretazione. Ne citiamo solo alcuni brani: «Se il mio popolo non vuole sottomettersi, sono costretta a lasciare libero il braccio di mio Figlio. Esso è così forte e così pesante che non posso più trattenerlo». «Da quanto tempo soffro per voi!». «Se voglio che mio Figlio non vi abbandoni, sono incaricata di pregarlo incessantemente e voi non ci fate caso. Per quanto pregherete e farete, mai potrete compensare la pena che mi sono presa per voi». «Vi ho dato sei giorni per lavorare, mi sono riservato il settimo e non me lo volete concedere. È questo che appesantisce tanto il braccio di mio Figlio». «E anche quelli che guidano i carri non sanno che bestemmiare il nome di mio Figlio. Queste sono le due cose che tanto appesantiscono il braccio di mio Figlio».
Poi parlò separatamente, di nuovo in francese, ai due ragazzi, in modo che solo
uno riuscisse ad ascoltarla. Alla fine oltrepassò il ruscello e iniziò a salire
il versante opposto. Senza più voltarsi diede un ultimo invito: «Ebbene,
bambini miei, voi lo farete sapere a tutto il mio popolo». Giunta sulla cima
del colle, s’innalzò da terra e man mano spari, lasciando stupefatti i due
pastorelli che l’avevano seguita.
Le reazioni nel villaggio
Scesi alle cascine dove lavoravano, i pastorelli raccontarono l’incontro con la bella Signora per giustificare anche il ritardo nel tornare. L’indomani, domenica, scesero dal parroco don Jacques Perrin a raccontargli l’incontro: il sacerdote, durante la celebrazione, si sentì commosso e non mancò di far cenno all’evento nella predica domenicale.
Il sindaco, invece, per tutta la sera cercò di far ritrattare Mélanie, promettendo, minacciando, ma lei rispose: «La Signora mi ha detto di dirlo e lo dirò». L’uomo scese anche a Corps da Maximin, nel frattempo rientrato in famiglia, e poté constatare che il racconto del candido ragazzo corrispondeva a quello di Mélanie.
La sera stessa, i datori di lavoro dei ragazzi e un loro vicino ebbero la
felice idea di mettere per iscritto, sotto dettatura di Mélanie, le parole
della Vergine: è il primo documento scritto, controfirmato dai tre uomini.
Il decreto di approvazione diocesana
Rapidamente la notizia si diffuse: cominciarono ad arrivare giornalisti, funzionari, inquirenti inviati dal vescovo di Grenoble, monsignor Philibert de Bruillard, cui spettava di diritto pronunciarsi sul fatto avvenuto nella sua Diocesi. Personalmente era convinto della verità di quanto accaduto e dell’incapacità di ingannare dei due pastorelli, ma dovette nominare una commissione d’inchiesta. I ragazzi vennero ripetutamente ascoltati, furono raccolte informazioni e data libertà di parola ai contraddittori.
Solo dopo cinque anni d’indagini, il 19 settembre 1851, monsignor de Bruillard
emanò il suo decreto, il cui primo articolo recitava: «Noi dichiariamo che
l’Apparizione della Madonna a due pastorelli, il 19 settembre 1846, su una
montagna della catena delle Alpi, situata nella parrocchia de La Salette,
vicaria foranea di Corps, reca in se stessa tutti i caratteri della verità ed i
fedeli hanno fondate ragioni per crederla indubitabile e certa».
I Missionari di Nostra Signora de La Salette e il santuario
Inoltre, il 1° maggio 1852, il vescovo annunciò con lettera ufficiale la costruzione di un santuario sul luogo e la fondazione di un corpo di missionari diocesani per l’assistenza spirituale dei pellegrini, col nome di “Missionari di Nostra Signora de La Salette”.
Il 2 febbraio 1858 i primi sei sacerdoti pronunciarono i primi voti. La congregazione si espanse in tutto il mondo, modellando la sua organizzazione con l’opera illuminata di padre Silvano Maria Giraud, coadiuvato da altri uomini di valore. I Missionari sono affiancati dal ramo femminile delle Suore di Nostra Signora de La Salette che comprende, dal 1955, i primi due movimenti religiosi sorti nei primi anni dopo l’apparizione e all’inizio del Novecento: le Religiose Riparatrici e le Suore Missionarie di Nostra Signora de La Salette.
Infine, sul luogo dell’apparizione, fu costruita dal 1861 al 1879 una basilica
in stile neoromanico, gestita dall’ Associazione dei Pellegrini de La Salette,
cui è stata affidata, insieme al complesso ricettivo, dalla diocesi di
Grenoble. I Missionari e le Suore di Nostra Signora de La Salette ne assicurano
la funzionalità e la spiritualità, essendo questa ormai la loro culla e Casa
Madre.
Il messaggio e i segreti
Nel mese di luglio 1851 i due pastorelli, su richiesta dell’autorità ecclesiastica, trascrissero il loro segreto, che fu consegnato a papa Pio IX. Bisogna tuttavia operare una distinzione: il messaggio che la Madonna incaricò loro di divulgare richiamava gli uomini alla conversione, al rispetto del giorno festivo dedicato a Dio e alla condanna della bestemmia, culminando con l’invito alla penitenza per alleviare le calamità naturali.
Invece i segreti affidati ai due veggenti, scoperti nel 1999 dall’abbé Michel
Corteville, erano così divisi: quello a Mélanie consisteva nell’annuncio di
grandi calamità per la Francia e per l’Europa, con riferimento all’anticristo e
alla rovina di Parigi e una dura reprimenda contro le persone consacrate ma
infedeli; quello affidato a Maximin annunciava la misericordia e la speranza.
Il destino dei veggenti
Il 19 settembre 1855 il nuovo vescovo di Grenoble, monsignor de Ginoulhiac, riassumeva così la situazione: «La missione dei fanciulli è terminata, comincia quella della Chiesa». Tuttavia, entrambi non ebbero una vita felice: furono sottoposti singolarmente ad interrogatori, a volte creduti, a volte no. Comunque monsignor de Ginoulhiac, in un decreto dottrinale del 4 novembre 1854, precisò che le qualità morali dei veggenti, sia prima sia dopo l’apparizione, non fossero importanti in relazione alla realtà dell’accaduto.
