vendredi 5 juillet 2019

Bienheureux JOSEPH BOISSEL, missionnaire oblat de Marie Immaculée et martyr


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Bienheureux Joseph Boissel

Martyr au Laos ( 1969)

Joseph Boissel (1909-1969)

Paysan breton, originaire d'un petit village tout proche de Pontmain, Joseph Boissel était un homme solide, dur à la besogne, d'une force hors du commun qui fera l'admiration des gens du Laos. 

Il était attentif aux malades, qu'il soignait lui-même, y compris les naissances difficiles. Il était attentif à chacun, de façon pastorale - entièrement donné. Ce qu'il disait et ce qu'il faisait venait toujours du coeur, du fond de son coeur, du fond de sa foi...

Il avait une grande foi, il était très priant. Il avait fait le don de sa vie au Seigneur. Son trait le plus marquant était l'amour pour les pauvres.

Le samedi 5 juillet 1969, il décide d'aller à Hat I-Êt, un village de réfugiés kmhmu' à une bonne vingtaine de kilomètres de Paksane... avant d'arriver au village... une rafale d'armes à feu... le père Boissel est mort...

Aux funérailles solennelles, Mgr Étienne Loosdregt, vicaire apostolique, fit l'homélie:

Père Boissel, vous restez parmi nous... Cette mort violente impressionne, une mort sur la brèche, en pleine mission apostolique, une mort que Joseph avait frisée bien des fois, une belle mort de missionnaire. Mais c'est toute sa vie qui impressionne : vie d'apôtre au coeur bouillant, vie donnée, vie mangée d'un homme de Dieu pour qui rien d'autre ne comptait que d'annoncer Jésus-Christ aux plus pauvres...

Il fait partie des martyrs au Laos entre 1954 et 1970 qui seront béatifiés en 2016.

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La terre couvrant le visage pendant cinq cents ans ne peut faire oublier l'amour (Proverbe lao).



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Joseph Boissel (1909-1969)

La terre couvrant le visage pendant cinq cents ans ne peut faire oublier l´amour (Proverbe lao).

Paysan breton, originaire d´un petit village tout proche de Pontmain, Joseph BOISSEL était un homme solide, dur à la besogne, d´une force hors du commun qui fera l´admiration des gens du Laos. À Pontmain, Marie Mère de Jésus était apparue à quelques enfants en 1871 pour leur demander de prier et d´espérer malgré la guerre. Cette proximité dans la guerre de la Vierge, Mère de l´Espérance, marquera toute sa vie.

Les années de préparation : un parcours international

Joseph Boissel est né le 20 décembre 1909 dans les marches de Bretagne (France), au hameau de La Tiolais, écart de la commune du Loroux (35), dans une famille d´agriculteurs pauvres. Il fut baptisé le même jour à l´église paroissiale du bourg, qui appartient à l´archidiocèse de Rennes (France).

Vocation précoce, Joseph fait ses sept années d´études secondaires au juniorat des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée, à Jersey (Royaume-Uni). Il entre ensuite au noviciat à l´île de Berder, dans le Morbihan (France) ; son maître des novices le juge un « sujet très ordinaire, peu intelligent ». Joseph est pourtant accepté pour ses autres qualités, et s´en va étudier la philosophie au scolasticat de Liège (Belgique), puis la théologie à celui de La Brosse-Montceaux (Seine-et-Marne, France).

Jean Denis, o.m.i., un de ses anciens camarades qui fut envoyé comme missionnaire dans le Nord canadien, évoque les années passées ensemble au noviciat et au scolasticat :

Je l´aimais bien : trois ans plus âgé que moi, il était, pour moi, parmi les sages. C´était facile de parler de choses sérieuses avec lui...

Dans la communauté du scolasticat, il était maître coiffeur, et les clients étaient nombreux et toujours satisfaits... Il avait une belle main d´écriture et on lui demandait souvent de reproduire chansons ou cantiques pour le multiplicateur ; avec grand soin, il avait polycopié le cantique à Marie: « Ô Bonne Mère du missionnaire, sois son appui, veille sur lui. Sur terre il n´a plus de patrie, la Croix lui reste, et toi, Marie... » Cela le faisait vibrer. Il en a vécu !

Il ne prétendait pas être un intellectuel au dessus des nuages, mais il faisait de bonnes études et en discutait volontiers pour en savoir toujours davantage pour la vie pratique et le ministère.

Quant au jugement de ses supérieurs, il est plus nuancé, mais positif :

Caractère énergique et droit... Intelligence faible ; un peu étroit de jugement ; mais très appliqué, il fait des progrès assez sensibles... Il montre assez d´habileté dans les emplois et travaux matériels, voire artistiques... Très dévoué, humble, régulier ; docile par esprit de foi, car il serait porté naturellement à s´attacher trop à ses idées. Bon confrère, soucieux du bien spirituel des autres. Très attaché à sa vocation.

Un autre jugement jette quelque lumière sur la fin de sa vie : « Nature très généreuse, il n´a pas peur du sacrifice. » C´est dans cet esprit que Joseph Boissel fait son oblation perpétuelle à l´hôpital de Montereau le 29 septembre 1935.

Le 4 juillet 1937 il est ordonné prêtre. Le 26 mai 1938, il reçoit avec trois de ses compagnons d´études la feuille de route pour le Laos ; il a vingt-neuf ans. Curieusement, à l´encontre de l´usage général des Oblats, il n´avait voulu demander à son Supérieur général aucune mission précise, se disant prêt à partir pour n´importe laquelle ; cependant, le Laos correspondait bien à son désir profond.

Un pionnier de la mission au nord du Laos

Joseph Boissel faisait partie du groupe des pionniers oblats de la mission du Laos - ceux qui ont connu toutes les secousses de la guerre depuis les débuts. Arrivé dans ce pays en octobre 1938, il est dirigé assez rapidement vers le secteur de Xieng Khouang où l´évangélisation débutait à peine. Bien des années plus tard, il parlera encore avec regret du poste de Nong Ét, une station missionnaire avancée de la Province de Xieng Khouang, dite alors Tran Ninh, à la frontière du Viêt-nam sur la route de Vinh. À cause de la guerre il dut un temps abandonner ce poste : à la déclaration de guerre de 1939, il est mobilisé, mais pourra accomplir ses obligations au Laos même. Mais bien vite, c´est de nouveau la mission « en brousse », qu´il aime.

Sans faire aucune conversion, il avait suscité là un réel mouvement de sympathie, notamment parmi les Hmong. Il fut le premier parmi les Oblats à se lier d´amitié avec ce peuple fier. Vingt ans plus tôt, d´autres missionnaires avaient eu des sentiments fort différents à leur égard :

« Peuplade néfaste, car elle cultive en grand l´opium, dont elle inonde le pays, au grand détriment des indigènes. Au point de vue évangélisation, nous n´aurons pas à nous occuper d´eux. »

C´est d´un chef hmong qu´il recevra en 1946 la lettre suivante :

Si nous sommes restés presque tous vivants après la mauvaise période, c´est que Dieu nous protège. Je me souviens toujours avec émotion que vous avez dit des prières pour un laïque que vous aimez bien ; ce laïque-là, c´est moi. Sans connaître la religion chrétienne... je reconnais par un sentiment inné l´existence d´un Être Suprême qui veille sur nous et sur nos actes... Mon grand souhait est de vous revoir dans un proche avenir ; nous pensons tous à vous, mon Père, comme à un `parent´, selon l´expression méo...

En mars 1945, c´est le coup de force des Japonais sur le Laos. Le 1er juin, Joseph Boissel est fait prisonnier avec son compagnon le Père Vincent Le Calvez, et le Préfet apostolique, Mgr Jean Mazoyer, o.m.i. Tous trois sont emmenés à Vinh, au Viêt-nam, où ils seront détenus au milieu d´une population hostile.

De retour au Laos en 1946, Joseph retrouve son Tran Ninh et le contact des Hmong. La mission de Nong Ét est pillée et dévastée. En bien peu de temps elle devient inaccessible à cause de l´insécurité persistante. Il écrit : « Il est temps de s´installer définitivement ; je ne sais au juste où je vais m´établir ; le premier travail sera de choisir un terrain, ensuite de me faire scieur, charpentier et le reste. »

Les conditions matérielles sont alors très précaires. Le Père Boissel cultive lui-même la rizière pour pouvoir manger. Des militaires français, il ne reçoit pas d´aide, sauf un cadeau inattendu : une centaine de fûts d´essence vides. « Je les découpe pour couvrir mon petit internat méo », écrit-il en 1947. « Avec une couverture semblable il peut pleuvoir des pierres ! » Il achève sa lettre, destinée à Mgr Mazoyer alors en Europe :

Dans une dizaine de jours vous serez aux pieds du Saint Père, que va-t-il penser du Laos ? Pauvre Laos, pauvre Indochine ; rien ne semble s´arranger, la folie règne toujours et partout. Restons attachés à Dieu et faisons-lui confiance. Il sait, Lui, ce dont nous avons besoin. - P.S. J´espère que vous trouverez des religieuses ; trois pour Xieng Khouang seraient très bien reçues. Je leur prépare une maison.

L´année suivante, il écrit à ses supérieurs à Rome :

Le travail missionnaire au Laos, à cause des distances énormes à parcourir et de la pauvreté du pays, restera encore pour de longues années un travail obscur et pénible. Il faudra des pionniers prêts à tout souffrir aussi bien en postes qu´en tournée... Chacun dans son coin a suffisamment souffert pour acquérir l´expérience des gens et du pays... Si les missionnaires du Laos n´avaient une foi ardente dans le coeur, ils pourraient se demander ce qu´ils ont bien pu faire comme crimes pour y être envoyés.

En 1948-1949, le Père Boissel repart en France pour refaire sa santé ébranlée par les privations, comme il l´explique aux lecteurs de Pôle et Tropiques, la revue missionnaire des Oblats :

Après avoir passé dix ans en brousse indochinoise, dans les conditions les plus bizarres, on est heureux de rentrer pour quelques mois en France. Le 18 octobre 1948, par le premier avion venu inspecter la piste au début de la saison sèche, je réussissais à décoller de Xieng Khouang et, en moins de trente-cinq minutes, je rejoignais le centre de Vientiane, évitant ainsi un voyage pénible et dangereux de douze jours de piste... Je me repose actuellement dans ma famille au Loroux.

De retour au Laos, pendant plusieurs années, il veille à la formation des catéchumènes puis des néophytes kmhmu´ de divers villages dans la montagne de Xieng Khouang, autour de Ban Pha où il a sa résidence. Les habitants de Ban Pha, des Thaï Dam, restent quant à eux étrangers au mouvement de conversion. En novembre 1957, il laissera le village et le secteur entre les mains du Père Louis Leroy.

Les années de maturité : avec les déracinés

En novembre 1957, Joseph Boissel quitte donc définitivement Xieng Khouang et part en France pour un nouveau congé plus que mérité. De ses proches il ne restait guère que sa soeur Victorine ; il entreprend donc de réaliser un projet qui lui tient à coeur : faire un tour d´Europe en pèlerin. Avec le « recteur » (curé) de son village, l´abbé Louaisil, il part vers Rome dans la petite Renault 4L de ce dernier. Dormant la plupart du temps sous la tente, ils passeront par Solignac, scolasticat des Oblats, Lourdes et Ars, pour parvenir enfin à la Ville éternelle. Les supérieurs lui avaient toutefois sèchement interdit d´aller jusqu´à Fatima, et même de visiter les sanctuaires de la Belgique voisine.


Au retour, Joseph entreprend une nouvelle phase de sa vie missionnaire : il est affecté au district de Paksane, où il se dépensera jusqu´à son dernier jour. Il a d´abord la charge du village de rizière de Nong Veng ; puis, à partir de 1963, il s´installe à Ban Na Chik au Km 4 de Paksane vers Pak Kading - le fameux Lak-Si.

Le Père Henri Delcros, o.m.i., avait aidé les chrétiens kmhmu´ réfugiés de la région de Xieng Khouang à se réorganiser là en plusieurs villages : Vang Khoma, Hat I-Êt, Pakvang et Nampa. Joseph Boissel lui succédait dans cette charge. Il trouve des accents pathétiques pour faire connaître les conditions de vie de ses nouveaux paroissiens :

Mon secteur s´échelonne le long d´une piste de terre et de cailloux sur laquelle ma pauvre 2CV est durement cahotée. Presque toutes les familles subissent les conséquences d´une guerre qui s´éternise. Ici, des femmes dont les maris sont dans l´armée, familles disloquées... ; là, des villages entiers qui ont fui la zone des combats et se sont réfugiés dans la plaine.

À une dizaine de kilomètres de mon village, sur les bords de la Nam Nhiep, j´ai un groupe de soixante familles chrétiennes qui ont abandonné tous leurs biens et leurs rizières sous la menace de la guérilla, préférant sauvegarder leur foi et la foi de leurs enfants. En attendant de trouver un coin de forêt pour reprendre leurs cultures, ils vivent surtout de secours...

