Bienheureux Noël Tenaud
Martyr
au Laos (✝ 1961)
Noël Tenaud,
M.E.P., né en Vendée en 1904, mort à Savannakhet en 1961.
En avril-mai 1961, dans la province de Xieng Khouang, les PP. Louis
Leroy, Michel
Coquelet et Vincent L’Hénoret sont cueillis à leur poste et abattus sans
procès. De même dans le sud du pays, le P. Noël Tenaud et son fidèle catéchiste Outhay
sont pris et exécutés; le P. Marcel
Denis sera retenu prisonnier quelque temps mais partagera le même
sort. Un de leur confrères écrit: "Ils ont été, tous, d’admirables
missionnaires, prêts à tous les sacrifices, vivant très pauvrement, avec un
dévouement sans limite. En cette période troublée, nous avions tous, chacun
plus ou moins, le désir du martyre, de donner toute notre vie pour le Christ.
Nous n’avions pas peur d’exposer nos vies; nous avions tous le souci d’aller
vers les plus pauvres, de visiter les villages, de soigner les malades, et
surtout d’annoncer l’Évangile…"
Noël Tenaud est né le 11 novembre 1904 à Rocheservière, dans le diocèse de
Luçon en Vendée (France). De 1924 à 1928, il est au Grand Séminaire diocésain,
puis rejoint celui des Missions Etrangères de Paris. Ordonné prêtre le 29 juin
1931, il est envoyé à la 'Mission du Laos ', dont la partie principale est
alors au Siam. Ses années comme curé à Kham Koem (Thaïlande) ont laissé un
souvenir vivant.
La guerre franco-siamoise (1939-1940) l’amène au Laos proprement dit. A partir
de 1944, il est curé de Pong Kiou (Khammouane) et rayonne dans toute la région.
Son action, notamment au cours de divers épisodes belliqueux contre la tyrannie
japonaise et la mainmise des troupes communistes, marque profondément les
chrétientés de la minorité Sô. Il accepte aussi, dans les situations
difficiles, des responsabilités de plus en plus lourdes dans l’organisation de
la mission.
En 1959, le P. Tenaud accepte de quitter sa belle région pour l’arrière-pays de
Savannakhet, où le travail de première évangélisation n’a pas encore commencé.
Basé à Xépone, près de la frontière du Vietnam, avec son fidèle catéchiste
Joseph Outhay, il prospecte les villages tout au long de la route qui monte de
Savannakhet.
En avril 1961, les deux apôtres partent en tournée apostolique. On les avertit
qu’une attaque nord-vietnamienne se prépare; mais rien ne doit arrêter la
Parole de Dieu. Le chemin du retour est coupé: ils sont pris au piège, arrêtés,
interrogés et exécutés le 27 avril 1961 pour leur action missionnaire. Chez
tous ceux qui l’ont connu, le souvenir du P. Noël Tenaud, de son œuvre
missionnaire et du don suprême de sa vie, est resté très vivant.
Liens utiles:
- Noël Tenaud (1904-1961), prêtre des Missions Étrangères de Paris envoyé
au Siam en 1931, Noël Tenaud est assassiné avec son catéchiste Joseph Outhay
Phongphumi le 27 avril 1961 - site OMI, province de France
TENAUD Noël (1904-1961) né
le 11 novembre 1904 à Rocheservière (Vendée), fut admis au Séminaire des M.-E.
en 1928, ordonné prêtre le 29 juin 1931, et partit le 7 septembre suivant pour
le Laos. Après avoir étudié la langue à Tharae de 1932 à 1934, il fut curé de
Khamkeum de 1934 à 1940, puis curé de Nam Tok de 1940 à 1943, et de Phongkiou,
en 1944. Après la division de la mission en 1951, il fut nommé pro-préfet de la
préfecture apostolique de Thakhek. En avril 1961, au cours d’une tournée
pastorale entre Savannaket et Tchépone, il fut arrêté par les soldats du
Vietminh, puis remis aux Pathet-lao, près de Phalane. Il fut alors emmené par
un peloton de soldats, et on ne le revit jamais.
Noël Tenaud (1904-1961)
Enfance vendéenne
Noël
TENAUD est né le 11 novembre 1904 à Rocheservière en Vendée ; il y fut baptisé
en l´église Notre-Dame dès le lendemain. Le bourg de Rocheservière est proche
de Nantes mais appartient au diocèse de Luçon . C´est la Vendée, terre de foi
chrétienne profonde et démonstrative où s´est développée, à la fin du XVIIIè
siècle, une résistance farouche à la Révolution française. Très jeune, Noël a
été nourri de cette histoire encore récente, dont les souvenirs sont partout :
luttes sans merci contre les révolutionnaires impies, massacres de prêtres et
de religieux, mais aussi de chrétiens fidèles à leur clergé, et même d´enfants.
Les symboles de la résistance sont la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus et le
Rosaire.
Tout
naturellement, comme de nombreux garçons de cette région, Noël souhaite devenir
prêtre. Il fera donc ses études secondaires au Petit Séminaire de
Chavagnes-en-Paillers. Il est admis ensuite au Grand Séminaire de Luçon, où il
étudie de 1924 à 1928.
À
cette époque de vocations abondantes, les missionnaires passent régulièrement
dans les séminaires pour promouvoir leur vocation particulière. Noël entend
l´appel des Missions et décide de le suivre. Le 14 septembre 1928, il passe au
Séminaire des Missions Étrangères de Paris. Ordonné prêtre le 29 juin 1931, il
part le 7 septembre suivant pour la « Mission du Laos », dont la partie
principale est alors située au Siam (Thaïlande).
Au Siam et au Laos,
persécutions et guerres
Après deux années (1932-1934) à
Tharae au Siam, consacrées surtout à étudier la langue lao, Noël est nommé curé
de Kham Koem, une chrétienté bien établie proche de Nakhon Phanom ; il y
restera six ans. C´est là qu´il fait la connaissance d´un jeune garçon qui
deviendra plus tard son collaborateur et ami, Outhay ; devenu catéchiste, et
veuf à vingt ans, Outhay le suivra au Laos, l´accompagnant dans toutes ses
tournées apostoliques et jusque dans la mort.
Le rapport de la mission pour
1939 évoque indirectement le travail du Père Tenaud à l´époque de Kham Koem :
M. Thibaud a visité un grand
nombre de villages païens de la région de Thakhek, et, s´il n´a pas eu un
succès immédiat partout où il a prêché l´Évangile, il a du moins le ferme
espoir que la semence de la parole divine n´aura pas été jetée en vain. Ce qu´il
a fait dans son district, deux prêtres indigènes et M. Tenaud l´ont fait comme
lui dans une autre région. Une légende laotienne dit qu´il fut un temps, et
c´était l´âge d´or, où le riz venait tout seul au grenier ; ce temps n´est
plus. Les missionnaires du Laos doivent courir par monts et par vaux pour
amener les âmes au grenier du bon Dieu, et je vois avec plaisir que les
ouvriers apostoliques y travaillent avec une ardeur infatigable...
En novembre 1940, la persécution
éclate au Siam - qui s´appelle désormais Thaïlande. À quelques dizaines de
kilomètres de Kham Koem, les martyrs de Songkhon offriront à Dieu les prémices
de la mission. Quant aux missionnaires français, ils doivent chercher refuge de
l´autre côté du Mékong, au Laos, sous la protection de la France.
Dans ce nouveau territoire de
mission, le Père Tenaud est affecté d´abord à la mission de Nam Tok, où il
restera trois ans (1940-1943). Mais c´est l´époque troublée de la Seconde
Guerre mondiale ; il passera une année d´exil (1943-1944) au Viêt-nam, au
Collège de la Providence à Hué. À son retour, il devient curé de Pongkiou, une
chrétienté importante de la minorité ethnique Sô, dans la Province de
Khammouane. En mars de l´année suivante, c´est le coup de force de l´armée
japonaise, qui entraîne le massacre de civils français et la ruine de
nombreuses missions. Trois confrères des Missions Étrangères de Paris - les
deux évêques présents à Thakhek, Mgr Gouin et Mgr Thomine, et le Père Jean
Thibaud - sont emmenés en forêt sans autre forme de procès et sauvagement
abattus.
Chez le Père Noël Tenaud, ces
événements, qu´il considère comme une persécution religieuse aux mains des
impies, provoquent un déclic. Son enfance vendéenne avait été nourrie des
récits de la résistance contre la persécution déchaînée par les
révolutionnaires français. Il voit se reproduire ici l´assassinat des prêtres,
la mort des innocents, l´intrusion d´une idéologie athée. Il n´est pas homme à
rester passif ; il se laissera inspirer par ce que Jacques Cathelineau,
surnommé « le Saint de l´Anjou », avait fait naguère en Vendée.
Il sera donc, non seulement
proche du mouvement de résistance franco-laotien contre les Japonais, mais bien
l´un de ses protagonistes. Dans la défense armée il voit la sauvegarde
indispensable, et des hommes, et de l´oeuvre d´évangélisation qu´ils doivent
accomplir. Il faut dire qu´il a montré en cette circonstances des qualités de
chef indéniables. La milice villageoise qu´il mit sur pied, comprenant des Sôs
et d´autres Laotiens des villages environnants, était bien organisée. Quand
l´armée française - ou franco-laotienne selon le vocabulaire utilisé - revint
pour rétablir progressivement l´ordre français dans un pays en pleine
confusion, cet apport fut hautement apprécié. Le Père Tenaud fit cause commune
avec son commandement ; il en restera proche même par la suite. Son action lui
vaudra d´ailleurs la Légion d´honneur.
Le Père Marcel Denis, m.e.p.,
arrivé au Laos l´été 1946, a recueilli de la bouche même du Père Tenaud le
récit de ses exploits aux dépens des Japonais, où il faut sans doute voir
quelque exagération :
"Presque tous les ponts,
que le Père Tenaud avait fait sauter lui-même pour couper la route aux
Japonais, alors qu´il guerroyait avec ses villages chrétiens, sont réparés...
Avec un autre Père, il a pris la brousse quand les Japonais ont arrêté tous les
Français. Mais le Père Tenaud a vraiment été le héros, parcourant tout le Haut
et le Bas Laos, à pied ; ou parachutant des soldats français dans des avions
anglais ; ou traquant les Japonais avec ses villages chrétiens. Lors de la
prise de Thakhek en mars dernier, il était là, commandant ses Laotiens et ses
Sôs. Aussi son renom et son influence sont très grands parmi les officiers
français du haut en bas de l´échelle. Quand à ses chrétiens, il peut leur
demander la lune, ils feraient l´impossible pour la lui décrocher."
Le Père Denis conclut par cette
réflexion :
"À ceux qu´il destine à
être ses apôtres, Dieu donne souvent, avec la soif du salut des âmes, le goût
du risque, le mépris des boîtes à coton et des coins « bien tranquilles."
Il est évident qu´à cette date
les missionnaires (y compris le narrateur et son auditeur attentif) n´ont pas
compris que l´ère des colonies est en train de s´achever. Le combat pour Dieu
se mêlait - se confondait presque - avec le combat pour la légitimité
française. La condamnation officielle par Rome de l´idéologie révolutionnaire,
qui s´était affirmée au Laos avec la complicité des Japonais, renforçait encore
l´amalgame. Pour ces hommes, la séparation entre la foi et l´action politique
et militaire exigera une prise de conscience et une purification progressives.
Un épisode moins glorieux doit
être mentionné ici : la prise de Thakhek le 21 mars 1946. Cette ville était
peuplée d´une très forte majorité (83% peut-être) de Vietnamiens (« Annamites »
dans le vocabulaire de l´époque) dont la plupart avait acclamé l´indépendance
du Viêt-nam proclamée unilatéralement le 2 septembre 1945 contre la France. Les
chefs historiques du front indépendantiste Lao-Issara, proches alliés du Viet-minh,
trouvèrent là un appui très important. C´est donc à Thakhek qu´ils tentèrent en
octobre 1945 un soulèvement anti-français ; ils purent y maintenir pendant plus
de cinq mois une poche entièrement sous le contrôle de leur « Armée de
libération et de défense lao », dont six cent « volontaires de la mort ».
L´assaut final par les troupes franco-laotiennes fut sanglant et occasionna une
répression terrible.
Le Père Denis poursuit, toujours
d´après le récit oral de Noël Tenaud :
"Le 21 mars 1946 vint enfin
la libération de Thakhek. À la tête de leurs Laotiens, les Pères Tenaud et
Cavaillier entrent dans Thakhek avec les parachutistes français... C´est alors
une journée épouvantable. Français et Laotiens entrent dans Thakhek en hurlant
comme des possédés, le massacre commence... Le Mékong devient rouge...
Officiellement, on compte 1 500 Annamites, hommes femmes et enfants (!)
massacrés. En réalité, il y en eut plus de 3 000 !..."
