Bienheureux Joseph Moreau, prêtre et martyr
A Angers, la Révolution française condamna Joseph
Moreau à être décapité en haine de la foi le Vendredi Saint 1794.
SOURCE : http://www.paroisse-saint-aygulf.fr/index.php/prieres-et-liturgie/saints-par-mois/icalrepeat.detail/2015/04/18/6245/-/bienheureux-joseph-moreau-pretre-et-martyr
Bienheureux Joseph Moreau
Prêtre et martyr de la Révolution française (+ 1794)
Prêtre du diocèse d'Angers né le 21 octobre 1763 à
Saint-Laurent-de-la-Plaine, Maine-et-Loire. Martyrisé le 18 avril 1794, à
Angers, Maine-et-Loire. Il a été béatifié le 19 Février 1984 avec un grand
groupe de martyrs du diocèse d'Angers.
À Angers, en 1794, le bienheureux Joseph Moreau,
prêtre et martyr, qui durant la Révolution française, fut guillotiné en haine
de la foi chrétienne, le vendredi de la Passion du Seigneur.
Martyrologe romain
SOURCE : http://nominis.cef.fr/contenus/saint/11616/Bienheureux-Joseph-Moreau.html
La chapelle de
Notre-Dame-de-Charité, paroisse de Saint-Laurent-de-la-Plaine, était avant la
Révolution un petit sanctuaire visité par les populations de l'Anjou, notamment
les jours consacrés aux fêtes de la Vierge. Quand la Constitution civile du
clergé vint jeter le trouble dans la contrée, le curé et les deux vicaires de
Saint-Laurent-de-la-Plaine refusèrent le serment. Le curé, M. Charles-Gervais
Bourdet, mourut peu après. Quant aux deux vicaires, ils administrèrent la
paroisse et sa succursale de Bourgneuf jusqu'à la fin d'octobre 1791, M. René
Bourigault resta constamment à Saint-Laurent, ainsi que M. Joseph Moreau, tous
deux nés dans la paroisse. Ce dernier fut guillotiné à Angers, le 18 avril
1794. M. Bourigault fut condamné à la déportation, en 1798. II revint en 1802,
fut nommé curé de Champtocé, poste qu'il refusa pour aller exercer les
fonctions de professeur au collège de Châteaugontier (Mayenne).
Le 22 mai 1791,
l'Assemblée des électeurs du district avait nommé un ecclésiastique, étranger
au diocèse, du nom de Gilbert, intrus de Saint-Laurent ; il n'accepta pas. Le 2
octobre de la même année, les électeurs nommèrent, pour le remplacer, le
chapelain de la Possonnière, Jean Pirault, qui prit possession de la cure de
Saint-Laurent le 30 octobre. Il mourut six mois après, le 23 avril 1792, et fut
inhumé dans le cimetière paroissial.
Privés de leurs
prêtres, réduits à aller les trouver dans les cachettes où ils s'étaient
réfugiés, les Angevins s'y rendaient de nuit et participaient aux sacrements.
Mais ces pratiques ne leur suffisaient pas et le dimanche, aux heures où ils
avaient coutume d'entendre la grand'messe et les vêpres, ils se rassemblaient
entre gens du voisinage, ils assistaient à une lecture de piété, récitaient
ensemble le chapelet, faisaient apprendre et réciter le catéchisme aux enfants,
afin de suppléer autant que possible aux cérémonies et aux offices du culte
catholique.
Les dénonciations
ne manquaient pas. Le 25 juillet 1795, deux membres de la municipalité de
Chalonnes, Fleury et Bel-langer, mandent au directoire du département que «
depuis longtemps la paroisse de Saint-Laurent-de-la-Plaine est l'asile du
fanatisme ; les prêtres réfractaires à la loi ont déployé tous les attraits de
la séduction, et la municipalité tranquille semble leur applaudir par son
silence. Il s'y fait, sous le prétexte de la Religion, des rassemblements
continuels : les processions, les messes votives, les miserere, en un mot tout
ce que la Religion a de respectable, est employé pour mieux séduire le peuple.
Dans la nuit du jeudi 30 juin dernier, un nombre considérable d'hommes et de
femmes des paroisses voisines oit les prêtres réfractaires sont remplacés, se
rassemblèrent dans l'église de Saint-Laurent. Au moins 150 cierges
l'illuminaient et y brûlèrent en entier. — A une petite distance de ladite
paroisse, il existe une chapelle, sous l'invocation de Notre-Dame-de-Charité, qui
de tout temps a été fréquentée par les pèlerins. C'est dans cette chapelle qu'à
des jours indiqués et connus par les aristocrates des paroisses voisines, les
prêtres de Saint-Laurent célèbrent la messe et y attirent un nombre
considérable de peuple. Samedi dernier, 23 du présent mois, la cérémonie eut
lieu et une multitude innombrable s'y rendit.
« Voilà notre
dénonciation. Nous vous prions de mander à votre barre la municipalité et les
prêtres de Saint-Laurent, afin qu'ils rendent compte de leur conduite et que
vous preniez les mesures que votre civisme et votre fermeté vous dicteront.
Nous réitérons la demande que vous a faite la Société des Amis de la
Constitution de notre ville, d'envoyer de la troupe de ligne à Saint-Laurent et
autres endroits des Manges qu'ils vous ont désignés. »
La dénonciation fut
classée ; le 19 août, l'administration envoya la pièce au district de
Saint-Florent-le-Vieil « pour vérifier les faits et donner son avis ».
Ces retards
administratifs stimulaient le maire de Chalonnes qui, le 24 août, demandait des
armes pour « protéger la chose publique et faire respecter la loi » dans sa
commune, aux environs et principalement à Saint-Laurent-de-la- Plaine. Le 25,
il écrivait au procureur général syndic Delaunay :
« En arrivant hier
soir, vers 9 heures, à Chalonnes, j'appris qu'il devait y avoir un
rassemblement considérable d'habitants de toutes les paroisses circonvoisines à
une chapelle de Saint-Laurent sous l'invocation de Notre-Dame-de-Charité, qui
se trouve sur le grand chemin, à une lieue de notre ville. Ne pouvant me
persuader que cet attroupement pût être nombreux, je fis partir à minuit un
détachement de 20 hommes d'armes seulement, pour mettre le bon ordre et
prévenir les suites fâcheuses qui peuvent résulter de toutes ces courses
nocturnes. Sur le rapport que j'ai reçu ce matin, il paraît qu'il y avait
autour de la chapelle, tant dans le grand chemin que dans les champs voisins,
au moins sept ou huit cents personnes des deux sexes, qui chantaient des
cantiques et des litanies et tenaient des cierges allumés. A cet aspect nos
gardes se sont portés tout d'un coup vers la porte de la chapelle, mais le
prêtre qui devait y célébrer la messe n'étant point encore arrivé, ils ont
dispersé tout l'attroupement sans coup férir et s'en sont revenus ce matin, à 4
heures, chargés de quelques douzaines de cierges (1). Vous voyez par ce tableau
à quel point le fanatisme est porté. C'est cependant l'ouvrage de la
municipalité de Saint-Laurent et de son clergé qui occasionne toutes ces extravagances,
et nous expose continuellement à des scènes les plus fâcheuses. Le dé-faut
d'armes et de munitions nous fait craindre pour notre commune et pour d'autres
qui pourraient aussi avoir besoin de notre secours. Armez donc nos bras et nous
mettez en état de protéger la chose publique et de faire respecter la loi.
« Nous vous
envoyons quatre de nos volontaires porteurs de la présente lettre pour recevoir
les fusils et les munitions que vous avez bien voulu me promettre hier. Si vous
pouviez nous en procurer une cinquantaine, c'est le moins que nous puissions
vous demander pour le présent, vu les circonstances. »
Ces accents, d'un
civisme si pur et d'un patriotisme si ardent, furent enfin entendus. Le
district de Saint-Florent-le-Vieil, avisé par le directoire du département,
arrêta à son tour ses mesures d'exécution. Le lundi 29 août, sur les huit
heures du matin, le procureur syndic Renon et Hiron, membre du district,
délégués avec commission spéciale, partirent de Saint-Florent, prirent en
passant Pion et Lebreton, curés intrus de Montjean et de la Pommeraye, et se
rendirent à la chapelle de Notre-Damede-Charitéen Saint-Laurent. Aleur suite
marchait un petit bataillon, formé des contingents réunis des diverses gardes
nationales du district, en tout 63 hommes d'armes, sous la conduite de leurs
officiers respectifs, et avec eux la brigade de gendarmerie de Montrevault. Le
maire de Saint-Laurent, Gilbert, requis par le syndic, alla prendre la clé à la
cure et la remit aux magistrats. « Les choses relatives au culte et à la
dévotion du peuple » furent sorties de la chapelle par les curés
constitutionnels et transportées par eux au district ; et il fut aussitôt
procédé « à la démolition des murs, charpente et couverture » du sanctuaire
vénéré, dont le maire reçut en charge les matériaux. Il signa avec les témoins
le procès-verbal de l'oeuvre, « arrêté au lieu où ce matin était ladite
chapelle ». Ces profanations, loin d'arrêter l'élan religieux des populations,
ne firent que l'augmenter, et la sainte Vierge qui avait pris à tâche de
consoler les défenseurs de la foi, continua de leur apparaître dans un chêne,
qui ombrageait les ruines du pauvre oratoire (La tradition du pays dit dans les
branches. D'autres ont dit dans le creux du chêne. D'après une notice écrite
par un prêtre du pays, ces apparitions auraient commencé longtemps avant la
Révolution et auraient beaucoup contribué au renom de la chapelle.).
