François Gérard (1770–1837), Sainte
Thérèse, 1827, Infirmerie
Marie-Thérèse, Paris
François Gérard (1770–1837), Sainte
Thérèse, 1827, 172 x 93, Infirmerie
Marie-Thérèse, Paris
Réformatrice du Carmel et docteur de l'Église (+ 1582)
Qu'il est admirable de songer que Celui dont la
grandeur emplirait mille mondes et beaucoup plus, s'enferme ainsi en nous qui
sommes une si petite chose !
Sainte Thérèse - Chemins de la Perfection
Juan Martín Cabezalero (1633–1673), La comunión de Santa Teresa, circa 1670, 248 x
222, Museo Lázaro Galdiano
Sainte Thérèse d'Avila
Vierge, Réformatrice des
Carmélites
(1515-1582)
Sainte Thérèse naquit en
Espagne, de parents nobles et chrétiens. Dès l'âge le plus tendre, un fait
révéla ce qu'elle devait être un jour. Parmi ses frères, il y en avait un
qu'elle aimait plus que les autres; ils se réunissaient pour lire ensemble la
Vie des Saints: "Quoi! lui dit-elle, les martyrs verront Dieu toujours,
toujours! Allons, mon frère, chez les cruels Maures, et soyons martyrs aussi,
nous pour aller au Ciel." Et, joignant les actes aux paroles, elle
emmenait son petit frère Rodrigue; ils avaient fait une demi-lieue, quand on
les ramena au foyer paternel.
Elle avait dès lors une
grande dévotion à la Sainte Vierge. Chaque jour elle récitait le Rosaire. Ayant
perdu sa mère, à l'âge de douze ans, elle alla se jeter en pleurant aux pieds
d'une statue de Marie et La supplia de l'accepter pour Sa fille, promettant de
La regarder toujours comme sa Mère.
Cependant sa ferveur eut
un moment d'arrêt. De vaines lectures, la société d'une jeune parente mondaine,
refroidirent son âme sans toutefois que le péché mortel la ternît jamais. Mais
ce relâchement fut court, et, une vive lumière divine inondant son âme, elle
résolut de quitter le monde. Elle en éprouva un grand déchirement de coeur;
mais Dieu, pour l'encourager, lui montra un jour la place qu'elle eût occupée
en enfer, si elle s'était attachée au monde.
Dieu, voulant faire de
Thérèse le type le plus accompli peut-être de l'union d'une âme avec l'Époux
céleste, employa vingt ans à la purifier par toutes sortes d'épreuves
terribles: maladies, sécheresses spirituelles, incapacité dans l'oraison.
Jésus-Christ, qui ne voulait pas la moindre tache en elle, ne lui laissait
aucun repos, et exigeait d'elle le sacrifice même de certaines amitiés très
innocentes. "Désormais, lui dit-Il à la fin de cette période d'expiation,
Je ne veux plus que tu converses avec les hommes!" A ces mots, elle se
sentit tout à coup établie en Dieu de manière à ne plus avoir d'autre volonté,
d'autre goût, d'autre amour que ceux de Dieu même et à ne plus aimer aucune
créature que pour Dieu, comme Dieu et selon Dieu.
Elle devint la
réformatrice de l'Ordre du Carmel, et travailla tant au salut des âmes, que,
d'après une révélation, elle convertit plus d'âmes dans la retraite de son
couvent, que saint François Xavier dans ses missions.
Un séraphin vint un jour
la percer du dard enflammé de l'amour divin: Jésus la prit pour épouse. Ses
révélations, ses écrits, ses miracles, ses oeuvres, ses vertus, tout est à la
même hauteur sublime.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950
SOURCE : http://magnificat.ca/cal/fr/saints/sainte_therese_d_avila.html
Guercino (1591–1666), Apparition du Christ
à sainte Thérèse, 1634, 298 x 202, Musée Granet
La lumière qui nous surprend
Durant plusieurs années, je lus beaucoup de livres
spirituels sans en avoir l’intelligence ; je passai aussi fort longtemps
sans trouver une seule parole pour faire connaître aux autres les lumières et
les grâces dont Dieu me favorisait, ce qui ne m’a pas coûté peu de peine. Mais
quand il plaît à sa divine Majesté, elle donne en un instant l’intelligence de
tout, d’une manière qui m’épouvante.
La lumière m’est venue quand je ne la cherchais pas,
quand je ne la demandais pas. Curieuse pour ce qui était vain, je ne l’étais
point pour des choses où il y aurait eu un vrai mérite à l’être. Ce Dieu de
bonté m’a donné en un instant une pleine intelligence de ces faveurs, et la grâce
de les savoir exprimer. Mes confesseurs en étaient dans l’étonnement, et moi
plus qu’eux, parce que mon incapacité m’était plus connue. Cette grâce, qui est
toute récente, fait que je ne me mets point en peine d’apprendre ce que notre
Seigneur ne m’enseigne pas. Je reviens de nouveau à cet avis si
important : on ne doit pas élever son esprit, mais attendre que le
Seigneur l’élève lui-même ; et quand c’est lui qui l’élève, on le
reconnaît à l’instant.
Ste Thérèse d’Avila
Thérèse d’Avila († 1582) travailla à la réforme de
l’ordre du Carmel et à la fondation de dix-sept monastères de carmélites.
Canonisée en 1622, elle a été proclamée docteur de l’Église par Paul VI en
1970. / Vie écrite par elle-même, Paris, Julien-Lanier-Cosnard, 1857, p.
136-137.
SOURCE : https://fr.aleteia.org/daily-prayer/jeudi-11-novembre/meditation-de-ce-jour-1/
L’Esprit Saint vous
enseignera
En cette mémoire de
sainte Thérèse, les mots du pape Paul VI soulignent combien sa vie
illustre l’Évangile de ce jour.
La doctrine de sainte
Thérèse d’Avila resplendit des charismes de la vérité, de la conformité à la
foi catholique, de l’utilité pour l’érudition des âmes ; et nous pouvons
en noter particulièrement un autre : le charisme de la sagesse, qui nous
fait penser à l’aspect le plus attirant et ensemble le plus mystérieux du
doctorat de sainte Thérèse, l’influx de l’inspiration divine en ce prodigieux
écrivain mystique. D’où venait à Thérèse le trésor de sa doctrine ? Sans
nul doute, de son intelligence, de sa formation culturelle et spirituelle, de
ses lectures, de ses conversations avec de grands maîtres de la théologie et de
la spiritualité ; elle lui venait de sa sensibilité profonde, de son
habituelle et intense discipline ascétique, de sa méditation contemplative, en
un mot, de la correspondance à la grâce accueillie dans une âme
extraordinairement riche et préparée à la pratique et à l’expérience de
l’oraison. Mais était-ce là l’unique source de sa « doctrine
éminente » ? Ou ne doit-on pas chercher en sainte Thérèse des actes,
des faits, des états qui ne proviennent pas d’elle, mais qui par elles sont
subis, c’est-à-dire soufferts, passifs, mystiques au sens strict du mot, et
qu’il faut donc attribuer à une action extraordinaire de l’Esprit Saint ?
Indubitablement, nous sommes devant une âme dans laquelle se manifeste
l’initiative divine extraordinaire.
St Paul VI
Le cardinal Montini fut
élu pape en juin 1963 et occupa la chaire de saint Pierre jusqu’à son décès en
1978. Il a été canonisé en 2018. / 27 septembre 1970, Homélie prononcée le jour
de la proclamation du doctorat de sainte Thérèse d’Avila, Librairie éditrice
vaticane.
SOURCE : https://fr.aleteia.org/daily-prayer/samedi-15-octobre/meditation-de-ce-jour-1/
SAINTE THÉRÈSE.
Voici la plus célèbre des contemplatives. Pourquoi la
plus célèbre ? Je n’en sais absolument rien. La plus célèbre et la plus
pardonnée. Le caractère général des contemplatifs, c’est d’arrêter la colère et
l’ironie des hommes. Le lieu où ils vivent est déjà par lui-même irritant pour
les aveugles, à cause de la lumière dont il est rempli. La nature de leurs
actes prête admirablement à l’ironie toutes les occasions d’éclater. Le principe
et la fin de leurs actions échappent tous deux aux regards des hommes. L’action
elle-même tombe seule sous ce regard, isolée, destituée de son principe, destituée
de son but, dépouillée de l’atmosphère où vit l’esprit qui l’anime. Ainsi
lancée sur le terrain du monde, sans explication, la vie du contemplatif est
une étrangère et on la prend pour une ennemie. Les hommes ne savent que penser
de ces étrangers qu’on appelle des saints, non pas étrangers par leur indifférence,
mais étrangers par leur supériorité, et, ne sachant que penser, les hommes se
mettent à rire. Ils rient parce que le rire éclate quand une chose apparaît
sans rapport avec les autres choses, de même que les larmes coulent quand le
rapport apparaît profond.
Pour faire pleurer, que faut-il? Il faut faire sentir
profondément les rapports des personnes, leurs affections, leurs amitiés, leurs
ressemblances, leurs parentés intérieures, toutes leurs intimités, toutes leurs
joies, toutes leurs douleurs ; car la joie et la douleur sont des relations
senties.
Pour faire rire, que faut-il ? Il faut isoler une
personne ou une chose, la présenter toute seule, en supprimant tout ce qui l’avoisine,
en détruisant toutes les relations d’esprit, de lumière et d’amour par lesquelles
elle tient au monde visible ou au monde invisible. Le spectacle d’un individu
qui ne ressemble pas à ceux au milieu desquels il vit, plus isolé que dans un
désert, est l’occasion et l’élément du rire.
Voilà pourquoi le monde rit des saints, surtout des
saints contemplatifs, parce que la contemplation est, de toutes les choses
saintes, celle qu’il comprend le moins. Eh bien ! par une exception bizarre, il
rit peu, ou ne rit pas de sainte Thérèse. M. Renan la déclare admirable. Toutes
les femmes à imagination ont un certain penchant pour elle. Tous les artistes
la respectent; toutes les fois que son nom paraît, une louange assez vive est
dans le voisinage.
Saint Augustin et sainte Thérèse partagent ce privilège
: ils sont estimés. Saint Augustin et sainte Thérèse jouissent d’une immunité.
Pourquoi cette immunité ? à quoi tient-elle ? Sainte
Thérèse est cependant, autant que qui que ce soit, dans les voies
extraordinaires. Sa vie est pleine de visions, de révélations. Elle nage dans
le surnaturel comme un poisson dans l’eau.
Pourquoi donc le monde ne s’en moque-t-il pas? Cette
question très profonde trouverait peut-être sa solution dans la nature du rire
telle que je viens de l’indiquer tout à l’heure.
Saint Augustin et sainte Thérèse ne paraissent pas
ridicules, comme les autres saints, aux yeux des hommes, parce qu’ils semblent
montrer entre les hommes et eux des relations évidentes et subsistantes, au
sommet même de leur sainteté. Les hommes les trouvent moins isolés sur la terre
que beaucoup d’autres. C’est qu’en effet ces deux saints mettent dans leurs
récits leurs faiblesses en évidence.
Saint Augustin et sainte Thérèse racontent si bien
leurs faiblesses, qu’ils établissent entre le lecteur et eux une espèce de
trait d'union. Les vanités de celle-ci, les erreurs de celui-là, permettent au lecteur de trouver en lui et en elle une certaine ressemblance de lui-même. Les
deux conversions, différentes comme leurs fautes, semblent les avoir préservés
sans les avoir séparés, et quelque chose persiste au fond de ce saint, au fond
de cette sainte, qui, sans flatter la nature déchue, l’invite cependant à
regarder. Leur éloquence est à peu près du même genre : naïve, pénétrante,
intime et véridique. Tous deux ont écrit leur vie, dans la pureté profonde de
leur esprit et de leur âme. Tous deux sont agités, inquiets, même au lieu d’où
semblent bannies l’agitation et l’inquiétude. Saint Augustin garde dans la paix
religieuse des doutes philosophiques. Cet esprit remuant cherche, cherche
toujours. Il remue, il questionne. Il ne s’endort jamais. Sainte Thérèse, poursuivie
sur les hauteurs du Carmel par des doutes d’une autre espèce, moins philosophiques
et plus déchirants, se demande si elle est dans la voie de Dieu ou si elle est
la victime des illusions de l’ennemi.
Saint Augustin représente assez bien la recherche de l’homme
: quelle est la vérité de mon esprit ? Sainte Thérèse représente assez bien la recherche
de la femme : quelle est la vérité de mon âme ? Saint Augustin cherche hors de
lui ; sainte Thérèse au fond d’elle-même : tous deux ingénieux, tous deux
profonds, tous deux habiles dans les choses divines, habiles aussi dans les choses
humaines, tous deux subtils, tous deux troublés.
La simplicité ne les caractérise ni l’un ni l’autre.
La simplicité accompagne très bien le génie, elle accompagne rarement l’esprit,
dans le sens français du mot. Or saint Augustin et sainte Thérèse étaient, au plus
haut point, des gens d’esprit. L'amabilité humaine les distingue et les suit. On
voudrait les connaître, même indépendamment de leur sainteté. C’est apparemment
ce parfum terrestre qui leur donne le privilège, étrange pour des saints, de
trouver grâce aux yeux des hommes. Leurs siècles à tous les deux étaient des
siècles subtils, chercheurs, métaphysiciens, et ils respirèrent l’air qu’il
fallait pour nourrir à la fois leurs qualités et leurs défauts.
Toute la vie de sainte Thérèse, avant sa conversion, se
résume en un mot : Vanité. Il est vrai que ce mot contient tout, puisqu’il
signifie le vide. La vanité, qui est le vide, s’oppose directement à la plénitude,
qui est Dieu, et ceux qui comprennent ces mystères intérieurs ne s’étonneront pas
des repentirs longs et profonds, qui, portant sur les fautes que le monde croit
légères, pourront paraître exagérés aux esprits superficiels. Le monde ! tel
était en effet l’ennemi personnel et le tentateur intime de sainte Thérèse.
J’ai expliqué quelque part quelle différence il y a entre le péché et l’esprit
du monde (Voyez l’Homme, par Ernest
Hello) : l’esprit du monde est essentiellement le péché, mais le péché n’est
pas toujours l’esprit du monde. Eh bien ! saint Augustin luttait directement
contre le péché, sainte Thérèse contre l’esprit du monde, et ces tentations si
subtiles que lui donnaient, même au comble de sa hauteur, les conversations du
parloir, conversations mondaines, mais non pas scandaleuses, montrent bien de
quelle nature était 1’ennemi, petit, mais robuste, qui la poursuivait sur la
montagne sans être complétement tué par l’atmosphère dévorante et brûlante du
Carmel.
Je ne raconterai pas ici la vie de sainte Thérèse ;
elle est beaucoup trop connue., grâce au privilège dont je parlais tout à l’heure,
pour avoir besoin de narration. Mais j’indiquerai volontiers la nature de son
combat. C’’est le combat de l’âme et de l’esprit. L’âme chez elle veut être
toute à Dieu. L’esprit est retenu, poursuivi et tenté par le souvenir humain et
même mondain des choses humaines et même mondaines. Jamais rien de grossier dans
ces tentations : ce sont des nuances, des finesses, des délicatesses spirituelles
et intellectuelles ! L'âme veut être toute à Dieu. L’esprit semble par
moments accepter l’ombre d'un partage. L’âme croit, sent, voit qu’elle est
toute á Dieu. L’esprit, plein de réflexions et de troubles, admet l’illusion comme
possible et probable. Tout favorise en elle et autour d’elle le doute. La
longue illusion de ses directeurs semble le reflet de ses propres tentations
qui s’extériorisent et lui parlent par des voix étrangères. D'un côté Dieu
l’emporte, et voilà la part de l’âme transportée, ravie, qui voit sur la montagne,
dans la liberté de l’amour qui l’appelle. D’un autre côté, elle hésite, elle
doute ; on hésite, on doute; personne ne sait plus le chemin; on regarde de
tous côtés avec une agitation stérile ; plus on regarde, moins on voit, et
voilà la part de l’esprit. L’obéissance fut la voie par où l’esprit passa pour
rejoindre l’âme sur la hauteur. Quand Jésus-Christ apparaissait á sainte
Thérèse et qu’elle refusait, par obéissance, l’apparition méconnue préparait sa
délivrance ; elle acceptait le mystère terrible qui lui était préparé ; la
vérité allait se faire jour, et saint Pierre d’Alcantara approchait, appelé par
l’obéissance.
C’est la réflexion, dépourvue de lumière et de
simplicité, qui enchaînait l’esprit, le séparait de l’âme, et ce déchirement
terrible fut le supplice de sainte Thérèse. Son confesseur ayant consulté cinq
ou six maîtres, tous furent d’avis que les phénomènes spirituels dont sainte
Thérèse était l’objet venaient du démon. L’oraison lui fut interdite, et la communion
retranchée. On lui défendit la solitude. On prit contre Dieu toutes les mesures
possibles. Il lui fallut insulter de tontes les manières celui qui
apparaissait. L’absence des grâces sensibles devint aussi pour elle une torture
singulière. A une certaine époque, elle désirait la fin de l’heure marquée pour la
prière. Car le don de la prière facile lui était refusé. Le temps et l’éternité
semblent représenter les deux aspects de la vie de sainte Thérèse. Elle passa
des heures horribles, et elle avait le sentiment profond du jour qui ne doit
pas finir. Dans son enfance, lisant la Vie des saints, elle s’arrêtait pour
s’écrier : Éternellement ! éternellement ! - Et elle sentait une impression
spéciale et étrange quand on chantait au credo
: Cujus non erit finis. Elle avait
besoin de l’assurance que le règne n’aura pas de fin.
Enfin saint Pierre d’Alcantara apporta la lumière, et
avec elle l’activité, et avec elle le repos. Il jugea et décida que les
lumières de sainte Thérèse étaient des lumières divines. Louis Bertrand, Jean
d’Avila et Louis de Grenade partagèrent ce sentiment. La question fut décidée.
Sainte Thérèse écrivit sa vie et les Sept
châteaux de l’âme. Ceux qui croient que les saints se ressemblent devraient
dire aussi qu’il n’y a dans la création qu’une fleur. Rien de plus différent
que les types des Élus, même de ceux qui offrent entre eux au premier coup d’oeil
le plus de ressemblance. Pendant qu’Angèle de Foligno, ravie tout à coup d’une
façon imprévue et terrible, perd le sentiment des choses qu’elle ne sait pas,
étrangère à tout, à cause de sa hauteur, ne pouvant plus parler de Dieu, ne
sachant plus quel nom lui donner, ravie dans un amour qui prend la ressemblance
de l’horreur, d’une horreur défaillante et transportée où le cri se mêle au
silence; sainte Thérèse, elle, garde la vue constante et claire des états qu’elle
traverse, des étapes qu'elle parcourt, des phases par où elle passe, des
résidences où habite son âme. Peut-être les doutes, les questions, les
analyses, les lenteurs, les études qu’on faisait autour d’elle, à propos
d’elle, et qu’on lui faisait faire sur elle-même, ont-elles développé dans son
intelligence cette lucidité méthodique. Dans les Sept châteaux de l’âme elle détermine avec précision le point où cette
région finit, le point où cette région commence. On dirait une carte de
géographie. Peut-être cette faculté d’analyse la rend-elle plus supportable aux
lecteurs ordinaires. Comme elle raconte son ascension, on lui pardonne même de
s’être laissée enlever.
Angèle de Foligno, parlant de la Passion de Jésus-Christ,
s’écrie : « Si quelqu’un me la racontait, je lui dirais : C’est toi qui l’as
soufferte ; et si un ange me prédisait la fin de mon amour, je lui dirais : C’est
toi qui es tombé du ciel. »
L’acte surnaturel d’Angèle de Foligno ressemble un peu
à l’acte naturel du génie, qui arrive sans qu’on l’ait vu marcher. L’acte
surnaturel de sainte Thérèse ressemble un peu à l’acte naturel du talent, qui raconte
son voyage et dit par où il passe.
Jamais la pratique de la contemplation ne fait oublier
longtemps de suite à sainte Thérèse la théorie. La fondation de ses couvents
marche simultanément avec ses illuminations intérieures. Elle opère extérieurement
sa réforme visible du Carmel, comme elle en opère elle-même l’invisible
ascension. Elle bâtit des couvents, comme elle construit spirituellement et
décrit minutieusement les châteaux de l’âme. Elle est analytique ; elle est
savante ; elle dessine ; l’architecture lui est familière. Enfin c’est par elle
que se propage la dévotion à saint Joseph, qui est appelé le patron des âmes
intérieures, et qui est aussi fréquemment invoqué, quand les intérêts
pécuniaires sont en jeu.
C’est à saint Joseph que sainte Thérèse attribua la
grâce d’avoir enfin obtenu saint Pierre d’Alcantara. Saint Pierre d’Alcantara
coupa en deux la vie de sainte Thérèse. Avant lui, les ténèbres; après lui, la
lumière. C’est lui qui porta le flambeau dans l’abîme.
Saint Jean de la Croix se joignit à ce groupe
illustre. Sainte Thérèse, saint Pierre d’Alcantara, saint Jean de la Croix,
inséparables dans l’histoire, brillent comme trois étoiles de première grandeur
dans le ciel invisible. Ce ciel a sans doute comme l’autre ses constellations.
Sainte Thérèse, saint Pierre d’Alcantara, saint Jean de la Croix forment une
constellation.
Ces trois étoiles sont fort différentes entre elles.
Sainte Thérèse avait une vivacité rare d’esprit et d’imagination. Saint Jean de
la Croix, homme sévère et purement intérieur, avait une défiance inouïe de
l’esprit et de l'imagination. Et cependant il lui fut favorable, parce qu’il
était éclairé. Et tous deux, un jour, parlant de la Trinité, tombèrent en
extase.
Ernest HELLO, Physionimies de saints
SOURCE : https://archive.org/stream/PhysionomiesDeSaintsParErnestHello/physionomies%20de%20saints_djvu.txt
Sorni (Lavis, Trentino) - Chiesa di Santa Maria
Assunta, interno - Statua di santa Teresa d'Ávila
Sorni (Lavis, Trentino, Italy) - Church of the
Assumption, interior - Statue of saint Teresa of Ávila
15 octobre
Personne ne s’étonnera que sainte Thérèse d’Avila
attachât une importance primordiale à la présence de Jésus dans l’Hostie
consacrée qu’elle se réjouissait d’étendre en multipliant les chapelles par ses
fondations. Ainsi, à propos de l’érection du monastère Saint-Joseph d’Avila
(1562), elle écrivait : « Ce fut pour moi comme un état de gloire
quand je vis qu’on mettait le très saint Sacrement dans le tabernacle » ;
en se rappelant la fondation du monastère Saint-Joseph de Medina del Campo (1567),
elle confiait : « Ma joie fut extrême jusqu’à la fin de la cérémonie.
C’est pour moi, d’ailleurs, une consolation très vive de voir une église de
plus où se trouve le très saint Sacrement » ; se souvenant de la fondation
du monastère Saint-Joseph de Salamanque (1570), elle notait : « A peine
mise en route, toutes les fatigues me paraissent peu de chose ; je considère
celui pour la gloire de qui je travaille ; je songe que dans la nouvelle
fondation le Seigneur sera fidèlement servi, et que le très saint Sacrement y
résidera. C’est toujours une consolation spéciale pour moi, de voir s’élever
une église de plus (...). Beaucoup sans doute ne songent pas que Jésus-Christ,
vrai Dieu et vrai homme, se trouve réellement présent au très saint Sacrement
de l’autel dans une foule d’endroits ; et cependant ce devrait être là pour
nous un grand sujet de consolation. Et certes j’en éprouve souvent une très
vive, quand je suis au chœur et que je considère ces âmes si pures tout
occupées de la louange de Dieu. »
Cependant, sainte Thérèse d’Avila redoutait beaucoup
que le Saint Sacrement fût profané : « Allant un jour à la communion, je
vis des yeux de l’âme, beaucoup plus clairement que je n’aurais pu le faire des
yeux du corps, deux démons d’un aspect horrible. Ils semblaient serrer avec
leurs cornes la gorge d’un pauvre prêtre. En même temps que cet infortuné
tenait en ses mains l’hostie qu’il allait me donner, je vis mon Seigneur
m’apparaître avec cette majesté dont je viens de parler. Evidemment mon
Seigneur était entre des mains criminelles, et je compris que cet âme se
trouvait en état de péché mortel (...). Je fus si troublée que je ne sais
comment il me fut possible de communier. Une grande crainte s’empara de moi ;
si cette vision venait de Dieu, sa Majesté, me semblait-il, ne m’aurait pas
montré l’état malheureux de cette âme. Mais le Seigneur me recommanda de prier
pour elle. Il ajouta qu’il avait permis cela pour me faire comprendre quelle
est la vertu des paroles de la consécration, et comment il ne laisse pas d’être
présent sous l’hostie, quelque coupable que soit le prêtre qui prononce ces
paroles. » Lors de la fondation du monastère Saint-Joseph de Medina del
Campo (1567), la chapelle n’était pas protégée : « J’étais le jour et
la nuit dans les plus grandes anxiétés. J’avais cbargé, il est vrai, des hommes
de veiller toujours à la garde du Saint Sacrement ; mais je craignais qu’ils ne
vinssent à s’endormir. Je me levais la nuit, et par une fenêtre je pouvais me
rendre compte de tout, à la faveur d’un beau clair de lune. »
Etant en oraison, je me trouvai en un instant, sans
savoir de quelle manière, transportée dans l'Enfer. Je compris que Dieu voulait
me faire voir la place que les démons m'y avaient préparée, et que j'avais
méritée par mes péchés. Cela dura très peu, mais quand je vivrais encore de
longues années, il me serait impossible d'en perdre le souvenir.
Je demeurai épouvantée, et quoique six ans à peu près
se soient écoulés depuis cette vision, je suis en cet instant saisie d'un tel
effroi en l'écrivant, que mon sang se glace dans mes veines. Au milieu des
épreuves et des douleurs, j'évoque ce souvenir, et dès lors tout ce qu'on peut
endurer ici-bas ne me semble plus rien, je trouve même que nous nous plaignons
sans sujet.
Je le répète, cette vision est à mes yeux, une des
plus grandes grâces que Dieu m'ait faite, elle a contribué admirablement à
m'enlever la crainte des tribulations et des contradictions de cette vie, elle
m'a donné du courage pour les souffrir, enfin, elle a mis dans mon coeur la
plus vive reconnaissance envers Dieu qui m'a délivrée, comme j'ai maintenant
sujet de le croire, de maux si terribles dont la durée doit être éternelle.
Je m'arrête souvent à cette pensée ; nous sommes
naturellement touchés de compassion quand nous voyons souffrir une personne qui
nous est chère, et nous ne pouvons nous empêcher de ressentir vivement sa
douleur quand elle est grande. Qui pourrait donc soutenir la vue d'une âme en
proie pour une éternité à un tourment qui surpasse tous les tourments ? Quel
coeur n'en serait déchiré ? Emus d'une commisération si grande pour des
souffrances qui finiront avec la vie, que devons-nous sentir pour des douleurs
sans terme ? Et pouvons-nous prendre un moment de repos, en voyant la perte
éternelle de tant d'âmes que le démon entraîne chaque jour avec lui dans
l'Enfer ?
Sainte Thérèse d'Avila
Trento, santuario della Madonna delle Laste - Statua
di santa Teresa d'Avila
Trento (Italy), Madonna delle Laste sanctuary - Statue of saint Theresa of Avila
Il y a longtemps que j'ai écrit ce qui précède,
sans avoir jamais eu le loisir de le continuer. Si je voulais savoir ce que
j'ai dit, je devrais me relire ; mais pour ne pas perdre de temps, je
continuerai comme je pourrai, sans me préoccuper de mettre une liaison avec ce
qui précède.
Les deux voies
La méditation
Les personnes qui ont un jugement rassis, qui sont
déjà exercées à la méditation et peuvent se recueillir, ont à leur disposition
une foule de livres excellents, composés par des auteurs de mérite. Celles
d'entre vous qui sont dans ce cas se tromperaient donc si elles faisaient
quelque cas de ce que je vais dire sur l'oraison. Elles ont en effet sous la
main des livres qui leur retracent pour chaque jour de la semaine les mystères
de la vie et de la Passion de Notre-Seigneur, des méditations sur le jugement,
sur l'enfer, sur notre néant renferment une doctrine et une méthode excellentes
en ce qui concerne le fondement et le but de l'oraison. Je n'ai rien à dire à
celle qui suivent ce genre d'oraison, ou qui y sont déjà habituées. Par un
chemin aussi sûr, le Seigneur les conduira au port de la lumière, et des
commencements aussi bons les amèneront à une fin excellente. Quiconque suivra
cette voie trouvera repos et sécurité : quand la pensée a une assiette
stable, on connaît une paix entière.
L'eau vive
Mais il est un point dont je voudrais parler afin de
donner quelques conseils, si Dieu m'en accorde la grâce. S'il ne me l'accorde
pas, je voudrais du moins vous faire comprendre que beaucoup d'âmes souffrent
du tourment dont je vais parler, afin que vous ne vous attristiez point dans le
cas où vous seriez de ce nombre.
Il y a des âmes dont l'esprit est très instable ;
elles ressemblent à des chevaux qui ne sentent plus le frein et qu'on ne
saurait arrêter. Elles vont ici ou là, et son toujours dans l'agitation, soit
que cela provienne de leur nature, soit que Dieu le permette ainsi. J'en suis
touchée de la plus vive compassion. On dirait des personnes desséchées par une
soif brûlante qui aperçoivent au loin une source d'eau vive et qui, quand elles
veulent en approcher, trouvent des ennemis qui leur barrent l'accès au
commencement, au milieu et au bout du chemin qui y conduit. Il arrive qu'à
force de lutter, et lutter ferme, elles triomphent des premiers ennemis ;
mais elles se laissent vaincre par les seconds, et elles aiment mieux mourir de
soif que de lutter encore pour boire un eau qui doit leur coûter si cher. Elles
cessent tout effort, elles perdent courage. D'autres âmes qui ont assez de
valeur pour vaincre les seconds ennemis, n'en n'ont plus aucune devant les
troisièmes, et peut-être n'étaient-elles plus qu'à deux pas de la source d'eau
vive dont Notre-Seigneur a dit à la Samaritaine : Celui qui en boira
n'aura plus jamais soif.
Oh ! qu'elle est juste, qu'elle est vraie, cette
parole prononcée par Celui qui est la Vérité même ! L'âme qui boit de
cette eau n'a plus soif des choses de cette vie ; elle sent en elle une
autre soif qui va croissant pour les choses de l'autre vie et dont la soif
naturelle ne saurait nous donner la moindre idée. Mais qui dira combien l'âme
est altérée de cette soif ! Car elle en comprend tout le prix, et bien que
cette soif soit un supplice terrible, elle apporte avec elle une suavité qui
est son propre apaisement. Elle ne tue point ; elle éteint seulement le
désir des choses de la terre, et rassasie l'âme des eau, une des plus grandes
grâces qu'il puisse accorder à l'âme, c'est de la laisser encore tout altérée.
Chaque fois qu'elle boit de cette eau, elle désire toujours plus ardemment en
boire encore.
Les effets de l'eau vive
L'eau vive rafraîchit
Parmi les nombreuses propriétés que doit avoir l'eau,
il y en a trois qui se présentent maintenant à mon esprit et qui conviennent à
mon sujet. L'une, c'est de rafraîchir. Quelle que soit la chaleur que nous
ayons, elle disparaît dès que nous nous mettons à l'eau. Un grand feu même ne
résiste pas à son action - si ce n'est celui qui, étant produit par le goudron,
n'en devient que plus actif. O grand Dieu ! quelle merveille qu'un feu qui
s'enflamme davantage par l'eau quand il est fort, puissant et au-dessus des
éléments, car l'eau qui lui est opposée, loin de l'éteindre, l'active encore
plus ! Ce me serait un grand secours de pouvoir m'entretenir ici avec
quelqu'un qui sût la philosophie et qui me rendît compte de la propriété des choses.
Je pourrais alors m'expliquer su ce sujet qui m'émerveille. Mais je ne sais
comment l'exposer, et peut-être même que je ne l'ai pas bien compris.
Lorsque Dieu vous appelle, mes sœurs, à boire de cette
eau, en compagnie de celles d'entre vous qui jouissent déjà d'une pareille
faveur, vous goûterez ce que je dis. Vous comprendrez comment le véritable
amour de Dieu, s'il est fort, s'il est libre des choses de la terre et plane
au-dessus d'elle, est incontestablement le maître des éléments et du monde. Quant
à l'eau qui tire son origine d'ici-bas, soyez sans crainte, elle n'éteindra pas
ce feu de l'amour de Dieu. Ce n'est point là son affaire, bien qu'elle lui soit
opposée ; car ce feu est déjà maître absolu et il ne lui est soumis en
rien. Ne vous étonnez donc point, mes sœurs, si j'ai tant insisté dans ce livre
pour vous stimuler à acquérir une telle liberté.
N'est-ce pas une chose merveilleuse qu'une pauvre sœur
de Saint-Joseph puisse arriver à exercer un empire sur la terre et les
éléments ? Quoi d'étonnant que les saints en aient disposé à leur gré,
avec la grâce de Dieu ? Saint Martin voyait le feu et les eaux lui obéir.
Saint François commandait même aux oiseaux et aux poissons. Beaucoup d'autres
saint ont eu le même pouvoir. On comprenait clairement qu'ils n'avaient tant
d'empire sur toutes les choses de la terre, que parce qu'ils s'étaient
appliqués à les mépriser et s'étaient soumis eux-mêmes de tout leur cœur et de
toutes leurs forces au souverain Maître du monde. Ainsi donc, je le répète,
l'eau qui jaillit d'ici-bas n'a aucun pouvoir contre ce feu de l'amour divin.
Les flammes de ce dernier sont trop hautes ; il ne prend pas son origine
dans une chose si basse.
Il y a d'autres feux qui proviennent d'un faible amour
de Dieu. Le premier accident les éteint. Mais il n'en est pas de même de celui
dont je parle. La mer tout entière des tentations viendrait-elle à se
précipiter sur lui, qu'il continuerait du ciel, elle saurait encore moins
l'éteindre, car cette eau et de ce feu ne sont point opposés. Ils sont du même
pays. Ne craignez pas qu'ils se fassent aucun mal ; chacun de ces deux
éléments contribuera, au contraire, à l'effet de l'autre. Car les larmes qui
coulent à l'heure de la véritable oraison sont une eau qui, envoyée par le roi
du ciel, active ce feu et le fait durer. A son tour, ce feu aide l'eau à
rafraîchir. O grand Dieu, quel spectacle ! quelle merveille ! Un feu
qui rafraîchit ! Eh oui, il en est ainsi. Il glace même toutes les
affections du monde, quand il est arrosé par les eaux vives du ciel, je veux
dire, par cette source d'où découlent les larmes dont je viens de parler,
larmes qui sont un pur don, et non le fruit de notre industrie.
Il est donc bien clair que cette eau nous enlève toute
fièvre et toute affection pour les choses du monde. Elle nous empêche, en
outre, de nous y arrêter, à moins que ce ne soit pour chercher à embraser les
autres de ce feu ; car ce feu ne se contente pas de sa nature d'agir dans
une sphère étroite ; il voudrait, si c'était possible, consumer le monde
entier.
L'eau vive purifie
La seconde propriété de l'eau est de laver ce qui est
sale. Sans eau pour nettoyer, dans quel état serait le monde ! Or,
sachez-le, il y a autant de vertu dans cette eau vive, cette eau céleste, cette
eau claire, quand elle est très limpide et sans aucune fange, et qu'elle tombe
du ciel ; il suffit d'en boire une seule fois, et je regarde comme certain
qu'elle rend l'âme nette et pure de toutes ses fautes. Car, ainsi que je l'ai
dit, cette eau, je veux dire l'oraison d'union, est une faveur entièrement
surnaturelle, qui ne dépend point de notre volonté. Dieu ne la donne à l'âme
que pour la purifier, la rendre nette, et la délivrer de toute la fange ainsi
que de toutes les misères où ses fautes l'avaient plongée.
Les douceurs dont nous jouissons par l'entremise de
l'entendement dans la méditation ordinaire seront, malgré tout, comme une eau
qui coule sur la terre. On ne la boit pas à sa source même ; elle
rencontre forcément des impuretés sur sa route, auxquelles nous nous arrêtons ;
elle rencontre forcément des impuretés sur sa route, auxquelles nous nous
arrêtons ; elle n'est plus aussi pure ni aussi limpide. Le nom d'eau vive
ne convient donc pas, d'après moi, à cette oraison que l'on fait lorsque l'on
discourt à l'aide de l'entendement ; car l'âme a beau faire des efforts,
elle s'attache toujours, malgré elle, à quelque chose de terrestre, entraînée
qu'elle est par son corps et la bassesse de sa nature.
Je veux expliquer davantage ma pensée. Nous méditons
sur le monde ou la fragilité de ses biens pour les mépriser ; et, sans
nous en douter, nous nous occupons de plusieurs choses qui nous plaisent en
lui. Nous souhaitons les fuir, mais nous nous arrêtons au moins quelque peu à
la pensée de ce qui a été, ou sera, de ce que nous avons fait ou de ce que nous
ferons ; il en résulte alors qu'en songeant à nous délivrer du danger,
nous nous y exposons parfois de nouveau. Ce n'est pas à dire qu'il faille
renoncer à ces considérations ; mais il faut nous tenir dans la crainte et
ne pas cesser d'être sur nos gardes.
Ici, dans l'oraison surnaturelle, le Seigneur se
charge de ce soin, parce qu'il ne veut pas de fier à nous sur ce point. Telle
est l'estime qu'il a de notre âme que, dans le temps où il lui réserve quelque
faveur, il ne la laisse pas se mêler de choses capables de nuire à son progrès.
Dans l'espace d'un instant, il la met à ses côtés, et lui révèle plus de
vérités, lui communique sur toutes les choses du monde des connaissances plus
claires qu'elle n'aurait pu en acquérir après bien des années, parce que notre
vue n'est pas dégagée et que nous sommes aveuglés par la poussière de la
marche. Mais dans l'oraison surnaturelle, le Seigneur nous transporte au but de
notre course, sans que nous sachions comment.
L'eau vive désaltère
L'autre propriété de l'eau consiste à nous désaltérer
et à étancher notre soif. La soif, en effet, exprime, ce me semble, le désir
d'une chose dont le besoin est tellement pressant que nous mourons si nous en
sommes privés. Chose étrange, si l'eau nous manque, c'est la mort ; et
d'un autre côté, si nous en buvons avec excès, c'est encore la mort : car
c'est ainsi que meurent beaucoup de noyés.
O mon Seigneur ! Que ne m'est-il donné d'être
engloutie dans cette eau vive pour y perdre la vie ! Mais, comment ?
cela est-il possible ? Oui. Notre amour pour Dieu, notre désir de Dieu
peuvent grandir au point que notre nature y succombe ; aussi y a-t-il des
personnes qui en sont mortes. Pour moi, j'en connais une qui eût été dans ce
cas si Dieu ne s'était empressé de la secourir en lui donnant de cette eau vive
avec tant d'abondance qu'il la tira pour ainsi dire hors d'elle-même pour la
faire entrer dans le ravissement. Je dis qu'il la tira, pour ainsi dire, hors
d'elle-même, car elle trouve alors le repos qu'elle désire. Il lui semble
étouffer, tant elle éprouve d'aversion pour le monde, et elle ressuscite en
Dieu ; Sa Majesté la rend alors capable de jouir d'un bien qu'elle
n'aurait pu posséder sans mourir, si elle n'eût été n'y a rien en notre
souverain Bien qui ne soit parfait, il ne nous donne rien qui ne soit pour
notre avantage. Il peut donner l'eau en très grande abondance, car il n'y a
jamais d'excès dans ce qui vient de sa main. S'il en donne beaucoup, il rend
l'âme apte, comme je l'ai dit, à en boire beaucoup, semblable au verrier qui
donne au vase la capacité nécessaire pour contenir ce qu'il veut y mettre.
Quant au désir, comme il vient de nous, il n'est
jamais sans quelque imperfection, s'il contient quelque chose de bon il le doit
à l'assistance du Seigneur ; et comme nous manquons de discernement, la
peine où nous sommes étant suave et pleine de délices, nous croyons ne pouvoir
jamais nous rassasier de cette peine. Nous prenons cette nourriture sans
mesure ; nous excitons encore ce désir autant que nous le pouvons ;
et quelquefois on en meurt. Heureuse mort, certes ! mais si l'on avait
continué à vivre, on eût peut-être aidé d'autres personnes à mourir du désir de
cette mort. Selon moi, nous devons redouter les ruses du démon. Il voit les
dommages que cette sorte de personnes de lui occasionnent en restant sur la
terre. Il les tente, les pousse à des mortifications inopportunes pour ruiner
leur santé, c'est là un grand point pour lui.
L'âme arrivée à cette soif ardente de Dieu doit donc
se tenir avec soin sur ses gardes, parce qu'elle aura cette tentation ; si
elle ne meurt pas de cette soif, elle ruinera sa santé. Elle laissera malgré
elle transpirer au dehors les sentiments qui l'animent et qu'elle devrait à
tout prix tenir secrets. Parfois ses efforts seront inutiles, et elle ne pourra
les tenir aussi cachés qu'elle le voudrait. Néanmoins, elle doit prendre garde
à ne pas exciter ces ardents désirs pour ne pas les augmenter, et y couper
court doucement par quelque autre considération. Peut-être notre nature elle-même
se montrera-t-elle parfois aussi active que l'amour de Dieu, car il y a des
personnes qui se portent avec une extrême ardeur vers tout ce qu'elles
désirent, alors même que ce serait quelque chose de mauvais ; celles-là, à
mon avis, ne sont pas très conformes à la mortification, qui pourtant nous est
utile en tout. Mais ne semble-t-il pas déraisonnable de mettre un frein à une
chose de mauvais ; celles-là, à mon avis, ne sont pas très conformes à la
mortification, qui pourtant nous est utile en tout. Mais me semble-t-il pas
déraisonnable de mettre un frein à une chose si excellente ? Non, car je
ne dis pas qu'il faille étouffer ce désir, mais que nous devons le modérer par
une autre qui nous aidera peut-être à gagner autant de mérite.
Je veux vous donner une explication qui fera mieux
comprendre ma pensée. Il nous vient un vif désir, comme à S. Paul, d'être
délivrés de cette prison du corps et de nous voir avec Dieu. Pour modérer une
peine qui part d'un motif si élevé et bien grande mortification ; et
encore on n'y réussit pas complètement. Parfois cette angoisse sera telle
qu'elle enlèvera presque le jugement. C'est ce que j'ai constaté, il n'y a pas
si longtemps, chez une personne impétueuse par nature et cependant habituée à
briser sa volonté, et qui me semble avoir perdu tout bon sens, comme on a pu le
voir dans certaines circonstances. Je l'ai vue un instant comme hors
d'elle-même, tant sa peine était profonde et tant elle faisait d'efforts pour
la dissimuler. Quand ces souffrances étreignent l'âme, il faut, alors même
qu'elles viendraient de Dieu, pratiquer l'humilité et craindre. Nous ne devons
pas nous imaginer que notre charité est assez vive pour nous jeter dans de
telles angoisses. De plus, il ne serait pas mal, à mon avis, que l'âme, si elle
le peut, et elle ne le pourra pas toujours, change l'objet de son désir.