Le Père Noël Tenaud et son
confrère Cavaillier n´ont certes été ni les promoteurs ni les complices du
massacre de populations civiles ; mais il faut sans doute reconnaître qu´ils
ont été en l´occurrence débordés par les combattants qu´ils encadraient ! Il
est difficile encore aujourd´hui de trouver des témoignages directs sur l´action
du Père Tenaud en mars 1946 ; mais c´est un fait que ses supérieurs et les
chrétiens locaux ont continué à lui faire pleine confiance comme homme de Dieu,
témoin de la béatitude des artisans de paix.
Un long congé en France, de mars
1947 à décembre 1948, permettra au Père Tenaud de prendre définitivement ses
distances avec la vie militaire.
Reconstruire la paix et la concorde
Au
sein de la mission catholique du Laos, la guerre achevée, c´est l´enthousiasme.
La soeur de Mgr Thomine, un des missionnaires sauvagement massacrés par les
Japonais, écrit dans l´éloge funèbre de son frère :
Cette
parole m´a été dite de vive voix par deux missionnaires laotiens, MM. Tenaud et
Mainier, avec la même conviction absolue : « Mgr Thomine nous a promis de
rebâtir l´Église du Laos, donc nous la rebâtirons ! » Car ils savent la
puissance d´une volonté pour qui l´accomplissement du devoir en Dieu a seul
compté sur la terre, force spirituelle maintenant directement associée à la
volonté éternelle. De fait, les ruines du Laos se relèvent, les chrétientés
refleurissent, de jeunes missionnaires sont venus seconder les anciens et
remplacer les morts...
En
1947, Mgr Bayet succède à Mgr Thomine comme vicaire apostolique à Tharae ; il
nomme le Père Tenaud pro-vicaire et vicaire délégué pour la partie du vicariat
située dans le protectorat (futur Royaume) du Laos. Noël occupera ce poste de
son retour de congés jusqu´en juillet 1951. Après la création de la préfecture
apostolique de Thakhek, confiée à Mgr Jean Arnaud, il en est nommé pro-préfet
(1951-1958).
La
paix et la reconstruction se révélèrent toutefois des tâches difficiles. Dans
les opérations de la guérilla autour de la ville de Thakhek, la veille de Noël
1953, la vie de Noël Tenaud est menacée : il était sans doute trop mêlé, une
fois de plus, à la résistance. Selon un rapport de la mission daté de 1954, à
quelque trente kilomètres de Thakhek on pouvait voir encore les trous des deux
mines qui lui étaient destinées. Mais il eut la vie sauve, et échappa aussi au
sort du groupe arrêté le 15 février 1954 et déporté au Viêt-nam, dont Mgr
Arnaud, le Père Jean-Baptiste Malo, deux autres confrères m.e.p. et une
religieuse. Il fut alors supérieur par intérim des missionnaires de Paris et
procureur de la Mission. Mais dans toutes ces circonstances il restait avant
tout le curé de Pongkiou, le missionnaire bien-aimé et admiré des Sôs.
Portrait d'un missionnaire
Dans
les dernières années de sa vie, après l´indépendance totale du Laos et la
reconnaissance internationale du pays, dégagé de ses propres responsabilités
sur l´ensemble de la mission, Noël Tenaud fut un missionnaire de base
particulièrement dynamique et apprécié. À Thakhek il était connu pour
rechercher dans toute la ville, au cours de ses fréquents passages, les
chrétiens sortis des villages et perdus au milieu de la population urbaine.
Dans
son texte de 1946 déjà cité, le Père Marcel Denis évoque son confrère et mentor
:
"Partons
pour le village du Père Tenaud, Pong Kiou... Le Père cause avec tout le monde,
fait rire tout le monde. Il a ses gens bien en main ; il est le grand maître
dans toute la région, et il s´impose même chez les païens... Un fameux
missionnaire que le Père Tenaud. C´est un Vendéen ; énorme barbe noire, visage
bronzé, toujours pieds nus, un chapeau militaire sur la tête. Avec le Père
Dézavelle, c´est le plus grand blagueur. Mais à le fréquenter on voit vite quel
bon sens, quelle foi, quelle largeur d´esprit et dévouement l´animent. Il a la
sympathie de tous ses paroissiens et de tous les villages environnants... Il
sait leur « passer un savon » sans se les aliéner, et après une bonne ballade,
l´entretien se termine par de bonnes blagues qui font avaler la pilule. Des
païens insultent-ils des chrétiens parce que chrétiens ? Le différend est vite
réglé, et les coupables font des excuses et paient une jarre qui réconcilie
offensés et offenseurs, sous le regard du Père qui met tout le monde à
l´aise."
De
nombreuses années plus tard, Mgr Urkia témoigne :
"Le
Père Tenaud était un vrai, un très bon missionnaire. Il était assez exigeant
pour ses chrétiens, et il avait un grand amour en particulier pour les non-chrétiens.
Il était profondément préoccupé des catéchumènes, ou plus simplement des
Laotiens qui avaient montré quelque désir de connaître la foi chrétienne. À
l´époque de sa mort, il ne supportait pas de les voir délaissés, abandonnés, à
cause de l´insécurité qui rendait les voyages dangereux. Il a voulu à tout prix
partir à leur rencontre, malgré le danger."
Mgr
Bach complète : "Le Père Tenaud avait une foi solide. Il était cependant
un peu fanfaron, il aimait se montrer... mais il était aussi très courageux."
Marcel Vignalet, m.e.p., évoque simplement l´amitié vraie dont Noël témoignait
envers ses confrères missionnaires plus jeunes.
Selon
un témoin laotien, qui fut à Pongkiou un de ses catéchistes débutants, le Père
Tenaud était aimé des gens parce qu´il excellait à les soigner. Ses
connaissances médicales étaient bonnes. Ses jeunes collaborateurs avaient un
peu peur de lui : en effet, il était très strict sur la discipline et les
horaires, un peu à la manière militaire, et pouvait à l´occasion parler durement.
Il ne cherchait pas à être populaire.
Une mission
dangereuse au service des plus lointains
En
juin 1958 le Père Tenaud partit en congé en France. À son retour en juillet
1959, il avait 55 ans. Avec beaucoup de désintéressement, il accepta une
paroisse qui n´existait pas encore, dans une province vide de tout chrétien, où
le travail d´évangélisation n´avait jamais été commencé. Basé à la mission
centrale de Savannakhet, il allait prospecter les villages tout au long de la
route n° 9 en direction de la frontière du Viêt-nam, ayant le ferme espoir de
créer sur ces hauts plateaux une chrétienté nouvelle.
Il
sut se créer beaucoup de sympathies dans la région de Phalane, Muang Phine et
Muang Xepone (Tchépone) ; c´est dans ce dernier bourg qu´il loua une maison
pour lui servir de base. Les quelques dizaines de familles catholiques
aujourd´hui dispersées le long de la route n° 9 sont le fruit de son travail ;
ils avaient une petite église en forme de hutte, mais les temps ont changé...
La
région que le Père Tenaud avait prise en charge était depuis toujours réputée
peu sûre. Sur la route, il rencontrait des soldats de la guérilla ; il n´avait
pas peur de les prendre en auto-stop dans sa jeep. Cela a fini par se savoir :
les soldats ont vraisemblablement fait leur rapport sur ses allées et venues.
Le jour venu, il a été facile de lui tendre un piège.
Le
Père Tenaud fut averti du danger par plusieurs personnes, y compris les
responsables de l´armée royale laotienne. Il n´écouta aucun conseil : il
répondait simplement qu´il connaissait ceux de la guérilla, et qu´il n´y avait pas
lieu d´en avoir peur.
Le dernier voyage
En
avril 1961, Noël Tenaud part avec son fidèle catéchiste Outhay et un tout jeune
chrétien de Pongkiou, sourd-muet, pour une tournée des villages de catéchumènes
qui lui étaient confiés. En même temps, la guérilla entamait une avance-éclair,
au cours de laquelle elle allait s´emparer de tout ce secteur.
Il
s´arrête au passage au camp de Seno (Xenô) ; les militaires français
l´avertissent qu´une attaque nord-vietnamienne se prépare sur la zone où il
devait se rendre et lui déconseillent formellement de poursuivre. Plus loin sur
la route, un pasteur protestant qui rentrait de Xepone lui confirme la mauvaise
nouvelle. Le Père Tenaud poursuit malgré tout son périple, et arrive dans le
secteur de l´offensive ; finalement il rebrousse chemin. Mais la route du retour
avait été coupée au-delà de Phalane, à une cinquantaine de kilomètres de
Savannakhet.
Les
trois voyageurs se réfugient alors dans un village en retrait de la route.
Trahis par les villageois, il sont arrêtés par les soldats nord-vietnamiens,
qui leur enjoignent de retourner à Phalane. Sur le chemin entre Muang Phine et
Phalane, ils tombent dans une embuscade : des Vietnamiens sont tués, le Père
est blessé au jarret, le catéchiste Outhay au cou. On les ramène à Phalane, où
l´administration provisoire vient d´être mise en place. Ils y sont soignés
durant huit jours et se remettent de leurs blessures. Le gamin sourd-muet est
relâché ; c´est lui qui rapportera la nouvelle des événements.
La
semaine achevée, le Père Tenaud demande à l´administration provisoire établie
dans la zone « libérée » de pouvoir rentrer à Savannakhet avec Outhay. Des
témoins les voient sortir du bureau de l´administration et se mettre en route à
pied, accompagnés d´un peloton de soldats. On ne les a jamais vus revenir à
Phalane, et on ne les a jamais vus arriver à Savannakhet. Des bruits alarmants
circulèrent tout de suite sur leur compte. La maison du Père Tenaud à Phalane
fut pillée de fond en comble et criblée de balles ; sa voiture fut retrouvée
complètement détruite. Quelqu´un déclarera avoir vu sa tombe.
En
1963 des témoignages très divers permirent de conclure avec certitude que,
ayant donné sa vie pour la mission, Noël Tenaud était retourné vers le Père.
Son décès a alors été enregistré par la Société des Missions Étrangères à la
date fictive du 15 décembre 1962. Cette date a toutefois été rectifiée par la
suite : un avis officiel de l´ambassade de France au Laos, daté du 19 avril
1967, la fixe définitivement au 27 avril 1961.
Pourquoi cette mort
brutale ?
Pourquoi
le P. Noël Tenaud a-t-il été tué ? Certains parmi ses confrères pensent qu´il a
été condamné parce qu´il avait été compromis, et cela se savait très largement,
dans les affaires politiques et militaires. Toutefois, si l´on rapproche sa
mort de celle des trois Oblats tués dans la région de Xieng Khouang exactement
à la même période (18 et 20 avril et 11 mai 1961), la conclusion est différente
: il faut penser à un plan d´ensemble de la guérilla concernant les
missionnaires isolés dans les zones qu´elle contrôlait.
Par
ailleurs, Mgr Bach atteste qu´en 1961, le Père Noël Tenaud n´avait avec les
Français que des rapports de bon voisinage. Il en voit pour preuve que
l´Ambassade de France au Laos ne s´est jamais occupée de rien à la mort de
Tenaud et de ses confrères, alors qu´elle suivait de près ce qui pouvait
arriver à d´autres Français. L´indépendance des missionnaires par rapport à
leur pays d´origine a été reconnue en 1975 par le nouveau régime lui-même,
malgré une certaine confusion dans l´esprit des dirigeants : la présence des
missionnaires a été tolérée dans le pays six mois environ après que tous les
autres Français aient été expulsés.
En
somme, ceux qui ont tué le Père Tenaud n´ont peut-être pas agi directement en
haine de la foi ; mais ils ont certainement agi en haine de la présence de
l´Église catholique au Laos. Les dirigeants de la guérilla, formés au Viêt-nam,
étaient motivés pour arrêter coûte que coûte la progression du christianisme
dans le peuple laotien. Leur conviction était que, une fois les missionnaires «
ennemis du peuple » partis ou éliminés, il serait facile de détourner le peuple
de la foi pour l´attacher à la nouvelle idéologie.
De
même, au témoignage d´un catéchiste, les causes de la mort du Père Tenaud ne
sont pas à chercher du côté de ses options politiques ou de ses liens avec les
militaires. Pour ceux qui furent ses collaborateurs laotiens, le Père Tenaud
est un vrai martyr : il a certainement montré qu´il avait le courage de vivre
sa foi jusqu´au bout.
Le sens profond de sa mort
Pourquoi
le Père Noël Tenaud est-il allé au-devant de la mort ? Mgr Bach répond :
"Le Père Donjon, m.e.p., son supérieur, lui avait
recommandé de ne pas partir dans les zones dangereuses. Mais pour lui le souci
des catéchumènes laissés à eux-mêmes a été plus fort. On peut certainement
parler d´imprudence, mais tous les martyrs n´ont-ils pas été de même de grands
imprudents ? Le Christ, quand il est monté à Jérusalem en dépit des menaces et
malgré les recommandations de ses disciples, n´a-t-il pas été lui-même un
exemple d´imprudence ?"