Quelques personnes
seulement l'ont vue tout d'abord, puis des centaines. C'est le soir surtout
qu'elle se manifeste. La curiosité, la ferveur redoublent, et des guérisons
miraculeuses ayant confirmé ces apparitions souvent renouvelées, de vingt
lieues à la ronde on se rend en procession au chêne miraculeux. Voici ce que
dit à ce sujet dans son Journal contemporain (Revue de l'Anjou, novembre 1900.), M. Gruget, curé de la Trinité
d'Angers :
Le 17 octobre, le
conseil général du district de Saint-Florent assemblé, on agite la question des
processions de Saint-Laurent. Voici le procès-verbal de la séance, communiqué
le lendemain au département. Ce dernier en fut si content qu'il l'adressa à
l'Assemblée nationale :
« Un des membres a
dit que la tranquillité publique était exposée d'une manière alarmante par les
réunions journalières et nocturnes qui se font dans le lieu où existait
autrefois une chapelle sur le territoire de Saint-Laurent-de-la-Plaine, et qu'il
était de la plus grande importance d'aviser aux moyens d'empêcher qu'il ne
résulte des malheurs de ces rassemblements.
« Considérant que
les attroupements en question sont mus et excités par le fanatisme et par le
dessein de s'opposer à la constitution, que dans les processions qui s'y font,
avec des torches allumées, les hymnes qu'on y chante, les prières qui s'y font,
sont l'intention de rétablir les prêtres dans leur ancien état, d'empêcher les
lois de l'Assemblée nationale d'être acceptées par le roi et d'être exécutées ;
« Considérant que
ces attroupements qu'on fait montrer à plusieurs milliers d'individus, sont
composés de personnes égarées dans leur religion ; que d'autres y vont avec les
perfides desseins de profiter de ces rassemblements : ce sont les gens
contrariés par le nouvel ordre de choses, des ci-devant nobles, des
ecclésiastiques, des gens attachés par leur intérêt à ces deux anciens ordres ;
d'autres sont des gens tarés de la plus mauvaise réputation, déshonorés dans la
société par des banqueroutes, des forfaits de toute espèce, des gens sortis des
galères où leurs crimes les avaient conduits ;
« Considérant
qu'il pourrait être d'une dangereuse conséquence d'employer une force armée
suffisante pour dissiper des rassemblements aussi considérables et qui se sont
sensiblement accrus depuis la démolition de la chapelle de
Notre-Dame-de-Charité, objet prétendu de la vénération des voyageurs ;
« Le Conseil
général a arrêté que le procureur syndic serait autorisé à requérir une garde
de vigilance de la part de la brigade de la gendarmerie nationale à la
résidence de Montrevault, et de vingt hommes d'armes parmi les citoyens
inscrits, laquelle garde sera uniquement occupée sinon à dissiper entièrement
les rassemblements nocturnes et accoutumés à Saint-Laurent-de-la-Plaine, du
moins à prévenir les désordres qui peuvent en être la suite, sans pouvoir
employer la force que dans le cas d'une nécessité indispensable. Elle
recueillera, autant qu'il lui sera possible, les noms des voyageurs et en fera
son rapport au procureur syndic, qui prendra d'ailleurs tous les renseignements
sur les motifs de ces rassemblements et sur les vues perfides de ceux qui les
accréditent. »
En exécution de
l'arrêté du district, deux gendarmes furent chargés par le procureur syndic de
Saint-Florent-le-Vieil de surveiller les processions qui se faisaient nuit et
jour à l'endroit où se trouvait autrefois la chapelle de Notre-Dame-de-Charité.
Le mercredi 19
octobre, à 3 heures du soir, ils se rendent sur les lieux. Ils y trouvent une
cinquantaine de personnes en prière et la plupart à genoux. Le soir il y en
avait trois cents, dont plusieurs avec des cierges. Pendant la nuit arrive une
nombreuse procession de Saint-Quentin-en-Mauges, également avec un certain
nombre de cierges ; les pèlerins chantent des hymnes et des cantiques, puis
vont à l'église paroissiale, où ils passent une partie de la nuit en continuant
leurs prières et leurs chants.
Le samedi soir 22
octobre, les gendarmes retournent et observent que de 4 heures jusqu'à 11
heures, il y a environ 300 personnes avec des cierges. Le dimanche matin, les
paroissiens de la Pommeraye arrivent à leur tour en très grand nombre, presque
tous munis de cierges, dont un acheté en commun avait coûté 46 livres. Ils s'en
retournent en chantant des cantiques, quand arrive une autre procession de
Saint-Quentin, composée de 50 personnes environ, à la tête desquelles marche le
chirurgien Albert ; le domestique du curé de la paroisse porte le cierge en
tête. La procession se rend ensuite à l'église de Saint Laurent. Vers midi, les
gendarmes s'en retournant à Montrevault, rencontrent une procession venant de
Botz, qui chante les litanies des Saints.
Le 25 octobre, le
procureur syndic communiquait les rapports de police au département et joignait
à sa lettre un écrit intitulé : Amende honorable à Jésus-Christ, qui se
distribuait à Saint-Laurent aux pèlerins.
Le procureur syndic Renon était devenu l'émule des révolutionnaires
chalonnais ! Mais ceux-ci l'avaient devancé d'un jour en écrivant de leur côté
au département.
« Depuis trois
semaines il se fait à l'endroit où était située la chapelle sous l'invocation
de Notre-Dame-de-Charité, des rassemblements plus considérables que jamais. Il
arrive jour et nuit des processions de toutes les paroisses de plus de quinze
lieues à la ronde, sous prétexte de voir la Vierge, qui, selon le rapport des
fanatiques, paraît miraculeusement tantôt sur la cime d'un chêne, tantôt sur
ses branches et quelquefois sur l'autel qu'on y a laissé. Dans les premiers
rassemblements on n'y voyait que des chapelets, on n'y entendait que des ora
pro nobis, mais aujourd'hui c'est tout différent. Ce sont des armes, des
bâtons, des pierres, des jurements, des menaces et des coups. Il y a eu hier
huit jours, plusieurs de nos concitoyens furent insultés et menacés par trois
messieurs habitant de Saint-Laurent, nommés Cady, et armés de fusils, qui leur
dirent qu'en peu ils viendraient à Chalonnes enlever les canons, et qu'ils
répondaient de plus de cinquante paroisses prêtes à partir au premier signal
pour cette expédition. Hier dimanche, un négociant de notre ville y fut
maltraité et reçut trois coups de bâton sur la tête, qui le blessèrent dangereusement.
Plusieurs femmes et plusieurs jeunes filles furent poursuivies, jetées et
traînées dans des fossés remplis d'eau ; on leur arracha leurs croix, leurs
coiffures, et sans des mains secourables et amies qu'elles rencontrèrent dans
leur route elles eussent été hors d'état de se rendre chez elles. Il suffit
d'être de Chalonnes pour courir à cet endroit les plus grands dangers. C'est
cependant le seul chemin que nous ayons pour les Manges, une partie du Poitou
et quantité d'autres paroisses intermédiaires. Nous vous prions pour nous
mettre en état de faire respecter la loi, d'ordonner qu'il nous soit délivré
150 livres de poudre (La lettre est signée Fleury, maire ; Bastard, chirurgien
; Foucault, capitaine, et Cherbonneau faisant fonction de major) »
.