Maximin Giraud mantenne sempre un animo semplice, anche nei travagli della sua vita: viaggiò molto, andò in collegio e in seminario, lavorò quindi in farmacia e per breve tempo si arruolò come zuavo pontificio. Diventò socio di un mercante di liquori, ma non riuscì a far quadrare i conti. Tornò dunque a Corps e vi morì la sera del 1° marzo 1875, a 39 anni, celibe, munito dei conforti religiosi.
Quanto a Mélanie Calvat, rimase quattro anni presso le Suore della Provvidenza a Corps, ma divenne oggetto di attenzioni e premure dei visitatori e non venne ammessa ai voti. Entrò e uscì da vari conventi in alcune Nazioni europee, poi si stabilì a Castellammare di Stabia in provincia di Napoli, dove mise per iscritto i suoi presunti segreti. Spostatasi a Galatina presso Lecce, venne visitata da sant’Annibale Maria Di Francia, che le domandò aiuto per salvare la congregazione delle Figlie del Divino Zelo, da lui fondata a Messina; dopo un anno, lasciò il suo compito. In seguito a ulteriori viaggi, si stabilì in incognito ad Altamura in provincia di Bari, dove morì nella notte tra il 13 e il 14 dicembre 1904, a 73 anni.
Autore: Antonio Borrelli ed Emilia Flocchini
Note: Per maggiori informazioni:
Missionari de La Salette - Curia provinciale
Via Andersen, 15
00168 Roma
Tel. 06.616.624.37
e-mail: prov.salette@tin.it
Sito internet: www.lasalette.info/it
SOURCE : http://www.santiebeati.it/Detailed/91496.html
Giovedì, 4 maggio 2000
Cari Missionari di Nostra
Signora de La Salette,
Sono lieto di accogliervi
mentre celebrate il vostro ventinovesimo Capitolo generale. Con il vostro
Superiore generale e il suo consiglio, che saluto cordialmente, rappresentate
l'insieme dei vostri confratelli distribuiti in numerosi Paesi del mondo. A nome
della Chiesa, vi ringrazio vivamente per gli sforzi che avete compiuto in
questi ultimi anni per estendere il vostro campo di apostolato, soprattutto in
India e nei Paesi dell'Est europeo, prevedendo anche di stabilirvi
prossimamente in Indonesia e in Birmania. Che il Signore benedica con
abbondanza i vostri generosi impegni apostolici e vi consenta di perseverare
con l'audacia e l'entusiasmo delle generazioni di missionari che vi hanno
preceduto!
Avete scelto come tema
delle vostre assise capitolari: "Insieme costruiamo l'avvenire".
L'avvenire del vostro Istituto voi desiderate costruirlo insieme, con l'aiuto
di Dio, infondendo nuovo vigore al carisma salettiano che vi unisce, mediante
una fedeltà creativa alla vostra vocazione, sottolineando in particolare il
posto essenziale della missione, della vita comunitaria e dell'interdipendenza
nella comunione.
Alla luce del messaggio
di Nostra Signora de La Salette, conferite un posto importante al ministero
della riconciliazione. Questo anno giubilare è un'occasione privilegiata per
riscoprire la pienezza della misericordia di Dio che vuole riconciliare l'uomo
con Lui e con i suoi fratelli. In effetti, "comunità riconciliata e
riconciliatrice, la Chiesa non può dimenticare che alle sorgenti del suo dono e
della sua missione di riconciliazione si trova l'iniziativa, piena di amore
compassionevole e di misericordia, di quel Dio che è amore e che per amore ha
creato gli uomini: li ha creati, affinché vivano in amicizia con lui e in
comunione fra loro" (Reconciliatio
et paenitentia, n. 10). In questo spirito,
auspico vivamente che il vostro Capitolo sproni
i membri dell'Istituto a prendere coscienza in modo rinnovato
della loro partecipazione alla missione riconciliatrice della Chiesa che è al
centro della loro vocazione missionaria, aiutando senza posa i fedeli ad
accogliere il perdono divino per esserne testimoni in tutte le nazioni.
Come ho scritto in
occasione del centocinquantesimo anniversario dell'apparizione della Vergine,
"La Salette è un messaggio di speranza, poiché la nostra speranza è
sostenuta dall'intercessione di colei che è la Madre degli uomini" (Lettera
a Mons. Louis Dufaux, Vescovo di Grenoble, 6 maggio 1996). Che l'annuncio di
questa speranza sia sempre al centro del vostro incontro con gli uomini e le
donne di oggi! Grazie ad essa, i nostri contemporanei possono avere la certezza
che le rotture non sono irrimediabili e che è sempre possibile convertirsi
dalle proprie infedeltà per costruire un'umanità riconciliata e per seguire il
Signore, poiché nulla è troppo lontano per Dio.
Cari Missionari di Nostra
Signora de La Salette, non abbiate paura di testimoniare che Cristo è venuto a
condividere la nostra umanità affinché possiamo prendere parte alla sua
divinità.
Proclamate con audacia la
Parola di Dio, che è una forza di trasformazione dei cuori, delle società e
delle culture. Sotto lo sguardo di Maria, presenza materna in mezzo al popolo
di Dio, invitate incessantemente alla conversione, alla comunione e alla solidarietà.
Non esitate ad annunciare ai vostri fratelli che Dio cammina con gli uomini,
che li chiama a una vita nuova, che li incoraggia per condurli alla libertà
vera. La qualità della vostra vita spirituale e della vostra vita comunitaria
sarà un'espressione particolarmente eloquente dell'autenticità e della
fecondità del vostro annuncio del messaggio evangelico.
Ciò esige dal missionario
che accetti di vivere in permanente stato di conversione. Il vero missionario è
colui che accetta di impegnarsi risolutamente lungo le vie della santità.
