Hérode Agrippa, roi des Juifs, après avoir condamné à mort saint Jacques le Majeur, l'an 43, fit emprisonner saint Pierre. Les fidèles, à la nouvelle de l'arrestation du chef de l'Église, se mirent aussitôt en prière, et Dieu les exauça.
Le Prince des Apôtres, chargé de chaînes, était gardé nuit et jour par seize soldats, dont quatre faisaient tour à tour sentinelle dans la prison autour de lui; les autres gardaient les portes. La nuit même qui précédait le jour marqué pour l'exécution, Pierre dormait paisiblement au milieu de ses gardes, quand tout à coup la prison fut éclairée d'une lumière céleste. Un Ange apparaît, le réveille et lui dit: "Levez-vous promptement, prenez votre ceinture, vos vêtements et votre chaussure, et suivez-moi." Au même instant les chaînes tombent de ses mains; stupéfait, il obéit, et traverse sans obstacle, à la suite de l'Ange, le premier et le second corps de garde. Une porte de fer était à l'entrée du chemin qui conduisait à l'intérieur de Jérusalem; cette porte s'ouvre d'elle-même. Ils vont ensemble jusqu'au bout de la rue, et l'Ange disparaît.
Pierre avait cru que tout ce qui se passait n'était qu'un songe; mais, persuadé alors de la réalité de sa délivrance, il en bénit le Seigneur en disant: "Je reconnais maintenant que Dieu a envoyé véritablement Son Ange et qu'Il m'a délivré de la main d'Hérode et de l'attente cruelle du peuple juif." Il se rend alors à la maison de Marie, mère de Marc, son disciple, où se trouvait une foule en prière. Pierre frappe à la porte, et la jeune fille qui se présente pour ouvrir, ayant distingué la voix de Pierre, court l'annoncer dans l'intérieur de la maison. Personne n'y voulait croire: "Vous êtes folle!" dit-on à cette fille. "C'est son Ange," disaient les autres. Pierre continuait à frapper. Quelle ne fut pas l'explosion de joie lorsque la porte fut ouverte et que l'on reconnut saint Pierre! L'Apôtre raconta la merveille que Dieu venait d'accomplir.
Les fidèles se firent un devoir de recueillir les précieuses chaînes de saint Pierre et les conservèrent avec un religieux respect. Plus tard, on recueillit aussi avec soin les deux chaînes vénérables portées à Rome par le chef des Apôtres. À peine furent-elles placées l'une près de l'autre, qu'elles s'unirent ensemble, de manière qu'il fut impossible d'y reconnaître aucune soudure.
Depuis ce temps, l'Église fait plus de cas de ces précieuses chaînes que des plus riches trésors, elles sont précieusement vénérées dans l'église de Saint-Pierre-aux-Liens.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950.
La fête de saint Pierre aux Liens fut supprimée par Jean XXIII ; le formulaire de messe demeure néanmoins au supplément des messes pro aliquibus locis. Depuis 1960, on commémore ce jour seulement les saints Machabées.
« Au temps de saint Léon le Grand on célébrait aujourd’hui sur l’Esquilin un double anniversaire, celui de la basilique des Apôtres, dédiée par le pape Xyste III (432-440) aux saints Pierre et Paul, et celui du martyre des sept Frères juifs mis à mort sous Antiochus Épiphane selon le 2e livre des Maccabées [1] : Duplex enim causa laetitiae est : in qua et natalem ecclesiæ colimus, et martyrum passione gaudemus [2], dit le pape au début de son homélie [3], mais il consacre toute celle-ci à traiter des Maccabées. D’ailleurs, selon lui, la fête des Maccabées était antérieure à la dédicace de la basilique. Il évoque, en effet, le souvenir de son prédécesseur, qui hoc die antiquam festivitatem huius loci consecratione geminavit [4]. Il est donc certain que, dès le début du Ve siècle, on fêtait les sept Martyrs juifs à Rome, comme on le faisait à Jérusalem et dans tout le monde chrétien. Quant à la date du 1er août, elle est attestée au IVe siècle par le martyrologe de Nicomédie, qui annonce leur déposition à Antioche. Le Hiéronymien donne la même date, ainsi que le calendrier de Carthage et divers calendriers orientaux.