Cependant le curé
de Saint-Laurent-de-la-Plaine était mort, et le dimanche 30 octobre eut lieu
l'installation de l'intrus de Saint-Laurent-de-la-Plaine. Un détachement de
quinze hommes envoyés de Saint-Florent pour l'escorter traversa cinq
processions des paroisses de Saint-Florent, du Mesnil, de
Saint-Laurent-du-Mottay, de Saint-Quentin, de Botz, de Sainte-Christine, de
Chemillé, du Louroux-Bottereau et même du Poitou « dont ils ont reconnu les
habitants à leur costume ».
Le désir de voir la
sainte Vierge était si grand, dans le coeur de tous les Vendéens, qu'on
accourait par bande s nombreuses de toutes les parties de la Vendée angevine,
bretonne et poitevine, pour être témoin du prodige ; et pour obtenir la faveur
de contempler la Mère de Dieu, plusieurs, comme nous l'avons vu, se
confessaient et communiaient au préalable. Voici un curieux document
contemporain relatif à ces pieux pèlerinages. C'est une lettre d'une religieuse
de Saint-Laurent-sur-Sèvres, adressée à une religieuse de Nantes et datée du 18
novembre 1791:
« Mardi dernier (15
novembre 1791), nous avons eu dans notre église (Saint-Laurent-sur-Sèvres) un
spectacle aussi édifiant qu'attendrissant. Nos voisins ont fait un cierge de
dix pieds de haut et gros en proportion. Ce cierge a trois branches eu
l'honneur de la sainte Trinité. Au milieu du cierge est un Christ en cire et
une Vierge aux pieds du Christ ; plusieurs rubans noirs sont attachés au
cierge. Je leur ai demandé la raison de tout cela ; ils m'ont dit que c'était
pour prouver le deuil qu'ils avaient dans le coeur des outrages faits à notre
religion et aux bons prêtres.
« Le mardi, à
huit heures, ils firent dire la messe dans notre église et nous nous unîmes à
leurs intentions. Au commencement de la messe ils entrèrent au nombre de 500
personnes avec le cierge ; et plusieurs de cette troupe communièrent, et nous
aussi. A la fin de la messe, ils allèrent à l'entour du cimetière chantant les
litanies de la sainte Vierge et des Saints, et ils partirent à jeun.
« A une demi-lieue
ils entrèrent dans une église, et un prêtre bénit leur cierge et leur fit une
exhortation. Ils chantèrent le Veni Creator, et partirent pour se rendre
à six lieues, où était la chapelle de la sainte Vierge, qu'on a démolie et où
la sainte Vierge paraît depuis plusieurs mois dans un chêne, à cinq ou six
pieds de l'emplacement de la chapelle. Ils allaient toujours
processionnellement et chantant. Ils passèrent en six paroisses. Une seule leur
fut fermée, où il y avait un sermentaire. Dans toutes les autres, d'aussi loin
qu'on les voyait, on sonnait les cloches. Les prêtres se rendaient à l'église
pour s'édifier. Ils y entraient tous pour faire leurs prières.
« Chacun avait
porté un petit morceau de pain dans sa poche pour toute nourriture, quelque
invitation qu'on leur fît pour la rafraîchir. Des dames de qualité allaient
dans l'église les chercher pour leur faire prendre quelque chose ; ils ont tous
refusé. Ils se sont rendus sans éprouver de fatigue ni de besoin. Ils
arrivèrent à 8 heures du soir ; et faisant leurs prières sur les ruines de la
chapelle, ils dirent tout ce que leur foi leur inspira. Les habitants du lieu
vinrent les prier de passer la nuit chez eux. Les femmes y furent, et les
hommes restèrent à passer la nuit au pied du chêne, mais ils ne virent pas la
sainte Vierge. Le matin, les femmes s'y rendirent. Trois processions y étaient
arrivées, la nuit. Il y en avait une de 22 lieues, et ils avaient été trois
jours en marche. Tous se prosternèrent à terre, pleurant amèrement, ne voyant
pas la sainte Vierge, mais seulement comme une étoile. Enfin, redoublant leurs
prières, cette sainte Vierge leur apparut tenant son divin fils dans les bras.
Elle se rendit visible à tous. Jugez de la joie et des transports où ils furent
croyant être élevés au ciel.
« Après toutes
leurs prières, ils repartirent processionnellement, faisant les mêmes stations
et récitant le Rosaire depuis là jusqu'ici. Ils arrivèrent à 8 h. 1/2 du soir.
Les portes de l'église étant fermées, ils allèrent au cimetière chanter des cantiques,
en actions de grâces, et de là à une chapelle de la sainte Vierge, qui est près
d'ici, en grande vénération.
« Deux de nos
domestiques qui ont été à cette procession, ne savent comment s'exprimer pour
prouver la vérité de ce qu'ils ont vu et la joie où ils sont. Ils avaient eu le
bonheur de communier ce jour-là. M. Bourel, le médecin, vient de nous dire que
son épouse y avait été et qu'elle avait vu sur le chêne une couronne d'étoiles
pareilles à celles du firmament. Il connaît deux prêtres qui y sont allés et
qui ont vu la sainte Vierge, de la grandeur d'un pied et demi, et brillant
comme un soleil. Et après l'avoir bien considérée, et remplis de foi et
d'admiration d'un spectacle si ravissant, on la vit s'élever au ciel, dans une
nuée qui était parsemée d'étoiles. Quinze messieurs pour s'assurer du fait s'y
sont rendus ; et, ne la voyant pas, se sont mis en prières ; et après avoir
prié, l'ont vue.
«Deux maçons qui
avaient aidé à démolir la chapelle, avaient suivi les messieurs pour se moquer
d'eux. Ils leur demandèrent à quoi ils pensaient. Ces malheureux devinrent
immobiles et près de s'évanouir. Ils fondirent en larmes de regret d'avoir
démoli cette chapelle. Dans l'instant ils virent la sainte Vierge, et depuis
ils vivent comme des saints. »
Aux fêtes de la sainte Vierge, comme nous l'avons dit, la
paroisse de Saint-Laurent-de-la-Plaine allait en procession à la chapelle de
Charité. Le 25 mars 1792, les paroissiens s'y rendirent processionnellement à
l'heure des vêpres, qu'ils récitèrent auprès des ruines de la chapelle vénérée.
René Rorteau, serger, marchait en avant portant le gros cierge, et il y avait
deux autres cierges plus petits ; le chant était conduit par Thomas. Plusieurs
autres processions s'y trouvèrent en même temps, chacune avec un gros cierge :
Saint-Pierre de Chemillé, Saint-Lézin et une autre du Nantais (Une femme de
Chalonnes reconnut dans cette procession des marchandes de fruits, de Nantes. —
Cette procession passa le 25 mars à 11 heures du matin, à la Chapelle-du-Genêt
; Jean-Joseph. Godin, patriote, s'en plaignit.). Beaucoup de personnes étaient
venues isolément de Chalonnes, de la Pommeraye, d'Angers, etc... Le « placitre
» devant l'ancienne chapelle, le carrefour étaient remplis de monde, ainsi que
la pièce de la Petite-Lande qui n'était ni labourée, ni fermée. Il y avait
environ deux mille personnes.
Pendant le chant
des litanies, le bruit se répand de l'arrivée d'une nouvelle procession.
Aussitôt les porteurs de cierge se portent au-devant des nouveaux venus. Mais,
au lieu d'une procession, c'était de la cavalerie.
C'étaient la
Révellière-Lépeaux, Marbrault, Leterme-Saulnier, la Fauvelaie, d'Angers,
Fleury, maire de Chalonnes, Leclerc, commandant de la garde nationale de cette
ville, Henriet, commandant en second, Camus, Obrumier et le docteur Bousseau,
de Chalonnes, tous à cheval, allant à Beaupréau faire une tournée patriotique.
A leur vue on cria
: « Voilà les enragés de Chalonnes. Rangez-vous ! » Les pèlerins s'écartèrent
du côté gauche pour laisser la route libre, c'est-à-dire celle de Bourgneuf.