En
embrassant d´un même regard les autres missionnaires m.e.p. morts de mort
violente au Laos dans les années 1960, le même témoin poursuit :
"Je suis certain que les Pères Denis et Galan ont
donné des signes qu´ils acceptaient la mort librement, à cause de leur foi ;
ils l´ont fait tout simplement. Je suis sûr que le Père Tenaud l´a fait aussi à
sa manière, même si cela a été un peu en fanfaron. Tous, ils ont montré qu´ils
avaient choisi de suivre le Christ, de servir le peuple de Dieu, quoi qu´il
arrive. Ils sont morts courageusement, héroïquement, pour être fidèles à cette
option fondamentale de leur vie."
"Je suis intimement convaincu que les Pères Denis,
Tenaud et Galan sont des martyrs, c´est-à-dire des hommes, des prêtres et des
missionnaires héroïques qui ont offert leur vie courageusement pour leur foi,
et qui ont vraiment suivi le Christ jusque dans la mort. Je suis certain aussi
que ceux qui les ont connus et ont entendu parler d´eux partagent cette même
conviction."
"Pour quelques-uns toutefois, la conviction est
peut-être un peu moins forte à propos du Père Tenaud. Il faut dire que les
réserves à son sujet n´existent pas chez le peuple chrétien, les prêtres et les
religieuses laotiens, mais plutôt chez quelques confrères français."
"Quant aux non-chrétiens du Laos, je pense que le
souvenir de la présence des missionnaires, et de la mort violente de certains,
s´est estompé et que l´on ne fait plus guère mention d´eux."
"La réputation de martyrs des Pères Denis, Tenaud et
Galan a commencé dès le moment de leur mort et ne s´est jamais démentie. Elle
est revenue fortement sur le devant de la scène - avec d´autres - en 1989, au
moment de la béatification des martyrs de Songkhon (Thaïlande), qui étaient des
chrétiens laotiens."
"Il m´arrive souvent de m´inspirer de l´exemple de ces
« martyrs » du Laos : le Père Tenaud pour son courage, et les autres, en toute
simplicité, pour toute leur vie. [...] Je suis convaincu que leur exemple
inspire le courage d´autres chrétiens."
"Comme je l´ai dit, il m´arrive de demander
l´intercession auprès de Dieu de nos « martyrs » du Laos, de façon collective,
sans privilégier tel ou tel. De même, je peux aussi attester qu´un peu partout
au Laos on fait mention d´eux après chaque messe."
Le
témoignage de Mgr Urkia est concordant :
"Je considère sans hésiter le Père Tenaud comme un
martyr. Pour moi, le Père Tenaud a choisi de suivre cet exemple du Christ
jusqu´au bout, quoi qu´il arrive."
Les 17 Martyrs du Laos
1. Fr. Joseph Tien, Laos 5/12/1918, + Muang Xoi (Sam Neua) 2/6/1954
educated
in Vietnam, first Laotian martyr
2. Fr.
Jean-Baptiste Malo, M.E.P., Nantes (F) 1899, + Ha Tinh (Vietnam) 1954
missionary
to China and Laos
3. Fr.
René Dubroux, M.E.P., Lorraine (F) 1914, + Palay (Champasak) 1959
4. Catechist
Paul Thoj Xyooj, Laos 1941, + Muang Kasy (Luang Prabang)1960
first
Hmong missionary and martyr
5. Fr.
Mario Borzaga, O.M.l., Trent 1932, + Muang Kasy (Luang Prab.) 1960
6. Fr. Louis Leroy, O.M.I., Normandy 1923, + Ban Pha (Xieng
Khouang) 1961
7. Fr. Michel Coquelet, O.M.I., France 1931, + Sop Xieng
(Xieng Kh.) 1961
8. Catechist Joseph Outhay, Thailand 1933, + Savannakhet 1961
9. Fr. Noël Tenaud,
M.E.R, Vendée (France)1904, + Savannakhet 1961
10. Fr. Vincent
L’Hénoret, O.M.l., Bretagne 1921, + Ban Ban (Xieng Kh.)1961
11. Fr. Marcel Denis,
M.E.P., Aten9on (France) 1919, + Khammouane 1961
12. Fr. Jean Wauthier,
O.M.l., France 1926, + Ban Na (Xieng Khouang) 1967
13. Thomas Khampheuane, Laos 1952, +
Paksong (Champasak) 1968
first
Laven martyr
14. Fr.
Lucien Galan, M.E.P., France 1921, + Paksong (Champasak) 1968
missionary
to China and Laos
15. Fr. Joseph
Boissel, O.M.l., France 1909, ÷ Hat l-Et (Bolikhamsay) 1969
16. Catechist
Luc Sy, Laos 1938, + Den Din (Vientiane Province) 1970
first Kmhmu’
martyr together with Maisam
17. Lay
leader Maisam Pho Inpeng, Laos 1934, + Den Din 1970
Brève présentation des 17 martyrs du Laos
10/06/2015
Le 10 novembre 1994, dans le cadre de la préparation du Jubilé de l’an
2000, le pape Jean-Paul II publie Tertio Millennio Adveniente, lettre
apostolique par laquelle il appelle à préserver la mémoire des martyrs du XXe
siècle. Les évêques du Laos demandent alors aux Missions Etrangères de Paris
(MEP) et aux Oblats de Marie Immaculée (OMI) de les aider à rechercher les
documents nécessaires.
Plus de vingt ans plus tard, leur démarche a abouti. Ce 5 juin, le pape a
signé le décret que lui présentait le cardinal Angelo Amato, préfet
de la Congrégation pour les causes des saints. Le pape François a signé la
promulgation des décrets relatifs au martyre de 17 prêtres et laïcs tués au
Laos entre 1954 et 1970. Afin de mieux connaître ces martyrs, Eglises d’Asie
publie les documents ci-dessous, rédigés dans le style hagiographique propre à
ce type de littérature.
Au printemps 1953, la guérilla occupe la province laotienne de Sam Neua ; les missionnaires ont été évacués. Le jeune prêtre Joseph Thao Tiên, ordonné en 1949 a décidé pour sa part : « Je reste pour mon peuple. Je suis prêt à donner ma vie pour mes frères laotiens. » Quand on l’emmène vers le camp de Talang, les gens se mettent à genoux sur son passage en pleurant. Il dit : « Ne soyez pas tristes. Je vais revenir. Je m’en vais étudier... Continuez à faire progresser votre village… » Un an plus tard, le 2 juin 1954, il est condamné à mort et fusillé : il avait refusé, une fois de plus, d’abandonner son sacerdoce et de se marier.
Entre temps, à l’autre bout du pays, le P. Jean-Baptiste Malo, ancien
missionnaire en Chine, avait été arrêté avec quatre compagnons. Il mourra
bientôt d’épuisement et de mauvais traite-ments sur le chemin des camps, en
1954 dans une vallée perdue du Viêtnam. En 1959, son confrère des Missions
Etrangères René Dubroux, ancien prisonnier de guerre en 1940, est trahi par un
proche collaborateur et éliminé par la guérilla, qui le balaie comme un
obstacle dérisoire à leur volonté. Cette année-là le Saint-Siège avait donné la
consigne : « Le clergé, ainsi que le personnel auxiliaire religieux (excepté
naturellement les vieillards et malades) doit rester à son poste de
responsabilité, à moins qu’il ne vienne à être expulsé. »
Les missionnaires adoptent avec joie cette consigne, qui signe l’arrêt
de mort pour plusieurs d’entre eux. En 1960, le jeune catéchiste hmong Thoj
Xyooj et le P. Mario Borzaga ne rentrent pas d’une tournée apostolique. En
avril-mai 1961, dans la province de Xieng Khouang, les PP. Louis Leroy, Michel
Coquelet et Vincent L’Hénoret sont cueillis à leur poste et abattus sans
procès. De même dans le sud du pays, le P. Noël Tenaud et son fidèle catéchiste
Outhay sont pris et exécutés ; le P. Marcel Denis sera retenu prisonnier
quelque temps mais partagera le même sort. Un de leur confrères écrit : «
Ils ont été, tous, d’admirables missionnaires, prêts à tous les sacrifices,
vivant très pauvrement, avec un dévouement sans limite. En cette période
troublée, nous avions tous, chacun plus ou moins, le désir du martyre, de
donner toute notre vie pour le Christ. Nous n’avions pas peur d’exposer nos
vies ; nous avions tous le souci d’aller vers les plus pauvres, de visiter les
villages, de soigner les malades, et surtout d’annoncer l’Évangile… »
En 1967, Jean Wauthier, infatigable apôtre des réfugiés, épris de
justice, champion des droits des pauvres, est éliminé par une autre faction ;
il laisse une population éperdue de douleur : « Nous avons perdu un père ! »
Jean avait regardé plus d’une fois la mort en face. Il était prêt ; il a donné
sa vie par amour pour les siens.
En 1968, Lucien Galan, lui aussi ancien missionnaire de Chine, visite
les catéchumènes isolés du plateau des Boloven. Son jeune élève Khampheuane, 16
ans, a tenu à l’accompagner en raison du danger. Au retour de leur mission, on
leur a tendu un guet-apens ; tous deux meurent sous les balles ; leur sang se
mêle pour féconder la terre du Laos. L’année suivante c’est le tour du P.
Joseph Boissel, le doyen des martyrs du Laos (60 ans), d’être pris en embuscade
en route vers une petite communauté chrétienne, et exécuté comme eux.
Début 1970, le jeune catéchiste Luc Sy est envoyé en mission par son
évêque dans la région de Vang Vieng. Avec un compagnon, Maisam Pho Inpèng, ils
sont en tournée dans un village où plusieurs familles sont devenues
catéchumènes. Ils catéchisent et soignent les malades, s’attardent… On les
attendait à la sortie du village. Eux aussi meurent, en plein élan
missionnaire, pour le Christ et pour le peuple de Dieu. Tous deux étaient chefs
de famille.
Laotiens et étrangers, laïcs ou prêtres, ces dix-sept hommes ont donné
pour l’Evangile le témoi-gnage suprême. La jeune Eglise du Laos reconnaît en
eux leurs Pères fondateurs. « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt
pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. »
Profil biographique des 17 martyrs du Laos
Joseph Thao Tiên, protomartyr (1918-1954)
Joseph Thao Tiến est né le 5 décembre 1918 dans la province des Houa
Phanh au Laos. Son grand-père et son père avaient déjà été des chrétiens
remarquables. À onze ans, il entre à l’école des catéchistes montagnards à Hữu
Lễ, dans la province de Thanh Hóa au Vietnam ; à cette époque, sa province
d’origine appartenait en effet au vicariat apostolique de Phát Diệm, et à
partir de 1932 à celui de Thanh Hóa. Bon élève, il est admis en 1937 à la
section petit séminaire, où il étudie le latin et le français. Il sera le seul
des jeunes montagnards à passer avec succès au grand séminaire. Vacances et
stages confirment sa vocation : très proche des gens les plus simples,
catéchiste zélé et régulier, doué de ses mains, il est apprécié des
missionnaires et aimé de tous.
De 1942 à 1946 il est élève des Pères sulpiciens au Grand Séminaire de
Hanoi. Assidu à la prière et aux études, il se tient à l’écart de l’agitation
politique. À Noël 1946, c’est la fermeture du séminaire et la dispersion. Il
rentre au Laos à pied, mais la guerre arrive là aussi. C’est à Saigon qu’il
achèvera ses études. De nombreux condisciples se souviennent avec émotion de
lui, et témoignent de son attachement indéfectible à la mission dans son pays,
le Laos.
Le 6 juin 1949 il est ordonné prêtre à la cathédrale de Hanoi. Le 1er
octobre 1949, il peut enfin rejoindre sa chère mission, à Sam Neua au Laos.
Mais dès novembre, il se retrouve au-delà de la ligne de front, en zone de
guérilla. Avec l’accord avec ses supérieurs, il y restera. La paix revenue
provisoirement, il réorganise et dirige les écoles du Muang Sôi. Mais au fond
de son cœur il est pasteur. Les gens venaient en masse pour l’écouter. Vivant
la pauvreté et la précarité, homme de vision et d’espérance, il est l’ami des
pauvres et aimé de tous.
A Noël 1952, la guérilla communiste reprend. Tout le personnel de la
mission est évacué, mais Thạo Tiến reste à son poste, « prêt à donner ma vie
pour mes frères laotiens ». Après Pâques, c’est l’arrestation, le jugement
populaire, la prison et le camp de rééducation. Isolé, résistant aux manœuvres
destinées à le faire apostasier ou abandonner sa promesse de célibat
sacerdotal, seul avec le Christ souffrant et glorieux, il est un signe
d’espérance pour tous. Le 2 juin 1954, il quitte le camp de Ban Ta Lang,
escorté de quatre gardiens. Il est ligoté et abattu de cinq balles.
Aujourd’hui, chez tous les chrétiens laotiens, tant au pays que dans la
diaspora, le nom du P. Tiến est prononcé avec respect et invoqué avec confiance
: il est le premier fruit de leur jeune Église, les prémices qu’elle a offert à
Dieu.