Je reçois et je visite tout le monde, essayant de réconforter et d´aider les uns et les autres dans la mesure de mes pauvres moyens : soins aux malades, soutien des plus nécessiteux. On ne dira jamais assez les malheurs de la guerre pour le petit peuple du Laos... Depuis plus de dix ans leurs groupes armés répètent les mêmes slogans, annoncent monts et merveilles une fois la victoire obtenue... En attendant, ce ne sont que réquisitions de riz, corvées au service des combattants, arrestations et disparitions, climat de peur et de suspicion...

C´est sous cette menace que nous vivons tous actuellement. Il nous faut cependant tenir jusqu´au jour où Dieu nous donnera la paix. Je continue donc à visiter régulièrement tous ces gens, de donner à tous des paroles d´espoir, aux chrétiens un secours surnaturel qui les aide à sanctifier ces misères du moment. Le plus souvent j´arrive les mains vides et je souffre de ces yeux brillants qui s´accrochent à moi, qui attendent quelque soulagement matériel que je ne puis leur apporter... Écrasé par de telles misères, on reste la mort dans l´âme, navré de son impuissance.

Il circule entre ces villages, en dépit de sa vue défectueuse car il avait perdu complètement l´usage d´un oeil. Une jeep remplacera la Citroën 2CV, qui avait elle-même succédé à son brave cheval nommé Deng. Dans ces années-là, prendre la route était toujours risqué : depuis fin mars 1969 le danger de la guérilla s´était accentué, si bien qu´il avait fallu renoncer à célébrer la Semaine Sainte dans ces villages. Début juin seulement, le Père Boissel ose de nouveau s´aventurer sur cette route à embuscades.

Les jeunes missionnaires faisaient dans la région de Paksane leur premier stage d´apprentis­sage de la langue. Mgr Alessandro Staccioli, futur évêque de Louang Prabang, se souvient de la fascination avec laquelle lui et les autres jeunes écoutaient le Père Boissel raconter la guerre d´Indochine, et surtout son expérience de missionnaire broussard :

Pour lui, la mission c´était annoncer l´Évangile, vivre avec les gens, soigner les malades et vivre dans la pauvreté. Il était généreux, toujours prêt à rendre service aux gens. Il disait qu´il avait donné sa vie pour le Laos, qu´il voulait y mourir et ne voulait certainement pas retourner en France. Je pense que le Seigneur l´a exaucé.

Le même témoin rapporte aussi un exemple pittoresque : « Un jour, la guérilla s´était avancée jusqu´à proximité de son village. Il s´échappa à cheval, tenant d´une main la bride et de l´autre le ciboire avec la sainte réserve. C´est comme cela qu´on le vit arriver à Paksane ».

Portrait d'un vétéran de la mission

Les années difficiles vécues par le Père Boissel en mission ont durci certains traits de son caractère, sans pourtant gâter ses belles qualités. Le Père Joseph Pillain, o.m.i., qui passa lui-même plus de douze ans au Laos, se souvient : « Le Père Joseph Boissel était un homme de grand coeur, tout d´une pièce, avec son franc-parler, profondément religieux, homme de prière, fidèle aux réunions de district, très agréable en communauté. »

Son portrait est brossé avec plus de couleurs par les témoins laotiens, parmi lesquels figure une des deux femmes consacrées - des Oblates missionnaires de Marie immaculée1 - qui faillirent mourir avec lui. Le Père Boissel était un homme entier, prompt mais généreux, allant jusqu´au bout de ses responsabilités. Il avait une forte voix ; quant à son caractère... Bref, c´était un homme ardent, fougueux, mais il avait soin de chacun en particulier, spécialement des petits, des pauvres, des enfants... Il était soucieux de leur formation chrétienne, car c´étaient des convertis récents.

Les gens l´aimaient beaucoup. Chaque famille apportait de la nourriture - un panier de riz et un autre plat. Parfois, les plats étaient très épicés. Il était malade, il avait des maux d´estomac constants, mais il mangeait quand même de tout sans rien dire, pour leur faire honneur.

À son arrivée dans chaque village, il sonnait la cloche, appel des chrétiens à la confession ; puis il célébrait la messe. Ensuite il échangeait avec le catéchiste du village, avec les gens du village, les anciens. Il vérifiait les baptêmes, les mariages à venir... Il s´assurait que les inscriptions soient faites à l´avance. Il couchait dans les églises. Nous les Oblates, nous couchions dans une famille ou l´autre.
Il était attentif aux malades, qu´il soignait lui-même, y compris les naissances difficiles. Il était attentif à chacun, de façon pastorale - entièrement donné. Ce qu´il disait et ce qu´il faisait venait toujours du coeur, du fond de son coeur, du fond de sa foi...

Il avait une grande foi, il était très priant. Il avait fait le don de sa vie au Seigneur. Son trait le plus marquant était l´amour pour les pauvres.

Deux témoins, des laïcs avancés en âge, ajoutent :

Il était cordial et franc, proche des gens. Il était fidèle à visiter les malades, les personnes âgées; il aimait beaucoup les enfants. Ce qu´il a fait était vraiment beau. C´était un homme bon ; tous sont venus à son enterrement. Quand il célébrait la messe ou prêchait, c´était un homme de Dieu... Il était zélé. La vie de la paroisse était bien organisée : fêtes, processions... il faisait tout avec coeur ; les gens affluaient de partout.

Il inculquait le sens de la confession, encourageait les gens à améliorer leur vie. Il avait un grand esprit de foi et un grand amour des anciens et des malades. Si on lui signalait un malade, il partait aussitôt. Tous se souviennent de ses sacrifices, de sa foi, de son amour pour tous. Il faisait tout pour les autres.

Quant à ses propres confrères, ils l´ont bien vu de la même façon. Ainsi un de ses proches collaborateurs, le Père Ernest Dumont :

C´était un tempérament fougueux, généreux. Il ne doutait de rien, n´hésitait jamais à entreprendre, toujours avec le souci d´aller aux plus pauvres... Il était vraiment proche des gens dont il était aimé : on lui pardonnait ses emportements, ses coups de gueule, ses imprudences, car il était foncièrement bon et n´en voulait à personne. Son zèle pour soigner les malades était admirable : il a soigné tout au long de sa vie missionnaire, sans compter sa peine, son temps. Il était heureux de servir. Au sein de la communauté, quand il venait à Paksane, il mettait de la vie : il parlait fort, riait de même, il avait toujours des histoires hors du commun à raconter. Le Père Boissel a vécu le plus gros de son ministère seul, dans différents postes, mais il avait besoin de rencontrer ses frères oblats.

La dernière aventure d´une vie mouvementée

C´était la saison des pluies. Chaque samedi, le Père Boissel se rendait en fin de journée dans un village et revenait le dimanche vers l´heure de midi. Le samedi 5 juillet 1969, il décide d´aller à Hat I-Êt, un village de réfugiés kmhmu´ à une bonne vingtaine de kilomètres de Paksane en remontant le long de la rivière Nam San. À cause de l´insécurité, cette année-là il n´avait pu y faire de ministère durant quelques mois. Il y avait là le catéchiste André Van, qui avait besoin de se savoir épaulé.

Parti vers 16 heures, il prend avec lui deux jeunes Oblates Missionnaires laotiennes : comme d´ordinaire, celles-ci devaient l´aider pour les visites, les soins aux malades et le service religieux. Le neveu de l´une d´elles, âgée de 10 ans, était également monté - en cachette - dans la voiture. Se rendant compte de la présence de l´enfant, le Père Boissel arrête la voiture et l´oblige à descendre : « Tu ne dois pas venir avec nous... Moi, le prêtre, et les deux Oblates, nous avons donné notre vie au Seigneur. Mourir, pour nous, ça ne fait rien, notre vie est offerte au Seigneur. Mais toi, tu ne dois pas venir avec nous ! »

Ensuite, tout au long du trajet, il parle de la mort. Il disait : « Il ne faut pas avoir peur de mourir. Nous avons déjà donné toute notre vie au Seigneur. À voyager comme nous le faisons, nous ne sommes pas en sécurité ; ce n´est pas prudent... Il y a toujours du danger. » Les deux jeunes femmes l´écoutent... sans répondre...

La suite est racontée par une des deux passagères, la seule survivante capable de le faire :

Deux ou trois kilomètres avant d´arriver au village, à un tournant de la route, j´ai entendu une rafale d´arme à feu dirigée contre nous. Les pneus ont éclaté et j´ai été atteinte à la main. J´ai vu s´agiter un drapeau rouge dans la forêt en bordure de la route. Une deuxième rafale, et Thérèse a été atteinte à la tête ; comme je suis plus petite ces balles ne m´ont pas atteinte. Les coups venaient de la gauche, du côté du conducteur.

Le Père Boissel fut atteint à la tête - à la bouche et au crâne. La jeep est allée au fossé, s´est renversée sur nous et a pris feu. Les lunettes du Père ont éclaté ; il est mort sur le coup... Il avait les yeux grands ouverts. Nous étions complètement couverts de sang tous les trois.

Le Père Boissel était mort, Thérèse inconsciente. Moi, dans une torpeur énorme... sans mouvements... comme morte. Mais j´ai vu trois jeunes soldats vietnamiens faire le tour du véhicule trois fois. Ils disaient : « Tuons-les ! » - « Brûlons le véhicule et ses occupants ! » Ils se sont retirés et ont jeté une grenade sur la voiture. La grenade a éclaté - ce sont les éclats qui ont causé nos blessures. J´ai dit « Ô Seigneur ! », mais un voile d´obscurité est venu...

Je ne sais pas combien de temps nous sommes restées ainsi dans le véhicule. Puis Thérèse a repris conscience la première. Elle m´a poussée, obligée à sortir... La grenade nous avait assourdies... Difficulté à nous communiquer, à nous comprendre... Toutes deux, nous avons prié le Seigneur. « Si tu as besoin de nous encore... envoie quelqu´un à notre secours. » Nous nous sommes couchées le long de la route. J´ai mis ma main sur le coeur de Thérèse et elle a mis sa main sur mon coeur : unies dans la souffrance.

Oh! qu´il a fallu attendre longtemps, de 4 h ½ jusque vers 9 h ½. Enfin des gens sont arrivés pour nous prendre. Le corps du Père avait été brûlé au point que son visage était totalement méconnaissable. Thérèse, atteinte à la tête, est restée handicapée mentalement suite à cet attentat. Elle n´a plus vraiment de bonheur à vivre.

Remercions Dieu qui nous garde encore en vie jusqu´à maintenant. Que le Père Joseph Boissel nous protège !

Aux funérailles solennelles, Mgr Étienne Loosdregt, vicaire apostolique, fit l´homélie :

Père Boissel, vous restez parmi nous... Cette mort violente impressionne, une mort sur la brèche, en pleine mission apostolique, une mort que Joseph avait frisée bien des fois, une belle mort de missionnaire. Mais c´est toute sa vie qui impressionne : vie d´apôtre au coeur bouillant, vie donnée, vie mangée d´un homme de Dieu pour qui rien d´autre ne comptait que d´annoncer Jésus-Christ aux plus pauvres...

Pourquoi le Père Boissel est-il mort ?

Devant la mort brutale du Père Boissel il faut d´abord poser la question : qui en voulait à sa vie, quel motif a armé les assassins ? Le Père Ernest Dumont, qui l´aimait comme un père, donne une explication assez complexe :

C´était un homme dynamique et ardent, mais sans doute maladroit. Il avait publiquement exprimé des reproches devant son catéchiste. Il avait dit en substance : je suis déjà vieux, je viens chez vous en risquant ma vie et vous vous en fichez ; la prochaine fois, je ne viendrai peut-être pas chez vous. Ce discours avait déplu, et certaines personnes se sont dressées contre lui. Ils sont sans doute allés trouver ceux de la guérilla pour indiquer ses déplacements, et ces derniers lui ont tendu une embuscade.

Cette interprétation ne satisfait guère. Un chrétien kmhmu´, même en colère, ne serait pas allé trouver des Vietnamiens... La passagère rescapée fournit une réponse plus simple et directe :

Le Père Boissel est mort à cause de sa foi en Jésus Christ, à cause du désir de voir disparaître la religion catholique. C´était connu que le P. Boissel se rendait dans un village ou l´autre chaque samedi vers 4 heures. Il y avait de la haine - pour les étrangers, pour les prêtres, pour la religion catholique.

Le sens profond de la mort du Père Boissel

Comme les autres missionnaires morts de mort violente au Laos, Joseph Boissel était à sa façon, avec son caractère, ses talents, ses limites aussi, un homme de Dieu qui avait pris la mesure de l´oeuvre à accomplir pour Jésus Christ et pour les pauvres, qui connaissait les risques de l´entreprise, mais n´a pas hésité à aller jusqu´au bout de l´amour.

Le Père Jean Hanique, o.m.i., ami du Père Boissel et ancien provincial des Oblats, témoigne : « Joseph n´a pas cherché à se faire tuer, mais il n´a rien fait pour l´éviter. Il est allé au danger en connaissance de cause. On était tous dans ce cas. Il savait très bien ce qu´il risquait. »

Mgr Jean Sommeng Vorachak, évêque de Savannakhet, développe cette pensée dans un contexte plus large :

La vie générale de ces Apôtres - et nous tous, qui oeuvrons et risquons notre vie pour la Foi -, à mon avis, suffit pour nous dire qu´ils ont offert leur vie une fois pour toutes, pour le meilleur et pour le pire, prêts à affronter n´importe quels obstacles. Le Père Dubroux, le Père Boissel, comme le Père Tiên et tous les autres... tous sont morts pour la cause de l´Église et de la Religion... Que l´Église les canonise ou non, qu´elle les reconnaisse comme saints, cela au fond importe fort peu. Tous ces prêtres et catéchistes sont morts pour la Foi, donc je crois et je suis sûr et certain qu´ils sont au Ciel.