Mais trouvant le chemin trop mauvais, Bousseau indiqua le chemin qui mène à
Saint-Laurent, en ce moment rempli de monde A cette manoeuvre inattendue, une
voix dans la foule dit : « Voyez-vous qu'ils ont envie de nous faire du mal,
puisqu'ils détournent la route. » En passant devant l'endroit où était la
chapelle, un des cavaliers angevins s'avisa de dire : Où est donc ce b... de
chêne ? » Aussitôt un des pèlerins cria de sa place et sans se déranger : « Qui
est donc ce b... là ? Si j'étais auprès de lui, je lui ferais voir où est ce
b... de chêne avec mon bâton ! » Une ou deux femmes se mettent à crier, c'est
le signal d'une rumeur générale. Louis Brevet, du Groseiller, Louis Bidet,
domestique à la métairie du Theil, et un autre domestique, Macé, de l'Epinay,
prennent des pierres, un autre arrache une « trique dans la haie. Pendant ce
temps les cavaliers avancent lentement par le chemin de Saint-Laurent. Une
trentaine d'hommes les abordent et leur demandent s'ils sont venus pour faire
du mal. Ils le nient et demandent seulement le passage. Beaudoin et Bouyer, du
bourg de Saint-Laurent, disent tout haut : a N'ayez pas peur ; ne les laissez
pas passer. » L'émotion grandit. Obrumier et deux autres qui s'étaient engagés dans
le petit chemin, revinrent rejoindre Henriet et Bousseau qui parlaient à des
pèlerins auprès du chêne. Plusieurs jeunes gens disent aux cavaliers que s'ils
frappent les premiers, ils y passeront. Bousseau et un de ses compagnons tirent
leurs pistolets. Mais le filassier Pierre Brevet, du bourg de Saint-Laurent,
dit aux cavaliers : « Je vous prie en grâce de ne faire point de mal et de
passer votre chemin. Je vous garantis qu'il ne vous arrivera rien. » Plusieurs
ayant parlé dans le même sens, les Chalonnais disparurent. En définitive pas un
seul coup de bâton ne fut donné, pas une pierre ne fut lancée.
Cette première
rencontre était de mauvais augure pour les « Amis de la Constitution » qui
venaient de constater que le « fanatisme » religieux loin de diminuer ne
faisait qu'augmenter. Ils continuèrent leur chemin et arrivèrent à Beaupréau le
soir même. A Beaupréau même succès. La Révellière avait convoqué tous les
patriotes des environs ; il en vint peu : neuf de Cholet, quatre de
Saint-Florent, quelques autres de Montrevault et de Mortagne. Le lendemain,
jour fixé pour une grande démonstration patriotique, les Amis de la
Constitution, escortés de gendarmes et de cavaliers du 11e régiment, firent le
tour de la ville aux refrains du Ça ira. Arrivé au collège, La
Révellière-Lépeaux fit aux élèves une chaleureuse harangue qu'il termina par le
cri de : « Vive la nation ! » Mais calme plat et silence absolu ; et, tout
aussitôt, un des plus grands élèves ayant remis son chapeau sur sa tête, et ses
deux mains par-dessus, tous les autres firent de même.
Pour se dédommager,
les mêmes patriotes revenaient deux jours après à Saint-Laurent. Ils crurent
arrêter le mal en abattant le chêne, comme on avait fait pour la chapelle.
Voici le récit de
cette destruction, emprunté aux Mémoires de l'un de ses auteurs, le trop
fameux la Révellière-Lépeaux. Nous le citons textuellement, en lui laissant,
bien entendu, la responsabilité des assertions hasardées, des appréciations
malveillantes, des irrévérences antireligieuses. On sait, en effet, que la
Révellière, ce « sinistre bossu », comme l'appelle M. Taine, fut un des plus
grands persécuteurs de notre sainte Religion, de ses croyances et de ses
ministres :
« La première
mission patriotique se fit à Beaupréau. Les patriotes d'Angers (j'étais du
nombre) prirent en passant ceux de Chalonnes, à la tête desquels était mon ami
Leclerc. Nous partîmes de Chalonnes à cheval, au nombre de huit ou dix, tous en
habit de la garde nationale, armés seulement de ce sabre court qu'on nomme briquet;
un seul, je crois, nommé Obrumier. tête un peu chaude, avait deux pistolets.
Notre chemin était de passer par Saint-Laurent, et précisément devant la
chapelle. qui venait d'être démolie par ordre de l'administration (La Chapelle
fut démolie le 19 août 1791. II y avait par conséquent sept mois). Les moellons
qui en provenaient étaient entassés sur les bords fort élevés d'un chemin creux
formant une espèce de ravin par lequel il fallait nécessairement passer. En
arrivant à ce défilé, nous vîmes tous les champs environnants couverts d'une
foule immense de paysans, et d'habitants des bourgs, de tout âge et de tout
sexe, au nombre certainement de plus de huit mille (Tout au plus 2.000, disent
toutes les pièces officielles. La Révellière voit triple à distance), tous en
contemplation et tournés vers le chêne sacré ; les uns étaient à genoux, les
autres debout, et chacun prétendait y voir la petite vierge en pierre blanche,
qui était venue, disaient-ils, s'y placer en plein jour, aux yeux de tout le
monde. En tête de la bande de pèlerins de chaque paroisse, était un cierge
énorme, porté en bandoulière, avec le secours d'un drap, par un homme des plus
vigoureux et qui cependant suait à grosses gouttes. Quiconque passait en cet
endroit, dans le moment d'un rassemblement, était forcé de se prosterner, et de
proclamer qu'il voyait la petite vierge voltiger de branche en branche ;
quiconque se refusait à cet acte, insulté et forcé de rebrousser chemin,
souvent très maltraité, comme un ennemi de Dieu et des hommes... Il n'y avait
certainement parmi ces malheureux qu'un petit nombre d'imposteurs... Au moment
où nous nous présentâmes à l'entrée du chemin creux, il éclata dans cette
nombreuse assemblée un murmure général et un mouvement que je ne peux comparer
qu'à celui d'une fourmilière agitée. Aussitôt une quantité d'hommes armés de
gros bâtons nous barre le chemin et les deux talus se garnissent d'un bout à
l'autre de vigoureux paysans qui se saisissent des matériaux sacrés de la
chapelle renversée. On nous menace, avec d'affreux jurements, de nous
exterminer si nous ne consentons à rétrograder. Nous répondîmes avec sang-froid
que nous ne venions point troubler leur assemblée ; qu'eux, au contraire,
troublaient l'ordre public en interceptant des chemins que tout le monde avait
le droit de parcourir ; qu'en conséquence, nous passerions de gré ou de force ;
qu'au surplus nous ne porterions pas le premier coup, mais que s'ils le
portaient eux-mêmes, nous vendrions notre vie aussi cher qu'il nous serait possible,
parce que nous étions décidés de passer ou de périr. Au même moment, Obrumier
met le pistolet au poing et la petite troupe le sabre à la main, et nous
poussons nos chevaux en avant. Notre résolution leur imposa et nous en fûmes
quittes pour d'affreuses imprécations. Nous pouvions facilement être exterminés
sans défense possible, dans ce défilé. Il y avait, parmi ces pèlerins, des gens
de 25 lieues de là... Nous arrivâmes à Beaupréau le soir... Le lendemain, une
colonne de sept à huit cents pèlerins traversa Beau préau pour s'en retourner (Cette
procession passa à Beaupréau à 2 heures du soir. Un certain nombre de pèlerins
portaient des torches et quelques-uns avaient un bâton. — Le procès-verbal
rédigé le 26 mars 1792 par les patriotes, dit qu'il y avait quatre cents
personnes, c'est-à-dire, moitié moins que le chiffre donné par la
Révellière-Lépeaux. Parmi les patriotes réunis alors à Beaupréau pour une
séance des Amis de la Constitution et cette fameuse démonstration patriotique,
dont nous avons parlé plus haut, on remarquait : Coquille, Denis, Pineau,
Sauvager, Obineau, Hullin, Renan, Camus, la Révellière, Leclerc, Echarbaut,
Godain et Leterme-Saulnier. C'est Hullin qui interpella les pèlerins en leur
représentant que les attroupements étaient dé-fendus. M. C. Port dit que les
pèlerins étaient « d'humeur, en réalité, bien inoffensive. » Vendée angevine,
I, 326.). Ils assaillirent avec des pierres et des bâtons l'un de nous, nommé
Hulin, qui se promenait seul en dehors de la ville. Il se défendit avec son
sabre La cohue se dissipa à notre approche.
Toute cette
conversation étrange avec le paysan est une histoire arrangée après coup par
l'auteur des Mémoires. En quit-tant Beaupréau les patriotes prirent,
pour regagner Chalonnes, le chemin de Saint-Laurent-de-la-Plaine. La route
était déserte, cette fois, et le chêne de la chapelle de Notre-Dame-de-Charité
s'inclinait sous les ex-voto, en pleine solitude. La bande s'avisa de jeter par
terre « ce vieux souchon, creux et branlant, écorce vide, presque sans racines,
qui devait, pensaient-ils, tomber à la première poussée ». Tous leurs efforts
pourtant s'y épuisèrent. Allait-on laisser crier au miracle ?... Sur
l'indication de quelques voisins, ils se procurèrent, bon gré mal gré, chez un
débitant de vin et de provisions, une serpe, et tout en proférant les plus
grossières injures contre les prêtres et les habitants de Saint-Laurent, qu'ils
accusaient d'avoir exploité les pèlerins, ils réussirent, non sans peine
encore, à abattre et à découper le chêne vénéré.
