Croire dans la Trinité, Dieu un, vrai et bon
Jean-Michel
Castaing | 14 juin 2019
Dieu est à la fois un,
vrai et bon. Les croyants sont unanimes à Lui reconnaître ces trois attributs.
Or comme le Dieu des chrétiens est Trinité, ces trois caractéristiques
peuvent-elles nous éclairer au sujet du mystère du Dieu unique en trois
personnes ?
La théologie a toujours
pensé à approprier chacun de ces attributs majeurs : l’Un, le Vrai et le Bon, à
une personne particulière de la Trinité. Cela n’est pas contradictoire avec
l’égalité du Père, du Fils et de l’Esprit saint. D’autant plus que la convertibilité
de ces trois qualités les unes dans les autres, c’est-à-dire l’impossibilité de
penser l’une sans les deux autres, reste un excellent moyen de saisir l’unité
du Dieu trinitaire. Aucune des trois personnes divines n’est en effet pensable
sans les deux autres.
L’Un et le Vrai
Sur quel fondement
s’appuie cette appropriation ? La qualité de l’Un est référée au Père parce
qu’il est la source de l’unité de la Trinité, son principe sans principe
(antérieur à lui). En tant qu’origine de la Trinité, le Père est
essentiellement Un. Le Père est également cause première du monde. Ainsi, c’est
par lui que le monde est un, de la même manière que l’espèce humaine est une.
La fraternité universelle a son fondement dans L’Un approprié au Père.
Le Vrai est référé au
Fils parce que le Vrai est l’expression de l’Être, ce que celui-ci dit de
lui-même. Or le Fils est le Verbe de Dieu, son expression. De plus, il est le
modèle de la Création : à ce titre aussi il est le Vrai. Le Vrai est l’être en
tant que connaissable : nous connaissons Dieu par le Fils, surtout depuis son Incarnation.
Le Vrai est toujours l’image parfaite de l’être, comme le Fils est l’image
parfaite du Père. Le Père étant cause première du monde, le Fils en est la
cause exemplaire, à savoir ce qui sert de modèle à la Création. À ce titre,
nous sommes appelés à reproduire les traits du Fils unique, appelés à la
filiation divine, à devenir fils de Dieu.
Le Bien, don de Dieu
Enfin le Bien est référé
à l’Esprit saint. Le Bien, c’est l’être en tant qu’il se communique. Or
l’Esprit est suprêmement Dieu en tant qu’il est donné. Il est le Don de Dieu.
En lui, être divin et grâce, divinité et don, coïncident. L’Esprit, procédant
du Père et du Fils, est le Don que chacune des deux premières Personnes de la
Trinité fait à l’autre. Il est leur échange d’amour, leur communion éternelle.
L’Esprit saint constitue
également le fruit de l’amour du Père et du Fils, la fécondité, faite Personne
divine, de cet amour divin. À ce titre il représente l’excès de Dieu, sa
surabondance. L’Esprit, c’est Dieu qui sort à l’extérieur de Lui-même pour se
donner au monde puisque « Dieu est amour » (1
Jn 4,8). L ’Amour étant don, l’Esprit représente la personnification
de ce don. L’Esprit est Dieu en tant qu’il se communique aussi bien à
l’intérieur de la Trinité qu’à l’« extérieur » d’elle, à la Création.
L’Esprit porte la touche
finale à la Création
L’Esprit constitue ainsi
la cause finale du monde, ce en vue de quoi Dieu a « lancé » la Création. Il la
parachève en effet en sainteté et en beauté. En Lui, le monde sera transfiguré
quand il passera en Dieu à la fin des temps.
L’économie du salut
souligne la causalité finale appropriée à l’Esprit parce que sa mission à
l’égard des croyants arrive après celle de Jésus : il leur est donné après que
celui-ci est remonté au ciel. Pour saint Thomas d’Aquin, la raison des missions
des personnes divines découle de l’ordre de leur procession au sein de la
Trinité éternelle. L’Esprit, occupant la troisième place dans l’ordre
trinitaire éternel, et, de plus, étant la seule Personne divine à procéder des
deux autres, il lui incombe de « terminer le travail » de Création en
la parachevant, en la transfigurant.
