07 Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les
païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés.
08 Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de
quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé.
09 Vous donc, priez ainsi : Notre Père, qui
es aux cieux, que ton nom soit sanctifié,
10 que ton règne vienne, que ta volonté soit
faite sur la terre comme au ciel.
11 Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
12 Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous
remettons leurs dettes à nos débiteurs.
13 Et ne nous laisse pas entrer en tentation,
mais délivre-nous du Mal.
14 Car, si vous pardonnez aux hommes leurs
fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi.
15 Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes,
votre Père non plus ne pardonnera pas vos fautes.
Évangile de Jésus Christ selon Saint Matthieu, VI :
7-15
SOURCE : https://www.aelf.org/bible/Mt/6
École de Novgorod, Icône de la Trinité, dite La Paternité,
début du xve siècle, galerie Tretiakov, Moscou
Catéchisme de l'Église
Catholique
CHAPITRE PREMIER
JE CROIS EN DIEU LE PERE
198 Notre profession
de foi commence par Dieu, car Dieu est " Le premier et Le
dernier " (Is 44, 6), le Commencement et la Fin de tout. Le Credo
commence par Dieu le Père, parce que le Père est la Première Personne
Divine de la Très Sainte Trinité ; notre Symbole commence par la création
du ciel et de la terre, parce que la création est le commencement et le
fondement de toutes les œuvres de Dieu .
Article 1
" JE CROIS EN
DIEU LE PERE TOUT-PUISSANT CREATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE "
Paragraphe 1. JE CROIS EN
DIEU
199 " Je
crois en Dieu " : cette première affirmation de la profession de
foi est aussi la plus fondamentale. Tout le Symbole parle de Dieu, et s’il
parle aussi de l’homme et du monde, il le fait par rapport à Dieu. Les articles
du Credo dépendent tous du premier, tout comme les commandements explicitent le
premier. Les autres articles nous font mieux connaître Dieu tel qu’il s’est
révélé progressivement aux hommes. " Les fidèles font d’abord
profession de croire en Dieu " (Catech. R. 1, 2, 2).
I. " Je crois
en un seul Dieu "
200 C’est avec ces paroles
que commence le Symbole de Nicée-Constantinople. La confession de l’Unicité de
Dieu, qui a sa racine dans la Révélation Divine dans l’Ancienne Alliance, est
inséparable de celle de l’existence de Dieu et tout aussi fondamentale. Dieu
est Unique : il n’y a qu’un seul Dieu : " La foi chrétienne
confesse qu’il y a un seul Dieu, par nature, par substance et par
essence " (Catech. R. 1, 2, 8).
201 A Israël, son
élu, Dieu S’est révélé comme l’Unique : " Écoute, Israël !
Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur Un. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de
tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force " (Dt 6, 4-5). Par
les prophètes, Dieu appelle Israël et toutes les nations à se tourner vers Lui,
l’Unique : " Tournez-vous vers Moi et vous serez sauvés, tous les
confins de la terre, car Je suis Dieu, il n’y en a pas d’autre (...). Oui,
devant Moi tout genou fléchira, par Moi jurera toute langue en disant : en
Dieu seul sont la justice et la force " (Is 45, 22-24 ; cf. Ph
2, 10-11).
202 Jésus Lui-même
confirme que Dieu est " l’unique Seigneur " et qu’il faut
L’aimer " de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit et
de toutes ses forces " (cf. Mc 12, 29-30). Il laisse en même temps
entendre qu’Il est Lui-même " le Seigneur " (cf. Mc 12,
35-37). Confesser que " Jésus est Seigneur " est le propre
de la foi chrétienne. Cela n’est pas contraire à la foi en Dieu l’Unique.
Croire en l’Esprit Saint " qui est Seigneur et qui donne la
Vie " n’introduit aucune division dans le Dieu unique :
Nous croyons fermement et
nous affirmons simplement, qu’il y a un seul vrai Dieu, immense et immuable,
incompréhensible, Tout-Puissant et ineffable, Père et Fils et Saint
Esprit : Trois Personnes, mais une Essence, une Substance ou Nature
absolument simple (Cc. Latran IV : DS 800).
II. Dieu révèle son nom
203 A son peuple
Israël Dieu s’est révélé en lui faisant connaître son nom. Le nom exprime
l’essence, l’identité de la personne et le sens de sa vie. Dieu a un nom. Il
n’est pas une force anonyme. Livrer son nom, c’est se faire connaître aux
autres ; c’est en quelque sorte se livrer soi-même en se rendant
accessible, capable d’être connu plus intimement et d’être appelé,
personnellement.
204 Dieu s’est
révélé progressivement et sous divers noms à son peuple, mais c’est la
révélation du nom divin faite à Moïse dans la théophanie du buisson ardent, au
seuil de l’Exode et de l’alliance du Sinaï qui s’est avérée être la révélation
fondamentale pour l’Ancienne et la Nouvelle Alliance.
Le Dieu vivant
205 Dieu appelle
Moïse du milieu d’un buisson qui brûle sans se consumer. Dieu dit à
Moïse : " Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d’Abraham, le
Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob " (Ex 3, 6). Dieu est le Dieu des
pères, Celui qui avait appelé et guidé les patriarches dans leurs
pérégrinations. Il est le Dieu fidèle et compatissant qui se souvient d’eux et
de Ses promesses ; Il vient pour libérer leurs descendants de l’esclavage.
Il est le Dieu qui par delà l’espace et le temps le peut et le veux et qui
mettra Sa Toute Puissance en œuvre pour ce dessein.
" Je suis Celui
qui suis "
Moïse dit à Dieu :
" Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis : ‘Le
Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous’. Mais s’ils me disent : ‘quel est
son nom ?’, que leur dirai-je ? " Dieu dit à Moïse :
" Je Suis Celui qui Suis ". Et il dit : " Voici
ce que tu diras aux Israélites : ‘Je suis’ m’a envoyé vers vous. (...)
C’est mon nom pour toujours, c’est ainsi que l’on m’invoquera de génération en
génération " (Ex 3, 13-15).
206 En révélant Son
nom mystérieux de YHWH, " Je Suis Celui qui Est " ou
" Je Suis Celui qui Suis " ou aussi " Je Suis qui
Je Suis ", Dieu dit Qui Il est et de quel nom on doit L’appeler. Ce
nom Divin est mystérieux comme Dieu est mystère. Il est tout à la fois un nom
révélé et comme le refus d’un nom, et c’est par là même qu’il exprime le mieux
Dieu comme ce qu’Il est, infiniment au-dessus de tout ce que nous pouvons
comprendre ou dire : Il est le " Dieu caché " (Is 45,
15), son nom est ineffable (cf. Jg 13, 18), et Il est le Dieu qui Se fait
proche des hommes :
207 En révélant son
nom, Dieu révèle en même temps sa fidélité qui est de toujours et pour
toujours, valable pour le passé (" Je suis le Dieu de tes
pères ", Ex 3, 6), comme pour l’avenir : (" Je serai
avec toi ", Ex 3,12). Dieu qui révèle son nom comme " Je
suis " se révèle comme le Dieu qui est toujours là, présent auprès de
son peuple pour le sauver.