Joseph Boissel ne l´avait-il pas expliqué lui-même à son ami, curé de son village natal, lors de son troisième et dernier congé en France en 1968 :

Il savait qu´on voulait le mettre à mort. Il a évité la mort plusieurs fois. Il était à peu près sûr qu´on le tuerait, à cause de la foi. Il y avait des gens hostiles ; il n´a pas dû être surpris. Pour les gens du village, sa mort a été une surprise, et en même temps, ils le savaient.

Et l´abbé Louaisil conclut : « Il est sûrement au Paradis ! »

Quant à la passagère rescapée, elle parle avec ardeur de celui qu´elle a connu au long de deux années de mission commune :

Le Père Boissel savait les dangers de ces voyages. Il était prêt à donner sa vie pour Jésus-Christ. À son enterrement tous ou presque sont venus. Ils disaient : « Il est mort pour la foi, parce qu´il allait dire la messe dans ce village. » Lui savait bien que quelque chose devait arriver un jour, au cours de tous ces déplacements ; mais il y allait parce que c´était son travail. Souvent les gens me rappellent : « Le Père Boissel faisait ceci, il a fait cela... » Ils se souviennent de lui, il a laissé une vivante mémoire : on peut dire que c´était un martyr. Mais il n´a pas encore fait de miracles !

Le Père Ernest Dumont, l´un des premiers qui fut présent sur les lieux de l´attentat, écrit :
Il ne nous restait plus qu´à envelopper cette dépouille dans le drap que nous avait remis le Père Jean Fagon, son compagnon d´apostolat durant plus de trente ans ; on le fit comme les premiers chrétiens le faisaient avec les corps suppliciés des témoins de la foi.

Le dernier mot peut revenir au Père Jean Denis, son compagnon des jeunes années, qui ne l´avait jamais revu depuis son départ au Laos :

Mon souvenir du Père Boissel est celui d´un homme sérieux et généreux, sans compromis. Je vois très bien qu´il aurait donné sa vie pour ses convictions religieuses. Et quelle joie ce serait de voir un confrère d´ordination béatifié et canonisé... Je le verrai au ciel avant cela, bien sûr, mais alors nous nous réjouirons ensemble... Je suis heureux de lui rendre ce témoignage. Il était Oblat, un homme qui faisait bien son travail, sans ostentation mais pour le Seigneur.

Homélie du Père Douangdi pour les obsèques du Père Boissel

Texte traduit du laotien

Chers frères et soeurs,

Qui dit que les Pères sont des étrangers ? Qui dit que les Pères ne sont pas bons ? Qui dit que nous sommes des traîtres parce que nous confessons la religion des Pères ?

Le Père Boissel est étendu mort devant nous, là maintenant. Sa vie est la réponse à nos questions et à notre foi.

Si le Père Boissel est un étranger, pourquoi est-il venu vivre au Laos durant 31 ans ? Pourquoi est-il venu marquer notre pays lao, pour qu´il devienne « le village où il naît et la ville où il se couche », de son sang rouge vif ? Pourquoi accepte-t-il que notre terre lao recouvre son visage ?

Si le Père Boissel n´est pas bon, pourquoi le ciel ne le foudroie-t-il pas, pourquoi la peste ne le mange-t-elle pas ? Pourquoi s´était-il remué avec impatience et intérêt pour rejoindre ses enfants au village de Hat I-Êt ? C´est son seul dévouement pour ses enfants - qu´il aimait - qui poussait le Père Boissel jusqu´à eux, sans penser à son sang, à sa chair, à sa vie.

Et nous, si nous sommes des traîtres, pourquoi sommes-nous assis ici ? Pourquoi et pour quelles raisons sommes-nous rassemblés ici pour pleurer le Père Boissel ?

Vous les notables, vous les maîtres qui avez connu et fréquenté le Père Boissel, sachez et retenez ceci : c´était un homme bon, généreux avec le peuple, avec les indigents. Même si le Père Boissel était un homme direct en paroles et « qui éternue fort », rappelez-vous sa bonté, qu´il a laissée comme un édifice construit partout où il passait.

Nous les chrétiens, qui avons mangé à la même table, goûté les mêmes plats que lui, rappelez-vous que le Père Boissel était un prêtre de Dieu, qui avait un coeur brûlant, généreux, pour ses enfants, pour vous les oncles et tantes qui veniez le voir pour lui demander de l´aide. Le Père Boissel était un exemple, une source où l´on pouvait s´abreuver de l´amour de Dieu pour l´homme.

Chers frères et soeurs, tout à l´heure nous allons emmener le corps du Père Boissel pour l´inhumer dans une parcelle de terre de notre pays lao. Que pouvons-nous faire pour le remercier de sa bonté, qu´il avait construite pour nous et qu´il a laissée avec nous ? Rien que revoir son visage pour la dernière fois, nous ne le pourrons pas, car il a été complètement brûlé.

Le Père Boissel qui est venu vivre dans notre pays lao durant 31 ans, qu´a-t-il récolté ? Pour lui montrer notre reconnaissance, nous n´avons que nos prières. Nous n´avons qu´une poignée de terre que nous jetterons pour couvrir son corps quand nous l´aurons couché dans la tombe. Nous ne demanderons rien pour lui, rien que le Paradis. Puisse-t-il partager le bonheur dans la joie de la gloire de Dieu dans le Paradis. « La terre couvrant le visage pendant cinq cents ans ne peut faire oublier l´amour », car Dieu nous a donné le Père Boissel pour nous soutenir, nous aimer.

« La terre couvrant le visage pendant cinq cents ans ne peut faire oublier l´amour », car le Père Boissel était un exemple, une source jaillissante de l´amour du Christ pour nous.

« La terre couvrant le visage pendant cinq cents ans ne peut faire oublier l´amour », car le Père Boissel est un martyr, mort pour sa foi à notre profit.

Ni le jour ni le temps ne pourront effacer la mémoire du Père Boissel de notre esprit ni de notre coeur. Ni la pluie qui tombe, ni les eaux qui grondent ne pourront effacer le sang rouge vif du Père Boissel, qui a marqué cette terre lao, car nous sommes persuadés que le sacrifice de la vie, et du sang, et de la chair du Père Boissel amènera à notre peuple lao la tranquillité bienfaisante et la paix bienheureuse.

© Missionnaires oblats de Marie Immaculée - Province de France - 2013



La Cathédrale du Sacré-Cœur de Vientiane, lieu de mémoire des Saints Martyrs du Laos


EGLISES D'ASIE – LAOS

POUR APPROFONDIR – Brève présentation des 17 martyrs du Laos

Publié le 10/06/2015


Le 10 novembre 1994, dans le cadre de la préparation du Jubilé de l’an 2000, le pape Jean-Paul II publie Tertio Millennio Adveniente, lettre apostolique par laquelle il appelle à préserver la mémoire des martyrs du XXe siècle. Les évêques du Laos demandent alors aux Missions Etrangères de Paris (MEP) et aux Oblats de Marie Immaculée (OMI) de les aider à rechercher les documents nécessaires.

Plus de vingt ans plus tard, leur démarche a abouti. Ce 5 juin, le pape a signé le décret que lui présentait le cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les causes des saints. Le pape François a signé la promulgation des décrets relatifs au martyre de 17 prêtres et laïcs tués au Laos entre 1954 et 1970. Afin de mieux connaître ces martyrs, Eglises d’Asie publie les documents ci-dessous, rédigés dans le style hagiographique propre à ce type de littérature.

Au printemps 1953, la guérilla occupe la province laotienne de Sam Neua ; les missionnaires ont été évacués. Le jeune prêtre Joseph Thao Tiên, ordonné en 1949 a décidé pour sa part : « Je reste pour mon peuple. Je suis prêt à donner ma vie pour mes frères laotiens. » Quand on l’emmène vers le camp de Talang, les gens se mettent à genoux sur son passage en pleurant. Il dit : « Ne soyez pas tristes. Je vais revenir. Je m’en vais étudier… Continuez à faire progresser votre village… » Un an plus tard, le 2 juin 1954, il est condamné à mort et fusillé : il avait refusé, une fois de plus, d’abandonner son sacerdoce et de se marier.

Entre temps, à l’autre bout du pays, le P. Jean-Baptiste Malo, ancien missionnaire en Chine, avait été arrêté avec quatre compagnons. Il mourra bientôt d’épuisement et de mauvais traite-ments sur le chemin des camps, en 1954 dans une vallée perdue du Viêtnam. En 1959, son confrère des Missions Etrangères René Dubroux, ancien prisonnier de guerre en 1940, est trahi par un proche collaborateur et éliminé par la guérilla, qui le balaie comme un obstacle dérisoire à leur volonté. Cette année-là le Saint-Siège avait donné la consigne : « Le clergé, ainsi que le personnel auxiliaire religieux (excepté naturellement les vieillards et malades) doit rester à son poste de responsabilité, à moins qu’il ne vienne à être expulsé. »

Les missionnaires adoptent avec joie cette consigne, qui signe l’arrêt de mort pour plusieurs d’entre eux. En 1960, le jeune catéchiste hmong Thoj Xyooj et le P. Mario Borzaga ne rentrent pas d’une tournée apostolique. En avril-mai 1961, dans la province de Xieng Khouang, les PP. Louis Leroy, Michel Coquelet et Vincent L’Hénoret sont cueillis à leur poste et abattus sans procès. De même dans le sud du pays, le P. Noël Tenaud et son fidèle catéchiste Outhay sont pris et exécutés ; le P. Marcel Denis sera retenu prisonnier quelque temps mais partagera le même sort. Un de leur confrères écrit : « Ils ont été, tous, d’admirables missionnaires, prêts à tous les sacrifices, vivant très pauvrement, avec un dévouement sans limite. En cette période troublée, nous avions tous, chacun plus ou moins, le désir du martyre, de donner toute notre vie pour le Christ. Nous n’avions pas peur d’exposer nos vies ; nous avions tous le souci d’aller vers les plus pauvres, de visiter les villages, de soigner les malades, et surtout d’annoncer l’Évangile… »

En 1967, Jean Wauthier, infatigable apôtre des réfugiés, épris de justice, champion des droits des pauvres, est éliminé par une autre faction ; il laisse une population éperdue de douleur : « Nous avons perdu un père ! » Jean avait regardé plus d’une fois la mort en face. Il était prêt ; il a donné sa vie par amour pour les siens.

En 1968, Lucien Galan, lui aussi ancien missionnaire de Chine, visite les catéchumènes isolés du plateau des Boloven. Son jeune élève Khampheuane, 16 ans, a tenu à l’accompagner en raison du danger. Au retour de leur mission, on leur a tendu un guet-apens ; tous deux meurent sous les balles ; leur sang se mêle pour féconder la terre du Laos. L’année suivante c’est le tour du P. Joseph Boissel, le doyen des martyrs du Laos (60 ans), d’être pris en embuscade en route vers une petite communauté chrétienne, et exécuté comme eux.

Début 1970, le jeune catéchiste Luc Sy est envoyé en mission par son évêque dans la région de Vang Vieng. Avec un compagnon, Maisam Pho Inpèng, ils sont en tournée dans un village où plusieurs familles sont devenues catéchumènes. Ils catéchisent et soignent les malades, s’attardent… On les attendait à la sortie du village. Eux aussi meurent, en plein élan missionnaire, pour le Christ et pour le peuple de Dieu. Tous deux étaient chefs de famille.

Laotiens et étrangers, laïcs ou prêtres, ces dix-sept hommes ont donné pour l’Evangile le témoi-gnage suprême. La jeune Eglise du Laos reconnaît en eux leurs Pères fondateurs. « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. »

Profil biographique des 17 martyrs du Laos

Joseph Thao Tiên, protomartyr (1918-1954)

Joseph Thao Tiến est né le 5 décembre 1918 dans la province des Houa Phanh au Laos. Son grand-père et son père avaient déjà été des chrétiens remarquables. À onze ans, il entre à l’école des catéchistes montagnards à Hữu Lễ, dans la province de Thanh Hóa au Vietnam ; à cette époque, sa province d’origine appartenait en effet au vicariat apostolique de Phát Diệm, et à partir de 1932 à celui de Thanh Hóa. Bon élève, il est admis en 1937 à la section petit séminaire, où il étudie le latin et le français. Il sera le seul des jeunes montagnards à passer avec succès au grand séminaire. Vacances et stages confirment sa vocation : très proche des gens les plus sim-ples, caté¬chiste zélé et régulier, doué de ses mains, il est apprécié des missionnaires et aimé de tous.