La Création, une œuvre de
la Trinité
Si les trois personnes
divines sont unes quant à la nature divine comme sur le plan de leurs
actions ad extra, c’est-à-dire touchant les réalités créées, existe-t-il
néanmoins une « division du travail » entre elles pour ce qui touche
la création du monde ? Avant de répondre à cette question, il n’est pas
inutile de rappeler qu’en Dieu, toutes les opérations ad extra sont
indivisiblement opérations des trois personnes. C’est le Dieu-Trinité tout
entier qui crée le monde : Père, Fils et Esprit sont tous les Trois engagés
dans cette opération. La tradition cependant approprie certains aspects de la
Création à une personne divine en particulier. C’est ainsi que la Création est
issue du Père par efficience, du Fils par Sagesse, et de l’Esprit par
sanctification.
Au Père est dévolue
l’éternité et l’unité de la divinité. Le Fils en manifeste la beauté et le
resplendissement. À l’Esprit sont attribués l’harmonie et le Bien divins.
Ainsi, dans la Création, la puissance qui s’y manifeste est référée au Père, la
Sagesse au Fils, et la bonté, la sanctification dynamique (la Création étant un
chemin de sanctification pour les hommes, ainsi que de pardon) à l’Esprit.
Ainsi, les trois
attributs divins de l’unité, de vérité et de bonté peuvent nous éclairer au
sujet du mystère trinitaire, même s’il ne faut pas oublier que les trois
Personnes, Père, Fils et Esprit saint, portent chacune l’unité, la vérité et la
bonté de Dieu !
SOURCE : https://fr.aleteia.org/2019/06/14/croire-dans-la-trinite-dieu-un-vrai-et-bon/
Attribué
à Raphaël, Le Stendardo della Santissima
Trinità (en français : Étendard de la Très Sainte Trinité),
bannière
de procession, un gonfalon, 1499-1500, 167 x 94, (sur le recto est peint
la Crucifixion surmontée
d'un trône de grâce avec les saints Roch et Sébastien ; sur le verso, la Création d'Ève).Pinacoteca Comunale, Città di Castello (Ombrie).
Prier la Trinité, mission
impossible ?
Jules
Germain | 25 mars 2019
La Trinité est un des
plus grands mystères du christianisme. De grands saints ont pu y voir la source
de toute vie de prière, contemplant l’Amour du Père et du Fils dans la
puissance de l’Esprit saint. C’est pourtant un mystère obscur pour beaucoup de
chrétiens. Aleteia vous explique comment il est possible d’ancrer réellement
notre vie dans ce splendide mystère.
La Trinité, un concept
abstrait ? Le terme ne se trouve pas dans la Bible. C’est un mot qui a été
utilisé après la rédaction du Nouveau Testament pour décrire les relations
entre Jésus Christ, Dieu le Père et le Saint-Esprit. Cela peut expliquer qu’il
représente pour de nombreux chrétiens une dimension plus obscure de la foi.
C’est pourtant l’un des mystères fondamentaux du christianisme et un de ses
grands points de divergence avec un monothéisme tel que l’islam.
Quand nous prions, il
paraît a priori plus facile de s’adresser « au Père, au Fils ou à l’Esprit
saint parce que nous en avons des représentations : le Père est le créateur
tout-puissant, nous voyons le Fils en l’homme, Jésus, l’Esprit est le don que
le Fils nous offre en quittant cette vie », explique Gaëlle de Frais, auteur
d’un livre passionnant sur le sujet, Au commencement la Trinité.
Cependant, confie-t-elle
à Aleteia, « ces représentations sont toujours restrictives ; elles limitent
Dieu selon nos concepts humains. En effet, nous prions l’Esprit, en oubliant
qu’il est l’Esprit du Père et du Fils, qu’il est la relation d’amour qui unit
le Père et le Fils ; nous prions le Fils, nous le représentant en son
Incarnation, oubliant qu’Il est Dieu de toute éternité, Dieu de Dieu, Dieu
descendu parmi nous pour nous conduire au Père ; et nous prions Notre Père en
oubliant que c’est le Fils, avec lequel Il n’est qu’Un, qui nous ouvre à cette
intimité et que nous ne sommes Fils du Père que par notre baptême au Nom du
Père, du Fils et du Saint-Esprit ».