La basiliques des Apôtres devait recevoir le nom de Saint-Pierre-aux-liens moins d’un siècle après sa dédicace. Bien qu’en 595 elle porte encore le vocable de Titulus Apostolorum, au temps du pape Symmaque (498-514) il est question des prêtres a vincula sancti Petri [5]. C’est qu’on y vénérait déjà les chaînes de saint Pierre. Les témoins liturgiques de la commémoration des Maccabées et de Saint-Pierre-aux-liens ont deux siècles de retard sur les documents qu’on vient de citer. La fête des Maccabées apparaît dans le sacramentaire gélasien, celle de Saint-Pierre-aux-liens dans l’évangéliaire du milieu du VIIIe siècle et l’Hadrianum. Les sacramentaires gélasiano-francs du VIIIe siècle semblent avoir conservé une rubrique ancienne dans leur intitulé de la double fête : Statio ad sanctum Petrum ad vincula, quando catenae eius osculantur. Ipso die natale Machabaeorum [6]. L’évangéliaire romain du IXe siècle annonce plus succinctement : Ad vincula. Machabaeorum [7]. La fête de saint Pierre et celle des sept Martyrs, auxquels on ajoute parfois la mention de leur mère, étaient donc depuis longtemps traditionnelles au 12e siècle » [8].
[1] 2 Mac. 7,1-41
[2] Double en effet est la raison de notre liesse : nous vénérons la naissance de cette église et nous nous réjouissons de la passion des martyrs.
[3] Léon Le Grand, Sermons, 97, édit. R. Dolle, tome 4, Paris 1973, pp. 288 et 292.
[4] Qui jumela ce jour l’antique fête avec la consécration de ce lieu.
[5] L. Duchesne, Le Liber Pontificalis, l.c., tome 1er, p. 261.
[6] Station à Saint-Pierre aux Liens, quand on baise ses chaînes. Le même jour, naissance des Maccabées.
[7] Aux Liens. Des Maccabées.
[8] Cf. Pierre Jounel, Le Culte des Saints dans les Basiliques du Latran et du Vatican au douzième siècle, École Française de Rome, Palais Farnèse, 1977.
Dom Guéranger, l’Année Liturgique
Faisant un dieu de l’homme qui l’avait asservie, Rome consacra le mois d’août à la mémoire de César Auguste. Quand le Christ l’eut délivrée, elle plaça comme monument de sa liberté reconquise, en tête du même mois, la fête des chaînes que Pierre vicaire du Christ avait portées pour rompre les siennes. Divine Sagesse, qui régnez sur ce mois plus légitimement que le fils adoptif de César, vous ne pouviez inaugurer plus authentiquement votre empire. Force et douceur réunies sont l’attribut de vos œuvres [69], et c’est dans la faiblesse de vos élus que vous triomphez des puissants [70]. Vous-même, pour nous donner la vie, aviez absorbé la mort ; pour affranchir la terre à lui confiée, Simon fils de Jean est devenu captif. Hérode d’abord, Néron plus tard, ont fait connaître à quel prix était la promesse qu’il reçut autrefois de lier et de délier ici-bas comme aux cieux [71] : il devait en retour porter l’amour du Pasteur suprême jusqu’à se laisser comme lui [72] charger de liens pour le troupeau et conduire où il ne voulait pas [73].
Chaînes glorieuses, qui ne ferez jamais trembler non plus les successeurs de Pierre, vous serez en face des Hérodes, des Nérons, des Césars de tous les temps, la garantie de la liberté des âmes. Aussi de quelle vénération, dès les âges les plus reculés, le peuple chrétien vous honore ! On peut dire en toute vérité de la fête présente qu’elle se perd dans la nuit des siècles. Selon d’antiques monuments [74], c’est à Pierre même que remonterait la consécration première à cette date du sanctuaire qui rassemble en ce jour d’émancipation, sur la plus haute des sept collines, les citoyens de la Ville éternelle. L’appellation de Titre d’Eudoxie, sous laquelle la vénérable église est souvent dénommée, proviendrait des restaurations dont elle fut l’objet à l’occasion des événements rappelés dans les Leçons de la fête. Quant aux liens sacrés devenus son trésor, la plus ancienne mention qu’on nous ait conservée du culte qui leur fut rendu, remonte aux premières années du second siècle. Balbina, fille du tribun Quirinus préposé à la garde des prisons, s’était vue guérie au contact des chaînes du saint Pape Alexandre ; elle ne se rassasiait pas de baiser les liens qui l’avaient délivrée : « Cherche les fers du bienheureux Pierre, et baise-les plutôt que ceux-ci », lui dit le Pontife ; Balbina donc, ayant heureusement trouvé les fers apostoliques, reporta sur eux ses démonstrations pieuses, et les remit peu après à la noble Théodora sœur d’Hermès [75].