Qu'elle se persuade que si elle continuait à
vivre sur cette terre, elle servirait Dieu davantage et éclairerait quelque âme
qui sans cela était perdue ; si elle travaillait à servir Dieu ainsi, elle
acquerrait de nouveaux mérites et pourrait un jour posséder Dieu plus
pleinement ; enfin elle doit être remplie de crainte à la pensée qu'elle l'a
encore bien peu servi. Ce sont là de bons motifs de consolation pour l'aider à
supporter une telle épreuve et calmer son chagrin. Elle gagnera, en outre, de
nombreux mérites, puisqu'elle veut demeurer sur la terre avec sa peine afin de
glorifier Dieu davantage. Je la compare à une personne qui se trouverait sous
le coup d'une terrible épreuve ou d'un chagrin profond, et que je consolerais
par ces paroles : Prenez patience, et remettez-vous entre les mains de
Dieu ; que sa volonté s'accomplisse en vous, car le plus sûr est de nous
abandonner en tout à sa Providence.
Mais le démon ne favorise-t-il pas de quelque manière
un tel désir de voir Dieu ? C'est là une chose possible. Cassien, si je ne
me trompe, rapporte en effet qu'un ermite de vie très austère se laissa
persuader qu'il devait se jeter dans un puits afin d'aller voir Dieu au plus
tôt. A mon avis, cet ermite ne devait pas avoir servi le Seigneur avec
perfection et humilité. Le Seigneur, en effet, est fidèle, et il n'aurait pas
permis que cet homme fût assez aveuglé pour ne pas comprendre une chose aussi
évidente. Il est clair que, lorsque le désir vient de Dieu, loin de pousser au
mal il apporte avec lui la lumière, le discernement, la mesure ; cela est
évident ; mais le démon, notre mortel ennemi, ne néglige rien pour
chercher à nous nuire ; et dès lors qu'il déploie tant d'activités, ne
cessons jamais d'être en garde contre lui. C'est là un point très important
pour beaucoup de choses ; il l'est en particulier pour abréger le temps de
l'oraison, si douce qu'elle soit, lorsque les forces du corps nous trahissent
ou que la tête n'y trouve que fatigue ; la modération est très nécessaire
en tout.
Pourquoi, mes filles ai-je voulu vous montrer le but à
atteindre et vous exposer la récompense avant le combat lui-même, en vous
parlant du bonheur que goûte l'âme quand elle boit à cette fontaine céleste, et
s'abreuve à ces eaux vives ? C'est afin que vous ne vous affligiez pas des
travaux ni des obstacles de la route, que vous marchiez avec courage et que
vous ne succombiez pas à la fatigue ; car, ainsi que je l'ai dit, il peut
se faire qu'étant déjà arrivés jusqu'au bord de la fontaine, vous n'ayez plus
qu'à vous pencher pour y boire, mais que vous abandonniez tout et perdiez un
bien si précieux, en vous imaginant que vous n'avez pas la force d'y parvenir
et que vous n'y êtes point appelées.
Veuillez considérer que le Seigneur appelle tout le
monde. Or, il est la Vérité même ; on ne saurait douter de sa parole. Si
son banquet n'était pas pour tous, il ne nous appellerait pas tous, ou alors
même qu'il nous appellerait, il ne dirait pas :
Je vous donnerai à boire. Il aurait pu
dire : Venez tous, car enfin vous n'y perdrez rien, et je donnerai à
boire à ceux qu'il me plaira. Mais, je le répète, il ne met pas de
restriction ; oui, il nous appelle tous. Je regarde donc comme certain que
tous ceux qui ne resteront pas en chemin boiront de cette eau vive. Plaise au
Seigneur, qui nous le promet, de nous donner la grâce de le chercher comme il
faut ! Je le lui demande par sa bonté infinie.
Imagen de Santa Teresa de Jesús en la parroquia de los
frailes Carmelitas Descalzos en la Ciudad de Panamá
Imatge de Santa Teresa de Jesús a Ciutat de Panamà.
Ô mon Seigneur et mon Bien ! Je ne puis parler de la
sorte sans verser des larmes et sentir mon âme inondée de bonheur. Vous voulez,
Seigneur, demeurer avec nous comme vous demeurez au Sacrement de l'autel. Je
puis le croire en toute vérité, puisque c'est un point de notre foi, et c'est à
bon droit que je puis me servir de cette comparaison. Et si nous n'y mettons
obstacle par notre faute, nous pouvons mettre en vous notre bonheur. Vous-même,
vous mettez votre bonheur à demeurer en nous, puisque vous nous l'assurez en
disant : " Mes délices sont d'être avec les enfants des hommes !
" 0 mon Seigneur, quelle parole que celle-là. Chaque fois que je l'ai
entendue, elle a toujours été pour moi, même au milieu de mes grandes
infidélités, la source des consolations les plus vives. Mais, ô mon Dieu,
serait-il possible de trouver une âme qui, après avoir reçu de vous des faveurs
si élevées, des joies si, intimes, et compris que vous mettiez en elle vos
délices, vous ait offensé de nouveau, et ait oublié tant de faveurs et tant de
marques de votre amour dont elle ne pouvait douter puisqu'elle en voyait les
effets merveilleux ? Oui, cela est possible, je l'affirme. Il y a une âme qui
vous a offensé, non pas une fois seulement, mais souvent, et cette coupable,
c'est moi, ô mon Dieu. Plaise à votre Bonté, Seigneur que je sois la seule âme
de cette sorte, la seule qui soit tombée dans une malice si profonde et qui ait
manifesté un tel excès d'ingratitude ! Sans doute, vous avez daigné dans votre
infinie Bonté en tirer quelque bien et plus ma misère a été profonde, plus
aussi elle fait resplendir le trésor incomparable de vos miséricordes. Et avec
combien de raison ne puis-je pas les chanter éternellement ! Je vous en
supplie, ô mon Dieu, qu'il en soit ainsi, que je puisse les chanter et les
chanter sans fin ! Vous avez daigné me les prodiguer avec tant de magnificence
! Ceux qui le voient en sont étonnés. Moi-même j'en suis souvent ravie, et je
puis mieux alors vous adresser mes louanges ! Si une fois revenue à moi je me
trouvais sans vous, ô Seigneur, je ne pourrais rien. … Ne le permettez pas,
Seigneur. Ne laissez pas se perdre une âme que vous avez achetée au prix de
tant de souffrances.
Autobiographie,
chapitre XIV,10
Ô mon espérance ! ô mon Père et mon Créateur, et
mon vrai Seigneur et Frère ! Quand je songe que vous dites que vos délices sont
d'être avec les enfants des hommes, mon âme se réjouit énormément. 0 Seigneur
du ciel et de la terre, et quelles paroles que celles-là pour qu'aucun pécheur
ne perde confiance ! Vous manque-t-il, Seigneur, par hasard, quelqu'un avec qui
prendre vos délices, pour que vous cherchiez un petit ver aussi malodorant que
moi ? Cette voix qui s'est fait entendre lors du Baptême de Votre Fils, a dit
que vous mettiez en Lui vos complaisances. Alors, Seigneur, devons-nous lui
être tous égaux ? Ô quelle infinie miséricorde, et quelle faveur tellement
au-dessus de nos mérites. Et tout cela, nous l'oublierions, nous les mortels ?
Vous, ô mon Dieu, souvenez-vous de notre extrême misère, et regardez notre
faiblesse car vous savez tout.
Exclamation
N°7/A
Ô mon âme, considère la grande joie et le grand amour
qu'éprouve le Père à connaître son Fils, et le Fils à connaître son Père, et
l'ardeur avec laquelle le Saint-Esprit s'unit à eux, et comment aucune de ces
trois Personnes ne peut se départir de cet amour ni de cette connaissance,
parce qu'elles sont toutes les trois une même chose. Ces souveraines personnes
se connaissent, elles s'aiment et elles sont les délices les unes des autres.
De quelle utilité peut donc être mon amour ? Pourquoi le voulez-vous, ô mon
Dieu, quel gain y trouvez-vous ? 0, Vous, soyez béni, soyez béni, vous, ô mon
Dieu, pour toujours. Que toutes les choses chantent vos louanges, Seigneur,
éternellement, car vous êtes éternel.
Exclamation
N°7/B
Réjouis-toi, ô mon âme, de ce qu'il y ait quelqu'un
qui aime Dieu comme Il le mérite. Réjouis-toi, de ce qu'il y ait quelqu'un qui
connaisse sa bonté et sa souveraineté. Remercie-le de nous avoir donné sur
terre quelqu'un qui le connaît comme le connaît son Fils unique. Sous cette
protection, tu pourras t'approcher de ton Dieu et le supplier, puisque Sa
Majesté prend en toi ses délices. Que toutes les choses d'ici-bas soient
impuissantes à t'empêcher de prendre tes délices et à te réjouir dans les
grandeurs de ton Dieu, en voyant combien il mérite d'être aimé et loué
demande-lui de t'aider, afin que tu contribues quelque peu à ce que son nom
soit béni, et que tu puisses dire avec vérité : "Mon âme chante les
grandeurs et les louanges du Seigneur".
Exclamation
N°7/C
Ô Seigneur, ô mon Dieu, comme vous avez les paroles de
vie ! Tous les mortels y trouveraient ce qu'ils désirent, s'ils voulaient l'y
chercher. Mais quoi d'étonnant, ô mon Dieu, que nous oubliions vos paroles, dès
lors que nos œuvres mauvaises nous rendent aliénés et malades ? 0 mon Dieu, mon
Dieu, Dieu créateur de tout l'univers, qu'est-ce que tout le créé, si vous,
Seigneur, vouliez créer encore ? Vous êtes le Tout-Puissant, vos œuvres sont
incompréhensibles. Faites donc, Seigneur, que ma pensée ne s'éloigne jamais de
vos paroles. Vous dites : " Venez à moi, vous tous qui souffrez et
pliez sous le fardeau, et je vous consolerai ". Que voulons-nous de
plus, Seigneur ? Que demandons-nous, que cherchons-nous ? Pourquoi les gens du
monde se perdent-ils, si ce n'est parce qu'ils cherchent du repos ? 0 grand
Dieu, ô grand Dieu, qu'est-ce que cela, Seigneur ? Oh ! quelle pitié, oh ! quel
aveuglement que nous cherchions le repos là où il est impossible de le trouver.
Exclamation
N°8/A
Ayez pitié, Créateur, de vos pauvres créatures.
Considérez que nous ne nous comprenons pas, que nous ne savons pas ce que nous
désirons, ni ne parvenons à trouver ce que nous demandons. Donnez-nous,
Seigneur, la lumière, considérez qu'elle nous est plus nécessaire qu'à
l'aveugle-né, car celui-ci désirait voir la lumière, et ne le pouvait pas.
Maintenant, Seigneur, on ne veut pas voir. Oh ! est-il mal plus incurable ?
C'est ici, ô mon Dieu, que doit se montrer votre pouvoir, ici doit se
manifester votre miséricorde. Oh ! quelle chose âpre je vous demande, ô mon
vrai Dieu, que vous aimiez celui qui ne vous aime pas, que vous ouvriez à celui
qui ne vous appelle pas, que vous donniez la santé à celui qui se plaît à être
malade et recherche la maladie. Vous dites, ô mon Seigneur, que vous venez
chercher les pécheurs. Eh bien, les voilà, Seigneur, les vrais pécheurs. Ne
regardez pas notre aveuglement, mon Dieu, mais le sang que votre Fils a versé
abondamment pour nous. Que resplendisse votre miséricorde au milieu d'une si
insondable malignité. Considérez, Seigneur, que nous sommes votre œuvre, que
votre bonté et votre miséricorde nous secourent.
Exclamation
N°8/B
Statue of Teresa of Ávila in the Sagrada Família
Souveraine Majesté,
Éternelle Sagesse,
Bonté douce à mon âme,
Dieu, mon Seigneur,
Qu'ordonnez-vous qu'il
soit fait de moi ?
Je suis vôtre puisque
vous m'avez créée,
Vôtre, puisque vous
m'avez rachetée,
Vôtre, puisque vous
m'avez supportée,
Vôtre, puisque vous
m'avez appelée,
Vôtre, puisque vous
m'avez attendue,
Vôtre, puisque je ne me
suis pas perdue..
Voici mon cœur, Je le
remets entre vos mains
Voici mon corps, ma vie,
mon âme,
Ma tendresse et mon
amour…
Si vous me voulez dans la
joie,
Par amour pour vous je
veux me réjouir
Si vous me commandez des
travaux,
Je veux mourir à
l'ouvrage.
Dites-moi seulement où,
comment et quand.
Parlez, ô doux Amour,
parlez.
Je suis vôtre, pour vous
je suis née,
Que voulez-vous faire de
moi ?
SOURCE : http://missel.free.fr/Sanctoral/10/15.php
L’importance de l’oraison
Je voudrais être douée d’une grande force de
persuasion pour qu’on croie ce que je dis ; je supplie le Seigneur de me
la donner. J’insiste pour que nul de ceux qui ont commencé à faire oraison ne
flanche, en disant : « Si je retombe dans le mal et que je continue
l’oraison, ce sera bien pis. » Je crois qu’il en serait ainsi, si on
abandonnait l’oraison sans corriger le mal ; mais si on ne l’abandonne
point, croyez qu’elle vous conduira au port de lumière. Le démon me livra dans
ce but un tel combat, je crus si longtemps que faire oraison serait, dans ma
misère, un manque d’humilité, que, comme je l’ai dit, j’y ai renoncé pendant un
an et demi, un an au moins, car je ne suis pas sûre de la demi-année ;
cela eût été suffisant, et fut suffisant, pour que je me précipite moi-même en
enfer, sans que le démon ait à m’y pousser. Ô Dieu secourable, l’immense
aveuglement ! Et que le démon a raison, pour atteindre son but, de ne pas
y aller de main morte sur ce point ! Il sait, le traître, que l’âme qui
persévère dans l’oraison est perdue pour lui, que toutes les chutes qu’il
provoque l’aident, avec la bonté de Dieu, à rebondir beaucoup plus haut et à mieux
servir le Seigneur.
Ste Thérèse d’Avila
Thérèse d’Avila († 1583), première femme docteur de
l’Église, incarne la vitalité mystique du Siècle d’or espagnol, tant par ses
écrits que par la réforme du Carmel qu’elle entreprit avec saint Jean de la
Croix. / Œuvres complètes, Paris, DDB, 1964, p. 123
SOURCE : https://fr.aleteia.org/daily-prayer/vendredi-15-octobre/meditation-de-ce-jour-1/
CHRONOLOGIE DE SAINTE THÉRÈSE DE JÉSUS
1515
• 28 mars, Naissance de Teresa de Cepeda y Ahumada,
• 4 avril, Baptême de Teresa, Inauguration du carmel de l’Incarnation.
1522
• Teresa et Rodrigo s’enfuient au pays des Maures “pour voir Dieu”.
1528
• Mort de Béatrice de Ahumada, mère de Teresa.
1531
• Teresa est pensionnaire au couvent de Notre Dame de Grâce.
1535
• 3 août, Rodrigo, le frère très aimé, part pour l’Amérique.
• 2 novembre, Teresa s’enfuit et entre au couvent de l’Incarnation.
1536
• 2 novembre, Teresa prend l’habit du Carmel.
1537
• 3 novembre, Profession religieuse de Teresa.
1538
• Séjour à Becedas.
1543
• 26 décembre, Mort d’Alonso de Cepeda, père de Teresa.
1555
• Conversion de Teresa (Saint Augustin, Christ aux plaies, …).
1556
• au printemps, Les fiançailles mystiques de Teresa.
1558
• “La contradiction des gens de biens” commence. Les uns attribuent les grâces
dont jouit Teresa au démon, les autres à Dieu.
• Première rencontre avec Pierre d’Alcántara.
1560
• 25 janvier, Vision du Christ ressuscité,
• avril, Grâce de la transverbération,
• août, Vision de l’enfer,
• septembre, Au cours d’une conversation, on parle de “réforme”,
• octobre, Teresa rédige sa première Relation.
1561
• Le père Garcia de Toledo lui demande d’écrire sa Vida et sa manière de faire
oraison.
1562
• 24 août, Fondation de Saint Joseph d’Avila,
• décembre, Teresa commence Le Chemin de Perfection.
1563
• Première rédaction des Constitutions.
1567
• février, Visite du Père Général, Rubeo de Ravenne,
Avril, Patentes autorisant d’autres fondations,
• 15 Août, Fondation du couvent de Medina del Campo, Première rencontre avec
Jean de la Croix.
1568
• 11 avril, Fondation du couvent de Malagón,
• 15 août, Fondation du couvent de Valladolid,
• 28 novembre, Fondation du couvent masculin de Duruelo.
1569
• 14 mai, Fondation du couvent de Tolède,
• 23 juin, Fondation du couvent de Pastrana.
1570
• 1er novembre, Fondation du couvent de Salamanque.
1571
• 25 janvier, Fondation du couvent d’Alba de Tormes,
• 6 octobre, Teresa arrive à l’Incarnation comme prieure.
1572
• 16 novembre, Grâce du mariage spirituel.
1573
• 25 août, Commencement du récit des Fondations.
1574
• 19 mars, Fondation du couvent de Ségovie.
1575
• L’Inquisition ordonne la saisie de la Vida de Teresa,
• 24 février, Fondation du couvent de Beas de Segura,
• Printemps, Première rencontre avec le P. Jérôme Gratien,
• 29 mai, Fondation du couvent de Séville, Teresa reçoit l’ordre de se retirer
dans un couvent de son choix et de n’en plus sortir. “La grande tempête”
commence pour la “Réforme”.
1576
• 1er janvier, Fondation du couvent de Caravaca, (par Anne de Saint-Albert).
1577
• mai, À Tolède, Teresa commence Le Livre des Demeures.
• 29 novembre, À Avila, elle achève son ouvrage.
• 24 décembre, Elle se casse le bras gauche en tombant dans l’escalier.
1578/79
• Grandes souffrances de la Réforme et de la réformatrice.
1580
• 21 Février, Fondation du couvent de Villanueva de la Jara,
• 26 juin, Mort de Lorenzo, frère de Teresa,
• 25 Décembre, Fondation du couvent de Palencia.
1581
• 14 juin, Fondation du couvent de Soria.
1582
• 20 janvier, Fondation du couvent de Grenade (par Anne de Jésus)
• 19 avril, Fondation du couvent de Burgos
• 21 septembre, Arrivée à Alba de Tormes.
• 4 (15) octobre, Teresa meurt “fille de l’Église”.
1614
• 14 avril, Béatification, par Paul V.
1622
• 12 mars, Canonisation, par Grégoire XV.
1917
• 30 novembre, Patronne de l’Espagne.
1965
• 18 septembre, Patronne des écrivains espagnols, par Paul VI.
1970
• 27 septembre, Docteur de l’Église, par Paul VI. Teresa est également patronne
: du Corps de l’Intendance militaire, du Royaume de Naples, des joueurs
d’échec, etc.
SOURCE : http://www.carmel.asso.fr/Chronologie-Therese-de-Jesus.html
BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Salle Paul VI
Mercredi 2 février 2011
Sainte Thérèse de Jésus
Chers frères et sœurs,
Au cours des catéchèses
que j’ai voulu consacrer aux Pères de l’Eglise et aux grandes figures de
théologiens et de femmes du Moyen-âge, j’ai eu l’occasion de m’arrêter
également sur certains saints et saintes qui ont été proclamés docteurs de
l’Eglise en raison de leur éminente doctrine. Aujourd’hui, je voudrais
commencer une brève série de rencontres pour compléter la présentation des
docteurs de l’Eglise. Et je commence par une sainte qui représente l’un des
sommets de la spiritualité chrétienne de tous les temps: sainte Thérèse d’Avila
(de Jésus).
Elle naît à Avila, en
Espagne, en 1515, sous le nom de Teresa de Ahumada. Dans son autobiographie,
elle mentionne elle-même certains détails de son enfance: la naissance de
«parents vertueux et craignant Dieu», au sein d’une famille nombreuse, avec
neuf frères et trois sœurs. Encore enfant, alors qu’elle n’avait pas encore 9
ans, elle a l’occasion de lire les vies de certains martyrs, qui lui inspirent
le désir du martyre, si bien qu’elle improvise une brève fugue de chez elle
pour mourir martyre et monter au Ciel (cf. Vie, 1, 4): «Je veux voir Dieu»
déclare la petite fille à ses parents. Quelques années plus tard, Thérèse
parlera de ses lectures d’enfance, et affirmera y avoir découvert la vérité,
qu’elle résume dans deux principes fondamentaux: d’un côté, «le fait que tout
ce qui appartient au monde ici bas passe» et de l’autre, que seul Dieu est
«pour toujours, toujours, toujours», un thème qui revient dans la très célèbre
poésie «Que rien ne te trouble,/ que rien ne t’effraie;/ tout passe. Dieu ne
change pas:/ la patience obtient tout;/ celui qui possède Dieu/ ne manque de
rien/ Dieu seul suffit!». Orpheline de mère à l’âge de 12 ans, elle demande à
la Très Sainte Vierge de lui servir de mère (cf. Vie, 1, 7).
Si, au cours de son
adolescence, la lecture de livres profanes l’avait conduite aux distractions
d’une vie dans le monde, l’expérience comme élève des moniales augustiniennes
de Sainte-Marie-des-Grâces d’Avila, ainsi que la lecture de livres spirituels, en
particulier des classiques de la spiritualité franciscaine, lui enseignent le
recueillement et la prière. A l’âge de 20 ans, elle entre au monastère
carmélite de l’Incarnation, toujours à Avila; dans sa vie religieuse, elle
prend le nom de Thérèse de Jésus. Trois ans plus tard, elle tombe gravement
malade, au point de rester quatre jours dans le coma, apparemment morte (cf.
Vie, 5, 9). Même dans la lutte contre ses maladies, la sainte voit le combat
contre les faiblesses et les résistances à l’appel de Dieu: «Je désirais vivre
— écrit-elle — car je le sentais, ce n'était pas vivre que de me débattre ainsi
contre une espèce de mort; mais nul n'était là pour me donner la vie, et il
n'était pas en mon pouvoir de la prendre. Celui qui pouvait seul me la donner
avait raison de ne pas me secourir; il m'avait tant de fois ramenée à lui, et
je l'avais toujours abandonné» (Vie, 8, 2) En 1543, sa famille s’éloigne: son
père meurt et tous ses frères émigrent l’un après l’autre en Amérique. Au cours
du carême 1554, à l’âge de 39 ans, Thérèse atteint le sommet de sa lutte contre
ses faiblesses. La découverte fortuite de la statue d’«un Christ couvert de
plaies» marque profondément sa vie (cf. Vie, 9). La sainte, qui à cette époque
trouvait un profond écho dans les Confessions de saint Augustin, décrit ainsi
le jour décisif de son expérience mystique: «Le sentiment de la présence de
Dieu me saisissait alors tout à coup. Il m'était absolument impossible de
douter qu'il ne fût au dedans de moi, ou que je ne fusse toute abîmée en lui»
(Vie, 10, 1).
Parallèlement au
mûrissement de son intériorité, la sainte commence à développer concrètement
l'idéal de réforme de l'ordre du carmel: en 1562, elle fonde à Avila, avec le
soutien de l'évêque de la ville, don Alvaro de Mendoza, le premier carmel
réformé, et peu après, elle reçoit aussi l'approbation du supérieur général de
l'ordre, Giovanni Battista Rossi. Dans les années qui suivent, elle continue à
fonder de nouveaux carmels, dix-sept au total. La rencontre avec saint Jean de la
Croix, avec lequel, en 1568, elle fonde à Duruelo, non loin d'Avila, le premier
couvent de carmélites déchaussées, est fondamentale. En 1580, elle obtient de
Rome l'érection en Province autonome pour ses carmels réformés, point de départ
de l'ordre religieux des carmélites déchaussées. Thérèse termine sa vie
terrestre au moment où elle est engagée dans l'activité de fondation. En 1582,
en effet, après avoir fondé le carmel de Burgos et tandis qu'elle est en train
d'effectuer son voyage de retour à Avila, elle meurt la nuit du 15 octobre à
Alba de Tormes, en répétant humblement ces deux phrases: «A la fin, je meurs en
fille de l'Eglise» et «L'heure est à présent venue, mon Epoux, que nous nous
voyons». Une existence passée en Espagne, mais consacrée à l'Eglise tout
entière. Béatifiée par le Pape Paul V en 1614 et canonisée en 1622 par Grégoire
XV, elle est proclamée «Docteur de l'Eglise» par le Serviteur de Dieu Paul VI
en 1970.
Thérèse de Jésus n'avait
pas de formation universitaire, mais elle a tiré profit des enseignements de
théologiens, d'hommes de lettres et de maîtres spirituels. Comme écrivain, elle
s'en est toujours tenu à ce qu'elle avait personnellement vécu ou avait vu dans
l'expérience des autres (cf. Prologue au Chemin de perfection), c'est-à-dire en
partant de l'expérience. Thérèse a l'occasion de nouer des liens d'amitié
spirituelle avec un grand nombre de saints, en particulier avec saint Jean de
la Croix. Dans le même temps, elle se nourrit de la lecture des Pères de
l'Eglise, saint Jérôme, saint Grégoire le Grand, saint Augustin. Parmi ses
œuvres majeures, il faut rappeler tout d'abord son autobiographie, intitulée
Livre de la vie, qu'elle appelle Livre des Miséricordes du Seigneur. Composée
au Carmel d'Avila en 1565, elle rapporte le parcours biographique et spirituel,
écrit, comme l'affirme Thérèse elle-même, pour soumettre son âme au
discernement du «Maître des spirituels», saint Jean d'Avila. Le but est de
mettre en évidence la présence et l'action de Dieu miséricordieux dans sa vie:
c'est pourquoi l’œuvre rappelle souvent le dialogue de prière avec le Seigneur.
C'est une lecture fascinante, parce que la sainte non seulement raconte, mais
montre qu'elle revit l'expérience profonde de sa relation avec Dieu. En 1566,
Thérèse écrit le Chemin de perfection, qu'elle appelle Admonestations et
conseils que donne Thérèse de Jésus à ses moniales. Les destinataires en sont
les douze novices du carmel de saint Joseph d’Avila. Thérèse leur propose un
intense programme de vie contemplative au service de l'Église, à la base duquel
se trouvent les vertus évangéliques et la prière. Parmi les passages les plus
précieux, figure le commentaire au Notre Père, modèle de prière. L’œuvre
mystique la plus célèbre de sainte Thérèse est le Château intérieur, écrit en
1577, en pleine maturité. Il s'agit d’une relecture de son chemin de vie
spirituelle et, dans le même temps, d'une codification du déroulement possible
de la vie chrétienne vers sa plénitude, la sainteté, sous l'action de l'Esprit
Saint. Thérèse fait appel à la structure d'un château avec sept pièces, comme
image de l'intériorité de l'homme, en introduisant, dans le même temps, le
symbole du ver à soie qui renaît en papillon, pour exprimer le passage du
naturel au surnaturel. La sainte s'inspire des Saintes Écritures, en
particulier du Cantique des cantiques, pour le symbole final des «deux Époux»,
qui lui permet de décrire, dans la septième pièce, le sommet de la vie
chrétienne dans ses quatre aspects: trinitaire, christologique, anthropologique
et ecclésial. A son activité de fondatrice des carmels réformés, Thérèse
consacre le Livre des fondations, écrit entre 1573 et 1582, dans lequel
elle parle de la vie du groupe religieux naissant. Comme dans son
autobiographie, le récit tend à mettre en évidence l'action de Dieu dans
l’œuvre de fondation des nouveaux monastères.
Il n’est pas facile de
résumer en quelques mots la spiritualité thérésienne, profonde et articulée. Je
voudrais mentionner plusieurs points essentiels. En premier lieu, sainte
Thérèse propose les vertus évangéliques comme base de toute la vie chrétienne
et humaine: en particulier, le détachement des biens ou pauvreté évangélique,
et cela nous concerne tous; l’amour des uns pour les autres comme élément
essentiel de la vie communautaire et sociale; l’humilité comme amour de la
vérité; la détermination comme fruit de l’audace chrétienne; l’espérance
théologale, qu’elle décrit comme une soif d’eau vive. Sans oublier les vertus
humaines: amabilité, véracité, modestie, courtoisie, joie, culture. En deuxième
lieu, sainte Thérèse propose une profonde harmonie avec les grands personnages
bibliques et l’écoute vivante de la Parole de Dieu. Elle se sent surtout en
harmonie avec l’épouse du Cantique des Cantiques et avec l’apôtre Paul, outre
qu’avec le Christ de la Passion et avec Jésus eucharistie.
La sainte souligne
ensuite à quel point la prière est essentielle: prier, dit-elle, «signifie
fréquenter avec amitié, car nous fréquentons en tête à tête Celui qui, nous le
savons, nous aime» (Vie 8, 5). L’idée de sainte Thérèse coïncide avec la
définition que saint Thomas d’Aquin donne de la charité théologale, comme
amicitia quaedam hominis ad Deum, un type d’amitié de l’homme avec Dieu, qui le
premier a offert son amitié à l’homme; l’initiative vient de Dieu (cf. Summa
Theologiae -II, 21, 1). La prière est vie et se développe graduellement en
même temps que la croissance de la vie chrétienne: elle commence par la prière
vocale, elle passe par l’intériorisation à travers la méditation et le
recueillement, jusqu’à parvenir à l’union d’amour avec le Christ et avec la
Très Sainte Trinité. Il ne s’agit évidemment pas d’un développement dans lequel
gravir les plus hautes marches signifie abandonner le type de prière précédent,
mais c’est plutôt un approfondissement graduel de la relation avec Dieu qui
enveloppe toute la vie. Plus qu’une pédagogie de la prière, celle de Thérèse
est une véritable «mystagogie»: elle enseigne au lecteur de ses œuvres à prier
en priant elle-même avec lui; en effet, elle interrompt fréquemment le récit ou
l’exposé pour se lancer dans une prière.
Un autre thème cher à la
sainte est le caractère central de l’humanité du Christ. En effet, pour Thérèse
la vie chrétienne est une relation personnelle avec Jésus, qui atteint son
sommet dans l’union avec Lui par grâce, par amour et par imitation. D’où
l’importance que celle-ci attribue à la méditation de la Passion et à
l’Eucharistie, comme présence du Christ, dans l’Eglise, pour la vie de chaque
croyant et comme cœur de la liturgie. Sainte Thérèse vit un amour inconditionné
pour l’Eglise: elle manifeste un vif sensus Ecclesiae face aux épisodes de
division et de conflit dans l’Eglise de son temps. Elle réforme l’Ordre des
carmélites avec l’intention de mieux servir et de mieux défendre la «Sainte
Eglise catholique romaine », et elle est disposée à donner sa vie pour celle-ci
(cf. Vie 33, 5).
Un dernier aspect
essentiel de la doctrine thérésienne, que je voudrais souligner, est la
perfection, comme aspiration de toute la vie chrétienne et objectif final de
celle-ci. La sainte a une idée très claire de la «plénitude» du Christ, revécue
par le chrétien. A la fin du parcours du Château intérieur, dans la dernière
«pièce», Thérèse décrit cette plénitude, réalisée dans l’inhabitation de la
Trinité, dans l’union au Christ à travers le mystère de son humanité.
Chers frères et sœurs,
sainte Thérèse de Jésus est une véritable maîtresse de vie chrétienne pour les
fidèles de chaque temps. Dans notre société, souvent en manque de valeurs
spirituelles, sainte Thérèse nous enseigne à être des témoins inlassables de
Dieu, de sa présence et de son action, elle nous enseigne à ressentir
réellement cette soif de Dieu qui existe dans la profondeur de notre cœur, ce
désir de voir Dieu, de chercher Dieu, d’être en conversation avec Lui et d’être
ses amis. Telle est l’amitié qui est nécessaire pour nous tous et que nous
devons rechercher, jour après jour, à nouveau. Que l’exemple de cette sainte,
profondément contemplative et efficacement active, nous pousse nous aussi à
consacrer chaque jour le juste temps à la prière, à cette ouverture vers Dieu,
à ce chemin pour chercher Dieu, pour le voir, pour trouver son amitié et
trouver ainsi la vraie vie; car réellement, un grand nombre d’entre nous
devraient dire: «Je ne vis pas, je ne vis pas réellement, car je ne vis pas
l’essence de ma vie». C’est pourquoi, le temps de la prière n’est pas du temps
perdu, c’est un temps pendant lequel s’ouvre la voie de la vie, s’ouvre la voie
pour apprendre de Dieu un amour ardent pour Lui, pour son Eglise, c’est une
charité concrète pour nos frères. Merci.
***
Je salue cordialement les
pèlerins francophones et plus particulièrement la Communauté Saint-Martin et le
lycée Sacré-Cœur. Que l’exemple de sainte Thérèse de Jésus nous encourage à
donner chaque jour du temps à la prière pour apprendre à aimer Dieu et son
Eglise! Avec ma bénédiction.
© Copyright 2011 - Libreria Editrice Vaticana
Les sept étapes de la vie mystique selon Thérèse
d’Avila
Père Denis
Marie Ghesquières - Publié le 14/10/20
Par sa présence, Dieu veut révéler notre vrai désir
d’aimer. Thérèse d’Avila nous montre comment Il conduit notre vie spirituelle à
travers l’expérience de sept traversées successives. Progressivement, nous
sommes rendus plus libres pour aimer et communier à son désir de sauver tous
les hommes.
Au terme de son parcours spirituel, Thérèse d’Avila
compare notre âme — où Dieu demeure — à un château. Dans son livre Le Livre des Demeures ou Le Château
intérieur, elle écrit en 1577 l’expérience du « mariage spirituel » vécu
en 1572. Ses demeures correspondent à quatre citations bibliques. Elle y décrit
avec précision chacune des étapes de la croissance de la vie spirituelle en
détaillant davantage les dernières étapes qui correspondent à des réalités
moins claires pour ses lectrices (ses propres sœurs carmélites). Elle écrit
tout cela après être arrivée à sa pleine maturité spirituelle et avoir reçu la
grâce de traverser toutes les « demeures ».
Du chemin vers Dieu à la vie de Dieu en nous
Les premières demeures vont permettre approfondir la
vie spirituelle comprise comme un chemin vers Dieu, puis, à partir des
cinquièmes demeures il y aura comme un renversement qui se fait où nous
percevons notre vie comme la vie de Dieu en nous. Dieu fait alors vivre
l’expérience que saint Paul décrit en ces termes : « Ce n’est plus moi qui
vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal 2, 20). Une
conscience nouvelle de la relation à Dieu nous habite. Sur ce chemin spirituel,
les premières demeures sont le lieu de transformation de nos relations :
dans la deuxième demeure, la relation au monde ; dans la troisième, la
relation à soi-même ; dans la quatrième, la relation à Dieu. Nous allons
ainsi de ce qui est le plus extérieur, le monde, à ce qui est le plus intérieur
en nous : Dieu.
Lire aussi :
Cinq
choses que vous ignorez peut-être sur sainte Thérèse d’Avila
Précision importante : passer d’une demeure à
l’autre est toujours une aventure, un cheminement, mais ce n’est pas nous qui
choisissons le passage d’une demeure à l’autre d’une manière stable sur notre
agenda spirituel. C’est Dieu qui nous découvre une profondeur plus grande,
quand il veut, comme il le veut. Deuxième précision importante, avant d’entrer
dans la description des thématiques des demeures : nous pouvons recevoir
des effets spirituels des demeures plus profondes en vivant de manière stable
dans une demeure moins profonde. Il est tout à fait possible d’avoir des
avant-goûts de ce qui nous habite déjà, car, dès le départ, les sept demeures
sont en nous, puisque Dieu est en nous. Dieu peut donc nous donner des goûts,
des expériences des quatrièmes et des cinquièmes demeures, alors que nous
sommes toujours dans les deuxièmes ou troisièmes. Mais ce n’est pas la même
chose d’expérimenter ces avant-goûts et de vivre de manière stable dans une
demeure. Le passage d’une demeure à l’autre est toujours un moment essentiel
qu’il nous est donné de discerner plus ou moins rapidement.
LES PREMIÈRES DEMEURES : LE PORCHE DE LA VIE
SPIRITUELLE
Les premières demeures sont le porche de la vie
spirituelle et le fondement de tout ce qui va suivre. Ce sont les
fondations : les premières demeures jalonnent un parcours où s’approfondit
cette conscience quotidienne de ce que nous sommes, de notre dignité, de notre
gloire qui est d’être la demeure d’un autre : la demeure de Dieu. Le
porche d’entrée de la vie spirituelle c’est donc de commencer à s’accueillir
soi-même comme l’œuvre de Dieu, comme la demeure de Dieu et elle fonde tout
l’itinéraire spirituel dont elle va parler sur quatre citations bibliques.
Thérèse utilise tout d’abord cette citation biblique
assez connue : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses
demeures » (Jn
14, 2). Nous pourrions comprendre que nous allons vers les nombreuses
demeures du ciel, mais pour Thérèse ces nombreuses demeures sont en chacun. Les
demeures de la maison du Père sont en chaque personne. La deuxième citation
biblique est : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon
père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une
demeure » (Jn
14, 23). Elle résume d’une certaine manière l’itinéraire spirituel que
nous allons décrire, qui commence par une décision, une progression et une
action de Dieu qui se manifeste et s’unit à l’âme.
Lire aussi :
Jean
de la Croix et Thérèse d’Avila, deux amis qui ont réformé le Carmel
Les deux autres citations viennent de l’Ancien
Testament. Celle du Livre des Proverbes (8, 31) :
« Dieu trouve ses délices parmi les enfants des hommes » dit que le
paradis de Dieu, c’est l’homme et que c’est la personne humaine. Nous n’allons
pas au paradis : nous sommes le paradis de Dieu. C’est une inversion
totale. Nous n’allons pas au paradis : c’est Dieu qui fait de notre personne,
de la relation avec nous, son paradis. Donc le paradis pour Dieu, c’est une
relation vivante. Thérèse voit enfin que si Dieu nous créa « à son image
et à sa ressemblance » (Gn 1, 26), c’est justement pour que nous trouvions notre
joie à l’accueillir en nous. Thérèse s’émerveille devant cette affirmation :
voilà le signe que nous sommes faits pour l’amour et pour un amour aussi grand
que celui de Dieu.
L’entrée dans la vie spirituelle
L’entrée dans la vie spirituelle est un choix, une
décision. C’est très positif, mais ce n’est pas forcément facile à vivre. Il
faut décider d’entrer dans une perception renouvelée de nous-mêmes et croire
que nous sommes la demeure de Dieu. L’entrée dans ces premières demeures est
essentielle, car il y a évidemment le risque inverse. Si nous nous opposons et
que nous refusons de nous engager, de croire à cette gloire de l’homme, à cette
grandeur de l’homme, à cette beauté que nous avons, à cette présence de Dieu en
nous, alors nous nous trouvons dans une misère terrible. L’homme oublie alors
ce qu’il est et vit à l’extérieur de ce qu’il est en réalité, à l’extérieur de
cette présence d’un Dieu qui veut nous ouvrir au don qu’il veut nous faire.
La pire des misères chez sainte Thérèse d’Avila, c’est
de vivre sans Dieu ou d’imaginer que nous faisons le bien sans Dieu
La pire des misères chez sainte Thérèse d’Avila, c’est
de vivre sans Dieu ou d’imaginer que nous faisons le bien sans Dieu. Faire le
bien sans Dieu, comme elle dit, c’est faire plaisir au démon. Paradoxalement le
péché le plus grave pour elle, ce n’est pas tellement d’avoir des faiblesses,
des limites. Elle ne les encourage pas bien sûr, elle nous invite aussi à nous
engager pour combattre les faiblesses de la vie quotidienne et nous corriger
avec la grâce de Dieu, mais le pire pour elle c’est de ne pas reconnaître le
bien, le bon et le beau en nous et chez les autres comme une réalité qui a sa
source en Dieu. Nous pourrions dire, bien qu’elle ne le dise pas explicitement
— mais à bien la lire c’est ce que l’on comprend — que le péché mortel, c’est
de vivre sans Dieu, de faire le bien sans Dieu.
Les quatre fruits des premières demeures
Les quatre fruits des premières demeures vont mûrir
tout au long de notre chemin spirituel. Les fruits de cette entrée dans le
Château, de cette mise en relation avec Dieu en sa présence dans notre vie
quotidienne, nous les trouvons décrits au deuxième chapitre des premières
demeures. Il y en a quatre. Thérèse les décrit dès le départ : ces fruits
vont mûrir tout au long du chemin à travers les sept demeures du château.
© DR
La liberté. L’exercice le plus haut de notre
liberté, c’est justement d’accueillir cette présence de Dieu, de reconnaître ce
que nous sommes, c’est-à-dire créés « à son image ». La prière sous
toutes ses formes est un engagement de la liberté, puisque pour Thérèse la prière
consiste à se tourner vers Dieu, à cultiver notre relation avec Dieu. Il faut
la vivre évidemment dans différents lieux et de différentes manières dans notre
quotidien. Thérèse insiste évidemment beaucoup sur la prière silencieuse dont
un des fruits consiste à recevoir notre vie comme le lieu concret où nous
devons vivre notre relation à Dieu.
Lire aussi :
Quatre
conseils de sainte Thérèse d’Avila pour bien se connaître soi-même
L’humilité, ce n’est pas l’humiliation :
c’est la reconnaissance que nous sommes les bénéficiaires du don de Dieu en
permanence et pour tout et pas seulement ce qui concerne le spirituel. Nous
sommes créés, nous recevons énormément de choses tout au long de notre journée,
aussi bien l’alimentation que les relations avec les autres, ce que l’on a pu
apprendre, nos compétences, les réalités naturelles, culturelles, spirituelles,
etc. L’humilité c’est avant tout la reconnaissance de fond que notre existence
est un don de Dieu. L’image, le modèle de la personne profondément humble,
c’est évidemment Jésus qui accueille toute sa vie comme un don de son Père.
Le détachement ne veut pas dire que nous vivons
sans rien. Cela veut dire que nous modifions notre relation aux choses et aux
personnes qui peuvent souvent être d’une certaine manière parfois captatrices
ou dominatrices. Le détachement fait passer à une plus grande liberté dans la
relation aux choses et aux autres mais aussi à tous les biens intellectuels,
spirituels et même aux vertus morales. Le détachement est lié à
l’humilité : nous nous situons moins comme un propriétaire et nous avons
beaucoup moins besoin d’un rapport possessif aux réalités. Tout cela va
s’approfondir durant tout le parcours.
La charité est à la fois le but final et le
chemin essentiel. Il s’agit de laisser Dieu nous apprendre à aimer. Et l’amour
a deux directions qui sont unies : l’amour de Dieu et l’amour des autres.
LES DEUXIÈMES DEMEURES : LA PURIFICATION
Dans les deuxièmes demeures, nous nous engageons sur
ce chemin de la vie spirituelle qui va forcément révéler en nous plein
d’attachements, plein de compromis, plein de faiblesses. Nous nous attendions à
recevoir plein de consolations et nous nous rendons compte que nous sommes un
champ de bataille. Nous pourrions faire un parallèle entre le livre des
demeures et le livre de l’Exode : les Hébreux sortent d’Égypte et ils
s’attendent à entrer en Terre sainte tout de suite. Ils se retrouvent dans un
désert. Ils se retrouvent confrontés à leurs difficultés et doivent choisir de
faire confiance à Dieu. C’est bien ce qui se passe dans ces deuxièmes demeures.