"Il missionario, se non è un contemplativo, non può annunziare il Cristo
in modo credibile. Egli è un testimone dell'esperienza di Dio e deve poter dire
come gli Apostoli: "Ciò che noi abbiamo contemplato, ossia il Verbo
della vita ... noi lo annunziamo a voi" (1 Gv 1, 1-3)". (Redemptoris missio,
n. 91).
Dopo l'entusiasmo del
primo incontro con Cristo lungo le vie della missione, è necessario sostenere
coraggiosamente gli sforzi di ogni giorno mediante un'intensa vita di
preghiera, di penitenza e di dono di sé. Partecipando alla missione di Cristo
attraverso le loro parole e la testimonianza di tutta la loro esistenza, i
missionari porteranno gli uomini ad aprirsi alla Buona Novella, che hanno la
missione di trasmettere a tutti (cfr Decreto d'approvazione delle
Costituzioni, 6 giugno 1985). Così potranno "costruire insieme
l'avvenire", vivere coraggiosamente l'ignoto del domani, sicuri della
presenza di Cristo che li accompagna in ogni momento della vita nei loro
incontri con gli uomini e i popoli.
Affido i membri della
Congregazione dei Missionari di Nostra Signora de La Salette
all'intercessione della Vergine Maria, Nostra Signora Riconciliatrice, e di
cuore imparto a tutti la mia affettuosa Benedizione Apostolica che estendo di
buon grado alle persone che beneficiano del loro ministero e a tutti coloro che
condividono la spiritualità salettiana.
© Copyright 2000 -
Libreria Editrice Vaticana
Copyright © Dicastero per
la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana
NOSTRA SIGNORA DI LA
SALETTE
La Madonna è apparsa a La
Salette per il mondo intero
Un giorno d'autunno
Verso la metà del mese di
settembre 1846, un contadino degli Ablandins, Pietro Selme, ha il suo
pastorello malato. Scende a Corps, presso un suo amico, il carradore Giraud.
"Imprestami il tuo Massimino per alcuni giorni..." "Massimino
pastore? ... E' troppo distratto per farlo!" Si discute, si patteggia e il
14 settembre ecco il piccolo Massimino agli Ablandins. Il 17 intravede Melania
al villaggio. Il 18 vanno a pascolare i loro armenti sui prati comunali, sul
monte Sous-les-Baisses (il Planeau). Nel pomeriggio Massimino tenta di
chiacchierare, Melania non ne ha tanta voglia. Nondimeno scoprono un punto in
comune: sono entrambi di Corps: allora si discorre, si decide di venire a
pascolare insieme l'indomani alto stesso posto.
Sugli alpeggi
Dunque, il sabato 19 settembre 1846, di buon mattino, i due fanciulli salgono i
versanti del monte Planeau, con quattro mucche; e con Massimino, anche la
capretta e il suo cane Lulù. Verso mezzogiorno, suona l'Angelus sul campanile
del villaggio sottostante. Allora i pastorelli dirigono le loro mucche verso la
fontana delle bestie, una semplice pozzanghera formata dal ruscello che scende
attraverso il valloncello della Sezia. Poi le sospingono verso una prato
pianeggiante del monte Gargas. Fa caldo, le bestie cominciano a ruminare.
Massimino e Melania risalgono la conca fino alla fontana degli uomini, presso
la quale consumano il loro pasto frugale: pane e formaggio e acqua fresca a
volontà. Altri pastorelli che pascolano più in basso li raggiungono e
conversano un po'. Alla loro partenza, Massimino e Melania attraversano il
ruscello, scendono alcuni passi verso dei banchi di pietre ammucchiate presso
l'alveo di una sorgente asciutta: è la piccola fontana. Melania vi depone il
suo tascapane e Massimino il suo blusotto con il pranzo.
L'altro fulgore
Contro ogni abitudine, i
due fanciulli si stendono sull'erba e... si assopiscono. Si sta bene al sole di
quella fine d'estate, nessuna nuvola in cielo. Il mormorio del ruscello
accresce la calma e il silenzio della montagna. Il tempo scorre.Bruscamente
Melania si sveglia a scuote Massimino: "Massimino, vieni presto, andiamo a
vedere le nostre mucche... Non so dove siano!" In tutta fretta, salgono il
versante opposto al Gargas. Rigirandosi scoprono l'alpeggio: le loro mucche
stanno tranquillamente ruminando. I due pastorelli sono rinfrancati. Melania
comincia a ridiscendere. A mezza costa, si arresta e stupefatta lascia cadere
il suo bastone: "Massimino, vieni a vedere laggiù una luce".Presso la
piccola sorgente, su un mucchio di pietre... un globo di fuoco. "Come se
il sole fosse caduto lì". Eppure il sole continua a splendere in un cielo
senza nubi. Massimino accorre, gridando: "Dov'è? dov'è?" Melania
addita il fondo del valloncello dove avevano dormito. Massimino si ferma vicino
a lei, raggelato dalla paura e le dice: "Riprendi il tuo bastone, sù! Io
tengo il mio e gli do' un buon colpo se ci fa qualche cosa". Lo splendore
si muove, ruota su se stesso. Le parole difettano ai due fanciulli per
descrivere l'impressione di vita che si irradia da quel globo di fuoco. una
donna vi appare, seduta, la testa tra le mani, i gomiti sulle ginocchia,
nell'atteggiamento di profonda mestizia.
La Bella Signora
La Bella Signora si alza. Essi non si sono mossi. Dice loro in francese:
Avvicinatevi, figli miei,
non abbiate paura; sono qui per narrarvi una grande notizia.
Allora discendono verso
di lei.La fissano. Non cessa di piangere: "Si sarebbe detta una mamma
percossa dai figli e fuggita sulla montagna per piangere". La Bella
Signora è alta e tutta luminosa. Veste come le donne della regione: lunga
tunica, un grande grembiule alla vita, uno scialle incrociato e annodato
dietro, una cuffia da contadina. Delle rose incoronano la testa, orlano il suo
scialle e i suoi calzari: sulla fronte splende un fulgore simile a un diadema.