208 Devant la
présence attirante et mystérieuse de Dieu, l’homme découvre sa petitesse.
Devant le buisson ardent, Moïse ôte ses sandales et se voile le visage (cf. Ex
3, 5-6) face à la Sainteté Divine. Devant la gloire du Dieu trois fois saint,
Isaïe s’écrie : " Malheur à moi, je suis perdu ! Car je
suis un homme aux lèvres impures " (Is 6, 5). Devant les signes
divins que Jésus accomplit, Pierre s’écrie : " Éloigne-toi de
moi, Seigneur, car je suis un pécheur " (Lc 5, 8). Mais parce que
Dieu est saint, Il peut pardonner à l’homme qui se découvre pécheur devant
lui : " Je ne donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère (...)
car je suis Dieu et non pas homme, au milieu de toi je suis le
Saint " (Os 10, 9). L’apôtre Jean dira de même :
" Devant Lui nous apaiseront notre cœur, si notre cœur venait à nous
condamner, car Dieu est plus grand que notre cœur, et Il connaît
tout " (1 Jn 3, 19-20).
209 Par respect pour
sa sainteté, le peuple d’Israël ne prononce pas le nom de Dieu. Dans la lecture
de l’Écriture Sainte le nom révélé est remplacé par le titre divin
" Seigneur " (Adonaï, en grec Kyrios). C’est sous ce
titre que sera acclamée la Divinité de Jésus : " Jésus est
Seigneur ".
" Dieu de
tendresse et de pitié "
210 Après le péché
d’Israël, qui s’est détourné de Dieu pour adorer le veau d’or (cf. Ex 32), Dieu
écoute l’intercession de Moïse et accepte de marcher au milieu d’un peuple
infidèle, manifestant ainsi son amour (cf. Ex 33, 12-17). A Moïse qui demande
de voir Sa gloire, Dieu répond : " Je ferai passer devant toi
toute ma bonté [beauté] et je prononcerai devant toi le nom de YHWH "
(Ex 33, 18-19). Et le Seigneur passe devant Moïse et proclame :
" YHWH, YHWH, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche
en grâce et en fidélité " (Ex 34, 5-6). Moïse confesse alors que le
Seigneur est un Dieu qui pardonne (cf. Ex 34, 9).
211 Le nom divin
" Je suis " ou " Il est " exprime la
fidélité de Dieu qui, malgré l’infidélité du péché des hommes et du châtiment
qu’il mérite, " garde sa grâce à des milliers " (Ex 34, 7).
Dieu révèle qu’Il est " riche en miséricorde " (Ep 2, 4) en
allant jusqu’à donner son propre Fils. En donnant sa vie pour nous libérer du
péché, Jésus révélera qu’Il porte Lui-même le nom divin :
" quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurez que
‘Je suis’ " (Jn 8, 28).
Dieu seul EST
212 Au cours des
siècles, la foi d’Israël a pu déployer et approfondir les richesses contenues
dans la révélation du nom divin. Dieu est unique, hormis Lui pas de dieux (cf.
Is 44, 6). Il transcende le monde et l’histoire. C’est Lui qui a fait le ciel
et la terre : " Eux périssent, Toi tu restes ; tous, comme
un vêtement ils s’usent (...) mais Toi, le même, sans fin sont tes
années " (Ps 102, 27-28). En Lui " n’existe aucun
changement, ni l’ombre d’une variation " (Jc 1, 17). Il est
" Celui qui est ", depuis toujours et pour toujours, et
c’est ainsi qu’Il demeure toujours fidèle à Lui-même et à ses promesses.
213 La révélation du
nom ineffable " Je suis celui qui suis " contient donc la
vérité que Dieu seul EST. C’est en ce sens que déjà la traduction des Septante
et à sa suite la Tradition de l’Église, ont compris le nom divin : Dieu
est la plénitude de l’Être et de toute perfection, sans origine et sans fin.
Alors que toutes les créatures ont reçu de Lui tout leur être et leur avoir,
Lui seul est son être même et Il est de Lui-même tout ce qu’Il est.
III. Dieu ,
" Celui qui est ", est Vérité et Amour
214 Dieu,
" Celui qui est ", s’est révélé à Israël comme Celui qui
est " riche en grâce et en fidélité " (Ex 34, 6). Ces deux
termes expriment de façon condensée les richesses du nom divin. Dans toutes ses
œuvres Dieu montre sa bienveillance, sa bonté, sa grâce, son amour ; mais
aussi sa fiabilité, sa constance, sa fidélité, sa vérité. " Je rends
grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité " (Ps 138, 2 ; cf.
Ps 85, 11). Il est la Vérité, car " Dieu est Lumière, en Lui point de
ténèbres " (1 Jn 1, 5) ; Il est " Amour ",
comme l’apôtre Jean l’enseigne (1 Jn 4, 8).
Dieu est Vérité
215 " Vérité,
le principe de ta parole ! Pour l’éternité, tes justes
jugements " (Ps 119, 160). " Oui, Seigneur Dieu, c’est Toi
qui es Dieu, tes paroles sont vérité " (2 S 7, 28) ; c’est pourquoi
les promesses de Dieu se réalisent toujours (cf. Dt 7, 9). Dieu est la Vérité
même, ses paroles ne peuvent tromper. C’est pourquoi on peut se livrer en toute
confiance à la vérité et à la fidélité de sa parole en toutes choses. Le
commencement du péché et de la chute de l’homme fut un mensonge du tentateur
qui induit à douter de la parole de Dieu, de sa bienveillance et de sa
fidélité.
216 La vérité de
Dieu est sa sagesse qui commande tout l’ordre de la création et du gouvernement
du monde (cf. Sg 13, 1-9). Dieu qui, seul, a créé le ciel et la terre (cf. Ps
115, 15), peut seul donner la connaissance véritable de toute chose créée dans
sa relation à Lui (cf. Sg 7, 17-21).
217 Dieu est vrai
aussi quand Il se révèle : l’enseignement qui vient de Dieu est
" une doctrine de vérité " (Ml 2, 6). Quand Il enverra son
Fils dans le monde ce sera " pour rendre témoignage à la
Vérité " (Jn 18, 37) : " Nous savons que le Fils de
Dieu est venu et qu’Il nous a donné l’intelligence afin que nous connaissions
le Véritable " (1 Jn 5, 20 ; cf. Jn 17, 3).
Dieu est Amour
218 Au cours de son
histoire, Israël a pu découvrir que Dieu n’avait qu’une raison de s’être révélé
à lui et de l’avoir choisi parmi tous les peuples pour être à lui : son
amour gratuit (cf. Dt 4, 37 ; 7, 8 ; 10, 15). Et Israël de
comprendre, grâce à ses prophètes, que c’est encore par amour que Dieu n’a
cessé de le sauver (cf. Is 43, 1-7) et de lui pardonner son infidélité et ses
péchés (cf. Os 2).