Le P. Jean-Baptiste Malo, MEP (1899-1954)
Jean-Baptiste Malo est né le 2 juin 1899 à La Grigonnais, dans le
diocèse de Nantes en France. Il grandit à Vay (44), dans une famille de petits
paysans. Vocation tardive, il entre au Séminaire des Missions Étrangères à 29
ans. Ordonné prêtre le 1er juillet 1934, il est envoyé en mission à Lanlong
(Anlong, Guizhou), en Chine.
Dans cette région montagneuse aux confins des provinces de Guizhou,
Guangxi et Yunnan, il règne alors une grande insécurité. En dépit de grandes
difficultés, toujours sur le qui-vive, le P. Malo visite ses chrétientés, dont
certaines n’ont pas vu de prêtre depuis 20 ans ; il fonde quatre nouvelles
écoles. Au printemps 1951 c’est l’arrivée des troupes communistes : il est
arrêté, détenu puis, après un jugement sommaire, expulsé de Chine affaibli et
malade.
Le 27 novembre 1952, il rejoint son nouveau champ d’apostolat : la
mission de Thakhek, au Laos. A Noël 1953, les troupes vietminh progressent dans
la région et l’armée française contraint les missionnaires à s’évacuer vers Paksé,
dans le sud du pays. Au retour, le 15 février 1954, ils tombent dans une
embuscade des Viêt Minh. Avec son préfet apostolique, des confrères et une
religieuse, le P. Malo fait face à des interrogatoires.
Le groupe est emmené à pied vers un camp de rééducation près de Vinh
(Vietnam), à des cen-taines de kilomètres. Le P. Malo n’arrivera pas au bout de
cette marche forcée. Il est malade et ne peut digérer le vieux riz qui sert
d’unique nourriture quotidienne aux prisonniers. Ses gardiens lui refusent tout
repos et tout soin : il meurt de faim et d’épuisement le 28 mars 1954 en
offrant sa vie à Dieu. Il est mis en terre la nuit suivante sur le bord du
fleuve Ngàn Sau, dans la province de Hà Tĩnh au Vietnam. Les chrétiens de cette
région isolée, qui ont surpris l’enterrement, ont pieusement gardé sa tombe et
son souvenir jusqu’à aujourd’hui.
Le P. Mario Borzaga, OMI (1932-1960)
Mario Borzaga est né à Trente le 27 août 1932. A 11 ans, il entre au
Petit Séminaire diocésain, puis poursuit ses études au Grand Séminaire jusqu’à
la 1e année de théologie. A 20 ans, il entre dans la Congrégation des
Missionnaires Oblats de Marie Immaculée. Le 21 novembre 1953, il fait ses
premiers vœux à Ripalimosani (Campobasso), et reprend ses études de théologie
au sco-lasticat oblat de San Giorgio Canavese (Turin). Durant quatre ans il se
prépare, dans l’étude et la prière, pour la mission ad gentes, dont il rêve
depuis longtemps. Le 21 novembre 1956, il fait son oblation perpétuelle.
Quelques semaines plus tard il écrit : « Je m’approche de la prêtrise comme
une mère qui attend de mettre au monde… Je veux former en moi une foi et un
amour profonds, solides comme le granit ; sans cela je ne pourrais pas être
martyr... »
Le 24 février 1957, Mario est ordonné prêtre ; sa messe de prémices est
célébrée le dimanche 28 avril à la cathédrale de Trente, sa paroisse. Le 2
juillet, il reçoit son obédience pour le Laos. Le 31 octobre, il s’embarque à
Naples avec le premier groupe de Missionnaires Oblats italiens destinés au
Laos. A 25 ans, il est le plus jeune de l’expédition.
Après un mois de voyage, le voici à Paksane, où il débute son année
d’apprentissage : étude de la langue, des coutumes laotiennes, etc. En stage à
Keng Sadok, il s’efforce d’entrer le plus vite possible en contact avec des
personnes à qui il peut annoncer la Bonne Nouvelle. Son Journal d’un
homme heureux (publié en 1985-86 puis en 2005) et son abondante correspondance
décri-vent le voyage intérieur à la découverte d’une mission difficile, rendue
encore plus ardue à cause de la guérilla.
En décembre 1958 le P. Mario Borzaga est envoyé dans le village de
Kiucatiam (Louang Pra-bang). Au service de la communauté chrétienne hmong, il
s’efforce de former des catéchistes, de visiter les familles, et de soigner les
malades qui affluent chaque jour à sa porte. Le dimanche 24 avril 1960 après la
messe, des Hmong de Pha Xoua viennent à lui. Ils renouvellent la demande de
visiter leur village, qui est à trois jours de marche par-delà la forêt et les
pentes escarpées de la montagne.
Mario se prépare alors en hâte pour une tournée missionnaire de quinze
jours, avant le début de la saison des pluies. Le 25 avril il se met en marche,
accompagné de son jeune catéchiste Paul Thoj Xyooj. Ce sera un voyage sans
retour. Les recherches entreprises après la disparition des deux voyageurs ne
donneront aucun résultat.
Les témoignages recueillis depuis le début, mais surtout au cours des
dernières années, confir-ment toutefois ce qui était depuis le début la
certitude des Hmong : les deux apôtres ont été pris et éliminés par des
éléments de la guérilla. À 27 ans, le P. Mario Borzaga avait rendez-vous avec
son Créateur. N’avait-il pas écrit dans son journal : « Moi aussi, j’ai été
choisi pour le martyre » ?
Le catéchiste Paul Thoj Xyooj (1941-1960)
Paul Thoj Xyooj est un jeune catéchiste laotien d’ethnie hmong. Né en
1941 à Kiukatiam (Louang Prabang), il sera baptisé à 16 ans, le 8 décembre
1957, par le P. Yves Bertrais, OMI. A Noël 1957, il est à l’école des
catéchistes au Séminaire de Paksane, où il reçoit le nom lao de Khamsè ; mais
au bout d’un an, il est de retour à Kiukatiam. En avril 1959, faute d’un
catéchiste mieux formé, on l’envoie à Na Vang (Louang Namtha) avec le P. Luigi
Sion.
Les témoignages décrivent Paul Xyooj comme un catéchiste zélé et utile.
Son enseignement et son exemple de vie chrétienne sont à l’origine de
nombreuses conversions. En décembre 1959, il est envoyé à la nouvelle école de
catéchistes de Louang Prabang pour y poursuivre sa formation ; mais il est en
crise et retourne bientôt dans son village natal. Les mois suivants, il est
proche du P. Mario Borzaga, qui parle souvent de lui dans son Journal.
Lundi 25 avril 1960, le P. Mario Borzaga prend Paul Xyooj comme
compagnon pour un voyage missionnaire ; ils n’en reviendront jamais. En fait,
Xyooj doit faire face au sacrifice de sa vie en cherchant à sauver son
missionnaire. Un témoin a rapporté ses dernières paroles : « Je ne pars pas,
je reste avec lui ; si vous le tuez, tuez-moi aussi. Là où il sera mort, je
serai mort, et là où il vivra, je vivrai. »
Les corps, jetés dans une fosse commune dans la forêt, n’ont jamais été
retrouvés ; mais les témoignages permettent de situer la mort glorieuse de Paul
Thoj Xyooj et du P. Mario Borzaga dans la région de Muong Met, sur la piste de
Muong Kassy.
Le P. René Dubroux, MEP (1914-1959)
René Dubroux est né le 28 novembre 1914 à Haroué, dans le diocèse de
Nancy en France. Le 8 janvier 1939 il est ordonné prêtre pour le diocèse de
Saint-Dié, et nommé vicaire à la paroisse Saint-Pierre-Fourier de Chantraine.
En 1940, lors de l’attaque allemande, il est infirmier militaire au front et
s’illustre par sa bravoure.
Le 30 octobre 1943, René Dubroux est admis dans la Société des Missions
Étrangères de Paris, et bientôt destiné à la Mission de Thakhek au Laos. Il ne
pourra rejoindre sa mission qu’après deux années comme aumônier militaire en
Indochine (1946-1948).
Au poste missionnaire de Namdik (1948-1957), il développe la vie
chrétienne de ses fidèles par ses instructions et par la fréquentation assidue
de l’eucharistie et de la pénitence. Sur le plan matériel, il s’efforce
d’améliorer leur sort et leur apprend à exploiter la forêt et à exporter le
bois. En 1957, il est chargé du district de Nongkhène près de Paksé. C’est un
endroit dangereux, au contact immédiat avec la guérilla communiste naissante.
Des menaces pèsent sur lui : la rébellion veut montrer que le missionnaire
n’est qu’un fétu sur leur chemin, un obstacle dérisoire à leur volonté. Quant à
lui, il a décidé de rester et de poursuivre sa mission.
Tard dans la soirée du 19 décembre 1959, le P. Dubroux est en
conversation avec ses catéchistes dans la sacristie de la petite chapelle de
Palay, qui lui sert de logement. Il est abattu presque à bout portant par ses
ennemis. Il avait une haute idée de ses devoirs de pasteur ; il est mort par
amour de ses fidèles, par fidélité à sa mission. Son souvenir est resté très
vivant chez tous ses anciens paroissiens.
Le P. Louis Leroy, OMI (1923-1961)
Louis Leroy est né le 8 octobre 1923 à Ducey, dans le diocèse de
Coutances en France. Orphelin de père, il travaille une dizaine d’années dans
la ferme familiale. A 22 ans, il s’oriente vers la vie missionnaire chez les
Missionnaires Oblats de Marie Immaculée. Après un temps de rattrapage scolaire
à Pontmain, il suit avec courage les six années de philosophie et de théologie
à Solignac. A l’un ou l’autre de ses compagnons il confie son espoir de mourir
martyr.
Ordonné prêtre le 4 juillet 1954, il est envoyé à la Mission du Laos.
Affecté dans des postes de montagne, il étudie patiemment les langues – lao,
thaï-deng, kmhmu’ –, desservi par une surdité précoce. Ses résultats médiocres
sont compensés par son infatigable dévouement au service des malades, par son
amour des plus pauvres, par sa patience envers les pécheurs. Inlassablement, il
visite les villages qui lui sont confiés, à des heures de marche autour de sa
résidence de Ban Pha. A ses correspondantes carmélites, il confie ses joies et
ses peines ; il souffre de la tiédeur et du manque de constance de certains chrétiens.
Devant l’arrivée des troupes communistes, obéissant aux consignes de
Rome et de son évêque, il refuse avec opiniâtreté de quitter son poste. Le 18
avril 1961, un détachement vient le chercher. Demandant d’enfiler sa soutane,
de prendre sa croix et son bréviaire, il suit les soldats. Dans la forêt
voisine, il est sommairement abattu. Son rêve de jeunesse, témoigner du Christ
jusqu’au martyre, était exaucé.
Le P. Michel Coquelet, OMI (1931-1961)
Michel Coquelet est né le 18 août 1931 à Wignehies, dans l’archidiocèse
de Cambrai en France. Il grandira dans le diocèse d’Orléans, puis retourne dans
son diocèse d’origine pour achever ses études au Petit Séminaire de Solesmes.
En 1948, il est admis au noviciat des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée à
La Brosse-Montceaux, puis au scolasticat de Solignac. De son service militaire
aux confins du Sahara, il rapporte une véritable passion pour le soin des
malades.
Ordonné prêtre le 19 février 1956, il est envoyé l’année suivante à la
Mission du Laos. Ses quatre années d’apostolat furent une dure épreuve : dans
la montagne, il fut affecté à des villages de néophytes dont la formation
chrétienne laissait fort à désirer. Le journal de la mission montre sa
souffrance de missionnaire, mais aussi son grand esprit de foi, teinté d’un
humour qui était un des traits attachants de son caractère. Il se fit tout à
tous, avec le souci d’aller vers les plus pauvres, de visiter les villages, de
soigner les malades, et surtout d’annoncer l’Evangile…
Le 20 avril 1961, il est en tournée au service des malades. Les soldats
de la rébellion lui tendent un guet-apens à Ban Sop Xieng. Il est tué au bord
de la route. Son corps sera jeté dans le torrent, qui irrigue cette terre
laotienne où il avait semé avec patience et amour la Parole de Dieu. Ses Kmhmu’
ne l’ont jamais oublié.
Le P. Vincent L’Hénoret, OMI (1921-1961)
Vincent L’Hénoret est né le 12 mars 1921 à Pont l’Abbé, dans le diocèse
de Quimper en Bretagne (France). Il fait ses études secondaires, puis son
noviciat, chez les Missionnaires Oblats de Marie Immaculée à Pontmain. Pour les
études de philosophie et de théologie, il est à La Brosse-Montceaux, où il vit
le drame du 24 juillet 1944 : l’exécution sommaire par les nazis de cinq
Oblats. Ordonné prêtre le 7 juillet 1946, il se fait photographier devant le
monument aux Oblats fusillés, où est gravée dans la pierre la phrase de Jésus :
« Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »
Conformément à son souhait, il est envoyé à la Mission oblate du Laos, ruinée
par la guerre.