Sulle spalle pesa una lunga catena. Una catenina trattiene sul petto un
crocifisso sfavillante, con ai lati un martello e delle tenaglie.
Quello che dice sulla
montagna
La Bella Signora parla ai
due pastorelli: "Ha pianto tutto il tempo che ci ha parlato". Insieme
o separatamente, i due fanciulli dicono le stesse parole, con leggere varianti
che non alterano il significato. E questo non importa quali siano gli
interlocutori: pellegrini o semplici curiosi, alte personalità o ecclesiastici,
inquirenti o giornalisti. Siano favorevoli, senza pregiudizi o malevoli: ecco
quello che è loro trasmesso:
Avvicinatevi, figli miei,
non abbiate paura: sono qui per comunicarvi una grande notizia!
"Noi ascoltavamo, non pensavamo a niente". Come Massimino e Melania,
lasciamo risuonare dentro di noi ciò ch'ella ha detto sulla montagna.
Con loro, ascoltiamola
fissando sul suo petto il crocifisso raggiante di gloria.
Il messaggio di Maria a
La Salette
L’apparizione di La
Salette avviene il 19 settembre 1846. In giorno di SABATO alle tre del
pomeriggio : una "Signora" appare a Melania e Massimino di 15 e 11
anni che assistono le mucche al Planeau sulla montagna a 1800 metri d’altezza.
I pastorelli scorgono
come un globo di luce in mezzo ad un avvallamento essi dicono:"come se
fosse il sole caduto in quel luogo!".Nella luce abbagliante scorgono una
donna seduta ,con i gomiti sulle ginocchia ed il viso nascosto tra le mani.
La "Signora" li
guarda e, dirigendosi un po’ verso loro comincia a parlare nella loro lingua,
il francese: I due veggenti scendono nel pendio e raggiungono la visione a tal
punto da quasi "confondersi " con essa…La Signora piange a dirotto…e,
con lacrime copiose prende a parlare loro con quelle parole che sono giunte a
noi come "MESSAGGIO"!
Il colloquio avviene
prima in francese poi in dialetto, ed infine ancora in francese.
"AVVICINATEVI FIGLI
MIEI, NON ABBIATE PAURA: SONO QUI PER ANNUNCIARVI UN GRANDE MESSAGGIO."
"SE IL MIO POPOLO
NON VUOLE SOTTOMETTERSI, SONO COSTRETTA A LASCIAR LIBERO IL BRACCIO DI MIO
FIGLIO. ESSO E’ COSI’ FORTE E COSI’ PESANTE CHE NON POSSO PIU’ SOSTENERLO."
"DA QUANTO TEMPO
SOFFRO PER VOI! POICHE’ HO RICEVUTO LA MISSIONE DI PREGARE CONTINUAMENTE MIO
FIGLIO , VOGLIO CHE NON VI ABBANDONI, MA VOI NON CI FATE CASO. PER QUANTO
PREGHERETE E FARETE , MAI POTRETE COMPENSARE LA PENA CHE MI SONO PRESA PER VOI".
"VI HO DATO SEI
GIORNI PER LAVORARE , MI SONO RISERVATO IL SETTIMO,E NON ME LO VOLETE CONCEDERE.
E’ QUESTO CHE APPESANTISCE TANTO IL BRACCIO DI MIO FIGLIO "!
"ANCHE I CARRETTIERI
NON SANNO CHE BESTEMMIARE IL NOME DI MIO FIGLIO…"
"QUESTE SONO LE DUE
COSE CHE APPESANTISCONO TANTO IL BRACCIO DI MIO FIGLIO".
"SE IL RACCOLTO SI
GUASTA LA COLPA E’ VOSTRA. VE L’ HO FATTO VEDERE L’ANNO PASSATO CON LE PATATE:
VOI NON CI AVETE FATTO CASO. ANZI QUANDO NE TROVAVATE DI GUASTE BESTEMMIAVATE
IL NOME DI MIO FIGLIO. ESSE CONTINUERANNO A MARCIRE E QUEST’ ANNO, A NATALE NON
VE NE SARANNO PIU’.VOI NON CAPITE FIGLI MIEI? VE LO DIRO’ DIVERSAMENTE".
"SE AVETE DEL GRANO,
NON SEMINATELO. QUELLO SEMINATO SARA’ MANGIATO DAGLI INSETTI E QUELLO CHE
MATURERA’ CADRA’ IN POLVERE AL MOMENTO DELLA BATTITURA. SOPRAGGIUNGERA’ UNA
GRANDE CARESTIA .PRIMA DI ESSA I BAMBINI AL DI SOTTO DEI SETTE ANNI SARANNO
COLPITI DA CONVULSIONI E MORIRANNO TRA LE BRACCIA DI COLORO CHE LI TERRANNO.
GLI ALTRI FARANNO PENITENZA CON LA CARESTIA. LE NOCI SI GUASTERANNO E L’UVA
MARCIRA’".
La conversazione tra la
Signora e i veggenti continua con l’affidamento di una segreto….
Segreto cui fa seguito :
"SE SI CONVERTONO ,
LE PIETRE E LE ROCCE SI MUTERANNO IN MUCCHI DI GRANO E LE PATATE NASCERANNO DA
SOLE NEI CAMPI."
Quindi confidenzialmente
e maternamente la Vergine dice ai suoi amici:
"DITE LA VOSTRA
PREGHIERA , FIGLI MIEI?"
- non molto Signora -
rispondono
"AH, FIGLI MIEI
,BISOGNA DIRLA E BENE , SERA E MATTINO. QUANDO NON AVETE TEMPO , DITE ALMENO UN
PADRE NOSTRO O UN’AVE. QUANDO POTRETE FAR MEGLIO , DITENE DI PIU".
"A MESSA, D’ESTATE,
VANNO SOLO ALCUNE DONNE PIU’ ANZIANE . GLI ALTRI LAVORANO DI DOMENICA, TUTTA
L’ESTATE. D’INVERNO QUANDO NON SANNO CHE FARE, VANNO A MESSA MA PER BURLARSI
DELLA RELIGIONE"
"IN QUARESIMA VANNO
ALLA MACELLERIA COME CANI".