219 L’amour de Dieu
pour Israël est comparé à l’amour d’un père pour son fils (Os 11, 1). Cet amour
est plus fort que l’amour d’une mère pour ses enfants (cf. Is 49, 14-15). Dieu
aime son Peuple plus qu’un époux sa bien-aimée (cf. Is 62, 4-5) ; cet
amour sera vainqueur même des pires infidélités (cf. Ez 16 ; Os 11) ;
il ira jusqu’au don le plus précieux : " Dieu a tant aimé le
monde qu’Il a donné son Fils unique " (Jn 3, 16).
220 L’amour de Dieu
est " éternel " (Is 54, 8) : " Car les
montagnes peuvent s’en aller et les collines s’ébranler, mais mon amour pour
toi ne s’en ira pas " (Is 54, 10). " D’un amour éternel, je
t’ai aimé ; c’est pourquoi je t’ai conservé ma faveur " (Jr 31,
3).
221 S. Jean va
encore plus loin lorsqu’il atteste : " Dieu est
Amour " (1 Jn 4, 8. 16) : l’Être même de Dieu est Amour. En
envoyant dans la plénitude des temps son Fils unique et l’Esprit d’Amour, Dieu
révèle son secret le plus intime (cf. 1 Co 2, 7-16 ; Ep 3, 9-12) : Il
est Lui-même éternellement échange d’amour : Père, Fils et Esprit Saint,
et Il nous a destinés à y avoir part.
IV. La portée de la foi
en Dieu Unique
222 Croire en Dieu,
l’Unique, et L’aimer de tout son être a des conséquences immenses pour toute
notre vie :
223 C’est connaître
la grandeur et la majesté de Dieu : " Oui, Dieu est si grand
qu’Il dépasse notre science " (Jb 36, 26). C’est pour cela que Dieu
doit être " premier servi " (Ste Jeanne d’Arc, dictum).
224 C’est vivre en
action de grâce : si Dieu est l’Unique, tout ce que nous sommes et
tout ce que nous possédons vient de Lui : " Qu’as-tu que tu
n’aies reçu ? " (1 Co 4, 7). " Comment rendrai-je au
Seigneur tout le bien qu’Il m’a fait ? " (Ps 116, 12).
225 C’est connaître
l’unité et la vraie dignité de tous les hommes : tous, ils sont faits
" à l’image et à la ressemblance de Dieu " (Gn 1, 26).
226 C’est bien user
des choses créées : la foi en Dieu l’Unique nous amène à user de tout
ce qui n’est pas Lui dans la mesure où cela nous rapproche de Lui, et à nous en
détacher dans la mesure où cela nous détourne de Lui (cf. Mt 5, 29-30 ;
16, 24 ; 19, 23-24) :
Mon Seigneur et mon Dieu,
prends-moi tout ce qui m’éloigne de Toi. Mon Seigneur et mon Dieu, donne-moi
tout ce qui me rapproche de Toi. Mon Seigneur et mon Dieu, détache-moi de
moi-même pour me donner tout à Toi (S. Nicolas de Flüe, prière).
227 C’est faire
confiance à Dieu en toute circonstance, même dans l’adversité. Une prière
de Ste. Thérèse de Jésus l’exprime admirablement :
Que rien ne te trouble /
Que rien ne t’effraie
Tout passe / Dieu ne
change pas
La patience obtient tout
/ Celui qui a Dieu
Ne manque de rien / Dieu
seul suffit.
(Poes. 9)
EN BREF
228 " Écoute,
Israël, le Seigneur notre Dieu est l’Unique Seigneur... " (Dt 6,
4 ; Mc 12, 29). " Il faut nécessairement que l’Être suprême soit
unique, c’est-à-dire sans égal. (...) Si Dieu n’est pas unique, il n’est pas
Dieu " (Tertullien, Marc. 1, 3).
229 La foi en Dieu
nous amène à nous tourner vers Lui seul comme vers notre première origine et
notre fin ultime, et ne rien Lui préférer ou Lui substituer.
230 Dieu, en se
révélant, demeure mystère ineffable : " Si tu Le comprenais, ce
ne serait pas Dieu " (S. Augustin, serm. 52, 6, 16 : PL 38, 360).
231 Le Dieu de notre
foi s’est révélé comme Celui qui est ; Il s’est fait connaître
comme " riche en grâce et en fidélité " (Ex 34, 6). Son
Être même est Vérité et Amour.
Paragraphe 2. LE PERE
I. " Au nom du
Père et du Fils et du Saint Esprit "
232 Les chrétiens
sont baptisés " au nom du Père et du Fils et du
Saint-Esprit " (Mt 28, 19). Auparavant ils répondent " Je
crois " à la triple interrogation qui leur demande de confesser leur
foi au Père, au Fils et à l’Esprit : " La foi de tous les
chrétiens repose sur la Trinité " (S. Césaire d’Arles, symb. :
CCL 103, 48).
233 Les chrétiens
sont baptisés " au nom " du Père et du Fils et du
Saint-Esprit et non pas " aux noms " de ceux-ci (cf.
Profession de foi du pape Vigile en 552 : DS 415) car il n’y a qu’un seul
Dieu, le Père tout puissant et son Fils unique et l’Esprit Saint : la Très
Sainte Trinité.
234 Le mystère de la
Très Sainte Trinité est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne.
Il est le mystère de Dieu en Lui-même. Il est donc la source de tous les autres
mystères de la foi ; il est la lumière qui les illumine. Il est
l’enseignement le plus fondamental et essentiel dans la " hiérarchie
des vérités de foi " (DCG 43). " Toute l’histoire du salut
n’est autre que l’histoire de la voie et des moyens par lesquels le Dieu vrai
et unique, Père, Fils et Saint-Esprit, se révèle, se réconcilie et s’unit les
hommes qui se détournent du péché " (DCG 47).
235 Dans ce paragraphe,
il sera exposé brièvement de quelle manière est révélé le mystère de la
Bienheureuse Trinité (I), comment l’Église a formulé la doctrine de la foi sur
ce mystère (II), et enfin, comment, par les missions divines du Fils et de
l’Esprit Saint, Dieu le Père réalise son " dessein
bienveillant " de création, de rédemption et de sanctification (III).
236 Les Pères de
l’Église distinguent entre la Theologia et l’Oikonomia, désignant par
le premier terme le mystère de la vie intime du Dieu-Trinité, par le second
toutes les œuvres de Dieu par lesquelles Il Se révèle et communique Sa vie.
C’est par l’Oikonomia que nous est révélée la Theologia ; mais
inversement, c’est la Theologia qui éclaire toute l’Oikonomia. Les
œuvres de Dieu révèlent qui Il est en Lui-même ; et inversement, le
mystère de Son Être intime illumine l’intelligence de toutes Ses œuvres. Il en
est ainsi, analogiquement, entre les personnes humaines. La personne se montre
dans son agir, et mieux nous connaissons une personne, mieux nous comprenons
son agir.