Les anneaux qui avaient enserré les bras du Docteur des nations sans pouvoir lier la parole de Dieu [76], furent aussi recueillis plus chèrement que les pierreries et l’or après son martyre. D’Antioche de Syrie, Jean Chrysostome portant une envie sainte aux rivages qu’enrichissent ces trophées d’une captivité triomphante, s’écriait dans un transport sublime : « Quoi de plus magnifique que ces chaînes ? Prisonnier pour le Christ est un nom plus beau que celui d’apôtre, d’évangéliste ou de docteur. Être lié pour le Christ vaut mieux que d’habiter les cieux ; siéger sur les douze trônes [77] est un moindre honneur. Si quelqu’un aime, il me comprend ; mais qui comme le très saint chœur des Apôtres pénétra ces choses ? Pour moi, si l’on m’offrait à choisir ou ces fers, ou le ciel tout entier, je n’hésiterais pas ; car c’est en eux qu’est le bonheur. Je voudrais présentement me trouver dans les lieux où l’on dit que sont encore gardés les liens de ces hommes admirables. S’il m’était donné d’être libre des soucis de cette église, d’avoir quelque santé, je ne balancerais pas à entreprendre ce voyage pour voir seulement la chaîne de Paul. Si l’on me disait : Qu’aimes-tu mieux être, ou l’Ange qui délivra Pierre, ou Pierre enchaîné ? J’aimerais mieux être Pierre, à cause de ses liens » [78].
Toujours vénérée dans l’auguste basilique qui couvre sa tombe, la chaîne de Paul n’est point devenue pourtant comme celles de Pierre l’objet d’une fête spéciale en l’Église. Cette distinction était due à la prééminence de celui qui « reçut seul les Clefs du Royaume des cieux pour les communiquer aux autres » [79], qui seul continue par ses successeurs de lier et de délier souverainement dans l’étendue des mondes. Le recueil des lettres de saint Grégoire le Grand atteste combien, au VIe siècle, était universellement répandu le culte des saintes chaînes, dont quelques parcelles de limure, enfermées dans des clefs d’argent ou d’or, étaient le plus riche présent que les Souverains Pontifes eussent coutume d’offrir aux églises insignes et aux princes qu’ils voulaient honorer. Constantinople, à une époque assez indécise, fut elle aussi dotée de quelque portion de ces précieux liens ; elle en fixa la fête au 16 janvier, exaltant à cette occasion dans l’Apôtre Pierre l’occupant du premier Siège, le fondement de la foi, la base inébranlable des dogmes [80].
« Mets tes pieds dans les fers de la Sagesse, et ton cou dans ses chaînes, disait prophétiquement l’Esprit sous l’ancienne alliance ; ne te lasse point de ses liens : car à la fin elle te sera repos et joie, et ses entraves seront pour toi une protection puissante, et ses colliers un glorieux ornementât ses liens le salut » [81]. Et la Sagesse incarnée vous appliquant l’oracle elle-même, ô Prince des Apôtres, annonçait qu’en témoignage de votre amour, un jour viendrait où vous connaîtriez en effet la contrainte et les liens [82]. L’épreuve, ô Pierre, a été convaincante pour cette Sagesse éternelle qui proportionne ses exigences à la mesure de son propre amour [83]. Mais vous aussi l’avez trouvée fidèle : aux jours du redoutable combat où elle voulut montrer sa puissance en votre faiblesse, elle ne vous abandonna point dans les fers [84] ; c’est dans ses bras que vous dormiez d’un sommeil si calme en la prison d’Hérode [85] ; descendue avec vous dans la fosse de Néron [86], elle vous y tint fidèle compagnie jusqu’à l’heure où, soumettant à l’opprimé les persécuteurs mêmes, elle mit le sceptre en vos mains et sur votre front la triple couronne.