Les patriotes étaient furieux du peu de succès de leur
mission dans les Manges. Le 26 mars, ils présentent à la municipalité de
Beaupréau une pétition pour la prévenir qu'elle ait à empêcher les processions
qui passent sur son territoire. Ils envoient en même temps une dénonciation en
règle au département contre cette municipalité fanatique, en demandant qu'elle
soit cassée (Le 29 mars, le département renvoie la dénonciation au district de
Saint-Florent pour avoir son avis. Le 3 avril, le district approuve la pièce,
vu l'incivisme de la municipalité belloprataine). Le lieutenant de gendarmerie
Boisard accourt de Cholet en toute hâte, pendant la nuit, avec 13 cavaliers du
110 régiment, pour venir au secours des patriotes ; le 27 mars, les patriotes
lui déclarent « que des processions, au nombre quelquefois de quatre à cinq
cents personnes, traversent chaque jour toutes les communes du voisinage, notam
ment la commune de Beaupréau, pour se réunir au chêne de Saint-Laurent,
rendez-vous commun. »
La Révellière et
ses compagnons, de retour à Chalonne, s'adressent de nouveau au département :
« Ces rassemblements
deviennent de jour en jour plus nombreux autour du chêne dit de
Saint-Laurent-de-la-Plaine... Les citoyens égarés tant de ce département que de
ceux de la Vendée et de la Loire-Inférieure, y affluent par bandes, dont
quelques-unes sont composées de plus de quatre à cinq cents personnes et
notamment celle qui s'y rendit dimanche dernier au soir, qui était partie de la
Loire-Inférieure, pour se réunir autour du chêne à un attroupement déjà composé
de près de2.000 personnes. Nul citoyen ne peut être rencontré par ces insensés
avec la cocarde tricolore nationale, sans être poursuivi d'injures et menacé de
coups. Le même jour, sur les 2 heures, plusieurs des citoyens soussignés,
passant paisiblement, se virent tout à coup assaillis par un grand nombre
d'hommes armés de pierres et de bâtons qui s'opposaient à leur marche. Une
fermentation subite agita tout l'attroupement et on se mit à crier de toutes
parts : « Il faut écraser ces b... là. » Un citoyen de Rochefort, passant par
le même chemin quelques moments après, fut menacé pour n'avoir pas ôté son
chapeau devant le chêne. Enfin l'événement arrivé à Beaupréau dans la journée
du 26, nous prouve que ce n'est pas seulement au chêne de Saint-Laurent que les
fanatiques sont dangereux (Lettre du 28 mars 1792). »
La pétition ayant
été renvoyée au district de Saint-Florent, celui-ci donna son avis le 3 avril,
en ces termes : « Le directoire du district ne peut que désirer voir cesser les
rassemblements qui se font sur son territoire, à Saint-Laurent-de-la-Plaine et
dans quelques autres endroits, tels que les environs de l'église du Marillais,
une ancienne chapelle de la paroisse de Saint-Pierre-Montlimart et une croix
près le Mesnil. » Il ter-mine en formulant des voeux ardents pour que la force
armée dissipe tous ces rassemblements.
Les patriotes ne
s'arrêtèrent pas là dans leur mesquine vengeance. L'accusateur public près le
tribunal criminel du département, averti par eux, écrivit, le 3 avril, au juge
de paix de Chalonnes d'informer sur les faits arrivés le 25 mars à Saint-Laurent.
Le 7 avril, Charles-Jacques Davy faisait assigner par huissier les témoins
indiqués par celui qui était l'âme de toute cette intrigue, le citoyen Leclerc.
Les dépositions eurent lieu les 12, 13 et 14 avril t, et c'est d'elles que nous
avons extrait les données qui précèdent.
Le 22 mai suivant,
Leclerc écrivait de Chalonnes à l'accusateur public d'Angers :
« J'ai l'honneur de
vous adresser, conformément à votre demande, le procès-verbal de notre
expédition au chêne de Saint-Laurent, et copie de la procédure qui en a été la
suite.
« J'y joins aussi
copie de la procédure qui a été faite à l'occasion des insultes et menaces que
nous éprouvâmes il y a quelque temps, et je me suis demandé si je ne ferais pas
mieux de faire passer au même endroit en nous rendant à Beaupréau. J'ai hésité
quelque temps cette procédure à l'accusateur public, afin qu'il prît
connaissance de la négligence extrême avec laquelle le juge de paix de la
Pommeraye, devant qui cette affaire est renvoyée, la laisse languir. Mais d'un
autre côté, j'ai pensé que cette pièce intéressante pouvait figurer utilement
auprès de celle que vous avez dessein d'adresser au ministre.
« Si le temps l'eût
permis, je vous aurais aussi envoyé copie d'autres procédures qui ont eu lieu à
l'occasion d'arrestations de processions faites sur notre territoire ; mais
nous avons manqué de copistes, et ces pièces sont fort longues. Néanmoins, si
vous les désirez, je ferai en sorte qu'elles vous parviennent bientôt. » (Le
greffier du juge de paix se nommait René-Jean Thibaut. Martyre de M. Joseph Moreau, vicaire)
On nous pardonnera
ces longues citations et ces détails. Nous avons voulu mettre bien en relief et
montrer dans tout leur jour, d'un côté, l'acharnement des révolutionnaires
contre les démonstrations religieuses, de l'autre, la foi ferme, courageuse et
persévérante des chrétiennes populations de la Vendée.
On ne saura jamais
tous les pèlerinages qui eurent lieu à Notre-Dame-de-Charité, pendant les
années 1791, 1792 et même au cours de la Terreur. En vain, l'autorité proscrit
ces réunions sous des peines les plus sévères ; en vain, les patriotes font des
patrouilles armées et le sang coule dans quelques rencontres (1) ; les menaces
et les violences sont aussi impuissantes contre la foi populaire que l'avait
été la destruction de l'oratoire. — Plusieurs personnes d'Angers qui avaient
fait le pèlerinage, furent arrêtées à leur retour, emprisonnées et condamnées à
l'amende. Tout fut inutile, et les réunions continuèrent aussi nombreuses et
aussi ferventes qu'auparavant. Aux jours les plus sombres de la Terreur, les
femmes et les enfants bravant les menaces de mort, accoururent pleurer et prier
sur les débris du sanctuaire vénéré, comme autrefois le prophète Jérémie sur
les ruines et les malheurs de Jérusalem. A côté d'eux les hommes valides
montaient la garde pour les protéger. Les Rorteau, les Pineau, les Onillon, les
Delaunay, sans parler de Martin, se firent, au péril de leur vie, les
protecteurs des pèlerins et les défenseurs de ce sol béni, profané par des
mains impies et sacrilèges.
Quelles étaient
belles et touchantes ces prières faites ainsi au péril de la vie ! C'est dans
ces entretiens intimes avec la mère de Dieu que ces héroïques enfants de la
Vendée venaient puiser la force et la résignation pour les temps d'épreuves
qu'ils avaient à traverser. L'horizon s'assombrissait de jour en jour ; le
parti du mal devenait plus hardi et plus pervers ; le sang allait couler à
flots ; ils allaient être martyrs. Ils venaient demander à la Reine des martyrs
de ne pas faillir. Ils avaient juré fidélité à Dieu et au roi, ils tiendraient
parole. Et, en effet, ils tinrent parole, beaucoup furent martyrs. Ils
connurent, il est vrai, des heures de triomphe, mais à la fin ils succombèrent,
gardant au coeur le souvenir et l'amour de la Vierge qui les avait soutenus
dans les combats.
Avec M. Moreau,
vicaire à Saint-Laurent, dont nous allons parler, beaucoup de Vendéens furent
condamnés et mis à mort uniquement pour avoir prié la Vierge au chêne
deSaint-Laurent, comme l'attestent maints interrogatoires des martyrs
d'Avrillé, près Angers. Ne faut-il pas les appeler les martyrs de Marie ?
Voici, entre beaucoup d'autres, les noms de treize femmes de Saint-Laurent-de-la-Plaine
et des environs (Archives de la Cour d'appel d'Angers.):
Marie ROCRARD, 28
ans, de Montjean, fille de confiance de Trottier, serrurier.
Marie FORESTIER, 26
ans, de Montjean.
Renée SÉCHER, veuve
René Davy, 40 ans, née à Botz.