De 1942 à 1946 il est élève des Pères sulpiciens au Grand Séminaire de Hanoi. Assidu à la prière et aux études, il se tient à l’écart de l’agitation politique. À Noël 1946, c’est la fermeture du séminaire et la dispersion. Il rentre au Laos à pied, mais la guerre arrive là aussi. C’est à Saigon qu’il achèvera ses études. De nombreux condisciples se souviennent avec émotion de lui, et témoignent de son attachement indéfectible à la mission dans son pays, le Laos.

Le 6 juin 1949 il est ordonné prêtre à la cathédrale de Hanoi. Le 1er octobre 1949, il peut enfin rejoindre sa chère mission, à Sam Neua au Laos. Mais dès novembre, il se retrouve au-delà de la ligne de front, en zone de guérilla. Avec l’accord avec ses supérieurs, il y restera. La paix revenue provisoirement, il réorganise et dirige les écoles du Muang Sôi. Mais au fond de son cœur il est pasteur. Les gens venaient en masse pour l’écouter. Vivant la pauvreté et la précarité, homme de vision et d’espérance, il est l’ami des pauvres et aimé de tous.

A Noël 1952, la guérilla communiste reprend. Tout le personnel de la mission est évacué, mais Thạo Tiến reste à son poste, « prêt à donner ma vie pour mes frères laotiens ». Après Pâques, c’est l’arrestation, le jugement populaire, la prison et le camp de rééducation. Isolé, résistant aux manœuvres destinées à le faire apostasier ou abandonner sa promesse de célibat sacerdotal, seul avec le Christ souffrant et glorieux, il est un signe d’espérance pour tous. Le 2 juin 1954, il quitte le camp de Ban Ta Lang, escorté de quatre gardiens. Il est ligoté et abattu de cinq balles.

Aujourd’hui, chez tous les chrétiens laotiens, tant au pays que dans la diaspora, le nom du P. Tiến est prononcé avec respect et invoqué avec confiance : il est le premier fruit de leur jeune Église, les prémices qu’elle a offert à Dieu.

Le P. Jean-Baptiste Malo, MEP (1899-1954)
Jean-Baptiste Malo est né le 2 juin 1899 à La Grigonnais, dans le diocèse de Nantes en France. Il grandit à Vay (44), dans une famille de petits paysans. Vocation tardive, il entre au Séminaire des Missions Étrangères à 29 ans. Ordonné prêtre le 1er juillet 1934, il est envoyé en mission à Lanlong (Anlong, Guizhou), en Chine.

Dans cette région montagneuse aux confins des provinces de Guizhou, Guangxi et Yunnan, il règne alors une grande insécurité. En dépit de grandes difficultés, toujours sur le qui-vive, le P. Malo visite ses chrétientés, dont certaines n’ont pas vu de prêtre depuis 20 ans ; il fonde quatre nouvelles écoles. Au printemps 1951 c’est l’arrivée des troupes communistes : il est arrêté, détenu puis, après un jugement sommaire, expulsé de Chine affaibli et malade.

Le 27 novembre 1952, il rejoint son nouveau champ d’apostolat : la mission de Thakhek, au Laos. A Noël 1953, les troupes vietminh progressent dans la région et l’armée française contraint les missionnaires à s’évacuer vers Paksé, dans le sud du pays. Au retour, le 15 février 1954, ils tombent dans une embuscade des Viêt Minh. Avec son préfet apostolique, des confrères et une religieuse, le P. Malo fait face à des interrogatoires.

Le groupe est emmené à pied vers un camp de rééducation près de Vinh (Vietnam), à des cen-taines de kilomètres. Le P. Malo n’arrivera pas au bout de cette marche forcée. Il est malade et ne peut digérer le vieux riz qui sert d’unique nourriture quotidienne aux prisonniers. Ses gardiens lui refusent tout repos et tout soin : il meurt de faim et d’épuisement le 28 mars 1954 en offrant sa vie à Dieu. Il est mis en terre la nuit suivante sur le bord du fleuve Ngàn Sau, dans la province de Hà Tĩnh au Vietnam. Les chrétiens de cette région isolée, qui ont surpris l’enterrement, ont pieusement gardé sa tombe et son souvenir jusqu’à aujourd’hui.

Le P. Mario Borzaga, OMI (1932-1960)

Mario Borzaga est né à Trente le 27 août 1932. A 11 ans, il entre au Petit Séminaire diocésain, puis poursuit ses études au Grand Séminaire jusqu’à la 1e année de théologie. A 20 ans, il entre dans la Congrégation des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée. Le 21 novembre 1953, il fait ses premiers vœux à Ripalimosani (Campobasso), et reprend ses études de théologie au sco-lasticat oblat de San Giorgio Canavese (Turin). Durant quatre ans il se prépare, dans l’étude et la prière, pour la mission ad gentes, dont il rêve depuis longtemps. Le 21 novembre 1956, il fait son oblation perpétuelle. Quelques semaines plus tard il écrit : « Je m’approche de la prêtrise comme une mère qui attend de mettre au monde… Je veux former en moi une foi et un amour profonds, solides comme le granit ; sans cela je ne pourrais pas être martyr… »

Le 24 février 1957, Mario est ordonné prêtre ; sa messe de prémices est célébrée le dimanche 28 avril à la cathédrale de Trente, sa paroisse. Le 2 juillet, il reçoit son obédience pour le Laos. Le 31 octobre, il s’embarque à Naples avec le premier groupe de Missionnaires Oblats italiens destinés au Laos. A 25 ans, il est le plus jeune de l’expédition.

Après un mois de voyage, le voici à Paksane, où il débute son année d’apprentissage : étude de la langue, des coutumes laotiennes, etc. En stage à Keng Sadok, il s’efforce d’entrer le plus vite possible en contact avec des personnes à qui il peut annoncer la Bonne Nouvelle. Son Journal d’un homme heureux (publié en 1985-86 puis en 2005) et son abondante correspondance décri-vent le voyage intérieur à la découverte d’une mission difficile, rendue encore plus ardue à cause de la guérilla.

En décembre 1958 le P. Mario Borzaga est envoyé dans le village de Kiucatiam (Louang Pra-bang). Au service de la communauté chrétienne hmong, il s’efforce de former des catéchistes, de visiter les familles, et de soigner les malades qui affluent chaque jour à sa porte. Le dimanche 24 avril 1960 après la messe, des Hmong de Pha Xoua viennent à lui. Ils renouvellent la demande de visiter leur village, qui est à trois jours de marche par-delà la forêt et les pentes escarpées de la montagne.

Mario se prépare alors en hâte pour une tournée missionnaire de quinze jours, avant le début de la saison des pluies. Le 25 avril il se met en marche, accompagné de son jeune catéchiste Paul Thoj Xyooj. Ce sera un voyage sans retour. Les recherches entreprises après la disparition des deux voyageurs ne donneront aucun résultat.

Les témoignages recueillis depuis le début, mais surtout au cours des dernières années, confir-ment toutefois ce qui était depuis le début la certitude des Hmong : les deux apôtres ont été pris et éliminés par des éléments de la guérilla. À 27 ans, le P. Mario Borzaga avait rendez-vous avec son Créateur. N’avait-il pas écrit dans son journal : « Moi aussi, j’ai été choisi pour le martyre » ?

Le catéchiste Paul Thoj Xyooj (1941-1960)

Paul Thoj Xyooj est un jeune catéchiste laotien d’ethnie hmong. Né en 1941 à Kiukatiam (Louang Prabang), il sera baptisé à 16 ans, le 8 décembre 1957, par le P. Yves Bertrais, OMI. A Noël 1957, il est à l’école des catéchistes au Séminaire de Paksane, où il reçoit le nom lao de Khamsè ; mais au bout d’un an, il est de retour à Kiukatiam. En avril 1959, faute d’un catéchiste mieux formé, on l’envoie à Na Vang (Louang Namtha) avec le P. Luigi Sion.

Les témoignages décrivent Paul Xyooj comme un catéchiste zélé et utile. Son enseignement et son exemple de vie chrétienne sont à l’origine de nombreuses conversions. En décembre 1959, il est envoyé à la nouvelle école de catéchistes de Louang Prabang pour y poursuivre sa formation ; mais il est en crise et retourne bientôt dans son village natal. Les mois suivants, il est proche du P. Mario Borzaga, qui parle souvent de lui dans son Journal.

Lundi 25 avril 1960, le P. Mario Borzaga prend Paul Xyooj comme compagnon pour un voyage missionnaire ; ils n’en reviendront jamais. En fait, Xyooj doit faire face au sacrifice de sa vie en cherchant à sauver son missionnaire. Un témoin a rapporté ses dernières paroles : « Je ne pars pas, je reste avec lui ; si vous le tuez, tuez-moi aussi. Là où il sera mort, je serai mort, et là où il vivra, je vivrai. »

Les corps, jetés dans une fosse commune dans la forêt, n’ont jamais été retrouvés ; mais les témoignages permettent de situer la mort glorieuse de Paul Thoj Xyooj et du P. Mario Borzaga dans la région de Muong Met, sur la piste de Muong Kassy.

Le P. René Dubroux, MEP (1914-1959)

René Dubroux est né le 28 novembre 1914 à Haroué, dans le diocèse de Nancy en France. Le 8 janvier 1939 il est ordonné prêtre pour le diocèse de Saint-Dié, et nommé vicaire à la paroisse Saint-Pierre-Fourier de Chantraine. En 1940, lors de l’attaque allemande, il est infirmier militaire au front et s’illustre par sa bravoure.

Le 30 octobre 1943, René Dubroux est admis dans la Société des Missions Étrangères de Paris, et bientôt destiné à la Mission de Thakhek au Laos. Il ne pourra rejoindre sa mission qu’après deux années comme aumônier militaire en Indochine (1946-1948).

Au poste missionnaire de Namdik (1948-1957), il développe la vie chrétienne de ses fidèles par ses instructions et par la fréquentation assidue de l’eucharistie et de la pénitence. Sur le plan matériel, il s’efforce d’améliorer leur sort et leur apprend à exploiter la forêt et à exporter le bois. En 1957, il est chargé du district de Nongkhène près de Paksé. C’est un endroit dangereux, au contact immédiat avec la guérilla communiste naissante. Des menaces pèsent sur lui : la rébellion veut montrer que le missionnaire n’est qu’un fétu sur leur chemin, un obstacle dérisoire à leur volonté. Quant à lui, il a décidé de rester et de poursuivre sa mission.

Tard dans la soirée du 19 décembre 1959, le P. Dubroux est en conversation avec ses catéchistes dans la sacristie de la petite chapelle de Palay, qui lui sert de logement. Il est abattu presque à bout portant par ses ennemis. Il avait une haute idée de ses devoirs de pasteur ; il est mort par amour de ses fidèles, par fidélité à sa mission. Son souvenir est resté très vivant chez tous ses anciens paroissiens.

Le P. Louis Leroy, OMI (1923-1961)

Louis Leroy est né le 8 octobre 1923 à Ducey, dans le diocèse de Coutances en France. Orphelin de père, il travaille une dizaine d’années dans la ferme familiale. A 22 ans, il s’oriente vers la vie missionnaire chez les Missionnaires Oblats de Marie Immaculée. Après un temps de rattrapage scolaire à Pontmain, il suit avec courage les six années de philosophie et de théologie à Solignac. A l’un ou l’autre de ses compagnons il confie son espoir de mourir martyr.

Ordonné prêtre le 4 juillet 1954, il est envoyé à la Mission du Laos. Affecté dans des postes de montagne, il étudie patiemment les langues – lao, thaï-deng, kmhmu’ –, desservi par une surdité précoce. Ses résultats médiocres sont compensés par son infatigable dévouement au service des malades, par son amour des plus pauvres, par sa patience envers les pécheurs. Inlassablement, il visite les villages qui lui sont confiés, à des heures de marche autour de sa résidence de Ban Pha. A ses correspondantes carmélites, il confie ses joies et ses peines ; il souffre de la tiédeur et du manque de constance de certains chrétiens.

Devant l’arrivée des troupes communistes, obéissant aux consignes de Rome et de son évêque, il refuse avec opiniâtreté de quitter son poste. Le 18 avril 1961, un détachement vient le chercher. Demandant d’enfiler sa soutane, de prendre sa croix et son bréviaire, il suit les soldats. Dans la forêt voisine, il est sommairement abattu. Son rêve de jeunesse, témoigner du Christ jusqu’au martyre, était exaucé.

Le P. Michel Coquelet, OMI (1931-1961)

Michel Coquelet est né le 18 août 1931 à Wignehies, dans l’archidiocèse de Cambrai en France. Il grandira dans le diocèse d’Orléans, puis retourne dans son diocèse d’origine pour achever ses études au Petit Séminaire de Solesmes. En 1948, il est admis au noviciat des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée à La Brosse-Montceaux, puis au scolasticat de Solignac. De son service militaire aux confins du Sahara, il rapporte une véritable passion pour le soin des malades.