237 La Trinité est
un mystère de foi au sens strict, un des " mystères cachés en Dieu,
qui ne peuvent être connus s’ils ne sont révélés d’en haut " (Cc.
Vatican I : DS 3015). Dieu certes a laissé des traces de son être
trinitaire dans son œuvre de Création et dans sa Révélation au cours de
l’Ancien Testament. Mais l’intimité de Son Être comme Trinité Sainte constitue
un mystère inaccessible à la seule raison et même à la foi d’Israël avant
l’Incarnation du Fils de Dieu et la mission du Saint Esprit .
II. La révélation de Dieu
comme Trinité
Le Père révélé par le
Fils
238 L’invocation de
Dieu comme " Père " est connue dans beaucoup de religions.
La divinité est souvent considérée comme " père des dieux et des
hommes ". En Israël, Dieu est appelé Père en tant que Créateur du
monde (cf. Dt 32, 6 ; Ml 2, 10). Dieu est Père plus encore en raison de
l’alliance et du don de la Loi à Israël son " fils
premier-né " (Ex 4, 22). Il est aussi appelé Père du roi d’Israël
(cf. 2 S 7, 14). Il est tout spécialement " le Père des
pauvres ", de l’orphelin et de la veuve qui sont sous sa protection
aimante (cf. Ps 68, 6).
239 En désignant
Dieu du nom de " Père ", le langage de la foi indique
principalement deux aspects : que Dieu est origine première de tout et
autorité transcendante et qu’il est en même temps bonté et sollicitude aimante
pour tous ses enfants. Cette tendresse parentale de Dieu peut aussi être
exprimée par l’image de la maternité (cf. Is 66, 13 ; Ps 131, 2) qui
indique davantage l’immanence de Dieu, l’intimité entre Dieu et Sa créature. Le
langage de la foi puise ainsi dans l’expérience humaine des parents qui sont
d’une certaine façon les premiers représentants de Dieu pour l’homme. Mais
cette expérience dit aussi que les parents humains sont faillibles et qu’ils
peuvent défigurer le visage de la paternité et de la maternité. Il convient
alors de rappeler que Dieu transcende la distinction humaine des sexes. Il
n’est ni homme, ni femme, il est Dieu. Il transcende aussi la paternité et la
maternité humaines (cf. Ps 27, 10), tout en en étant l’origine et la mesure
(cf. Ep 3, 14 ; Is 49, 15) : Personne n’est père comme l’est Dieu.
240 Jésus a révélé
que Dieu est " Père " dans un sens inouï : Il ne l’est
pas seulement en tant que Créateur, Il est éternellement Père en relation à son
Fils unique, qui éternellement n’est Fils qu’en relation au Père :
" Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, comme nul ne connaît le
Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut bien Le
révéler " (Mt 11, 27).
241 C’est pourquoi
les apôtres confessent Jésus comme " le Verbe qui était au
commencement auprès de Dieu et qui est Dieu " (Jn 1, 1), comme
" l’image du Dieu invisible " (Col 1, 15), comme
" le resplendissement de sa gloire et l’effigie de sa
substance " (He 1, 3).
242 A leur suite,
suivant la tradition apostolique, l’Église a confessé en 325 au premier Concile
œcuménique de Nicée que le Fils est " consubstantiel " au
Père, c’est-à-dire un seul Dieu avec lui. Le deuxième Concile œcuménique, réuni
à Constantinople en 381, a gardé cette expression dans sa formulation du Credo
de Nicée et a confessé " le Fils unique de Dieu, engendré du Père
avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu du vrai Dieu, engendré
non pas créé, consubstantiel au Père " (DS 150).
Le Père et le Fils
révélés par l’Esprit
243 Avant sa Pâque,
Jésus annonce l’envoi d’un " autre Paraclet " (Défenseur),
l’Esprit Saint. A l’œuvre depuis la création (cf. Gn 1, 2), ayant jadis
" parlé par les prophètes " (Symbole de
Nicée-Constantinople), il sera maintenant auprès des disciples et en eux (cf.
Jn 14, 17), pour les enseigner (cf. Jn 14, 26) et les conduire " vers
la vérité tout entière " (Jn 16, 13). L’Esprit Saint est ainsi révélé
comme une autre personne divine par rapport à Jésus et au Père.
244 L’origine
éternelle de l’Esprit se révèle dans sa mission temporelle. L’Esprit Saint est
envoyé aux apôtres et à l’Église aussi bien par le Père au nom du Fils, que par
le Fils en personne, une fois retourné auprès du Père (cf. Jn 14, 26 ; 15,
26 ; 16, 14). L’envoi de la personne de l’Esprit après la glorification de
Jésus (cf. Jn 7, 39) révèle en plénitude le mystère de la Sainte Trinité.
245 La foi
apostolique concernant l’Esprit a été confessée par le deuxième Concile
œcuménique en 381 à Constantinople : " Nous croyons dans
l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du
Père " (DS 150). L’Église reconnaît par là le Père comme
" la source et l’origine de toute la divinité " (Cc. Tolède
VI en 638 : DS 490). L’origine éternelle de l’Esprit Saint n’est cependant
pas sans lien avec celle du Fils : " L’Esprit Saint qui est la
Troisième Personne de la Trinité, est Dieu, un et égale au Père et au Fils, de
même substance et aussi de même nature. (...) Cependant, on ne dit pas qu’il
est seulement l’Esprit du Père, mais à la fois l’Esprit du Père et du
Fils " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 527). Le Credo du Concile de
Constantinople de l’Église confesse : " Avec le Père et le Fils
il reçoit même adoration et même gloire " (DS 150).
246 La tradition
latine du Credo confesse que l’Esprit " procède du Père et du
Fils (filioque) ". Le Concile de Florence, en 1438,
explicite : " Le Saint Esprit tient son essence et son être à la
fois du Père et du Fils et Il procède éternellement de l’Un comme de l’Autre
comme d’un seul Principe et par une seule spiration... Et parce que tout ce qui
est au Père, le Père Lui-même l’a donné à Son Fils unique en L’engendrant, à
l’exception de son être de Père, cette procession même du Saint Esprit à partir
du Fils, Il la tient éternellement de son Père qui L’a engendré
éternellement " (DS 1300-1301).
247 L’affirmation
du filioquene figurait pas dans le symbole confessé en 381 à
Constantinople. Mais sur la base d’une ancienne tradition latine et
alexandrine, le Pape S. Léon l’avait déjà confessée dogmatiquement en 447 (cf.
DS 284) avant même que Rome ne connût et ne reçût, en 451, au Concile de
Chalcédoine, le symbole de 381. L’usage de cette formule dans le Credo a été
peu à peu admis dans la liturgie latine (entre le VIIIe et le XIe siècle).
L’introduction du filioque dans le Symbole de Nicée-Constantinople
par la liturgie latine constitue cependant, aujourd’hui encore, un différend
avec les Églises orthodoxes.