Dieu est amour, Dieu est
Trinité, deux formules qui disent la même chose !
Pour comprendre la beauté
du mystère trinitaire, il est nécessaire de voir le lien fondamental entre «
Dieu est Amour », cette parole qui ne se trouve que dans la Bible chrétienne,
et le dogme trinitaire, lui aussi propre au christianisme. En effet, c’est
parce que Dieu est Amour que l’Amour du Père engendre le Fils, « Dieu né de
Dieu, Lumière née de la Lumière » et que cet amour infini qui lie le Père et le
Fils est précisément l’Esprit saint. Notre Dieu trinitaire est donc
intrinsèquement un Dieu en relation, un Dieu ouvert sur l’autre en son être
même.
La première chose à faire
pour percevoir ce mystère est, selon Gaëlle de Frais, d’« entrer en
contemplation : contempler Dieu qui n’est pleinement amour que parce qu’il est
trois, contempler les relations d’amour de ces trois Personnes tant unies
qu’elles n’en font qu’une, contempler chaque Personne dans son rapport aux deux
autres, puis ne pas oublier que notre prière atteint toujours Dieu-Trinité,
même si nous choisissons de nous adresser plus spécifiquement à l’une des
Personnes. Dieu est indivisible ! »
Prier avec la Trinité :
et si je commençais dès ce soir ?
Prier la Trinité, ce
n’est pas mission impossible, et c’est même une des grandes missions des
chrétiens. Contempler ce grand mystère, illuminant nos vies de l’amour
resplendissant du Père pour le Fils, c’est une nécessité pour vivre pleinement
les grâces de notre baptême. C’est aussi se rapprocher du Ciel, de la Gloire de
Dieu et de la vision béatifique qui nous y attend. Puisqu’il s’agit là encore,
selon Gaëlle de Frais, « de rejoindre, non pas le Père, le Fils ou l’Esprit,
mais Dieu en son Amour Trinitaire. »
Pour contempler ce
mystère et en nourrir notre prière, rien de tel que la prière d’une grande
sainte éblouie par ce qu’elle avait pu en recevoir, Élisabeth de la Trinité :
« Ô mon Dieu,
Trinité que j’adore »
Ô mon Dieu, Trinité que
j’adore, aidez-moi à m’oublier entièrement pour m’établir en vous, immobile et
paisible comme si déjà mon âme était dans l’éternité. Que rien ne puisse
troubler ma paix, ni me faire sortir de vous, ô mon Immuable, mais que chaque
minute m’emporte plus loin dans la profondeur de votre Mystère. Pacifiez mon
âme, faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos. Que
je ne vous y laisse jamais seul, mais que je sois là tout entière, tout
éveillée en ma foi, tout adorante, toute livrée à votre Action créatrice.
Ô mon Christ aimé
crucifié par amour, je voudrais être une épouse pour votre Cœur, je voudrais
vous couvrir de gloire, je voudrais vous aimer… jusqu’à en mourir ! Mais je sens
mon impuissance et je vous demande de me « revêtir de vous même », d’identifier
mon âme à tous les mouvements de votre âme, de me submerger, de m’envahir, de
vous substituer à moi, afin que ma vie ne soit qu’un rayonnement de votre Vie.
Venez en moi comme Adorateur, comme Réparateur et comme Sauveur.
Ô Verbe éternel, Parole
de mon Dieu, je veux passer ma vie à vous écouter, je veux me faire tout
enseignable, afin d’apprendre tout de vous. Puis, à travers toutes les nuits,
tous les vides, toutes les impuissances, je veux vous fixer toujours et
demeurer sous votre grande lumière; ô mon Astre aimé, fascinez-moi pour que je
ne puisse plus sortir de votre rayonnement.
Ô Feu consumant, Esprit
d’amour, « survenez en moi » afin qu’il se fasse en mon âme comme une
incarnation du Verbe : que je Lui sois une humanité de surcroît en laquelle Il
renouvelle tout son Mystère. Et vous, ô Père, penchez-vous vers votre pauvre
petite créature, « couvrez-la de votre ombre », ne voyez en elle que le «
Bien-Aimé en lequel vous avez mis toutes vos complaisances ».