Ordonné prêtre le 19 février 1956, il est envoyé l’année suivante à la Mission du Laos. Ses quatre années d’apostolat furent une dure épreuve : dans la montagne, il fut affecté à des villages de néophytes dont la formation chrétienne laissait fort à désirer. Le journal de la mission montre sa souffrance de missionnaire, mais aussi son grand esprit de foi, teinté d’un humour qui était un des traits attachants de son caractère. Il se fit tout à tous, avec le souci d’aller vers les plus pauvres, de visiter les villages, de soigner les malades, et surtout d’annoncer l’Évangile…

Le 20 avril 1961, il est en tournée au service des malades. Les soldats de la rébellion lui tendent un guet-apens à Ban Sop Xieng. Il est tué au bord de la route. Son corps sera jeté dans le torrent, qui irrigue cette terre laotienne où il avait semé avec patience et amour la Parole de Dieu. Ses Kmhmu’ ne l’ont jamais oublié.

Le P. Vincent L’Hénoret, OMI (1921-1961)

Vincent L’Hénoret est né le 12 mars 1921 à Pont l’Abbé, dans le diocèse de Quimper en Bretagne (France). Il fait ses études secondaires, puis son noviciat, chez les Missionnaires Oblats de Marie Immaculée à Pontmain. Pour les études de philosophie et de théologie, il est à La Brosse-Montceaux, où il vit le drame du 24 juillet 1944 : l’exécution sommaire par les nazis de cinq Oblats. Ordonné prêtre le 7 juillet 1946, il se fait photographier devant le monument aux Oblats fusillés, où est gravée dans la pierre la phrase de Jésus : « Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Conformément à son souhait, il est envoyé à la Mission oblate du Laos, ruinée par la guerre.

Dans le secteur de Paksane, il est un pasteur attentif, qui sait se faire aimer de ses chrétiens de troisième génération. En 1957, il est envoyé semer l’Evangile dans les montagnes de Xieng Khouang. A Ban Ban, son apostolat est surtout auprès des réfugiés thaï-deng, qui avaient fui la persécution des Houa Phanh – apostolat ingrat, où il doit lutter contre le découragement. Le jour de l’Ascension au petit matin, 11 mai 1961, il circule à bicyclette pour assurer l’Eucharistie. Un poste de la guérilla communiste contrôle son laissez-passer, qui est en règle, puis l’abat d’une rafale dans le dos. Dans leur idéologie, la présence d’un missionnaire n’était pas tolérable.

Le P. Noël Tenaud, MEP (1904-1961)

Noël Tenaud est né le 11 novembre 1904 à Rocheservière, dans le diocèse de Luçon en Vendée (France). De 1924 à 1928, il est au Grand Séminaire diocésain, puis rejoint celui des Missions Etrangères de Paris. Ordonné prêtre le 29 juin 1931, il est envoyé à la « Mission du Laos », dont la partie principale est alors au Siam. Ses années comme curé à Kham Koem (Thaïlande) ont laissé un souvenir vivant.

La guerre franco-siamoise (1939-1940) l’amène au Laos proprement dit. A partir de 1944, il est curé de Pong Kiou (Khammouane) et rayonne dans toute la région. Son action, notamment au cours de divers épisodes belliqueux contre la tyrannie japonaise et la mainmise des troupes communistes, marque profondément les chrétientés de la minorité Sô. Il accepte aussi, dans les situations difficiles, des responsabilités de plus en plus lourdes dans l’organisation de la mission.

En 1959, le P. Tenaud accepte de quitter sa belle région pour l’arrière-pays de Savannakhet, où le travail de première évangélisation n’a pas encore commencé. Basé à Xépone, près de la fron-tière du Vietnam, avec son fidèle catéchiste Joseph Outhay, il prospecte les villages tout au long de la route qui monte de Savannakhet.

En avril 1961, les deux apôtres partent en tournée apostolique. On les avertit qu’une attaque nord-vietnamienne se prépare ; mais rien ne doit arrêter la Parole de Dieu. Le chemin du retour est coupé : ils sont pris au piège, arrêtés, interrogés et exécutés le 27 avril 1961 pour leur action missionnaire. Chez tous ceux qui l’ont connu, le souvenir du P. Noël Tenaud, de son œuvre missionnaire et du don suprême de sa vie, est resté très vivant.

Le catéchiste Joseph Outhay (1933-1961)

Joseph Outhay naquit vers Noël 1933, dixième enfant d’une famille catholique très pieuse de Kham Koem, dans le Lao Issan, aujourd’hui diocèse de Tharè-Nonseng en Thaïlande. Lors-qu’éclate au Siam la persécution de 1940, le jeune Outhay a sept ans. Sa paroisse puis l’ensemble de la province restent sans prêtre résident ; son père est catéchiste et prend le relais. À douze ans, la persécution finie, Outhay est envoyé pour 6 ans au petit séminaire de Ratchaburi. Il revient alors au village : sa mère et ses frères aînés sont tous morts ; il doit s’occuper de son père et de ses deux sœurs encore petites… Il se marie donc – il a 19 ans –, mais un an plus tard son épouse meurt en couches, suivie peu après de leur enfant.

Outhay vit là un signe : il partit pour Tharè, se mettant à la disposition de son évêque comme catéchiste diocésain. À l’invitation de son ancien curé, le P. Noël Tenaud, MEP, il suivra bientôt ce dernier vers la Mission de Thakhek au Laos. Homme expérimenté, mûri précocement par la vie, il fut à Pongkiu un catéchiste apprécié de tous, chargé de la formation de jeunes catéchistes débutants. Homme de confiance du P. Tenaud, il le suivra en 1960 vers les régions de la pro-vince de Savannakhet à défricher pour l’Evangile. Il partagera aussi son destin final, rendant comme lui l’ultime témoignage de foi le 27 avril 1961. De son vivant, Outhay était déjà considéré comme un catéchiste héroïque. Après sa mort, sa renommée n’a fait que monter, jusqu’à aujourd’hui. Son exemple est une inspiration pour tous.

Le P. Marcel Denis, MEP (1919-1962)

Marcel Denis est né le 7 août 1919 à Alençon, la ville de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, dans le diocèse de Séez en France. Il fréquente d’abord le petit et le grand séminaire de son diocèse ; en 1942, il est admis aux Missions Etrangères de Paris. Ordonné prêtre le 22 avril 1945, il part en 1946 pour la Mission du Laos.

Chargé d’abord des chrétientés de Dong Makba et alentours, dans la plaine, il y travaille avec difficulté à l’éducation des villageois. À partir de 1954, il est envoyé vers les zones intérieures du Khammouane. Il s’établit à Maha Prom et s’entoure de collaborateurs de valeur. Il met sa science, son cœur et sa foi, dans la patience et la persévérance, au service de la promotion humaine et spirituelle du peuple auquel il est envoyé. Peu à peu, il se tourne vers les villages de la montagne, qui ignorent tout de l’Evangile, et consacre beaucoup de temps et d’amour aux lépreux. Pèlerin infatigable, il parcourt une vaste région et ouvre le dialogue avec les populations rencontrées. Çà et là la bonne graine germe, ouvrant de grands espoirs de conversions.

En avril 1961, la guérilla communiste occupe en quelques semaines tout le territoire qui lui est dévolu. Il se dépense sans compter pour mettre collaborateurs et enfants à l’abri, mais décide de rester au milieu d’eux. Il est arrêté et emmené en détention vers un lointain village à la frontière du Vietnam. Au bout de trois mois, le 31 juillet 1961, il est emmené dans la forêt et exécuté. Sa mémoire est vénérée et son exemple continue d’inspirer de nombreux chrétiens laotiens.

Le P. Jean Wauthier, OMI (1926-1967)

Né le 22 mars 1926 à Fourmies, dans l’archidiocèse de Cambrai en France, Jean Wauthier grandit durant la Seconde Guerre mondiale comme réfugié dans le diocèse d’Agen. Il y est élève au Petit Séminaire de Bon-Encontre, et son souvenir y reste très vivant. En 1944, il rejoint à travers un pays en désordre le noviciat des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée à Pontmain. Au scolasticat de Solignac, alors en construction, les travaux manuels les plus pénibles ne le rebutent pas. Homme au physique robuste et au caractère trempé, il fait son service militaire en Afrique du Nord comme élève-officier parachutiste : un missionnaire bien préparé ! Ordonné prêtre le 17 février 1952, il rejoint en octobre la mission du Laos.

Jean Wauthier est mis sans tarder au service de la mission chez les plus pauvres, les Kmhmu’. Durant les années de guerre et de guérilla, il accompagne les gens de ses villages à travers leurs déplacements à la recherche d’un havre de paix. Pionnier lui-même, il se met à leur service à travers ses connaissances médicales, techniques, linguistiques et catéchétiques.

En 1961, il est sauvé in extremis en face d’un peloton d’exécution. Par prudence, ses supérieurs le rappellent comme éducateur au petit séminaire de Paksane, tâche dont il s’acquitte avec com-pétence et dévouement ; mais il n’aspire qu’à retrouver ses réfugiés dans la montagne, parmi lesquels la misère s’est installée : récoltes incertaines, attaques, mines le long des pistes, pénurie de médicaments, abus de toute sorte. C’est chose faite en octobre 1964.

Outre le soin des néophytes et des catéchumènes et le défrichage missionnaire, le P. Wauthier se consacre à répartir équitablement l’aide humanitaire. C’est là que se noue le drame, car même dans la pire misère il y a encore exploitants et exploités : il défend les pauvres Kmhmu’, sans pour autant les favoriser car il sait se mettre au service de tous. Il est désormais conscient que sa vie est menacée. Le 16 décembre 1967 dans la nuit, sous le couvert d’une attaque simulée de la guérilla, il est exécuté de trois coups de feu en pleine poitrine. Le lendemain, un des catéchistes écrit à ses parents : « Le P. Jean est mort parce qu’il nous aimait et n’a pas voulu nous abandonner. » Son amour des pauvres continue de rayonner au Laos.

Le P. Lucien Galan, MEP (1921-1968)

Lucien Galan est né le 9 décembre 1921 à Golinhac, dans le diocèse de Rodez en France. Il entre d’abord au Grand Séminaire de Rodez, mais est admis en 1946 aux Missions Etrangères de Paris. Ordonné prêtre le 29 juin 1948, il part en décembre pour la Mission de Xichang, au Sichuan (Chine).

Fin mars 1950, la région est « libérée » par les communistes. En novembre, au retour d’une tournée chez ses chrétiens, il est appréhendé et emprisonné, puis mis en résidence surveillée sous un régime de terreur. Il est finalement expulsé de Chine, arrivant à Hong Kong au terme d’un long périple en janvier 1952.

Après quelques semaines de repos, il est réaffecté à la Mission de Paksé au Laos. Vers 1953-1954, il prend contact avec les populations « kha », les minorités montagnardes méprisées du plateau des Bolovens. En 1956, il s’installe au milieu d’eux dans une petite maison-chapelle, d’où il rayonne sur les villages. Il les visite malgré la présence d’éléments rebelles qui se cachent dans ces montagnes. Il a soin aussi des Chinois de Paksé.

En février 1960, il prend la relève du Serviteur de Dieu René Dubroux, assassiné, dans la zone limitrophe entre forces laotiennes rivales. L’insécurité ne permet de visiter que très rarement les villages les plus lointains. Le 11 mai 1968, il part en remplacement d’un confrère pour Nong Mot et de Nong I-Ou, qui sont entrés en catéchuménat, avec deux jeunes élèves catéchistes. Il y assure la catéchèse et la messe. Dimanche 12, il reprend la route pour une célébration au Km-15 de Paksé. Mais l’ennemi a dressé une embuscade : la voiture est prise sous le feu d’armes lourdes. Le jeune Khampheuane est tué sur le coup, son ami blessé. Le P. Galan est achevé au poignard. Il meurt, victime de son devoir et de sa charité. Le souvenir de son esprit de service et d’abnégation reste très vivant jusqu’à aujourd’hui.

L’élève catéchiste Thomas Khampheuane Inthirath (1952-1968)

Thomas Khampheuane Inthirath est né en mai 1952 dans le village de Nong Sim (ethnie lavên) sur le plateau des Boloven, vicariat apostolique de Paksé. Son père avait succédé au grand-père maternel comme catéchiste du village, et avait connu la prison pour ce motif. Khampheuane était le fils chéri, longuement désiré et attendu ; mais cela n’a pas gâté sa nature pacifique et généreuse. Il était serviable et d’une grande simplicité. C’était aussi un cœur pur, et certains ont vu là un signe de sa vocation à la sainteté, au martyre.

A quinze ans, il est choisi par le P. Lucien Galan pour entrer à l’école des catéchistes à Paksong, qui assurait aux élèves une bonne formation générale, doctrinale et liturgique. Thomas était fier de ce choix. Le 11 mai 1968, le P. Galan passe là, en route pour les villages catéchumènes les plus lointains. Deux élèves, Khampheuane et son ami Khamdi, se portent volontaires pour l’accompagner. Ils étaient très conscients du danger, mais Khampheuane avait la volonté de servir l’Eglise. Au retour, la voiture fut prise en embuscade : il mourut à côté du P. Galan. Malgré la détresse de la famille, le papa confia à un missionnaire être fier que son fils ait accepté de donner sa vie pour sa foi. Sur le plateau, Thomas n’est pas oublié.

Le P. Joseph Boissel, OMI (1909-1969)

Joseph Boissel naît le 20 décembre 1909 dans une famille de petits fermiers bretons, au Loroux dans l’archidiocèse de Rennes (France). C’était un solide paysan, dur à la besogne. À 14 ans, orphelin de père, il entre au juniorat des Oblats de Marie Immaculée à Jersey, et poursuit avec eux sa vocation missionnaire. Ordonné prêtre le 4 juillet 1937, il reçoit l’année suivante sa feuille de route pour la jeune Mission du Laos.