"AVETE MAI VISTO DEL
GRANO GUASTO , FIGLI MIEI’"
- no , Signora! -
rispondono.
Ora la Signora si rivolge
a Massimino:
"MA TU, FIGLIO
MIO,DEVI AVERLO VISTO UNA VOLTA CON TUO PADRE NEL CAMPO DEL COIN. IL PADRONE
DEL CAMPO DISSE A TUO PADRE DI ANDARE A VEDERE IL SUO GRANO GUASTO. VI ANDASTE
TUTTI E DUE,PRENDESTE IN MANO DUE O TRE SPIGHE,LE STROPICCIASTE E TUTTO CADDE
IN POLVERE. AL RITORNO, QUANDO ERAVATE A MEZZ’ORA DA CORPS, TUO PADRE TI DIEDE
UN PEZZO DI PANE DICENDOTI:"PRENDI , FIGLIO MIO, MANGIA ANCORA DEL PANE
QUEST’ANNO PERCHE’ NON SO CHI NE MANGERA’ L’ANNO PROSSIMO,SE IL GRANO CONTINUA
IN QUESTO MODO."
"Oh ,si , Signora
,ora ricordo. Prima non me lo ricordavo più"
Il colloquio con la
Vergine ha termine con un accorato appello:
"EBBENE,FIGLI MIEI
,LO FARETE CONOSCERE A TUTTO IL POPOLO"
"ANDIAMO , FIGLI
MIEI ,FATELO CONOSCERE A TUTTO IL POPOLO"
Detto ciò si eleva da
terra e, lentamente si solleva verso il Collet :qui è raggiunta dagli sguardi
attoniti di Massimino e Melania che vedono la Sua figura dileguarsi e
confondersi con la luce di cui è avvolta , quindi scompare anche la luce…
Le Profezie si avverarono
La Santa Vergine
durante l’apparizione ricordò ai ragazzi che l’anno precedente, il 1845, le
patate erano marcite e profetizzò che avrebbero continuato a
marcire al punto che a Natale non ce ne sarebbero più state. Lo
stesso disse del grano e dell’uva, informandoli che si sarebbe verificata una
grande carestia.
Effettivamente nel 1845
un fungo, che fu individuato nella Phytophthora infestans, aveva iniziato
a distruggere i raccolti di patate, che erano l’alimento principale della
popolazione. L’anno successivo, quello in cui la Madonna era comparsa ai due
fanciulli, i contadini avevano piantato semi infetti, per cui tutto il raccolto
andò in rovina. Il fenomeno non riguardò solo la Francia ma si verificò in
tutta l’Europa: Belgio, Prussia, Svizzera, Italia, nessun Paese scampò
all’infestazione. Soprattutto in Irlanda produsse una vera catastrofe
alimentare, tanto che ancora oggi il 1847 viene ricordato come "l'anno
nero" (Black 1847) perché infuriarono massimamente la carestia e
tutte le malattie che sempre l’accompagnano come il tifo, il colera e la
gastroenterite infettiva. Dal 1845 al 1850 il fungo distrusse tutte le
piantagioni di patate e la popolazione irlandese, poco più di ottomila
abitanti, si ridusse di circa tre milioni fra morti ed emigrati, che si
recarono principalmente in America. L’infestazione fu definitivamente debellata
solo nel 1852.
Ancora ai giorni nostri
si studiano le ragioni di quell’epidemia, tant’é che, come riporta la
rivista Le Scienze, studiosi della North Carolina State University dal 2001 al 2004 hanno
effettuato analisi del DNA di alcune foglie di piante di patate vecchie di 150
anni, conservate dal tempo della carestia, scoprendo che la Phytophthora
infestans che contagiò l’Europa è di una varietà diversa da quella allora
ritenuta responsabile.
Come la S. Vergine aveva
preannunciato, anche all’uva non capitò di meglio. Racconta lo scrittore
storico Vittorio Messori: “ Io sono andato a studiare cosa successe all’uva in
Francia dopo il 1846 e ho scoperto cose incredibili. L’anno dopo le
apparizioni, fece la sua comparsa un fungo parassita che aggredisce l’uva,
spargendo una malattia detta “oidio”. Si tratta di una malattia della vite che
mai si era vista in Francia prima di allora. Fece moltissimi danni e quando
scomparve, si manifestò subito la filossera, un pidocchio microscopico che
distrusse la metà dei vigneti di tutto il Paese. Venne trovato un rimedio per
la filossera ma comparve immediatamente la peronospera, una malattia sconosciuta
in Europa ed originaria dall’America. Le poche viti che erano riuscite a
scampare ai due flagelli precedenti vennero annientate dal nuovo male. Ho fatto
delle ricerche negli archivi e nelle biblioteche francesi: in Francia non
esiste una sola specie di vite che sia anteriore al 1847. Tutte quelle allora
già esistenti morirono. Una terribile previsione che si avverò in pieno”.
Anche queste epidemie,
come quella delle patate, si sparsero in tutta l’Europa e occorsero decenni per
combatterle e debellarle. Inoltre si dovette ricorrere a nuovi innesti fatti
arrivare dall’America e modificare completamente le tecniche della viticoltura.
Ovviamente i danni non
furono solo alimentari, come per le patate, ma furono maggiormente di
carattere economico, perché colpivano le attività lavorative e produttive della
popolazione, creando maggior miseria.
Non vi è motivo di
dubitare che la profezia riguardante il grano si sia ugualmente avverata, anche
se gli storici, come cause della Grande Carestia del XIX secolo,
ricordano principalmente le infestazioni delle patate e dell’uva.