Dans le secteur de Paksane, il est un pasteur attentif, qui sait se
faire aimer de ses chrétiens de troisième génération. En 1957, il est envoyé
semer l’Evangile dans les montagnes de Xieng Khouang. A Ban Ban, son apostolat
est surtout auprès des réfugiés thaï-deng, qui avaient fui la persécution des
Houa Phanh – apostolat ingrat, où il doit lutter contre le découragement. Le
jour de l’Ascension au petit matin, 11 mai 1961, il circule à bicyclette pour
assurer l’Eucharistie. Un poste de la guérilla communiste contrôle son
laissez-passer, qui est en règle, puis l’abat d’une rafale dans le dos. Dans
leur idéologie, la présence d’un missionnaire n’était pas tolérable.
Le P. Noël Tenaud, MEP (1904-1961)
Noël Tenaud est né le 11 novembre 1904 à Rocheservière, dans le diocèse
de Luçon en Vendée (France). De 1924 à 1928, il est au Grand Séminaire
diocésain, puis rejoint celui des Missions Etrangères de Paris. Ordonné prêtre
le 29 juin 1931, il est envoyé à la « Mission du Laos », dont la partie principale
est alors au Siam. Ses années comme curé à Kham Koem (Thaïlande) ont laissé un
souvenir vivant.
La guerre franco-siamoise (1939-1940) l’amène au Laos proprement dit. A
partir de 1944, il est curé de Pong Kiou (Khammouane) et rayonne dans toute la
région. Son action, notamment au cours de divers épisodes belliqueux contre la
tyrannie japonaise et la mainmise des troupes communistes, marque profondément
les chrétientés de la minorité Sô. Il accepte aussi, dans les situations
difficiles, des responsabilités de plus en plus lourdes dans l’organisation de
la mission.
En 1959, le P. Tenaud accepte de quitter sa belle région pour
l’arrière-pays de Savannakhet, où le travail de première évangélisation n’a pas
encore commencé. Basé à Xépone, près de la fron-tière du Vietnam, avec son
fidèle catéchiste Joseph Outhay, il prospecte les villages tout au long de la
route qui monte de Savannakhet.
En avril 1961, les deux apôtres partent en tournée apostolique. On les
avertit qu’une attaque nord-vietnamienne se prépare ; mais rien ne doit arrêter
la Parole de Dieu. Le chemin du retour est coupé : ils sont pris au piège,
arrêtés, interrogés et exécutés le 27 avril 1961 pour leur action missionnaire.
Chez tous ceux qui l’ont connu, le souvenir du P. Noël Tenaud, de son œuvre
missionnaire et du don suprême de sa vie, est resté très vivant.
Le catéchiste Joseph Outhay (1933-1961)
Joseph Outhay naquit vers Noël 1933, dixième enfant d’une famille
catholique très pieuse de Kham Koem, dans le Lao Issan, aujourd’hui diocèse de
Tharè-Nonseng en Thaïlande. Lors-qu’éclate au Siam la persécution de 1940, le
jeune Outhay a sept ans. Sa paroisse puis l’ensemble de la province restent
sans prêtre résident ; son père est catéchiste et prend le relais. À douze ans,
la persécution finie, Outhay est envoyé pour 6 ans au petit séminaire de
Ratchaburi. Il revient alors au village : sa mère et ses frères aînés sont tous
morts ; il doit s’occuper de son père et de ses deux sœurs encore petites… Il
se marie donc – il a 19 ans –, mais un an plus tard son épouse meurt en
couches, suivie peu après de leur enfant.
Outhay vit là un signe : il partit pour Tharè, se mettant à la
disposition de son évêque comme catéchiste diocésain. À l’invitation de son
ancien curé, le P. Noël Tenaud, MEP, il suivra bientôt ce dernier vers la
Mission de Thakhek au Laos. Homme expérimenté, mûri précocement par la vie, il
fut à Pongkiu un catéchiste apprécié de tous, chargé de la formation de jeunes
catéchistes débutants. Homme de confiance du P. Tenaud, il le suivra en 1960
vers les régions de la pro-vince de Savannakhet à défricher pour l’Evangile. Il
partagera aussi son destin final, rendant comme lui l’ultime témoignage de foi
le 27 avril 1961. De son vivant, Outhay était déjà considéré comme un
catéchiste héroïque. Après sa mort, sa renommée n’a fait que monter, jusqu’à
aujourd’hui. Son exemple est une inspiration pour tous.
Le P. Marcel Denis, MEP (1919-1962)
Marcel Denis est né le 7 août 1919 à Alençon, la ville de sainte Thérèse
de l’Enfant-Jésus, dans le diocèse de Séez en France. Il fréquente d’abord le
petit et le grand séminaire de son diocèse ; en 1942, il est admis aux Missions
Etrangères de Paris. Ordonné prêtre le 22 avril 1945, il part en 1946 pour la
Mission du Laos.
Chargé d’abord des chrétientés de Dong Makba et alentours, dans la
plaine, il y travaille avec difficulté à l’éducation des villageois. À partir
de 1954, il est envoyé vers les zones intérieures du Khammouane. Il s’établit à
Maha Prom et s’entoure de collaborateurs de valeur. Il met sa science, son cœur
et sa foi, dans la patience et la persévérance, au service de la promotion
humaine et spirituelle du peuple auquel il est envoyé. Peu à peu, il se tourne
vers les villages de la montagne, qui ignorent tout de l’Evangile, et consacre
beaucoup de temps et d’amour aux lépreux. Pèlerin infatigable, il parcourt une
vaste région et ouvre le dialogue avec les populations rencontrées. Çà et là la
bonne graine germe, ouvrant de grands espoirs de conversions.
En avril 1961, la guérilla communiste occupe en quelques semaines tout
le territoire qui lui est dévolu. Il se dépense sans compter pour mettre
collaborateurs et enfants à l’abri, mais décide de rester au milieu d’eux. Il
est arrêté et emmené en détention vers un lointain village à la frontière du Vietnam.
Au bout de trois mois, le 31 juillet 1961, il est emmené dans la forêt et
exécuté. Sa mémoire est vénérée et son exemple continue d’inspirer de nombreux
chrétiens laotiens.
Le P. Jean Wauthier, OMI (1926-1967)
Né le 22 mars 1926 à Fourmies, dans l’archidiocèse de Cambrai en France,
Jean Wauthier grandit durant la Seconde Guerre mondiale comme réfugié dans le
diocèse d’Agen. Il y est élève au Petit Séminaire de Bon-Encontre, et son
souvenir y reste très vivant. En 1944, il rejoint à travers un pays en désordre
le noviciat des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée à Pontmain. Au
scolasticat de Solignac, alors en construction, les travaux manuels les plus
pénibles ne le rebutent pas. Homme au physique robuste et au caractère trempé,
il fait son service militaire en Afrique du Nord comme élève-officier
parachutiste : un missionnaire bien préparé ! Ordonné prêtre le 17 février
1952, il rejoint en octobre la mission du Laos.
Jean Wauthier est mis sans tarder au service de la mission chez les plus
pauvres, les Kmhmu’. Durant les années de guerre et de guérilla, il accompagne
les gens de ses villages à travers leurs déplacements à la recherche d’un havre
de paix. Pionnier lui-même, il se met à leur service à travers ses
connaissances médicales, techniques, linguistiques et catéchétiques.
En 1961, il est sauvé in extremis en face d’un peloton d’exécution. Par
prudence, ses supérieurs le rappellent comme éducateur au petit séminaire de
Paksane, tâche dont il s’acquitte avec com-pétence et dévouement ; mais il n’aspire
qu’à retrouver ses réfugiés dans la montagne, parmi lesquels la misère s’est
installée : récoltes incertaines, attaques, mines le long des pistes, pénurie
de médicaments, abus de toute sorte. C’est chose faite en octobre 1964.
Outre le soin des néophytes et des catéchumènes et le défrichage
missionnaire, le P. Wauthier se consacre à répartir équitablement l’aide
humanitaire. C’est là que se noue le drame, car même dans la pire misère il y a
encore exploitants et exploités : il défend les pauvres Kmhmu’, sans pour
autant les favoriser car il sait se mettre au service de tous. Il est désormais
conscient que sa vie est menacée. Le 16 décembre 1967 dans la nuit, sous le
couvert d’une attaque simulée de la guérilla, il est exécuté de trois coups de
feu en pleine poitrine. Le lendemain, un des catéchistes écrit à ses parents : «
Le P. Jean est mort parce qu’il nous aimait et n’a pas voulu nous abandonner. »
Son amour des pauvres continue de rayonner au Laos.
Le P. Lucien Galan, MEP (1921-1968)
Lucien Galan est né le 9 décembre 1921 à Golinhac, dans le diocèse de
Rodez en France. Il entre d’abord au Grand Séminaire de Rodez, mais est admis
en 1946 aux Missions Etrangères de Paris. Ordonné prêtre le 29 juin 1948, il
part en décembre pour la Mission de Xichang, au Sichuan (Chine).
Fin mars 1950, la région est « libérée » par les communistes. En
novembre, au retour d’une tournée chez ses chrétiens, il est appréhendé et
emprisonné, puis mis en résidence surveillée sous un régime de terreur. Il est
finalement expulsé de Chine, arrivant à Hong Kong au terme d’un long périple en
janvier 1952.
Après quelques semaines de repos, il est réaffecté à la Mission de Paksé
au Laos. Vers 1953-1954, il prend contact avec les populations « kha », les
minorités montagnardes méprisées du plateau des Bolovens. En 1956, il
s’installe au milieu d’eux dans une petite maison-chapelle, d’où il rayonne sur
les villages. Il les visite malgré la présence d’éléments rebelles qui se
cachent dans ces montagnes. Il a soin aussi des Chinois de Paksé.
En février 1960, il prend la relève du Serviteur de Dieu René Dubroux,
assassiné, dans la zone limitrophe entre forces laotiennes rivales.
L’insécurité ne permet de visiter que très rarement les villages les plus
lointains. Le 11 mai 1968, il part en remplacement d’un confrère pour Nong Mot
et de Nong I-Ou, qui sont entrés en catéchuménat, avec deux jeunes élèves
catéchistes. Il y assure la catéchèse et la messe. Dimanche 12, il reprend la
route pour une célébration au Km-15 de Paksé. Mais l’ennemi a dressé une
embuscade : la voiture est prise sous le feu d’armes lourdes. Le jeune
Khampheuane est tué sur le coup, son ami blessé. Le P. Galan est achevé au
poignard. Il meurt, victime de son devoir et de sa charité. Le souvenir de son
esprit de service et d’abnégation reste très vivant jusqu’à aujourd’hui.
L’élève catéchiste Thomas Khampheuane Inthirath (1952-1968)
Thomas Khampheuane Inthirath est né en mai 1952 dans le village de Nong
Sim (ethnie lavên) sur le plateau des Boloven, vicariat apostolique de Paksé.
Son père avait succédé au grand-père maternel comme catéchiste du village, et
avait connu la prison pour ce motif. Khampheuane était le fils chéri,
longuement désiré et attendu ; mais cela n’a pas gâté sa nature pacifique et
généreuse. Il était serviable et d’une grande simplicité. C’était aussi un cœur
pur, et certains ont vu là un signe de sa vocation à la sainteté, au martyre.
A quinze ans, il est choisi par le P. Lucien Galan pour entrer à l’école
des catéchistes à Paksong, qui assurait aux élèves une bonne formation
générale, doctrinale et liturgique. Thomas était fier de ce choix. Le 11 mai
1968, le P. Galan passe là, en route pour les villages catéchumènes les plus
lointains. Deux élèves, Khampheuane et son ami Khamdi, se portent volontaires
pour l’accompagner. Ils étaient très conscients du danger, mais Khampheuane
avait la volonté de servir l’Eglise. Au retour, la voiture fut prise en
embuscade : il mourut à côté du P. Galan. Malgré la détresse de la famille, le
papa confia à un missionnaire être fier que son fils ait accepté de donner sa
vie pour sa foi. Sur le plateau, Thomas n’est pas oublié.
Le P. Joseph Boissel, OMI (1909-1969)
Joseph Boissel naît le 20 décembre 1909 dans une famille de petits
fermiers bretons, au Loroux dans l’archidiocèse de Rennes (France). C’était un
solide paysan, dur à la besogne. À 14 ans, orphelin de père, il entre au
juniorat des Oblats de Marie Immaculée à Jersey, et poursuit avec eux sa
vocation missionnaire. Ordonné prêtre le 4 juillet 1937, il reçoit l’année suivante
sa feuille de route pour la jeune Mission du Laos.
Le P. Boissel appartient à la génération des pionniers oblats de cette
mission, qui ont connu toutes les secousses des guerres successives. Il débute
auprès des Hmong de la province de Xieng Khouang où l’évangélisation n’avait
pas encore commencé. En mars 1945, il est prisonnier des Japonais à Vinh au
Vietnam. Au retour, il retrouve la mission entièrement ruinée et se remet
courageusement à l’œuvre, malgré une santé désormais ébranlée par les privations.
En 1949 il est à Paksane dans la vallée du Mékong : il aide à construire et à
gérer le petit séminaire, n’hésitant pas à cultiver lui-même la rizière. En
1952, il obtient de repartir dans les montagnes de Xieng Khouang. Il y poursuit
l’évangélisation des Thaï Dam de Ban Na et entreprend celle des Khmhmu’ des
villages environnants.