Comme les Hébreux conduits par Moïse, nous pouvons regretter parfois notre
ancien esclavage sans pouvoir ni vouloir vraiment y revenir, car maintenant
nous sommes conscients de l’esclavage passé. Avant, nous étions un esclave
inconscient mais maintenant nous sommes devenus un esclave conscient. Il reste
que nous sommes tiraillés : nous sommes comme entre deux chaises. Un combat
nous habite.
L’arme libératrice
Ce qui va pouvoir nous aider à avancer, c’est le
Christ qui dans son humanité a assumé tout cela. Il a assumé toute la réalité
humaine et donc l’arme à utiliser, c’est de croire à la force, à la puissance
du mystère pascal du Christ, de sa croix. La croix du Christ nous rend libre. «
C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés », dit saint Paul dans
l’épître aux Galates (Gal
5,1). Même si nous avons des des épreuves, même si ce n’est pas forcément
facile, il faut consentir dans la prière à la sécheresse, à des difficultés.
Moïse qui s’adresse aux Hébreux dans cette situation leur dit : « Tenez ferme,
le Seigneur combattra pour vous, vous, vous n’aurez qu’à rester tranquilles »,
alors qu’en fait nous avons envie de tout sauf de rester tranquille ! Le
combat, c’est croire que nous ne combattons pas seuls et que c’est surtout le
combat du Christ en nous et qu’il faut se confier à lui, parce que lui seul
peut être vainqueur de ce combat. Ce qui dépend de nous, c’est de nous orienter
vers lui le plus souvent possible et de choisir de lui faire confiance.
3- LES TROISIÈMES DEMEURES : LA CLARIFICATION
Nous avons souvent une image de nous-même et surtout
un rapport à ce que nous faisons qui ne sont pas justes. Le Seigneur nous a
fait entrer dans les troisièmes demeures. Il y a donc déjà des premiers fruits
positifs : nous avons commencé à mettre notre foi en Dieu, nous l’avons
fait de manière persévérante, tout en expérimentant nos fragilités et cela a
déjà produit des fruits dans notre existence, même si évidemment tout est loin
d’être accompli. Nous risquons de se comporter comme le jeune homme riche :
nous commençons à bien faire, nous faisons des efforts, mais nous risquons de
ne pas supporter de ne pas se voir reconnu, aussi bien extérieurement
qu’intérieurement notamment dans la prière (nous avons du mal à accepter les
sécheresses, les tentations, les distractions).
Lire aussi :
Cultiver
son âme comme un jardin : quatre conseils de sainte Thérèse d’Avila
Nous courons le risque d’être comme ce jeune homme
riche qui a bien commencé, mais qui s’en va finalement tout triste. De la même
manière, nous attendions que les fruits que le Christ a portés en nous avec
notre active collaboration nous permettent de recevoir des récompenses de Dieu
au niveau spirituel, nous voudrions que Dieu nous distribue des consolations,
mais les choses se passent différemment et le problème c’est que nous en venons
à nous plaindre. Nous nous plaignons de nous-mêmes, parce que l’on voudrait
être saint en quinze jours, nous ressentons comme des injustices les
difficultés et nous imaginons que c’est vraiment par nos mérites que nous
servons le Seigneur, que nous prions. C’est subtil, parce que si nous nous
attribuons à nous-mêmes les premiers résultats, nous nous étonnons que cela ne
se continue pas toujours ainsi.
Se reconnaître comme « serviteur
quelconque »
Il faut reconnaître ici que nous sommes « des
serviteurs quelconques » (Lc 17,7-10) et que tout ce que le Seigneur a déjà fait en
nous est une grande grâce qu’il nous a faite. Ce n’est sûrement pas un mérite
de notre part pour lequel nous pourrions être payés de retour. Sans parler,
bien sûr, du risque de comparaison avec les autres, que l’on risque de regarder
de haut en leur disant ce qu’ils devraient faire. Bref, nous risquons de nous
ériger comme juges insatisfaits. Ces troisièmes demeures, qui mettent en
lumière des travers assez classiques chez les chrétiens, voire même aussi chez
les religieux, c’est de sortir de l’orgueil spirituel et d’un rapport mal situé
à soi-même et aux autres, le contraire du serviteur humble et quelconque qui
reconnaît recevoir tout de Dieu et qui vit pour lui rendre grâce. Il s’agit
notamment de recevoir ce qu’il nous donne de faire à son service comme un don.
Car ce que nous faisons à son service, c’est lui qui nous donne de le faire.
Et, bien souvent, le Seigneur récompense ses bons serviteurs en leur donnant de
servir davantage ou plus profondément, qualitativement.
Lire aussi :
Pape
François : Devenir disciple du Christ signifie accepter d’être serviteur comme
Lui
LES QUATRIÈMES DEMEURES : L’APPROFONDISSEMENT
Les quatrièmes demeures s’appuient sur les beaux
fruits que nous récoltons dans des troisièmes demeures, c’est-à-dire le fait
que nous nous considérons bien davantage comme un serviteur de l’amour. Aimer
pour aimer, voilà la seule vraie récompense. Nous acceptons désormais les
aridités dans la prière, nous considérons que nos vertus ne sont pas les
nôtres, que nous sommes peut-être vertueux en effet, réellement vertueux, mais
que c’est vraiment Dieu qui est la source de nos vertus et donc nous sommes
devenus beaucoup plus libres par rapport à nous-mêmes et par rapport aux grâces
de prière reçues dans la vie de prière. Le fruit en est une plus grande
dilatation du cœur. Nous sommes en eaux plus profondes, mis au large.
Une grande paix
Une grande paix s’instaure progressivement dans les
profondeurs de l’âme. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de vagues
au-dessus, mais s’établit de manière assez constante une paix profonde en
présence de Dieu. Nous sommes vraiment certains que ce ne sont pas nos propres
efforts qui apportent cette paix, il n’y a pas de techniques de prière ou de
concentration qui ferait que l’on arriverait à obtenir ces grâces.
S’approfondit une attitude de pauvreté spirituelle, nous reconnaissons que Dieu
donne tout et notre regard vers lui est bien établi, bien profond. Cela
instaure un état assez permanent de reconnaissance et l’état de grâce envers
Dieu à partir de tout. Notre esprit et nos pensées peuvent parfois s’évader,
mais assez vite nous retournons à cette attitude reconnaissante et humble.
Lire aussi :
Une
belle prière du soir pour trouver la paix
La confiance, l’humilité et la reconnaissance sont des
réalités qui sont vécues de plus en plus profondément. Nous avons fait
l’expérience de la bonté libératrice de Dieu, là s’approfondit l’accueil
reconnaissant, dans la louange et l’action de grâce, de cette bonté de Dieu.
Car ce qu’il approfondit, de demeures en demeures, c’est la conscience concrète
que Dieu est bon. Ce n’est pas simplement une chose que nous affirmons, mais
nous en faisons l’expérience.
LES CINQUIÈMES DEMEURES : LE BASCULEMENT
L’entrée dans les cinquièmes demeures marque un
basculement : nous ne passons pas des quatrièmes au cinquièmes demeures
comme nous passons des secondes aux suivantes. Dans les premières demeures,
nous expérimentons son chemin en le percevant surtout comme une avancée vers
Dieu mais désormais nous allons expérimenter la vie de Dieu en nous. C’est une
vie nouvelle qui commence. Nous sommes toujours sur la terre, nous n’avons
peut-être pas changé de travail, nous pouvons être marié, avoir des enfants,
posséder plein de choses et ce n’est pas forcément extérieurement qu’il y a des
choses qui bougent même si parfois cela peut se passer dans ces domaines-là.
Dieu a toujours été vivant en nous depuis le début de notre vie, mais
maintenant une nouvelle réalité s’installe.
« Ce n’est plus
moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal 2, 20) : quand
cette parole de Dieu s’accomplit et devient une réalité profonde en nous, nous
sommes tout d’un coup beaucoup plus libres à l’égard du monde, de nous-mêmes et
dans nos relations à Dieu, car désormais le Seigneur a beaucoup plus de liberté
d’action en nous. Il peut nous donner plus profondément, car dire que Dieu est
vivant en nous, cela veut dire que nous nous donnons. Dieu est don de lui-même.
Et qu’est-ce qu’il va nous donner de plus en plus ? Il va nous donner de nous
donner.
Le don gratuit de l’amour certain
Dieu nous donne de pouvoir nous donner de plus en
plus. Jusqu’à présent notre confiance en Dieu était perçue comme un combat.
Pour le dire négativement, je choisissais de ne pas douter de Dieu et de son
amour. Cela est un combat qui parfois n’a rien d’évident de ne pas douter. Dans
les cinquièmes demeures, Dieu donne gratuitement la certitude profonde de son
amour.
Il devient de plus en plus impossible de douter de
Dieu et de son amour : cette conviction de fond qui unifie notre être nous
est donnée. Ce n’est pas le résultat de nos efforts. Nous recevons de Dieu une
qualité de certitude complètement nouvelle. Cela change la vie de manière
radicale. Cette réelle conviction intérieure est une conviction d’amour et n’a
rien à voir avec de la violence ou du fanatisme. Donc nous avons traversé tout
un chemin qui nous a beaucoup libérés de nous-mêmes et qui a surtout développé
en nous la confiance en Dieu. Notre confiance en Dieu voit ici son fruit le
plus mûr et Dieu nous donne de percevoir son amour et d’en vivre plus
pleinement, si bien qu’il n’est plus possible de douter de cet amour de Dieu.
Un désir d’aimer sans sécurité
L’entrée dans les cinquièmes demeures opère la
transformation profonde de notre mode d’existence qui libère en nous un désir d’aimer
bien plus profond. Thérèse d’Avila compare cette transformation à celle d’un
ver à soie transformé en papillon blanc après être passé par l’étape du cocon.
Le ver à soie voit son univers changer profondément : il mangeait des
feuilles de mûriers et il faisait du fil dans un univers très réduit et tout
d’un coup il va devenir un petit papillon, mais dans un contexte totalement
différent puisqu’il vole dans l’air. C’est beaucoup plus large mais beaucoup
moins sécurisant : plus l’Esprit agit en nous, plus nous nous sentons par
nous-mêmes pauvres et ne pouvant pas nous appuyer sur nos anciens appuis. C’est
l’amour qui nous fait vivre, l’amour de Dieu est en nous, il nous fait voler,
mais comme entre ciel et terre. Nous percevons alors la vie, les autres de
manière radicalement différente.
Le combat de l’amour n’étant pas le nôtre, il faut le
remettre sans cesse à Dieu
L’amour de Dieu, l’amour des autres : parfois
nous nous demandons vers où il faut aller. La vie est complètement
nouvelle : nous sommes libérés de nous-mêmes, nous ne nous portons plus
nous-mêmes. Le combat de l’amour n’étant pas le nôtre, il faut le remettre sans
cesse à Dieu. Intérieurement, nous ne sommes plus comme dans les premières
demeures, avec encore bien des attaches qui permettent de se tenir, de se
sécuriser, de contrôler. Nous découvrons dans tout le parcours combien nous
tenions à de nombreuses sécurités. Là, nous sommes quasiment mis à nu. L’amour
nous décentre et nous révèle aussi notre fragilité, notre vulnérabilité, ce qui
permet à cet amour de passer.
LES SIXIÈMES DEMEURES : LES « FIANÇAILLES SPIRITUELLES
»
Suit une partie du livre de sainte Thérèse d’Avila
assez déconcertante pour un esprit moderne. C’est en plus la partie la plus
longue du livre. En résumé, les cinquièmes demeures ont libéré en nous ce que
nous sommes vraiment, notre vrai désir, qui est le vrai désir de l’homme :
aimer et être aimé. La confiance en Dieu et le désir d’aimer nous animent
profondément. Comme pour des fiançailles humaines, il s’agit que s’opère
l’apprentissage du véritable amour : c’est le Christ qui est notre maître
d’amour. Tout est au service ici de cet apprentissage de l’amour. Cela est bien
présent dans les demeures précédentes mais ici tout est vécu comme une occasion
de laisser le Christ nous apprendre à aimer, pour aller plus loin et plus
profondément dans l’expérience de ce qu’est véritablement aimer. Nous sommes
ici bien plus conscients qu’auparavant que la vocation humaine est d’être «
serviteur ou servante de l’amour ».
Comment grandit l’amour
Pour approfondir notre relation avec le Christ, Dieu
va en bon pédagogue intensifier notre désir de lui. Cela se caractérise par
l’alternance de grandes disettes, d’impressions de pauvreté, de vide et
d’abandon, alternant avec au contraire des périodes marquées par un désir
enflammé d’amour. Sainte Thérèse propose apparemment tout un catalogue de
grâces mystiques : rapts dans l’esprit, visions imaginaires, visions
intellectuelles, etc. Elles sont classées par ordre croissant d’intensité,
autrement dit selon l’intensité des fruits qu’elles portent. Il y a
alternance entre les souffrances d’une l’absence ressentie, qui attisent le
désir de Dieu. Si nous n’avions pas le désir de Dieu la souffrance de son
absence serait nulle, mais plus nous avançons plus l’absence ressentie de Dieu
ressemble à un enfer. Le Seigneur permet que nous expérimentions la souffrance
de son absence pour élargir encore plus notre désir de recevoir son amour et de
l’aimer.
Dans l’épreuve revenir à l’humanité du Christ
Ce temps de fiançailles spirituelles s’apparente dans
les évangiles aux temps d’apparitions et de disparitions du Ressuscité avant
l’Ascension. Le Ressuscité est toujours présent mais les disciples perçoivent
cette présence bien différemment. Il y a des moments où c’est la joie de la
rencontre, puis vient la souffrance de son absence : c’est Jésus qui
décide d’apparaître comme il le veut, à qui il veut comme il veut, tout cela
pour éveiller et faire grandir la confiance et l’amour de ses disciples, quoi
qu’il arrive.
Dans le chapitre central des sixièmes demeures,
Thérèse est tentée de vouloir dépasser l’humanité du Christ, mais elle nous dit
combien c’est une erreur et qu’il faut au contraire y revenir très souvent, car
nous recevons vraiment tout dans le Christ incarné. Il faut donc bien au
contraire s’attacher fermement à l’humanité du Christ.
LES SEPTIÈMES DEMEURES : LE « MARIAGE SPIRITUEL »
Nous entrons dans les septièmes demeures : il n’y
a que quatre chapitres dans cette partie du livre, mais ils évoquent le but de
tout ce que nous avons déjà vécu par étapes pour arriver à l’union à Dieu.
C’est le terme du chemin pour tous et il faut insister sur un point : Dieu
n’a pas créé les hommes pour qu’ils s’arrêtent aux troisièmes, quatrièmes,
cinquièmes ou aux sixièmes demeures. Seuls quelques élus atteindraient les
septièmes. Tout le chemin est pour tout le monde. Tout le monde peut lire le Livre
des demeures et pourquoi ne pas lire ces quatre chapitres dès le
début ? Ils éclaircissent en effet le but vers lequel Dieu veut nous
conduire. Le ciel, c’est-à-dire la vie avec Dieu, n’est pas et ne sera jamais
une réalité statique ; elle est toujours dynamique, comme l’exprime si
bien Grégoire de Nysse : elle va « de commencement en commencement
par des commencements qui n’ont jamais de fin ». Dans la relation à Dieu,
nous continuerons d’aller sans cesse de crescendo en crescendo et d’expérimenter
une union à Dieu toujours plus unitive.
L’amour est concret, universel, il est divin. Dieu
aime tout le monde. La bonne nouvelle : Dieu aime les pécheurs
Ce mariage spirituel, qui fut accordé à Thérèse le 18
novembre 1572, est l’alliance avec Dieu autant qu’il est possible de le vivre
dans une vie terrestre. Thérèse utilisait l’image du mariage qui reste une
image limitée, mais qui exprime quelque chose de la profondeur de la communion
et aussi de l’aspect définitif de cette union. Pour elle, cela s’est passé 18
novembre 1572 : ce jour-là, elle reçoit une vision du Christ qui lui tend
un clou de sa Passion, en lui disant que désormais son honneur était celui de
Thérèse et que celui de Thérèse était sien. Qu’est-ce que c’est, l’honneur de
Jésus ? C’est le salut du monde ! Jésus a été crucifié, est ressuscité et
glorifié dans le but de sauver tous les hommes. « L’honneur de
Jésus » ce n’est pas seulement d’être le Fils du Père, c’est de sauver, de
mettre en œuvre le salut pour chacun. Thérèse y est associée.
Participer au désir de Dieu de sauver tous les hommes
Quand nous vivons aux septièmes demeures, nous ne nous
préoccupons plus de savoir si l’on est sauvé. Notre propre Salut ne nous
préoccupe plus : ce qui nous occupe, c’est comme Jésus de donner notre vie pour
le salut des autres. L’union à Dieu c’est cela : une participation profonde au
désir de Dieu de sauver tous les hommes. Paradoxalement les phénomènes mystiques
sont plus rares. Quand nous sommes pleinement unis à Dieu, nous vivons en
permanence avec ce souci, cet horizon du Salut des autres. C’est un engagement
très concret dans l’amour fraternel. C’est aussi convivial, c’est aussi
familial, c’est pour tout le monde : personne n’est exclu. L’amour est concret,
universel, il est divin. Dieu aime tout le monde. La bonne nouvelle : Dieu aime
les pécheurs. Le principal travail des pécheurs que nous sommes : y croire quoi
qu’il arrive.
Un nouveau désir de vivre
Lorsque nous sommes ainsi conduits à la fin du
voyage, nous pourrions penser que nous aspirons alors à quitter la vie
terrestre le plus vite possible. Il n’en est rien. Dans les sixièmes demeures,
Thérèse disait « je meurs de ne pas mourir ! » mais aux septièmes,
elle reçoit un nouveau désir de vivre et cela la surprend. Elle expérimente une
réconciliation profonde entre son engagement envers Dieu et ses tâches
terrestres. Le Ciel et la Terre sont comme unis à travers tout. Toutes les
réalités de la vie sont transformées et tout est perçu en Dieu : soi-même,
les autres, les tâches concrètes, etc. Rien n’est négligé. S’accomplit alors la
fameuse dernière invocation de la première partie du Notre-Père : « Que ta
volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » Or la volonté du Père,
c’est le salut de toute l’humanité. Et le salut l’humanité, c’est la foi, la
charité, la communion. Là s’opère la volonté du Père. La seule volonté du Père
c’est que nous vivions de son amour.
Tout cela ne veut pas dire que nous n’avons plus de
problèmes dans la vie concrète. Thérèse continue à vivre une vie humaine :
elle a des problèmes de santé, et d’autres dans bien des domaines. Quand nous
considérons la vie de Thérèse de 1572 à 1582, c’est tout sauf une partie de
plaisir ou du repos. Elle a traversé de nombreuses réalités concrètes liées à
la fondation de monastères, des problèmes relationnels… Mais une force lui a
été donnée pour les assumer : rien ne peut la freiner, rien ne peut lui
faire peur, car elle expérimente en tout que « Dieu seul suffit ».
Lire aussi :
Que
peut bien nous apporter une carmélite espagnole du XVIe siècle ?
Sainte Thérèse, vierge
Née en 1515, morte dans
la nuit historique du 4 au 15 octobre 1582 où entra en application la réforme
grégorienne du calendrier. Canonisée en 1622, fête en 1644.
Leçon des Matines (avant
1960)
Quatrième leçon. La
vierge Thérèse naquit à Avila, en Espagne, de parents illustres par leur
naissance et leur piété. Nourrie par eux du lait de la crainte de Dieu, elle
donna, dans un âge bien tendre, un merveilleux présage de sa sainteté future.
Car en lisant les actes des saints Martyrs et en les méditant, elle fut
tellement embrasée du feu de l’Esprit-Saint que, s’enfuyant de la maison
paternelle, elle voulut passer en Afrique, afin d’y donner sa vie pour la
gloire de Jésus-Christ et le salut des âmes. Son oncle paternel l’ayant
ramenée, elle compensa par des aumônes et d’autres œuvres de piété le souhait
ardent, [mais irréalisé,] du martyre, se plaignant avec des larmes continuelles
d’avoir été privée d’un si heureux sort. Sa mère étant morte, elle pria la très
sainte Vierge de lui montrer qu’elle était mère aussi, et son vœu fut exaucé,
car la Mère de Dieu la protégea toujours comme sa fille. En sa vingtième année,
elle entra chez les religieuses de Notre Dame du Mont-Carmel, où, pendant
dix-huit ans, elle fut affligée de très grandes maladies et agitée de diverses
tentations ; mais elle demeura ferme sous les armes de la pénitence
chrétienne, sans être soutenue par l’aliment de ces consolations célestes dont
la sainteté est ordinairement comblée même sur la terre.
Cinquième
leçon. Enrichie de vertus angéliques, Thérèse ne se contenta pas de
travailler à son propre salut, mais elle se dépensa pour celui de tous, avec
une charité pleine de sollicitude. C’est dans le but de le procurer que,
d’après l’inspiration de Dieu et avec l’approbation de Pie IV, elle proposa
d’abord aux femmes et ensuite aux hommes, l’observation de la règle plus
austère des anciens Carmes. Le Seigneur tout-puissant et miséricordieux daigna
bénir cette entreprise, car cette vierge, sans ressources, privée de toute
assistance humaine, ayant même le plus souvent contre elle les princes du
siècle, réussit à bâtir trente-deux monastères. Elle déplorait par des larmes
continuelles l’aveuglement des infidèles et des hérétiques ; et afin
d’apaiser la colère et de détourner la vengeance divine, elle offrait à Dieu,
pour leur salut, les tourments volontaires qu’elle infligeait à son corps. Son
âme était si embrasée du feu de l’amour divin, qu’elle mérita de voir un Ange
lui percer le cœur avec un dard à la pointe enflammée, et d’entendre
Jésus-Christ lui dire, en lui tendant sa main droite : Désormais, comme
une véritable épouse, tu brûleras de zèle pour mon honneur. Ce fut par son
inspiration qu’elle prononça le vœu si difficile de faire toujours ce qu’elle comprendrait
être le plus parfait. Elle a écrit plusieurs ouvrages remplis d’une sagesse
céleste, extrêmement propres à exciter les âmes des fidèles au désir de la
patrie d’en haut.
Sixième leçon. Or, tandis qu’elle donnait de constants exemples de vertus, elle brûlait d’un si anxieux désir de châtier son corps, que, quoique les maladies dont elle était affligée lui persuadassent le contraire, elle tourmentait souvent ses membres par des cilices, des chaînes, des poignées d’orties et par d’autres pénitences très rigoureuses ; parfois même elle se roulait sur des épines, et elle avait coutume de dire à Dieu : « Seigneur, ou souffrir ou mourir ; » estimant toujours qu’elle périssait d’une très déplorable mort, aussi longtemps qu’elle vivait éloignée de la fontaine céleste de la vie éternelle. Elle eut à un très haut degré le don de prophétie, et le Seigneur l’enrichissait de faveurs spéciales avec tant de largesse, qu’elle le priait souvent avec d’ardentes exclamations de mettre des bornes à ses divins bienfaits, et de ne pas effacer par un si prompt oubli le souvenir de ses fautes. Réduite à s’aliter lors de son arrivée à Albe, moins par la violence de la maladie que par l’effet de l’amour divin dont elle ne pouvait plus supporter l’incendie, ayant prédit le jour de sa mort, reçu les sacrements de l’Église, et exhorté ses filles à la paix, à la charité ainsi qu’à l’observance régulière, Thérèse rendit à Dieu son âme très pure, [qu’on vit s’élever vers le ciel] sous l’aspect d’une colombe ; elle avait vécu soixante-sept ans, et c’était l’an mil cinq cent quatre-vingt-deux, le quinze octobre, selon la réformation du calendrier romain. A ses derniers moments, Jésus-Christ lui apparut au milieu des troupes d’anges, et un arbre desséché, proche de sa cellule, refleurit tout à coup. Le corps de Thérèse, demeuré jusqu’à ce jour exempt de corruption, répand une liqueur odoriférante et est l’objet d’une pieuse vénération. D’éclatants miracles l’ont glorifiée avant comme après sa mort, aussi Grégoire XV l’a-t-il mise au nombre des Saints.
die 15 octobris
SANCTÆ TERESIÆ
Virginis
III classis (ante CR
1960 : duplex)
Missa Dilexísti,
de Communi Virginum III loco, præter orationem sequentem :
Oratio
Exáudi nos, Deus,
salutáris noster : ut, sicut de beátæ Terésiæ Vírginis tuæ festivitáte
gaudémus ; ita cæléstis eius doctrínæ pábulo nutriámur, et piæ devotiónis
erudiámur affectu. Per Dóminum nostrum.
le 15 octobre
SAINTE THÉRÈSE
Vierge
IIIème classe (avant
1960 : double)
Messe Dilexísti,
du Commun des Vierges III, sauf l’oraison suivante :
Collecte
Exaucez-nous, ô Dieu, qui
êtes notre salut, et faites que, célébrant avec joie la fête de la bienheureuse
Thérèse, votre Vierge, nous soyons nourris du pain de sa céleste doctrine et
formés aux sentiments d’une piété fervente.
SOURCE : http://www.introibo.fr/15-10-Ste-Therese-vierge
Livio Mehus. Saint Pierre d'Alcántara donnant la communion à
sainte Thérèse d’Avila, 1683, Museo dell'Opera del Duomo
Sainte Thérèse d'Avila
Docteur de l'église
catholique
article du Dictionnaire
de Théologique Catholique
THÉRÈSE DE JÉSUS
(SAINTE), réformatrice du Carmel et écrivain (1515-1582). – On étudiera la
sainte, la réformatrice (col. 561), la fondatrice (col. 563) et l’écrivain
mystique (col. 566).
I. LA SAINTE. – Il y a
intérêt à distinguer deux périodes dans la vie de sainte Thérèse : celle qui a
précédé l’élévation habituelle de la sainte aux états mystiques, qui se termine
en 1558 (Thérèse a 43 ans), et celle qui l’a suivie, de 1558 à 1582, date de sa
mort. Dans la première nous sommes les témoins de son ascension progressive
vers la perfection et dans la deuxième nous la voyons vivre dans les états
mystiques et en même temps se livrer tout entière à l’œuvre de la réforme du
Carmel et de la fondation de ses monastères de carmélites.
De la première partie de
la vie de sainte Thérèse trois faits surtout retiendront l’attention de
l’historien : la " conversion ", la maladie au début de la vie
religieuse et l’utilisation de l’oraison comme moyen de sanctification.
1° La conversion. – A
l’époque de la jeunesse de sainte Thérèse, avant son entrée dans la vie
religieuse, y eut-il conversion proprement dite, c’est-à-dire passage de l’état
de péché mortel à l’état de grâce ? Les circonstances où sainte Thérèse aurait
pu pécher gravement sont les suivantes. Née le 28 mars 1515 à Avila, dans une
famille bien chrétienne, Thérèse eut une enfance très pieuse. Vers l’âge de
douze ans elle se livre avec avidité à la lecture des romans de chevalerie si
répandus alors en Espagne, lecture " qui fit le plus de tort à son âme
", dit Thérèse, Vie, c. II. Après la mort de mère – Thérèse avait treize
ans – laissée sans surveillance attentive, elle reçut fréquemment la visite de
" plusieurs cousins germains ", qui lui parlaient " de leurs
inclinations et autres enfantillages qui n’avaient rien de bon ". Vie,
ibid. Enfin, la fréquentation d’une parente, qui " était des plus légères
" et " compagnie dangereuse ", mit Thérèse en grave péril
d’offenser Dieu. Mais elle ne fit rien qui fût contraire à l’honneur. "
Sur ce point, j’étais, ce me semble, dit-elle, inébranlable. " Ibid. Après
sa grande maladie et étant religieuse depuis plusieurs années, Thérèse connut
une autre période d’infidélité, où l’esprit mondain pénétra son âme. Thérèse
déclare qu’elle éprouvait un véritable effroi en pensant qu’elle s’était
exposée à de " grands périls " pour son âme pendant ce temps de dissipation.
Vie, c. V, VII.
Selon l’estimation des biographes de sainte Thérèse, ces fautes, qu’elle se reproche si sévèrement, ne constituent pas des péchés mortels. Lorsqu’elle composa le livre de sa Vie, en 1562, elle était arrivée aux états mystiques. Elle avait des lumières très vives sur la malice du péché. Elle était donc portée à exagérer la culpabilité des fautes commises trente ans plus tôt : " Quelque soin qu’elle ait pris d’exagérer ses infidélités, écrit de Villefore, le vice ne donna jamais d’atteinte mortelle à son innocence et tout se réduisit à des transgressions et à des légèretés qu’il ne faut nullement dissimuler, mais aussi qui ne doivent pas être empoisonnées. " La Vie de sainte Thérèse tirée des auteurs originaux espagnols et des historiens contemporains, Paris, 1748, t. I, p. 14. Ribera ramène les péchés de Thérèse à des fautes d’imprudence : " Pour mon regard, dit-il, je pense que ses péchés ne furent point autres sinon se mettre et exposer au danger de faire quelque péché ou d’en commettre de griefs par telle conversation, devis et familiarités qu’elle avait avec telles personnes. " La Vie de la Mère Thérèse de Jésus, fondatrice des Carmes déchaussés, trad. franç., Paris, 1645, t. I, c. VII.
Le pape Grégoire XV, dans
la bulle de canonisation de Thérèse du 12 mars 1622, a solennellement
sanctionné les vues des biographes : Inter cæteras ejus virtules… integerrima
effulsit castitas, quam adeo eximie coluit, ut non solum propositu virginitatis
servandæ a pueritia conceptum usque ad mortem perducerit, sed omnis expertem
maculæ angelicam in corde et corpore servaverit puritatem. Le P. Bouix est si
persuadé que la sainte exagère ses fautes qu’il n’hésite pas à changer, dans sa
traduction de la Vie, les passages très affirmatifs où elle en parle. Au début
de la vision de l’enfer, Vie, c. XXXII, Thérèse écrit : " Je compris que
Dieu voulait me montrer la place que les démons m’y avaient préparée [dans
l’enfer] et que j’avais méritée par mes péchés. " Œuvres complètes de
sainte Thérèse, trad. des carmélites de Paris, t. II, 1907, p. 1. (Traduction
que je citerai toujours.) Bouix modifie la phrase ainsi : " Je compris que
Dieu voulait me faire voir la place que les démons m’y avaient préparée, et que
j’aurais méritée par les péchés, où je serais tombée si je n’avais changé de
vie. " Œuvres de sainte Thérèse, traduites d’après les manuscrits
originaux, t. I, Paris, 1859, p. 400.
Thérèse, elle, paraît
convaincue – son texte le prouve – qu’elle a offensé dieu gravement. Cette
conviction a exercé une réelle influence sur sa sanctification. Elle lui a
inspiré une profonde humilité. Dans le prologue de sa Vie elle s’exprime ainsi
: " On m’a donné l’ordre d’écrire ma manière d’oraison… J’aurais bien
voulu qu’on m’eût également laissée libre de faire connaître clairement, et
dans tous leurs détails, mes grands péchés et ma triste vie. C’eût été pour moi
une joie bien vive, mais on s’y est refusé et l’on m’a même imposé sur ce point
beaucoup de réserves. Ainsi je conjure, pour l’amour de Dieu, ceux qui liront
cette relation, de ne jamais oublier combien ma vie a été coupable. "
Œuvres complètes, t. I, p. 41. Elle revient, pour la regretter, sur cette
interdiction de préciser ses fautes aux c. V, VII, X de sa Vie. Au c. V, elle
parle de la contrition qu’elle eut dans la confession faite durant sa grande
maladie : " Cette contrition, dit-elle, eût été suffisante pour assurer
mon salut, quand bien même Dieu ne m’aurait pas tenu compte de l’erreur où
m’avaient engagée certains confesseurs, en m’assurant qu’il n’y avait point de
péché mortel là où je reconnus ensuite, d’une manière positive, qu’il existait
réellement. " Ibid., p. 85. Le P. Bouix, on le devine, atténue fortement
ces passages.
Le sentiment de la
crainte fut aussi renforcé dans l’âme de Thérèse par cette conviction d’avoir
péché gravement : " Oui, en vérité, dit-elle, au sujet de sa jeunesse,
arrivée à cet endroit de ma vie, j’éprouve un tel effroi en voyant de quelle
manière Dieu me ressuscita en quelque sorte, que j’en suis, pour ainsi dire, toute
tremblante… O mon âme ! Comment n’as-tu pas réfléchi au péril dont le Seigneur
t’avait délivrée ? Et si l’amour ne suffisait pas pour te faire éviter le
péché, comment la crainte ne te retenait-elle point ? Car enfin, la mort aurait
pu mille fois te frapper dans un état plus dangereux encore. Et, en disant
mille fois, je n’exagère, je crois, que de bien peu. " Vie, c. V, ibid.,
p. 86.
Cette grande crainte
influa sûrement sur sa détermination à la vie religieuse : " Je me disais
avec frayeur que la mort m’eût trouvée sur le chemin de l’enfer. Je n’avais pas
encore d’attrait pour la vie religieuse, cependant je voyais que c’était l’état
le plus excellent et le plus sûr, et peu à peu je me décidai à me faire
violence pour l’embrasser. Ce combat dura trois mois… C’était moins l’amour, ce
me semble, que la crainte servile qui me poussait à choisir cet état de vie.
" Vie, c. III, ibid., p. 61-62.
" La voie de la
crainte n’est pas celle qui convient à mon âme ", dira plus tard Thérèse.
Vie, c. XXXII, t. II, p. 4. La crante chez elle ne tarda pas à être "
absorbée dans l’amour ". Vie, c. VI, t. I, p. 91. Cependant la crainte
filiale ne fut jamais absente de son âme. Vie, c. XV, p. 199. Ce n’était pas
" la crainte du châtiment ", mais celle de perdre le Seigneur en l’offensant.
Vie, c. XXXVII, t. II, p. 95. Dans Le chemin de la perfection, Thérèse
recommande instamment à ses filles d’avoir cette crainte dans le cœur. Le
" moyen de vivre sans trop d’alarme " au milieu du combat, "
c’est, dit-elle, l’amour et la crainte. L’amour nous fera hâter notre marche,
la crainte nous fera regarder où nous posons le pied, afin d’éviter les chutes
". C. XL, t. II, p. 288. " La crainte doit toujours avoir le premier
pas. " C. XLI, p. 300. Vers la fin de sa vie, alors qu’elle était élevée
au mariage spirituel depuis plusieurs années, elle parle encore de la crainte.
Lorsqu’on songe, dit-elle, " à certains personnages que l’Ecriture
mentionne comme ayant été favorisés de Dieu, un Salomon, par exemple, qui a eu
tant de communications " avec Dieu, on ne peut " s’empêcher de
craindre. Ainsi, mes sœurs, que celle d’entre vous qui se figurerait être le
plus en sûreté, soit celle qui craigne davantage ". Château intérieur, 7e
dem., c. IV, t. VI, p. 305-306. Cette craint était aussi motivée par la période
d’infidélité qui suivit sa grande maladie. Elle était religieuse, dans le
monastère de l’Incarnation, depuis plusieurs années et cependant elle fut en
grand danger d’offenser Dieu. Vie, c. VII. Même dans la vie religieuse la
sécurité n’est pas complète : " Quant à la sécurité, n’y comptons pas en
cette vie, disait Thérèse à ses sœurs ; elle nous serait même très dangereuse.
" Chem. De la perf., c. XLI, t. V, p. 301.
2° La maladie du début. –
Quelle est la nature de la maladie dont souffrit Thérèse au début de sa vie
religieuse ? – Pour essayer de la caractériser il faut tout d’abord en examiner
les causes et ensuite la décrire d’après les témoignages de la sainte.
Les circonstances qui
précèdent l’entrée de Thérèse au carmel de l’Incarnation, à Avila, semblent
avoir été une épreuve pour sa santé. La précipitation avec laquelle son père,
inquiet de la " vie frivole " de sa fille, décida de l’envoyer comme
pensionnaire au couvent des augustines d’Avila, l’impressionna. Elle lui fit
craindre d’avoir nui à sa réputation : " Les huit premiers jours,
dit-elle, me furent très pénibles, beaucoup moins par l’ennui de me trouver
dans cette maison, que par la crainte de voir ma vaine conduite mise au grand
jour. " Vie, c. II, p. 56. Lorsque la pensée d’être religieuse s’empara de
son âme, ce fut durant trois mois un rude combat, qui altéra ses forces
physiques, entre son " aversion pour l’état religieux " et les
aspirations à cet état qui naissaient en elle. Quoique décidée à faire la
volonté de Dieu, " pourtant, dit-elle, je redoutais encore la vocation
religieuse et j’eusse bien désiré que Dieu ne me la donnât point ". Vie,
c. III, p. 59. Durant cette lutte intérieure elle avait été " saisie de
grandes défaillances, accompagnées de fièvres ". Car sa santé " laissait
toujours beaucoup à désirer ". Ibid., p. 62.
La décision prise
d’entrer dans la vie religieuse fut exécutée par Thérèse avec une énergie et
une fermeté d’âme peu ordinaires. Mais la violence qu’elle dut se faire ne
laissa pas d’avoir de profondes répercussions sur son être physique. Elle
partit malgré son père opposé à sa vocation : " Quand je quittai la maison
de mon père, écrit-elle, j’éprouvai une douleur si excessive que l’heure de la
mort ne peut, je pense, m’en réserver de plus cruelle. Il me semblait sentir
mes os se détacher les uns des autres. Le sentiment de l’amour divin n’étant
pas assez fort pour contrebalancer celui que je portais à mon père et à mes
proches, j’étais obligée de me faire une incroyable violence et, si Dieu ne fût
venu à mon aide, toutes mes considérations n’auraient pas été suffisants pour
me faire passer outre. Mais en cet instant, il me donna le courage de me
vaincre, et je vins à bout de mon entreprise. " Vie, c. IV, p. 66.
Thérèse fut heureuse
pendant son noviciat. Elle déclare cependant avoir éprouvé " de grands
troubles pour des choses en elles-mêmes peu importantes ". Vie, c. V, p.
76. Troubles assez fréquents, sans doute, chez les novices. Après sa
profession, où elle goûta une " joie si vive ", la santé de Thérèse
déclina : " Ma santé, dit-elle, souffrit du changement de vie et de
nourriture. Mes défaillances augmentèrent, et je fus saisie de douleurs de cœur
si aiguës qu’on ne pouvait me voir sans en être effrayé… Telle était la gravité
de mon état, que je me voyais continuellement sur le point de perdre
connaissance, et parfois je la perdais effectivement. " Vie, c. IV, p. 69.
Thérèse, à la demande de son père, s’absenta du monastère pendant un an pour se
soigner. Dieu la réconforta dans cette épreuve en lui accordant "
l’oraison de quiétude et parfois même celle d’union ". Vie, c. IV, p. 72.
Elle fut conduite chez la célèbre empirique de Bécédas qui devait, pensait-on,
la guérir facilement. Le traitement dura trois mois et aggrava la maladie au
lieu de la faire disparaître. C’est ici le commencement de la grande crise qui
se prolongea, avec des intermittences, pendant " près de trois ans ".
Vie, c. VI, p. 88. Le récit que fait Thérèse de son entrée dans la vie
religieuse et de ses deux premières années au couvent de l’Incarnation, nous
laisse supposer qu’une profonde dépression nerveuse s’était produite en elle.
Elle décrit avec
précision ce qu’elle souffrit à Bécédas et après : " Mon séjour en ce
lieu, dit-elle, fut de trois mois. J’y endurais d’indicibles souffrances, le
traitement qu’on me fit suivre étant trop violent pour mon tempérament. Au bout
de deux mois, à force de remèdes, on m’avait presque ôté la vie. Les douleurs
causées par la maladie de cœur dont j’étais allée chercher la guérison étaient
devenues beaucoup plus intenses. Il me semblait par moments qu’on m’enfonçait
dans le cœur des dents aiguës. On finit par craindre que ce ne fût de la rage.
A la faiblesse excessive – car un dégoût extrême me mettait dans
l’impossibilité d’avaler autre chose que des liquides – à une fièvre continue,
à l’épuisement causé par les médecines que j’avais prises tous les jours durant
près d’un mois, vint se joindre un feu intérieur si violent que mes nerfs
commencèrent à se contracter, mais avec des douleurs si insupportables que je
ne pouvais trouver de repos ni de jour ni de nuit. " Ajoutez à cela une
tristesse profonde. " Voilà ce que j’avais gagné, lorsque mon père me
ramena chez lui. Les médecins me virent de nouveau. Tous me condamnèrent,
disant qu’indépendamment des maux que je viens de dire, j’étais atteinte de
phtisie. Cet arrêt me laissa indifférente, absorbée que j’étais par le
sentiment des souffrances qui me torturaient également des pieds à la tête. De
l’aveu des médecins, les douleurs de nerfs sont intolérables et, comme chez moi
leur contraction était universelle, j’endurais un cruel martyre. La souffrance,
à ce degré d’intensité, ne dura pas plus de trois mois, me semble-t-il ; mais
on n’aurait jamais cru qu’il fût possible de supporter tant de maux réunis.
Aujourd’hui je m’en étonne moi-même, et je regarde comme une grande faveur de
Dieu la patience qu’il m’accorda. " Vie, c. V, p. 82-83.
" La fête de
l’Assomption de Notre-Dame arriva. Mes tortures duraient depuis le mois
d’avril, plus intenses cependant les trois derniers mois. Je demandais
instamment à me confesser… On crut que ce désir m’était inspiré par la frayeur
de la mort, et mon père, pour ne pas m’alarmer, ne voulut pas le satisfaire…
Cette nuit-là même, j’eus une crise qui me laissa sans connaissance pendant
près de quatre jours. Je reçus en cet état l’extrême-onction. A chaque heure, à
chaque moment, on croyait me voir expirer, et l’on ne cessait de me dire le
Credo, comme si j’eusse pu comprendre quelque chose. Parfois même on me crut
morte, au point qu’on laissa couler sur mes paupières de la cire que j’y
trouvais ensuite. Mon père était au désespoir de ne m’avoir pas permis de me
confesser… Dans mon monastère, la sépulture était ouverte depuis un jour et
demi, attendant mon corps, et dans une autre ville les religieux de notre ordre
avaient déjà célébré à mon intention un service funèbre, quand le Seigneur
permit que je revinsse à moi. " Ibid., p. 84-85.
" Au sortir de cette
crise de quatre jours, je me trouvais dans un état lamentable. Dieu seul peut
savoir les intolérables douleurs auxquelles j’étais en proie. J’avais la langue
en lambeaux à force de l’avoir mordue, la gorge tellement resserrée par suite
de l’absence d’aliments et de l’extrême faiblesse, que je suffoquais et ne
pouvais même pas avaler une goutte d’eau. Tout mon corps paraissait disloqué,
ma tête livrée à un désordre étrange. Mes membres contractés étaient ramassés
en peloton, par suite de la torture des jours précédents. A moins d’un secours
étranger, j’étais aussi incapable de remuer les bras, les pieds, les mains, la
tête, que si j’eusse été morte : j’avais seulement, me semble-t-il, la faculté
de mouvoir un doigt de la main droite. On ne savait comment m’approcher, toutes
les parties de mon corps étant tellement endolories que je ne pouvais supporter
le moindre contact. Pour me changer de position, il fallait se servir d’un drap
que deux personnes tenaient, l’une d’un côté, l’autre de l’autre.