248 La tradition
orientale exprime d’abord le caractère d’origine première du Père par rapport à
l’Esprit. En confessant l’Esprit comme " issu du Père " (Jn
15, 26), elle affirme que celui-ci est issu du Père par le
Fils (cf. AG 2). La tradition occidentale exprime d’abord la communion
consubstantielle entre le Père et le Fils en disant que l’Esprit procède du
Père et du Fils (filioque). Elle le dit " de manière légitime et
raisonnable " (Cc. Florence en 1439 : DS 1302), car l’ordre
éternel des personnes divines dans leur communion consubstantielle implique que
le Père soit l’origine première de l’Esprit en tant que " principe
sans principe " (DS 1331), mais aussi qu’en tant que Père du Fils
unique, Il soit avec Lui " l’unique principe d’où procède l’Esprit
Saint " (Cc. Lyon II en 1274 : DS 850). Cette légitime complémentarité,
si elle n’est pas durcie, n’affecte pas l’identité de la foi dans la réalité du
même mystère confessé.
III. La Sainte Trinité
dans la doctrine de la foi
La formation du dogme
trinitaire
249 La vérité
révélée de la Sainte Trinité a été dès les origines à la racine de la foi
vivante de l’Église, principalement au moyen du baptême. Elle trouve son
expression dans la règle de la foi baptismale, formulée dans la prédication, la
catéchèse et la prière de l’Église. De telles formulations se trouvent déjà
dans les écrits apostoliques, ainsi cette salutation, reprise dans la liturgie
eucharistique : " La grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de
Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous " (2 Co
13, 13 ; cf. 1 Co 12, 4-6 ; Ep 4, 4-6).
250 Au cours des
premiers siècles, l’Église a cherché de formuler plus explicitement sa foi
trinitaire tant pour approfondir sa propre intelligence de la foi que pour la
défendre contre des erreurs qui la déformaient. Ce fut l’œuvre des Conciles
anciens, aidés par le travail théologique des Pères de l’Église et soutenus par
le sens de la foi du peuple chrétien.
251 Pour la
formulation du dogme de la Trinité, l’Église a dû développer une terminologie
propre à l’aide de notions d’origine philosophique : " substance ",
" personne " ou " hypostase ",
" relation ", etc. Ce faisant, elle n’a pas soumis la foi à
une sagesse humaine mais a donné un sens nouveau, inouï à ces termes appelés à
signifier désormais aussi un mystère ineffable, " infiniment au-delà
de tout ce que nous pouvons concevoir à la mesure humaine " (SPF 9).
252 L’Église utilise
le terme " substance " (rendu aussi parfois par
" essence " ou par " nature ") pour
désigner l’être divin dans son unité, le terme " personne "
ou " hypostase " pour désigner le Père, le Fils et le
Saint-Esprit dans leur distinction réelle entre eux, le terme
" relation " pour désigner le fait que leur distinction
réside dans la référence des uns aux autres.
Le dogme de la Sainte
Trinité
253 La Trinité est
Une. Nous ne confessons pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois
personnes : " la Trinité consubstantielle " (Cc.
Constantinople II en 553 : DS 421). Les personnes divines ne se partagent
pas l’unique divinité mais chacune d’elles est Dieu tout entier :
" Le Père est cela même qu’est le Fils, le Fils cela même qu’est le
Père, le Père et le Fils cela même qu’est le Saint-Esprit, c’est-à-dire un seul
Dieu par nature " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 530).
" Chacune des trois personnes est cette réalité, c’est-à-dire la
substance, l’essence ou la nature divine " (Cc. Latran IV en
1215 : DS 804).
254 Les personnes
divines sont réellement distinctes entre elles. " Dieu est unique
mais non pas solitaire " (Fides Damasi : DS 71).
" Père ", " Fils ", " Esprit
Saint " ne sont pas simplement des noms désignant des modalités de
l’être divin, car ils sont réellement distincts entre eux :
" Celui qui est le Fils n’est pas le Père, et celui qui est le Père
n’est pas le Fils, ni le Saint-Esprit n’est celui qui est le Père ou le Fils "
(Cc. Tolède XI en 675 : DS 530). Ils sont distincts entre eux par leurs
relations d’origine : " C’est le Père qui engendre, le Fils qui
est engendré, le Saint-Esprit qui procède " (Cc. Latran IV en
1215 : DS 804). L’Unité divine est Trine.
255 Les personnes
divines sont relatives les unes aux autres. Parce qu’elle ne divise pas l’unité
divine, la distinction réelle des personnes entre elles réside uniquement dans
les relations qui les réfèrent les unes aux autres : " Dans les
noms relatifs des personnes, le Père est référé au Fils, le Fils au Père, le
Saint-Esprit aux deux ; quand on parle de ces trois personnes en
considérant les relations, on croit cependant en une seule nature ou
substance " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 528). En effet,
" tout est un [en eux] là où l’on ne rencontre pas l’opposition de
relation " (Cc. Florence en 1442 : DS 1330). " A cause
de cette unité, le Père est tout entier dans le Fils, tout entier dans le
Saint-Esprit ; le Fils est tout entier dans le Père, tout entier dans le
Saint-Esprit ; le Saint-Esprit tout entier dans le Père, tout entier dans
le Fils " (Cc. Florence en 1442 : DS 1331).
256 Aux Catéchumènes
de Constantinople, S. Grégoire de Nazianze, que l’on appelle aussi
" le Théologien ", confie ce résumé de la foi
trinitaire :
Avant toutes choses,
gardez-moi ce bon dépôt, pour lequel je vis et je combats, avec lequel je veux
mourir, qui me fait supporter tous les maux et mépriser tous les
plaisirs : je veux dire la profession de foi en le Père et le Fils et le
Saint-Esprit. Je vous la confie aujourd’hui. C’est par elle que je vais tout à
l’heure vous plonger dans l’eau et vous en élever. Je vous la donne pour
compagne et patronne de toute votre vie. Je vous donne une seule Divinité et
Puissance, existant Une dans les Trois, et contenant les Trois d’une manière
distincte. Divinité sans disparate de substance ou de nature, sans degré
supérieur qui élève ou degré inférieur qui abaisse. (...) C’est de trois
infinis l’infinie connaturalité. Dieu tout entier chacun considéré en soi-même
(...), Dieu les Trois considérés ensemble (...). Je n’ai pas commencé de penser
à l’Unité que la Trinité me baigne dans sa splendeur. Je n’ai pas commencé de
penser à la Trinité que l’unité me ressaisit ... (or. 40, 41 : PG 36, 417).
IV. Les œuvres divines et
les missions trinitaires
257 " O
Trinité lumière bienheureuse, O primordiale unité " (LH, hymne
" O lux beata Trinitas " de vêpres) ! Dieu est
éternelle béatitude, vie immortelle, lumière sans déclin. Dieu est amour :
Père, Fils et Esprit Saint. Librement Dieu veut communiquer la gloire de sa vie
bienheureuse. Tel est le " dessein bienveillant " (Ep 1, 9)
qu’il a conçu dès avant la création du monde en son Fils bien-aimé,
" nous prédestinant à l’adoption filiale en celui-ci " (Ep
1, 4-5), c’est-à-dire " à reproduire l’image de Son Fils "
(Rm 8, 29) grâce à " l’Esprit d’adoption filiale " (Rm 8,
15). Ce dessein est une " grâce donnée avant tous les
siècles " (2 Tm 1, 9-10), issue immédiatement de l’amour trinitaire.