Ô mes Trois, mon Tout, ma
Béatitude, Solitude infinie, Immensité où je me perds, je me livre à vous comme
une proie. Ensevelissez-vous en moi pour que je m’ensevelisse en vous, en
attendant d’aller contempler en votre lumière l’abîme de vos grandeurs. »
Amen
© Cerf Patrimoines
Au
commencement, la Trinité, de Gaëlle de Frias, Les Éditions du cerf, octobre
2018, 416 p., 24 euros
SOURCE : https://fr.aleteia.org/2019/03/25/prier-la-trinite-mission-impossible/
I. " Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit "
232 Les chrétiens sont baptisés " au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit " (Mt 28, 19). Auparavant ils répondent " Je crois " à la triple interrogation qui leur
demande de confesser leur foi au Père, au Fils et à l’Esprit : " La foi de tous les chrétiens repose sur la Trinité " (S. Césaire d’Arles, symb. : CCL 103, 48).
233 Les chrétiens sont baptisés " au nom " du Père et du Fils et
du Saint-Esprit et
non pas " aux noms " de ceux-ci (cf. Profession de foi du pape Vigile en 552 : DS 415) car il n’y a qu’un seul Dieu, le Père tout puissant et son Fils unique et l’Esprit Saint : la Très Sainte Trinité.
234 Le mystère de la Très Sainte Trinité est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne. Il est le mystère de Dieu en Lui-même. Il est donc la source de tous les autres mystères de la foi ; il est la lumière qui les illumine. Il est l’enseignement le plus fondamental et essentiel dans la " hiérarchie des vérités de foi " (DCG 43). " Toute l’histoire du salut n’est autre que l’histoire de la voie et des moyens par lesquels le Dieu vrai et unique, Père, Fils et Saint-Esprit, se révèle, se réconcilie et s’unit les hommes qui se détournent du péché " (DCG 47).
235 Dans ce paragraphe, il sera exposé brièvement de quelle manière est révélé le mystère de la Bienheureuse Trinité (I), comment l’Église a formulé la doctrine de la foi sur ce mystère (II), et enfin, comment, par les missions divines du Fils et de l’Esprit Saint, Dieu le Père réalise son " dessein bienveillant " de création, de rédemption et de sanctification (III).
236 Les Pères de l’Église distinguent entre la Theologia et l’Oikonomia, désignant par le premier terme le mystère de la vie intime du Dieu-Trinité, par
le second toutes
les œuvres de Dieu par lesquelles Il Se révèle et communique Sa vie. C’est par l’Oikonomia que nous est révélée la Theologia ; mais inversement, c’est la Theologia qui éclaire toute l’Oikonomia. Les œuvres de Dieu révèlent qui Il est en Lui-même ; et inversement, le mystère de Son Être intime illumine l’intelligence de toutes Ses œuvres. Il en est ainsi, analogiquement, entre les personnes humaines. La personne se montre dans son agir, et mieux nous connaissons une personne, mieux nous comprenons son agir.
237 La Trinité est un mystère de foi au sens strict, un des " mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus s’ils ne sont révélés d’en haut " (Cc. Vatican I : DS 3015). Dieu certes a laissé des traces de son être trinitaire dans son œuvre de Création et dans sa Révélation au cours de l’Ancien Testament. Mais l’intimité de Son Être comme Trinité Sainte constitue un mystère inaccessible à la seule raison et même à la foi d’Israël avant l’Incarnation du Fils de Dieu et la mission du Saint Esprit .
II. La révélation de Dieu comme Trinité
238 L’invocation de Dieu comme " Père " est connue dans beaucoup de religions. La divinité est souvent considérée comme " père des dieux et des hommes ". En Israël, Dieu est appelé Père en tant que Créateur du monde (cf. Dt 32, 6 ; Ml 2, 10). Dieu est Père plus encore en raison de l’alliance et du don de la Loi à Israël son " fils premier-né " (Ex 4, 22). Il est aussi appelé Père du roi d’Israël (cf. 2 S 7, 14). Il est tout spécialement " le Père des pauvres ", de l’orphelin et de la veuve qui sont sous sa protection aimante (cf. Ps 68, 6).