Louise ROBIN, 53
ans, de Montjean. Marguerite ROBIN, 68 ans, de Montjean.
Françoise ROBÉ, 50
ans, de Chalonnes.
Madeleizie LADY,
femme Jacques Desvignes, de Chalonnes (Elle déclare avoir été sept à huit fois
au chêne de Saint-Laurent-de-la-Plaine).
Perrine Rom, 28
ans, de Chalonnes.
Anne MAUGRAIN, 35
ans, de Rochefort.
Marie TULLEAU,
veuve François Oger, 52 ans, de Chalonnes.
Louise OGER, femme
Mathurin Martin, 36 ans, fileuse, de Saint-Laurent-de la-Plaine.
Anne GALLARD, femme
Alexandre Lateule, 45 ans, fileuse de laine, de Saint-Laurent-de-la-Plaine.<
Marie ALLARD, veuve
Mathurin Chauve, marinier, de Chalonnes, 60 ans (Bon nombre de prisonnières,
qui ne furent point martyres pour des raisons diverses, déclarèrent dans leurs
interrogatoires avoir été en procession à Notre-Dame-de-Charité et au «chêne ».
Citons entre autres : Marie Herbet femme Jacques Mousseau, Marie Moreau femme
Mathurin Lefort ; Jeanne Chauvigné, femme Pierre Rorteau ; Louise Brevet, Marie
Boussicault ;Françoise Lecoq, veuve Augustin Besnier,
toutes de Saint-Laurent-de-la-Plaine ; Marguerite Mondain, veuve Jacques
Tricoire, Julienne Thibault, de Chalonnes-sur-Loire ; Mlle Delorme et sa soeur
mariée à m Fourmond fils aîné, de Rochefort-sur-Loire. (Archives de la Cour
d'appel.)).
Après la mort de M.
Bourdais, M. Moreau était resté seul avec son confrère, M. Bourigault, dans le
pays, qu'ils évangélisaient en véritables apôtres. Il avait toujours échappé
aux perquisitions incessantes des révolutionnaires, quand il fut arrêté au mois
d'avril 1794 dans une ferme de la paroisse de Combrée. Depuis le mois d'octobre
précédent il avait quitté Saint-Laurent et passé la Loire avec l'armée vendéenne.
Conduit à Angers, il comparut devant la Commission militaire, qui lui fit subir
un long interrogatoire sur les faits miraculeux de la chapelle de
Notre-Dame-de-Charité. On lui fit un crime d'avoir organisé des pèlerinages à
ce sanctuaire et on taxa sa conduite de fanatisme et de révolte. On trouvera
plus loin les réponses du jeune prêtre. D'une voix unanime, les juges le
condamnèrent à mort en l'accablant d'injures et de blasphèmes. Bien plus, afin
de se venger, ils firent afficher publiquement les considérants de leur
jugement, conçus dans les termes les plus injurieux et les plus grossiers
contre la Vierge immaculée et son dévot serviteur.
BIBLIOGRAPHIE. - DE
LA SICOTIÈRE, Notre-Dame-du-Chêne ou de la miséricorde, dans la Revue de
l'Anjou, janv. 1886. — F. CHAMARD, Les origines et les responsabilités
de l'insurrection vendéenne, in-8, Paris, 1899, p. 417, 418 sq. — F.
UZUREAU et A. GUINHUT, Histoire de la chapelle de Notre-Dame-de-la-Charité,
paroisse de Saint-Laurent-de la-Plaine, in-8, Angers, 1901.
Le samedi 12 avril
1794, M. Moreau fut extrait de la prison de Segré et comparut devant le citoyen
Chollet, agent national du district, assisté du secrétaire Vallin. Nous donnons
ici ce premier interrogatoire, extrait des archives de la Cour d'appel d'Angers
:
D. — A lui a
demandé ses noms, âge, qualité et demeure ?
R. — A dit
s'appeler Joseph-René-Jacques-Henri Moreau, prêtre, vicaire à
Saint-Laurent-de-la-Plaine, être âgé de 30 ans, et demeurer ci-devant à
Saint-Laurent
D. — A lui a
demandé s'il a prêté le serment requis par la loi ?
R. — A dit que non.
D. — A lui a
demandé depuis quel temps il a cessé ses fonctions de vicaire?
R. — A dit qu'il
les a cessées depuis environ deux ans et demi.
D. — A lui demandé,
si ayant cessé ses fonctions de vicaire, il a continué de dire la messe dans la
commune de Saint-Laurent, et s'il a continué d'y résider?
R. — A dit qu'il
est resté dans cette commune environ 15 mois après avoir cessé ses fonctions,
pendant lequel temps il a quelquefois dit la messe.
D. — A lui demandé
quelle commune il a habité pendant les 15 autres mois qui ont suivi ?
R. — A dit qu'il a
habité les communes de Botz, la Chapelle-Aubry et Saint-Quentin ; qu'il a passé
ensuite quelque temps dans la commune de Saint-Laurent-de-la-Plaine, jusque
vers le mois d'octobre 1793 ; que, pendant ce temps, il a peu fréquenté l'armée
des rebelles qui occupaient alors le pays ; qu'il a passé la Loire avec l'armée
des rebelles ; qu'il l'a suivie dans les différents lieux qu'elle a parcourus ;
qu'après la déroute du Mans, il se présenta à Ancenis pour tenter le passage de
la Loire, mais que n'ayant pu l'effectuer, il se retira dans les terres vers le
18 décembre 1793.
D. — A lui demandé
quelles communes il a habité depuis ce temps, et de quelle manière il a vécu ?
R. — A dit qu'il a
toujours été errant, qu'il ignore le nom des communes qu'il a parcourues, et
que, pour exister, il recevait du pain, tantôt dans un lieu, tantôt dans un
autre.
D. — A lui demandé
depuis combien de temps il habite la commune de Combrée ?
R. — A dit qu'il y
est arrivé cette nuit avec un particulier, qui a été arrêté avec lui à un lieu
qu'il croit s'appeler Legatz, et qu'il était caché dans un chaumier.
D. — A lui demandé
quel était le troisième particulier caché avec lui, qui a été tué en voulant s'enfuir
?
R. — A dit qu'il
s'appelait Humeau, ancien vicaire de la commune d'Andrezé ; qu'il était caché
dans le chaumier avant que lui, Moreau, et son compagnon y fussent arrivés.
D. — A lui demandé
où il a couché l'avant-dernière nuit et les nuits précédentes ?
R. — A dit qu'il a
couché dans les champs, et que sa compagnie n'a pas excédé le nombre de deux à
trois.
D. — A lui demandé
combien il croit qu'il peut encore exister de rebelles dans la commune de
Combrée et autres voisines ?
R. — A dit qu'il
l'ignore.
D. — A lui demandé
s'il n'était pas du nombre de ceux qui formaient les rassemblements qui se sont
montrés dans les forêts de Combrée, Chanveau et autres ?
R. — A dit que non.
D. — A lui observé
qu'il ne dit pas la vérité, et qu'il était à la tête de ces rassemblements, que
lui et Humeau les ont dirigés dans leurs différentes marches ?
R. — A dit que non.
D. — A lui demandé,
si, dans les différentes communes où il a séjourné, il n'a pas rencontré des
prêtres, ses anciens confrères ?
R. — A dit qu'il en
a vu un qui partait pour Châteaugontier, qui était de la Jumellière, professeur
de rhétorique à Beaupréau (M. Joseph Blouin mourut missionnaire de la Compagnie
de Marie, le 10 août 1824).
D. — A lui demandé
si, dans les différentes communes où il habitait, il n'y disait pas la messe ?
R. — A dit qu'il
l'a célébrée trois ou quatre fois, et que depuis six semaines il ne l'a pas
dite.
D. — A lui demandé
dans quelles communes il a dit 'sa messe, et combien de personnes y assistaient
?
R. — A répondu
qu'il a dit la messe dans la commune de Nyoiseau ; les quatre fois dont il
parle, dans quatre endroits différents ; qu'il n'y avait que les habitants de
ces endroits à assister à sa messe.
D. — A lui demandé
s'il n'a pas rempli d'autres fonctions ?
R. — A dit que non.
D. — A lui demandé
si un calice d'étain, une boîte remplie de pains d'autel, ainsi que plusieurs
chansons sur les événements de la guerre des rebelles, lui appartenaient ?
R. — A dit que les
différents objets appartenaient à M. Humeau.
D. — A lui demandé
comment s'appelaient les fermes où il a dit la messe ?
R. — A répondu
qu'il n'en sait rien, qu'il était conduit dans ces fermes par des particuliers
dont il ignorait le nom.