Il giudizio
Il 19 settembre 1851, Mons. Filiberto de Bruillard, vescovo di Grenoble, pubblica finalmente il suo Decreto Dottrinate:
"Noi giudichiamo che l'Apparizione della Madonna ai due pastorelli, il 19 settembre 1846, su una montagna della catena delle Alpi, situata nella parrocchia de La Salette, vicaria foranea di Crops, reca in se stessa tutti i caratteri della verità e i fedeli hanno fondate ragioni per crederla indubitabile e certa." La risonanza di questo decreto è considerevole. Numerosi vescovi lo fanno leggere nelle parrocchie delle loro diocesi. La stampa se ne appropria pro o contro. Tradotto in alcune lingue, è pubblicato in modo particolare sull' "Osservatore Romano" del 4 giugno 1852. Lettere di felicitazioni affluiscono al vescovado di Grenoble.
L'esperienza e il senso pastorale di Mons.Filiberto de Brullard non si fermano qui. Il primo maggio 1852, pubblica una Lettera Ufficiale in cui annuncia la costruzione di un santuario sulla montagna de La Salette e la creazione di un corpo di missionari diocesani che si chiameranno: i Missionari di Nostra Signora de La Salette. Ma aggiunge: "La madonna è apparsa a La Salette per il mondo intero: chi ne può dubitare?" L'avvenire avrebbe confermato e superato quelle attese: il ricambio essendo assicurato, si può ben dire che Massimino e Melania hanno adempiuto la loro missione.
Il 19 settembre 1855, Mons. Ginoulhiac, nuovo vescovo di Grenoble, compendiava
così la situazione: "La missione dei fanciulli è terminata, comincia
quella della Chiesa". Innumerevoli sono oggi gli uomini e le donne di ogni
lingua che hanno trovato nel messaggio de La Salette, la strada della
conversione, l'approfondimento della loro fede, il dinamismo per la vita
quotidiana, le ragioni del loro impegno con e nel Cristo al servizio degli
uomini.
Il Santuario de La
Salette
È situato in piena montagna, a 1.800 metri di altezza, sulle Alpi francesi. L'edificio religioso e il complesso ricettivo sono affidati dalla diocesi di Grenoble alle premurose cure dell'Associazione dei Pellegrini de La Salette. I Missionari e le Suore di Nostra Signora de La Salette ne assicurano l'animazione e il funzionamento in collaborazione con i cappellani, diocesani e religiosi, le religiose e i laici. Numerose sono le possibilità offerte ai pellegrini: lettura della Parola di Dio, condivisione su un determinato tema, riunioni ed incontri con i cappellani, mostre missionarie e vocazionali, collaborazione data ai vari gruppi, accoglienza dei bambini, ecc... La giornata é ritmata dalla celebrazione eucaristica, dall'ufficio divino, dalle veglie di preghiera, dalle processioni, dalla preghiera del Rosario e dalla Via Crucis... senza dimenticare la preghiera silenziosa sempre possibile sui pendii della montagna o nelle cappelle adibite allo scopo.
I Primi Testimoni
Massimino Giraud
Massimino Giraud è nato a
Corps, il 26 agosto 1835. Sua madre, Anna Maria Templier, è anch'essa di Corps.
Il padre di Massimino, Germano Giraud, è venuto da un distretto vicino.
Massimino ha solo 17 mesi quando muore la sua mamma, che lascia anche una
bambina di 8 anni, Angelica. poco dopo, il babbo si risposa. Massimino crescerà
all'avventura: il carradore è all'officina o all'osteria: sua moglie non sente
attrattiva per quel monello troppo vivace, spensierato che non rimane in casa,
preferendo gironzolare per le stradine di Corps, attorno alle diligenze e alle
vetture, o a correre col suo cane e la sua capretta. Il fanciullo è volentieri
bricconcello, l'occhio vivo sotto il nero ciuffo scarmigliato e la lingua
sempre sciolta. Durante l'Apparizione, mentre la Bella Signora si rivolge a
Melania, fa girare il cappello sulla punta del suo bastone o sospinge sassolini
fin sotto i piedi della Bella Signora. "Non uno però l' ha toccata"
risponderà senza imbarazzo agli inquirenti. Cordiale appena si sente amato,
malizioso quando lo si vuol riprendere. La sua adolescenza fu difficile. Nei
tre anni che seguono l'Apparizione perde il fratellastro Giovanni Francesco, la
matrigna Maria Court e il papà Germano Giraud. E' posto sotto la tutela del
fratello di sua madre, lo zio Templier, uomo rude e interessato. A scuola i
suoi progressi sono modesti. La Superiora, suor Tecla, che veglia su di lui, lo
chiama "moto perpetuo!" Aggiungendo a questo le pressioni fanatiche
dei partigiani d'un sedicente figlio di Luigi XVI che vogliono sfruttarlo a
fini politici. Massimino li beffa con frottole. Contro l'espresso parere del
parroco di Corps e non tenendo conto della proibizione del vescovo di Grenoble,
questi messeri conducono l'adolescente ad Ars. Massimino non ama la loro
comapagnia, ma apprezza l'occasione che gli si presenta per vedere un po' di
mondo. Sono accolti dall'imprevedibile Don Raymond, viceparroco del santo
Curato, il quale, di colpo, tratta La Salette d'imbroglio colossale e Massimino
di fosco bugiardo. Durante la mattinata del 25 settembre 1850, incontra due
volte il santo in confessorio. Che cosa ha potuto raccontare l'adolescente
esasperato? Il risultato è che per alcuni anni il santo curato non cesserà di
dubitare e di soffrire. Dopo il decreto del 19 settembre 1851, rimanderà i suoi
interlocutori al giudizio del vescovo responsabile: ci vorranno anni di prova e
alcuni miracoli per convincerlo a dare il suo assenso all'Apparizione,
ritrovando la pace. In quanto a Massimino, pur affermando con vigore di non
essersi mai smentito, si troverà molto impacciato nel giustificare il suo
comportamento. Basta elencare i luoghi dov'è passato per farsi un'idea di
quanto il giovane abbia viaggiato. Dal Seminario minore di Grenoble (Rondeau)
alta Grande Certosa, della parrocchia di Seyssins a Roma; da Dax e
Aire-sur-Adour al Vésinet, poi al collegio Tonnerre, a Petit Jouy vicino a
Versailles e a Parigi. Seminarista, poi impegnato in un ospizio, studente di
medicina, bocciato al baccellerato, lavora in una farmacia; si arruola come
zuavo pontificio, annulla il suo ingaggio dopo sei mesi e ritorna a Parigi.