En novembre 1957, il est de retour pour de bon dans le district
missionnaire de Paksane, curé de Nong Veng puis de Lak Si. Mais il aura de plus
en plus la charge des villages des réfugiés, qui ont fui la guerre et le
communisme de Xieng Khouang. Dans ces années-là, prendre la route est toujours
risqué ; à partir de mars 1969, la pression de la guérilla s’accentue.
Le samedi 5 juillet 1969, le P. Boissel s’en va assurer le service à Hat
I-Êt, à une vingtaine de kilomètres de Paksane, en compagnie de deux jeunes
Oblates Missionnaires de Marie Immaculée qui l’aident pour les visites, les
soins aux malades et la catéchèse. A la sortie d’un virage, le Viêt Minh le
guette : deux rafales de mitrailleuse, le ‘gêneur’ est tué net, et les Oblates
grièvement blessées. Cette mort sur la brèche, en pleine mission apostolique, a
fortement impressionné tout le peuple de Dieu. Son souvenir y reste très
vivant.
Le catéchiste Luc Sy (1938-1970)
Luc Sy est né en 1938 à Ban Pa Hôk, un village de la minorité kmhmu’ à
quatre heures de marche dans la montagne au sud de Xieng Khouang au Laos. Le
village fut baptisé le 28 octobre 1951 ; Sy reçut les noms de Luc et Marie.
Elève timide mais franc et travailleur, il étudie de 1953 à 1957 à l’école des
catéchistes, au Petit Séminaire de Paksane. En 1958, il est réclamé pour les
écoles de l’État, mais continue à travailler en étroite collaboration avec le
P. Jean Wauthier, qui sut lui faire partager son esprit apostolique.
En 1961, Luc Sy est enrôlé dans l’armée, où il sera caporal. Dans une
vie d’errance à travers un pays en désordre, il reste bon chrétien. En 1967,
blessé, il est démobilisé. Il est accueilli comme catéchiste à Nong Sim dans la
Mission de Paksé. Il se marie avec une jeune veuve catholique, qui avait deux
enfants ; le couple mettra au monde une fille. Mais la mort de Jean Wauthier
réveilla chez Luc Sy le désir de servir les Kmhmu’, déplacés par la guerre,
humiliés et brimés. En avril 1969, il rejoint le Centre pastoral de Hong Kha à
Vientiane, où l’on formait les catéchistes kmhmu’ pour assurer le service
pastoral et social, là où les prêtres n’avaient plus accès. Élève doué, mûri
par la vie, assidu à la prière, ouvert aux plus délaissés, Luc Sy fut prêt dès
Noël 1969 pour un envoi en mission. Il devint associé de l’Institut séculier Voluntas
Dei.
Le 26 janvier 1970, il est envoyé par l’évêque en mission dans la région
de Vang Vieng, vaste secteur peuplé de villages de réfugiés. En peu de temps,
il y accomplit un travail remarquable, tant pour le développement que pour la
catéchèse. Le 4 mars, rejoint par Louis-Marie Ling, diacre Voluntas Dei
et futur évêque, il fait la retraite mensuelle. Ils partent le lendemain avec
un compagnon à Dène Dine, pour une tournée auprès des catéchumènes. Le matin du
7 mars 1970, veille du dimanche Lætare, les trois apôtres, dénoncés,
sont pris dans une embuscade ; seul Louis-Marie a la vie sauve. Dès le début,
il y eut autour de Luc Sy une réelle aura de sainteté et de martyre : il fut et
reste un exemple vivant pour les autres catéchistes. Les chrétiens kmhmu’
vénèrent sa mémoire.
Le responsable laïc Pho Inpèng (1934-1970)
Maisam, appelé plus tard ‘Pho Inpèng’ du nom de son fils selon la
coutume, est né en 1934 dans la Province des Houa Phanh. Avec de nombreux
autres Kmhmu’ de sa province, il est touché vers 1959 par la prédication de
l’Évangile. Enrôlé dans l’Armée royale lors de l’attaque des troupes
communistes en octobre 1960, il sera capitaine. Mais c’est un homme de paix.
Dès que possible il quitte l’armée et se marie. Avec son épouse, il se réfugie
à Houey Phong dans la région de Vang Vieng ; c’est là que le couple sera
baptisé. Homme instruit, respecté et influent, il est bientôt choisi comme
responsable laïc de la petite chrétienté, faite surtout de catéchumènes. En
l’absence du missionnaire et du catéchiste, il dirige la prière et instruit les
enfants.
Lors de la journée de retraite de Louis-Marie Ling et Luc Sy, le 4 mars
1970, Pho Inpèng est là pour les servir. Quand il apprend que les deux jeunes
gens doivent se rendre dans un milieu hos-tile, pour visiter les catéchumènes
et soigner les malades, il s’offre pour les accompagner et fait équipe avec
eux. Au retour, c’est l’embuscade fatale. La balle qu’il reçoit en plein front
était destinée à Louis-Marie Ling ; elle met fin à la brève carrière héroïque
de ce chrétien laïc exem-plaire.
Liste des 17 témoins de l’Eglise du Laos
(Les martyrs français sont en italiques.)
1. Joseph Thao Tiên, né le 5.12.1918 à Muang Sôi (Houa Phanh, Laos),
prêtre diocésain taï-deng du vicariat de Thanh Hóa (Vietnam), mort le 2.6.1954
à Ban Talang (Houa Phanh), vicariat de Vientiane.
2. Jean-Baptiste Malo, MEP, né le 2.6.1899 à La Grigonnais (44), missionnaire en Chine puis au Laos, mort le 28.3.1954 à Yên Hội (Hà Tĩnh), diocèse de Vinh (Vietnam).
3. René Dubroux, MEP, né le 28.11.1914 à Haroué (54), prêtre diocésain de Saint-Dié puis missionnaire au Laos ; mort le 19.12.1959 à Palay, vicariat de Paksé.
4. Paul Thoj Xyooj, né en 1941 à Kiukatiam (Louang Prabang), catéchiste hmong, mort le 1.5.1960 à Muang Kasy, vicariat de Louang Prabang.
5. Mario Borzaga, OMI, né le 27.8.1932 à Trente (Italie), mort le 1.5.1960 à Muang Kasy, vicariat de Louang Prabang.
6. Louis Leroy, OMI, né le 8.10.1923 à Ducey (50), mort le 18.4.1961 à Ban Pha (Xieng Khouang), vicariat de Vientiane.
7. Michel Coquelet, OMI, né le 18.8.1931 à Wignehies (59) et éduqué à Puiseaux (45), mort le 20.4.1961 à Sop Xieng (Xieng Khouang), vicariat de Vientiane.
8. Joseph Outhay Phongphoumi, catéchiste veuf, né en 1933 à Khamkoem, diocèse de Tha-rè-Nongsèng (Thaïlande), mort le 27.4.1961 à Phalane, vicariat de Savannakhet.
9. Noël Tenaud, MEP, né le 11.11.1904 à Rocheservière (85), missionnaire en Thaïlande puis au Laos, mort le 27.4.1961 à Phalane, vicariat de Savannakhet.
10. Vincent L’Hénoret, OMI, né le 12.3.1921 à Pont l’Abbé (29), mort le 11.5.1961 à Ban Ban / Muang Kham (Xieng Khouang), vicariat de Vientiane.
11. Marcel Denis, MEP, né le 7.8.1919 à Alençon (60), mort le 31.7.1961 à Kham Hè (Khammouane), vicariat de Savannakhet.
12. Jean Wauthier, OMI, né le 22.3.1926 à Fourmies (59), mort le 16.12.1967 à Ban Na (Xieng Khouang), vicariat de Vientiane.
13. Thomas Khampheuane Inthirath, né en mai 1952 à Nong Sim (Champassak), élève caté-chiste lavên, mort le 12.5.1968 à Paksong (Champassak), vicariat de Paksé.
14. Lucien Galan, MEP, né le 9.12.1921 à Golinhac (12), missionnaire en Chine puis au Laos, mort le 12.5.1968 à Paksong (Champassak), vicariat de Paksé.
15. Joseph Boissel, OMI, né le 20.12.1909 au Loroux (35), mort le 5.7.1969 à Hat I-Et (Bo-likhamsay), vicariat de Vientiane.
16. Luc Sy, catéchiste kmhmu’ père de famille, né en 1938 à Ban Pa Hôk (Xieng Khouang), mort le 7.3.1970 à Dène Din (Province de Vientiane), vicariat de Vientiane.
17. Maisam Pho Inpèng, laïc kmhmu’ père de famille, né vers 1934 près de Sam Neua (Houaphan), mort le 7.3.1970 à Dène Din (Province de Vientiane), vicariat de Vientiane.
Importance du témoignage des Martyrs du Laos pour l’Église et la société au moment de leur mort
Dès avant sa mort, au moment de son emprisonnement, le P. Joseph Thao
Tiên est apparu comme un véritable témoin de la foi chrétienne dans un milieu
foncièrement hostile. Cette réputation lumineuse a commencé dans sa province
d’origine, les Houa Phanh, et dans son propre groupe ethnique, les Thaï Deng ;
mais après la confirmation de sa mort en 1955, elle s’est répandue très vite
dans l’ensemble du pays et au Vietnam.
Le P. Tiên a servi de modèle à tous ceux qui se trouvaient confrontés
aux mêmes choix que lui. Grâce à son exemple de fidélité héroïque au Christ et
à sa propre vocation sacerdotale, de nom-breux prêtres laotiens et étrangers,
et d’innombrables chrétiens laïcs, ont su à leur tour trouver le chemin de la
constance intrépide au milieu des épreuves les plus dures, y compris en face
d’une mort imminente. L’histoire de la Mission catholique au Laos ne connaît
aucun missionnaire qui ait reculé devant le danger ; en grande majorité, les
chrétiens ont préféré perdre toutes leurs possessions matérielles plutôt que de
renoncer aux valeurs de l’Évangile.
Un vieux catéchiste, Jean Louk Khamsouk, qui avait été compagnon de
Joseph Tiên dans l’évangélisation puis en prison, donne le témoignage suivant :
« Dans la pensée de l’ensemble de la communauté chrétienne…, le P. Tiên est
un saint et un héros… On lui a promis de le libérer s’il acceptait de se marier
et de devenir un citoyen ordinaire. Mais lui a toujours refusé. Pour nous,
c’est cela qui compte, c’est là le signe de sa sainteté… »
Pour la communauté chrétienne du Laos, et largement au-delà, le
témoignage donné par les « compagnons » du P. Joseph Tiên a eu la même valeur
exemplaire. Certains des Serviteurs de Dieu ont un rayonnement plus localisé,
mais ils ont été d’emblée reconnus comme un groupe unique de témoins de la foi,
de la justice et de la charité. Leur mort a été comme les mystères douloureux
d’un chapelet que l’on égrène dans la souffrance, au long de 16 années de vie
ecclé-siale, mais sans jamais perdre de vue les mystères de la Résurrection et
de la Gloire. Toutes les composantes de l’Eglise au Laos ont lu dans la vie et
dans la mort de ces prêtres et de ces laïcs la valeur incomparable de l’annonce
de l’Evangile pour le progrès humain et social des plus pauvres, et pour que le
salut en Jésus Christ puisse atteindre les personnes et leurs liens sociaux,
jusqu’au plus profond de leur être.
La prise de pouvoir sur l’ensemble du pays par la faction communiste en
1975, et son maintien jusqu’à ce jour, ont été incapables d’effacer cela, de
gommer le témoignage incomparable de ces témoins du Christ.
Les martyrs du Laos : historique de la Cause
1994 : Jean-Paul II, dans Tertio Millennio Adveniente, appelle à
préserver la mémoire des martyrs du XXe siècle. Les évêques du Laos
demandent aux Missions Etrangères de Paris (MEP) et aux Oblats de Marie
Immaculée (OMI) de les aider à rechercher les documents nécessaires.
2000, 7 mai : dans le cadre du Grand Jubilé, commémoration des « Témoins de la foi au XXe siècle » ; ceux du Laos font partie de la longue liste.
2003, mai : les évêques du Laos approuvent une liste provisoire de 14 présumés martyrs ; ils demandent à la Congrégation des Missionnaires OMI de les représenter pour les démarches nécessaires en vue de la béatification.
2004, 26 juillet : le P. W. Steckling, supérieur général OMI, notifie à la Conférence épiscopale Laos-Cambodge que les Oblats acceptent de représenter les évêques pour cette cause. Le travail sera effectué par les Provinces de France (pour quinze martyrs) et d’Italie (pour deux martyrs).
2004, 27 décembre : la Conférence épiscopale Laos-Cambodge nomme un postulateur pour l’enquête diocésaine à coordonner en France.
2004-2008 : recherche de documents et de témoignages, d’abord en France, puis au Laos en coopération étroite entre les évêques et la postulation.