239 En désignant Dieu du nom de " Père ", le langage de la foi indique principalement deux aspects : que Dieu est origine première de tout et autorité transcendante et qu’il est en même temps bonté et sollicitude aimante pour tous ses enfants. Cette tendresse parentale de Dieu peut aussi être exprimée par
l’image de
la maternité (cf. Is 66, 13 ; Ps 131, 2) qui indique davantage l’immanence de Dieu, l’intimité entre Dieu et Sa créature. Le langage de la foi puise ainsi dans l’expérience humaine des parents qui sont d’une certaine façon les premiers représentants de Dieu pour l’homme. Mais cette expérience dit aussi que les parents humains sont faillibles et
qu’ils peuvent défigurer le visage de la paternité et de la maternité. Il convient alors de rappeler que Dieu transcende la distinction humaine des sexes. Il n’est ni homme, ni femme, il est Dieu. Il transcende aussi la paternité et la maternité humaines (cf. Ps 27, 10), tout en en étant l’origine et la mesure (cf. Ep 3, 14 ; Is 49, 15) : Personne n’est père comme l’est Dieu.
240 Jésus a révélé que Dieu est " Père " dans un sens inouï : Il ne l’est pas seulement en tant
que Créateur, Il
est éternellement Père en relation à son Fils unique, qui éternellement n’est Fils qu’en relation au Père : " Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, comme nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le
Fils veut bien Le révéler "
(Mt 11, 27).
241 C’est pourquoi les apôtres confessent Jésus comme " le Verbe qui était au commencement auprès de Dieu et qui est Dieu " (Jn 1, 1), comme " l’image du Dieu invisible " (Col 1, 15), comme " le resplendissement de
sa gloire et
l’effigie de
sa substance "
(He 1, 3).
242 A leur suite, suivant la tradition apostolique, l’Église a confessé en 325 au premier Concile œcuménique de Nicée que le Fils est " consubstantiel " au Père, c’est-à-dire un seul Dieu avec lui. Le deuxième Concile œcuménique, réuni à Constantinople en 381, a gardé cette expression dans sa formulation du Credo de Nicée et a confessé " le Fils unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu du vrai Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel au Père " (DS 150).
Le Père et le Fils révélés par l’Esprit
243 Avant sa Pâque, Jésus annonce l’envoi d’un " autre Paraclet " (Défenseur), l’Esprit Saint. A l’œuvre depuis la création (cf. Gn 1, 2), ayant jadis " parlé par les prophètes " (Symbole de Nicée-Constantinople), il sera maintenant auprès des disciples et
en eux (cf. Jn 14, 17), pour les enseigner (cf. Jn 14, 26) et les conduire " vers la vérité tout entière " (Jn 16, 13). L’Esprit Saint est ainsi révélé comme une autre personne divine par rapport à Jésus et au Père.
244 L’origine éternelle de l’Esprit se révèle dans sa mission temporelle. L’Esprit Saint est envoyé aux apôtres et à l’Église aussi bien par le Père au nom du Fils, que par le Fils en personne, une
fois retourné auprès du Père (cf. Jn 14, 26 ; 15, 26 ; 16, 14). L’envoi de
la personne de
l’Esprit après
la glorification de Jésus (cf. Jn 7, 39) révèle en plénitude le mystère de la Sainte Trinité.
245 La foi apostolique concernant l’Esprit a été confessée par le deuxième Concile œcuménique en 381 à Constantinople : " Nous croyons dans l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du Père " (DS 150). L’Église reconnaît par là le Père comme " la source et l’origine de toute la divinité " (Cc. Tolède VI en 638 : DS 490). L’origine éternelle de l’Esprit Saint n’est cependant pas sans lien avec celle du Fils : " L’Esprit Saint qui
est la Troisième Personne de la Trinité, est Dieu, un et égale au Père et au Fils, de même substance et aussi de même nature. (...) Cependant, on ne dit pas qu’il est
seulement l’Esprit du Père, mais à la fois l’Esprit du Père et du Fils " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 527). Le Credo du Concile de Constantinople de l’Église confesse : " Avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire " (DS 150).
246 La tradition latine du Credo confesse que l’Esprit " procède du Père et du Fils (filioque) ". Le Concile de Florence, en 1438, explicite : " Le Saint Esprit tient son essence et son être à la fois du Père et du Fils et
Il procède éternellement de
l’Un comme de l’Autre comme d’un seul Principe et par une seule spiration... Et parce que
tout ce qui est au Père, le Père Lui-même l’a donné à Son Fils unique en L’engendrant, à l’exception de
son être de Père, cette procession même du Saint Esprit à partir du Fils, Il la tient éternellement de son Père qui L’a engendré éternellement " (DS 1300-1301).