Avendo il giornale La Vie Parisienne attaccato La Salette, Massimino lo querela
e ottiene una rettifica. Nel 1866 pubblica un opuscolo La mia professione di
fede sull'Apparizione della Madonna della Salette. Durante quel periodo, i
coniugi Jourdain, una coppia tutta dedita al suo servizio, gli assicura
un'apparente stabilità, paga i suoi debiti fino al rischio di rovinarsi.
Massimino accetta allora di fare il socio d'un mercante di liquori che sfrutta
la notorietà del pastorello per accrescere le sue vendite. L'imprevidente
Massimino non riesce a far quadrare i suoi conti. Nella guerra del 1870 è
mobilitato al Forte Barrau a Grenoble. Finalmente ritorna a Corps, dove lo
raggiungono i coniugi Jourdain. Tutti e tre vivono poveramente, aiutati dai
Missionari, d'intesa col vescovado. Nel novembre del 1874 risale a La Salette:
dinanzi a un uditorio particolarmente attento e commosso, rifà il racconto
dell'Apparizione come il primo giorno. Sarà per l'ultima volta. Il 2 febbralo
1875 si reca nella chiesa parrocchiale per l'ultima volta. La sera del 1 marzo,
Massimino si confessa, riceve il viatico sorbendo un po' d'acqua della Salette
per inghiottire l'ostia. Cinque minuti dopo rende la sua anima a Dio. Non aveva
ancora quarant'anni. La sua salma riposa nel cimitero di Corps ma il suo cuore
è nella basilica de La Salette, vicino alla consolle dell'organo. Era la sua
ultima volontà: "Credo fermamente, anche a prezzo del mio sangue, alla
celebre Apparizione della SS. Vergine sulla Santa Montagna de La Salette, il 19
settembre 1846: Apparizione che ho difeso con parole, scritti e sofferenze...
con questi sentimenti offro il mio cuore a N. S. de La Salette". Col suo
testamento, questo poveretto non aveva più nulla da lasciare che la sua fedeltà
alla fede della Chiesa. Il monello accattivante e volubile com'è sempre
rimasto, ha finalmente trovato, presso la Bella Signora, l'affetto e la pace di
Dio.
Melania Calvat
Melania è nata a Corps,
il 7 novembre 1831, in una famiglia numerosa. Il padre Pietro Calvat,
conosciuto come boscaiolo, si adatta a tutti mestieri che gli vengono offerti.
La madre, Giulia Barnaud, avrà da lui dieci figli. Melania è la quarta. Si è
poveri al punto da mandare alle volte i piccoli a mendicare per le strade.
Molto presto Melania è collocata a servizio come pastorella presso i contadini
dei dintorni. Dalla primavera del 1846 sino alla fine dell'autunno, la troviamo
presso Battista Pra agli Ablandins, una delle frazioni de La Salette. Il vicino
si chiama Pietro Selme; è lui che ha assunto, per una sola settimana,
l'indisciplinato Massimino, in sostituzione del suo pastorello ammalato. Di
fronte a quel piccolo ciarliero, Melania, timida e taciturna, sta sulle sue.
Eppure quei due bambini hanno punti in comune, se cosi si può dire. Nati
entrambi a Corps dove risiedono le loro famiglie, non si conoscono affatto,
anche per le lunghe assenze della pastorella. Entrambi parlano il dialetto
locale e conoscono qualche parola di francese. Né scuola, né catechismo; non
sanno né leggere né scrivere. Il padre di Melania è sempre alla ricerca d'un
lavoro; sua madre è sovraccarica di occupazioni con tutti i suoi marmocchi, non
c'è posto per l'affetto, oppure ce n'è poco. All'epoca dell'Apparizione quello
che qualifica Melania come Massimino è la povertà: poveri di beni, poveri di
cultura, poveri de affetto. Il fatto è anche che sono totalmente dipendenti.
Sono delle "cere vergini" che l'Avvenimento segnerà con marchi
definitivi, pur rispettando la loro indole. Melania infatti è molto differente
dal suo compagno appena incontrato: vive presso estranei e conosce la sua
famiglia solo nei difficili mesi invernali, dove si soffre la fame e il freddo.