Du trône où vous siégez avec l’Homme-Dieu dans les cieux [87] comme vous l’avez suivi ici-bas dans l’épreuve et l’angoisse [88], déliez nos liens qui n’ont rien, hélas ! de la gloire des vôtres : brisez ces fers du péché qui nous rivent à Satan, ces attaches de toutes les passions qui nous empêchent de prendra vers Dieu notre essor. Le monde, plus que jamais esclave dans l’engouement de ses fausses libertés qui lui font oublier la seule vraie, a plus besoin d’affranchissement qu’au temps des Césars païens : vous qui seul pouvez l’être, une fois de plus soyez son libérateur. Que Rome surtout, tombée plus bas parce qu’elle a été précipitée de plus haut, éprouve à nouveau la vertu d’émancipation qui réside en vos chaînes ; elles sont devenues pour ses fidèles un signe de ralliement dans les dernières épreuves [89] ; vérifiez la parole qui fut dite par ses poètes autrefois, qu’« entourée de ces liens elle serait toujours libre) » [90].
Aout resplendit des feux de la plus brillante des constellations qui soit au Cycle sacré. Déjà au sixième siècle, le deuxième concile de Tours observait que les fêtes des Saints remplissaient sa durée [91]. Mes délices sont d’être avec les enfants des hommes [92] disait la Sagesse ; il semble que dans le mois où retentissent ses enseignements, elle ait mis sa gloire à s’entourer des hommes bienheureux [93] qui, marchant avec elle par le milieu des sentiers de la justice [94], ont trouvé en la trouvant elle-même la vie et le salut qui vient du Seigneur [95]. Noble cour, présidée par la Reine de toute grâce dont le triomphe, consacrant le milieu de ce mois, appelait sur lui les prédilections de cette Sagesse du Père qui ne s’est plus séparée de Marie depuis qu’elle en a fait son trône.
Quelle effusion des divines faveurs l’opulence des jours que nous allons traverser promet à nos âmes ! Jamais les greniers du Père de famille ne s’enrichirent plus qu’en ce temps de maturité pour les moissons de la terre et pour celle des cieux.
[70] I Cor. I, 18-31.
[71] Matth. XVI, 19.
[72] Johan. XVIII, 12.
[73] Ibid. XXI, 15-18.
[74] Martyrolog. Hieronym. , Bed., Raban., Notker.
[75] Acta S. Alexandri.
[76] II Tim. II, 9.
[77] Matth. XIX, 28.
[78] Chrys. in Ep. ad Eph. Hom. VIII.
[79] Opr. Milev. Contra Parmen. VII, III.
[80] Menées.
[81] Eccli. VI, 25-32.
[82] Johan., XXI, 18.
[83] Eccli. IV, 17-22.
[84] Sap. X, 12-14.
[85] Act. XII, 6.
[86] Sap. X, 13.
[87] Apoc. III, 21.
[88] Luc. XXII, 28.
[89] Archiconfrérie des Chaînes de S. Pierre, érigée le 18 juin 1867.
[90] Arator, De Act. Aposl. L. I, v. 1070-1076.
[91] Toto Augusto... festivitates sunt et missae sanctorum. De observatione psallendi. Larbe, V, 857.
[92] Prov. VIII, 31.
[93] Ibid. 32-34.
[94] Ibid. 10.
[95] Ibid. 35.
Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum
Dédicace du Titre d’Eudoxie. Station à Saint-Pierre-aux-Liens.
La basilique Apostolorum in exquiliis existait déjà de longues années avant le Ve siècle, époque à laquelle Sixte III la restaura entièrement et la dédia aux Princes des Apôtres Pierre et Paul. Cette restauration est mentionnée dans l’inscription suivante :
CEDE • PRIVS • NOMEN • NOVITATI • CEDE • VETVSTAS
REGIA • LAETANTER • VOTA • DICARE • LIBET
HAEC • PETRI • PAVLIQVE • SIMVL • NVNC • NOMINE • SIGNO
XYSTVS • APOSTOLICAE • SEDIS • HONORE • FRVENS
VNVM • QVAESO • PARES • VNVM • DVO • SVMITE • MVNVS
VNVS • HONOR • CELEBRET • QVOS • HABET • VNA • FIDES
PRESBYTERI • TAMEN • HIC • LABOR • EST • ET • CVRA • PHILIPPI
POSTQVAM • EPHESI • CHRISTVS • VICIT • VTRIQVE • POLO
PRAEMIA • DISCIPVLVS • MERVIT • VINCENTE • MAGISTRO
HANC • PALMAM • FIDEI • RETTVLIT • INDE • SENEX.