Le P. Boissel appartient à la génération des pionniers oblats de cette mission, qui ont connu toutes les secousses des guerres successives. Il débute auprès des Hmong de la province de Xieng Khouang où l’évangélisation n’avait pas encore commencé. En mars 1945, il est prisonnier des Japonais à Vinh au Vietnam. Au retour, il retrouve la mission entièrement ruinée et se remet courageusement à l’œuvre, malgré une santé désormais ébranlée par les privations. En 1949 il est à Paksane dans la vallée du Mékong : il aide à construire et à gérer le petit séminaire, n’hésitant pas à cultiver lui-même la rizière. En 1952, il obtient de repartir dans les montagnes de Xieng Khouang. Il y poursuit l’évangélisation des Thaï Dam de Ban Na et entreprend celle des Khmhmu’ des villages environnants.

En novembre 1957, il est de retour pour de bon dans le district missionnaire de Paksane, curé de Nong Veng puis de Lak Si. Mais il aura de plus en plus la charge des villages des réfugiés, qui ont fui la guerre et le communisme de Xieng Khouang. Dans ces années-là, prendre la route est toujours risqué ; à partir de mars 1969, la pression de la guérilla s’accentue.

Le samedi 5 juillet 1969, le P. Boissel s’en va assurer le service à Hat I-Êt, à une vingtaine de kilomètres de Paksane, en compagnie de deux jeunes Oblates Missionnaires de Marie Immaculée qui l’aident pour les visites, les soins aux malades et la catéchèse. A la sortie d’un virage, le Viêt Minh le guette : deux rafales de mitrailleuse, le ‘gêneur’ est tué net, et les Oblates grièvement blessées. Cette mort sur la brèche, en pleine mission apostolique, a fortement impressionné tout le peuple de Dieu. Son souvenir y reste très vivant.

Le catéchiste Luc Sy (1938-1970)

Luc Sy est né en 1938 à Ban Pa Hôk, un village de la minorité kmhmu’ à quatre heures de marche dans la montagne au sud de Xieng Khouang au Laos. Le village fut baptisé le 28 octobre 1951 ; Sy reçut les noms de Luc et Marie. Elève timide mais franc et travailleur, il étudie de 1953 à 1957 à l’école des catéchistes, au Petit Séminaire de Paksane. En 1958, il est réclamé pour les écoles de l’État, mais continue à travailler en étroite collaboration avec le P. Jean Wauthier, qui sut lui faire partager son esprit apostolique.

En 1961, Luc Sy est enrôlé dans l’armée, où il sera caporal. Dans une vie d’errance à travers un pays en désordre, il reste bon chrétien. En 1967, blessé, il est démobilisé. Il est accueilli comme catéchiste à Nong Sim dans la Mission de Paksé. Il se marie avec une jeune veuve catholique, qui avait deux enfants ; le couple mettra au monde une fille. Mais la mort de Jean Wauthier réveilla chez Luc Sy le désir de servir les Kmhmu’, déplacés par la guerre, humiliés et brimés. En avril 1969, il rejoint le Centre pastoral de Hong Kha à Vientiane, où l’on formait les catéchistes kmhmu’ pour assurer le service pastoral et social, là où les prêtres n’avaient plus accès. Élève doué, mûri par la vie, assidu à la prière, ouvert aux plus délaissés, Luc Sy fut prêt dès Noël 1969 pour un envoi en mission. Il devint associé de l’Institut séculier Voluntas Dei.

Le 26 janvier 1970, il est envoyé par l’évêque en mission dans la région de Vang Vieng, vaste secteur peuplé de villages de réfugiés. En peu de temps, il y accomplit un travail remarquable, tant pour le développement que pour la catéchèse. Le 4 mars, rejoint par Louis-Marie Ling, diacre Voluntas Dei et futur évêque, il fait la retraite mensuelle. Ils partent le lendemain avec un compagnon à Dène Dine, pour une tournée auprès des catéchumènes. Le matin du 7 mars 1970, veille du dimanche Lætare, les trois apôtres, dénoncés, sont pris dans une embuscade ; seul Louis-Marie a la vie sauve. Dès le début, il y eut autour de Luc Sy une réelle aura de sainteté et de martyre : il fut et reste un exemple vivant pour les autres catéchistes. Les chrétiens kmhmu’ vénèrent sa mémoire.

Le responsable laïc Pho Inpèng (1934-1970)

Maisam, appelé plus tard ‘Pho Inpèng’ du nom de son fils selon la coutume, est né en 1934 dans la Province des Houa Phanh. Avec de nombreux autres Kmhmu’ de sa province, il est touché vers 1959 par la prédication de l’Évangile. Enrôlé dans l’Armée royale lors de l’attaque des troupes communistes en octobre 1960, il sera capitaine. Mais c’est un homme de paix. Dès que possible il quitte l’armée et se marie. Avec son épouse, il se réfugie à Houey Phong dans la région de Vang Vieng ; c’est là que le couple sera baptisé. Homme instruit, respecté et influent, il est bientôt choisi comme responsable laïc de la petite chrétienté, faite surtout de catéchumènes. En l’absence du missionnaire et du catéchiste, il dirige la prière et instruit les enfants.

Lors de la journée de retraite de Louis-Marie Ling et Luc Sy, le 4 mars 1970, Pho Inpèng est là pour les servir. Quand il apprend que les deux jeunes gens doivent se rendre dans un milieu hos-tile, pour visiter les catéchumènes et soigner les malades, il s’offre pour les accompagner et fait équipe avec eux. Au retour, c’est l’embuscade fatale. La balle qu’il reçoit en plein front était destinée à Louis-Marie Ling ; elle met fin à la brève carrière héroïque de ce chrétien laïc exemplaire.

Liste des 17 témoins de l’Eglise du Laos

(Les martyrs français sont en italiques.)


1. Joseph Thao Tiên, né le 5.12.1918 à Muang Sôi (Houa Phanh, Laos), prêtre diocésain taï-deng du vicariat de Thanh Hóa (Vietnam), mort le 2.6.1954 à Ban Talang (Houa Phanh), vicariat de Vientiane.

2. Jean-Baptiste Malo, MEP, né le 2.6.1899 à La Grigonnais (44), missionnaire en Chine puis au Laos, mort le 28.3.1954 à Yên Hội (Hà Tĩnh), diocèse de Vinh (Vietnam).

3. René Dubroux, MEP, né le 28.11.1914 à Haroué (54), prêtre diocésain de Saint-Dié puis missionnaire au Laos ; mort le 19.12.1959 à Palay, vicariat de Paksé.

4. Paul Thoj Xyooj, né en 1941 à Kiukatiam (Louang Prabang), catéchiste hmong, mort le 1.5.1960 à Muang Kasy, vicariat de Louang Prabang.

5. Mario Borzaga, OMI, né le 27.8.1932 à Trente (Italie), mort le 1.5.1960 à Muang Kasy, vicariat de Louang Prabang.

6. Louis Leroy, OMI, né le 8.10.1923 à Ducey (50), mort le 18.4.1961 à Ban Pha (Xieng Khouang), vicariat de Vientiane. 

7. Michel Coquelet, OMI, né le 18.8.1931 à Wignehies (59) et éduqué à Puiseaux (45), mort le 20.4.1961 à Sop Xieng (Xieng Khouang), vicariat de Vientiane. 

8. Joseph Outhay Phongphoumi, catéchiste veuf, né en 1933 à Khamkoem, diocèse de Tha-rè-Nongsèng (Thaïlande), mort le 27.4.1961 à Phalane, vicariat de Savannakhet.

9. Noël Tenaud, MEP, né le 11.11.1904 à Rocheservière (85), missionnaire en Thaïlande puis au Laos, mort le 27.4.1961 à Phalane, vicariat de Savannakhet.

10. Vincent L’Hénoret, OMI, né le 12.3.1921 à Pont l’Abbé (29), mort le 11.5.1961 à Ban Ban / Muang Kham (Xieng Khouang), vicariat de Vientiane. 

11. Marcel Denis, MEP, né le 7.8.1919 à Alençon (60), mort le 31.7.1961 à Kham Hè (Khammouane), vicariat de Savannakhet.

12. Jean Wauthier, OMI, né le 22.3.1926 à Fourmies (59), mort le 16.12.1967 à Ban Na (Xieng Khouang), vicariat de Vientiane. 

13. Thomas Khampheuane Inthirath, né en mai 1952 à Nong Sim (Champassak), élève caté-chiste lavên, mort le 12.5.1968 à Paksong (Champassak), vicariat de Paksé.

14. Lucien Galan, MEP, né le 9.12.1921 à Golinhac (12), missionnaire en Chine puis au Laos, mort le 12.5.1968 à Paksong (Champassak), vicariat de Paksé.

15. Joseph Boissel, OMI, né le 20.12.1909 au Loroux (35), mort le 5.7.1969 à Hat I-Et (Bo-likhamsay), vicariat de Vientiane.

16. Luc Sy, catéchiste kmhmu’ père de famille, né en 1938 à Ban Pa Hôk (Xieng Khouang), mort le 7.3.1970 à Dène Din (Province de Vientiane), vicariat de Vientiane.

17. Maisam Pho Inpèng, laïc kmhmu’ père de famille, né vers 1934 près de Sam Neua (Houaphan), mort le 7.3.1970 à Dène Din (Province de Vientiane), vicariat de Vientiane.


Importance du témoignage des Martyrs du Laos pour l’Église et la société au moment de leur mort

Dès avant sa mort, au moment de son emprisonnement, le P. Joseph Thao Tiên est apparu comme un véritable témoin de la foi chrétienne dans un milieu foncièrement hostile. Cette réputation lumineuse a commencé dans sa province d’origine, les Houa Phanh, et dans son propre groupe ethnique, les Thaï Deng ; mais après la confirmation de sa mort en 1955, elle s’est répandue très vite dans l’ensemble du pays et au Vietnam.

Le P. Tiên a servi de modèle à tous ceux qui se trouvaient confrontés aux mêmes choix que lui. Grâce à son exemple de fidélité héroïque au Christ et à sa propre vocation sacerdotale, de nom-breux prêtres laotiens et étrangers, et d’innombrables chrétiens laïcs, ont su à leur tour trouver le chemin de la constance intrépide au milieu des épreuves les plus dures, y compris en face d’une mort imminente. L’histoire de la Mission catholique au Laos ne connaît aucun missionnaire qui ait reculé devant le danger ; en grande majorité, les chrétiens ont préféré perdre toutes leurs possessions matérielles plutôt que de renoncer aux valeurs de l’Évangile.

Un vieux catéchiste, Jean Louk Khamsouk, qui avait été compagnon de Joseph Tiên dans l’évangélisation puis en prison, donne le témoignage suivant : « Dans la pensée de l’ensemble de la communauté chrétienne…, le P. Tiên est un saint et un héros… On lui a promis de le libérer s’il acceptait de se marier et de devenir un citoyen ordinaire. Mais lui a toujours refusé. Pour nous, c’est cela qui compte, c’est là le signe de sa sainteté… »

Pour la communauté chrétienne du Laos, et largement au-delà, le témoignage donné par les « compagnons » du P. Joseph Tiên a eu la même valeur exemplaire. Certains des Serviteurs de Dieu ont un rayonnement plus localisé, mais ils ont été d’emblée reconnus comme un groupe unique de témoins de la foi, de la justice et de la charité. Leur mort a été comme les mystères douloureux d’un chapelet que l’on égrène dans la souffrance, au long de 16 années de vie ecclé-siale, mais sans jamais perdre de vue les mystères de la Résurrection et de la Gloire. Toutes les composantes de l’Eglise au Laos ont lu dans la vie et dans la mort de ces prêtres et de ces laïcs la valeur incomparable de l’annonce de l’Evangile pour le progrès humain et social des plus pauvres, et pour que le salut en Jésus Christ puisse atteindre les personnes et leurs liens sociaux, jusqu’au plus profond de leur être.

La prise de pouvoir sur l’ensemble du pays par la faction communiste en 1975, et son maintien jusqu’à ce jour, ont été incapables d’effacer cela, de gommer le témoignage incomparable de ces témoins du Christ.

Les martyrs du Laos : historique de la Cause

1994 : Jean-Paul II, dans Tertio Millennio Adveniente, appelle à préserver la mémoire des martyrs du XXe siècle. Les évêques du Laos demandent aux Missions Etrangères de Paris (MEP) et aux Oblats de Marie Immaculée (OMI) de les aider à rechercher les documents nécessaires.

2000, 7 mai : dans le cadre du Grand Jubilé, commémoration des « Témoins de la foi au XXe siècle » ; ceux du Laos font partie de la longue liste.

2003, mai : les évêques du Laos approuvent une liste provisoire de 14 présumés martyrs ; ils demandent à la Congrégation des Missionnaires OMI de les représenter pour les démarches nécessaires en vue de la béatification.