Non c'è da stupirci che sia timida e chiusa. "Rispondeva solo con dei si e
dei no", testimonia il suo padrone, Giovanni Battista Pra. In seguito però
risponderà chiaramente e semplicemente alle domande concernenti il Fatto de La
Salette. Rimane quattro anni presso le Suore della Provvidenza a Corps; ha poca
memoria e meno attitudine anche di Massimino per lo studio. Glà dal novembre
1847 la sua superiora temeva che Melania "traesse un po' di vanità
dalla posizione che l'Avvenimento le ha procurato". Diventata postulante e
novizia nella medesima Congregazione, oggetto di attenzioni e premure da parte
di numerosi visitatori, ella si vincola troppo al suo modo di vedere. Per
questa ragione, il nuovo vescovo di Grenoble, pur riconoscendo la sua pietà e
la sua dedizione, si rifiuta di ammetterla al voti "per formarla... alla
pratica dell'umiltà e alla semplicità cristiane". Sventuratamente, Melania
presta l'orecchio e persone "inquiete e malate" imbevute di profezie
popolari e di teorie pseudo mistiche e pseudo apocalittiche. Ne resterà segnata
per tutta la vita. Per dare credito alle sue affermazioni, le collega al
segreto ricevuto dalla Bella Signora. Un esame anche solo affrettato di quello
che dice e scrive, rivela le differenze irriducibili con i segni e le parole di
Maria a La Salette. Melania, i suoi problemi e i suoi fantasmi, sono diventati
il centro del suo discorso; attraverso le sue profezie, regola i suoi conti con
quanti oppongono una qualche resistenza ai suoi progetti. Esprime il suo
rifiuto della società e dell'ambiente in cui ha qualche problema. Si
ricostruisce un passato immaginario dove sono esorcizzate le frustrazioni di
cui è stata vittima nella sua infanzia. Fin dal 1854, Mons. Ginoulhiac scrisse:
"Le predizioni che si attribuiscono a Melania... non hanno fondamento,
sono senza importanza nei riguardi del Fatto de La Salette... sono posteriori a
quel Fatto e senza alcuna connessione con esso". E il vescovo sottolinea:
"E' stata lasciata ai fanciulli la più grande libertà di ritrattarsi ed
essi non hanno mai mutato il loro linguaggio sulla verità del Fatto de La
Salette". In quest'ottica, Mons. Ginoulhiac proclamerà, il 19 settembre
1855 sulla Santa Montagna: "La missione dei pastorelli è conclusa,
comincia quella della Chiesa!" Sfortunatamente, Melania proseguirà le sue
divagazioni profetiche, orchestrate più tardi dal talento sfolgorante di un
Léon Bloy, creando una corrente melanista che si richiama a La Salette, ma che
non ha altra base che nelle affermazioni incontrollabili di Melania. Siamo
mille miglia lontani dalle fondamenta storiche dell'Apparizione. In quanto poi
al contenuto, nonostante la sua patina religiosa, nulla ha a che vedere
praticamente con le verità di fede della Chiesa, richiamate da Maria a La
Salette. Si abbandona il dominio della fede per quello, infido, contestabile e
sterile delle fantasie. Questo genere di letteratura allontana dalla fede
invece di favorirla. Nel 1851 un sacerdote inglese conduce Melania in
Inghilterra. L'anno dopo entra al Carmelo di Darlington, vi fa la professione
temporanea nel 1856, ma ne riparte nel 1860. Altro tentativo presso le Suore
della Comapssione di Marsiglia. Dopo un soggiorno nella loro residenza di
Cefalonia (Grecia) e un passaggio al Carmelo di Marsiglia, rientra alla
Compassione per breve tempo. Dopo alcuni giorni trascorsi a Corps e a la
Salette, si stabilisce in Italia a Castellammare di Sabbia, presso Napoli. Vi
rimane 17 anni, scrivendo i sui "segreti" e una regola per
un'eventuale fondazione. Il Vaticano prega l'ordinario del luogo d'interdire
quel genere di pubblicazioni, ma ella cerca ostinatamente altri appoggi e un
imprimatur fino al Maestro del Sacri Palazzi, p. Lepiti O.P. Ciò non rappresenta
un'approvazione, neppure velata, in quanto l'autorità alla quale Melania si
appella non è competente in merito. Dopo un soggiorno a Canner, ritroviamo
Melania a Chalon-sur-Saône, dove, sempre alla ricerca di fondazione, sostenuta
dal canonico de Brandt, di Amiens, incappa in un processo con Mons. Perraud,
vescovo di Autun. La Santa Sede, interessata nell'affare, dà ragione al
vescovo. Nel 1892 ritorna in Italia a Lecce, poi a Messina in Sicilia su invito
del canonico Annibale di Francia. Dopo qualche mese trascorso in Piemonte, si
stabilisce presso don Combe, paroco di Diou, nell'Allier: un prete col pallino
delle profezie politico-religiose. Finisce per redigere un'autobiografia
piuttosto romanzata, dove s'inventa un'infanzia straordinaria, intrecciata di
considerazioni pseudo-mistiche che riflettono i suoi personali fantasmi e le
chimere dei suoi corrispondenti. I Messaggi che Melania propaga, allora, e che
vuole ricollegare a La Salette, non hanno proprio nulla a che vedere con la sua
primitiva testimonianza sull'Apparizione. D'altronde quando è invitata a
parlare del Fatto del 19 settembre 1846, ritrova la semplicità e la lucidità
del suo primo racconto, conforme a quello di Massimino. E questo, in una
maniera constante, come avvenne nel suo pellegrinaggio a La Salette, il 18 e il
19 settembre 1902. Ritorna nell'Italia meridionale, ad Altamura (Bari) ove
muore il 14 dicembre 1940. Riposa sotto una stele di marmo dove un bassorilievo
presenta la Madonna che accoglie in cielo la pastorella de La Salette. Una cosa
resta assodata: al termine di tutti i suoi vagabondaggi, c'è un punto sul quale
Melania non ha mal variato: la testimonianza che con Massimino ella ha dato, la
sera del 19 settembre, nella cucina di Giovanni Battista Pra agli Ablandins. E
durante tutta l'inchiesta condotta da Mons. Filiberto de Bruillard, ripresa e
confermata da quella di Mons. Ginoulhiac. In una vita difficile, Melania, è
rimasta povera e devota, fedele alla sua prima testimonianza.
Ricordati o Nostra
Signora de La Salette
delle lacrime che hai
versato per noi sul Calvario. Ricordati anche della continua sollecitudine che
hai per noi, tuo popolo, affinché nel nome di Cristo Gesù ci lasciamo
riconciliare con Dio.Dopo aver fatto tanto per noi tuoi figli, Tu non puoi
abbandonarci.
Confortati dalla tua
tenerezza, o Madre, noi Ti supplichiamo, malgrado le nostre infedeltà e
ingratitudini.
Accogli le nostre
preghiere, o Vergine Riconciliatrice, e converti i nostri cuori al tuo Figlio.
Ottienici la grazia di amare Gesù sopra ogni cosa e di consolare anche Te con
una vita dedicata alla gloria de Dio e all'amore dei nostri fratelli.
AMEN.
SOURCE : https://www.innamorati-di-maria.it/apparizioni_la_salette.htm
Voir aussi : http://lasalette.cef.fr/
http://viejocatolicos.webs.com/LEON%20BLOY%20-%20CELLE%20QUI%20PLEURE.pdf
http://notredamedesneiges.over-blog.com/article-11473097.html