O vieil édifice, change de nom ; qu’une nouvelle gloire succède à l’ancienne, maintenant que tu es dédié, au milieu des vœux joyeux. Je te consacre au nom des apôtres Pierre et Paul, moi Sixte, élevé à l’honneur du Siège apostolique. — 0 Vous qui ne faites qu’un dans votre dualité, recevez un don identique, car une même vénération vous est rendue par une unique Foi. — Le soin et le travail de cette entreprise sont attribués au prêtre Philippe. Après qu’à Éphèse le Christ eut triomphé sur l’un et l’autre hémisphère, dans la victoire du Maître le disciple mérita lui aussi la récompense. Ce temple représente la victoire de sa foi, qu’il remporta dans les années de sa vieillesse.
Dans cette basilique sont conservées, au moins depuis le Ve siècle, les chaînes de l’apôtre Pierre ; c’est pourquoi l’ancien nom de Basilica Apostolorum, qui apparaît dans la signature du prêtre Philippe, légat du Pape à Éphèse, fut remplacé dans l’usage commun par celui de ecclesia a vinculis sancti Petri.
En l’honneur de cette relique sacrée, on apposa dans le temple cette autre belle épigraphe, tirée du poème bien connu du sous-diacre Arator, déclamé au peuple dans la basilique de Saint-Pierre-aux-Liens :
HIS • SOLIDATA • FIDES • HIS • EST • TIBI • ROMA • CATENIS
PERPETVATA • SALVS • HARVM • CIRCVMDATA • NEXV
LIBERA • SEMPER • ERIS • QVID • ENIM • NON • VINCVLA • PRAESTENT
QVAE • TETIGIT • QVI • CVNCTA • POTEST • ABSOLVERE • CVIVS
HAEC • INVICTA • MANV • VEL • RELiGIOSA • TRIVMPHO
MOENIA • NON • VLLO • PENITVS • QVATIENTVR • AB • HOSTE
CLAVDIT • ITER • BELLIS • QVI • PORTAM • PANDIT • IN • ASTRIS
Ces chaînes, ô Rome, consolident ta foi.
Ce collier qui t’entoure rend stable ton salut.
Tu seras toujours libre, car, que ne pourront te mériter ces chaînes
dont fut lié celui qui peut tout délier ?
Son bras invincible, secourable même dans la gloire,
ne permettra jamais que ces murs soient abattus par l’ennemi.
Celui qui ouvre les portes du ciel fermera la route aux ennemis de Rome.
Comme les chaînes de Pierre, celles de Paul sont gardées, tel un précieux trésor, près de son vénérable sépulcre dans la basilique de la voie d’Ostie.
Le culte envers les chaînes des deux Apôtres devait autrefois être très répandu, puisque Justinien Ier demandait au Pape de catenis Sanctorum Apostolorum, si possibile est [96] ; et Grégoire le Grand rapporte que, de son temps, les fidèles ambitionnaient la grâce d’obtenir au moins un peu de limaille des chaînes de saint Paul [97].
La fête de la dédicace de la basilique a vinculis est déjà notée dans le Martyrologe Hiéronymien : Romae statio ad sanctum Petrum ad vincula [98] ; ou bien : ad vincula Eudoxiae, apostoli Petri osculant populi catenas [99].
En tant que fête purement locale, elle demeura étrangère à la première recension du Sacramentaire d’Hadrien Ier : elle n’y fut insérée que plus tard.
Dans l’Antiphonaire, l’introït est Salus populi ego sum, comme à l’occasion de la double station au sanctuaire des Anargyres au Forum, le jeudi après le troisième dimanche de Carême, et le dimanche le plus rapproché de leur natale, au mois de septembre.
Dans le Missel au contraire, les chants, à l’exception du verset alléluiatique, sont tous les mêmes que le 29 juin.
Prière. — « Seigneur qui avez délivré de ses chaînes le bienheureux apôtre Pierre et l’avez renvoyé libre ; délivrez-nous aussi des liens de nos péchés, et que votre pitié écarte de nous tout péril ». La même pensée est fort bien exprimée dans les vers suivants, répétés à Rome et à Spolète, dans la basilique érigée au Ve siècle par l’évêque Achille en l’honneur de saint Pierre :
SOLVE • IVBENTE • DEO • TERRARVM • PETRE • CATENAS
QVI • FACIS • VT • PATEANT • CAELESTIA • REGNA • BEATIS
IPSE • TVA • PETRE • DISRVMPERE • VINCVLA • IVSSIT
QVI • TE • CONSTITVIT • MVNDANOS • SOLVERE • NEXVS
Au commandement de Dieu, brisez, ô Pierre, les liens qui pèsent sur le monde,
vous qui ouvrez aux bienheureux les portes du ciel.