Il se déploie dans l’œuvre de la création, dans toute l’histoire du salut après
la chute, dans les missions du Fils et de l’Esprit, que prolonge la mission de
l’Église (cf. AG 2-9).
258 Toute l’économie
divine est l’œuvre commune des trois personnes divines. Car de même qu’elle n’a
qu’une seule et même nature, la Trinité n’a qu’une seule et même opération (cf.
Cc Constantinople II en 553 : DS 421). " Le Père, le Fils et le
Saint-Esprit ne sont pas trois principes des créatures mais un seul
principe " (Cc. Florence en 1442 : DS 1331). Cependant, chaque
personne divine opère l’œuvre commune selon sa propriété personnelle. Ainsi
l’Église confesse à la suite du Nouveau Testament (cf. 1 Co 8, 6) :
" un Dieu et Père de qui sont toutes choses, un Seigneur Jésus-Christ
pour qui sont toutes choses, un Esprit Saint en qui sont toutes
choses " (Cc. Constantinople II : DS 421). Ce sont surtout les
missions divines de l’Incarnation du Fils et du don du Saint-Esprit qui
manifestent les propriétés des personnes divines.
259 Œuvre à la fois
commune et personnelle, toute l’économie divine fait connaître et la propriété
des personnes divines et leur unique nature. Aussi, toute la vie chrétienne est
communion avec chacune des personnes divines, sans aucunement les séparer. Celui
qui rend gloire au Père le fait par le Fils dans l’Esprit Saint ; celui
qui suit le Christ, le fait parce que le Père l’attire (cf. Jn 6, 44) et que
l’Esprit le meut (cf. Rm 8, 14).
260 La fin ultime de
toute l’économie divine, c’est l’entrée des créatures dans l’unité parfaite de
la Bienheureuse Trinité (cf. Jn 17, 21-23). Mais dès maintenant nous sommes
appelés à être habités par la Très Sainte Trinité : " Si
quelqu’un m’aime, dit le Seigneur, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera
et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure " (Jn
14, 23) :
O mon Dieu, Trinité que
j’adore, aidez-moi à m’oublier entièrement pour m’établir en Vous, immobile et
paisible comme si déjà mon âme était dans l’éternité ; que rien ne puisse
troubler ma paix ni me faire sortir de Vous, ô mon Immuable, mais que chaque
minute m’emporte plus loin dans la profondeur de votre mystère ! Pacifiez
mon âme. Faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos.
Que je ne Vous y laisse jamais seul, mais que je sois là, toute entière, toute
éveillée en ma foi, toute adorante, toute livrée à votre action créatrice
(Prière de la Bienheureuse Élisabeth de la Trinité).
EN BREF
261 Le mystère de la
Très Sainte Trinité est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne.
Dieu seul peut nous en donner la connaissance en Se révélant comme Père, Fils
et Saint-Esprit.
262 L’Incarnation du
Fils de Dieu révèle que Dieu est le Père éternel, et que le Fils est
consubstantiel au Père, c’est-à-dire qu’il est en lui et avec lui le même Dieu
unique.
263 La mission du
Saint-Esprit, envoyé par le Père au nom du Fils (cf. Jn 14, 26) et par le Fils
" d’auprès du Père " (Jn 15, 26) révèle qu’il est avec eux
le même Dieu unique. " Avec le Père et le Fils il reçoit même adoration
et même gloire ".
264 " Le
Saint-Esprit procède du Père en tant que source première et, par le don éternel
de celui-ci au Fils, du Père et du Fils en communion " (S. Augustin,
Trin. 15, 26, 47).
265 Par la grâce du
baptême " au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ",
nous sommes appelés à partager la vie de la Bienheureuse Trinité, ici-bas dans
l’obscurité de la foi, et au-delà de la mort, dans la lumière éternelle (cf.
SPF 9).
266 " La
foi catholique consiste en ceci : vénérer un seul Dieu dans la Trinité, et
la Trinité dans l’Unité, sans confondre les personnes, sans diviser la
substance : car autre est la personne du Père, autre celle du Fils, autre
celle de l’Esprit Saint ; mais du Père, du Fils et de l’Esprit Saint une
est la divinité, égale la gloire, coéternelle la majesté " (Symbolum
" Quicumque " (DS 75).
267 Inséparables
dans ce qu’elles sont, les personnes divines sont aussi inséparables dans ce
qu’elles font. Mais dans l’unique opération divine chacune manifeste ce qui lui
est propre dans la Trinité, surtout dans les missions divines de l’Incarnation
du Fils et du don du Saint-Esprit.
Paragraphe 3. LE
TOUT-PUISSANT
268 De tous les
attributs divins, seule la Toute-Puissance de Dieu est nommée dans le
Symbole : la confesser est d’une grande portée pour notre vie. Nous
croyons qu’elle est universelle, car Dieu qui a tout créé (cf. Gn 1,
1 ; Jn 1, 3), régit tout et peut tout ; aimante, car Dieu
est notre Père (cf. Mt 6, 9) ; mystérieuse, car seule la foi
peut la discerner lorsqu’ " elle se déploie dans la
faiblesse " (2 Co 12, 9 ; cf. 1 Co 1, 18).
" Tout ce qu’Il
veut, Il le fait " (Ps 115, 3)
269 Les Saintes
Écritures confessent à maintes reprises la puissance universelle de
Dieu. Il est appelé " Le Puissant de Jacob " (Gn 49,
24 ; Is 1, 24 e.a.), " le Seigneur des armées ",
" le Fort, le Vaillant " (Ps 24, 8-10). Si Dieu est
Tout-Puissant " au ciel et sur la terre " (Ps 135, 6),
c’est qu’il les a faits. Rien ne lui est donc impossible (cf. Jr 32, 17 ;
Lc 1, 37) et il dispose à son gré de son œuvre (cf. Jr 27, 5) ; il est le
Seigneur de l’univers dont il a établi l’ordre qui lui demeure entièrement
soumis et disponible ; il est le Maître de l’histoire : il gouverne
les cœurs et les événements selon son gré (cf. Est 4, 17b ; Pr 21,
1 ; Tb 13, 2) : " Ta grande puissance est toujours à ton
service, et qui peut résister à la force de ton bras ? " (Sg 11,
21).