" Cette situation se
prolongea jusqu’à Pâques-fleuries [Dimanche des Rameaux] avec cette seule
amélioration que souvent, lorsqu’on s’abstenait de me toucher, mes douleurs se
calmaient. Un peu de répit, à mes yeux, c’était presque la santé. Je craignais
que la patience ne m’échappât : aussi je fus charmée de voir les douleurs
devenir moins aiguës et moins continuelles. Pourtant, j’en éprouvais encore
d’insupportables lorsque venaient à se produire les frissons d’une fièvre
double-quarte très violente qui m’était demeurée. Mon dégoût de la nourriture
restait aussi accentué.
" Il me tardait à
tel point de retourner à mon monastère que je m’y fis transporter en cet état.
On reçut donc en vie celle qu’on attendait morte, mais le corps en pire état
que s’il eût été privé de vie ; sa seule vue inspirait la compassion.
Impossible de dépeindre l’excès de mon épuisement : je n’avais que les os.
Cette situation, je le répète, dura près de huit mois. Quant à la contraction
des membres, malgré une amélioration progressive, elle se prolongea près de
trois ans. Quand je commençais à l’aide des genoux et des mains, j’en remerciai
Dieu avec effusion. " Vie, c. VI, p. 87-88. Sa patience fut admirable :
" Dieu aidant, dira-t-elle, j’endurais patiemment de cruelles maladies.
" Vie, c. XXXII, t. II, p. 6.
Cette longue citation
était nécessaire pour avoir sous les yeux tous les détails, donnés par Thérèse,
sur sa maladie. Celle-ci est évidemment à forme nerveuse : contraction violente
des membres du corps, spasmes du cœur, suppression apparente, et une fois
prolongée, de la vie par la suspension de la sensibilité extérieure et du
mouvement volontaire ou catalepsie. La forte crise fut précédée de "
défaillances " physiques assez fréquentes et même de pertes de
connaissance. Vie, c. IV, p. 69. Sainte Thérèse paraît convaincue de ce
caractère nerveux. La cessation progressive de la paralysie et des autres
malaises, sans emploi de remède, confirme cette conviction. Thérèse eut
recours, il est vrai, à la prière pour obtenir sa guérison. Vie, c. VI, p. 91.
Thérèse n’obtint cependant pas une guérison subite mais plutôt lente. Voici son
témoignage se rapportant aux années de sa vie qui suivirent la grande crise :
" Bien remise de la terrible maladie dont j’ai parlé, j’en avais et j’en
ai encore [des infirmités] de bien fâcheuses. Depuis peu, il est vrai, elles
ont diminué d’intensité ; cependant, j’en souffre de bien des manières. Durant
vingt ans, en particulier, j’ai eu tous les matins des vomissements… Il est
très rare, ce me semble, que je n’éprouve à la fois des souffrances de diverses
natures, et par moment bien intenses, celles du cœur par exemple. Seulement ce
mal, qui autrefois était continuel, ne se fait plus sentir que de loin en loin.
Quant à ces rhumatismes aigus et à ces fièvres qui m’étaient si ordinaires,
j’en suis délivrée depuis huit ans. " Vie, c. VII, p. 106. Sainte Thérèse
écrivait ceci en 1565, une quinzaine d’années après la grande maladie.
On a cru pouvoir
qualifier d’hystérique la grande maladie de Thérèse. Ce mot doit être écarté,
car sa signification, même atténuée, reste péjorative. Il est synonyme de
déséquilibre foncier, donc durable, à la fois physique et mental. Or, cette
maladie qui vient d’être décrite ne tient pas de l’état constitutif de la
sainte. Elle fut, dans la vie de Thérèse, un accident passager, bien localisé
durant trois années de sa vie et qui ne se reproduisit plus. Nous en avons
discerné et énuméré les causes extérieures immédiates. Et d’ailleurs, d’après
ce que nous savons du tempérament de la sainte, il n’y avait en lui aucune tare
héréditaire chronique. Tous ses biographes font ressortir les qualités
naturelles de Thérèse. Il y avait, en elle, écrit Ribera, " un naturel
excellent si enclin de soi à [la] vertu, un entendement clair et fort capable,
une grande prudence et quiétude, un courage pour entreprendre [de] grandes
choses et industrie et manière pour les accomplir, une persévérance et force
pour ne s’y lasser point, et une grande force et grande grâce en son parler,
que si on l’eût laissée faire des discours de vertu, elle eût pu facilement
gagner beaucoup d’âmes à Dieu. " La Vie de la Mère Thérèse de Jésus, tr.
fr., Paris, 1645, l. I, c. V, p. 42. Son ferme bon sens dans l’appréciation de
toutes choses, ses qualités d’écrivain, la sagesse de sa mystique et son œuvre
de réformatrice du Carmel et de fondatrice de monastères sont incompatibles
avec un tempérament hystérique et une psychologie maladive comme celle des
anormaux.
Ce que nous savons de la
constitution physique et mentale de la sainte cadre avec le caractère
accidentel et passager de sa maladie nerveuse. Névrose, " état de
nervosisme grave ", si l’on veut, mais ne provenant pas d’une altération
complète de l’être physique et mental, comme le prouve surabondamment la vie de
Thérèse postérieure à la crise. On peut comparer cette névrose à celle dont M.
Olier souffrit pendant deux années. Le tempérament sanguin du fondateur du
Saint-Sulpice ne le prédisposait pas, lui non plus, à cette névrose, bien
circonscrite par ailleurs, dans la durée et qui n’eut pas de suites. Cf. P.
Pourrat, Jean-Jacques Olier, Fondateur du Saint-Sulpice (Coll. les Grands
Cœurs), p. 80 sq. Les années postérieures à ces accidents de santé furent, pour
sainte Thérèse et pour M. Olier, les plus actives et les plus fécondes de leurs
vies. L’hystérie, tare congénitale, ne saurait rien produire de semblable. Cf.
A. Farges, Les phénomènes mystiques distingués de leurs contrefaçons humaines
et diaboliques, Paris, 1923, t. II, p. 192 sq. ; J. de Tonquédec, Les maladies
nerveuses ou mentales et les manifestations diaboliques, c. III, L’hystérie, Paris,
1938. Dans le plan providentiel, ces névroses fortuites sont, sans doute, des
moyens dont Dieu se sert pour purifier intensément les saintes âmes. Sainte
Thérèse, parlant des purifications préparatoires au mariage spirituel,
s’exprime ainsi : " Le Seigneur envoie alors d’ordinaire de très grandes
maladies. C’est là un tourment supérieur au précédent [les critiques et les
moqueries], surtout si les douleurs qu’on éprouve sont aiguës. A mon avis,
quand ces douleurs se font sentir avec intensité, c’est en quelque sorte le
plus grand que l’on puisse endurer ici-bas : je parle des tourments extérieurs
et du cas où les douleurs atteignent un degré excessif. " Château, 6e
dem., c. I, t. VI, p. 171. Les peines intérieures sont, en effet, plus
douloureuses encore. Thérèse fait ici allusion à sa grande maladie et semble la
considérer comme une préparation aux états mystiques. Cf. Grégoire de
Saint-Joseph, La prétendue hystérie de sainte Thérèse, Lyon, 1895 ; Dr Groix,
Les extases de sainte Thérèse, dans Annales de philosophie chrétienne, mai-juin
1896 ; P. de San, Etude pathologico-théologique sur sainte Thérèse, Louvain,
1886.
Les écrivains catholiques
qui croient pouvoir qualifier d’hystériques certains phénomènes de la vie de
sainte Thérèse ne rejettent pas pour cela l’authenticité de ses états
mystiques. Cf. Guillaume de Hahn, Les phénomènes hystériques et révélations de
sainte Thérèse, dans Revue des questions scientifiques, Bruxelles, 1883, mis à
l’index le 1er décembre 1885. A tort ou à raison, ils croient possible la
conciliation des deux, ce qui nous paraît toutefois impossible. Il n’en est pas
de même pour ceux qui nient le caractère surnaturel et divin de tout état
mystique. Selon H. Delacroix, l’évolution mystique de sainte Thérèse est un
produit de " son activité subconsciente ", préparé " par cet
" état de nervosisme grave " que même les plus prévenus de ses
biographes sont contraints de reconnaître ". Deux étapes dans cette
évolution. Dans la première, celle de " l’excitation des images mentales
", Thérèse arrive à croire à la présence du Dieu mystique en elle,
présence rare d’abord, ensuite continue. Dieu prit ainsi " possession de
tous les états " de son âme et la dirigea par sa " parole intérieure
". Puis il s’opéra en Thérèse " comme un dédoublement " – c’est
la deuxième étape – " certaines images s’exaltèrent et s’extériorisèrent :
la parole intérieure s’objectiva, lui sembla venir d’un étranger… à qui elle
les rapportait. " Ce furent d’abord des paroles qui vinrent du dehors,
ensuite les visions. " Ainsi, pendant que se déroulait l’évolution interne
qui réalisait en elle le Dieu confus, le divin au-delà de toute forme, il
s’organisait au-dehors le Dieu objectivé, le Dieu qui parle et qu’on voit, le
Dieu qui est le Dieu de l’Ecriture. " Les grands mystiques chrétiens
(Bibl. de phil. contemp.), nouv. édit., 1938, p. 72-75. Vouloir expliquer les
faits mystiques par l’activité subconsciente, par " l’irruption des
phénomènes subconscients dans la personnalité ordinaire ", c’est faire
preuve d’incompréhension, c’est prendre pour des états qui peuvent être parfois
morbides les manifestations les plus hautes des communications de Dieu avec
l’âme humaine. Conséquence du préjugé rationaliste qui rejette la réalité
objective du surnaturel et du divin.
3° L’oraison comme moyen
de sanctification. – Sainte Thérèse est l’apôtre de l’oraison mentale, elle en
est aussi, on peut dire, le docteur. Elle a retiré, la première, les plus
précieux avantages de cet exercice. Aussi est-ce avec les accents d’une
éloquence entraînante qu’elle en recommande la pratique aux autres.
Chez les augustines, elle
récitait " beaucoup de prières vocales ". La lecture méditée des
livres de piété lui fit comprendre, avant son entrée dans la vie religieuse,
" la vanité de tout ce qui est ici-bas, le néant du monde, la rapidité
avec laquelle tout passe ". " J’avais pris goût aux bons livres,
dit-elle, ils me donnèrent la vie. Je lisais les épîtres de saint Jérôme et j’y
puisais tant de courage, que je me décidai à m’ouvrir à mon père de ma vocation
religieuse ". Vie, c. III, p. 59, 62.
La vie d’oraison
proprement dite sainte Thérèse commença à son entrée au monastère de
l’Incarnation d’Avila. La méthode qu’elle suivait alors et les fruits qu’elle
retirait de cet exercice sont exposés longuement dans la Vie. Elle se servit
d’un livre pendant près de vingt ans : " Je n’osais, dit-elle, faire
oraison sans un livre. L’aborder sans ce secours causait à mon âme autant
d’effroi qu’un combat à soutenir contre une multitude ennemie. " Vie, c.
IV, p. 74. Elle ne pouvait faire l’oraison discursive, car Dieu ne lui avait
pas " donné le talent de discourir avec l’entendement ", ni celui de
se " servir utilement de l’imagination ". Ibid., p. 72. Aussi
recommande-t-elle beaucoup l’usage d’un livre aux personnes qui souffrent de
cette impuissance. Ibid., p. 73.
Sainte Thérèse faisait
ordinairement l’oraison affective où il y a peu de raisonnements. " Ne
pouvant discourir avec l’entendement, je cherchais à me représenter
Jésus-Christ au-dedans de moi. Je me trouvais bien surtout de le considérer
dans les circonstances où il a été le plus délaissé ; il me semblait que, seul
et affligé, il serait, par sa détresse même, plus disposé à m’accueillir.
" Vie, c. IX, p. 128. Le point capital de l’oraison n’est pas " le travail
de l’entendement ". " L’avancement de l’âme ne consiste pas à penser
beaucoup mais à aimer beaucoup. " Fondations, c.V, t. III, p. 97-98.
L’impuissance à faire
l’oraison discursive expose aux distractions et aux sécheresses. Les premières
se combattent par l’usage du livre. Mais les autres doivent être subies. Sainte
Thérèse parle des " grandes sécheresses " que lui " causait
cette impuissance à discourir ". Vie, c. IV, p. 73. A cause de cela "
et pendant des années, dit-elle, j’étais plus occupée du désir de voir la fin
de l’heure que j’avais résolu de donner à l’oraison, plus attentive au son de
l’horloge qu’à de pieuses considérations. " Elle devait vaincre sa
répugnance, parfois extrêmement vive, pour entrer à l’oratoire où elle faisait
son oraison. Vie, c. VIII, p. 122. Si elle insiste tant sur les difficultés
qu’elle a rencontrées elle-même dans la pratique de l’oraison, c’est pour
encourager ceux qui en souffriraient et les empêcher d’abandonner un exercice
qui est " la porte par où pénètrent dans l’âme les grâces de choix ".
Vie, c. VIII, p. 124.
Elle n’hésite pas à dire
que, pendant une année, elle abandonna l’oraison, afin de faire éviter ce
malheur à d’autres. Elle était cependant appelée à une oraison sublime !
Pendant les vingt années d’oraison difficile, elle fut gratifiée, en quelques
circonstances, de " l’oraison de quiétude " et " quelquefois
même " de " celle d’union ". Vie, c. IV, p. 72. Il y eut donc,
dans sa vie, une infidélité qui explique cet abandon.
Cette circonstance de la
vie de Thérèse est instructive et mérite d’être remarquée. Ce ne fut pas la
violence qu’elle devait s’imposer pour se recueillir malgré les distractions,
les sécheresses et les aridités qui la détourna de l’oraison. Ce fut la
dissipation dans laquelle elle vécut après sa grande maladie. La coexistence
dans une âme, disent les auteurs spirituels, de la pratique habituelle de
l’oraison mentale et d’une vie de péché est impossible. Ou bien l’âme se
convertira ou bien elle laissera l’oraison. Il semble, en effet, qu’il y ait
une contradiction intolérable pour une âme que de se recueillir chaque jour en
présence de Dieu pendant le temps de l’oraison, et rester cependant dans le
péché. Sans doute, sainte Thérèse ne commit pas des péchés graves. Elle était
portée à les croire tels cependant : " J’en vins à m’exposer à de si
grands périls et à livrer mon âme à de telles frivolités que j’avais honte de
m’approcher de Dieu par cet intime commerce d’amitié qui s’appelle l’oraison.
" Le démon put facilement " sous prétexte d’humilité " lui
tendre le piège et lui persuader qu’une " personne qui méritait d’habiter
avec les démons ne devait pas faire oraison mentale et entretenir des relations
si intimes avec Dieu ". Vie, c. VII, p. 97-98. La conviction de la sainte
qu’elle péchait gravement fut ici nuisible à sa vie spirituelle. L’autre raison
qu’elle donne de l’oraison est bien secondaire : " A mesure que mes fautes
augmentaient, je ne trouvais plus dans les choses de la piété le même goût, la
même douceur. " Ibid., p. 97. Elle avait bien souvent déjà triomphé de ce
dégoût. Elle en aurait sûrement triomphé encore s’il eût été seul à la
détourner de l’oraison.
Sainte Thérèse reprit
l’oraison après la mort de son père, grâce à l’exhortation d’un dominicain, le
P. Baron. Désormais cet exercice va élever son âme aux sommets de la
perfection. Dans la lutte qui se livra alors en elle-même entre Dieu et
l’esprit du monde, le rôle de l’oraison fut capital. Toujours la même
alternative : ou abandonner l’oraison ou abandonner le monde : " La vie
que je menais, dit-elle, était extraordinairement pénible, car l’oraison me
faisait comprendre mes fautes. D’un côté, Dieu m’appelait ; de l’autre je
suivais le monde. Je trouvais beaucoup de joie dans les choses de Dieu, et
celles du monde me tenaient captive. Je voulais, ce semble, allier ces deux
contraires, si ennemis l’un de l’autre : d’une part, la vie spirituelle avec
ses consolations, de l’autre les divertissements et les plaisirs des sens. Je
souffrais beaucoup dans l’oraison, parce que l’esprit, au lieu d’être le
maître, se trouvait esclave. Je ne pouvais me renfermer au-dedans de moi-même,
ce qui était toute ma méthode d’oraison, sans y renfermer en même temps mille
futilités. Bien des années s’écoulèrent ainsi, et je m’étonne maintenant
d’avoir pu supporter un pareil combat sans abandonner l’un ou l’autre. Mais, ce
que je sais très bien, c’est qu’il n’était plus en mon pouvoir de renoncer à
l’oraison, parce que Celui-là me retenait qui me voulait à lui afin de
m’accorder de plus grandes faveurs. " Vie, c. VII, p. 111-112.
Notre-Seigneur punissait
à sa manière les fautes de Thérèse " par de souverains délices ".
" Avec ma nature, dit-elle, il m’était incomparablement plus pénible,
quand j’étais tombée dans des fautes graves, de recevoir des faveurs que des
châtiments ; aussi je le dis avec assurance, une seule de ces faveurs
m’accablait, me confondait, me désolait plus que bien des maladies jointes à
toutes sortes d’épreuves. " Ibid., p. 113.
C’est ainsi que Dieu
sanctifia Thérèse par l’oraison. Elle a voulu s’étendre sur ce récit "
pour montrer quelle grâce Dieu accorde en une âme, lorsqu’il met en elle la
résolution bien arrêtée de s’appliquer à l’oraison, n’eût-elle pas encore pour
cela toutes les dispositions requises ; c’est enfin pour montrer que, si l’âme
persévère malgré les péchés, malgré les tentations, malgré les chutes de toutes
sortes où le démon l’entraîne, Dieu, j’en suis convaincue, finira par la
conduire au port du salut, comme il m’y a, ce semble, conduite moi-même ".
Vie, c. VIII, p. 119.
Aussi, quels éloges elle
fait de l’oraison ! Exercice " qui n’est autre chose qu’une amitié intime,
un entretien fréquent seul à seul avec Celui dont nous nous savons aimés
". Vie, c. VIII, p. 120. Dieu lui " a fait trouver dans l’oraison le
remède " à tous ses maux. P. 125. " La porte par où pénètrent dans
l’âme les grâces de choix, comme celles que Dieu m’a faites, c’est l’oraison.
" P. 124. " L’heureux sort des âmes qui se déterminent à suivre, par
le chemin de l’oraison, Celui qui nous a tant aimés ", c’est de commencer
" à être les esclaves de l’amour ". Vie, c. CI, p. 143. Enfin, dans
son grand désir de voir pratiquer ce saint exercice, Thérèse, aux c. XII et
XIII de la Vie, exhorte fortement les commençants à faire les efforts nécessaires
à l’oraison de méditation. Elle donne les conseils pratiques pour y réussir.
Voir aussi Le chemin de la perfection, c. XX-XXIII, t. V, p. 158 sq.
II. LA REFORMATRICE DU
CARMEL. – Le 24 août 1562 fut établi à Avila le monastère de Saint-Joseph, le
premier d’une réforme appelée à un succès si éclatant et si durable. Comment
sainte Thérèse fut-elle amenée à entreprendre cette réforme et comment
l’opéra-t-elle ?
En 1562, elle avait
quarante-sept ans. Depuis plusieurs années elle était habituellement dans les
oraisons mystiques. A la fin de 1559 ou au début de 1560, elle eut la célèbre
vision de l’enfer, qui exerça sur son projet de réformer le Carmel une
influence décisive, semble-t-il.
Dans la vision, sainte
Thérèse ressentit effectivement les souffrances dont le spectacle était devant
elle: " Il plut à Dieu, dit-elle, de me faire ressentir en esprit ces
tourments et ces peines, aussi véritablement que si je les eusse soufferts en
mon corps…Mon épouvante fut indicible. Au bout de six ans et à l’heure où je
trace ces lignes, ma terreur est encore si vive que mon sang se glace dans mes
veines. " Vie, c. XXXII, t. II, p. 4. Cette réalisation des souffrances
des damnés lui a été, dit-elle, " d’une utilité immense ". Tout
d’abord pour l’exciter " à remercier Dieu " de l’avoir "
délivrée… de maux si terribles et qui seront sans fin ". Ensuite pour
l’aider à supporter les souffrances de cette vie : " Tout ce qu’on peut
souffrir ici-bas n’est plus rien à mes yeux, disait-elle, et il me semble en
quelque sorte que nous nous plaignons sans sujet. " Enfin pour lui faire
déplorer l’inexprimable malheur des âmes qui se damnent. Ibid.
Mais Thérèse ne se
contente pas d’éprouver " la mortelle douleur " que lui cause "
la perte de cette multitude " qui se jette en enfer. Elle éprouve "
d’immenses désirs d’être utile aux âmes ". Pour " en délivrer une
seule de si horribles tourments ", volontiers elle endurerait " mille
fois la mort ". Ibid. Elle ressentait " un désir ardent " de
faire, pour sauver les âmes, tout ce qui serait en son pouvoir, "
absolument tout ". Ibid., p. 6. En particulier " faire pénitence
". C’est alors que la pensée d’un ordre plus sévère que le sien se
présenta à son esprit. Le monastère de l’Incarnation où était Thérèse " comptait
bon nombre de servantes de Dieu, et Notre-Seigneur y était bien servi ",
mais la vie " y était trop douce ". Il suivait la règle mitigée en
1431 par le pape Eugène IV. Il n’était pas soumis à la clôture, ce qui était
nuisible à la sanctification des religieuses. Vie, c. VII, p. 99 sq. Si un
particulier qui " fait de généreux efforts pour atteindre, avec l’aide de
Dieu, la cime de la perfection… ne va jamais seul au ciel… y mène à sa suite
une troupe nombreuse ", que sera-ce d’un ordre religieux qui, grâce à sa
réforme, priera mieux et fera de plus nombreuses et de plus généreuses
pénitences ? Cf. Vie, c. XI, p. 146.
C’est donc une pensée de
zèle apostolique qui a été l’inspiratrice de la réforme du Carmel. Thérèse le
redit avec précision au début du Chemin de la perfection. " J’appris,
dit-elle, les calamités qui désolaient la France, les ravages qu’y avaient fait
les malheureux luthériens, les accroissements rapides que prenait cette secte
désastreuse. J’en éprouvai une douleur profonde… J’aurais, me semblait-il, donné
mille vies pour sauver une seule de ces âmes qui se perdaient en si grand
nombre dans ce pays ; mais je le voyais, j’étais femme et bien misérable… Je
résolus donc de faire le peu qui dépendait de moi, c’est-à-dire de suivre les
conseils évangéliques avec toute la perfection dont je serais capable, et de
porter les quelques âmes qui sont ici à faire de même. Enfin, il me semblait
qu’en nous occupant toutes à prier pour les défenseurs de l’Eglise, pour les
prédicateurs et les théologiens qui soutiennent sa cause, nous viendrions selon
notre pouvoir au secours de mon Maître bien-aimé. " Chemin de la
perfection, c. I, t. V, p. 33-34. Thérèse cherchait à inspirer à ses carmélites
" le zèle de l’avancement des âmes et de l’exaltation de l’Eglise ".
Cette intention apostolique, catholique doit être préférée par elles à toute
intention particulière de prier. Chemin de la perfection, c. I, t. V, p. 35 ;
Fondations, c. I, t. III, p. 58 sq.
Les exceptionnelles
qualités naturelles de sainte Thérèse se manifestent dans l’exécution de son
projet de réforme du Carmel : la sûreté du coup d’œil qui prévoit les
difficultés et les moyens d’en triompher, la promptitude à saisir toutes les
occasions favorables, la patience qui sait s’arrêter lorsque l’opposition est
violente, tout en gardant la ferme résolution de faire aboutir coûte que coûte
l’œuvre commencée, l’habileté à tourner l’obstacle, enfin le charme que ses
séduisantes qualités de relation exerçaient même sur ses plus irréductibles
adversaires. Sans doute, elle consultait Dieu dans ses oraisons. Elle agissait
cependant comme si tout eût dépendu d’elle. Aux c. XXXII-XXXVI de sa Vie,
Thérèse raconte les curieuses péripéties de cette difficile réforme qui a
consisté à rétablir la règle des carmes donnée par saint Albert en 1209 et
approuvée en 1226 par le pape Honorius III. Cette règle aura été révisée sur la
demande de saint Simon Stock, général de l’ordre, par le pape Innocent IV en
1248, date du Bullaire des carmes. La règle ainsi révisée est celle qui
s’observe dans toute la réforme de sainte Thérèse. Elle " prescrit
l’abstinence perpétuelle de viande, sauf le cas de nécessité, le jeûne huit
mois de l’année ", la clôture la plus rigoureuse " et bien d’autres
choses qu’on peut voir dans la règle primitive ". Vie, c. XXXVI, t. II, p.
86-87. Le premier monastère des carmes déchaussés fut fondé en 1568 par sainte
Thérèse et saint Jean de la Croix à Duruelo. Fondations, c. XIII, t. III, p.
179 sq.
Un des points de la
réforme causa quelques hésitations. Les monastères devaient-ils avoir des
revenus ou vivre dans la plus stricte pauvreté, attendant leur subsistance
uniquement des aumônes reçues ? Saint Pierre d’Alcantara, consulté par la
sainte à ce sujet, se prononça énergiquement en faveur de la pauvreté absolue.
Vie, c. XXXV, t. II, p. 56. Thérèse adoptait aussi cette manière de voir.
Cependant son bon sens lui faisait craindre que la préoccupation de trouver les
aumônes nécessaires aux monastères ne fût une cause de trouble pour les
religieuses. Finalement elle consentit à créer des monastères avec des revenus,
Fondations, c. IX, et il y eut des monastères sans revenus et d’autres avec
revenus. Les premiers ne devaient pas avoir plus de treize ou quatorze
religieuses. " De nombreux avis, joints à ma propre expérience, dit Thérèse,
m’ont appris que pour conserver l’esprit intérieur qui est le nôtre et vivre
d’aumônes, sans faire de quêtes, il ne faut pas être davantage. " Vie, c.
XXXVI, t. II, p. 88. Les monastères dotés de revenus peuvent avoir vingt
religieuses, y compris les sœurs converses. Enfin, de même qu’elle avait obtenu
de Rome l’autorisation de fonder des monastères sans revenus, elle obtint aussi
que les monastères des carmélites fussent soumis à la juridiction des évêques.
Et ceci, comme dit saint Pierre d’Alcantara, pour mieux établir l’observance de
la première règle du Carmel. Cf. Œuvres complètes de sainte Thérèse, t. II, p.
423. Les carmes mitigés, s’ils eussent dirigé les carmels, auraient eu peu de
zèle pour leur faire observer la règle primitive.
III. LA FONDATRICE. –
Sainte Thérèse, dit Ribera, n’eut pas tout d’abord l’intention " de faire
un nouvel ordre et religion, mais seulement de perfectionner son ordre ancien
de Notre-Dame du Mont-Carmel. Depuis, considérant les grandes nécessités de
l’Eglise, et désirant avec sa grande charité aider, en ce qu’elle pourrait, à
ceux qui bataillent pour elle, elle éleva plus haut ses pensées ". Vie de
la Mère Thérèse de Jésus, l. II, c. I. Et d’ailleurs, n’était-il pas plus
facile de fonder des carmels selon la réforme que de réformer des carmels
mitigés ? Sainte Thérèse fut donc une fondatrice. Son important ouvrage : Les
fondations montre un aspect nouveau de sa riche nature. Aussi bien douée pour
l’action que pour la contemplation, elle dut bien vite quitter le monastère réformé
de Saint-Joseph d’Avila, où elle passa cinq années, " les plus douces de
ma vie ", dit-elle, Fondations, c. I, et aller sur les routes de la
Castille, de la Manche et de l’Andalousie répandre, dans tout le centre de
l’Espagne, les fleurs du nouveau Carmel. Dans ses voyages, nous la voyons aux
prises avec les difficultés et les embarras de notre vie de chaque jour. Par sa
patience, son entrain, sa gaîté et sa bonne humeur dans les incidents même les
plus pénibles de la route, elle nous apparaît souvent héroïque. Et quelle
habileté à se tirer d’affaires parfois très compliquées !
La pieuse caravane se
composait d’ordinaire de cinq ou six religieuses renfermées dans un lourd
véhicule à roues pleines, recouvert d’une toile et traîné par plusieurs paires
de mules. Monastère ambulant où les religieuses vivent en carmélites, faisant
tous les exercices de piété ordinaires, annoncés par une petite cloche. Mais
beaucoup de chemins sont mauvais ou dangereux. Il faut assez souvent descendre
de voiture, faire un long trajet à pied sous la pluie ou les ardeurs du soleil.
Il y avait aussi des prêtres qui accompagnaient les religieuses : des prêtres
séculiers comme Julien d’Avila, des carmes réformés comme saint Jean de la
Croix et Jérôme Gratien. Des laïques, gens de grande piété, montés sur des
mules escortaient le véhicule des religieuses. Car il fallait veiller sur les
carreteros ou conducteurs des chars " trop souvent maladroits et
négligents " et sur les mozos de caminos, jeunes gens à pied chargés de tirer
les chars des mauvais pas, de les aider à franchir les passages périlleux, et
de les relever quand ils avaient versé, accident assez fréquent. Thérèse
veillait sur tout ce monde, réconfortant et égayant dans les moments
difficiles, oubliant elle-même les souffrances que lui causait sa santé souvent
chancelante. Lorsqu’elle voyageait seule ou avec une compagne, c’était à dos de
mulet ou d’âne.
Que dire des auberges ou
ventas, où la pieuse troupe devait passer la nuit ? Malpropreté, encombrement,
cris, jurements, impossibilité de se ravitailler, c’est ce qu’on y trouvait le
plus souvent. Un jour, en 1575, avant d’arriver à Cordoue, sous un soleil
brûlant, Thérèse en proie à une forte fièvre fut contrainte de s’arrêter dans
l’une de ces auberges. Elle eut " une petite chambre, à simple toit sans
plafond ; il ne s’y trouvait pas de fenêtre, et dès qu’on ouvrait la porte, le
soleil y pénétrait en plein… On me mit, dit-elle, dans un lit si singulièrement
conditionné que j’eusse bien préféré m’étendre à terre. Il était si haut d’un
côté et si bas de l’autre que je ne savais quelle position prendre : je me
serais crue sur des pierres pointues… Finalement, je crus plus sage de me lever
et de me remettre en route avec mes compagnes, le soleil du dehors me
paraissant plus tolérable que celui de cette pauvre chambre ". Fondations,
c. XXIV, t. IV, p. 40. Julien d’Avila avait raison de dire qu’à peine avait-on
franchi le seuil de ces hôtelleries qu’on ne songeait qu’en sortir le plus vite
possible.
Sainte Thérèse commença
ses voyages le 13 août 1567, à l’âge de cinquante-deux ans. Elle avait reçu du
général des carmes, le P. Jean-Baptiste Rossi, alors à Avila, l’autorisation de
fonder des monastères réformés. " Dans un espace de quatre ans
(1567-1571), elle établit neuf monastères, sept de religieuses : Medina del
Campo, Malagon, Valladolid, Tolède, Pastrana, Salamanque et Albe, et deux de
religieux : Duruelo et Pastrana. Son priorat de trois ans au couvent de
l’Incarnation d’Avila (1571-1574) arrête pour un temps les fondations : une
seule exception est faite pour Ségovie. Rendue à la liberté, elle reprend ses
voyages et ses travaux. En moins d’un an (février 1575-janvier 1576), elle
donne trois nouveaux couvents de religieuses à la réforme : Beas, Séville et
Caravaco. Alors la persécution se déchaîne contre son œuvre et la met à deux
doigts de la ruine. Toute fondation est suspendue jusqu’en 1580. En revanche
les trois dernières années qu’elle passe sur terre (1580-1582) verront s’élever
cinq nouveaux monastères : Villanueva de la Jara, Palencia, Soria, Grenade, et
Burgos. " Œuvres compl. de sainte Thérèse, t. III, p. 17.
Le succès de la réforme
de sainte Thérèse fut donc rapide et éclatant. Des personnes appartenant aux
plus illustres familles d’Espagne demandaient de fonder des monastères dans les
villes où elles habitaient. D’autres fois ces demandes étaient faites par les
évêques. Cf. Fondations, c. IX, X, XX, XXVII, XIX, XXX. Des enfants de famille
noble quittaient le monde pour entrer au Carmel, ce qui produisait une grosse impression
dans les populations espagnoles. Fondations, c. X, XI, XII, XXII. Enfin la
réforme atteignit les carmes eux-mêmes. Fondations, c. XIII, XIV, XVII. Tant de
succès devaient amener la persécution.
Elle ne vint cependant
pas tout de suite. Au contraire, ce fut un heureux événement, précieux résultat
du commencement de la réforme, qui arriva tout d’abord. Le P. Pierre Fernandez,
O. P., avait été chargé par une bulle de saint Pie V de travailler à la réforme
du Carmel dans la province de Castille. Il dut donc s’occuper du monastère
mitigé de l’Incarnation d’Avila. Depuis que Thérèse l’avait quitté, le
relâchement n’avait fait qu’y grandir. Pour le réformer, le P. Fernandez décida
d’y envoyer sainte Thérèse comme prieure. Le 6 octobre 1571, il conduisit au
monastère la nouvelle prieure, qu’il fit accepter sans peine aux religieuses,
pour la plupart hostiles à la réforme. Thérèse triompha des résistances par sa
douceur et sa sagesse. Elle fut bien aidée par saint Jean de la Croix qui
devint aumônier de l’Incarnation. Enfin les trois années de son priorat
écoulées, en février 1575, Thérèse reprit ses voyages.
Elle dut les cesser en
1576 jusqu’en 1580. La persécution violente se déchaîna contre la réforme et
faillit la ruiner. On connaît cette période douloureuse de l’histoire de
l’ordre des carmes. Les supérieurs des couvents espagnols de carmes mitigés et,
à leur tête, le général Tostado, s’assemblèrent en chapitre et tentèrent de
détruire la réforme en imposant à tous les carmes réformés l’obligation de
vivre dans des couvents mitigés. Libre à eux de suivre d’une manière privée
leur règle plus sévère ! Le P. Jérôme Gratien, si apprécié de sainte Thérèse,
Fondations, c. XXXII-XXXIV, fut chargé de faire triompher la réforme. Etait-il
à la hauteur de cette difficile tâche ? Heureusement le nonce, Mgr Nicolas
Ormaneto, et surtout Philippe II étaient favorables à l’entreprise. Les
décisions des carmes mitigés furent cassées et les déchaussés gardèrent la
possibilité de faire valoir leurs droits. Mais la mort de Mgr Ormaneto, 18 juin
1577, aggrava la situation. Son successeur à la nonciature d’Espagne, Mgr
Philippe Séga " semblait, dit sainte Thérèse, envoyé de Dieu pour nous
exercer à la patience. Il était un peu parent du pape [Grégoire XIII], et nul
doute qu’il ne fût serviteur de Dieu. Mais il prit fort à cœur la cause des
mitigés et, se basant sur ce que ces pères lui disaient de nous, arrêta qu’il
fallait empêcher les progrès de la réforme ". Fondations, c. XXVIII, t.
IV, p. 96.
Sainte Thérèse suivait avec
soin tous ces événements. Elle écrivait aux pères déchaussés, chargés de
défendre les intérêts de la réforme, pour les conseiller et les encourager. Sa
correspondance avec le P. Gratien est particulièrement abondante dans ces
années douloureuses. Elle n’hésita pas à s’adresser directement, le 18
septembre 1577, à Philippe II pour le supplier de prendre en main la cause des
réformés : " Notre catholique monarque, don Philippe, dit-elle,
Fondations, c. XXVIII, fut instruit de ce qui se passait et comme il
connaissait la vie très parfaite des déchaussés, il prit en main notre cause.
" Le 4 décembre 1577, elle écrivit de nouveau au roi pour lui demander de
faire délivrer saint Jean de la Croix, incarcéré par les mitigés dans leur
couvent de Tolède. Elle comprit ; dès le début de la persécution, que la
solution du conflit était dans la séparation des mitigés et des déchaussés.
Elle écrivait au P. Gratien, vers le 20 septembre 1576 : " On m’a dit que
vous avez formé le projet d’obtenir une province séparée par la voie de notre
T. R. P. Général et d’employer pour cela tous les moyens en votre pouvoir ; de
fait, c’est une guerre intolérable que de lutter contre le supérieur de
l’ordre. " Elle conseille un voyage à Rome à faire au plus tôt. " Si
l’on ne pouvait rien obtenir du P. Général on traiterait avec le pape. "
Ce conseil fut approuvé le 9 octobre 1578 au chapitre d’Almodovar, qui nomma le
P. Antoine de Jésus provincial et envoya deux religieux à Rome négocier en
faveur de la réforme. Le nonce Séga, considérant ce chapitre comme un attentat
à son autorité, en cassa les actes, assujettit les réformés aux mitigés et fit
emprisonner dans trois couvents de Madrid les PP. Gratien, Antoine de Jésus et
Mariano de Saint-Benoît. Thérèse est traitée " de femme inquiète et
vagabonde ". Sur la plainte de personnages de marque, Philippe II "
ne voulut pas, dit Thérèse, que le nonce fût notre seul juge : il lui adjoignit
quatre assesseurs, personnages graves, dont trois appartenaient à des ordres
religieux ". Fondations, c. XXVIII. Le 1er avril 1579, le nonce dut
retirer aux mitigés tout pouvoir sur les déchaussés. Ceux-ci eurent un vicaire
général pour les gouverner et en mai deux pères de la réforme s’embarquèrent
pour Rome afin de solliciter la séparation des déchaussés et des mitigés. Cette
séparation ne devait être faite qu’en 1593 par un bref du 20 décembre du pape
Clément VIII : chacune des deux observances aurait son supérieur général. Le 27
juin 1580, Grégoire XIII décida seulement que les réformés formeraient une province
autonome sous l’autorité d’un provincial réformé qui fut le P. Gratien. Sainte
Thérèse put continuer ses fondations. Le couvent de Burgos fut le dernier
qu’elle créa, déjà bien malade. De Burgos elle se rendit à Albe où elle mourut
le 4 octobre 1582.
Malgré les angoisses
causées par cette persécution, sainte Thérèse rédigea l’Ecrit sur la visite des
monastères en août ou septembre 1576. Puis en octobre de la même année, elle
reprit la composition du Livre des fondations. Et du 2 juin au 29 novembre 1577
elle écrivit le Château intérieur. En sainte Thérèse, l’écrivain n’est pas
inférieur à la fondatrice.
IV. SAINTE THÉRÈSE ECRIVAIN MYSTIQUE. – L’analyse complète des écrits mystiques de sainte Thérèse,
leur explication et la solution des problèmes théologiques qu’ils pourraient
soulever sont réservées au Dictionnaire de spiritualité. Il suffira d’indiquer
ici les qualités d’écrivain de la sainte, les circonstances où elle a composé
ses ouvrages et d’énumérer, en les caractérisant brièvement, les degrés d’oraison
auxquels elle a été élevée.
1° Qualités de
l’écrivain. – Ce qui se remarque tout d’abord en sainte Thérèse écrivain, c’est
sa prodigieuse facilité à écrire : " Elle écrivait ses ouvrages, dit le P.
Gratien, sans faire de ratures et avec une extrême vélocité. Son écriture était
très nette et sa rapidité à écrire égalait celle des notaires publics. "
Dilucidario del verdadero spiritu…, Ia, part., c. I. La promptitude de sa
conception et la maîtrise de son style lui permettaient de composer rapidement
ses ouvrages au milieu de la correspondance et des démarches nécessitées par
ses fondations. Elle écrivit, à Tolède, vingt-huit chapitres du Livre des
fondations, du début d’octobre 1576 au 14 novembre de la même année. Et pendant
la persécution livrée par les mitigés à sa réforme, elle composa, du 2 juin au
29 novembre 1577, le Château intérieur, ouvrage de haute mystique exigeant une
réflexion soutenue.
Cette facilité supposait
une connaissance étendue de la langue espagnole. Les lectures des romans d’Amadis
de Gaule et de sa considérable lignée servirent le talent de la sainte. Elle
lut aussi beaucoup de livres spirituels anciens traduits en castillan, et de
modernes composés en cette langue. Cf. Morel-Fatio, Les lectures de sainte
Thérèse, dans le Bulletin hispanique, t. X, 1908, p. 17-67 ; Gaston Etchegoyen,
L’amour divin, Essai sur les sources de sainte Thérèse, Bordeaux-Paris, 1923,
p. 33 sq. Thérèse maniait la langue espagnole d’une manière géniale. Avec les
écrivains mystiques de son époque elle a forgé cette langue et lui a fait
parler " le langage des anges ". Sainte Thérèse, saint Jean de la
Croix, l’augustin Louis de Léon et autres encore eurent une part dans la
formation de la langue espagnole aussi grande peut-être que celle de Cervantès,
l’immortel auteur de Don Quichotte.
Sainte Thérèse a un style
imagé. Elle sait trouver les comparaisons excessives qui symbolisent toute une
doctrine ou dépeignent des états d’âme. Ainsi les quatre manières d’arroser un
jardin caractérisent les quatre degrés d’oraison dont elle parle dans le Livre
de la vie. Son imagination est remplie d’images de chevalerie. Pour elle, comme
pour saint Ignace de Loyola, le Christ est un roi, un conquérant. Elle
l’appelle " sa Majesté ". Sa vision de l’enfer rappelle les oubliettes
des châteaux forts dont elle avait lu la description dans les romans. On sait
que, pour les visions imaginatives, Dieu se sert d’ordinaire des images qui
sont déjà dans l’imagination. Le Château intérieur est révélateur : " La
veille de la fête de la très sainte Trinité [1577], dit Diego de Yepez, Tandis
qu’elle était à se demander quelle serait l’idée fondamentale de ce traité,
Dieu, qui dispose de tout avec sagesse, exauça ses vœux et lui fournit le plan
de l’ouvrage. Il lui montra un magnifique globe de cristal en forme de château,
ayant sept demeures. Dans la septième, placée au centre, se trouvait le Roi de
gloire, brillant d’un éclat merveilleux, dont toutes ces demeures jusqu’à
l’enceinte se trouvaient illuminées et embellies. Plus elles étaient proches du
centre, plus elles participaient à cette lumière. Celle-ci ne dépassait pas
l’enceinte : au-delà il n’y avait que ténèbres et immondices, des crapauds, des
vipères et autres animaux venimeux. " Œuvres complètes de sainte Thérèse,
t. VI, p. 6.
Aux qualités de
l’imagination s’ajoute une sensibilité délicate qui sent vivement la valeur des
dons divins ou la portée des événements providentiels et qui sait communiquer
aux autres ses impressions. Cet art de faire partager ses propres sentiments
était perfectionné en sainte Thérèse par un abandon plein de simplicité et de
charme. Elle écrit souvent comme l’on cause familièrement avec des intimes. Car
elle n’écrivait pas pour le public, mais pour ses confesseurs qui voulaient
connaître son âme ou pour ses carmélites qu’elle désirait initier à ses
expériences religieuses.
Enfin un ferme bon sens
maintient toutes ces qualités dans la juste mesure. Bon sens tout viril. Si
Thérèse a la sensibilité féminine, elle a la maîtrise de l’homme. Elle
appréciait le bon sens des personnes avec lesquelles elle traitait les affaires
de ses fondations. Fondations, c. XV. Elle sait éviter, dans l’exposé de ses
états mystiques, toute exagération, toute expression outrée qui indiquerait que
le sentiment a le pas sur la raison, ce qui n’est jamais en sainte Thérèse. Cf.