2007, 2 juillet : Mgr Georges Soubrier, évêque de Nantes, accepte de diriger l’enquête diocésaine pour le P. Joseph Thao Tiên et ses 14 compagnons.
2007, 6 septembre : la Congrégation pour les Causes des Saints accorde la compétence à l’évêque de Nantes.
2008, 18 janvier : Le Saint-Siège accorde le nihil obstat à la cause.
2008, 10 juin : Session publique d’ouverture de l’enquête diocésaine à Nantes.
2008, 7 juillet : Mgr G. Soubrier nomme la Commission historique.
2008, 29 juillet : la Congrégation pour les Causes des Saints accorde une procédure simplifiée pour l’audition des témoins dans les vicariats du Laos
2009, 31 juillet : fin des travaux de la Commission historique de Nantes.
2009, 28 décembre : publication des actes de l’enquête diocésaine.
2010, janvier-février : à la demande du Promoteur de la Foi et du Postulateur, supplément d’enquête pour répondre aux difficultés soulevées par la Commission historique de Nantes.
2010, 27 février : session publique de clôture de l’enquête à Nantes ; transfert des actes à Rome.
2010, 20 septembre : ouverture des sceaux.
2011, 20 octobre : décret de validité pour la cause du P. Joseph Thao Tiên et ses compagnons.
2012, mars : nomination du Rapporteur, R. P. Zdzisław Kijas, o.f.m. conv.
2012, 13 octobre : la Congrégation pour les Causes des Saints notifie son accord de principe pour que les causes du P. Joseph Thao Tiên (Nantes, 15 martyrs) et du P. Mario Borzaga (Trente, 2 martyrs) soient coordonnées, puis étudiées conjointement.
2014, 21 février : le P. Thomas Klosterkamp, OMI, Postulateur général OMI, est en charge de la cause.
2014, juillet : la Positio est imprimée et envoyée aux consulteurs théologiens.
2014, 27 novembre : le Congresso des experts théologiens examine la Positio. Un volume de 230 pages contenant leurs observations, objections et questions est remis à la Postulation.
2015, 3 février : la Postulation remet ses réponses (124 pages) à la Congrégation pour les Causes des Saints, pour envoi aux experts théologiens.
2015, 5 mai : le Congresso des cardinaux et évêques de la Congrégation pour les Causes des Saints approuve définitivement la déclaration de martyre de Mario Borzaga et Paul Thoj Xyooj. Le même jour, le pape François signe le décret autorisant la publication de cette décision.
2015, 2 juin : le Congresso des cardinaux et évêques de la Congrégation pour les Causes des Saints approuve définitivement la déclaration de martyre de Joseph Thao Tiên et de ses 14 compagnons.
2015, 5 juin : signature par le pape François des décrets relatifs au P. Joseph Thao Tiên et ses 14 compagnons.
(eda/ra)
Martyrs du Laos
1954-1970
Au
printemps 1953 la guérilla occupe la province laotienne de Sam Neua; les
missionnaires ont été évacués. Le jeune prêtre Joseph Thao Tiên, ordonné en
1949 a décidé pour sa part: «Je reste pour mon peuple. Je suis prêt à donner ma
vie pour mes frères laotiens. » Quand on I’emmène vers le camp de Talang, les
gens se mettent à genoux sur son passage en pleurant. Il dit: « Ne soyez pas
tristes. Je vais revenir. Je m’en vais étudier... Continuez à taire progresser
votre village... » Un an plus tard, le 2 juin 1954, il est condamné è mort et
fusillé: il avait refusé, une fois de plus, d’abandonner son sacerdoce et de se
marier.
Entre temps, è l’autre bout du pays, le Père Jean-Baptiste Malo, ancien missionnaire en Chine, avait été arrêté avec quatre compagnons. Il mourra bientôt d’épuisement et de mauvais traitements sur le chemin des camps, en 1954 dans une vallée perdue du Viêt-nam. En 1959, son confrère des Missions Étrangères René Dubroux, ancien prisonnier de guerre en 1940, est trahi par un proche collaborateur et éliminé par la guérilla, qui le balaie comme un obstacle dérisoire è leur volonté. Cette année-la le Saint-Siège avait donné la consigne « Le clergé, ainsi que le personnel auxiliaire religieux (excepté naturellement les vieillards et malades) doit rester è son poste de responsabilité, è moins qu’il ne vienne à être expulsé. »
Les missionnaires adoptent avec joie cette consigne, qui signe l’arrêt de mort pour plusieurs d’entre eux. En 1960 le jeune catéchiste hmong Thoj Xyooj et le Père Mario Borzaga ne rentrent pas d’une tournée apostolique. En avril-mai 1961, dans la province de Xieng Khouang, les Pères Louis Leroy, Michel Coquelet et Vincent L’Hénoret sont cueillis è leur poste et abattus sans procès. De même dans le sud du pays, le Père Noël Tenaud et son fidèle catéchiste Outhay sont pris et exécutés; le Père Marcel Denis sera retenu prisonnier quelque temps mais partagera le même sort. Un de leur confrères écrit: « Ils ont été, tous, d’admirables missionnaires, prêts è tous les sacrifices, vivant très pauvrement, avec un dévouement sans limite. En cette période troublée, nous avions tous, chacun plus ou moins, le désir du martyre, de donner toute notre vie pour le Christ. Nous n’avions pas peur d’exposer nos vies; nous avions tous le souci d’aller vers les plus pauvres, de visiter les villages, de soigner les malades, et surtout d’annoncer l’Evangile... »
En 1967, Jean Wauthier, infatigable apôtre des réfugiés, épris de justice, champion des droits des pauvres, est éliminé par une autre faction; il laisse une population éperdue de douleur: « Nous avons perdu un père! ». Jean avait regardé plus dune fois la mort en face. Il était prêt; il a donné sa vie par amour pour les siens.
En 1968, Lucien Galan, lui aussi ancien missionnaire de Chine, visite les catéchumènes isolés du plateau des Boloven. Son jeune élève Khampheuane, 16 ans, a tenu è l’accompagner en raison du danger. Au retour de leur mission, on leur a tendu un guet-apens; tous deux meurent sous les balles; leur sang se mêlé pour féconder la terre du Laos. L’année suivante c’est le tour du Père Joseph Boissel, le doyen des martyrs du Laos (60 ans), d’être pris en embuscade en route vers une petite communauté chrétienne, et exécuté comme eux.
Début 1970, le jeune catéchiste Luc Sy est envoyé en mission par son évêque dans la région de Vang Vieng. Avec un compagnon, Maisam Pho lnpèng, Is sont en tournée dans un village où plusieurs familles sont devenues catéchumènes. Ils catéchisent et soignent les malades, s’attardent... On les attendait è la sortie du village. Eux aussi meurent, en plein élan missionnaire, pour le Christ et pour le peuple de Dieu. Tous deux étaient chefs de famille.
Laotiens et étrangers, laïcs ou prêtres, ces dix-sept hommes ont donné pour l’Evangile le témoignage suprême. La jeune Église du Laos reconnaît en eux leurs Pères fondateurs. « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. »
Entre temps, è l’autre bout du pays, le Père Jean-Baptiste Malo, ancien missionnaire en Chine, avait été arrêté avec quatre compagnons. Il mourra bientôt d’épuisement et de mauvais traitements sur le chemin des camps, en 1954 dans une vallée perdue du Viêt-nam. En 1959, son confrère des Missions Étrangères René Dubroux, ancien prisonnier de guerre en 1940, est trahi par un proche collaborateur et éliminé par la guérilla, qui le balaie comme un obstacle dérisoire è leur volonté. Cette année-la le Saint-Siège avait donné la consigne « Le clergé, ainsi que le personnel auxiliaire religieux (excepté naturellement les vieillards et malades) doit rester è son poste de responsabilité, è moins qu’il ne vienne à être expulsé. »
Les missionnaires adoptent avec joie cette consigne, qui signe l’arrêt de mort pour plusieurs d’entre eux. En 1960 le jeune catéchiste hmong Thoj Xyooj et le Père Mario Borzaga ne rentrent pas d’une tournée apostolique. En avril-mai 1961, dans la province de Xieng Khouang, les Pères Louis Leroy, Michel Coquelet et Vincent L’Hénoret sont cueillis è leur poste et abattus sans procès. De même dans le sud du pays, le Père Noël Tenaud et son fidèle catéchiste Outhay sont pris et exécutés; le Père Marcel Denis sera retenu prisonnier quelque temps mais partagera le même sort. Un de leur confrères écrit: « Ils ont été, tous, d’admirables missionnaires, prêts è tous les sacrifices, vivant très pauvrement, avec un dévouement sans limite. En cette période troublée, nous avions tous, chacun plus ou moins, le désir du martyre, de donner toute notre vie pour le Christ. Nous n’avions pas peur d’exposer nos vies; nous avions tous le souci d’aller vers les plus pauvres, de visiter les villages, de soigner les malades, et surtout d’annoncer l’Evangile... »
En 1967, Jean Wauthier, infatigable apôtre des réfugiés, épris de justice, champion des droits des pauvres, est éliminé par une autre faction; il laisse une population éperdue de douleur: « Nous avons perdu un père! ». Jean avait regardé plus dune fois la mort en face. Il était prêt; il a donné sa vie par amour pour les siens.
En 1968, Lucien Galan, lui aussi ancien missionnaire de Chine, visite les catéchumènes isolés du plateau des Boloven. Son jeune élève Khampheuane, 16 ans, a tenu è l’accompagner en raison du danger. Au retour de leur mission, on leur a tendu un guet-apens; tous deux meurent sous les balles; leur sang se mêlé pour féconder la terre du Laos. L’année suivante c’est le tour du Père Joseph Boissel, le doyen des martyrs du Laos (60 ans), d’être pris en embuscade en route vers une petite communauté chrétienne, et exécuté comme eux.
Début 1970, le jeune catéchiste Luc Sy est envoyé en mission par son évêque dans la région de Vang Vieng. Avec un compagnon, Maisam Pho lnpèng, Is sont en tournée dans un village où plusieurs familles sont devenues catéchumènes. Ils catéchisent et soignent les malades, s’attardent... On les attendait è la sortie du village. Eux aussi meurent, en plein élan missionnaire, pour le Christ et pour le peuple de Dieu. Tous deux étaient chefs de famille.
Laotiens et étrangers, laïcs ou prêtres, ces dix-sept hommes ont donné pour l’Evangile le témoignage suprême. La jeune Église du Laos reconnaît en eux leurs Pères fondateurs. « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. »
Blessed Noël Tenaud, m.e.p. (11.11.1904-27.04.1961)
Just as Jesus delivered himself to death for us, the ignominious
death on the cross, so too the missionary, who has received from God the
Mission to be His successor on earth, must be ready for every sacrifice. The
vocation of the Foreign Missions, in fact, is a vocation to total sacrifice, a
total gift of self to God in the details of daily life, even unto death itself.
He even needs to change his deepest ways of thinking. Like Jesus Christ,
the missionary must become like those whom he has come to save… And having
reached maturity, he must make for himself a new life; restart his education
from its very foundations; rebuild the entire structure of his knowledge.
Much more suffering, many more sacrifices still await him there, but that
does not bother him, for his commitment to God must extend even unto death…
The Gospel laborer must work with the sweat of his brow and, at the price
of his suffering, purchase the fruit that will serve as remuneration for his
action, that is to say, souls…
Blessed Noël Tenaud, farewell sermon
to his parish,
16 August 1931
Blessed Noël Tenaud
MemorialProfile
Member of the Paris Foreign Missions Society. Priest. Martyr.
Born
- 11
November 1904
in Rocheservière, Vendée, France
Venerated
Beatified
- 11
December 2016
by Pope
Francis
- beatification
recognition celebrated in Vientiane, Laos, presided by Cardinal
Angelo
Amato
Martyrs of Laos
1954-1970
During Easter time in 1953, while guerrillas stormed Sam Neua, Laos, many missionaries retreated to safety. Joseph Thao Tìen, a young Laotian priest ordained in 1949, had decided otherwise: ‘I am staying for my people. I am ready to lay down my life for my Laotian brothers and sisters.” He was marched to the prison camp in Talang; people knelt along the way, weeping. He told them: Do not be sad, III come back. I am going to study... Make sure that your village keeps improving.” One year later, on June 2, 1954, Joseph Tien was condemned and shot to death. One time too many he had refused to give up his priesthood and get married.In the meantime at the other end of the country, Fr. John Baptist Malo, a former missionary to China, had been detained with four companions. Soon after—in 1954—on his way to the prison camp, he would die from exhaustion and iII-treatment in a remote valley of Central Vietnam. In 1959 his confrere René Dubroux, a former prisoner of war in 1940, was betrayed by a dose associate- and eliminated as a mere hindrance in the guerrilla’s way. That year the HoIy See had given strict instructions: “All clergy and religious personnel—excepting obviously the elderly and sick—must remain in their place of duty unless and until they are expelled.’”