247 L’affirmation du filioquene figurait pas
dans le symbole confessé en 381 à Constantinople. Mais sur la base d’une ancienne tradition latine et alexandrine,
le Pape S. Léon l’avait déjà confessée dogmatiquement en 447 (cf. DS 284) avant même que Rome ne connût et
ne reçût, en 451, au Concile de Chalcédoine, le symbole de 381. L’usage de cette formule dans le Credo a été peu à peu admis dans la liturgie latine (entre le VIIIe et
le XIe siècle). L’introduction du filioque dans
le Symbole de Nicée-Constantinople par
la liturgie latine constitue cependant, aujourd’hui encore, un différend avec les Églises orthodoxes.
248 La tradition orientale exprime d’abord le caractère d’origine première du Père par rapport à l’Esprit. En confessant l’Esprit comme " issu du Père " (Jn 15, 26), elle affirme que celui-ci est issu du Père par le Fils (cf. AG 2). La tradition occidentale exprime d’abord la communion consubstantielle entre le Père et le Fils en disant que l’Esprit procède du Père et du Fils (filioque). Elle le dit " de manière légitime et raisonnable " (Cc. Florence en 1439 : DS 1302), car l’ordre éternel des personnes divines dans leur communion consubstantielle implique que le Père soit l’origine première de l’Esprit en tant que " principe sans principe " (DS 1331), mais aussi qu’en tant que Père du Fils unique, Il soit avec Lui " l’unique principe d’où procède l’Esprit Saint " (Cc. Lyon II en 1274 : DS 850). Cette légitime complémentarité, si elle n’est pas durcie,
n’affecte pas
l’identité de
la foi dans la réalité du même mystère confessé.
III. La Sainte Trinité dans la doctrine de la foi
La formation du dogme trinitaire
249 La vérité révélée de la Sainte Trinité a été dès les origines à la racine de la foi vivante de l’Église, principalement au moyen du baptême. Elle trouve son expression dans la règle de la foi baptismale, formulée dans la prédication, la catéchèse et la prière de l’Église. De telles formulations se trouvent déjà dans les écrits apostoliques, ainsi cette salutation, reprise dans la liturgie eucharistique : " La grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous "
(2 Co 13, 13 ; cf. 1 Co 12, 4-6 ; Ep 4, 4-6).
250 Au cours des premiers siècles, l’Église a cherché de formuler plus explicitement sa foi trinitaire tant pour approfondir sa propre intelligence de la foi que pour la défendre contre des erreurs qui la déformaient.
Ce fut l’œuvre des Conciles anciens, aidés par
le travail théologique des Pères de
l’Église et soutenus par
le sens de la foi du peuple chrétien.
251 Pour la formulation du dogme de la Trinité, l’Église a dû développer une terminologie propre à
l’aide de notions d’origine philosophique :
" substance ", " personne " ou " hypostase ", " relation ", etc. Ce faisant, elle n’a pas soumis la foi à une sagesse humaine mais a donné un sens nouveau, inouï à ces termes appelés à signifier désormais aussi un mystère ineffable, " infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir à
la mesure humaine "
(SPF 9).
252 L’Église utilise le terme " substance " (rendu aussi parfois par " essence " ou par " nature ") pour désigner l’être divin dans son unité, le terme " personne " ou " hypostase " pour désigner le Père, le Fils et le Saint-Esprit dans leur distinction réelle entre eux, le terme " relation " pour désigner le fait que leur distinction réside dans la référence des uns aux autres.
253 La Trinité est Une. Nous ne confessons pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois personnes : " la Trinité consubstantielle " (Cc. Constantinople II en 553 : DS 421). Les personnes divines ne se partagent pas l’unique divinité mais chacune d’elles est Dieu tout entier : " Le Père est cela même qu’est le Fils, le Fils cela même qu’est le Père, le Père et le Fils cela même qu’est le Saint-Esprit, c’est-à-dire un seul Dieu par nature " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 530). " Chacune des trois personnes est cette réalité, c’est-à-dire la substance, l’essence ou la nature divine " (Cc. Latran IV en 1215 : DS 804).