2004, 26 juillet : le P. W. Steckling, supérieur général OMI, notifie à la Conférence épiscopale Laos-Cambodge que les Oblats acceptent de représenter les évêques pour cette cause. Le travail sera effectué par les Provinces de France (pour quinze martyrs) et d’Italie (pour deux martyrs).

2004, 27 décembre : la Conférence épiscopale Laos-Cambodge nomme un postulateur pour l’enquête diocésaine à coordonner en France.

2004-2008 : recherche de documents et de témoignages, d’abord en France, puis au Laos en coopération étroite entre les évêques et la postulation. 

2007, 2 juillet : Mgr Georges Soubrier, évêque de Nantes, accepte de diriger l’enquête diocésaine pour le P. Joseph Thao Tiên et ses 14 compagnons.

2007, 6 septembre : la Congrégation pour les Causes des Saints accorde la compétence à l’évêque de Nantes.

2008, 18 janvier : Le Saint-Siège accorde le nihil obstat à la cause. 

2008, 10 juin : Session publique d’ouverture de l’enquête diocésaine à Nantes.

2008, 7 juillet : Mgr G. Soubrier nomme la Commission historique.

2008, 29 juillet : la Congrégation pour les Causes des Saints accorde une procédure simplifiée pour l’audition des témoins dans les vicariats du Laos

2009, 31 juillet : fin des travaux de la Commission historique de Nantes.

2009, 28 décembre : publication des actes de l’enquête diocésaine.

2010, janvier-février : à la demande du Promoteur de la Foi et du Postulateur, supplément d’enquête pour répondre aux difficultés soulevées par la Commission historique de Nantes.

2010, 27 février : session publique de clôture de l’enquête à Nantes ; transfert des actes à Rome.

2010, 20 septembre : ouverture des sceaux.

2011, 20 octobre : décret de validité pour la cause du P. Joseph Thao Tiên et ses compagnons.

2012, mars : nomination du Rapporteur, R. P. Zdzisław Kijas, o.f.m. conv.

2012, 13 octobre : la Congrégation pour les Causes des Saints notifie son accord de principe pour que les causes du P. Joseph Thao Tiên (Nantes, 15 martyrs) et du P. Mario Borzaga (Trente, 2 martyrs) soient coordonnées, puis étudiées conjointement.

2014, 21 février : le P. Thomas Klosterkamp, OMI, Postulateur général OMI, est en charge de la cause. 

2014, juillet : la Positio est imprimée et envoyée aux consulteurs théologiens.

2014, 27 novembre : le Congresso des experts théologiens examine la Positio. Un volume de 230 pages contenant leurs observations, objections et questions est remis à la Postulation.

2015, 3 février : la Postulation remet ses réponses (124 pages) à la Congrégation pour les Causes des Saints, pour envoi aux experts théologiens.

2015, 5 mai : le Congresso des cardinaux et évêques de la Congrégation pour les Causes des Saints approuve définitivement la déclaration de martyre de Mario Borzaga et Paul Thoj Xyooj. Le même jour, le pape François signe le décret autorisant la publication de cette décision.

2015, 2 juin : le Congresso des cardinaux et évêques de la Congrégation pour les Causes des Saints approuve définitivement la déclaration de martyre de Joseph Thao Tiên et de ses 14 compagnons.

2015, 5 juin : signature par le pape François des décrets relatifs au P. Joseph Thao Tiên et ses 14 compagnons.


(eda/ra)

EGLISES D'ASIE – LAOS

La béatification de 17 martyrs du Laos célébrée à Vientiane augure d’un avenir renouvelé pour l’Eglise locale

Publié le 12/12/2016


Dimanche 11 décembre, 3ème dimanche de l’Avent, il n’y a eu qu’une seule et unique messe célébrée dans tout le Laos. Les quatre évêques et les 21 prêtres que compte cette petite Eglise catholique étaient tous regroupés à Vientiane, où, dans l’église du Sacré-Cœur, l’unique lieu de culte catholique de la … capitale, ils ont célébré, en présence de près de 6 000 fidèles et d’une dizaine de prélats étrangers, la béatification de 17 martyrs de l’Eglise du Laos.

Au cours d’une cérémonie longue de trois heures, de jeunes Laotiens ont retracé par des mises en scène stylisées la vie, le parcours et le martyre des 17 prêtres et laïcs laotiens et missionnaires étrangers proclamés « bienheureux »par l’Eglise. Ouverte en 2004, promulguée en juin 2015 par le pape François, la cause de ces martyrs est particulière en ceci que, assassinés, exécutés ou morts d’épuisement entre 1954 et 1970, ces derniers ont trouvé la mort dans le contexte de la décolonisation et des luttes pour l’indépendance nationale, luttes menées notamment par le Pathet Lao communiste, dont les héritiers directs sont toujours au pouvoir à Vientiane, au sein du Parti révolutionnaire populaire lao.

Dix missionnaires français parmi les dix-sept martyrs béatifiés

Ce 11 décembre, les 400 places de l’église du Sacré-Cœur étaient bien insuffisantes pour contenir la foule des fidèles venus assister à la cérémonie. L’assemblée résonnait des langues utilisées par la petite communauté catholique du Laos, une communauté d’à peine plus de 50 000 fidèles (0,7 % de la population totale) : le laotien, mais aussi le kmhmu’, le hmong ou bien encore le vietnamien. Tout l’espace à l’entour de l’église était occupé par les fidèles, jusque dans les rues avoisinantes où de vastes toiles de tente avaient été déployées pour permettre à cette foule de se recueillir à l’abri du soleil, resplendissant ce matin-là.

Le pape François avait délégué le cardinal philippin Orlando Quevedo pour être son représentant à la cérémonie. Missionnaire Oblat de Marie Immaculée (OMI), le cardinal Quevedo a mis en relief dans son homélie le message du pape au sujet de la fidélité de ces « témoins héroïques du Seigneur Jésus Christ et de son Evangile de paix, de justice et de réconciliation, au prix de leur vie ». Autour de lui avaient pris place les quatre vicaires apostoliques du Laos (Luang Prabang, Paksé, Savannakhet, Vientiane) ainsi que onze évêques venus des pays voisins, Cambodge, Thaïlande et Vietnam. Les supérieurs généraux des Missions Etrangères de Paris (MEP) et des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée (OMI) étaient à leurs côtés – sur les 17 martyrs, cinq sont des Pères des MEP et six des OMI (au total dix Français et un Italien) (1).

Éloge de l’action de l’Eglise par un haut responsable gouvernemental

Les évêques du Laos tenaient à ce que la béatification de ces 17 martyrs se fasse chez eux. Pourtant, jusqu’au dernier moment, il n’était pas certain que les autorités du pays ne reviennent pas sur l’autorisation donnée par elles à ce que cette messe du 11 décembre ait bien lieu à Vientiane. Dans bien des régions du pays, notamment dans les régions montagneuses et les localités éloignées des grands centres urbains, toute activité religieuse chrétienne reste encore interdite ; dans les deux vicariats du Nord, le manque de prêtres est préoccupant. Mais, selon les propres termes des évêques du pays, l’Eglise du Laos est « encore une jeune plante bien fragile ; elle a besoin de trouver des ‘tuteurs’, des appuis surnaturels solides » ; ils ont mis en avant le fait que tout comme l’Eglise de Rome est fondée sur le témoignage de Pierre et Paul et de nombreux martyrs, l’Eglise du Laos voyait dans ses propres martyrs un fondement solide pour sa croissance et sa vie quotidienne.

A priori, le pari n’était pas gagné d’avance, étant donné la susceptibilité habituelle des autorités communistes envers tout ce qui touche aux religions, et plus particulièrement au christianisme, perçu comme une religion soutenue depuis l’étranger. Le bon déroulement de la cérémonie de béatification, marquée selon les témoins par une atmosphère de paix, de joie et de recueillement, a toutefois montré que leur pari était réussi. A la fin de la célébration et « au grand étonnement de l’assemblée », ainsi que le rapporte le P. Roland Jacques, OMI et vice-postulateur de la cause des 17 martyrs, le directeur adjoint du Front Lao pour l’édification de la nation, organisme d’Etat placé sous la direction du Parti et du ministère de l’Intérieur qui chapeaute les religions, a fait longuement l’éloge de la doctrine et de l’action de l’Eglise catholique au Laos. Le responsable politique est allé jusqu’à développer les termes mis en avant par le pape François, disant tout ce que la nation attendait de cette Eglise pour le bien commun.

Vers des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le Laos ?

Comme en réponse, le nonce apostolique, le Sud-Coréen Paul Tschang In-nam, qui réside à Bangkok et n’est accrédité à Vientiane qu’en qualité de délégué apostolique, n’a pas hésité à saisir la main tendue : il fit à son tour des vœux pour que l’harmonie et la collaboration se développent, de sorte « que tout le peuple du Laos puisse se développer dans l’unité malgré les différences religieuses » ; au nom du Saint Père, il a espéré que des relations diplomatiques pleines et entières puissent être prochainement établies entre le Saint-Siège et le Laos.

Dans ce contexte, la présence dans l’assemblée de membres des familles et de proches des martyrs a été remarquée. Une présence d’autant plus notable que les autorités laotiennes avaient fait comprendre à l’Eglise locale qu’elles ne tenaient pas à une venue massive d’étrangers sur place pour la cérémonie. Quelques-uns venaient du Laos, tel Mgr Tito Banchong, administrateur apostolique de Luang Prabang et neveu du catéchiste Paul Thoj Xyooj (1941-1960), ou Mgr Louis-Marie Ling, vicaire apostolique de Paksé et seul survivant de l’embuscade qui coûta la vie à son cousin le catéchiste Luc Sy (1937-1970). D’autres venaient de France, tel le P. Yvon L’Hénoret, OMI, cousin du P. Vincent L’Hénoret (1921-1961), OMI et missionnaire au Laos comme lui, ou bien les nièces des PP. Noël Tenaud (1904-1961) et Marcel Denis (1919-1962), tous deux MEP.

Présent à Vientiane ce 11 décembre, le vice-postulateur de la cause des 17 martyrs, le P. Roland Jacques, OMI, dresse en ces termes le bilan de cette journée qu’il qualifie de « mémorable » : « Voici une Eglise humble et toute petite qui ose affirmer publiquement son existence, sa fierté, et son immense respect pour ceux qui, au siècle dernier, ont irrigué de leur sang les graines d’Evangile plantées dans le sol laotien. Voilà une Eglise qui ne se cachera plus, et qui trouvera chaque jour davantage sa place et son rôle au sein de la nation [laotienne] et de la chrétienté tout entière. »

(eda/ra)


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Blessed Joseph Boissel


Profile

Member of the Missionary Oblates of Mary ImmaculatePriest. Missionary to Laos where he won the admiration of the locals by hard work and care for the sickMartyr.

Born
  • shot on 5 July 1969 on the road near Hat I-Et, Bolikhamxay, Laos

Blessed Joseph Boissel Biography

Blessed Joseph Boissel, conceived December 20, 1909, in the walks of Brittany (France), in the villa of La Tiolais, outside the town of Loroux. He touched base in Laos in 1938.

In March 1945, the Japanese hit Laos. On June 1, Joseph Boissel was caught with his partner Father Vincent Le Calvez, and the Apostolic Prefect, Mons. Jean Mazoyer, OMI. Every one of the three were taken to Vinh, Vietnam, where they were held among an unfriendly populace. Back in Laos in 1946, Joseph again discovered his Tran Ninh and contact with the Hmong.

On Saturday, July 5, 1969, he chose to go to Hat I-Êt, a town of Kmhmu’ exiles a decent 20 kilometers from Paksane, going up along the River Nam San. In view of the absence of security, that year he was unfit to go there for service for a while. The catechist André Van was there and he had to realize that he was upheld.

Setting out around four toward the evening, he took two youthful Laotian Oblate Missionaries with him; not surprisingly, they were to assist him with the visits, the consideration of the wiped out and the religious administration.

Account of Capture

Told by one of the two passengers who survived. A few kilometers before landing at the town, at a twist in the street, I heard a burst of gunfire went for us. The tires extinguished and I was hit in the hand. I saw a warning moving in the backwoods flanking our course. A moment burst of gunfire and Thérèse was hit in the head; since I am littler, the shots did not hit me. The terminating originated from the left, on the driver’s side.

Father Boissel was hit in the head – close to the mouth and in the skull. The jeep went into a jettison, transformed over on us and burst into flames. Father’s glasses were broken; he passed on the detected His huge eyes were open. Each of the three of us were totally secured with blood.

Death

Father Boissel was dead; Thérèse was oblivious. I was in an immense trance. not moving. like dead. Yet, I saw three youthful Vietnamese fighters circumventing the vehicle multiple times. He stated: “We should slaughter them!” – “How about we consume the vehicle and its inhabitants!” They moved away and tossed an explosive at the vehicle. The projectile detonated – it was the blasts that caused our wounds. I stated, “O Lord!” however cover of dimness came over me

I don’t have the foggiest idea to what extent we remained like that in the vehicle. Be that as it may, Thérèse came to first. She pushed me to get out. The projectile had stunned us. It was hard for us to impart, to comprehend each other. Both of us implored the Lord: “In the event that regardless you need us. send somebody to support us.” We rested along the street. I put my hand on Thérèse’s heart and she put hers on my heart: joined in torment.