D. — A lui demandé
si une petite boîte, ayant sur le couvercle une croix, lui appartient, et quel
usage il en faisait ?
R. — A dit que
cette boîte est bien à lui, qu'elle était destinée pour les saintes huiles,
mais qu'il ne s'en est jamais servi.
D. — A lui demandé
depuis quel temps il est avec le particulier qui a été arrêté avec lui, de
quelle commune il est et comment il s'appelle ?
R. — A dit que
depuis un mois il a été quelquefois avec lui, qu'il ne le connaît que sous le
nom de François, qu'il est de Combrée.
D. — A lui demandé
si l'arme qui a été trouvée dans
leur repaire, était à lui, ainsi que les cartouches ?
R. — A dit que non
; que le fusil a été, par lui et son compagnon de voyage, trouvé dans leur
retraite, qu'il n'a aucune connaissance des cartouches.
Et est tout ce
qu'il a déclaré.
Le lundi saint, 14
avril, M. Moreau, qui avait été conduit dans les prisons d'Angers, comparut
devant le Comité révolutionnaire de cette ville, siégeant à
l'évêché. On se borne à lui demander où il a été arrêté et s'il est insermenté,
puis le Comité envoie ce second interrogatoire à la Commission militaire.
C'est le jeudi
saint qu'il est appelé devant cette dernière, qui siégeait aux Jacobins,
actuellement la Gendarmerie nationale. Voici le troisième interrogatoire que
subit en séance publique M. Moreau.
D. — Ses noms, âge,
état et demeure ?
R. — S'appeler
Joseph-René-Jacques-Henri Moreau, 30 ans, natif de Saint-Laurent-de-la-Plaine.
D. — Son domicile ?
R. — Qu'il n'en
avait pas depuis longtemps, parcourant toutes les campagnes.
D. — Son état?
R. — Etre prêtre,
ci-devant vicaire à Saint-Laurent-de-la-Plaine.
R. — S'il a prêté
son serment?
R. — Que
l'assemblée ayant laissé la liberté des opinions, il ne l'a pas prêté, parce
que ce n'était pas la sienne.
D. — A combien de
distance de Saint-Laurent est le fameux chêne qu'il connaît si bien ?
R. — A un quart de
lieue, mais il n'existe plus.
D. — A lui observé
qu'il vient de dire que l'Assemblée avait laissé la liberté des opinions, mais
que l'Assemblée aussi avait ordonné la déportation de ceux qui avaient refusé
le serment, et que lui devait y obéir ?
R. — Que cela est
vrai, mais qu'il n'y a pas obéi.
D. — Pourquoi il
n'a pas obéi à cette loi ?
R. — Que c'était
son dessein de rester dans ce pays.
D. — Quel était son
dessein en restant dans ce pays ?
R. — Que son but
était de rester dans sa famille.
D. — Si
effectivement il est resté tranquille, puisque c'était son but ?
R. — Que oui, qu'il
est resté 14 mois dans une maison.
D. — Combien il
s'est fait de processions au fameux chêne en sa présence ?
R. — Qu'il n'en a
jamais vu, qu'il disait seulement la messe à la chapelle, lorsqu'elle existait.
D. — A lui observé
qu'il en impose, en disant qu'il n'a jamais assisté à ces processions, puisque
c'est lui et d'autres de sa clique qui se cachaient dans l'arbre pour faire
mouver une ci-devant bonne vierge ?
R. — Qu'il n'y a
jamais été ni de jour ni de nuit, qu'en outre il n'aurait pu se mettre dans le
chêne parce que le chêne n'était pas assez gros.
D. — A lui observé
qu'il y a été sous un déguisement afin de ne pas être reconnu ?
R. — Qu'il n'y a
jamais été sous aucun déguisement.
D. — S'il n'a
jamais été avec un autre prêtre déguisé en f... ?
R. — Que non, qu'il
n'en a jamais vu sous ce déguisement.
D. — A lui observé
que quoiqu'il ait dit qu'il voulait être vrai, il en impose à tout moment,
puisque plusieurs témoins déposent l'avoir vu sous ce déguisement ?
R. — Que cela est
faux.
D. — S'il ajoutait
foi aux prétendus miracles que faisait cette ci-devant bonne vierge ?
R. Qu'il n'est pas
assez instruit sur ce fait, n'en ayant pas vu par lui-même, n'ayant jamais
voulu aller au chêne pour s'en convaincre.
D. — Quelle était
sa mission dans la Vendée ?
R. — Qu'elle était
de se tenir tranquille, se retirant du pays à mesure que l'insurrection y
éclatait.
D. — A lui observé
que tout raffiné menteur qu'il veut paraître, son mensonge éclate à tout
moment, puisqu'après avoir dit qu'il passa 14 mois dans le même endroit il
vient de dire le contraire ?
R. — Qu'ayant été
déplacé il y a deux ans, il est resté jusqu'au mois de mars 1793 dans sa
paroisse, ce qui fait plus de 14 mois (M. Moreau fut « déplacé » par l'intrus,
installé le 30 octobre 1791).
D. — Par quel moyen
la contre-révolution s'est opérée ?
R. — Qu'il n'en
sait rien.
D. — Combien de
messes contre-révolutionnaires il a dites pendant le temps qu'il resta caché ?
R. — Qu'il n'en
sait rien, la disant rarement.
D. — A lui observé
que puisqu'il en disait peu, il devait les vendre fort cher?
R. — Qu'il n'en
vendait pas.
D. — Combien il a
béni de chapelets, de sacrés-coeurs et combien il vendait ses bénédictions?
R. — Qu'il n'a béni
que des sacrés-coeurs, et gratis.
D. — A lui observé
qu'il devient de plus en plus un impudent menteur, qu'après avoir dit qu'il
n'aiguisait pas les poignards de la Vendée, il résulte de son dernier aveu
qu'il a béni les sacrés-coeurs qui étaient les vrais poignards dont se servaient
les prêtres ?
R. — Qu'il croyait
qu'on lui parlait de poignards ordinaires.
D. — Si la petite
bonne Vierge du chêne avait une couronne sur la tête ?
R. — Qu'il n'en
sait rien.
D. — Combien de
messes ou de saluts il a célébrés pour la stabilité du trône d'un prétendu
Louis XVII ?
R. — Qu'il n'en
sait rien.
D. — S'il tenait
ses pouvoirs du fameux scélérat d'évêque d'Agra ?
R. — Qu'il n'avait
pas de pouvoirs de lui ; qu'il tenait les siens de Mgr de Lorry.
D. — Combien de
miracles la bonne Vierge du chêne a opérés ?
R. — Qu'il n'en
sait rien, ne les ayant ni vus, ni comptés ; que néanmoins il est possible
qu'elle en ait fait.
D. — A lui demandé
si, puisqu'il n'a pas vu les miracles de la bonne Vierge, il a vu le fameux
miracle de la résurrection des brigands ?
R. — Que non ; que
ceux qui ont été tués n'ont pas voulu ressusciter, crainte qu'il ne leur en
arrive encore autant.
D. — Combien il a
baisé de fois en réalité ou en idée la mule de cet a...m... qu'on appelle Pape
?
R. — Qu'il y avait
trop loin pour entreprendre ce voyage.
D. — A lui observé
qu'il est si entreprenant qu'il a dit à quelqu'un qu'avant peu il y aurait une
nouvelle Saint-Barthélemy.
R. — Qu'il n'a
jamais parlé de cela.
D. — Quel était son
costume parmi les brigands sujets de Louis XVII ?
R. — Qu'il
s'habillait tantôt d'une manière, tantôt d'une autre.
D. — Pourquoi il
changeait si souvent de costume ?
R. — Qu'il
changeait selon les saisons.
C. — A combien de combats
il s'est trouvé avec les brigands ?
R. — Qu'il n'en
sait rien au juste, mais peut-être vingt fois.
D. — A lui observé
qu'on reconnaît facilement qu'il professe toujours son ancien état,
c'est-à-dire d'imposteur, car après avoir dit qu'il restait tranquille il
s'ensuit pourtant que, par ses réponses, il a été à 20 combats ?
R. — Qu'il était
tranquille dans les intervalles.
D. — A lui
représenté que sans doute il portait à son chapeau un sacré-coeur, un chapelet
ou un christ en place de cocarde ?
R. — Que non, qu'il
n'a porté qu'une cocarde blanche pendant quelques jours.
D. — Combien de
fois les boulets de la République ont renversé les autels où il disait ses
messes ?
R. — Qu'ils ne les
ont jamais renversés.
D. — Combien de
fois il a harangué les brigands avant le combat ou en les confessant ?