254 Les personnes divines sont réellement distinctes entre elles. " Dieu est unique mais non pas solitaire " (Fides Damasi : DS 71). " Père ", " Fils ",
" Esprit Saint " ne sont pas simplement des noms désignant des modalités de l’être divin, car ils sont réellement distincts entre eux : " Celui qui
est le Fils n’est pas le Père, et celui qui est le Père n’est pas le Fils, ni le Saint-Esprit n’est
celui qui est le Père ou le Fils " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 530). Ils sont distincts entre eux par leurs relations d’origine : " C’est le Père qui engendre, le Fils qui est engendré, le Saint-Esprit qui procède " (Cc. Latran IV en 1215 : DS 804). L’Unité divine est Trine.
255 Les personnes divines sont relatives les unes aux autres. Parce qu’elle ne divise pas
l’unité divine,
la distinction réelle des personnes entre
elles réside uniquement dans les relations qui les réfèrent les unes aux autres : " Dans
les noms relatifs des personnes, le Père est référé au Fils, le Fils au Père, le Saint-Esprit aux deux ; quand on parle de
ces trois personnes en considérant les relations,
on croit cependant
en une seule nature ou substance " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 528). En effet, " tout est un [en eux] là où l’on
ne rencontre pas
l’opposition de relation "
(Cc. Florence en 1442 : DS 1330). " A cause de cette unité, le Père est tout entier dans le Fils, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Fils est tout entier dans le Père, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Saint-Esprit tout entier dans le Père, tout entier dans le Fils " (Cc. Florence en 1442 : DS 1331).
256 Aux Catéchumènes de Constantinople, S. Grégoire de Nazianze, que l’on appelle aussi " le Théologien ", confie ce résumé de la foi trinitaire :
Avant toutes choses, gardez-moi ce bon dépôt, pour lequel je vis et je combats, avec lequel je veux mourir, qui me fait supporter tous les maux et mépriser tous les plaisirs : je veux dire la profession de foi en le Père et le Fils et le Saint-Esprit. Je vous la confie aujourd’hui. C’est par elle que je vais tout à l’heure vous plonger dans
l’eau et vous en élever. Je
vous la donne pour compagne et patronne de toute votre vie. Je vous donne une seule Divinité et Puissance, existant Une dans les Trois, et contenant les Trois d’une manière distincte. Divinité sans disparate de substance ou de nature, sans degré supérieur qui élève ou degré inférieur qui abaisse. (...) C’est de trois infinis l’infinie connaturalité. Dieu tout entier chacun considéré en soi-même (...), Dieu les Trois considérés ensemble (...).
Je n’ai pas commencé de penser à l’Unité que la Trinité me baigne dans
sa splendeur. Je
n’ai pas commencé de penser à la Trinité que l’unité me ressaisit ...
(or. 40, 41 : PG 36, 417).
IV. Les œuvres divines et les missions trinitaires
257 " O Trinité lumière bienheureuse, O primordiale unité " (LH, hymne " O lux beata Trinitas " de vêpres) ! Dieu est éternelle béatitude, vie immortelle, lumière sans déclin. Dieu est
amour : Père, Fils et Esprit Saint. Librement Dieu veut communiquer la gloire de sa vie bienheureuse. Tel est le " dessein bienveillant " (Ep 1, 9) qu’il a conçu dès avant la création du monde en son Fils bien-aimé, " nous prédestinant à
l’adoption filiale en celui-ci "
(Ep 1, 4-5), c’est-à-dire " à reproduire l’image de
Son Fils " (Rm 8, 29) grâce à " l’Esprit d’adoption filiale " (Rm 8, 15). Ce dessein est une " grâce donnée avant tous les siècles " (2 Tm 1, 9-10), issue immédiatement de l’amour trinitaire. Il se déploie dans l’œuvre de la création, dans toute l’histoire du salut après la chute, dans les missions du Fils et de l’Esprit, que prolonge la mission de l’Église (cf. AG 2-9).