Gracious, we needed to hold up quite a while, from 4:30 until about 9:30. At last a few people touched base to lift us up. Father’s body had been singed to the point that his face was absolutely unrecognizable. Thérèse, hit in the head, remained rationally debilitated because of the assault. She truly has no satisfaction in living.

Beato Giuseppe Boissel Sacerdote e martire



Le Loroux, Francia, 20 dicembre 1909 - Hat I-Et, Laos, 5 luglio 1969

Padre Joseph Boissel, nato in una famiglia di contadini bretoni, entrò nello iuniorato dei Missionari Oblati di Maria Immacolata dopo essere rimasto, a quattordici anni, orfano di padre. Maturò la vocazione missionaria e, ordinato sacerdote il 4 luglio 1937, ricevette l’obbedienza per il Laos. Fu tra i pionieri in quella missione, cominciando dalle popolazioni di etnia hmong, che risiedevano nella provincia montana di Xieng Khouang. Nel marzo 1945 cadde prigioniero dei giapponesi in Vietnam, ma, una volta liberato, trovò la missione in rovina. Nonostante la salute danneggiata dalle privazioni, si mise all’opera per la costruzione e la gestione, nel 1949, del Seminario minore di Paksane. Nel 1952 partì nuovamente per le montagne, ma nel novembre 1957 rientrò al distretto di Paksane, per occuparsi anche dei villaggi dove si erano nascosti i rifugiati per scampare alla guerriglia crescente. Sabato 5 luglio 1969, mentre, in compagnia di due consacrate laiche Oblate Missionarie di Maria Immacolata, si dirigeva a Hat I-Êt per le funzioni religiose domenicali, fu attaccato dai guerriglieri e ucciso con due scariche di mitragliatrice, mentre le due Oblate rimasero gravemente ferite da una granata. È stato beatificato l’11 dicembre 2016 a Vientiane, nel Laos, insieme ad altri sedici tra sacerdoti e laici.

Vocazione e formazione

Joseph Boissel nacque il 20 dicembre 1909 a Le Loroux in Bretagna, da una famiglia di poveri contadini. Fu battezzato lo stesso giorno nella parrocchiale del suo paese, appartenente alla diocesi di Rennes.

Rimasto orfano di padre a quattordici anni, frequentò gli studi secondari nello iuniorato dei Missionari Oblati di Maria Immacolata a Jersey, nel Regno Unito. Passò quindi al noviziato nell’isola di Berder, nel dipartimento francese del Morbihan: il maestro dei novizi lo giudicò «soggetto molto ordinario, poco intelligente».

Grazie alle sue altre qualità, poté proseguire la formazione nello scolasticato: a Liegi in Belgio seguì il corso di Filosofia, mentre compì gli studi teologici a La Brosse-Montceaux, di nuovo in Francia.

In comunità aveva due incarichi specifici: faceva da parrucchiere e riproduceva gli spartiti di canzoni o canti religiosi per i confratelli. Il parere dei superiori, intanto, era più sfumato rispetto a quello del noviziato, ma sostanzialmente positivo: apprezzavano soprattutto l’attaccamento alla vocazione e il fatto che non avesse paura del sacrificio.

Così Joseph fu ammesso ai voti definitivi: compì l’oblazione perpetua all’ospedale di Montereau il 29 settembre 1935. Il 4 luglio 1937 fu ordinato sacerdote e, il 26 maggio 1938, ricevette con altri tre compagni l’ “obbedienza”, ossia l’invio in missione. Contrariamente all’uso generale degli Oblati, non volle chiedere al Superiore generale di essere mandato in un luogo specifico.

Missionario in Laos

Fu quindi inviato in Laos, tra i primissimi Missionari Oblati a operare in quella terra dell’Estremo Oriente. Arrivò nell’ottobre 1938 e venne destinato alla stazione missionaria di Nong Ét, nella provincia di Xieng Khouang, detta all’epoca Tran Ninh: era una zona alla frontiera col Vietnam, dove l’evangelizzazione cominciava a fatica.

A causa della guerra, dovette abbandonare quella località, ma presto poté tornare in missione. Pur senza ottenere conversioni rilevanti, suscitò una notevole simpatia, specie tra le popolazioni di etnia hmong.

Prigioniero in Vietnam, poi di nuovo in missione

Nel marzo 1945, l’esercito giapponese marciò sul Laos. Il 1° giugno seguente, padre Joseph venne fatto prigioniero insieme al confratello Vincent Le Calvez e al Prefetto apostolico, anche lui Missionario Oblato di Maria Immacolata, monsignor Jean Mazoyer. Tutti e tre furono condotti a Vinh, in Vietnam, ma poterono tornare in Laos nel 1946.

La missione di Nong Ét era devastata e ben presto, a causa della persistente situazione d’insicurezza, divenne inaccessibile. Padre Joseph scrisse: «È tempo d’installarsi definitivamente; non so al momento dove vado a stabilirmi; il primo lavoro sarà scegliere un terreno, poi farmi legnaiolo, carpentiere e tutto il resto».

Le condizioni materiali, in effetti, erano parecchio precarie. Il missionario stesso coltivava personalmente il riso, per avere da mangiare. Così si rivolse a monsignor Mazoyer, all’epoca in Europa: «Tra una decina di giorni sarete ai piedi del Santo Padre: che cosa penserà del Laos? Povero Laos, povera Indocina; nulla sembra sistemarsi, la follia regna sempre e dovunque. Restiamo legati a Dio e poniamo fiducia in Lui. Sa Lui ciò di cui abbiamo bisogno».

Nel 1948 prese un anno di riposo, perché la sua salute era compromessa, e rimase presso la sua famiglia. Tornato in Laos, si dedicò alla formazione dei catecumeni prima, dei neofiti poi nei villaggi delle popolazioni kmhmu’, nei dintorni di Ban Pha, dove aveva la sua residenza. Tuttavia, gli abitanti sembravano estranei a ogni tentativo di conversione. 

Un pellegrinaggio in Europa

Nel novembre 1957 lasciò quindi il villaggio nelle mani del confratello padre Louis Leroy e si prese un nuovo periodo di riposo. Dato che, dei suoi parenti prossimi, era rimasta in vita solo sua sorella Victorine, padre Joseph intraprese un progetto cui teneva molto. 

In compagnia del parroco del suo villaggio, l’abbé Louaisil, partì per un pellegrinaggio in varie località d’Europa: viaggiavano in automobile, ma dormivano perlopiù in tenda. Toccarono Solignac, sede del nuovo scolasticato degli Oblati, Lourdes e Ars, ma i superiori di padre Joseph gl’impedirono seccamente di andare fino a Fatima e anche di visitare i santuari belgi, più vicini. L’ultima tappa fu Roma.

Nel distretto di Paksane

Rientrato dal pellegrinaggio, il missionario fu assegnato al distretto di Paksane. Inizialmente ebbe l’incarico del villaggio agricolo di Nong Veng; in seguito, a partire dal 1963, si stabilì a Ban Na Chik, a quattro chilometri da Paksane. Sostituì quindi padre Henri Delcros nell’opera di riorganizzazione dei cristiani kmhmu’, rifugiati dalla regione di Xieng Khouang.

Costantemente sotto le minacce della guerriglia, cercava comunque di donare speranza. «Il più delle volte», scrisse, «arrivo con le mani vuote e soffro per quegli occhi lucidi che si accostano a me, che attendono qualche conforto materiale che non posso arrecare loro… Schiacciati da tali miserie, ci resta la morte nell’anima, rattristati per la propria impotenza». Un giorno, mentre i combattimenti erano giunti in prossimità del suo villaggio, scappò a cavallo: in una mano teneva le briglie, nell’altra il ciborio con la riserva eucaristica.

Gli anni difficili vissuti in missione, nella boscaglia e nei villaggi di montagna, avevano indurito alcuni tratti del suo carattere, ma non rovinarono le sue buone qualità: era di gran cuore, fedele alla preghiera, piacevole nelle conversazioni e nella vita comune; lo testimoniarono sia i confratelli sia i testimoni laotiani.

L’ultimo viaggio

Ogni sabato, padre Joseph si recava verso la fine del giorno in un villaggio e ripartiva l’indomani a mezzogiorno, per assicurare le funzioni religiose domenicali. Sabato 5 luglio 1969 decise di andare a Hat I-Et, villaggio di rifugiati kmhmu’ a circa venti chilometri da Paksane, lungo il fiume Nam San. A causa della situazione rischiosa, quell’anno non aveva potuto prestare il suo minister lì per qualche mese. Il catechista André Van, che si occupava dell’istruzione religiosa, aveva bisogno di sentirsi appoggiato.

Partì verso le 4 del pomeriggio, prendendo con sé due giovani laiche consacrate delle Oblate Missionarie di Maria Immacolata: come di consueto, avrebbero dovuto aiutarlo per le visite, le cure ai malati e il servizio religioso. La nipotina di una di loro, di dieci anni, salì di nascosto sulla jeep, ma padre Joseph se ne accorse: «Non devi venire con noi», la rimproverò, ordinandole di scendere. «Io, sacerdote, e le due Oblate abbiamo donato la nostra vita al Signore. Morire, per noi, non importa nulla, la nostra vita è offerta al Signore. Ma tu non devi venire con noi!».

Per tutto il viaggio espresse lo stesso concetto: «Non dobbiamo aver paura di morire. Noi abbiamo già donato tutta la nostra vita al Signore. Non siamo in sicurezza viaggiando come facciamo noi; non è prudente… c’è sempre pericolo». Le due passeggere ascoltarono tutto senza replicare.

Due o tre chilometri prima di arrivare a destinazione, una delle due Oblate sentì una scarica di proiettili d’arma da fuoco diretta verso di loro. Gli pneumatici del fuoristrada vennero bucati, mentre la consacrata rimase ferita alla mano. Dopo aver visto una bandiera rossa sventolare nella foresta sul ciglio della strada, sentì un’altra scarica: Thérèse, la sua compagna di viaggio, era stata colpita alla testa, come anche padre Joseph. Mentre la vettura si capovolgeva e prendeva fuoco, la consacrata si rese conto che il missionario era morto sul colpo.

Poco dopo, tre guerriglieri uscirono allo scoperto e girarono tre volte attorno alla vettura; infine, allontanandosi, gettarono una granata. L’esplosione rese momentaneamente sorde le due Oblate, che si trascinarono fuori e attesero, sdraiate sul ciglio della strada, i soccorsi. Thérèse aveva avuto seri danni cerebrali, ma era ancora viva, mentre l’altra riferì tutto l’accaduto. Quanto al cadavere di padre Joseph, era talmente bruciato da essere quasi irriconoscibile.

La causa di beatificazione

La consacrata che raccontò l’imboscata affermò che, a suo parere, si sapeva che il missionario andava tutti i sabati nei villaggi: l’aggressione aveva quindi tutti i caratteri di una manifestazione d’odio contro gli stranieri, i sacerdoti e la religione cattolica.

Per questo motivo, padre Joseph Boissel è stato inserito, come il già menzionato padre Louis Leroy, in un elenco di quindici tra sacerdoti, diocesani e missionari, e laici, uccisi tra Laos e Vietnam negli anni 1954-1970 e capeggiati dal sacerdote laotiano Joseph Thao Tiên. 

La fase diocesana del loro processo di beatificazione, ottenuto il nulla osta dalla Santa Sede il 18 gennaio 2008, si è svolta a Nantes (di cui era originario un altro dei potenziali martiri, padre Jean-Baptiste Malo) dal 10 giugno 2008 al 27 febbraio 2010, supportata da una commissione storica.

A partire dalla fase romana, ovvero dal 13 ottobre 2012, la Congregazione delle Cause dei Santi ha concesso che la loro “Positio super martyrio”, consegnata nel 2014, venisse coordinata, poi studiata, congiuntamente a quella di padre Mario Borzaga, suo confratello dei Missionari Oblati di Maria Immacolata, e del catechista Paul Thoj Xyooj (la cui fase diocesana si era svolta a Trento).

L’accertamento del martirio e la beatificazione


Il 27 novembre 2014 la riunione dei consultori teologi si è quindi pronunciata favorevolmente circa il martirio di tutti e diciassette. Questo parere positivo è stato confermato il 2 giugno 2015 dal congresso dei cardinali e vescovi della Congregazione delle Cause dei Santi, ma solo per Joseph Thao Tiên e i suoi quattordici compagni: padre Borzaga e il catechista, infatti, avevano già ottenuto la promulgazione del decreto sul martirio il 5 maggio 2015. Esattamente un mese dopo, il 5 giugno, papa Francesco autorizzava anche quello per gli altri quindici.


La beatificazione congiunta dei diciassette martiri, dopo accaniti dibattiti, è stata infine fissata a domenica 11 dicembre 2016 a Vientiane, nel Laos. A presiederla, come inviato del Santo Padre, il cardinal Orlando Quevedo, arcivescovo di Cotabato nelle Filippine e Missionario Oblato di Maria Immacolata. La memoria liturgica di tutto il gruppo cade il 16 dicembre, anniversario del martirio di un altro Missionario Oblato di Maria Immacolata, padre Jean Wauthier.


Autore: Emilia Flocchini