R. — Jamais et
qu'il confessait rarement.
D. A lui demandé si au confessionnal il ne
promettait pas le ciel à ceux qui mouraient pour soutenir leur religion ?
R. — Que c'est le
secret, qu'il n'a rien à répondre à cela.
D. — S'il a vu
Bernier, curé de Saint-Laud ? (M. l'abbé Bernier devint au Concordat évêque
d'Orléans et mourut le ler octobre 1806)
R. — Qu'il l'a vu,
il y a six mois, mais qu'il ne sait ce qu'il est devenu depuis.
D. — Quel emploi
avait Bernier dans les brigands ?
R. — Qu'il n'en
sait rien, n'ayant jamais été avec luit.
D. — Comment il a
regardé la constitution républicaine ?
R. — Qu'il ne la
connaît pas, ne l'ayant pas lue.
D. — Comment il a
regardé la mort de Capet ?
R. — Qu'il n'en
sait rien.
D. — Comment il a
regardé l'extinction des prêtres réfractaires ?
R. — Qu'il ne le
savait pas.
D. — S'il sait où
est Stofflet et Charette ?
R. — Qu'il n'en
sait rien.
Lecture à lui
faite, a dit que ses réponses contiennent vérité et a signé :
MOREAU.
RUFFEY, secrétaire.
Immédiatement après
cet interrogatoire, Antoine Félix, président, François Laporte, Jacques Hudoux,
Marie Obrumier, Gabriel Goupil fils, tous membres de la Commission militaire
(Ruffey, secrétaire), condamnent à mort M. Moreau par le jugement suivant, qui
fut imprimé chez Jahyer et Geslin, rue Milton, à Angers, et affiché dans toute
la ville :
« Sur les questions
de savoir si Joseph Moreau, natif de Saint-Laurent-de la-Plaine, prêtre non
assermenté, ci-devant vicaire de la même commune, est coupable :
1° D'avoir eu des
intelligences et correspondances intimes avec les brigands de la Vendée ;
2° D'avoir enfreint
la loi relative à la déportation des prêtres non assermentés ;
3° D'avoir, après
cette infraction à la loi, été l'un des premiers moteurs du rassemblement
contre-révolutionnaire des bandits qui se sont soulevés dans le département de
la Vendée ;
4° D'avoir, pour
trahir ouvertement sa patrie, allumé le flambeau de la guerre civile, et donner
plus d'éclat à ses projets infâmes, imaginé des processions miraculeuses, au
nom d'une soi-disant sainte Vierge placée dans un chêne, près
Saint-Laurent-de-la-Plaine, qu'il faisait mouvoir à volonté en la
métamorphosant de toutes les manières et selon les circonstances du soi-disant
miracle qu'il voulait opérer en son nom ;
5° D'avoir, par
cette invention criminelle et contre-révolutionnaire, privé la république d'une
quantité prodigieuse de citoyens et citoyennes, qui en abjurant la raison,
n'écoutant que leurs faiblesses morales et ses discours séduisants, accouraient
en foule à ces processions, sous l'étendard sanglant du fanatisme, de la guerre
civile et de la tyrannie ;
6° Enfin, d'avoir
provoqué au massacre des patriotes, à la proclamation de la guerre civile, à la
destruction de l'égalité, de la liberté, et conspiré contre la souveraineté du
peuple français.
Considérant qu'il
est prouvé qu'il a eu des correspondances et intelligences étroites avec les
brigands de la Vendée ;
Considérant qu'il
est également prouvé qu'il a enfreint la loi relative à la déportation des
prêtres non assermentés ;
Considérant que
d'après cette infraction à la loi, il a fait partie du rassemblement des
rebelles et s'est trouvé à tous les combats avec eux contre les armées de la
république, ayant une cocarde blanche à son chapeau ;
Considérant encore
qu'il est prouvé qu'il est un des principaux moteurs et instigateurs de la
guerre civile qui a éclaté dans la Vendée et dans plusieurs autres départements
de la République ;
Considérant enfin
que par l'ensemble de tous ces délits, il est prouvé impérieusement qu'il a
provoqué au massacre des patriotes, à la destruction de la liberté et de
l'égalité, au rétablissement de la royauté et à l'anéantissement de la
république française :
La Commission
militaire le déclare atteint et convaincu de conspiration envers la sûreté et
la souveraineté du peuple français.
Et en exécution de
la loi du 9 avril 1793, article premier, portant : La Convention nationale
met au nombre des tentatives contre-révolutionnaires la provocation au
rétablissement de la royauté ;
Et aussi en
exécution de la loi du 19 mars 1793, portant (art. 1er ) : Ceux
qui sont ou seront prévenus d'avoir pris part aux révoltes ou émeutes
contre-révolutionnaires, qui ont éclaté ou qui éclateraient à l'époque du
recrutement dans les différents départements de la république, et ceux qui
prendraient ou auraient pris la cocarde blanche ou tout autre signe de
rébellion sont hors de la loi. En conséquence, ils ne peuvent profiter des
dispositions des lois concernant la procédure criminelle et l'institution des
jurés. — (Art. 6) : Les prêtres, les ci-devant nobles, les ci-devant
seigneurs, les émigrés, les agents et domestiques de toutes ces personnes, les
étrangers, ceux qui ont eu des emplois ou exercé des fonctions publiques dans
l'ancien gouvernement ou depuis la révolution, ceux qui auraient provoqué ou
maintenu quelques-uns des attroupements de révolte, les chefs, les
instigateurs, ceux qui auront des grades dans ces attroupements, et ceux qui
seraient convaincus de meurtre, d'incendie ou de pillage, subiront la peine de
mort.
Et encore, en
exécution de la loi des 29 et 30 vendémiaire, portant (art. 14) : Les
ecclésiastiques mentionnés à l'article 10, qui, cachés en France, n'ont point
été embarqués pour la Guyane française, seront tenus, dans la décade de la
publication du présent décret, de se rendre auprès de l'administration de leurs
départements respectifs, qui prendront les mesures nécessaires pour leur
arrestation, embarquement et déportation, en conformité de l'article 12.
(Art. 15) : Ce délai expiré, ceux qui seront trouvés sur le territoire de la
république seront conduits à la maison de justice du tribunal criminel de leur
département, pour y être jugés et punis de mort, conformément à l'article 5 ;
La Commission
militaire condamne Joseph Moreau, natif de Saint-Laurent-de-la-Plaine, prêtre
non assermenté, ci-devant vicaire à la même commune, à la peine de mort.
Et sera le présent
jugement exécuté dans les 24 heures.
Et enfin, en
exécution de la même loi du 19 mars 1793, (art. 7), portant : La peine de
mort prononcée dans les cas déterminés par la présente loi, emportera la
confiscation des biens, et il sera pourvu sur les biens confisqués à la
subsistance des pères, mères, femmes et enfants, qui n'auraient pas d'ailleurs
des biens suffisants pour leur nourriture et entretien ; on prélèvera en outre
sur le produit desdits biens le montant des indemnités dues à ceux qui auront
souffert de l'effet des révoltes, la Commission militaire déclare les biens
dudit Moreau acquis et confisqués au profit de la république. »
M. Moreau fut
guillotiné le lendemain, jour du vendredi saint, sur la place du Ralliement.
LES MARTYRS. TOME XII. La Révolution (1794-1798). Recueil de
pièces authentiques sur les martyrs depuis les origines du
christianisme jusqu'au XXe siècle. Publiées Par le R. P. Dom H. LECLERCQ, Moine
bénédictin de Farnborough. PARIS 1913. Imprimi potest. FR. FERDINANDUS CABROL, Abbas Sancti
Michaelis Farnborough. Die 15 junii 1913. Imprimatur. Pictavii, die 17 februarii 1913. A. DE
VAREILLES-SOMMIÈRES, Vic. gen.,
Profile
Born
Beato Giuseppe Moreau Sacerdote
e martire
18 aprile
>>> Visualizza la Scheda del
Gruppo cui appartiene
Saint-Laurent-de-la-Plaine, Francia, 21 ottobre 1763 -
Angers, Francia, 18 aprile 1794
Il
sacerdote Joseph Moreau cadde vittima in odio alla fede durante la Rivoluzione
Francese. Fu beatificato il 19 febbraio 1984 insieme ad una folta schiera di
martiri della diocesi di Angers.
Martirologio
Romano: Ad Angers in Francia, beato Giuseppe Moreau, sacerdote e martire:
durante la rivoluzione francese fu ghigliottinato nel Venerdì della Passione
del Signore in odio alla fede cristiana.
SOURCE : http://www.santiebeati.it/dettaglio/49990