R. Hoornaert, Sainte Thérèse écrivain, Paris-Bruges, 1922.
Quelques défauts
cependant déparent, fort légèrement d’ailleurs, de si riches qualités. La
facilité si grande d’écrire a fait tomber Thérèse dans quelques longueurs. Les
digressions sont parfois trop abondantes. Et sa mauvaise mémoire – dont elle se
plaint souvent – lui a fait commettre des contradictions, parfois assez
notables pour qu’on ne puisse pas avoir, avec certitude, sa vraie pensée sur
quelques points de la mystique. Sa chronologie est souvent défectueuse. Elle
écrivait longtemps après les événements et, comme elle ne pensait pas que ses
écrits seraient publiés, elle se préoccupait peu de l’exactitude des dates.
Bien petites ombres dans de ravissants tableaux !
2° Caractères de la
mystique thérésienne. – Signalons tout d’abord le don qu’a sainte Thérèse
d’étaler ses états mystiques. Don d’introspection. Elle sait discerner ce qui
se passe dans son âme avec une sûreté rare. Elle peut sans doute prendre pour
des communications surnaturelles de Dieu de pieux mouvements de son âme. Mais
elle tient compte de cette possibilité qu’elle reconnaît. Aussi, malgré les
révélations, elle n’entreprendra rien de tant soit peu important sans avoir
l’avis de théologiens instruits et l’approbation de ses supérieurs. A cette
sûreté de coup d’œil psychologique s’ajoutait la facilité d’analyser finement
ses états mystiques et enfin la talent de les décrire clairement et avec
précision : " Recevoir de Dieu une faveur, disait-elle, est une première
grâce, savoir en quoi elle consiste en est une seconde ; enfin, c’en est une
troisième de pouvoir en rendre compte et en donner l’explication. " Vie,
c. XVII, t. I, p. 213. " Dans la sublimité des choses qu’elle traite et dans
la délicatesse et la clarté dont elle les déduit, disait Louis de Léon, elle
surpasse beaucoup d’esprits, et dans la manière de les dire, dans la pureté et
facilité du style, dans la grâce et l’agencement des paroles, et dans une
élégance naïve qui délecte au dernier point son lecteur. Je doute que dans
toute notre langue [espagnole] il y ait rien qu’on lui puisse comparer. "
Lettre à la Mère Anne de Jésus, prieure du carmel de Madrid.
La mystique de sainte
Thérèse n’est pas spéculative mais pratique, en ce sens qu’elle consiste dans
des analyses psychologiques de ses états mystiques. Saint Jean de la Croix nous
montre ses expériences mystiques au travers de théories théologiques. La
mystique thérésienne, elle, est dépourvue de théories. Elle se trouve dans la
description psychologique des faits mystiques vécus par la sainte. A peine, de
loin en loin, contient-elle des allusions aux explications des théologiens.
Aussi la mystique thérésienne est-elle très personnelle, puisqu’elle consiste
dans les états par où la sainte a passé et qu’elle décrit. Tous les mystiques
ne suivent pas nécessairement la même voie qu’elle. Bien souvent elle le laisse
entendre. Les écrits de sainte Thérèse sont ainsi son autobiographie mystique,
mais leur lecture édifie tout le monde.
Sur l’origine et les
sources de la mystique thérésienne deux opinions sont en présence : celle des
anciens biographes de sainte Thérèse et celle des écrivains modernes. Selon les
anciens thérésiens, tout ce que sainte Thérèse a écrit vient de Dieu. Elle n’a
rien appris dans les livres. Elle a lu fort peu d’ouvrages spirituels ; elle en
a donné les titres, mais elle ne prend en eux aucune citation. Sa mauvaise
mémoire ne le lui aurait pas permis, du reste : " Encore, si Dieu m’avait
donné un peu de capacité et de mémoire ! dit-elle en gémissant. Je pourrais
alors mettre à profit ce que j’ai lu ou entendu. Mais j’en suis aussi dépourvue
que possible. Si donc je dis quelque chose de bon, c’est que le Seigneur l’aura
ainsi voulu, pour en tirer quelque bien. " Vie, c. X, Œuvres, t. I, p.
140. Thérèse ne devrait donc qu’à Dieu la doctrine qu’elle nous enseigne. Diego
de Yepez, religieux hiéronymite, puis évêque de Terrassone dit à ce sujet :
" Dieu versa dans l’âme de la sainte Mère cette sagesse admirable [de la
théologie mystique]. Car étant si rude et si grossière, non seulement pour
déclarer les choses spirituelles, mais encore pour les entendre, Notre-Seigneur
en fort peu de temps lui donna tant de lumière et d’intelligence des choses
surnaturelles et divines que de grands théologiens en plusieurs années d’étude
n’eussent su parvenir jusque-là… Cette intelligence et science qu’elle eut des
choses divines fut presque soudaine et tout à coup enfin comme infuse de Dieu.
" Vie de la sainte Mère Thérèse de Jésus, 2e part., c. XVIII, trad. fr.,
Paris, 1656.
Cette manière de voir
commence à se modifier, à la suite d’études plus attentives des sources
littéraires auxquelles la sainte a puisé. Thérèse n’a pas négligé les moyens
humains de s’instruire des voies surnaturelles. Elle savait interroger ses
confesseurs et les théologiens. Elle a lu, souligné et annoté des livres
spirituels traduits en castillan. Les exemplaires de ces livres annotés de sa
main ont été conservés. Ce sont : les Lettres de saint Jérôme (Vie, c. III, XI
; Château, 6e dem., c. IX) ; les Morales sur le livre de Job de saint Grégoire
le Grand (Vie, c. V) ; Les Chartreux ou la Vita Christi de Ludolphe le
Chartreux (Vie, c. XXXVIII) ; les Confessions de saint Augustin (Vie, c. IX).
Elle a étudié trois écrivains espagnols franciscains ses contemporains : Alonso
de Madrid, auteur de l’Art de servir Dieu publié à Séville en 1521 (Vie, c.
XII) ; Francisco de Osuna, qui a composé les Abécédaires, dont sainte Thérèse a
lu le troisième (Vie, c. IV ; cf. Un maître de sainte Thérèse : le P. François
d’Osuna, par le P. Fidèle de Ros, Paris, 1927) ; enfin Bernardino de Laredo, à
qui on doit La montée du Mont Sion. Cet ouvrage rassura Thérèse au sujet de
l’oraison de quiétude et d’union auxquelles elle était arrivée et dont elle
ignorait la nature. Vie, c. XXIII. " Je consultai des livres, dit-elle,
afin de voir s’ils m’aideraient à m’expliquer sur mon oraison. Dans un ouvrage
intitulé : L’ascension de la Montagne, à l’endroit où il est parlé de l’union
de l’âme avec Dieu, je rencontrai toutes les marques de ce que j’éprouvais
relativement à l’impuissance de réfléchir. Et c’est précisément cette
impuissance que je signalai surtout à propos de cette oraison. Je marquai d’un
trait les endroits en question. " Sainte Thérèse trouva aussi dans les
livres la terminologie classique dont on se sert pour parler des divers degrés
d’oraison et des faits mystiques. Les images et les métaphores empruntées à la
Bible, à la nature ou à la vie familiale et sociale lui furent aussi révélées
par eux. Elle reçut sans doute pour écrire des lumières spéciales de Dieu, mais
elle ne négligea pas l’étude personnelle.
Les écrits de sainte
Thérèse furent rédigés de 1562 à 1582, année de sa mort. Le Livre de la vie fut
écrit en 1562, sur l’ordre de son confesseur, puis retouché et complété en 1565
à Saint-Joseph d’Avila. Le Chemin de la perfection fut rédigé une première fois
en 1565 au même monastère, puis une seconde fois, probablement à Tolède,
pendant les fondations, en 1569 et 1570. Les Constitutions, destinées aux
seules religieuses, furent composées à Avila, vers 1563. Les Exclamations, ou
accents passionnés d’amour divin, semblent écrites de 1566 à 1569, dans
plusieurs monastères. Les Pensées sur le Cantique des Cantiques datent sans
doute de 1574, la sainte étant à Ségovie. Le Livre des fondations fut commencé
à Salamanque en 1573, continué à Tolède en 1576 et terminé à Burgos en 1582.
L’Ecrit sur la visite des monastères remonte à 1576, à Tolède. Le Livre du
château intérieur ou des Demeures de l’âme fut composé en 1577. Commencé le 2
juin à Tolède, il fut achevé à Avila à la fin de novembre. Le Château intérieur
devait remplacer le Livre de la vie dont le manuscrit était gardé par les
inquisiteurs. Les Avis et les Relations spirituelles sont d’époques diverses
qu’il est difficile de préciser. Cf. Œuvres complètes de sainte Thérèse, t. I,
c. XXI-XXII. Les écrits thérésiens sont une autobiographie de la sainte, une
description de son âme séraphique, une histoire du développement de ses états
mystiques. Thérèse, merveilleusement psychologue, se raconte elle-même d’une
façon captivante.
3° Les diverses oraisons
d’après sainte Thérèse. – Nous avons deux classifications thérésiennes des
oraisons : celle du Livre de la vie et celle du Livre du château intérieur. La
première est symbolisée par la célèbre comparaison de l’arrosage d’un jardin
(Vie, c. XI) : l’oraison de méditation, qui consiste à tirer l’eau du puits à
force de bras pour arroser, c’est-à-dire " travailler avec l’entendement
" pour produire des considérations ; l’oraison de quiétude, où l’âme
" touche au surnaturel " et a moins de peine, comme le jardinier qui
arrose en se servant " noria et de godets mis en mouvement au moyen d’une
manivelle " ; l’oraison du sommeil des puissances, où les puissances de l’âme,
" sans être entièrement suspendues, ne comprennent point comment elles
opèrent ", c’est l’arrosage par l’eau courante amenée d’une rivière ou
d’un ruisseau ; enfin l’oraison d’union où Dieu agit pleinement : l’âme n’a
aucune peine, comme le jardinier qui voit son jardin arrosé par " une
pluie abondante ".
En 1577, quand elle
composait le Château intérieur, sainte Thérèse avait expérimenté un degré de
plus d’oraison mystique : le mariage spirituel. Elle modifia donc la
classification du Livre de la vie. En allant de l’extérieur à l’intérieur du
Château, les trois premières demeures correspondent aux exercices des
commençants dans la vie spirituelle qui font l’oraison ordinaire de méditation.
Cf. Chemin de la perfection, c. XXV. Les quatre autres demeures concernent
respectivement l’oraison de recueillement, qui ne peut s’obtenir " par le
travail de l’entendement… ni par celui de l’imagination ", c’est Dieu qui
produit ce recueillement. Cf. Vie, c. XIV-XV ; Relations spirituelles, I, LIV ;
l’oraison de quiétude ou des goûts divins, où l’âme recueillie par Dieu jouit
d’un parfait repos et goûte un suave plaisir. Cf. Vie, ibid. ; chemin de la
perfection, c. XXXI ; Relations, LIV ; l’oraison d’union, avec ou sans extase,
où Dieu fait sentir soudainement et intensément sa présence dans l’âme. Cf.
Vie, c. XVIII-XIX ; Relations, LIV ; enfin le mariage spirituel, Château, 7e
dem. Cf. R. Hoornaert, Le progrès de la pensée de sainte Thérèse entre la
" Vie " et le " Château ", dans Revue des sciences phil. et
théol., janvier 1924.
Entre l’oraison d’union
et le mariage spirituel, sainte Thérèse parle des préparations habituelles à ce
mariage. L’oraison d’union est comme une " entrevue " de l’âme avec
Notre-Seigneur, qui annonce d’ordinaire, mais pas toujours, le mariage spirituel.
Celui-ci est préparé par les purifications passives, Vie, c. XXX-XXXI ;
Château, 6e dem., c. I-II, les ravissements, l’extase, les visions et les
révélations. Vie, c. XX, XXIV-XXIX, XXXII, XXXVII-XL ; Château, 6e dem., c.
III-XI ; Fondations, c. VI, VIII ; Relations, LIV. Sainte Thérèse rapporte les
visions intellectuelles, imaginatives et corporelles dont elle fut favorisée.
Elle analyse avec précision l’extase et le ravissement. Elle parle aussi de
l’ivresse spirituelle, Château, 6e dem., c. VI, et du fait mystique de la
transverbération, grâce personnelle à la sainte. Vie, c. XXIX. Il suffira
d’énumérer ici ces grâces mystiques. Ce n’est pas le lieu de les expliquer.
Cette étude appartient aux publications de spiritualité proprement dite.
I. EDITIONS DES ŒUVRES DE
SAINTE THÉRÈSE. – Le chemin de la perfection fut la première œuvre de sainte
Thérèse publiée. La sainte en avait préparé l’impression. Edité à Evora en
1583, réédité à Salamanque avec les Avis en 1585, puis à Valence en 1587 et en
1588 avec l’édition des Œuvres de la sainte par Louis de Léon. Il y a deux
textes assez différents du Chemin, celui du ms. de l’Escurial et celui du ms.
de Valladolid. En plus une copie de Tolède, révisée par la sainte, contient des
variantes. A cause de cette différence, et les chapitres des deux textes ne
concordant pas, il est difficile de donner les références des citations
empruntées au Chemin.
L’édition princeps des
Œuvres de sainte Thérèse parut à Salamanque en 1588 par les soins de Louis de
Léon : Los libros de la Madre Teresa de Jesus, fondatora… Elle contenait la Vie
avec ses Additions, le Chemin de la perfection, les Avis, le Château intérieur
et les Exclamations. Le Livre des fondations ne put figurer dans cette édition,
trop de personnes encore vivantes y étant mentionnées, ni l’Ecrit sur la visite
des monastères, ni les Pensées sur le Cantique des Cantiques. Louis de Léon
déclare dans sa lettre à la Mère Anne de Jésus qu’il a rétabli les écrits de
Thérèse " en leur première pureté ". Il les a confrontés " avec
les originaux " qu’il a eus entre les mains. Il n’a rien changé " ni
dans la matière ni dans les termes " du texte de la sainte, comme
l’avaient fait témérairement les auteurs des copies remises à Louis de Léon.
Malgré cela cette édition n’est pas parfaite.
En 1589 parut à
Salamanque une seconde édition, simple réédition, semble-t-il, de l’œuvre de
Louis de Léon.
Nombreuses éditions
espagnoles dans les années suivantes : en 1597 (Madrid), 1604 (Naples),
1622-1627 (Madrid), 1630 (Anvers, édition qui contient pour la première fois
les Fondations, les Pensées sur le Cantique des Cantiques, et l’Ecrit sur la
visite des monastères), 1635, 1661 et 1670 (Madrid), 1674 et 1675 (Bruxelles),
avec deux volumes de Lettres, en 1678 (Madrid), 1724 (Barcelone), 1752 (Madrid).
Ces éditions espagnoles ne remédiaient pas aux défectuosité de l’édition
princeps ; souvent elles en ajoutaient de nouvelles. Encore en 1851 l’édition
de Castro Palomino (Madrid) est imparfaite.
C’est l’édition de don
Vincente de la Fuente, laïque, professeur à l’université de Madrid qui accuse
un réel progrès : Escritos de santa Teresa, añadidos e illustrados por don
Vicente de la Fuente… dans Biblioteca de autores españoles, t. LIV et LV,
Madrid, Rivadeneyra, 1861-1862, 2 vol. gr. in-8°. En 1881 Vincente de la Fuente
publia une édition populaire réduite. Dans cette édition se trouvent pour la
première fois les Relations spirituelles en entier, les Poésies et la
collection des Lettres était aussi augmentée. Les introductions et les notes de
l’édition de la Fuente ont renouvelé l’histoire des origines du Carmel réformé
et , par cela même, ont suscité la contradiction sur quelques points.
Vincente de la Fuente a
commencé à Madrid la reproduction photo-lithographique des manuscrits de sainte
Thérèse. En 1873 reproduction de la Vie, en 1880 une autre des Fondations. En
1882, le cardinal Lluch fit exécuter à Séville celle du Château. En 1883, don
François Herrero-Bayona reproduisit à Valladolid le Chemin de la perfection et
l’Ecrit sur la visite des monastères. Les traducteurs peuvent travailler
maintenant sur des fac-simile des originaux.
Enfin l’édition de
Silverio de Santa Teresa, O. C. D., Obras de Santa Teresa de Jesus, Burgos, 6
vol., 1915-1919. Epistolario, t. I-III, 1922-1924.
III. TRADUCTIONS FRANÇAISES.
– La première fut publiée à Paris en 1601, en 3 vol. in-18, par Jean de
Quintanadoine de Brétigny. Elle contenait la Vie avec les Additions, le Chemin
de la perfection avec les Avis, le Château et les Exclamations. Traduction
revue par les chartreux de Bourgfontaine. Traduction lue, sans doute, par saint
François de Sales et par les auteurs de l’école française.
En 1630 traduction du P.
Elisée de Saint-Bernard, O. C. D., et en 1644 à Paris, celle du P. Cyprien de
la Nativité de la Vierge. Elles contiennent en plus de la traduction de
Brétigny les Fondations, les Pensées sur le Cantique des Cantiques et l’Ecrit
sur la visite des monastères.
En 1670 traduction des
Œuvres de sainte Thérèse par Arnauld d’Andilly, souvent rééditée. L’abbé
Martial Chanut traduisit en 1681 le Chemin de la perfection, les Exclamations
et les Avis et en 1691 la Vie.
Dans la première partie
du XIXe siècle (1836), traduction des abbés Grégoire et Collombet ; mais la
traduction du XIXe siècle la plus célèbre est celle du P. Bouix, S. J.,
traduction faite non plus sur les éditions espagnoles, mais sur les manuscrits
originaux. En 1852 parut le t. Ier, en 1854 et 1856 le t. II et III ; les trois
volumes des Lettres en 1861. Traduction reçue avec enthousiasme et souvent
rééditée. Mais la traduction n’est pas fidèle ; elle a été corrigée au début du
XXe siècle.
Au XXe siècle les
carmélites de Paris, sous la direction de Mgr Manuel-Marie Polit, évêque de
Cuenca, (Equateur), ont publié à Paris une traduction nouvelle des Œuvres
complètes de sainte Thérèse, t. I et II, 1907, III et IV, 1909, t. V et VI,
1910 ; traduction citée ici.
Enfin traduction par le
P. Grégoire de Saint-Joseph ; édition de la Vie spirituelle ; traduction des
Lettres de sainte Thérèse par le même, 2e éd., 4 vol., édit du Cerf, 1939.
III. BIOGRAPHIES DE
SAINTE THÉRÈSE. – Jean de Jésus-Marie et Jean de Saint-Jérôme, des premiers
carmes déchaussés, ont laissé une vie abrégée de sainte Thérèse en latin : Vita
et mores, spiritus, zelus et doctrina servæ dei Theresæ de Jesu (1610) ;
François de Ribera, S. J., La vida de la Madre Teresa de Jesus fundadora de las
delcaças y descalços carmelitas, Salamanque, 1590, rééd. en 1606 ; trad. fr. La
vie de la Mère Thérèse de Jésus fondatrice des carmes déchaussés, par de
Brétigny, Paris, 1602 (Œuvres complètes de Ste-Thérèse, Introd., t. I, p. XLV,
note 2). Autre trad. fr. par J.-D.-B. P., 1607, nouv. éd., Paris, 1645 ; Fray
Diego de Yepez, religieux hiéronymite, puis évêque de Terrassone, Vida,
virtudes y milagos de la bienaventurada virgen Teresa de Jesus…, Saragosse,
1606, traduction française publiée à Paris vers 1644 ; Fray Luis de Léon, De la
vida, muerte, virtudes y milagos de la santa madre Teresa de Jesus, biographie
inachevée de publiée en 1883 seulement, dans les œuvres complètes de Louis de
Léon éditées en 1883 à Madrid par Antolin Merino, O. S. A., et dans la Revista
agustiniana, t. V, 1883 ; Julian de Avila, Vida de santa Teresa de Jesus, éd.
Par la Fuente en 1881 ; Fr. Antonio de la Encarnacion, O. C. D., Vida, milagos…
de santa Teresa de Jesus, 1614 ; Miguel Mir, Santa Teresa de Jesus, Madrid,
1912 ; les bollandistes, Acta Sanctorum, Octobr. T. VII, Bruxelles, 1843, cf.
L’histoire de sainte Thérèse d’après les bollandistes, ses divers historiens et
ses œuvres complètes, par une carmélite de Caen, Paris, 1882 ; de Villefore, La
vie de sainte Thérèse…, Paris, 1748 ; Henri Joly, Sainte Thérèse, coll. Les
Saints, Paris, 1902 ; Cazal, Sainte Thérèse, Paris, 1921 ; Louis Bertrand, de
l’Académie fr., Sainte Thérèse, Paris, 1927 ; Coleridge, The life and letters
of S. Teresa ; Histoire générale des carmes et des carmélites de la réforme de
sainte Thérèse, composée en Espagne par le P. François de Sainte-Marie, trad.
fr., 5 vol., Abbaye de Lérins, 1896 ; Antonio de San Joaquin, Año Teresiano,
Madrid, 1743 à 1766, 12 vol. in-4° ; M. Marie du S.-Sacrement, carmélite, La
jeunesse de sainte Thérèse, Paris, 1939.
IV. ETUDES SUR SAINTE
THÉRÈSE. – Il est impossible de les citer toutes. Consulter H. de Curzon,
Bibliographie thérésienne, Paris, 1902 ; Serrano y Sanz : Apuntes para una
biblioteca de escritoras españolas desde el año 1401 al 1833, art. Teresa de
Jesu, Madrid, 1905, t. II ; la Bibliografia Teresana préparée par Silverio de
Santa-Teresa ; R. Hoornaert, Sainte Thérèse écrivain, bibliographie, p.
XIII-XIX.
Voici quelques travaux
les plus récents : Gaston Etchegoyen, L’Amour divin, Essai sur les sources de
sainte Thérèse (Bibliothèque de l’Ecole des hautes études hispaniques, fasc.
IV), Bordeaux-Paris, 1923 ; J. Maréchal, S. J., Etudes sur la psychologie des
mystiques, Bruges-Paris, 1924 ; Poulain, S. J., Les grâces d’oraison, 10e éd.,
Paris, 1922 ; Saudreau, Les degrés de la vie spirituelle, Paris, 1905 ; du
même, L’état mystique, sa nature, ses phases…, 3e éd., Paris, 1921 ; La Vie
spirituelle, oct. 1922 ; A. Tanquerey, Précis de théologie ascétique et
mystique, p. 889 ; J. de Guibert, Theologia spiritualis ascetica et mystica,
Rome, 1937 ; P. Pourrat, La spiritualité chrétienne, t. III, 9e mille, p.
187-268 ; Albert Farges, Les phénomènes mystiques distingués de leurs
contrefaçons humaines et diaboliques, 2 vol., Paris, 1923 ; Montmorrand,
Psychologie des mystiques catholiques orthodoxes, Paris, 1920 ; Mgr Lejeune,
Manuel de Théologie mystique, Paris, 1897 ; du même, Introduction à la vie
mystique, Paris, 1899 ; Garrigou-Lagrange, Les trois âges de la vie intérieure,
Paris, 1940 ; Boutroux, La psychologie du mysticisme, 1902 ; Bulletin de la
société française de philosophie, janv. 1906 ; Ribot, Psychologie de
l’attention, 9e éd., Paris, 1905.
Auteurs disposés à voir
dans les faits mystiques des cas pathologiques ou des produits du subconscient
: Dr A. Marie, Mysticisme et folie, 1906 ; Dr Murisier, Les maladies du
sentiment religieux, 2e éd., Paris, 1903 ; W. James, The variety of religions
experience, London, 1904, trad. fr. L’expérience religieuse ; Pierre Janet,
Automatisme psychologique, Paris, 1889 ; L’état mental des hystériques, Paris,
1892 ; Conférences sur une extatique, Paris, 1901 ; Leuba, Les tendances
fondamentales des mystiques chrétiens, dans rev. Phil., t. LIV, 1902 ;
Psychologie du mysticisme religieux, trad. fr., Paris, 1923 ; Norrero, L’union
mystique chez sainte Thérèse, Paris, 1905.
P. POURRAT. « Sainte
Thérèse d'Avila, docteur de l'église catholique », Dictionnaire de
Théologique Catholique
SOURCE : http://jesusmarie.free.fr/therese_d_avila.html
Chapitre 20
du Manuscrit Autobiographique de Sainte Thérèse d'Avila
Je voudrais pouvoir
expliquer, avec le secours de Dieu, la différence qui existe entre l'union et
le ravissement, qu'on appelle aussi élévation, vol, enlèvement de l'esprit.
Tous ces noms expriment une même chose; on lui donne aussi le nom d'extase [1].
Le ravissement l'emporte de beaucoup sur l'union; outre qu'il produit des
effets beaucoup plus grands, il a plusieurs opérations qui lui sont propres.
Car, quoiqu'il semble que l'union soit, comme elle l'est en effet quant à
l'intérieur, le commencement, le milieu et la fin des autres grâces
surnaturelles; celles-ci néanmoins étant dans un degré plus éminent, opèrent
non seulement dans l'intérieur, mais aussi à l'extérieur. Daigne le Seigneur
m'accorder sa lumière pour un tel sujet, comme il me l’a accordée pour ce qui
précède; car très certainement, s'il ne m'eût lui-même enseigné de quelle
manière je pouvais en donner quelque intelligence, jamais je ne l'aurais su.
Représentons-nous
maintenant que cette dernière eau, dont nous avons parlé, tombe avec tant
d'abondance, que si la terre ne se refusait à un tel bonheur, nous pourrions
croire à juste titre avoir avec nous, dans cet exil, la nuée de la majesté de
Dieu. Nous voit-il répondre à un si grand bienfait par la reconnaissance et par
les œuvres, autant que nos forces nous le permettent, alors, de même que les
nuées attirent les vapeurs de la terre, de même il attire notre âme tout
entière. La nuée s'élève vers le ciel, emportant l'âme avec elle, et Dieu
commence à lui dévoiler quelques-unes des merveilles du royaume qui lui est
préparé. Je ne sais si la comparaison est juste, mais je sais très bien que
cela se passe de la sorte.
Dans ces ravissements,
l'âme semble ne plus animer le corps. On s'aperçoit d'une manière très sensible
que la chaleur naturelle va s'affaiblissant, et que le corps se refroidit peu à
peu, mais avec une suavité et un plaisir inexprimables. Ici il n'y a aucun
moyen de résister à l'attrait divin. Dans l'union, nous trouvant encore comme
dans notre pays, nous pouvons presque toujours le faire, quoique avec peine et
un violent effort; mais il n'en est pas de même dans le ravissement, on ne peut
presque jamais y résister. Prévenant toute pensée et toute préparation, il fond
souvent sur vous avec une impétuosité si rapide et si forte, que vous voyez,
vous sentez cette nuée vous saisir, et cet aigle puissant vous emporter sur ses
ailes.
Je l'ai dit l'on voit,
l'on comprend que l'on est enlevé, mais on ne sait où l'on va; de sorte que la
faible nature éprouve à ce mouvement, si délicieux d'ailleurs, je ne sais quel
effroi dans les commencements. L'âme doit montrer ici beaucoup plus de
résolution et de courage que dans les états précédents. Il faut, en effet,
qu'elle ose tout risquer, advienne que pourra, qu'elle s'abandonne sans réserve
entre les mains de Dieu, et se laisse conduire de bon gré où il lui plaît; car
on est enlevé, quelque peine qu'on en ressente. J'en éprouvais une si vive, par
crainte d'être trompée, que très souvent en particulier, mais surtout quand
j'étais en public, j'ai essayé de toutes mes forces de résister. Parfois,
j'obtenais quelque chose; mais comme c'était en quelque sorte lutter contre un
fort géant, je demeurais brisée et accablée de lassitude. D'autres fois, tous
mes efforts étaient vains; mon âme était enlevée, ma tête suivait presque
toujours ce mouvement sans que je pusse la retenir, et quelquefois même tout
mon corps était enlevé de telle sorte qu'il ne touchait plus à terre.
J'ai été rarement ravie
de cette manière. Cela m'est arrivé un jour où j'étais au chœur avec toutes les
religieuses, agenouillée et prête à communier. Ma peine en fut extrême, dans la
pensée qu'une chose si extraordinaire ne pouvait manquer de causer bientôt une
grande sensation. Comme ce fait est tout récent, et s'est passé depuis que
j'exerce la charge de prieure, je défendis aux religieuses d'en parler.
D'autres fois, m'apercevant que Dieu allait renouveler cette faveur (et un jour
en particulier, à la fête du titulaire de notre monastère (Saint Joseph),
tandis que j'assistais au sermon devant des dames de qualité), je me jetais
soudain à terre; mes sœurs accouraient pour me retenir; malgré cela, le
ravissement ne pouvait échapper aux regards. Je suppliai instamment Notre
Seigneur de vouloir bien ne plus me favoriser de ces grâces qui se trahissent
par des signes extérieurs; j'étais déjà fatiguée de la circonspection à laquelle
elles me condamnaient, et il me semblait qu'il pouvait m'accorder les mêmes
grâces sans que l'on en sût rien. Il paraît avoir daigné dans sa bonté entendre
ma prière, car depuis, rien de tel ne m'est arrivé; à la vérité, il y a très
peu de temps que je lui ai demandé cette faveur.
Lorsque je voulais
résister, je croyais sentir sous mes pieds des forces étonnantes qui
m'enlevaient; je ne saurais à quoi les comparer. Nulle autre des opérations de
l'esprit dont j'ai parlé n'approche d'une telle impétuosité. J'en demeurais
brisée. C'est un combat terrible et qui sert de peu. Quand Dieu veut agir, il
n'y a pas de pouvoir contre son pouvoir.
Quelquefois, il daigne se
contenter de nous faire voir qu'il veut nous accorder cette faveur, et qu'il ne
tient qu'à nous de la recevoir. Alors, si nous y résistons par humilité, elle
produit les mêmes effets que si elle eût obtenu un plein consentement.
Ces effets sont grands.
Le premier est de montrer le souverain pouvoir de Dieu. Quand il le veut, nous
ne pouvons pas plus retenir notre corps que notre âme nous n'en sommes pas les
maîtres. Malgré nous, nous voyons Qu'il y a un être supérieur, que de telles
faveurs sont un don de sa main, et que de nous-mêmes nous n'y pouvons rien,
absolument rien; ce qui imprime dans l'âme une humilité profonde. Au
commencement, je l'avoue, j'étais saisie d'une excessive frayeur en voyant
ainsi mon corps enlevé de terre. Car, quoique l'âme l'entraîne après elle avec
un indicible plaisir quand il ne résiste point, le sentiment ne se perd pas;
pour moi, du moins, je le conservais de telle sorte, que je pouvais voir que
j'étais élevée de terre. A la vue de cette Majesté qui déploie ainsi sa
puissance, les cheveux se dressent sur la tête, et l'on se sent pénétré d'une
vive crainte d'offenser un Dieu si grand. Mais cette crainte est mêlée d'un
très ardent amour; et cet amour redouble, en voyant jusqu'à quel point Dieu
porte le sien à l'égard d'un ver de terre qui n'est que pourriture. Car non
content d'élever l'âme jusqu'à lui, il veut élever aussi ce corps mortel, ce
vil limon, souillé par tant d'offenses.
Un autre effet du
ravissement est un détachement étrange, que je ne saurais expliquer. Tout ce
que j'en puis dire, c'est qu'il diffère en quelque manière des autres
détachements, qu'il est même de beaucoup supérieur à celui qu'opèrent les
grâces qui n'affectent que l'âme. Dans ce dernier cas, le détachement, quelque
parfait qu'il soit, n'est qu'un détachement d'esprit; mais ici, Dieu semble
vouloir que le corps lui-même en arrive de fait à ce détachement absolu. On
devient ainsi plus étranger que jamais aux choses de la terre, et on trouve la
vie incomparablement plus pénible.
Vient ensuite une peine
qu'il n'est en notre pouvoir ni d'appeler, ni d'enlever de l'âme quand elle
s'en est emparée. Je voudrais bien faire connaître cette peine si douloureuse,
Mais je crois que je n'y arriverai pas; j'en dirai néanmoins quelque chose, si
je le puis. Auparavant je dois faire observer ceci: cet état est postérieur de
beaucoup à toutes les visions et révélations dont je ferai le récit, postérieur
aussi à cette époque où Notre Seigneur me donnait d'ordinaire dans l'oraison
des faveurs et des délices si grandes. Il est vrai, il daigne encore de temps
en temps me les prodiguer; mais l'état le plus ordinaire de mon âme, c'est
d'éprouver cette peine dont je vais traiter. Elle est tantôt plus intense et
tantôt moins; je parlerai ici de sa plus grande intensité.
Je rapporterai plus loin
les transports impétueux que je ressentais lorsqu'il plut à Dieu de m'envoyer
des ravissements (cf. chap. 29); mais je tiens à dire ici qu'entre la
souffrance que me causaient ces transports, et la peine dont je traite
maintenant, il n'y a pas, à mon avis, moins de différence qu'entre une chose
très corporelle et une très spirituelle. Je ne crois pas faire là une
exagération. En effet, si l'âme souffre dans ces transports c'est en compagnie
du corps, qui partage sa souffrance; d'ailleurs, elle est bien loin de se voir
dans cette extrémité d'abandon où la réduit la peine dont je parle. Ainsi que
je l'ai dit, nous ne sommes pour rien dans cette peine: souvent, à
l'improviste, un désir naît en l'âme, on ne sait comment, et ce désir, en un
instant, la pénètre tout entière, lui causant une telle douleur qu'elle s'élève
bien au-dessus d'elle-même et de tout le créé. Dieu la met dans un si profond
désert, qu'elle ne pourrait, en faisant les plus grands efforts, trouver sur la
terre une seule créature qui lui tînt compagnie; d'ailleurs, quand elle le
pourrait elle ne le voudrait pas, elle n'aspire qu'à mourir dans cette
solitude. C'est en vain qu'on lui parlerait et qu'elle se ferait la dernière
violence pour répondre; rien ne peut enlever son esprit à cette solitude.
Quoique Dieu me semble alors très éloigné de l'âme, souvent néanmoins il lui découvre
ses grandeurs d'une manière si extraordinaire, qu'elle dépasse toutes nos
conceptions. Aussi les termes manquent pour l'exprimer, et il faut, selon moi,
l'avoir éprouvé pour être capable de le concevoir et de le croire. Cette
communication n'a pas pour but de consoler l'âme, mais de lui montrer à combien
juste titre elle s'afflige de se voir absente d'un bien qui renferme en soi
tous les biens. Par cette vue, l'âme sent croître et sa soif de Dieu et la
rigueur de sa solitude. Elle est en proie à une peine si délicate et si
pénétrante, elle se sent dans un tel désert, qu'elle peut à la lettre dire avec
David: “Je veille et je me plains comme un passereau solitaire sur le toit”.
(Psaume 102, 8)
Le royal prophète dut
sans doute prononcer ces paroles quand il était lui-même dans cette solitude
intérieure, avec cette différence qu'à un saint, le Seigneur devait la faire
ressentir d'une manière plus excessive. Ce verset se présente à ma pensée, et
j'éprouve, me semble-t-il, ce qu'il exprime. Ce m'est une consolation de voir
que d'autres personnes, et surtout de telles personnes, ont senti comme moi une
si extrême solitude. Dans cet état, l'âme ne paraît plus être en elle-même;
mais, comme le passereau sur le toit, elle habite dans la partie la plus élevée
d'elle-même, dominant de cette hauteur toutes les créatures; je dirai plus
encore: c'est au-dessus de la partie la plus élevée d'elle-même qu'elle a sa
demeure.
D'autres fois, l'âme
semble dans un tel excès d'indigence et de besoin, qu'elle se dit et se demande
à elle-même: Où est ton Dieu? Je ferai remarquer ici que je ne savais pas bien
en auparavant quel était le sens de ces versets en castillan; aussi, après en
avoir reçu l'intelligence, j'éprouvais une grande consolation de voir que Notre
Seigneur, sans aucun effort de ma part, les avait présentés à ma mémoire.
En d'autres occasions, je
me souvenais de ce que disait saint Paul, « qu'il était crucifié au monde »
(cf. Ga 6, 14). Je ne dis pas que cet état soit le mien, j'ai une claire vue du
contraire; mais, selon moi, il se passe alors dans l'âme quelque chose de
semblable. Il ne lui vient de consolation, ni du ciel où elle n'habite pas
encore, ni de la terre à laquelle elle ne tient plus et d'où elle ne veut pas
en recevoir; elle est comme crucifiée entre le ciel et la terre, en proie à la
souffrance, sans recevoir de soulagement ni d'un côté ni de l'autre. Du côté du
ciel, il est vrai, lui vient cette admirable connaissance de Dieu dont j'ai
parlé, et qui dépasse de bien loin tout ce que l'on peut souhaiter; mais cette
vue accroît encore son tourment en augmentant davantage ses désirs, en sorte
que l'intensité de la peine lui fait quelquefois perdre le sentiment; à la
vérité, ce dernier effet dure peu. Ce sont comme les angoisses de la mort; mais
il y a dans cette souffrance un si grand bonheur, que je ne sais à quoi le
comparer. C'est un martyre de douleur et de délices. En vain offrirait-on à
cette âme toutes les satisfactions de la terre, même celles qui jusque-là
avaient pour elle le plus d'attraits, elle n'en veut pas et elle les repousse
avec dédain. Elle connaît bien qu'elle ne veut que son Dieu, mais elle n'aime
rien de particulier en lui; elle aime en lui tout ce qui est lui, et elle ne
sait point ce qu'elle aime. Je dis qu'elle ne le sait pas, parce que
l'imagination ne lui représente rien; d'ailleurs, durant une grande partie du
temps qu'elle passe de la sorte, ses puissances, à mon avis, demeurent sans
action. Elles sont ici suspendues par la peine, comme elles la sont par le
plaisir dans l'union et dans le ravissement.
O Jésus! qui pourrait
faire de ceci une fidèle peinture. J'en aurais, mon père, le plus ardent désir,
quand ce ne serait que pour savoir de vous la nature de cet état dans lequel
mon âme se trouve toujours maintenant. Le plus souvent, l'instant où elle se
voit libre d'occupations est celui où elle est saisie par ces angoisses de
mort; elle les redoute pourtant quand elle les voit fondre sur elle, parce
qu'elle ne doit pas en mourir. Mais une fois qu'elle est dans ce martyre, elle
voudrait y passer tout ce qui lui reste de vie: il faut le dire néanmoins, il
est d'une rigueur si excessive, que la nature a bien de la peine à le
supporter.
J'ai été quelquefois
réduite à une telle extrémité, que j'avais presque entièrement perdu le pouls.
C'est ce qu'affirment celles de mes soeurs qui m'entouraient alors, et qui ont
maintenant plus de connaissance de mon état. De plus, j'ai les bras très
ouverts, et les mains si raides que parfois je ne puis les joindre. Il m'en
reste jusqu'au jour suivant, dans les artères et dans tous les membres, une
douleur aussi violente que si tout mon corps eût été disloqué. Il me vient
quelquefois en pensée que si cela continue de la sorte, Dieu me fera la grâce
de trouver dans ce tourment la fin de ma vie, car il est assez violent pour
donner la mort; mais, hélas! je n'en suis pas digne. Tout mon désir alors est
de mourir. Je ne me souviens ni du purgatoire, ni de ces grands péchés par
lesquels j'ai mérité l'enfer; tout s'efface de ma mémoire et s'absorbe dans ce
brûlant désir de voir Dieu. Ce désert et cette solitude ont plus de charme pour
mon âme que toutes les compagnies du monde. Si quelque chose pouvait la
consoler, ce serait de s'entretenir avec des âmes qui eussent éprouvé le même
tourment; mais personne, à ce qu'il lui semble, ne la croirait, ce qui est pour
elle un autre tourment.
Cette peine arrive
quelquefois à un tel excès, que l'âme ne voudrait plus comme auparavant se
trouver dans la solitude; elle ne voudrait pas non plus de compagnie, mais
seulement. rencontrer une âme dans le sein de laquelle elle pût exhaler ses
plaintes. Elle est comme le supplicié qui, ayant déjà la corde au cou et se
sentant étouffer, cherche à reprendre haleine. Ce désir de compagnie ne part,
selon moi, que de la faiblesse de notre nature, qu'un tel martyre met en danger
de mort. Je puis affirmer avec certitude qu'il en est ainsi. M'étant vue plus
d'une fois dans la vie réduite à cette extrémité, soit par ces grandes
maladies, soit par ces crises dont j'ai fait mention, je crois pouvoir dire que
ce dernier danger de mort ne le cède à aucun des autres. Ainsi, dans cette
agonie, c'est l'horreur naturelle qu'ont l'âme et le corps de se séparer qui
leur fait demander secours, afin de respirer. S'ils cherchent à parler de leur
souffrance, à s'en plaindre, à faire diversion, c'est pour conserver la vie;
tandis que, par un désir contraire, l'esprit ou la partie supérieure de l'âme
voudrait bien ne point sortir de cette peine.
Je ne sais si ce que j'ai
dit est juste, et si je me suis bien expliquée. Mais il me semble que cela se
passe de la sorte. Jugez par là, mon père, du repos que je dois avoir en cette
vie, puisque celui que je goûtais dans l'oraison et dans la solitude où Dieu me
consolait se trouve maintenant presque toujours changé en ce tourment que je
viens de dépeindre. Mais l'âme le trouve si agréable, elle en voit tellement le
prix, qu'elle le préfère à toutes les joies spirituelles dont Dieu la
favorisait auparavant. Ce chemin lui parait plus sûr, parce que c'est celui de
la croix. Le bonheur qu'elle y goûte est, selon moi, d'un grand prix, parce que
le corps n'y a point de part; il en a seulement à la peine, et l'âme savoure
seule les délices de ce martyre. Je ne comprends pas comment cela peut se
faire, je sais seulement qu'il en est ainsi; et je n'échangerais pas, je
l'avoue, cette faveur visiblement surnaturelle, que je tiens de la pure bonté
de Dieu et nullement de mes efforts, contre toutes celles dont il me reste à
traiter. Je parle non de l'ensemble de ces faveurs, mais de chacune en
particulier.
Il ne faut pas oublier
que les transports de cette peine me sont venus après toutes les grâces
rapportées avant celle-ci, et après toutes celles dont ce livre contiendra le
récit; j'ajoute que c'est l'état où je me trouve maintenant.
Comme presque chaque
nouvelle faveur que je reçois me cause des craintes jusqu'à ce que Notre
Seigneur me rassure, celle dont je parle me donnait aussi dans les
commencements certaines alarmes. Mais le divin Maître me dit de ne pas
craindre, et de plus estimer cette grâce que toutes celles qu'il m'avait
faites: l'âme se purifiait dans cette peine, elle y était travaillée et
purifiée comme l'or dans le creuset, afin que la main divine pût mieux étendre
sur elle l'émail de ses dons; enfin, elle endurait là les peines qu'elle aurait
endurées dans le purgatoire.