All missionaries adhered joyfully to this command; far a number of them it meant a verdict of death. In 1960, a young Hmong catechist, Thoj Xyooj, went together with Fr. Mario Borzaga on an apostolic trip to some villages; they never carne back. In April and May 1961, Frs. Louis Leroy, Michael Coquelet and Vìncen tL’Hénoret were snatched from their stations in the Province of Xieng Khouang and savagely put to death. In Southern Laos Fr. Noël Tenaud and his faithful catechist Outhay were taken and killed. Fr. Marcel Denis was kept prisoner for a while but ended in the same way. One of their confreres wrote: “All of them were praiseworthy missionaries, ready for any kind of sacrifice. They lived in utter poverty and their dedication knew no limit. In those troubled times all of us, to some degree, aspired to martyrdom, wishing to surrender our lives totally to Christ. We did not fear exposing our Iives. All of us endeavoured to reach the poorest of the poor, to visit their villages, to take care of the sick, and especially to announce the Good News of Jesus...”
Fr. John Wauthier was a tireless apostle of the refugees and stood up for Justice on their behalf; in 1967 another faction ambushed and eliminated him. He left behind countless people crying in their grief: We lost our father!” Fr. John had more than once looked death in its ugly face. He was ready. He laid down his life out of love far his own.
In 1968 Fr. Lucien Galan, who had also started his missionary life in China, visited some isolated catechumens on the Boloven plateau. Because of the looming danger his pupil Khampheuane, aged 16, had decided toga along. On their way back enemies lay in wait; both were killed, and their blood mingled to irrigate the Laotian soil. One year later, it was the turn of Fr. Joseph Boissel, 60, a veteran of the Laos mission: he was ambushed on his way to an isolated Christian community and executed in the same manner.
In January 1970 Luke Sy, a young catechist and father of three, was sent by his bishop to evangelize the Vang Vieng area. In March he was visiting catechumens in a distant village with a companion, Maisam Pho Inpeng, also the head of a family. Catechizing and tending to the many sick villagers took quite some time. They were expected on the way back. A volley of bullets put an end to their missionary thrust; they died for Christ and his People.
These seventeen men, lay Christians and priests together, Laotians as well as foreigners, gave the supreme testimony for sake of the Gospel. The young Church of Laos recognizes them as her founding fathers. “Unless a grain of wheat falls into the earth and dies, it remains just a single grain; but if it dies, it bears much fruit.”

Beato Natale Tenaud Sacerdote
e martire
Rocheservière, Francia, 11
novembre 1904 - Phalane, Laos, 27 aprile 1961
Padre Noël Tenaud, della Società delle Missioni Estere di Parigi,
operò a lungo nei territori tra Thailandia e Laos, impegnandosi anche nella
resistenza armata all’esercito giapponese. Incaricato di svariati villaggi,
riusciva a farsi ascoltare da tutti e si preoccupava in particolare dei
catecumeni. Nell’aprile 1961 cadde in un’imboscata insieme al catechista Joseph
Outhay Phongphumi e a un ragazzo sordomuto, poi liberato. Alla richiesta di
essere riportato alla missione col catechista, venne portato via e ucciso con
lui il 27 aprile 1961. Inseriti entrambi nel gruppo di quindici martiri
capeggiato dal sacerdote laotiano Joseph Thao Tiên, sono stati beatificati l’11
dicembre 2016 a Vientiane, in Laos. La loro memoria liturgica cade il 16
dicembre, unitamente a quella degli altri quindici martiri del Laos.
Una
vocazione alimentata dal sangue dei martiri
Noël Tenaud nacque l’11 novembre 1904 a Rocheservière in Francia e fu
battezzato l’indomani. Il suo villaggio era vicino a Nantes, ma apparteneva
alla diocesi di Luçon. Geograficamente, si trova in Vandea, la regione
diventata celebre per la resistenza alla Rivoluzione francese che costò la
morte di numerosi cattolici, di tutti gli stati di vita e di qualsiasi età.
Crebbe quindi nel ricordo di quelle lotte sanguinose e, in modo del tutto
naturale, desiderò diventare sacerdote. Frequentò dunque gli studi secondari
nel Seminario minore di Chavagnes-en-Paillers e fu poi ammesso al Seminario
maggiore di Luçon, dove studiò dal 1924 al 1928.
Missionario in Thailandia
Si sentì però chiamato alle missioni all’estero: accadeva spesso, infatti, che
i membri dei primi istituti missionari passassero nei Seminari in cerca di
nuove leve. Così, il 14 settembre 1928, passò al Seminario della Società delle
Missioni Estere di Parigi.
Ordinato sacerdote il 29 giugno 1931, partì il 7 settembre successivo per la
missione del Laos, la cui parte principale era nel territorio dell’allora Siam.
Dal 1932 al 1934 fu a Tharae, dove si dedicò a studiare soprattutto la
lingua lao. In seguito divenne parroco di Kham Koem, una comunità cristiana ben
stabilita.
Passaggio in Laos
Nel novembre 1940, a causa di una persecuzione religiosa scoppiata nel
territorio dell’ormai Thailandia, i missionari francesi dovettero riparare in
Laos, sull’altra riva del fiume Mekong, sotto la protezione della madrepatria.
Nel nuovo territorio, padre Tenaud venne assegnato alla missione di Nam Tok,
dove restò tre anni.
Nel pieno della seconda guerra mondiale, dovette trascorrere un anno in esilio
in Vietnam. Rientrato
in Laos, dovette occuparsi della comunità cristiana di Pongkiou, nella
provincia di Khammouan, abitata dall’etnia dei Sô.
Protagonista della resistenza
Nel marzo seguente, un colpo di forza dell’esercito giapponese provocò un
massacro di civili francesi e la rovina di numerose missione. Anche tre membri
della Società delle Missioni Estere, i vescovi monsignor Gouin e monsignor
Thomine e il sacerdote Jean Thibaud vennero portati nella foresta e uccisi
senz’alcuna forma di processo.
A padre Tenaud parve di rivivere i racconti di quanto accaduto in Vandea e
decise di non restare in disparte: divenne quindi uno dei protagonisti della
resistenza franco-laotiana contro i giapponesi, ritenendo che la lotta armata
rappresentasse la salvaguardia sia degli uomini sia dell’opera di
evangelizzazione che lui e i missionari dovevano portare avanti. Mise quindi insieme
un piccolo esercito composto dai Sô e da altri laotiani dei villaggi vicini, la
cui organizzazione venne lodata dall’esercito ufficiale e valse per lui la
Legion d’Onore.
Distacco dalla vita militare
Un lungo congedo in Francia, dal marzo 1947 al dicembre 1948, gli fece capire
di dover prendere le distanze dalla vita militare. Si diede quindi alla
ricostruzione delle comunità cristiane del Laos, in qualità di pro-vicario e
delegato per la parte del vicariato che rientrava nel protettorato francese. Fu poi nominato pro-prefetto della neonata prefettura apostolica di
Thakhek.
Nel
Natale 1953, le truppe dei guerriglieri avanzavano sempre di più nella regione.
L’esercito francese costrinse quindi i missionari a evacuare la zona,
rifugiandosi a Pakse, nel sud del paese. Padre Tenaud sfuggì alla stessa sorte
del gruppo composto dal prefetto apostolico, da altri tre confratelli e da una
religiosa, arrestato il 15 febbraio 1954 e deportato in Vietnam; padre
Jean-Baptiste Malo, parte di quel gruppetto, morì di stenti il 28 marzo
seguente.
La sua attività missionaria
Nominato superiore ad interim dei missionari parigini e procuratore della
Missione, poté dedicarsi ancora più direttamente all’attività missionaria. A
Thakhek divenne famoso perché cercava in tutta la città i cristiani che erano
scappati dai villaggi, ma si erano persi.
Nel corso di una visita al suo vecchio villaggio di Kham Koem, incontrò Joseph
Outhay Pongphumi, un giovane vedovo molto portato per l’insegnamento: gli
chiese dunque di seguirlo come catechista, dopo il necessario periodo di
formazione nella scuola di Sriracha, nel sud della Thailandia.
In un territorio a rischio
Nel giugno 1958 padre Tenaud partì per un anno di riposo in Francia. Al suo
ritorno, accettò una parrocchia pressoché inesistente, in una provincia del
tutto priva di cristiani, dove quindi l’evangelizzazione non era ancora
cominciata. Facendo base a Savannakhet, visitava i villaggi verso la frontiera
del Vietnam, con la speranza di creare una nuova comunità cristiana.
La regione era apparentemente tranquilla, ma spesso, lungo la strada, il
missionario incontrava alcuni guerriglieri: senz’alcun timore, li caricava sul
suo fuoristrada. Quel suo comportamento, unito alle sue andate e venute, offrì
loro l’occasione di tendergli una trappola. A chi gli faceva presente il
rischio, lui rispondeva che conosceva i soldati e che non c’era affatto bisogno
di temerli.
L’ultimo viaggio
Nell’aprile 1961, padre Tenaud partì col catechista Outhay e un giovanissimo
cristiano sordomuto, per girare i villaggi che gli erano stati affidati. Giunto
al passaggio del campo di Seno (Xenô), i militari francesi l’avvertirono che un
attacco dei nord-vietnamiti si stava preparando sulla zona che doveva
raggiungere e lo sconsigliarono formalmente di proseguire. Più avanti, un
pastore protestante gli confermò la brutta notizia, ma lui tirò dritto.
Dopo aver raggiunto il cuore dell’offensiva, tornò indietro, ma la strada era
stata interrotta oltre Phalane, a circa cinquanta chilometri da Savannakhet. I
tre viaggiatori, allora, si rifugiarono in un villaggio lungo la strada, ma
furono traditi dai loro stessi ospiti e arrestati dai soldati nord-vietnamiti,
che imposero loro di tornare a Phalane.
Sulla strada tra Muang Phine e Phalane, tuttavia, caddero in un’imboscata: i
soldati furono uccisi, padre Tenaud ferito a una gamba, mentre Outhay fu
colpito al collo. Ricondotti a Phalane, vennero curati, mentre il ragazzo
sordomuto venne rimesso in libertà.
Il martirio
Dopo otto giorni, il missionario domandò all’amministrazione provvisoria
stabilita nella zona di poter rientrare a Savannakhet con Outhay. Alcuni
testimoni li videro uscire dall’ufficio dell’amministrazione e, da allora, non
ebbero più loro notizie né arrivarono a destinazione.
Nel 1963 varie testimonianze condussero a pensare che entrambi fossero
dispersi. La Società delle Missioni Estere registrò quindi la morte di padre
Tenaud alla data presunta del 15 dicembre 1962. Un avviso ufficiale
dell’ambasciata di Francia in Laos, datato 19 aprile 1967, retrodatò la sua
uccisione al 27 aprile 1961.
La ragione ultima dell’accaduto rientrava probabilmente nei tentativi da parte
dei guerriglieri di sradicare il cristianesimo dal Laos: era visto come un
pericolo e i missionari apparivano, di conseguenza, come “nemici del popolo”.
La causa di beatificazione
Padre Noël Tenaud e Joseph Outhay Phongphumi sono stati inseriti in un elenco
di quindici tra sacerdoti, diocesani e missionari, e laici, uccisi tra Laos e
Vietnam negli anni 1954-1970 e capeggiati dal sacerdote laotiano Joseph Thao
Tiên. La fase diocesana del loro processo di beatificazione, ottenuto il nulla
osta dalla Santa Sede il 18 gennaio 2008, si è svolta a Nantes (di cui era
originario il già citato padre Jean-Baptiste Malo) dal 10 giugno 2008 al 27
febbraio 2010, supportata da una commissione storica.
A partire dalla fase romana, ovvero dal 13 ottobre 2012, la Congregazione delle
Cause dei Santi ha concesso che la loro “Positio super martyrio”, consegnata
nel 2014, venisse coordinata, poi studiata, congiuntamente a quella di padre
Mario Borzaga, dei Missionari Oblati di Maria Immacolata, e del catechista Paul
Thoj Xyooj (la cui fase diocesana si era svolta a Trento).
Il decreto sul martirio e la beatificazione
Il 27 novembre 2014 la riunione dei consultori teologi si è quindi pronunciata
favorevolmente circa il martirio di tutti e diciassette. Questo parere positivo
è stato confermato il 2 giugno 2015 dal congresso dei cardinali e vescovi della
Congregazione delle Cause dei Santi, ma solo per Joseph Thao Tiên e i suoi
quattordici compagni: padre Borzaga e il catechista, infatti, avevano già
ottenuto la promulgazione del decreto sul martirio il 5 maggio 2015.
Esattamente un mese dopo, il 5 giugno, papa Francesco autorizzava anche quello
per gli altri quindici.
La beatificazione congiunta dei diciassette martiri, dopo accaniti dibattiti, è
stata infine fissata a domenica 11 dicembre 2016 a Vientiane, nel Laos. A presiederla, come inviato del Santo Padre, il cardinal Orlando
Quevedo, arcivescovo di Cotabato nelle Filippine e Missionario Oblato di Maria
Immacolata. La loro memoria liturgica cade il 16 dicembre, anniversario del
martirio di padre Jean Wauthier, Missionario Oblato di Maria Immacolata.
Autore: Emilia Flocchini