" Tu as pitié
de tous, parce que Tu peux tout " (Sg 11, 23)
270 Dieu est
le Père Tout-Puissant. Sa paternité et sa puissance s’éclairent
mutuellement. En effet, il montre sa Toute-Puissance paternelle par la manière
dont Il prend soin de nos besoins (cf. Mt 6, 32) ; par l’adoption filiale
qu’il nous donne (" Je serai pour vous un père, et vous serez pour
moi des fils et des filles, dit le Seigneur Tout-Puissant " : 2
Co 6, 18) ; enfin par sa miséricorde infinie, puisqu’il montre sa
puissance au plus haut point en pardonnant librement les péchés.
271 La
Toute-Puissance divine n’est nullement arbitraire : " En Dieu la
puissance et l’essence, la volonté et l’intelligence, la sagesse et la justice
sont une seule et même chose, de sorte que rien ne peut être dans la puissance
divine qui ne puisse être dans la juste volonté de Dieu ou dans sa sage
intelligence " (S. Thomas d’A., s. th. 1, 25, 5, ad 1).
Le mystère de l’apparente
impuissance de Dieu
272 La foi en Dieu
le Père Tout-Puissant peut-être mise à l’épreuve par l’expérience du mal et de
la souffrance. Parfois Dieu peut sembler absent et incapable d’empêcher le mal.
Or, Dieu le Père a révélé sa Toute-Puissance de la façon la plus mystérieuse dans
l’abaissement volontaire et dans la Résurrection de son Fils, par lesquels Il a
vaincu le mal. Ainsi, le Christ crucifié est " puissance de Dieu et
sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et
ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes " (1 Co 1,
24-25). C’est dans la Résurrection et dans l’exaltation du Christ que le Père a
" déployé la vigueur de sa force " et manifesté
" quelle extraordinaire grandeur revêt sa puissance pour nous les croyants "
(Ep 1, 19-22).
273 Seule la foi peut
adhérer aux voies mystérieuses de la Toute-Puissance de Dieu. Cette foi se
glorifie de ses faiblesses afin d’attirer sur elle la puissance du Christ (cf.
2 Co 12, 9 ; Ph 4, 13). De cette foi, la Vierge Marie est le suprême
modèle, elle qui a cru que " rien n’est impossible à Dieu "
(Lc 1, 37) et qui a pu magnifier le Seigneur : " Le Puissant fit
pour moi des merveilles, saint est son nom " (Lc 1, 49).
274 " Rien
n’est donc plus propre à affermir notre Foi et notre Espérance que la
conviction profondément gravée dans nos âmes que rien n’est impossible à Dieu.
Car tout ce que [le Credo] nous proposera ensuite à croire, les choses les plus
grandes, les plus incompréhensibles, aussi bien que les plus élevées au-dessus
des lois ordinaires de la nature, dès que notre raison aura seulement l’idée de
la Toute-Puissance divine, elle les admettra facilement et sans hésitation
aucune " (Catech. R. 1, 2, 13).
EN BREF
275 Avec Job, le
juste, nous confessons : " Je sais que Tu es
Tout-Puissant : ce que Tu conçois, Tu peux le réaliser " (Jb 42,
2).
276 Fidèle au
témoignage de l’Écriture, l’Église adresse souvent sa prière au
" Dieu Tout-Puissant et éternel " (" omnipotens
sempiterne Deus... "), croyant fermement que " rien
n’est impossible à Dieu " (Lc 1, 37 ; cf. Gn 18, 14 ; Mt
19, 26).
277 Dieu manifeste
sa Toute-Puissance en nous convertissant de nos péchés et en nous rétablissant
dans son amitié par la grâce : " Dieu, qui donnes la preuve
suprême de ta puissance, lorsque tu patientes et prends pitié... " (MR,
collecte du 26e dimanche).
278 A moins de
croire que l’amour de Dieu est Tout-Puissant, comment croire que le Père a pu
nous créer, le Fils nous racheter, l’Esprit Saint nous sanctifier ?
Paragraphe 4. LE CREATEUR
279 " Au
commencement, Dieu créa le ciel et la terre " (Gn 1, 1). C’est avec
ces paroles solennelles que commence l’Écriture Sainte. Le Symbole de la foi
reprend ces paroles en confessant Dieu le Père Tout-puissant comme
" le Créateur du ciel et de la terre ", " de
l’univers visible et invisible ". Nous parlerons donc d’abord du
Créateur, ensuite de sa création, enfin de la chute du péché dont Jésus-Christ,
le Fils de Dieu, est venu nous relever.
280 La création est
le fondement de " tous les desseins salvifiques de
Dieu ", " le commencement de l’histoire du
salut " (DCG 51) qui culmine dans le Christ. Inversement, le mystère
du Christ est la lumière décisive sur le mystère de la création ; il
révèle la fin en vue de laquelle, " au commencement, Dieu créa le ciel
et la terre " (Gn 1, 1) : dès le commencement, Dieu avait en vue
la gloire de la nouvelle création dans le Christ (cf. Rm 8, 18-23).
281 C’est pour cela
que les lectures de la Nuit Pascale, célébration de la création nouvelle dans
le Christ, commencent par le récit de la création ; de même, dans la
liturgie byzantine, le récit de la création constitue toujours la première
lecture des vigiles des grandes fêtes du Seigneur. Selon le témoignage des
anciens, l’instruction des catéchumènes pour le baptême suit le même chemin
(cf. Ethérie, pereg. 46 : PLS 1, 1089-1090 ; S. Augustin, catech. 3,
5).
I. La catéchèse sur la
Création
282 La catéchèse sur la
Création revêt une importance capitale. Elle concerne les fondements mêmes de
la vie humaine et chrétienne : car elle explicite la réponse de la foi
chrétienne à la question élémentaire que les hommes de tous les temps se sont
posée : " D’où venons-nous ? " " Où
allons-nous ? " " Quelle est notre origine ? "
" Quelle est notre fin ? " " D’où vient et
où va tout ce qui existe ? " Les deux questions, celle de
l’origine et celle de la fin, sont inséparables. Elles sont décisives pour le
sens et l’orientation de notre vie et de notre agir.
283 La question des
origines du monde et de l’homme fait l’objet de nombreuses recherches
scientifiques qui ont magnifiquement enrichi nos connaissances sur l’âge et les
dimensions du cosmos, le devenir des formes vivantes, l’apparition de l’homme.
Ces découvertes nous invitent à admirer d’autant plus la grandeur du Créateur,
de lui rendre grâce pour toutes ses œuvres et pour l’intelligence et la sagesse
qu’il donne aux savants et aux chercheurs. Avec Salomon, ceux-ci peuvent
dire : " C’est Lui qui m’a donné la science vraie de ce qui est,
qui m’a fait connaître la structure du monde et les propriétés des éléments
(...) car c’est l’ouvrière de toutes choses qui m’a instruit, la
Sagesse " (Sg 7, 17-21).
284 Le grand intérêt
réservé à ces recherches est fortement stimulé par une question d’un autre
ordre, et qui dépasse le domaine propre des sciences naturelles. Il ne s’agit
pas seulement de savoir quand et comment a surgi matériellement le cosmos, ni
quand l’homme est apparu, mais plutôt de découvrir quel est le sens d’une telle
origine : si elle est gouvernée par le hasard, un destin aveugle, une
nécessité anonyme, ou bien par un Être transcendant, intelligent et bon, appelé
Dieu. Et si le monde provient de la sagesse et de la bonté de Dieu, pourquoi le
mal ? D’où vient-il ? Qui en est responsable ? Et y en a-t-il
une libération ?