258 Toute l’économie divine est l’œuvre commune des trois personnes divines. Car de même qu’elle n’a qu’une seule et même nature, la Trinité n’a qu’une seule et même opération (cf. Cc Constantinople II en 553 : DS 421). " Le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont pas trois principes des créatures mais un seul principe " (Cc. Florence en 1442 : DS 1331). Cependant, chaque personne divine opère l’œuvre commune selon sa propriété personnelle. Ainsi l’Église confesse à la suite du Nouveau Testament (cf. 1 Co 8, 6) : " un Dieu et Père de qui sont toutes
choses, un Seigneur Jésus-Christ pour qui sont toutes choses, un Esprit Saint en
qui sont toutes choses " (Cc. Constantinople II : DS 421). Ce sont surtout les missions divines de l’Incarnation du Fils et du don du Saint-Esprit qui manifestent les propriétés des personnes divines.
259 Œuvre à la fois commune et personnelle, toute l’économie divine fait connaître et la propriété des personnes divines et leur unique nature. Aussi, toute la vie chrétienne est communion avec chacune des personnes divines, sans aucunement les séparer. Celui qui rend gloire au Père le fait par le Fils dans l’Esprit Saint ; celui qui suit le Christ, le fait parce que le Père l’attire (cf. Jn 6, 44) et que l’Esprit le meut (cf. Rm 8, 14).
260 La fin ultime de toute l’économie divine, c’est l’entrée des créatures dans l’unité parfaite de la Bienheureuse Trinité (cf. Jn 17, 21-23). Mais dès maintenant nous
sommes appelés à être habités par la Très Sainte Trinité : " Si quelqu’un m’aime, dit le Seigneur, il gardera ma parole, et
mon Père l’aimera et
nous viendrons à lui, et nous ferons chez
lui notre demeure " (Jn 14, 23) :
O mon Dieu, Trinité que j’adore, aidez-moi à m’oublier entièrement pour
m’établir en
Vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l’éternité ; que rien ne puisse troubler ma paix ni me faire sortir de
Vous, ô mon Immuable, mais que chaque minute m’emporte plus
loin dans la profondeur de votre mystère ! Pacifiez mon âme. Faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos. Que je ne Vous y laisse jamais seul, mais que je sois là, toute entière,
toute éveillée en ma foi, toute adorante,
toute livrée à votre action créatrice (Prière de la Bienheureuse Élisabeth de la Trinité).
EN BREF
261 Le mystère de la Très Sainte Trinité est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne. Dieu seul peut nous en donner la connaissance en
Se révélant comme Père, Fils et Saint-Esprit.
262 L’Incarnation du Fils de Dieu révèle que Dieu est le Père éternel, et que le Fils est consubstantiel au Père, c’est-à-dire qu’il est en lui et avec lui le même Dieu unique.
263 La mission du Saint-Esprit, envoyé par le Père au nom du Fils (cf. Jn 14, 26) et par le Fils " d’auprès du Père " (Jn 15, 26) révèle qu’il
est avec eux le même Dieu unique. " Avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire ".
264 " Le Saint-Esprit procède du Père en tant que source première et, par le don éternel de celui-ci au Fils, du Père et du Fils en communion " (S. Augustin, Trin. 15, 26, 47).
265 Par la grâce du baptême " au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ", nous sommes appelés à partager la vie de la Bienheureuse Trinité, ici-bas dans l’obscurité de la foi, et au-delà de la mort, dans la lumière éternelle (cf. SPF 9).
266 " La foi catholique consiste en ceci : vénérer un seul Dieu dans la Trinité, et la Trinité dans l’Unité, sans confondre les personnes, sans diviser la substance : car autre est la personne du Père, autre celle du Fils, autre celle de l’Esprit Saint ;
mais du Père, du Fils et de l’Esprit Saint une est la divinité, égale la gloire, coéternelle la majesté "
(Symbolum " Quicumque " (DS 75).
267 Inséparables dans ce qu’elles sont, les personnes divines sont aussi inséparables dans ce qu’elles font. Mais dans l’unique opération divine chacune manifeste ce qui lui est propre dans la Trinité, surtout dans les missions divines de l’Incarnation du Fils et du don du Saint-Esprit.
Catéchisme de l'Église
Catholique
SOURCE : http://www.intratext.com/IXT/FRA0013/_P18.HTM
Voir aussi : https://iaquinas.com/introduction-a-la-trinite/