J'avais bien compris que
c'était là une insigne faveur, mais ces paroles me laissèrent dans une sécurité
beaucoup plus grande; mon confesseur me dit aussi que c'était véritablement
l'œuvre de Dieu. A la vérité, quelque crainte que m'eût inspirée cette peine à
cause du peu de vertu que je voyais en moi, jamais je n'avais pu croire qu'elle
ne vînt point de Dieu; mon appréhension procédait uniquement de ce que je me
trouvais indigne d'une grâce aussi excessive. Béni soit le Seigneur, dont la
bonté est si grande! Amen.
Je m'aperçois que je suis
sortie de mon sujet, car j'avais commencé à traiter des ravissements; mais
cette peine dont je viens de parler est plus qu'un ravissement, et voilà
pourquoi elle produit les effets que j'ai décrits.
Je reviens donc aux
ravissements et à leurs effets ordinaires. Souvent mon corps en devenait si
léger, qu'il n'avait plus de pesanteur; quelquefois c'était à un tel point, que
je ne sentais presque plus mes pieds toucher la terre. Tant que le corps est
dans le ravissement, il reste comme mort, et souvent dans une impuissance
absolue d'agir. Il conserve l'attitude où il a été surpris: ainsi, il reste sur
pied ou assis, les mains ouvertes ou fermées, en un mot, dans l'état où le ravissement
l'a trouvé. Quoique d'ordinaire on ne perde pas le sentiment, il m'est
cependant arrivé d'en être entièrement privée; ceci a été rare, et a duré fort
peu de temps. Le plus souvent, le sentiment se conserve, mais on éprouve je ne
sais quel trouble: et bien qu'on ne puisse agir à l'extérieur, on ne laisse pas
d'entendre; c'est comme un son confus qui viendrait de loin. Toutefois, même
cette manière d'entendre cesse lorsque le ravissement est à son plus haut
degré, je veux dire lorsque les puissances, entièrement unies à Dieu, demeurent
perdues en lui. Alors, à mon avis, on ne voit, on n'entend, on ne sent rien.
Comme je l'ai dit précédemment dans l'oraison d'union, cette transformation
totale de l'âme en Dieu est de fort courte durée; mais tant qu'elle dure,
aucune puissance n'a le sentiment d'elle-même, ni ne sait ce que Dieu opère.
Cela dépasse sans doute la portée de notre entendement sur cette terre, et nous
devons être incapables de recevoir une si haute lumière; du moins, Dieu ne veut
pas nous la donner. C'est ce que j'ai vu par ma propre expérience.
Ici peut-être vous me
demanderez, mon père, comment le ravissement se prolonge quelquefois plusieurs
heures. D'après ce que j'ai souvent éprouvé, le ravissement, comme je l'ai dit
de l'oraison précédente, n'est pas continu; l'âme en jouit seulement par
intervalles. A diverses reprises elle s'abîme, ou plutôt Dieu l'abîme en lui;
et après qu'il l'a tenue en cet état un peu de temps, la volonté seule demeure
unie à lui. Dans les deux autres puissances, il se manifeste un mouvement
semblable à celui de l'ombre de l'aiguille des cadrans solaires, laquelle ne
s'arrête jamais. Mais quand le soleil de justice le veut, il sait bien les
faire arrêter; et c'est là ce qui, à mon sens, est de très courte durée. Cependant,
comme le transport ou élévation de l'esprit a été puissant, la volonté, malgré
les nouveaux mouvements des deux autres facultés, reste abîmée en Dieu. En même
temps, agissant en souveraine, elle produit sur le corps l'opération que j'ai
marquée, afin que si les deux autres puissances s'efforcent par leur agitation
de troubler sa paix, elle soit libre du moins des attaques de ses sens, les
moindres de ses ennemis. Elle les suspend donc, parce que telle est la volonté
du Seigneur. Les yeux demeurent presque tout le temps fermés, quoiqu'on ne
voulût pas les fermer; et si quelquefois ils s'ouvrent, ils ne distinguent ni
ne remarquent rien, ainsi que je l'ai déjà dit. En cet état, le corps a perdu
en grande partie le pouvoir d'agir, d'où il résulte que lorsque la mémoire et
l'entendement s’unissent de nouveau à la volonté, ces deux puissances
rencontrent moins de difficulté.
Que celui à qui Dieu fait
une si grande faveur n'ait donc pas de peine de se trouver, pendant plusieurs
heures, le corps comme lié, et parfois, la mémoire et l'entendement distraits.
Le plus souvent, à la vérité, la distraction de ces deux puissances ne consiste
qu'à se répandre en louanges de Dieu, dont elles sont comme enivrées, ou à
tâcher de comprendre ce qui s'est passé en elles. Encore ne peuvent-elles le
faire à leur gré, vu que leur état ressemble à celui d'un homme qui, après un
long sommeil rempli de rêves, n'est encore qu'à demi éveillé.
Si je m'explique sur ce
sujet avec tant d'étendue, c'est que je sais qu'il y a maintenant, et même en
cet endroit (à Avila), des âmes à qui Notre Seigneur accorde de telles grâces,
Si ceux qui les dirigent n'ont point passé par là, surtout si la science leur
manque, il leur semblera peut-être que dans le ravissement ces personnes
doivent être comme mortes. Ce que de telles âmes ont à souffrir de la part des
confesseurs qui ne les comprennent pas, est vraiment digne de compassion, comme
je le dirai dans la suite. Peut-être ne sais-je moi-même ce que je dis. C'est a
vous, mon père, de juger si je rencontre juste en quelque chose, puisque le
Seigneur vous a donné une connaissance expérimentale de ces grâces; mais comme
elle est encore assez récente chez vous, il pourrait se faire que vous
n'eussiez pas observé ces faits avec autant d'attention que moi.
C'est en vain qu'après le
ravissement je fais des efforts pour remuer les membres; le corps demeure
longtemps sans forces, l'âme les lui a toutes enlevées. Souvent, infirme
auparavant et travaillé de grandes douleurs, il sort de là plein de santé et
admirablement disposé pour l'action. Dieu se plaît ainsi à faire éclater la
grandeur du don qu'il fait; il veut que le corps lui-même, qui déjà obéit aux
désirs de l'âme, participe à son bonheur. Quand l'âme revient à elle, si le
ravissement a été grand, il peut arriver qu'elle se trouve encore pendant un ou
deux jours, et même trois, comme interdite et hors d'elle-même, tant ses
puissances restent profondément absorbées.
C'est alors qu'on éprouve
le tourment de rentrer dans la vie. L'âme sent qu'elle a des ailes pour voler,
et que le léger duvet a disparu. Le moment est venu pour elle de déployer
hautement l'étendard de Jésus-Christ. Devenue gouverneur de la citadelle, l'âme
monte ou plutôt est transportée à la plus haute tour, pour y arborer la bannière
de Dieu. De cette hauteur où elle se voit en sûreté, elle regarde ceux qui sont
dans la plaine; loin de redouter les dangers, elle les désire, parce que Dieu
lui donne comme la certitude de la victoire. Celui qui est placé en un lieu
élevé porte au loin son regard: ainsi l'âme découvre très clairement le néant
de tout ce qui est ici-bas, et le peu d'estime qu'on doit en faire. Désormais
elle ne veut plus avoir de volonté propre; elle voudrait même ne plus avoir de
libre arbitre, afin d'être délivrée des combats qu'il lui suscite. Elle supplie
le Seigneur de. lui accorder cette grâce: elle lui remet les clefs de sa
volonté. La voilà donc, cette âme, de jardinier devenue gouverneur de
citadelle. Elle ne veut faire en tout que la volonté de son maître. Elle ne
veut être maîtresse ni d'elle-même ni de quoi que ce soit, non pas même du
moindre petit fruit du jardin confié à ses soins. S'il produit quelque chose de
bon, que le maître le distribue comme il le jugera à propos. Quant à elle, son
unique vœu désormais est de ne rien posséder en propre, et de voir le Seigneur
disposer de tout, selon les intérêts de sa gloire et de son bon plaisir.
La vérité est que tout
cela se passe de la sorte. Ce sont là les effets que produisent dans l'âme ces
ravissements, quand ils sont véritables. S'ils ne les produisaient pas, et si
l'âme n'en tirait pas ces précieux avantages, non seulement je douterais
beaucoup que ces transports vinssent de Dieu, mais je craindrais que ce ne
fussent plutôt de ces transports de rage dont parle saint Vincent Ferrier [2].
Quant à moi, je sais très
bien, et j'ai vu par expérience, qu'un ravissement d'une heure, d'une durée
même plus courte, suffit, quand il vient de Dieu, pour donner à l'âme l'empire
sur toutes les créatures, et une liberté telle, qu'elle ne se connaît plus
elle-même. Elle voit bien qu'un si grand trésor ne vient point d'elle; elle ne
sait même pas comment il lui a été donné; mais elle voit, avec évidence, les
immenses avantages que lui apporte chacun de ces ravissements.
Pour le croire, il faut
l'avoir éprouvé. Aussi, l'on ne donne point de créance à une pauvre âme qu'on a
connue très imparfaite et qu'on voit soudain prétendre à des choses héroïques.
Très promptement en effet, l'âme ne peut plus se contenter de servir le Seigneur
d'une manière vulgaire, elle aspire à le faire de toute l'étendue de ses
forces. On s'imagine qu'il y a là tentation et folie. Mais si l'on savait que
tout cela ne vient point de cette âme, mais du Seigneur à qui elle a remis les
clefs de sa volonté, on cesserait de s'étonner. Pour moi, j'en suis convaincue,
lorsqu'une personne est élevée à cet état, ce souverain Roi prend un soin
particulier de tout ce qu'elle doit faire. Oh! que l'on saisit bien alors le
sens du verset dans lequel David demande les ailes de la colombe! (cf. Psaume
55, 7) Que l'on comprend clairement combien il avait raison de faire à Dieu
cette prière, et à combien juste titre nous devrions tous la lui adresser! On
le voit avec évidence, l'esprit prend alors son vol pour s'élever au-dessus de
tout le créé et avant tout au-dessus de lui-même; mais c'est un vol suave, un
vol délicieux, un vol sans bruit.
Quel empire est
comparable à celui d'une âme qui, de ce faîte sublime où Dieu l'élève, voit
au-dessous d'elle toutes les choses du monde, sans être captivée par aucune?
Qu'elle est confuse de ses attaches d'autrefois! Comme elle s'étonne de son
aveuglement! Quelle compassion elle porte à ceux qu'elle voit dans les mêmes
ténèbres, surtout si ce sont des personnes d'oraison, et envers qui Dieu se
montre déjà prodigue de ses faveurs! Elle voudrait élever sa voix pour leur
faire connaître combien ils s'égarent; quelquefois même elle ne peut s'en
défendre, et alors mille persécutions pleuvent sur sa tête. On l'accuse de peu
d'humilité; elle prétend, dit-on, instruire ceux de qui elle devrait apprendre.
Si c'est une femme, on lui fait encore plus vite son procès. Et on a raison de
la condamner, parce qu'on ignore le transport qui la presse. Souvent, incapable
d'y résister, elle ne peut s'empêcher de détromper ceux qu'elle aime. Elle
voudrait les voir libres de la prison de cette vie, où elle a été enchaînée
elle-même; car, elle le voit clairement, c'est bien d'une prison qu'elle a été
tirée.
Elle gémit d'avoir été
jadis sensible au point d'honneur, et de l'illusion qui lui faisait regarder
comme honneur ce que le monde appelle de ce nom. Elle n’y voit plus qu’un
immense mensonge, dont nous sommes tous victimes. Elle comprend que l'honneur
digne de ce nom n’est point mensonger, mais très véritable, qu'il estime ce qui
mérite de l'être qu'il considère comme un néant ce qui est un néant, car tout
ce qui prend fin et n'est pas agréable à Dieu est néant, et moins encore que le
néant. Elle se rit d'elle-même en songeant qu'il y a eu un temps dans sa vie où
elle a fait quelque cas de l'argent, et où elle en a eu quelque désir. A la
vérité, je n'ai jamais eu à me confesser d'un tel désir; c'était une assez
grande faute pour moi d'avoir accordé quelque estime aux richesses. Si l'on
pouvait avec elles acheter le bonheur dont je jouis, je les priserais
extrêmement; mais je vois au contraire que pour obtenir ce bonheur, il faut
renoncer à tout.
Qu'achète-t-on avec cet
argent dont on a soif? Est-ce un bien de quelque prix? est-ce un bien durable
et pourquoi le veut-on? Quel lugubre repos on se procure, et qu'il coûte cher!
Souvent, avec cet argent, on descend en enfer et l'on achète un feu qui ne
s'éteint pas, Un supplice sans fin. Oh! si les hommes pouvaient tous le
regarder comme un peu de boue inutile, quelle harmonie régnerait dans le monde!
Quel affranchissement des soucis qui nous troublent! Avec quelle amitié tous se
traiteraient mutuellement, si l'intérêt de l'honneur et de l'argent
disparaissait de la terre! Pour moi, je tiens que ce serait le remède à tout.
L'âme voit de quel
aveuglement sont frappés les esclaves des plaisirs, et comment, par ces
plaisirs, ils n'acquièrent, dès cette vie même, que des peines et des troubles
amers. Quelle inquiétude quel peu de contentement! comme ils travaillent en
vain!
En elle-même, l'âme
découvre, à la lumière du Soleil divin, non seulement les toiles d'araignée ou
les grandes fautes, mais encore les grains de poussière, si petits qu'ils
soient. Elle a beau faire tous ses efforts pour tendre à la perfection, dès que
ce Soleil l'investit de ses rayons, elle se trouve extrêmement trouble:
semblable à l'eau dans un verre, qui, loin du soleil, semble pure et limpide,
mais qui, exposée à ses rayons, paraît toute remplie d'atomes. Cette
comparaison est parfaitement juste. Quand Dieu n'a pas encore accordé d'extase
à l'âme, elle croit éviter avec soin toute offense, et faire pour son service
tout ce qui dépend d'elle. Mais lorsque, dans l'extase, le Soleil de justice
donne sur elle et lui fait ouvrir les yeux, elle découvre tant d'atomes
d'imperfections qu'elle voudrait les refermer aussitôt. Comme le jeune aiglon,
elle n'est pas encore assez forte pour regarder fixement ce Soleil, mais pour
peu qu'elle tienne les yeux ouverts, elle se voit comme une eau très trouble.
Elle se rappelle ces paroles: « Seigneur, qui sera juste devant vous? » (Cf.
Psaume 143, 2) Quand elle considère ce divin Soleil, elle est éblouie de sa
clarté; et quand elle se considère elle-même, la boue de ses misères lui met un
bandeau sur les yeux, et cette petite colombe se trouve aveugle. Oui, très
souvent, elle demeure complètement aveugle, absorbée, effrayée, évanouie,
devant les merveilles si grandes qu'elle contemple. C'est là qu'elle trouve ce
trésor de la vraie humilité, qui fait qu'elle n'a plus de peine à dire ou à
entendre dire du bien d'elle-même. Que le maître du jardin en distribue les
fruits à son gré: c'est à lui, et non à elle, de le faire. Ainsi, ne gardant
rien entre les mains, elle fait hommage au Seigneur de tout le bien qu'elle
possède, et si elle parle de soi, c'est uniquement pour la gloire de son Dieu.
Elle sait que dans ce jardin rien ne lui appartient en propre; et voulût-elle
l'ignorer, cela n'est pas en son pouvoir, car elle le voit d'un œil que Dieu,
malgré elle, ferme aux choses du monde et tient ouvert à la vérité.
* * * * *
[1] Voici le jugement que
portait saint Jean de la Croix, après avoir lu l'écrit de sainte Thérèse sur
cette haute matière: « Ce serait ici le lieu de parler des différents
caractères qui distinguent les ravissements, les extases, les élévations et les
vols d'esprit dont les âmes spirituelles sont souvent favorisées. Mais je
laisse ce travail à quelque autre qui s'en acquittera mieux que moi. D'ailleurs
notre bienheureuse mère Thérèse de Jésus a écrit admirablement de ces matières;
et j'espère de la bonté divine que ses ouvrages seront imprimés, et donnés au
public sous peu de temps. » (Cantique spirituel, strophe XIII.)
[2] Sainte Thérèse se
sert ici d'un mot qui n'est pas espagnol. Modifiant tant soit peu l'expression
arrobamiento, qui signifie ravissement, elle dit rabamiento, mot de sa façon,
auquel répondrait dans notre langue celui d'enragement. Par ce terme qu'elle
invente, elle rend mieux l'énergie de celui qu'emploie saint Vincent Ferrier,
dans son Traité de la vie spirituelle, pour flétrir et stigmatiser les faux
ravissements. Voici le passage auquel la sainte fait visiblement allusion:«
Tenez pour certain que la plus grande partie des ravissements, ou plutôt des
rages des messagers de Antéchrist, vient de cette manière. »
Chapitre 20 du Manuscrit Autobiographique de Sainte Thérèse d'Avila, carmélite réformatrice, docteur de l'église (1512-1582)
SOURCE : http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Avila/Autobiographie/autobiographie4.html
Sculpture in niche on the façade of the church at
Mayerling
Also known as
Teresa de Ávila
Teresa of Jesus
Teresa Sanchez Cepeda Davila y Ahumada
The Roving Nun
Theresa of Ávila
27 August (Transverberation
of her Heart)
Profile
Born to the Spanish nobility,
the daughter of Don Alonso Sanchez de Cepeda and Doña Beatriz. She grew up
reading the lives of the saints, and
playing at “hermit”
in the garden. Crippled by disease in
her youth,
which led to her being well educated at
home, she was cured after prayer to Saint Joseph.
Her mother died when
Teresa was 12, and she prayed to Our Lady to
be her replacement. Her father opposed
her entry to religious
life, so she left home without telling anyone, and entered a Carmelite house
at 17. Seeing her conviction to her call, her father and
family consented.
Soon after taking her vows, Teresa became
gravely ill,
and her condition was aggravated by the inadequate medical help she received;
she never fully recovered her health. She began receiving visions,
and was examined by Dominicans and Jesuits,
including Saint Francis
Borgia, who pronounced the visions to be holy and true.
She considered her original house too lax in its rule,
so she founded a reformed convent of Saint John
of Avila. Teresa founded several houses, often against fierce opposition
from local authorities. Mystical writer.
Proclaimed a Doctor
of the Church on 27
September 1970 by Pope Paul
VI.
Born
28 March 1515 at
Avila, Castile, Spain as Teresa
Sanchez Cepeda Davila y Ahumada
4 October 1582 at
Alba de Tormes of natural causes in the arms of her secretary and
close friend Blessed Anne
of Saint Bartholomew
body incorrupt
relics preserved
at Alba
her heart shows signs of Transverberation (piercing of
the heart), and is displayed, too
12 March 1622 by Pope Gregory
XV
people
ridiculed for their piety
—
Avellaneda–Lanús, Argentina, diocese of
nun wearing
the habit of
a Discalced
Carmelite
Carmelite nun with
her heart pierced by an arrow held
by an angel
Carmelite nun holding
a pierced heart, book and crucifix
Carmelite nun with book and quill
Carmelite nun receiving
a message from a dove
Additional Information
Book
of Saints, by Father Lawrence
George Lovasik, S.V.D.
Book
of Saints, by the Monks of
Ramsgate
Illustrated
Catholic Family Annual
Letter
from Saint John of Avila to Saint Teresa: Discussing her account of her
spiritual life
Little
Lives of the Great Saints
Lives
of the Saints, by Father Alban
Butler
Lives
of the Saints, by Father Francis
Xavier Weninger
Pope
Benedict XVI, General Audience, 2 February 2011
Saint
Teresa, by Alexander Whyte
Saint
Teresa of Avila, by Father Hugh
Kelley, SJ
Stories
of the Saints for Children, by Mary Seymour
Purgatory
Explained, book 1, chapter 5
Saints
of the Day, by Katherine Rabenstein
Sermon
Notes on Saint Theresa, by Father Basil
William Maturin
Short
Lives of the Saints, by Eleanor Cecilia Donnelly
Virgin
Saints and Martyrs, by Sabine Baring-Gould
—
Interior Castle, by Saint Teresa
of Avila
Saint Teresa of Avila, by David Lewis
The Life of Saint Teresa, by Mother Frances Alice
Monica Forbes
The Life of Saint Teresa of Jesus, by Herself
The Way of Perfection, by Saint Teresa
of Avila
read online
Letters by Saint Teresa
of Avila
Letter
to Philip II, King of Spain
Letter
to the Reverend Father John de Jesu Roca, Carmelite, at Pastrana
Letter
to the Most Illustrious Don Alonzo Velasquez, Bishop of Osma
Letter
to the most Illustrious Lady Louisa de la Cerda, of Malagon
Letter
to the Most Illustrious Lady Anne Henriquez, of Toro
Letter
to the Reverend Father Louis of Granada, of the Order of Saint Dominic
Letter
to the Reverend Father Pedro Ibañez
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Novena in Honour of the Glorious Mother, Saint Teresa of Jesus
Works and History of Journeys and Foundations, by Saint
Teresa of Avila
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Martirologio Romano, 2001 edición
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Abbé Christian-Philippe Chanut
fonti in italiano
Readings
God, deliver me from sullen saints. – Saint Teresa
of Avila
Know that even when you are in the kitchen, our Lord
moves amidst the pots and pans. – Saint Teresa
of Avila
Oh my Lord! How true it is that whoever works for you
is paid in troubles! And what a precious price to those who love you if we
understand its value. – Saint Teresa
of Avila
There is no such thing as bad weather. All weather is
good because it is God’s. – Saint Teresa
of Avila
There is more value in a little study of humility and
in a single act of it than in all the knowledge in the world. – Saint Teresa
of Avila
We need no wings to go in search of Him, but have only
to look upon Him present within us. – Saint Teresa
of Avila
Let nothing trouble you, let nothing make you afraid.
All things pass away. God never changes. Patience obtains everything. God alone
is enough. – Saint Teresa
of Avila
Dream that the more you struggle, the more you prove
the love that you bear your God, and the more you will rejoice one day with
your Beloved, in a happiness and rapture that can never end. – Saint Teresa
of Avila
Hope, O my soul, hope. You know neither the day nor
the hour. Watch carefully, for everything passes quickly, even though your
impatience makes doubtful what is certain, and turns a very short time into a
long one. – Saint Teresa
of Avila
You ought to make every effort to free yourselves even
from venial sin, and to do what is most perfect. – Saint Teresa
of Avila
O my God! Source of all mercy! I acknowledge Your
sovereign power. While recalling the wasted years that are past, I believe that
You, Lord, can in an instant turn this loss to gain. Miserable as I am, yet I
firmly believe that You can do all things. Please restore to me the time lost,
giving me Your grace, both now and in the future, that I may appear before You
in “wedding garments.” Amen. – Saint Teresa
of Avila
If Christ Jesus dwells in a man as his friend and
noble leader, that man can endure all things, for Christ helps and strengthens
us and never abandons us. He is a true friend. And I clearly see that is we
expect to please him and receive an abundance of his graces, God desires that
these graces must come to us from the hands of Christ, through his most sacred
humanity, in which God takes delight. All blessings come to us through our
Lord. He will teach us, for in beholding his life we find that he is the best
example. What more do we desire from such a good friend at our side? Unlike our
friends in the world, he will never abandon us when we are troubled or
distressed. Blessed is the one who truly loves him and always keeps him near.
Whenever we think of Christ we should recall the love that led him to bestow on
us so many graces and favors, and also the great love God showed in giving us
in Christ a pledge of his love; for love calls for love in return. Let us
strive to keep this always before our eyes and to rouse ourselves to love him.
For is at some time the Lord should grant us the grace of impressing his love
on our hearts, all will become easy for us and we shall accomplish great things
quickly and without effort. – Saint Teresa
of Avila
MLA Citation
“Saint Teresa of Ávila“. CatholicSaints.Info. 14
October 2021. Web. 15 October 2021.
<https://catholicsaints.info/saint-teresa-of-avila/>
SOURCE : https://catholicsaints.info/saint-teresa-of-avila/
Gregorio Fernández, Santa Teresa, circa
1625, bois polychrome,
Museo Nacional de Escultura - museoescultura.mcu.es,
Valladolid, Espagne
St. Teresa of Avila
Teresa Sanchez Cepeda
Davila y Ahumada
Born at Avila,
Old Castile,
28 March, 1515; died at Alba de Tormes, 4 Oct., 1582.
The third child of Don
Alonso Sanchez de Cepeda by his second wife, Doña Beatriz Davila y Ahumada, who
died when the saint was
in her fourteenth year, Teresa was brought up by her saintly father, a lover of
serious books, and a tender and pious mother.
After her death and the marriage of her eldest sister, Teresa was sent for
her education to
the Augustinian nuns at Avila,
but owing to illness she left at the end of eighteen months, and for some years
remained with her father and occasionally with other relatives, notably an
uncle who made her acquainted with the Letters
of St. Jerome, which determined her to adopt the religious
life, not so much through any attraction towards it, as through a desire of
choosing the safest course. Unable to obtain her father's consent she left his
house unknown to him on Nov., 1535, to enter the Carmelite Convent
of the Incarnation at Avila,
which then counted 140 nuns.
The wrench from her family caused
her a pain which she ever afterwards compared to that of death. However, her
father at once yielded and Teresa took the habit.
After her profession in
the following year she became very seriously ill, and underwent a prolonged
cure and such unskillful medical treatment that she was reduced to a most
pitiful state, and even after partial recovery through the intercession
of St.
Joseph, her health remained permanently impaired. During these years of
suffering she began the practice of mental
prayer, but fearing that her conversations with some world-minded
relatives, frequent visitors at the convent,
rendered her unworthy of the graces God bestowed
on her in prayer,
discontinued it, until she came under the influence, first of the Dominicans,
and afterwards of the Jesuits.
Meanwhile God had
begun to visit her with "intellectual
visions and locutions", that is manifestations in which the exterior
senses were in no way affected, the things seen and the words heard being
directly impressed upon her mind, and giving her wonderful strength in trials,
reprimanding her for unfaithfulness, and consoling her in trouble. Unable to
reconcile such graces with
her shortcomings, which her delicate conscience represented
as grievous faults, she had recourse not only to the most spiritual confessors
she could find, but also to some saintly laymen,
who, never suspecting that the account she gave them of her sins was
greatly exaggerated, believed these manifestations to be the work of the evil
spirit. The more she endeavoured to resist them the more powerfully
did God work
in her soul.
The whole city of Avila was
troubled by the reports of the visions of
this nun.
It was reserved to St.
Francis Borgia and St.
Peter of Alcantara, and afterwards to a number of Dominicans (particularly
Pedro Ibañez and Domingo
Bañez), Jesuits,
and other religious and secular
priests, to discern the work of God and
to guide her on a safe road.
The account of her
spiritual life contained in the "Life written by herself" (completed
in 1565, an earlier version being lost), in the "Relations", and in
the "Interior Castle", forms one of the most remarkable spiritual biographies
with which only the "Confessions
of St. Augustine" can bear comparison. To this period belong also
such extraordinary manifestations as the piercing or transverberation of her
heart, the spiritual espousals, and the mystical
marriage. A vision of
the place destined for her in hell in
case she should have been unfaithful to grace,
determined her to seek a more perfect life.
After many troubles and much opposition St. Teresa founded the convent of Discalced Carmelite Nuns
of the Primitive Rule of St. Joseph at Avila (24
Aug., 1562), and after six months obtained permission to take up her residence
there. Four years later she received the visit of the General of the Carmelites,
John-Baptist Rubeo (Rossi), who not only approved of what she had done but
granted leave for the foundation of other convents of friars as
well as nuns.
In rapid succession she established her nuns at
Medina del Campo (1567), Malagon and Valladolid (1568), Toledo and Pastrana
(1569), Salamanca (1570), Alba de Tormes (1571), Segovia (1574), Veas and
Seville (1575), and Caravaca (1576). In the "Book of Foundations" she
tells the story of these convents,
nearly all of which were established in spite of violent opposition but with
manifest assistance from above. Everywhere she found souls generous
enough to embrace the austerities of the primitive rule of Carmel.
Having made the acquaintance of Antonio de Heredia, prior of
Medina, and St.
John of the Cross, she established her reform among
the friars (28
Nov., 1568), the first convents being
those of Duruelo (1568), Pastrana (1569), Mancera, and Alcalá de Henares
(1570).
A new epoch began with
the entrance into religion of Jerome
Gratian, inasmuch as this remarkable man was almost immediately entrusted
by the nuncio with
the authority of visitor Apostolic of the Carmelite friars and nuns of
the old observance in Andalusia,
and as such considered himself entitled to overrule the various restrictions
insisted upon by the general and the general chapter. On the death of the nuncio and
the arrival of his successor a fearful storm burst over St. Teresa and her
work, lasting four years and threatening to annihilate the nascent reform.
The incidents of this persecution are
best described in her letters. The storm at length passed, and the province
of Discalced Carmelites,
with the support of Philip II, was approved and canonically established on 22
June, 1580. St. Teresa, old and broken in health, made further foundations at
Villanuava de la Jara and Palencia (1580), Soria (1581), Granada (through
her assistant the Venerable Anne of Jesus), and at Burgos (1582).
She left this latter place at the end of July, and, stopping at Palencia, Valladolid,
and Medina del Campo, reached Alba de Torres in September, suffering intensely.
Soon she took to her bed and passed away on 4 Oct., 1582, the following day,
owing to the reform of the calendar, being reckoned as 15 October. After some
years her body was transferred to Avila,
but later on reconveyed to Alba, where it is still preserved incorrupt. Her
heart, too, showing the marks of the Transverberation, is exposed there to the
veneration of the faithful.
She was beatified in
1614, and canonized in
1622 by Gregory
XV, the feast being fixed on 15 October.
St. Teresa's position
among writers on mystical
theology is unique. In all her writings on this subject she deals with
her personal experiences, which a deep insight and analytical gifts enabled her
to explain clearly. The Thomistic substratum
may be traced to the influence of her confessors and directors, many of whom
belonged to the Dominican
Order. She herself had no pretension to found a school in
the accepted sense of the term, and there is no vestige in her writings of any
influence of the Areopagite,
the Patristic, or the Scholastic Mystical schools,
as represented among others, by the German Dominican Mystics.
She is intensely personal, her system going exactly as far as her experiences,
but not a step further.
A word must be added on
the orthography of her name. It has of late become the fashion to write her
name Teresa or Teresia, without "h", not only in Spanish and Italian,
where the "h" could have no place, but also in French, German, and
Latin, which ought to preserve the etymological spelling. As it is derived from
a Greek name, Tharasia, the saintly wife of St.
Paulinus of Nola, it should be written Theresia in German and Latin, and
Thérèse in French.
Zimmerman,
Benedict. "St. Teresa of Avila." The Catholic Encyclopedia. Vol.
14. New York: Robert Appleton Company, 1912. 13 Mar.
2019 <http://www.newadvent.org/cathen/14515b.htm>.
Transcription. This
article was transcribed for New Advent by Marie Jutras.
Ecclesiastical
approbation. Nihil Obstat. July 1, 1912. Remy Lafort, S.T.D.,
Censor. Imprimatur. +John Cardinal Farley, Archbishop of New York.
Copyright © 2020 by Kevin
Knight. Dedicated to the Immaculate Heart of Mary.
SainteTeresa d'Ávila, Ávila de los
Caballeros,
Photographie prise le 12 of April 2004 par Håkan
Svensson (Xauxa)
Another work of St. Teresa was an Exposition on the Book of Canticles; which she composed out of obedience to some person whose request she thought herself bound to comply with; but a certain priest to whom she soon after went to confession, without having ever seen it, ordered her to burn it, thinking it dangerous that an illiterate woman should write upon so difficult a book of the holy scripture. She immediately obeyed. Thus this piece is lost, except the seven first chapters, which another person had privately copied before the original was burnt. The part that is preserved, is an excellent commenced treatise on divine love, and makes the rest exceedingly regretted. She says here that the great riches of love, and the mysteries couched in a single word of this divine book are incomprehensible to us: yet our weak meditation and humble admiration will not displease God, as a great king is not offended if he sees a little child pleased and surprised with beholding the splendour of his ornaments and throne. After explaining the false notions of such souls as make little account of venial sins, or, in a religious state, habitually neglect any of those regular constitutions which oblige not under any sins, she shows the value and sweetness of the true kiss of peace, which is the fruit of divine love; for this love, like the manna, has every taste a soul can desire, and is a tree which by its shade covers the soul, comforts her by the drops of its delicious dew, strengthens and enriches her with the fruits of patience and all interior virtues, and adorns her with the flowers of good works, especially of charity. Every verse she applies to the spiritual joy, delight, and other effects which the divine spouse produces in a soul, especially in the sublime gifts of prayer, of which he speaks in raptures of humility, joy, and holy love. This imperfect work is to devout souls a great treasure, and the loss of the continuation not to be repaired. Bannes informs us, in the relation he gave of the saint in order to her canonization, that when he heard her confessions, for a trial of her obedience, he bade her to throw her life which she had then written, into the fire; and she had certainly done it without the least reply, if he had not immediately recalled that order. (See Yepez, b. 3, c. 18, pp. 155, 156.) The meditations of St. Teresa before and after communion are full of affective sentiments of humility, fear, love, and other virtues. Many sinners by reading these meditations have been converted to God, and embraced a course of perfect virtue.
This mistake proceeded from an oversight in the astronomer Sosigenes, whom Cæsar had consulted. He laid down for the basis of his calculation, that the sun was three hundred and sixty-five days and six hours performing it course, through the ecliptic; whereas the astronomers of the sixteenth century have discovered that this revolution is performed in three hundred and sixty-five days, five hours and forty-nine minutes. Consequently he supposed the year to be eleven minutes longer than it really is: which, every hundred and thirty-four years, increases the error to the length of a day; insomuch, that from the council of Nice in 325, till the reformation of the calendar in 1582, ten days too many crept into the Ephemeris: thus the vernal equinox, which, in 325, was fixed on the 21st of March, in the year 1582, happened on the 11th, though the calendar always fixed it on the 21st.
This difference increasing from age to age, the seasons at length would be so erroneously indicated by the calendar, that we might imagine ourselves in spring, when the sun had already gone through all the signs. Blondel, who in the last century published a valuable work on the calendar, ingeniously remarks: “The prayers, then, which the church hath judiciously ordered in correspondence to the seasons would become utterly absurd: how ridiculous to pray that God would graciously moderate the raging heats of the sun, at a time that the earth was covered with snow; or to petition for rain to help the growth of corn already reaped and stored in our granaries!” This error was one of the principal motives which induced Pope Gregory XIII. to reform the calendar. It was caused, as has been remarked, on account of the days of the year having crept forward in regard of the equinoxes and solstices, and consequently of the seasons. But of all the faults of the calendar, this seemed the easiest to correct. It was in effect only bringing back the vernal equinox to the 21st of March, as it had been in 325, by counting it the twenty-first day of the month, which in the old calendar was reckoned but the eleventh. The pope might have waited for March, 1583, to make this suppression; but he chose to do it in the month of October preceding, on the day after the feast of St. Francis, finding there were fewer feasts from this day to the 15th, than in the other months.
To obviate this error in future, he instituted a new form of years, called the Gregorian, in which three leap-days are left out in every four hundred years; by which the excess of eleven minutes yearly accumulating, making one day in one hundred and thirty-four years, was regulated thus; that after the year 1600, every hundredth year (which in the Julian form would be leap-year or bissextile) be reckoned common years only of three hundred and sixty-five days; except the four hundredth to be of three hundred and sixty-six days; so that the years 1700, 1800, and 1900 be common; the year 2000 bissextile: but 2100 common, and so in course. By this regulation the vernal equinoxes are fixed (almost) for ever to the 20th or 21st of March. The method is so simple, and even so accurate, that a difference of one day could not happen in loss than twenty-six thousand eight hundred years. The suppression of a day, renewed each of the three first hundred years, is called the Solar Equation.
The ancient manner of counting days is called the Old Style: and that introduced by Pope Gregory XIII. the New Style. The Catholic states adopted it almost as soon as it was in use at Rome; and by degrees it became general in the Protestant countries. Russia still uses the old style, so that their year begins eleven days later than ours. But to conform the Russian dates to those of the other European nations, they are expressed like fractions, whose numerators point out the day of the month according to the Gregorian calendar, and denominators the day of the same or foregoing month, according to the ancient calendar. For example, these fractions, 22/11 March, signify an event to have happened in Russia the 11th of March: to signify an event which happened the 21st of December, 1774, is written thus,
Hence proceeds the interruption every fourth year, in the cycle of the dominical letters. Every revolution of a fixed time, after which things return to the same order as before, is called a cycle: and the seven first letters of the alphabet are called Dominical, because their chief use is to mark each Sunday or Lord’s-day, Dies Domini, so called in memory of the resurrection of our Saviour.
When the church adopted the Roman calendar, instead of their Nundinal Letters, by which the Roman markets or fairs were kept, many alterations were necessary relative to its own customs. Among others, the division of weeks, marking each day by one of the seven letters, that which marked the Sundays during the year was called the Dominical Letter. By this arrangement the letter A is invariably placed against the 1st of January; B against the 2nd of January; and so on to the seventh, G, which is placed against the 7th of January; after which the Letter A is placed against the eighth, &c. to the end of the year. But the Sunday letter changes every year, once in every common year, and in every fourth or leap-year, twice. And the reason is, first, because the common year does not consist of exact weeks, having a day over, that is, fifty-two weeks and one day. So that as the year begins with A, set before new-year’s day; so it ends with A, set before the last day, December 31st. And the year again beginning with A, there will be AA falling together, December 31st, and January 1st; so if the former happen to be Sunday, the other of course must stand for Monday: then reckoning forward Sunday must fall on G, which will be the dominical letter that ensuing year. Thus the odd day shifts back the dominical letter every year in retrograde order. And this revolution would be terminated in seven years; but, secondly, there comes in another odd day every fourth year, being leap-year: and in that year there are consequently two interruptions, the Sunday letter being changed twice: once at the beginning of the year, and the second time towards the latter end of February, by the interposition of the bissextile or intercalary day, which is placed next after the 24th of February; and consequently leap-years have two dominical letters; the first serves till the 24th of February, the second the remainder of the year. By this interruption each letter must be in its turn changed, and consequently a revolution of four times seven, (i. e. twenty-eight years) brings the dominical letters to their first order. This cycle is called, from Sunday, the Solar Cycle. This cycle in strictness belongs only to the ancient Julian calendar; for the solar equation in the new style requiring the suppression of the bissextile three times every four hundred years, there must then result an unavoidable derangement in the dominical letters. This however does not hinder that this cycle be marked as usual in the Liturgy and Ephemeris, under the necessary corrections in the tables of the dominical letters.
The error which crept into the ancient calendar, through the inaccurate calculation of the length of the year, was not the most difficult to be corrected. The faultiness of the lunar cycle offered difficulties vastly greater. But a minute detail of these, to show the value we ought to set on the labours which adjusted them, would be too much in this place. The Lunar Cycle is a revolution of nineteen years, in which time the new moons return to the same days they were on before, and in the same order. About four hundred and thirty-nine years before the birth of our Saviour, there was at Athens a famous astronomer named Meton, who in comparing the ancient observations with those of his own time, thought he discovered that the new moons regularly appeared the same day, and in the same part of the heavens every nineteen years. The prediction of eclipses became by this discovery quite easy, which rendered it very interesting; and was written at Athens in letters of gold, whence it was called the Golden number. Although, since the reformation of the calendar, these numbers have no real utility, they are still retained according to the old custom in almanacs, and other works of the like kind.
Let us now see what influence the lunar cycle can have in the calendar. It was ordered by the old law to celebrate the Passover the very day of the full moon of the vernal equinox. The synagogue constantly observed this precept; and the first converted Jews conformed to the same observance. Consequently the Christians celebrated their Easter when the Jews ate their Paschal Lamb, on whatever day of the week fell the full moon. But as their object was very different, so the generality of the Christians put off the celebration of Easter to the Sunday following. However, in either case, a sure rule was needful to know the variations of the Paschal full moons; but the research was intricate; and, in the first ages, the church was much disturbed. But when it began to rest in security under the Emperor Constantine, after mature discussion it was decreed in the council of Nice; 1st, That the feast of Easter should be always celebrated on Sunday. 2ndly, That this Sunday should always be that which immediately followed the fourteenth day of the moon of the first month; but if this fourteenth day fell on Sunday, the feast of Easter was put off till the Sunday following, to avoid celebrating it the same day with the Jews. 3rdly, That the month counted first by the council, was that on which the fourteenth day of the moon either exactly corresponded with the vernal equinox, or the very next after the equinox. There remained therefore no more than to know invariably the day of the vernal equinox, and that of the Paschal full moon; but this belonged to astronomers. Those of Alexandria being then in the first repute, were consulted. They answered that the equinox in that age happened on the 21st of March; it was therefore decided that this equinox should be always fixed on the 21st of that month. As to the day of the Paschal full moon, they declared that this day might vary from the 21st of March to 18th of April inclusively. For, in reckoning fourteen days, beginning with the 8th of March, the 14th would answer to the 21st, the very day of the equinox; then if this day were Saturday, the day after would be Easter Sunday, the earliest that can possibly happen: for if Sunday were the 21st, Easter day would be removed to the Sunday following. But if the preceding new moon should fall on the 7th of March, it would then be full moon the 20th, and consequently before the equinox. The Paschal moon would then be the following, and must fall on the 5th of April; because the preceding lunar month having no more than twenty-nine days, and commencing the 7th of March, it must end the 4th of April. Thus the 18th of April would be in this case the 14th day of the Paschal moon, and as this might fall on Sunday, it is evident that then Easter could not be celebrated till the Sunday following, that is, the 25th of April; the latest date possible for the celebration of that feast.
Those astronomers not knowing the exact length of the year, nor the error in the lunar cycle, which was found afterwards by the best observations to be an hour and a half too slow; this error, though it seems little, yet at the end of twelve ages it made a difference of four days between the astronomical new moons and those of the calendar.
The first effect of this difference was often to put back the celebration of Easter an entire month; the second was to authorize the ridiculous practice of marking the new moons many days after their appearance. This error was too gross to escape notice, and though many attempts were made to remedy it, it could not be abolished till Gregory XIII. happily executed the reformation of the calendar, which the council of Trent had so earnestly recommended to the sovereign pontiff.
He consulted the learned of his time; invited many of them to Rome, and intrusted the revisal of their labours to Ciaconius, a priest of Toledo, and Clavius, a Jesuit, both eminent in astronomy; among the works of the latter is found a large treatise on the calendar, wherein he relates all the corrections made in it.
The most important was that of the suppression of the lunar cycle, and substituting one much more commodious, called the Cycle of Epacts. It was invented by the famous Lilius, known in the history of the calendar under the name of Aloysius Lilius or Lewis Lilio. He was a physician, and very eminent in the sciences necessary for this invention. This cycle is a succession of numbers from one to thirty, so disposed in each month of the year, that they perpetually give the new moons, as may be seen in the following exposition; hence the Gregorian calendar obtained the epithet perpetual.