Celui qui a voulu que vous fussiez délié de vos chaînes,
vous a confié la mission de briser les liens du péché.
Paul est inséparable de Pierre, dans l’apostolat comme dans la vénération des fidèles. Aussi fait-on mémoire de lui à la messe de ce jour comme le 18 janvier.
Les deux lectures scripturaires et le répons-graduel sont les mêmes que le 29 juin. Quant au verset alléluiatique, il est tiré de l’épigraphe rapportée ci-dessus : Alléluia. Solve, iubente Deo, terrarum, Petre, catenas Qui facis ut pateant caelestia regna beatis [100].
Sur les oblations. — « Que par l’intercession de votre bienheureux apôtre Pierre, le sacrifice que nous allons vous offrir, Seigneur, nous confère la vie surnaturelle et nous fasse échapper à tout péril ». Dans le Léonien se trouvent une messe et une préface qui, probablement, se rapportent à la dédicace de Saint-Pierre-in-Vinculis ; voici la secrète de cette messe : Suscipe, quæsumus, hostias quas maiestati tuæ in honore beati apostoli Petri, cui hæc est basilica sacrata, deferimus, et eius precibus nos tuere [101].
Voici la belle préface : Vere dignum... Qui ut in omni loco dominationis tuae beati Petri apostoli magnifices potestatem, non solum ubi venerabiles eius Reliquiae conquiescunt, sed ubicumque pretiosa reverentia fuerit invocata, tribuis esse praesentem ; nunc etiam perseverare demonstres quod in omnem terram sonus eius exeat, et toto orbe salutaria verba decurrant. Per Christum.
C’est la même pensée qu’exprimait, à propos de sa basilique de Spolète, l’évêque Achille :
SED • NON • ET • MERITVM • MONVMENTA • INCLVDERE • POSSVNT
NEC • QVAE • CORPVS • HABENT • SAXA • TENENT • ANIMAM
Les monuments ne peuvent mettre de bornes à sa puissance,
et les marbres qui recouvrent ses reliques ne retiennent point emprisonnée son âme.
Après la Communion. — « Nourris par le sacrifice de ce Corps et de ce Sang précieux, nous vous supplions, ô Seigneur notre Dieu, de nous donner part à l’éternelle rédemption dont ce sacrement nous est le gage ». Saint Paul dit que le Christ, couvert de son propre sang, ouvrit aux siens la voie de la Rédemption éternelle. Les fidèles le suivent, mais ils doivent parcourir cette voie, eux aussi, sanctifiés par le sang du Nouveau Testament renouvelé chaque jour sur l’autel.
[96] THIELE, Epist. Rom. Pontif. I, 874. Une partie des chaînes des Saints Apôtres, si cela est possible.
[97] Reg. L. IV, ep. 30. P. L., LXXV1I, col. 704.
[98] A Rome, station à St-Pierre aux Liens.
[99] Aux liens d’Eudoxie, les peuples embrassent les chaînes de l’apôtre Pierre.
[100] Au commandement de Dieu, brisez, ô Pierre, les liens qui pèsent sur le monde, vous qui ouvrez aux bienheureux les portes du ciel.
[101] Recevez, nous vous en prions, les dons que nous offrons à votre majesté en l’honneur du bienheureux apôtre Pierre à qui cette basilique est consacrée, et protégez-nous par ses prières.
Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique
Brisez, ô Pierre, sur l’ordre de Dieu, nos liens d’ici-bas, vous qui ouvrez aux bienheureux le royaume des cieux. Le texte de l’antienne de Magnificat et du verset de l’alléluia est extrait d’une inscription en vers qu’on lit dans la basilique de Spolète où fut primitivement déposée une partie de la chaîne de saint Pierre.
1. Saint Pierre ès Liens. — Huit jours après la fête de saint Jacques, le premier martyr parmi les Apôtres, nous commémorons l’arrestation de leur chef et sa miraculeuse délivrance. Fixée au jour anniversaire de la Dédicace de la basilique « S. Petri ad vincula », cette fête nous montre de quelle manière Dieu protège son Église et ceux qui la dirigent.