To understand these successions, let us see how they are found. By the Epact is meant, the number of days which the lunar year differs from the solar corresponding to it. But to make this definition more intelligible, it must be observed, that years are of two kinds: those which the course of the sun regulates, by its return to the same point of the firmament, are called Solar years, or Civil years with us, and ordinarily consist of three hundred and sixty-five days, divided into twelve months; and those called lunar years because regulated by the course of the moon. The lunar year consists of twelve lunations or lunar months. Now a lunar month is the interval between one new moon and the next. This interval was computed by the ancient astronomers to be twenty-nine days and a half; but to avoid the embarrassment of this fraction of a day, it was agreed that the lunar months should consist alternately of thirty and twenty-nine days, calling the former Full, the latter Cave or Hollow months. Now six full and six hollow months make only three hundred and fifty-four days, consequently the lunar year is eleven days shorter than the common solar year. Therefore, if a lunar year begins the 1st of January, it will end the 20th of December. Thus the second common solar year will only commence when the second lunar year is already advanced eleven days. This second lunar year then will have eleven for epact. The two luminaries proceeding regularly in their course, it is evident that at the end of the third solar year the moon will be twenty-two days before the sun; twenty-two then will be the epact of the third year. At the end of the third year the moon will be advanced thirty-three days, which makes a lunation of thirty days to be added to the thirty-six lunar months already passed, in order to rank with the thirty-six correspondent solar months. The three days over are the epact of the fourth year. In general, the age of the moon at the 1st of January, is always the epact of the new year.
The intercalation of the thirteenth moon was introduced among the Greeks, with the cycle of nineteen years. These intercalations they called Embolisms; and the years of thirteen lunations Embolismic.
These things being premised, we come to the investigation of the cycle of epacts. Suppose that the 1st of January of the first year of a lunar cycle be the day of a new moon, the moon then this year will have no age, consequently the current epact will be a o, or cipher; that of the following year will be eleven, i. e. the thirteenth moon will be eleven days old at the commencement of the thirteenth solar month. This being an odd moon should have thirty days, according to the alternate order of full and hollow months, (for it was agreed to make the odd lunations to consist of thirty days each,) nineteen days more were then wanting to complete the thirteenth moon, and consequently the fourteenth cannot commence sooner than the 20th of January. Thus the epact eleven must directly answer to the twentieth day; and successively answer to all the other days of new moon in the same year; but the fourteenth lunation consisting only of twenty-nine days, the fifteenth must consequently begin the 18th of February; and it is opposite to this that Lilius placed the epact eleven. Then he reckoned thirty days for the fifteenth lunation (and thirty-one in leap-years on account of the intercalated day in February;) and he found that the sixteenth moon commenced the 20th of March. He there placed the current epact, and so on to the end of the second year of the cycle.
The third having for epact twenty-two, i. e. the twenty-fifth moon being twenty-two days advanced at the 1st of January the third year, the twenty-sixth moon must begin the 9th of January. So Lilius placed opposite this day the epact twenty-two, which he afterwards carried to the 7th of February, the 9th of March, &c.
By this disposition the thirty numbers designed to stand for all epacts possible were arranged in a retrograde order; so that the number thirty answered to the 1st of January, and the number twenty-nine, twenty-eight, twenty-seven, twenty-six, &c., to one, answered respectively to the second, third, fourth, fifth, &c., to the 30th of the same month. After which a new reckoning began, always following the same order. But as twelve times thirty make three hundred and sixty, Lilius imagined, that to reduce these three hundred and sixty epacts to three hundred and fifty-four, being the number of days in the lunar year; it would suffice to double six epacts. This reduction ought to have two conditions; the first, that all the even months (being hollow) should consist of twenty-nine days only; the second, that in conformity to the ancient custom, all the Paschal moons should consist also of twenty-nine days only. To accomplish the first condition, he doubled an epact each even month, such as February, April, &c., and by this means reduced the epacts to three hundred and fifty four; to accomplish the second condition, it was necessary to re-unite two epacts under one of the twenty-nine days, comprised under the two limits of the Paschal moons; these limits are the 8th of March, and the 5th of April, inclusively. This reunion he was obliged to effect not only under one of these twenty-nine days, but also in the month of April: this could only be done the first five days of this month; he chose the fifth; and as epact twenty-five corresponded to this day, he joined to it the following epact twenty-four. He did the same in the other even months: and this is the reason we see in them the two epacts joined. With this precaution and some others which equally denote Lilius’s singular foresight, the new calendar is brought to that perfection which precludes any essential error.
We shall conclude this note with some definitions relative to the subject treated of therein. There are two principal and distinguished periods in chronology, viz. the Dionysian and the Julian. The Dionysian period was invented by Victor of Aquitain, and from him is also called the Victorian Period; but better known under the name of the Dionysian, on account of Dionysius, surnamed the Little, who first introduced it about the beginning of the sixth century, in order to determine the day of Easter. It is a revolution of five hundred and thirty-two years, produced by multiplying the solar cycle twenty-eight by the lunar cycle nineteen. Victor, in forming it, intended to comprehend all the variations possible of the golden numbers combined with the numbers of the solar cycle, so that in the course of each period, there would not be two years having the same golden number and the same solar cycle.
To the Dionysian period Joseph Julius Scaliger substituted the Julian, so called, because it was formed of Julian years, every fourth of which is bissextile. This period is of seven thousand nine hundred and eighty years, and is produced by the continual multiplication of the three cycles; viz. That of the solar twenty-eight, of the lunar nineteen, and of the Roman indiction a cycle of fifteen years. The origin of this cycle seems as high as the time of Augustus; but according to Baronius it was instituted by Constantine, about the year 312. There are commonly reckoned three sorts of indictions; 1st, The Cæarean or Imperial, by which the times of paying taxes were indicated to the Roman subjects; also the dating of papers from the current year of indiction. It began on the eighth of the calends of October. 2nd, The Constantinopolitan, by which they marked (as they do at this day) the more Oriental calendars, as appears in the briefs of the Hieremian patriarch, and of Crusius’s Turco-Græcia. This begins on the calends of September. The third is called the Pontifical, or the Roman, which begins on the calends of January, and is now used. None of these hath any connexion with the celestial motions, being only a series of numbers from one to fifteen, a number for each year. The fourth year of this cycle corresponded with the first year of our Saviour’s nativity, according to the most received system among the chronologists. The Julian period, consisting of such a vast number of years, hath this advantage, that in the interval of seven thousand nine hundred and eighty years, there are not two which agree in the same golden number, in the same solar cycle, and the same indiction.
All the Latins agree, that the first year of Dionysius’s Christian era had for its characters, the solar cycle ten, the lunar two, the Roman indiction four; which three cycles are found to coincide in the year 4714 of the Julian period only, as Scaliger noted; and Petavius remarks, “The beginning of the years of Christ, which men call the Christian era, is, as it were, the limit and hinge of chronology, and the common term in which the reasonings of all chronologers meet, as if they were drawn through many turnings and windings into the same computation.”
It is to Dionysius the Little we owe the custom of counting the years by the birth of our Saviour. Till then, the Christians had followed in this respect the custom established in their several countries. The most part, however, reckoned from the foundation of Rome, or the succession of consuls, or that of emperors. But in the sixth age the Christian era of Dionysius was generally adopted in the church. It begins the 25th of March, the day of our Saviour’s incarnation; and this is the epoch whence all the dates of bulls and briefs of the court of Rome are supposed to derive. The ordinary custom, however, is to date the beginning of the year from the 1st of January. Thus the era of Dionysius begins nine months before the era ordinary among Christians.
There is a crowd of other eras which may be seen in Petau’s Rationarium Temporum. Du Cange hath also made very large tables of all these matters, especially for the principal epochs of the Orientals.
The opinion most followed, places the birth of our Saviour under the year 4000, from the creation of the world. But there are good reasons for supposing it later. According to the common system, the beginning of our era answers to the seven hundred and seventy-sixth year of the Olympiads, the seven hundred and fifty-second from the foundation of Rome, and to the seven hundred and forty-seventh of the era of Nabonassar, king of Babylon: this last is famous among the astronomers, on account of the great use which Ptolemy, among others, made of it. It commenced the 26th of February. But if we would compare it with the Christian era, we must remember that its years consisted only of three hundred and sixty-five days.
In the Roman Martyrology published by the authority of Pope Gregory XIII., and revised by the command of Pope Urban VIII., we find these following words, which are every year on the 25th day of December read in public: “In the 5199th year from the creation of the world, when God created heaven and earth; in the 2957th after the deluge; the 2015th from the birth of Abraham; the 1510th from Moses, and the time of the Israelites leaving Egypt; in the 1032nd from the time of David’s being anointed king; in the sixty-fifth week, according to the prophecy of Daniel; in the hundred and ninety-fourth Olympiad; in the seven hundred and fifty-second year since the building of Rome: in the forty-second of the reign of the Emperor Octavius Augustus, when the whole world was blessed with peace; in the sixth age of the world, Jesus Christ, Eternal God, and Son of the Eternal Father, conceived of the Holy Ghost, was born of the Virgin Mary, in Bethlehem of Judea.”
That also of the Jews deserves praise for its precision. A comparison of it with the Ephemeris justifies the advantageous idea we ought to have of the rabbins who laid the foundations of it. The lunar year still regulates the Hebrew feasts. They use, however, the solar year, and with us distinguish two kinds, the common and the bissextile year, denominations which they even apply to the lunar year. They afterwards subdivide the common lunar year and the bissextile lunar year into three others; so that the lunar common year, being never composed but of twelve moons, it can, however, be either defective, perfect, or common. In the 1st, it consists of three hundred and fifty-three days; in the 2d, of three hundred and fifty-five days; and, in the 3d, of three hundred and fifty-four.
Gian Lorenzo Bernini, Estasi di Santa Teresa d'Avila, 1647 - 1652, marmo; Roma, Chiesa di Santa Maria della
Vittoria
Santa Teresa di Gesù (d'Avila) Vergine e Dottore della Chiesa
Avila, Spagna, 1515 - Alba de Tormes, Spagna, 15 ottobre 1582
Nata nel 1515, fu donna di eccezionali talenti di mente e di cuore. Fuggendo da casa, entrò a vent'anni nel Carmelo di Avila, in Spagna. Faticò prima di arrivare a quella che lei chiama la sua «conversione», a 39 anni. Ma l'incontro con alcuni direttori spirituali la lanciò a grandi passi verso la perfezione. Nel Carmelo concepì e attuò la riforma che prese il suo nome. Unì alla più alta contemplazione un'intensa attività come riformatrice dell'Ordine carmelitano. Dopo il monastero di San Giuseppe in Avila, con l'autorizzazione del generale dell'Ordine si dedicò ad altre fondazioni e poté estendere la riforma anche al ramo maschile. Fedele alla Chiesa, nello spirito del Concilio di Trento, contribuì al rinnovamento dell'intera comunità ecclesiale. Morì a Alba de Tormes (Salamanca) nel 1582. Beatificata nel 1614, venne canonizzata nel 1622. Paolo VI, nel 1970, la proclamò Dottore della Chiesa. (Avvenire)
Etimologia: Teresa = cacciatrice, dal greco; oppure donna amabile e forte, dal tedesco
Emblema: Giglio
Martirologio Romano: Memoria di santa Teresa di Gesù, vergine e dottore della Chiesa: entrata ad Ávila in Spagna nell’Ordine Carmelitano e divenuta madre e maestra di una assai stretta osservanza, dispose nel suo cuore un percorso di perfezionamento spirituale sotto l’aspetto di una ascesa per gradi dell’anima a Dio; per la riforma del suo Ordine sostenne molte tribolazioni, che superò sempre con invitto animo; scrisse anche libri pervasi di alta dottrina e carichi della sua profonda esperienza.
Teresa d’Avila (1515-1582) aveva due anni quando furono affisse sulla porta della Cattedrale di Wittenberg (31 ottobre 1517) le 95 tesi di Lutero contro la vendita delle indulgenze, una roboante manifestazione pubblica di protesta contro la Chiesa.
Nel secolo della Riforma Protestante (più corretto sarebbe dire “Rivoluzione”) Teresa si distinse per la sua imponente opera riformatrice all’interno dell’ordine carmelitano. Teresa di Gesù, la cui festa liturgica cade il 15 ottobre, fu monaca per oltre vent’anni nel monastero dell’Incarnazione di Avila, dove la Regola carmelitana aveva subito un rilassamento. L’elevato numero di suore, la troppa frequenza degli incontri in parlatorio, una certa disorganizzazione nella distribuzione dei compiti rendevano difficile la vita contemplativa a chi non era dotato di ferma volontà.
Fu così che Teresa ebbe l’intuizione di fondare una clausura stretta: il 24 agosto 1562 la riforma teresiana prese vita nella piccola casa di San José. La grande mistica spagnola comprese che, di fronte alle lacerazioni della Chiesa del suo tempo, la sua risposta doveva consistere nell’essere figlia e sposa fedele di Dio attraverso la maggior adesione possibile alla Regola religiosa a cui si era sottomessa. Il suo sguardo soprannaturale le permise di vivere la Fede in pienezza e i disegni divini si concretizzarono per mezzo di lei.
Ella sapeva che stando continuamente accanto al Signore avrebbe ottenuto dalla Sua Onnipotenza doni di grazia per la Chiesa martoriata dalle corruzioni, dalle infedeltà, dagli scismi; doni di grazia per il Papa, per i sacerdoti, per i missionari, per i cattolici… ella sapeva che, come ogni gesto d’amore offerto al prossimo sale al Signore, così ogni gesto d’amore offerto al Signore ricade sul prossimo. La piccola comunità delle Carmelitane Scalze (come venivano chiamate le monache di San José) diede una tale testimonianza di santità che ben presto molte giovani chiesero di abbracciare quella vita in cui austerità e gioia, rigore e soavità, solitudine e cordialità si fondevano in un equilibrio mirabile.
Quello che Teresa inserì
nell’Ordine non fu soltanto una serie di norme, finalizzate alla crescita
interiore, ma soprattutto una profonda unione fra vita mistica e vita
apostolica. La visita di un francescano di ritorno dalle Indie stimola ancora
di più il suo ardore missionario e sollecita le sue figlie a pregare «con gli
occhi fissi sui bisogni della Chiesa».
Una notte del 1566 ha la
prescienza che la sua opera di riforma deve proseguire; sei mesi dopo, padre
Rubeo, Superiore generale dell’Ordine del Carmelo, durante una sua visita al
convento di San José, viene conquistato dalla fede, dall’intelligenza e
dall’ardore di Madre Teresa di Gesù, perciò l’autorizza a fondare in Castiglia
molti monasteri, compresi due conventi di Carmelitani Scalzi; una misura di
importanza vitale, infatti santa Teresa sa che la sua riforma avrà successo
solo se le figlie saranno sostenute da confessori e direttori spirituali che
obbediscono alla stessa Regola.
Ha 52 anni e inizia una
nuova tappa della sua vita religiosa: si appresta a percorrere le strade della
Castiglia, nel freddo più intenso e nelle estati polverose, a dorso di mulo o
in carri coperti, senza cessare di pregare e di meditare. Sorgono chiostri su
chiostri: Medina, Malagon e Valladolid (1568); Toledo e Pastrana (1569);
Salamanca (1570); Alba de Tormes (1571); Segovia, Beas e Siviglia (1574); Soria
(1581); Burgos (1582)… Si fa «mercanteggiatrice», «maneggiatrice di affari»,
come ella stessa si autodefinisce nell’autobiografia; discute il prezzo dei
terreni sui cui erigere i conventi; si relaziona con le autorità civili per
ottenere le autorizzazioni necessarie; cerca validi collaboratori.
Nel 1567 incontra un
giovane che studia a Salamanca, è stato appena ordinato sacerdote e si prepara
ad entrare in una certosa: è Giovanni di San Mattia. Madre Teresa di Gesù si
accorge subito di essere di fronte ad un’anima eletta e allora gli chiede di
cambiare i suoi piani. Eccolo, allora, san Giovanni della Croce prendere la veste
degli Scalzi e accompagnare la fondatrice nei suoi viaggi. «Era così buono»,
scriverà la santa, «che ero io a dover imparare da lui molto di più di quanto
potessi insegnargli». Nasce fra le loro anime un’amicizia spirituale
straordinaria, di sorprendente efficacia, sia nei momenti prosperi, sia in
quelli di grande buio. A partire dal 1577 il conflitto fra le due osservazioni
del Carmelo, quella lassista e quella fedele alla Regola originale, si
intensifica in un’atmosfera di passione e di incomprensione.
La morte del principale
protettore dei Carmelitani riformati, il nunzio Nicolas Ormaneto, priva Teresa
di un prezioso appoggio, tanto più che viene sostituito da un nemico degli
Scalzi, Filippo Sega. Poiché le religiose dell’Incarnazione di Avila nel 1577
hanno osato eleggere Teresa di Gesù priora del convento, vengono scomunicate
dal loro provinciale. E mentre Madre Teresa di Gesù viene reclusa nel convento
di San José, Giovanni della Croce è arrestato. Il nunzio Sega pone i riformati
sotto il governo di quelli che seguono la Regola blanda.
Santa Teresa però non
demorde e non si rassegna all’ingiustizia dell’autorità umana, perciò decide di
rivolgersi a Re Filippo II di Spagna per salvare la riforma del ramo femminile
e maschile dell’Ordine. Nel 1580 ottiene un breve pontificio da parte di
Gregorio XIII, che costituisce gli Scalzi in provincia separata, ponendo così
fine a dieci anni di lotte fra le due correnti del Carmelo: se santa Teresa non
avesse resistito, la salubre riforma sarebbe affondata sotto le persecuzioni e
le ostilità. Anche oggi la Chiesa attende, come 500 anni fa, anime coraggiose,
pronte, con carità, a sfidare l’errore per restaurare la verità dentro e fuori
i conventi.
Autore: Cristina Siccardi
Teresa de Ahumada y Cepeda
Teresa de Jesús, la donna che salì al sommo della gloria mondiale per la
grandezza della sua santità e per lo splendore delle sue imprese, venendo anche
nominata, come prima donna, Dottore della Chiesa, nacque ad Avila il 28 marzo
1515, da Alonso Sánchez de Cepeda e da Donna Beatrice de Ahumada.
La sua fanciullezza fu segnata da un precoce amore per il Signore, insegnatole
soprattutto dalla madre. È famoso il suo tentativo di fuggire alla terra dei
mori, col fratellino Rodrigo, per trovarvi il martirio, o il suo costruire
insieme a lui, nel giardino paterno, romitaggi e monasteri, per vivere nella
solitudine l’incontro con il Signore. Teresa è una bambina che amava ripetere:
Sempre, sempre! pensando di morire e così di vivere sempre con Dio.
Nascita di una vocazione
Verso i 14 anni rimase orfana di madre; l’adolescente a contatto con una cugina piuttosto frivola e subendo l’influsso dei romanzi di cavalleria, una passione della madre che li leggeva di nascosto dal marito, s’inclinò alla vanità. Provò un affetto intenso per un cugino, proprio nel periodo in cui la sorella maggiore Maria si stava sposando e quindi sarebbe venuta a mancare una presenza femminile nella sua casa.
Il padre decise allora di seguire l’uso delle famiglie benestanti della città, affidandola per la sua educazione alle Agostiniane di Avila. Qui Teresa ebbe la fortuna di incontrare una santa religiosa; il frequente contatto con lei riuscì ad allontanarla dalle vuote compagnie e a porre nel suo cuore il germe di una vera vocazione.
A 21 anni infatti, dopo l’opposizione paterna alla sua chiamata, fuggì il 2 novembre 1536 dalla sua casa per entrare nel monastero carmelitano dell’Incarnazione di Avila, consacrandosi per sempre al servizio di Dio.
Si distinse, giovane professa, per la sua singolare virtù; ma purtroppo una strana e misteriosa malattia la colpì nel fiore della sua età, portandola quasi alla morte. Anzi, sembrò a chi le era vicino già morta, tanto che le scavarono la fossa nel cimitero monastico.
Dopo quattro giorni di catalessi, riprese a vivere: era però in uno stato pietoso. Rattrappita per fortissimi dolori di nervi, si ravvolgeva in se stessa come un gomitolo. Quello che i medici non riuscirono a fare, lo fece la preghiera e il ricorso ai santi del cielo: S. Giuseppe, il santo che fu da lei tanto prediletto, la riportò alla salute, con un vero miracolo.
Convalescente, tornò al monastero dell’Incarnazione, dal quale era uscita per le cure. Riprese la sua vita ascetica e la sua fervente preghiera, stimolata nella direzione dell’orazione dalle letture indicatele dallo zio Pietro di cui era stata ospite.
Il demonio però, prevedendo che proprio quella giovane religiosa avrebbe potuto strappargli col tempo molte persone, con la sua attraente personalità e col suo amore per Dio, fece quanto poteva per spegnere nel cuore la fiamma di questo comunicativo amore.
Attraverso le grate del monastero, Teresa incominciò a dialogare con molte persone del secolo, portando la conversazione anche su questioni frivole e piuttosto mondane, fino – dice lei stessa: – “a vergognarmi di continuare con Dio quella particolare amicizia che deriva dall’orazione”. Teresa però legge questo periodo della sua vita quando è giunta al culmine della sua personale maturazione e interpreta queste sue mancanze con colori più oscuri della verità stessa.
Dio stesso però, che vegliava su di lei, con segni interni ed esterni di disapprovazione, le fece capire la meschinità del suo comportamento. Teresa si dette per vinta: troncò ogni relazione con le persone che la frequentavano e tornò con molta generosità alla pratica dell’orazione, prima assai trascurata.
Da allora in poi l’orazione divenne il suo bene più grande, disponendola ad un rapporto sempre più profondo con Dio. Raggiunse così in un tempo relativamente breve le vette più alte e l’amore pieno e totale verso Dio e verso le sorelle. Ormai muove passi da gigante. Trasportata sulle ali dell’orazione, può irradiare intorno a sé tanta luce da illuminare chi le sta attorno.
La cristianità stava attraversando in quell’epoca una forte crisi, specialmente
per quella che allora era detta l’eresia dei luterani. Giungevano spesso
all’orecchio della santa le sofferenze che la lacerazione della Chiesa
provocava in Francia e in altre nazioni: ella ne sentiva un dolore e una pena
profonda. Avrebbe voluto fare chissà quali cose, pur di ovviare a nuove
divisioni, ma… si sentiva donna e, come tale, allora impossibilitata a compiere
grandi cose. Non si rassegnò però all’immobilità e si decise a fare tutto
quello che poteva: osservare i consigli evangelici con la più grande perfezione
e procurare che facessero altrettanto tutte quelle che avrebbero voluto
seguirla.
Scelta per una nuova impresa
Illuminata dal Signore, dopo aver parlato insieme ad alcune sorelle dell’Incarnazione, pensò ad una Riforma del Carmelo, ritornando alle sorgenti della primitiva Regola carmelitana.
Il 24 agosto 1562 ebbe così inizio la fondazione di San Giuseppe: il suo primo monastero riformato, che poté attuare in mezzo a moltissime difficoltà di ogni genere, sia da parte della città stessa, sia da parte di alcune persone forse istigate dal demonio.
Le nuove monache, strette in severa clausura, consumano la loro vita nella preghiera, nella mortificazione, nella comunione fraterna e nel lavoro. Alla liturgia delle ore del coro seguono due ore di orazione mentale; nel cibo si astengono completamente dalle carni e aggiungono altre penitenze.
Consumano quindi la loro vita in olocausto di gradito odore, per la gloria di Dio, per la salvezza dei fratelli vicini e lontani e si spendono in un apostolato indispensabile ed efficace per la Chiesa tutta.
Alla prima fondazione ne seguiranno altre sedici. I mezzi di trasporto da un monastero all’altro sono carri rozzi e malmessi: ella saprà cambiarli in una sorta di monasteri ambulanti, dove con un campanello si davano i segni della preghiera, della ricreazione e del silenzio, pagando i carrettieri e i viaggiatori, perché rispettino il raccoglimento delle monache.
Se l’insediamento di una comunità e la sistemazione del monastero dovrà farsi a volte di notte, per opporre il fatto compiuto a degli illegittimi oppugnatori, Madre Teresa avrà la tattica di avvisare al mattino, al suono di una campanella, che un nuovo monastero è sorto in città.
Teresa è donna dalle grandi vedute e dai desideri infiniti: ella vuole che non
manchi nel suo Ordine anche il ramo maschile.
Coinvolgere anche i frati!
Medita quindi di introdurre nella sua Riforma anche i Carmelitani e vi riesce assai bene con Juan de la Cruz, che in Duruelo fonda il suo primo convento di Carmelitani Scalzi, nel 1568.
Essi avranno l’obbligo, oltre la Regola comune con le monache, ma senza clausura, di occuparsi, in parte, anche dell’apostolato diretto ed esteriore. Così, presto, si fonderanno ben 14 conventi maschili. Arriva però, come sempre, l’ora della prova: tutte le opere di Dio sono contrassegnate dalla Croce.
La tempesta che pare affogare il nuovo Carmelo non trova Teresa impreparata. Ella, imperturbabile nella sua fierezza castigliana, persuasa di aver lavorato unicamente per la gloria di Dio, attraversa con calma e pazienza le molte persecuzioni che le sopravvengono da parte degli uomini e del demonio stesso, geloso di tanto bene.
Quando sembra che la sua opera venga distrutta, perché i noviziati sono chiusi, e capi della Riforma sono in carcere o fuori dalle proprie sedi, ella, dal monastero di Toledo, dove viene rinchiusa con la proibizione di uscirne, domina la tempesta.
Con la sua numerosa corrispondenza, rianima i colpiti, rinfaccia l’ingiustizia ai colpevoli, incita le figlie alla preghiera e coinvolge il Re per il trionfo della giustizia.
Si abbandona soprattutto a Dio: viene infatti il momento della vittoria: la sua opera viene giuridicamente riconosciuta dall’autorità della Chiesa e costituita in un organismo a parte, indipendentemente dal vecchio tronco su cui era sbocciata.
Quando si tratta della gloria di Dio nessuno ferma Teresa: né la febbre che molto spesso la tormenta con i suoi malanni, né le opposizioni degli uomini, non la povertà, non gli assalti che deve subire da parte dell’inferno stesso.
È donna tutta d’un pezzo: è anche però Madre molto tenera, e la bontà naturale del suo cuore di donna sa bene temperarlo alla fiamma dell’amore divino, di cui arde come un braciere.
Sa rispondere a tutte le necessità delle figlie e se ne interessa, preoccupandosi per la loro salute materiale e spirituale, interpellando per loro, secondo le necessità, teologi e medici.
Le sue stesse effusioni con Madre Maria di S. Giuseppe, con Madre Anna, con la nipote Teresita e col P. Girolamo Gracián e molte altre persone, lasciano sorpresi per la sua calda tenerezza, per la spontaneità, la semplicità, il candore con cui apriva loro il suo cuore. Teresa era un’anima di fede; non conobbe mai la tentazione del dubbio.
Quanto più grandi erano i doni con cui Dio l’arricchiva, tanto più profondo era il sentimento della sua umiltà. Sapeva proprio soffrire quando un rapimento la sorprendeva in pubblico, come sapeva godere quando qualcuno la copriva di ingiurie.
Madre di anime e fondatrice di monasteri, si riteneva l’ultima di tutte e non voleva che le sue figlie le strappassero di mano la scopa e non volessero permetterle di lavare i piatti. Non usciva mai dalla sua bocca alcuna parola contro la carità e non si meravigliava mai delle debolezze altrui. Eccelleva nello spirito di ubbidienza, di povertà, di generosità, di prudenza.
Ma ella era grande soprattutto nell’amore, tanto che sapeva ripetere: “Signore, che altri vi serva meglio di me e che voi gli conserviate in cielo una maggiore felicità, ciò sia alla buon’ora: ne sono contenta; ma che vi sia uno che vi ami più di me, no, non lo so proprio sopportare”.
Trasaliva di gioia a ogni batter d’orologio per il pensiero di essersi avvicinata di un’ora al momento d’incontrarsi col suo Dio…
Ebbe davvero nella vita a soffrire moltissimo. Le sue continue infermità corporali non le lasciavano un momento di tregua; il martirio ineffabilmente doloroso a causa delle vie molto straordinarie per cui Dio la conduceva, l’incomprensione di confessori e di persone che la pensavano quasi indemoniata, la lotta stessa col demonio, che a volte pareva atterrirla, le ignominiose calunnie di alcuni nemici e dello stesso Nunzio Apostolico che la giudicò femmina inquieta e vagabonda le furono molte volte causa di gravi afflizioni. Con l’Amore che le bruciava il cuore, tuttavia, è lieta, anche in quelle occasioni, di poter donare qualcosa al suo Dio.
Il motivo però che pone Teresa tra le figure di primo piano, che hanno illuminato per secoli la Chiesa stessa, è senz’altro il suo sicuro e solido magistero, esplicato nella mistica, nella quale ha lasciato un’impronta veramente incancellabile della sua personalità più pratica che speculativa. Ella ha la capacità di spiegare il mistero di amore di Dio, vissuto nella sua esperienza, con una semplicità impressionante, grande dono anche questo di Dio stesso.
È solo attenta che il suo insegnamento non sia in contrasto con quello della Chiesa: in tale modo non vi è arcano della sua disciplina mistica, che ella non ricerchi e spieghi acutamente, salendo per tutti i gradi della contemplazione.
I più illustri teologi del suo tempo si stupivano nel vedere come da questa donna fossero state raccolte in un solo corpo di scritti le massime di teologia mistica, tramandate dai Padri della Chiesa.
Dopo l’ultima fondazione, quella di Burgos, la più difficile contrastata di tutte, la sua giornata volse rapidamente alla fine. Arrivata un giorno ad Alba de Tormes, vi chiudeva gli occhi in pace, il 4 ottobre 1582, consunta più dall’amore che dalla malattia. Aveva sessantasette anni.
Considerata dalla Chiesa “Madre degli spirituali”, cioè di coloro che cercano
l’unione profonda con Dio, fu proclamata santa il 12 marzo 1622 e poi, il 27
settembre 1970, da Paolo VI Dottore della Chiesa.
Fonte: www.carmelovocazioni.it
Scrittrice, è una delle quattro sole donne proclamate dottore della Chiesa (assieme alle Sante Caterina da Siena, Teresa di Lisieux e Ildegarda di Bingen). Una statua di Gian Lorenzo Bernini, la celebre Estasi di Santa Teresa, collocata nella Chiesa di Santa Maria della Vittoria a Roma, la raffigura durante un’apparizione divina. Teresa nasce nel 1515 ad Avila (Spagna). È un’adolescente intelligente, vivace, affascinante. Bella e molto corteggiata. Legge romanzi e si diletta a scriverli. Tuttavia presto si sente attratta verso la mistica adorazione di Dio. Il padre Alonso, cavaliere di origini nobili, non vuole che la figlia segua la sua vocazione. La ragazza, dall’indole ribelle, non si fa domare. A vent’anni la vulcanica Teresa scappa ed entra nel Convento carmelitano dell’Incarnazione della sua città. A causa di una malattia misteriosa che la rende paralizzata, entra ed esce dal convento per farsi curare a casa.
Teresa dialoga spesso con Gesù e, durante queste “visioni celesti”, cade in estasi. Teresa riceve anche il dono della “trasverberazione”: un angelo le trafigge il cuore con la punta di una freccia d’oro (il “divino amore”). A quarant’anni guarisce miracolosamente e, guidata dal sacerdote carmelitano Giovanni della Croce (futuro santo), inizia la sua straordinaria opera. Teresa riforma l’Ordine delle monache carmelitane istituendo rigidi principi di povertà e la regola di camminare scalze o con semplici sandali di legno e cuoio. Su ispirazione del Signore fonda in Spagna diciassette conventi di monache e frati, i Carmelitani Scalzi, che vivono con la sua Regola.
Teresa soffre per le limitazioni che le donne subiscono nell’epoca in cui vive e lo scrive nei suoi libri. Alcuni invidiosi denunciano Teresa al Tribunale dell’Inquisizione. Grazie all’aiuto del re di Spagna Filippo II il processo non ha seguito e per Teresa viene scongiurato il rogo. La santa scrive testi di grande spiritualità: Vita, Cammino di perfezione, Il castello interiore. Alcuni suoi celebri versi recitano: «Niente ti turbi, niente di spaventi. Tutto passa, Dio non cambia. La pazienza ottiene tutto. Chi ha Dio non manca di nulla». Si spegne nel 1582 ad Alba de Tormes. Protegge i fabbricanti di merletti e pizzi e gli scrittori cattolici. Viene invocata contro i disturbi cardiaci.
Autore: Mariella Lentini
Al secolo Teresa de Cepeda y Ahumada, riformatrice del Carmelo, Madre delle
Carmelitane Scalze e dei Carmelitani Scalzi; "mater spiritualium"
(titolo sotto la sua statua nella basilica vaticana); patrona degli scrittori
cattolici (1965) e Dottore della Chiesa (1970): prima donna, insieme a S.
Caterina da Siena, ad ottenere tale titolo; nata ad Avila (Vecchia Castiglia,
Spagna) il 28 marzo 1515; morta ad Alba de Tormes (Salamanca) il 4 ottobre 1582
(il giorno dopo, per la riforma gregoriana del calendario fu il 15 ottobre);
beatificazione nel 1614, canonizzazione nel 1622; festa il 15 ottobre.
La sua vita va
interpretata secondo il disegno che il Signore aveva su di lei, con i grandi
desideri che Egli le mise nel cuore, con le misteriose malattie di cui fu vittima
da giovane (e la malferma salute che l'accompagnò per tutta la vita), con le
"resistenze" alla grazia di cui lei si accusa più del dovuto. Entrò
nel Carmelo dell'Incarnazione d'Avila il 2 novembre 1535, fuggendo di casa. Un
po' per le condizioni oggettive del luogo, un po' per le difficoltà di ordine
spirituale, faticò prima di arrivare a quella che lei chiama la sua
"conversione", a 39 anni. Ma l'incontro con alcuni direttori
spirituali la lanciò a grandi passi verso la perfezione.
Nel 1560 ebbe la prima
idea di un nuovo Carmelo ove potesse vivere meglio la sua regola, realizzata
due anni dopo col monastero di S. Giuseppe, senza rendite e "secondo la
regola primitiva": espressione che va ben compresa, perchè allora e subito
dopo fu più nostalgica ed "eroica" che reale. Cinque anni più tardi
Teresa ottenne dal Generale dell'Ordine, Giovanni Battista Rossi - in visita in
Spagna - l'ordine di moltiplicare i suoi monasteri ed il permesso per due
conventi di "Carmelitani contemplativi" (poi detti Scalzi), che
fossero parenti spirituali delle monache ed in tal modo potessero aiutarle.
Alla morte della Santa i monasteri femminili della riforma erano 17. Ma anche
quelli maschili superarono ben presto il numero iniziale; alcuni con il
permesso del Generale Rossi, altri - specialmente in Andalusia - contro la sua
volontà, ma con quella dei visitatori apostolici, il domenicano Vargas e il
giovane Carmelitano Scalzo Girolamo Graziano (questi fu inoltre la fiamma
spirituale di Teresa, al quale si legò con voto di far qualsiasi cosa le avesse
chiesto, non in contrasto con la legge di Dio). Ne seguirono incresciosi
incidenti aggravatisi per interferenze di autorità secolari ed altri estranei,
sino all'erezione degli Scalzi in Provincia separata nel 1581. Teresa potè
scrivere: "Ora Scalzi e Calzati siamo tutti in pace e niente ci impedisce
di servire il Signore". Teresa è tra le massime figure della mistica
cattolica di tutti i tempi. Le sue opere - specialmente le 4 più note (Vita,
Cammino di perfezione, Mansioni e Fondazioni) - insieme a notizie di ordine
storico, contengono una dottrina che abbraccia tutta la vita dell'anima, dai
primi passi sino all'intimità con Dio al centro del Castello Interiore. L'
Epistolario, poi, ce la mostra alle prese con i problemi più svariati di ogni
giorno e di ogni circostanza. La sua dottrina sull'unione dell'anima con Dio
(dottrina da lei intimamente vissuta) è sulla linea di quella del Carmelo che
l'ha preceduta e che lei stessa ha contribuito in modo notevole ad arricchire,
e che ha trasmesso non solo ai confratelli, figli e figlie spirituali, ma a
tutta la Chiesa, per il cui servizio non badò a fatiche. Morendo la sua gioia
fu poter affermare: "muoio figlia della Chiesa".
Autore: Anthony
Cilia
SOURCE : http://www.santiebeati.it/dettaglio/24850
Alonso
Cano (1601–1667), Aparición de Cristo crucificado a Santa Teresa de
Jesús, 1629, 99 x 43, Museo del Prado
PROCLAMAZIONE DI SANTA
TERESA D’AVILA DOTTORE DELLA CHIESA
OMELIA DEL SANTO PADRE
PAOLO VI
Domenica, 27 settembre
1970
Noi abbiamo conferito, o meglio: Noi abbiamo riconosciuto il titolo di Dottore della Chiesa a Santa Teresa di Gesù.
Il solo fatto di proferire il nome di questa Santa, singolarissima e
grandissima, in questo luogo e in questa circostanza, solleva nelle nostre
anime un tumulto di pensieri: il primo sarebbe quello di rievocare la figura di
Teresa: la vediamo apparire davanti a noi, come donna eccezionale, come
religiosa, che, tutta velata di umiltà, di penitenza e di semplicità, irradia
intorno a sé la fiamma della sua vitalità umana e della sua vivacità
spirituale, e poi come riformatrice e fondatrice d’uno storico e insigne Ordine
religioso, e scrittrice genialissima e feconda, maestra di vita spirituale, contemplativa
incomparabile e indefessamente attiva; . . . com’è grande! com’è unica! com’è
umana! com’è attraente questa figura! Prima di parlare d’altro saremmo tentati
a parlare di lei, di questa Santa, sotto tanti aspetti interessantissima. Ma
non attendete da Noi, in questo momento, che vi parliamo della persona e
dell’opera di Teresa di Gesù: basterebbe la duplice bibliografia raccolta nel
volume preparato con tanta cura dalla nostra Sacra Congregazione per le Cause
dei Santi per scoraggiare chi volesse condensare in brevi parole l’immagine
storica e biografica di questa Santa, che sembra straripare dai lineamenti
descrittivi nei quali si vorrebbe contenere. Del resto, non è su di lei
propriamente che noi vogliamo ora fissare, per un istante, la nostra attenzione.
Ma è sull’atto che noi abbiamo compiuto testé; sul fatto che incidiamo nella
storia della Chiesa e che affidiamo alla pietà e alla riflessione del Popolo di
Dio, sul conferimento, dicevamo, del titolo dottorale a Teresa di Avila, a
Santa Teresa di Gesù, la grande Carmelitana.
FULGORI DI SAPIENZA NELLA
SANTITÀ
E il significato di questo atto è molto chiaro; un atto che intenzionalmente vuole essere luminoso, che potrebbe avere una sua simbolica immagine in una lampada accesa davanti all’umile e maestosa figura della Santa: luminoso per il fascio di raggi che la lampada del titolo dottorale proietta sopra di lei; e luminoso per un altro fascio di raggi, che questo stesso titolo dottorale proietta sopra di noi.
Sopra di lei, Teresa: la luce del titolo mette in evidenza indiscutibili valori
che già le erano ampiamente riconosciuti: la santità della vita, innanzitutto,
valore questo già ufficialmente proclamato, fin dal 12 marzo 1622 - Santa
Teresa era morta trenta anni prima -, dal nostro Predecessore Gregorio XV,
nella celebre canonizzazione, che, con la nostra Carmelitana, iscrisse
nell’albo dei Santi Ignazio di Loiola, Francesco Saverio, Isidoro Agricola,
tutti gloria della Spagna cattolica, e con loro Filippo Neri, fiorentino-
romano quest’ultimo; e mette in evidenza altresì «l’eminenza della dottrina»,
in secondo luogo, ma questa specialmente (Cfr. PROSPERO LAMBERTINI, poi Papa
Benedetto XIV, De Servorum Dei beatificatione, IV, 2, c. 11, n. 13).
La dottrina dunque di
Santa Teresa d’Avila risplende dei carismi della verità, della conformità con
la fede cattolica, dell’utilità per l’erudizione delle anime; e un altro
possiamo particolarmente notare, il carisma della sapienza, che ci fa pensare
all’aspetto più attraente e insieme più misterioso del dottorato di Santa
Teresa, all’influsso cioè della divina ispirazione in questa prodigiosa e
mistica scrittrice. Donde veniva a Teresa il tesoro della sua dottrina?
Indubbiamente dalla sua intelligenza e dalla sua formazione culturale e
spirituale, dalle sue letture, dalle conversazioni con grandi maestri di
teologia e di spiritualità, da una sua singolare sensibilità, da una sua
abituale ed intensa disciplina ascetica, dalla sua meditazione contemplativa,
in una parola dalla sua corrispondenza alla grazia, accolta nell’anima
straordinariamente ricca e preparata alla pratica e all’esperienza
dell’orazione. Ma era soltanto questa la sorgente della sua «eminente
dottrina?»? o non si devono riscontrare in Santa Teresa atti, fatti , stati,
che non provengono da lei, ma che da lei sono subiti, che sono cioè così
sofferti e passivi, mistici nel vero senso della parola, da doverli attribuire
ad una azione straordinaria dello Spirito Santo? Siamo indubbiamente davanti ad
un’anima nella quale l’iniziativa divina straordinaria si manifesta, e dalla
quale essa è percepita e quindi descritta da Teresa, con un linguaggio
letterario suo proprio, semplicemente, fedelmente, stupendamente.
CON TUTTE LE FORZE SALIRE
A DIO
Qui le questioni si moltiplicano. L’originalità dell’azione mistica è fra i fenomeni psicologici più delicati e più complessi, nei quali molti fattori possono intervenire, e obbligare l’osservatore alle più severe cautele; ma nei quali le meraviglie dell’anima umana si manifestano in modo sorprendente, ed una fra tutte più comprensiva: l’amore, che celebra nella profondità del cuore le sue espressioni più varie e più piene; amore che dovremo chiamare alla fine connubio, perché esso è l’incontro dell’amore divino inondante che discende all’incontro con l’amore umano, che tende a salire con tutte le forze; è l’unione con Dio più intima e più forte che ad anima vivente in questa terra sia dato sperimentare; e che diventa luce, diventa sapienza; sapienza delle cose divine, sapienza delle cose umane.
Ed è di questi segreti che ci parla la dottrina di Teresa; sono i segreti dell’orazione. La sua dottrina è qui. Ella ha avuto il privilegio e il merito di conoscerli questi segreti per via di esperienza, vissuta nella santità d’una vita consacrata alla contemplazione e simultaneamente impegnata nell’azione, e di esperienza insieme patita e goduta nell’effusione di straordinari carismi spirituali. Teresa ha avuto l’arte di esporli questi medesimi segreti, tanto da classificarsi fra i sommi maestri della vita spirituale. Non indarno la statua, che colloca, come Fondatrice, la figura di Teresa in questa Basilica, reca l’iscrizione che ben definisce la Santa: Mater Spiritualium.
Era già ammessa, si può dire per consenso unanime, questa prerogativa di Santa
Teresa, di essere madre, d’essere maestra delle persone spirituali. Una madre
piena d’incantevole semplicità, una maestra piena di mirabile profondità. Il
suffragio della tradizione dei Santi, dei Teologi, dei Fedeli, degli studiosi
le era già assicurato; noi lo abbiamo ora convalidato, facendo in modo che,
ornata di questo titolo magistrale, ella abbia una più autorevole missione da
compiere, nella sua Famiglia religiosa e nella Chiesa orante e nel mondo, con
un suo messaggio perenne e presente: il messaggio dell’orazione.
IL MESSAGGIO
DELL’ORAZIONE
È questa la luce, resa
oggi più viva e penetrante che il titolo di Dottore, conferito a Santa Teresa,
riverbera sopra di noi. Il messaggio dell’orazione ! Viene a noi, figli della
Chiesa, in un’ora segnata da un grande sforzo di riforma e di rinnovamento della
preghiera liturgica; viene a noi, tentati dal grande rumore e dal grande
impegno del mondo esteriore di cedere all’affanno della vita moderna e di
perdere i veri tesori della nostra anima nella conquista dei seducenti tesori
della terra. Viene a noi, figli del nostro tempo, mentre si va perdendo non
solo il costume del colloquio con Dio, ma il senso del bisogno e del dovere di
adorarlo e d’invocarlo. Viene a noi il messaggio della preghiera, canto e
musica dello spirito imbevuto della grazia e aperto alla conversazione della
fede, della speranza e della carità, mentre l’esplorazione psicanalitica
scompone il fragile e complicato strumento che noi siamo, non più per trarne le
voci dell’umanità dolorante e redenta, ma ascoltarne il torbido mormorio del suo
subcosciente animale e le grida delle sue incomposte passioni e della sua
angoscia disperata. Viene il messaggio sublime e semplice dell’orazione della
sapiente Teresa, che ci esorta ad intendere «il grande bene che fa Dio ad
un’anima, allorché la dispone a praticare con desiderio l’orazione mentale; . .
. perché l’orazione mentale, a mio parere, altro non è che una maniera
amichevole di trattare, nella quale ci troviamo molte volte a parlare, da solo
a solo, con Colui che sappiamo che ci ama» (Vida, 8 , 4-5).
In sintesi, questo il messaggio per noi di Santa Teresa di Gesù, Dottore della Santa Chiesa: ascoltiamolo e facciamolo nostro. Dobbiamo aggiungere due rilievi che ci sembrano importanti. Il primo è quello che osserva come Santa Teresa d’Avila sia la prima donna a cui la Chiesa conferisce questo titolo di Dottore; e questo fatto non è senza il ricordo della severa parola di San Paolo: Mulieres in Ecclesiis taceant (1 Cor. 14, 34): il che vuol dire, ancora oggi, come la donna non sia destinata ad avere nella Chiesa funzioni gerarchiche di magistero e di ministero. Sarebbe ora violato il precetto apostolico?
Possiamo rispondere con chiarezza: no. In realtà, non si tratta di un titolo che comporti funzioni gerarchiche di magistero, ma in pari tempo dobbiamo rilevare che ciò non significa in nessun modo una minore stima della sublime missione che la donna ha in mezzo al Popolo di Dio.
Al contrario, la donna, entrando a far parte della Chiesa con il Battesimo,
partecipa del sacerdozio comune dei fedeli, che la abilita e le fa obbligo di
«professare dinanzi agli uomini la fede ricevuta da Dio per mezzo della Chiesa»
(Lumen
gentium, c. 2, 11). E in tale professione di fede tante donne sono arrivate
alle cime più elevate, fino al punto che la loro parola e i loro scritti sono
stati luce e guida dei loro fratelli. Luce alimentata ogni giorno nel contatto
intimo con Dio, anche nelle forme più nobili dell’orazione mistica, per la
quale San Francesco di Sales non esita a dire che posseggono una speciale
capacità. Luce fatta vita in maniera sublime per il bene e il servizio degli
uomini.
AL DI SOPRA DI OGNI
OSTACOLO: SENTIRE CON LA CHIESA
Per questo il Concilio ha voluto riconoscere l’alta collaborazione con la grazia divina che le donne sono chiamate ad esercitare, per instaurare il Regno di Dio sulla terra, e nell’esaltare la grandezza della loro missione, non dubita di invitarle egualmente a cooperare «perché l’umanità non decada», per «riconciliare gli uomini con la vita», «per salvare la pace nel mondo» (VAT. II, Messaggio alle donne).
In secondo luogo, non vogliamo tralasciare il fatto che Santa Teresa era
spagnola e a buon diritto la Spagna la considera una delle sue glorie più
grandi. Nella sua personalità si apprezzano le caratteristiche della sua
patria: la robustezza di spirito, la profondità dei sentimenti, la sincerità di
cuore, l’amore alla Chiesa. La sua figura si colloca in un’epoca gloriosa di
santi e di maestri che distinguono il loro tempo con lo sviluppo della
spiritualità. Li ascolta con l’umiltà della discepola, mentre allo stesso tempo
sa giudicarli con la perspicacia di una grande maestra di vita spirituale, e
come tale questi la considerano.
D’altra parte, dentro e fuori delle frontiere patrie, si agitava violenta la tempesta della Riforma, opponendo tra di loro i figli della Chiesa. Ella per il suo amore alla verità e la sua intimità con il Maestro, ebbe ad affrontare amarezze e incomprensioni di ogni sorta e non sapeva dar pace al suo spirito dinanzi alla rottura dell’unità: «Ho sofferto molto - scrive - e come se io potessi qualcosa o fossi qualcosa piangevo con il Signore e lo supplicavo di rimediare tanto male» (Camino de perfección, c. 1, n. 2; BAC, 1962, 185).
Questo suo sentire con la Chiesa, provato nel dolore alla vista della dispersione delle forze, la condusse a reagire con tutto il suo forte spirito castigliano nell’ansia di edificare il regno di Dio; decise di penetrare nel mondo che la circondava con una visione riformatrice per imprimergli un senso, un’armonia, un’anima cristiana. A distanza di cinque secoli, Santa Teresa di Avila continua a lasciare le orme della sua missione spirituale, della nobiltà del suo cuore assetato di cattolicità, del suo amore spoglio di ogni affetto terreno per potersi dare totalmente alla Chiesa. Prima del suo ultimo respiro, ella poté ben dire, come riepilogo della sua vita: «Finalmente, sono figlia della Chiesa!».
In questa espressione, gradito presagio della gloria dei beati per Teresa di Gesù, vogliamo vedere l’eredità spirituale legata a tutta la Spagna. Vogliamo anche vedere un invito a tutti noi a farci eco della sua voce, a trasformarla in programma della nostra vita per poter ripetere con lei: siamo figli della Chiesa.
Con la Nostra Apostolica Benedizione.
GLORIA MIRABILE DELLA
SPAGNA
Debemos añadir dos observaciones que Nos parecen importantes. En primer lugar hay que notar que Santa Teresa de Avila es la primera mujer a quien la Iglesia confiere el título de Doctora; y esto no sin recordar las severas palabras de San Pablo: «La mujeres cállense en las Iglesias» (1 Cor. 14. 34); lo cual quiere decir todavía hoy que la mujer no está destinada a tener en la Iglesia funciones jerárquicas de magisterio y de ministerio. ¿Se habrá violado entonces el precepto apostólico?
Podemos responder con claridad: no. Realmente no se trata de un título que comparte funciones jerárquicas de magisterio, pero a la vez debemos sefialar que este hecho no supone en ningun modo un menosprecio de la sublime misión de la mujer en el seno del Pueblo de Dios.
Por el contrario ella, al ser incorporada a la Iglesia por el Bautismo,
participa de ese sacerdocio común de los fieles, que la capacita y la obliga a
«confesar delante de los hombres la fe que recibió de Dios mediante la Iglesia»
(Lumen
gentium, c. 2, 11). Y en esa confesión de la fe tantas mujeres han llegado
a las cimas más elevadas, hasta el punto de que su palabra y sus escritos han
sido luz y guía de sus hermanos. Luz alimentada cada día en el contacto íntimo
con Dios, aún en las formas más elevadas de la oración mística, para la cual
San Francisco de Sales llega a decir que poseen una especial capacidad. Luz
hecha vida de manera sublime para el bien y el servicio de los hombres.
Por eso el Concilio ha querido reconocer la preciosa colaboración con la gracia divina que las mujeres están llamadas a ejercer, para instaurar el reino de Dios en la tierra, y al exaltar la grandeza de su misión, no duda en invitarlas igualmente a ayudar «a que la humanidad no decaiga», a «reconciliar a los hombres con la vida», «a salvar la paz del mundo» (VAT. II, Mensaje a las Mujeres).
En segundo lugar, no queremos pasar por alto el hecho de que Santa Teresa era española, y con razón España la considera una de sus grandes glorias. En su personalidad se aprecian los rasgos de su patria: la reciedumbre de espíritu, la profundidad de sentimientos, la sinceridad de alma, el amor a la Iglesia. Su figura se acentra en una época gloriosa de santos y de maestros que marcan su siglo con el florecimiento de la espiritualidad. Los escucha con la humildad de la discípula, a la vez que sabe juzgarlos con la perspicacia de una gran maestra de vida espiritual, y como tal la consideran ellos.
Por otra parte, dentro y fuera de las fronteras patrias, se agitaban violentos
los aires de la Reforma, enfrentando entre sí a los hijos de la Iglesia. Ella
por su amor a la verdad y por el trato íntimo con el Maestro, hubo de afrontar
sinsabores e incomprensiones de toda índole y no sabía cómo dar paz a su
espíritu ante la rotura de la unidad: «Fatiguéme mucho - escribe - y como si yo
pudiera algo o fuera algo lloraba con el Señor y le suplicaba remediase tanto
mal» (Camino de perfección, c. 1, n. 2; BAC, 1962, 185).
Este su sentir con la Iglesia, probado en dolor que dispersaba fuerzas, la llevó a reaccionar con toda la entereza de su espíritu castellano en un afán de edificar el reino de Dios; ella decidió penetrar en el mundo que la rodeaba con una visión reformadora para darle un sentido, una armonía, una alma cristiana.
A distancia de cinco siglos, Santa Teresa de Avila sigue marcando las huellas de su misión espiritual, de la nobleza de su corazón sediento de catolicidad, de su amor despojado de todo apego terreno para entregarse totalmente a la Iglesia. Bien pudo decir, antes de su último suspiro, como resumen de su vida: «En fin, soy hija de la Iglesia».
En esta expresión, presagio y gusto ya de la gloria de los bienaventurados para Teresa de Jesús, queremos adivinar la herencia espiritual por ella legada a España entera. Debemos ver asimismo una llamada dirigida a todos a hacernos eco de su voz, convirtiéndola en lema de nuestra vida para poder repetir con ella: iSomos hijos de la Iglesia!
Con Nuestra Bendición Apostólica.
Copyright © Dicastero per
la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana
SOURCE : https://www.vatican.va/content/paul-vi/it/homilies/1970/documents/hf_p-vi_hom_19700927.html
Bernardo Strozzi (1581–1644), Santa Teresa in Gloria, circa 1622, 345 x 210, Musei di Strada Nuova / Palazzo Bianco
8 ottobre 1981
Caro fratello nell’Episcopato,
Signor Sindaco,
Consiglieri e Cittadini di Avila,
Concittadini di santa Teresa di Gesù,
Provo una profonda soddisfazione nel ricevere oggi questo vostro gruppo così numeroso, che mi rende spiritualmente presente a tutti gli abitanti di Avila, città che ha la fortuna di aver visto nascere una delle maggiori figure della storia della Chiesa.
Questo incontro ha luogo precisamente nell’occasione del quarto Centenario di santa Teresa del Gesù, che sta per essere inaugurato ad Alba di Tormes e ad Avila, due città tanto intimamente legate, l’una per la nascita, l’altra per essere sede delle sue spoglie mortali, alla grande riformatrice del Carmelo.
Vi ringrazio per questa visita, che in un certo modo è un primo momento delle celebrazioni centenarie con la partecipazione del Papa, al quale le note circostanze non permetteranno di stare con voi nei prossimi giorni, ma che rinnova la sua speranza che la Provvidenza gli conceda, in un non lontano futuro, il momento propizio.
Intanto, il mio Inviato Speciale Cardinale Ballestrero renderà più viva la mia presenza durante le celebrazioni inaugurali del Centenario, che la gerarchia ecclesiastica ha preparato con opportune iniziative, affinché questo sia veramente in tutta la Spagna un anno di rinnovamento nella fede, nella speranza, nell’interiorità religiosa del popolo fedele, nella testimonianza di vita cristiana nell’attuale momento storico della vostra Patria, nel comportamento individuale, familiare e sociale del cattolico spagnolo, senza presunzioni ne falsi complessi, come membro della comunità politica e della Chiesa.
È necessario che il ricco patrimonio lasciato da Teresa di Gesù venga meditato a fondo e ispiri un profondo rinnovamento nell’esperienza interiore del popolo, perché in questo modo si rinvigorisca tutta la vita ecclesiale, nelle sue molteplici manifestazioni.
La possente figura, non solo locale o nazionale ma universale, della grande Teresa deve essere un forte stimolo in questa direzione. A ciò invita il nome che ella scelse come espressione di se stessa, Teresa di Gesù, e con il quale l’ha conosciuta la storia di quattro secoli, nel campo ecclesiale, culturale, nella devozione, nella teologia spirituale e nell’arte.
Per questo rendo con grande gioia omaggio a questa santa, alla quale insieme a san Giovanni della Croce mi sento particolarmente legato, e che con ragione fu la prima donna ad essere nominata Dottore della Chiesa dal mio predecessore Paolo VI nel 1970, in riconoscimento dei suoi singolari meriti e del significato ecclesiale.
Essere concittadini o compatrioti di Teresa di Gesù è un segno di gloria, ma anche un impegno a ispirarsi a lei, al suo insegnamento ed esempio, per essere fedeli alla sua missione universale, un impegno per essere sempre meglio cittadini e figli della Chiesa.
Assicurandovi il mio frequente ricordo nella preghiera, perché questo anno Centenario rechi i frutti spirituali desiderati, vi imparto con profondo affetto la benedizione apostolica, che estendo a tutti i cittadini di Avila.
Copyright © Dicastero per la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana
TERESA di Gesù, santa
di Alfredo Giannini
Enciclopedia Italiana
(1937)
Teresa de Cepeda y
Ahumada nacque ad Ávila il 28 marzo 1515 da Don Alonso Sánchez de Cepeda e da
Doña Beatrice de Ahumada. Nella prima giovinezza fu allettata dall'assidua
lettura dei romanzi cavallereschi tanto in voga, da innocenti passatempi e
veniali frivolezze mondane. Non ne furono però menomamente soffocati gl'impeti
di pietà che nella fervida fantasia della fanciulla avevano acceso le
romanzesche ed epiche vite di santi sì da farle vagheggiare, ancora bambina, di
farsi paladina di Cristo. Col fratello Rodrigo pensò infatti di fuggire di casa
e correre, per sete del martirio, in terra di Mori. La sua vocazione era
fissata; e per quanto, entrata come pensionante (1531) nel monastero delle
agostiniane di Ávila, non si sentisse gran che attratta alla vita monacale,
pure, edificata dalle conversazioni spirituali con una pia monaca e poi, in
Hortigosa, con uno zio paterno, Don Pedro, a diciotto anni si chiuse nel
convento avilese dell'Incarnazione, dove il 3 novembre del 1534 pronunziò i
voti perpetui. Furono anni e anni di fieri patimenti: del corpo, travagliato da
continue infermità fino da quando ebbe nel 1537 un attacco di paralisi; dello
spirito, che soffrì drammatiche crisi nelle quali parve alla santa
illanguidirlesi la devozione nonché il fervore religioso (1541). Come risorta a
nuova e più intensa vita spirituale (1555), incominciarono tre anni dopo e
continuarono quasi ininterrotte quelle mistiche visioni, spesso vere
cristofanie, quei celestiali, estenuanti rapimenti da lei narrati con tanto
candore di anima appassionata, con tanta schiettezza e buona fede
insospettabile. Il Bernini, che rappresentò la santa nella celebre statua di
Santa Maria della Vittoria in Roma, s'ispirò appunto al racconto della
trasverberazione nel cap. XXIX dell'autobiografia, che narra come un angelo le
trafisse, nello spasimo delizioso dell'estasi, con dardo d'oro il cuore (1559).
Nel 1560 ebbe la prima
idea della riforma dell'ordine delle carmelitane, fondando nuovi piccoli
conventi, secondo la regola di un tempo. L'Ordine si era venuto mitigando via
via sempre più dopo le concessioni contenute nella Bolla papale del 1452, sì
che troppo dell'antica rigorosità era venuto meno. Intollerante di questa
rilassatezza, T. di Gesù volle ristabilire l'originaria austerità, e tutta si
consacrò alla grande opera. Ottenuta l'autorizzazione del papa Pio IV, fondò
nell'agosto del 1562, pur di mezzo a difficoltà e violente opposizioni, il
primo convento riformato di San José in Ávila; ma la sua meravigliosa attività
di riformatrice è dei quindici anni che vanno dal 1567 alla morte. Sempre
malferma in salute, fatta segno spesso a calunnie, a offese, a maltrattamenti,
umiliazioni, percorse quasi tutta la Spagna in mezzo a mille disagi. Fondò così
trentadue conventi di carmelitane e, con l'aiuto di S. Giovanni della Croce, di
carmelitani scalzi, complessivamente. "Monja inquieta y andariega",
ossia monaca irrequieta ed errabonda, ebbe a dirla il nunzio apostolico Filippo
Sega che fu dei suoi più fieri nemici. In un ultimo suo viaggio da Burgos e
Valladolid ad Alba di Tormes, dove si recava ad assistere la duchessa d'Alba
sua protettrice, ebbe a mancare per via presso Peñaranda, sfinita dai patimenti
e dalla fame. Giuntavi la sera del 20 settembre 1582, ivi morì il 4 ottobre, a
67 anni.
Beatificata da PaoloV il
24 aprile 1614, fu canonizzata da papa Gregorio XV il 22 marzo 1622. A istanza
dei procuratori di Castiglia e di León fu proclamata da Urbano VIII compatrona
di Spagna accanto a San Giacomo con breve del 21 giugno 1627.
Santa, scrittrice e
mistica, conseguì Santa T. la perfetta vita per la vocazione, la forte volontà,
il temperamento. L'ambiente sociale tuttavia e lo spirito profondamente
religioso della Spagna del sec. XVI furono le cause esteriori concomitanti che
contribuirono a fare di T. di Cepeda, l'eroica santa, l'espressione viva del
più alto ideale religioso. T. di G., assetata d'ideale purezza, tende lo sguardo
sempre più infiammato d'amore e le braccia verso il mistico Sposo, distaccata
da tutti i "contentos de aca", supplicando da lui sempre nuova forza
per combattere le sue sante battaglie, in gloria della Chiesa, per la purezza
della fede, per la pace del mondo e nei cuori.
Strettamente connesse con
la sua multiforme attività religiosa sono le molte opere di Santa T. Non ebbe
una cultura propriamente letteraria; la sua non andava al dilà di quella che di
solito avevano le nobili castigliane, ma vi supplì con larghe e assidue letture
di buenos libros ossia di edificazione spirituale, quali le Lettere di
San Girolamo, le Confessioni di S. Agostino, la Bibbia, i Morali di
S. Gregorio, ecc. Profonda nella scienza delle cose divine, papa Pio X la
dichiarò Dottore della Chiesa, e il Collegio Accademico di Salamanca il 4 marzo
1922 la proclamò doctora dell'Università.
Ad eccezione di alcune
devote liriche, tutto scrisse in prosa, senza pretese letterarie, in una lingua
quanto mai schiettamente castigliana, ricca, spontanea come quella che è
dell'uso vivo, perfino nell'ortografia regolata sulla pronunzia; in uno stile semplice
e sobrio, lo stile disinvolto del conversar familiare, reso anche più
espressivo dalle frequenti nitide immagini, da frasi incisive e modi
pittoreschi di dire. E in questa lingua senza lisci, in questo stile senza
ritocchi, a volte grammaticalmente negletto, con spesso felici anacoluti e
scorci sintattici, seppe significare le cose più alte dello spirito e
lucidamente esporre i più arcani concetti della teologia mistica. Appartiene
così Santa T. al novero dei grandi scrittori spagnoli del secolo d'oro.
Le sue opere maggiori
sono: 1. Il Libro de su vida scritto fra il 1562 e il 1565 per
comando dei suoi direttori spirituali, prima il domenicano padre Pedro de
Ibáñez, poi, per una seconda redazione, il padre García de Toledo. L'autografo
si conserva nella biblioteca dell'Escoriale. È l'opera più estesa di tutte ed è
la storia di un'anima, di fatti interni ed esterni circa la sua vocazione. Nei
primi dieci capitoli sono raccontati i casi della giovinezza fino al
proponimento della vita perfetta; i seguenti fino al cap. XXII formano il
trattatello dell'Orazione; dal XXIII al XXXII sono riferite le grazie avute da
Dio e le tentazioni dopo la dedizione alla vita perfetta; nei capitoli seguenti
fino al capitolo XXXVI si narra la fondazione del primo convento in Ávila
secondo la riforma; negli ultimi la santa (capitoli XXXVII-XL) riprende a dire
ancora di altre grazie e favori celesti. 2. Camino de perfección. Scritto
negli anni 1564-67, per desiderio delle carmelitane di San José e per comando
del padre Domenico Bañez, è un trattato ascetico sulle virtù nella vita
religiosa e sull'orazione mentale ed orale quale via della perfezione; contiene
inoltre dal capitolo XXVI al XLII un'esposizione del Paternostro. Gli autografi
delle due differenti redazioni, la prima di 73 capitoli e la seconda abbreviata
in 42, sono l'uno nell'Escoriale e l'altro nel convento delle carmelitane a
Valladolid. 3. Libro de las Fundaciones. Cominciato a Salamanca il 24 di
agosto del 1573 per comando del padre Ripalda suo confessore e poi suo
biografo, fu terminato per le due prime parti a Toledo il 14 novembre 1576; la
terza, che comprende la fondazione degli ultimi quattro conventi, fu scritta
dal 1580 fino circa alla morte. L'autografo è all'Escoriale. È la storia della
vita esterna di Santa T., delle sue lotte sostenute anche contro autorità
civili ed ecclesiastiche, tra cui il nunzio, il generale dell'ordine e i
carmelitani cosiddetti mitigati. Ella ebbe però dalla sua parte lo stesso re
Filippo II, a cui si era rivolta. 4. Il Castillo Interior o Libro
de las siete Moradas. È il capolavoro della santa e il libro più perfetto della
mistica sperimentale spagnola, scritto dal giugno al novembre del 1577 per
suggerimento del padre Girolamo Gracián che riusciva a vincere le riluttanze
della santa. Il ms. è presso le carmelitane di Siviglia, a cui lo affidò il
loro benefattore Cerezo Pardo, perché, infierendo la persecuzione contro la
riformatrice e le sue religiose, non avvenisse di questa opera ciò che era
avvenuto dell'autobiografia denunziata malignamente dalla principessa d'Eboli
all'Inquisizione, poi da questa sequestrata con tutte le copie, alla
distruzione delle quali sfuggì soltanto quella della duchessa d'Alba. Ciò,
perché non si ammetteva che le più gravi questioni teologiche fossero trattate,
e in lingua volgare, da una donna senza studî di teologia. I lontani ricordi
dei romanzi cavallereschi, con i loro castelli incantati, le frequenti mistiche
visioni celestiali, il detto dell'Evangelo che l'anima è il ricettacolo di Dio,
la lettura della Subida del Monte Sión por la vía contemplativa del
padre Bernardino de Laredo (morto nel 1540 circa), specialmente la visione
estatica raccontata nel capitolo XV della Vida, si fusero come in
un'immagine sola, che improntò di sé tutta l'opera, e suggerirono il titolo
allegorico. Si tratta di un castello di finissimo diamante, fulgente di luce in
cui sono, in corrispondenza e somiglianza a quelle del cielo, sette dimore in
ciascuna delle quali l'anima in stato di grazia s'intrattiene alcun tempo per salire
sempre più pura e perfetta, per virtù dell'orazione, dallo stato di purgatio di illuminatio a
quello della unio ossia dell'anelato congiungimento con Dio.
Opere minori sono: Conceptos
del amor de Dios (1577?), esposizione mistica di alcuni versetti del
Cantico dei Cantici; Exclamaciones ossia diciassette fervide
invocazioni rivolte a Gesù ispirate dalla Comunione eucaristica; Relaciones raccolte
da Luis de León, in cui la santa rendeva conto della sua vita interiore ai suoi
confessori; Avisos, che in numero di 69 scrisse per le sue monache; Constituciones:
se ne hanno solo copie; compilate a mano a mano che la riforma si veniva
affermando, esse costituiscono la regola dell'ordine, approvata nel concilio di
Alcalá il 13 marzo 1581, basata sulla triplice pratica dell'orazione, della
solitudine, della penitenza; Epistolario, nel quale è raccolto forse un
terzo delle lettere di Santa T., ché moltissime andarono perdute. Sono preziose
testimonianze della sua grande attività, delle sue vicende nel mondo, con cui
era in contatto per la sua missione, dei suoi patimenti nelle avversità.
Insieme col Libro de las Fundaciones sono anche testimonianza del
gran senso pratico e realistico che l'assisteva e la guidava negli
affari. Poesias: se mancano della tecnica dell'arte, sovrabbondano
d'impeto lirico, scritte talune dopo un mistico rapimento, tutte nelle forme
metriche tradizionali popolari della glosa e del villancico.
Molte non giunsero fino a noi. Falsamente le fu attribuito il famoso Soneto
al Crucificado (No me mueve, mi Dios, para quererte). Anche così quali
sono, attestano un ingegno altamente poetico, sono una vera poesia, perché
significata secondo che il cuore, tutto preso dall'amore divino, dettava
dentro.
Ediz.: Obras,
in Biblioteca de Autores españoles (Rivadeneyra), LIII e LV; Obras,
ed. V. de la Fuente, Madrid 1881, voll. 6; Obras, edito con note del p.
Silverio, 2a ed., Burgos 1930; El Castillo Interior, ediz. autografa,
Siviglia 1882; Las moradas, a cura di T. Navarro Tomás (in Clásicos
castellanos, I, 1910).
Bibl.: La letteratura teresiana è immensa e manca ancora una bibliografia completa, che tale non è, oltre che ormai arretrata, quella di H. de Curzon, Bibl. thérésienne: ouvrages français et étrangers sur S. T. et sur ses oeuvres (Bibl. critique), Parigi 1902; P. Guillermo Antolin, Las autógrafos de S. T. que se conservan en el Real Monasterio de El Escorial, Madrid 1914; R. Hoornaert, Sainte Thérèse écrivain, Parigi 1925; C. Bayle, Santa Teresa de Jesús, Madrid 1932; M. Mir, S. T. de J. Su espíritu y sus fundaciones, ivi 1913; L. Bertrand, S. T. (trad. spagnola). C'è anche una trad. italiana, di A. Tovini, Brescia 1928; G. Cunninghame Graham, S. T. su vida y su época, Madrid 1927; J. Dominguez Berrueta, S. T. de J., ivi 1934; E. Julián Martinez, La cultura de S. T. y su obra literaria, Castellón 1923; P. Sainz Rodriguez, Introducción a la historia de la literatura mística española, Madrid 1927; P. Crisógono de Jesús Sacramentado, La escuela mística carmelitana, Ávila 1930; G. Etchegoyen, L'Amour divin. Essai sur les sources de S. T., Bordeaux-Parigi 1923; A. López-Peláez, S. T. y las órdenes religiosas, Reus 1915; H. Joli, S. Thérèse, Parigi 1902.
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SOURCE : https://www.treccani.it/enciclopedia/teresa-di-gesu-santa_(Enciclopedia-Italiana)/
Saint
Teresa of Ávila, Ávila de los Caballeros, Spain. Born 1515 in Avila,
dead in Alba de Tormes 1582 The picture was taken the 12 of April 2004 by Håkan
Svensson (Xauxa).
PROCLAMACIÓN DE SANTA
TERESA DE JESÚS COMO DOCTORA DE LA IGLESIA
HOMILÍA DEL SANTO
PADRE PABLO VI
Domingo 27 de septiembre
de 1970
Acabamos de conferir o,
mejor dicho, acabamos de reconocer a Santa Teresa de Jesús el título de doctora
de la Iglesia. El sólo hecho de mencionar, en este lugar y en esta
circunstancia, el nombre de esta santa tan singular y tan grande, suscita en
nuestro espíritu un cúmulo de pensamientos. El primero es la evocación de la
figura de Santa Teresa. La vemos ante nosotros como una mujer excepcional, como
a una religiosa que, envuelta toda ella de humildad, penitencia y sencillez,
irradia en torno a sí la llama de su vitalidad humana y de su dinámica
espiritualidad; la vemos, además, como reformadora y fundadora de una histórica
e insigne Orden religiosa, como escritora genial y fecunda, como maestra de
vida espiritual, como contemplativa incomparable e incansable alma activa. ¡Qué
grande, única y humana, qué atrayente es esta figura! Antes de hablar de otra
cosa, nos sentimos tentados a hablar de ella, de esta santa interesantísima
bajo muchos aspectos. Pero no esperéis que, en este momento, os hablemos de la
persona y de la obra de Teresa de Jesús. Sería suficiente la doble biografía
recogida en el tomo preparado con tanto esmero por nuestra Sagrada Congregación
para las causas de los santos para desanimar a quien pretendiese condensar en
breves palabras la semblanza histórica y biográfica de esta santa, que parece
desbordar las líneas descriptivas en las que uno quisiera encerrarlas. Por otra
parte, no es precisamente en ella donde quisiéramos fijar durante un momento
nuestra atención, sino más bien en el acto que ha tenido lugar hace poco, en el
hecho que acabamos de grabar en la historia de la Iglesia y que confiamos a la
piedad y a la reflexión del Pueblo de Dios, en la concesión de otorgarle el
título de doctora a Teresa de Ávila, a Santa Teresa de Jesús, la eximia
carmelita.
El significado de este
acto es muy claro. Un acto que quiere ser intencionalmente luminoso, y que
podría encontrar su imagen simbólica en una lámpara encendida ante la humilde y
majestuosa figura de la Santa. Un acto luminoso por el haz de luz que la
lámpara del título doctoral proyecta sobre ella; un acto luminoso por el otro
haz de luz que ese mismo título doctoral proyecta sobre nosotros. Hablemos
primero sobre ella, sobre Teresa. La luz del título doctoral pone de relieve
valores indiscutibles que ya le habían sido ampliamente reconocidos; ante todo,
la santidad de vida, valor oficialmente proclamado el 12 de marzo de 1622
—Santa Teresa había muerto 30 años antes— por nuestro predecesor Gregorio XV en
el célebre acto de canonización que incluyó en el libro de los santos, junto
con nuestra santa carmelita, a Ignacio de Loyola, Francisco Javier, Isidro
Labrador, todos ellos gloria de la España católica, y al mismo tiempo al
florentino-romano Felipe Neri. Por otra parte, la luz del título doctoral pone
de relieve la «eminencia de la doctrina» y esto de un modo especial (cf.
Prospero Lambertini, luego Papa Benedicto XIV, De servorum Dei
beatificatione, IV, 2, c. 11, n. 13).
La doctrina de Teresa de
Ávila brilla por los carismas de la verdad, la fidelidad a la fe católica y la
utilidad para la formación de las almas. Y podríamos resaltar de modo
particular otro carisma, el de la sabiduría, que nos hace pensar en el aspecto
más atrayente y al mismo tiempo más misterioso del doctorado de Santa Teresa, o
sea, en el influjo de la inspiración divina en esta prodigiosa y mística
escritora. ¿De dónde le venía a Teresa el tesoro de su doctrina? Sin duda
alguna, le venía de su inteligencia y de su formación cultural y espiritual, de
sus lecturas, de su trato con los grandes maestros de teología y de
espiritualidad, de su singular sensibilidad, de su habitual e intensa
disciplina ascética, de su meditación contemplativa, en una palabra de su
correspondencia a la gracia acogida en su alma, extraordinariamente rica y
preparada para la práctica y la experiencia de la oración. Pero ¿era ésta la
única fuente de su «eminente doctrina»? ¿O acaso no se encuentran en Santa
Teresa hechos, actos y estados en los que ella no es el agente, sino más bien
el paciente, o sea, fenómenos pasivos y sufridos, místicos en el verdadero
sentido de la palabra, de tal forma que deben ser atribuidos a una acción
extraordinaria del Espíritu Santo? Estamos, sin duda alguna, ante un alma en la
que se manifiesta la iniciativa divina extraordinaria, sentida y posteriormente
descrita llana, fiel y estupendamente por Teresa con un lenguaje literario
peculiarísimo.
Al llegar aquí, las
preguntas se multiplican. La originalidad de la acción mística es uno de los
fenómenos psicológicos más delicados y más complejos, en los que pueden influir
muchos factores, y obligan al estudioso a tomar las más severas cautelas, al
mismo tiempo que en ellos se manifiestan de modo sorprendente las maravillas
del alma humana, y entre ellas la más comprensiva de todas: el amor, que
encuentra en la profundidad del corazón sus expresiones más variadas y más
auténticas; ese amor que llegamos a llamar matrimonio espiritual, porque no es
otra cosa que el encuentro del amor divino inundante, que desciende al
encuentro del amor humano, que tiende a subir con todas sus fuerzas. Se trata
de la unión con Dios más íntima y más fuerte que se conceda experimentar a un
alma viviente en esta tierra; y que se convierte en luz y en sabiduría,
sabiduría de las cosas divinas y sabiduría de las cosas humanas. De todos estos
secretos nos habla la doctrina de Santa Teresa. Son los secretos de la oración.
Esta es su enseñanza.
Ella tuvo el privilegio y
el mérito de conocer estos secretos por vía de la experiencia, vivida en la
santidad de una vida consagrada a la contemplación y, al mismo tiempo,
comprometida en la acción, por vía de experiencia simultáneamente sufrida y
gozada en la efusión de carismas espirituales extraordinarios. Santa Teresa ha
sido capaz de contarnos estos secretos, hasta el punto de que se la considera
como uno de los supremos maestros de la vida espiritual. No en vano la estatua
de la fundadora Teresa colocada en esta basílica lleva la inscripción que tan
bien define a la Santa: Mater spiritualium. Todos reconocían, podemos
decir que con unánime consentimiento, esta prerrogativa de Santa Teresa de ser
madre y maestra de las personas espirituales. Una madre llena de encantadora
sencillez, una maestra llena de admirable profundidad. El consentimiento de la
tradición de los santos, de los teólogos, de los fieles y de los estudiosos se
lo había ganado ya. Ahora lo hemos confirmado Nosotros, a fin de que, nimbada
por este título magistral, tenga en adelante una misión más autorizada que
llevar a cabo dentro de su familia religiosa, en la Iglesia orante y en el
mundo, por medio de su mensaje perenne y actual: el mensaje de la oración.
Esta es la luz, hecha hoy
más viva y penetrante, que el título de doctora conferido a Santa Teresa
reverbera sobre nosotros. El mensaje de oración nos llega a nosotros, hijos de
la Iglesia, en una hora caracterizada por un gran esfuerzo de reforma y de
renovación de la oración litúrgica; nos llega a nosotros, tentados, por el reclamo
y por el compromiso del mundo exterior, a ceder al trajín de la vida moderna y
a perder los verdaderos tesoros de nuestra alma por la conquista de los
seductores tesoros de la tierra.
Este mensaje llega a
nosotros, hijos de nuestro tiempo, mientras no sólo se va perdiendo la
costumbre del coloquio con Dios, sino también el sentido y la necesidad de
adorarlo y de invocarlo. Llega a nosotros el mensaje de la oración, canto y
música del espíritu penetrado por la gracia y abierto al diálogo de la fe, de
la esperanza y de la caridad, mientras la exploración psicoanalítica desmonta
el frágil y complicado instrumento que somos, no para escuchar la voces de la
humanidad dolorida y redimida, sino para escuchar el confuso murmullo del
subconsciente animal y los gritos de las indomadas pasiones y de la angustia
desesperada. Llega ahora a nosotros el sublime y sencillo mensaje de la oración
de la sabia Teresa, que nos exhorta a comprender «el gran bien que hace Dios a
un alma que la dispone para tener oración con voluntad…, que no es otra cosa la
oración mental, a mi parecer, sino tratar de amistad estando muchas veces
tratando a solas con quien sabemos nos ama» (Vida, 8, 4-5).
Este es, en síntesis, el
mensaje que nos da Santa Teresa de Jesús, doctora de la santa Iglesia.
Escuchémoslo y hagámoslo nuestro. Debemos añadir dos observaciones que nos
parecen importantes. En primer lugar hay que notar que Santa Teresa de Ávila es
la primera mujer a quien la Iglesia confiere el título de doctora; y esto no
sin recordar las severas palabras de San Pablo: «Las mujeres cállense en las
asambleas» (1 Cor 14, 34), lo cual quiere decir incluso hoy que la mujer
no está destinada a tener en la Iglesia funciones jerárquicas de magisterio y
de ministerio. ¿Se habrá violado entonces el precepto apostólico?
Podemos responder con
claridad: no. Realmente no se trata de un título que comporte funciones
jerárquicas de magisterio, pero a la vez debemos señalar que este hecho no supone
en ningún modo un menosprecio de la sublime misión de la mujer en el seno del
Pueblo de Dios.
Por el contrario, ella,
al ser incorporada a la Iglesia por el bautismo, participa del sacerdocio común
de los fieles, que la capacita y la obliga a «confesar delante de los hombres
la fe que recibió de Dios mediante la Iglesia» (Lumen
gentium 2, 11). Y en esa confesión de fe muchas mujeres han llegado a
las cimas más elevadas, hasta el punto de que su palabra y sus escritos han
sido luz y guía de sus hermanos. Luz alimentada cada día en el contacto íntimo
con Dios, también en las formas más elevadas en la oración mística, para la
cual San Francisco de Sales llega a decir que poseen una especial capacidad.
Luz hecha vida de manera sublime para el bien y el servicio de los hombres.
Por eso el Concilio ha
querido reconocer la preciosa colaboración con la gracia divina que las mujeres
están llamadas a ejercer para instaurar el reino de Dios en la tierra, y al
exaltar la grandeza de su misión no duda en invitarlas igualmente a ayudar «a
que la humanidad no decaiga», «a reconciliar a los hombres con la vida», «a
salvar la paz del mundo» (Concilio Vaticano II, Mensaje
a las mujeres). En segundo lugar, no queremos pasar por alto el hecho de
que Santa Teresa era española, y con razón España la considera una de sus
grandes glorias. En su personalidad se aprecian los rasgos de su patria: la
reciedumbre de espíritu, la profundidad de sentimientos, la sinceridad de
corazón, el amor a la Iglesia. Su figura se centra en una época gloriosa de
santos y de maestros que marcan su época con el florecimiento de la
espiritualidad. Los escucha con la humildad de la discípula, a la vez que sabe
juzgarlos con la perspicacia de una gran maestra de vida espiritual, y como tal
la consideran ellos.
Por otra parte, dentro y
fuera de las fronteras patrias se agitaban violentos los aires de la Reforma,
enfrentando entre sí a los hijos de la Iglesia. Ella, por su amor a la verdad y
por el trato íntimo con el Maestro, hubo de afrontar sinsabores e
incomprensiones de toda índole, y no sabía como dar paz a su espíritu ante la
rotura de la unidad: «Fatiguéme mucho —escribe— y, como si yo pudiera algo o
fuera algo, lloraba con el Señor y le suplicaba redimiese tanto mal» (Camino de
perfección 1, 2). Este su sentir con la Iglesia, probado en el dolor que
consumía sus fuerzas, la llevó a reaccionar con toda la entereza de su espíritu
castellano en un afán de edificar el reino de Dios, y decidió penetrar en el
mundo que la rodeaba con una visión reformadora para darle un sentido, una
armonía, un alma cristiana. A distancia de cinco siglos, Santa Teresa de Ávila
sigue marcando las huellas de su misión espiritual, de la nobleza de su corazón
sediento de catolicidad, de su amor despojado de todo apego terreno para
entregarse totalmente a la Iglesia. Bien pudo decir, antes de su último
suspiro, como resumen de su vida: «En fin, soy hija de la Iglesia». En esta
expresión, presagio y gusto ya de la gloria de los bienaventurados para Teresa
de Jesús, queremos ver la herencia espiritual por ella legada a España entera.
Debemos ver asimismo una llamada dirigida a todos a hacernos eco de su voz,
convirtiéndola en programa de nuestra vida para poder repetir con ella: ¡Somos
hijos de la Iglesia!
Con nuestra bendición
apostólica.
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la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana
SOURCE : https://www.vatican.va/content/paul-vi/es/homilies/1970/documents/hf_p-vi_hom_19700927.html
José Alcázar Tejedor (1850–1907), Santa Teresa de Jesús, 1884, 298 x
187, Museo del Prado, Depositado en La University of Santiago de
Compostela
Jueves 8 de octubre de
1981
Querido hermano en el Episcopado,
señor Alcalde,
concejales y abulenses,
conciudadanos de Santa Teresa de Jesús,
Siento profunda
satisfacción en recibir hoy a este numeroso grupo vuestro, que me hace
espiritualmente presente a todos los habitantes de Ávila, ciudad que tuvo la
dicha de ser cuna de una de las mayores figuras de la historia eclesial.
Este encuentro tiene
lugar precisamente en el marco del cuarto Centenario de Santa Teresa de Jesús,
que está a punto de ser inaugurado en Alba de Tormes y en Ávila, esas dos
ciudades tan íntimamente ligadas, por origen y por conservar sus restos
mortales, a la gran reformadora del Carmelo.
Os agradezco esta visita, que de algún modo es un primer jalón en las
celebraciones centenarias con la participación del Papa, a quien las conocidas
circunstancias no han permitido estar con vosotros en los próximos das, pero
que renueva sus deseos de que la Providencia le depare, en un no lejano futuro,
el momento propicio.
Entre tanto, mi Enviado
Especial el Cardenal Ballestrero hará más viva mi presencia en las
celebraciones inaugurales del Centenario, que la Jerarquía eclesiástica ha ido
preparando con oportunas iniciativas. Para que sea de veras en toda España un
año de renovación en la fe, en la esperanza, en la interioridad religiosa del
pueblo fiel, en el testimonio de vida cristiana en el actual momento histórico
de vuestra Patria, en el coherente comportamiento individual, familiar y social
del católico español, sin presunciones ni falsos complejos, como miembro de la
comunidad política y de la Iglesia.
Es necesario que el rico
patrimonio dejado por Teresa de Jesús sea meditado a fondo e inspire una
profunda renovación en la experiencia interior del pueblo, para que as se
revitalice toda la vida eclesial, en sus múltiples manifestaciones.
La figura gigante, no
sólo local o nacional sino universal, de la Gran Teresa ha de ser un fuerte
estimulo en esa dirección. A ello invita el nombre que ella eligió como
configuración de sí misma, Teresa de Jesús, y con el que le ha conocido la
historia de cuatro siglos, en campo eclesial, cultural, en la piedad, en la
teología espiritual y en el arte.
Por ello muy gustoso
rindo este homenaje a esa Santa, a la que junto con San Juan de la Cruz me
siento particularmente vinculado, y a la que con razón mi predecesor Pablo
VI declaró en 1970, en reconocimiento de sus singulares méritos y
significado eclesial, como la primera mujer Doctora de la Iglesia.
Ser conciudadanos o
compatriotas de Teresa de Jesús es un timbre de gloria, pero es también un
compromiso a inspirarse en ella; en sus enseñanzas y ejemplo, para ser fieles a
su legado universal, en un empeño de ser cada vez mejores ciudadanos e hijos de
la Iglesia.
Asegurándoos mi frecuente
recuerdo en la plegaria, para que este año Centenario surta los frutos
espirituales deseados, os doy con profunda benevolencia la bendición
apostólica, que extiendo a todos los abulenses.
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Kalvarienberg in Heiligenkreuz, Niederösterreich