Voici, d’après le vivant récit des Actes, les événements rappelés aujourd’hui à notre souvenir (XII, 1-19). Treize ans environ après la mort du Sauveur éclata la seconde persécution contre les chrétiens de Jérusalem, Hérode Agrippa, troisième potentat de ce nom mal famé, voulut se gagner ta faveur des Juifs au prix de la tête des Apôtres. Jacques fut sa première victime. C’était maintenant le tour de Pierre ; quelques jours après Pâques, il devait être condamné devant l’assemblée du peuple. « Ainsi Pierre était étroitement gardé dans sa prison. Mais l’Église faisait à Dieu pour lui d’incessantes prières. Or, la nuit même qui précédait le jour marqué pour son exécution, l’Apôtre fut soudain éveillé par un ange qui lui ordonna de se lever, « et les chaînes tombèrent de ses mains ». L’ange le fit traverser les corps de garde, franchir la porte de fer de la prison, et le quitta en le laissant dans la rue.
Pierre comprit alors que ce n’était pas un rêve, mais la réalité : « Je reconnais maintenant que Dieu a envoyé véritablement son Ange et qu’il m’a délivré de la main d’Hérode » (paroles que la liturgie répète d’une façon saisissante dès le début de la messe. Elle nous met soudain, pourrait-on dire, en présence de l’Apôtre qui, lui-même, nous annonce la nouvelle). Pierre n’hésita pas longtemps ; la nuit était avancée ; dès l’aurore, il devait être hors de Jérusalem.
Il se rendit en hâte à la maison de Marie, mère de Marc l’Évangéliste, lieu de réunion, première église des chrétiens. Il frappa. Les gens n’étaient pas encore partis. Une servante vint à la porte, reconnut la voix de Pierre et, dans sa joie, courut l’annoncer en oubliant d’ouvrir. « Vous êtes folle », lui répondit-on. L’Apôtre continuant de frapper, on le fit entrer. Il raconta alors sa miraculeuse délivrance, donna ses ordres et quitta la ville.
Où alla-t-il ? Les Actes évitent de le dire pour ne point trahir sa retraite. La tradition veut que ce soit à Rome dont il aurait ainsi été l’évêque pendant vingt-cinq ans (42-67). Eudoxie, fille de Théodose II le Jeune, fit don des chaînes portées par saint Pierre pendant sa captivité, sous Hérode Agrippa, au pape, qui possédait déjà celles dont l’Apôtre avait été chargé sous Néron. C’est ainsi que l’Église de Rome conserve depuis de longs siècles le culte de ces précieuses reliques. La basilique « S. Petri ad vincula » fut construite sous le pontificat de Sixte III (432-440).
2. La prière des Heures. — Saint Augustin écrit au sujet des chaînes de saint Pierre : « Et ils apportaient leurs malades, lisons-nous dans le texte sacré, afin que, du moins en passant, l’ombre de Pierre les couvrit [102]. Si l’ombre de son corps pouvait être bienfaisante, combien plus secourable est à présent la plénitude de sa puissance ? S’il se dégageait de lui un souffle salutaire pour ceux qui l’imploraient lorsqu’il passait sur la terre, quel est son surcroît d’influence, maintenant, dans le ciel où il demeure ? C’est avec raison que toutes les Églises chrétiennes estiment plus précieuses que l’or les chaînes dont il était chargé. Si son ombre possédait un tel pouvoir de guérison quand il passait, combien plus efficaces sont les fers qui l’enchaînaient ? Si son ombre impalpable et fugitive pouvait avoir une telle puissance, combien plus de vertus les chaînes dont il a souffert et dont l’empreinte s’est gravée dans ses membres ont-elles dû en recevoir ? Si Pierre, avant son martyre, eut tant de pouvoir pour soulager ceux qui le suppliaient, combien plus de puissance a-t-il au terme de son triomphe ? Heureuses chaînes ! Menottes et entraves, vous vous êtes changées en couronne de victoires, vous avez fait de l’Apôtre un Martyr ! Heureuses chaînes ! Vous avez mené votre captif jusqu’à la Croix du Christ, non pour le condamner au châtiment, mais plutôt pour le glorifier ! ».
[102] Act. V, 15.
SOURCE : http://www.introibo.fr/01-08-St-Pierre-aux-Liens-apotre