285 Depuis ses
débuts, la foi chrétienne a été confrontée à des réponses différentes de la
sienne sur la question des origines. Ainsi, on trouve dans les religions et les
cultures anciennes de nombreux mythes concernant les origines. Certains
philosophes ont dit que tout est Dieu, que le monde est Dieu, ou que le devenir
du monde est le devenir de Dieu (panthéisme) ; d’autres ont dit que le
monde est une émanation nécessaire de Dieu, s’écoulant de cette source et
retournant vers elle ; d’autres encore ont affirmé l’existence de deux
principes éternels, le Bien et le Mal, la Lumière et les Ténèbres, en lutte
permanente (dualisme, manichéisme) ; selon certaines de ces conceptions,
le monde (au moins le monde matériel) serait mauvais, produit d’une déchéance,
et donc à rejeter ou à dépasser (gnose) ; d’autres admettent que le monde
ait été fait par Dieu, mais à la manière d’un horloger qui l’aurait, une fois
fait, abandonné à lui-même (déisme) ; d’autres enfin n’acceptent aucune
origine transcendante du monde, mais y voient le pur jeu d’une matière qui
aurait toujours existé (matérialisme). Toutes ces tentatives témoignent de la
permanence et de l’universalité de la question des origines. Cette quête est
propre à l’homme.
286 L’intelligence
humaine peut, certes, déjà trouver une réponse à la question des origines. En
effet, l’existence de Dieu le Créateur peut être connue avec certitude par ses
œuvres grâce à la lumière de la raison humaine (cf. DS 3026), même si cette
connaissance est souvent obscurcie et défigurée par l’erreur. C’est pourquoi la
foi vient confirmer et éclairer la raison dans la juste intelligence de cette
vérité : " Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été
formés par une parole de Dieu, de sorte que ce que l’on voit provient de ce qui
n’est pas apparent " (He 11, 3).
287 La vérité de la
création est si importante pour toute la vie humaine que Dieu, dans sa
tendresse, a voulu révéler à son Peuple tout ce qui est salutaire à connaître à
ce sujet. Au-delà de la connaissance naturelle que tout homme peut avoir du
Créateur (cf. Ac 17, 24-29 ; Rm 1, 19-20), Dieu a progressivement révélé à
Israël le mystère de la création. Lui qui a choisi les patriarches, qui a fait
sortir Israël d’Égypte, et qui, en élisant Israël, l’a créé et formé (cf. Is
43, 1), il se révèle comme celui à qui appartiennent tous les peuples de la
terre, et la terre entière, comme celui qui, seul, " a fait le ciel
et la terre " (Ps 115, 15 ; 124, 8 ; 134, 3).
288 Ainsi, la
révélation de la création est inséparable de la révélation et de la réalisation
de l’alliance de Dieu, l’Unique, avec son Peuple. La création est révélée comme
le premier pas vers cette alliance, comme le premier et universel témoignage de
l’amour Tout-Puissant de Dieu (cf. Gn 15, 5 ; Jr 33, 19-26). Aussi, la
vérité de la création s’exprime-t-elle avec une vigueur croissante dans le
message des prophètes (cf. Is 44, 24), dans la prière des psaumes (cf. Ps 104)
et de la liturgie, dans la réflexion de la sagesse (cf. Pr 8, 22-31) du Peuple
élu.
289 Parmi toutes les
paroles de l’Écriture Sainte sur la création, les trois premiers chapitres de
la Genèse tiennent une place unique. Du point de vue littéraire ces textes
peuvent avoir diverses sources. Les auteurs inspirés les ont placés au
commencement de l’Écriture de sorte qu’ils expriment, dans leur langage
solennel, les vérités de la création, de son origine et de sa fin en Dieu, de
son ordre et de sa bonté, de la vocation de l’homme, enfin du drame du péché et
de l’espérance du salut. Lues à la lumière du Christ, dans l’unité de
l’Écriture Sainte et dans la Tradition vivante de l’Église, ces paroles
demeurent la source principale pour la catéchèse des mystères du
" commencement " : création, chute, promesse du salut.
II. La création – œuvre
de la Sainte Trinité
290 " Au
commencement, Dieu créa le ciel et la terre " (Gn 1, 1) : trois
choses sont affirmées dans ces premières paroles de l’Écriture : le Dieu
éternel a posé un commencement à tout ce qui existe en dehors de lui. Lui seul
est créateur (le verbe " créer " – en hébreu bara –
a toujours pour sujet Dieu). La totalité de ce qui existe (exprimé par la
formule " le ciel et la terre ") dépend de Celui qui lui
donne d’être.
291 " Au
commencement était le Verbe (...) et le Verbe était Dieu. (...) Tout a été fait
par lui et sans lui rien n’a été fait " (Jn 1, 1-3). Le Nouveau
Testament révèle que Dieu a tout créé par le Verbe Éternel, son Fils bien-aimé.
C’est en lui " qu’ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur
la terre (...) tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose et
tout subsiste en lui " (Col 1, 16-17). La foi de l’Église affirme de
même l’action créatrice de l’Esprit Saint : il est le " donateur
de vie " (Symbole de Nicée-Constantinople), " l’Esprit
Créateur " (" Veni, Creator Spiritus "), la
" Source de tout bien " (Liturgie byzantine, Tropaire des
vêpres de Pentecôte).
292 Insinuée dans
l’Ancien Testament (cf. Ps 33, 6 ; 104, 30 ; Gn 1, 2-3), révélée dans
la Nouvelle Alliance, l’action créatrice du Fils et de l’Esprit,
inséparablement une avec celle du Père, est clairement affirmée par la règle de
foi de l’Église : " Il n’existe qu’un seul Dieu (...) : il
est le Père, il est Dieu, il est le Créateur, il est l’Auteur, il est
l’Ordonnateur. Il a fait toutes choses par lui-même, c’est-à-dire par
son Verbe et par sa Sagesse " (S. Irénée, hær. 2, 30, 9),
" par le Fils et l’Esprit " qui sont comme " ses
mains " (ibid., 4, 20, 1). La création est l’œuvre commune de la
Sainte Trinité.
III. " Le monde
a été créé pour la gloire de Dieu "
293 C’est une vérité
fondamentale que l’Écriture et la Tradition ne cessent d’enseigner et de
célébrer : " Le monde a été créé pour la gloire de
Dieu " (Cc. Vatican I : DS 3025). Dieu a créé toutes choses,
explique S. Bonaventure, " non pour accroître la Gloire, mais pour
manifester et communiquer cette gloire " (sent. 2, 1, 2, 2, 1). Car
Dieu n’a pas d’autre raison pour créer que son amour et sa bonté :
" C’est la clef de l’amour qui a ouvert sa main pour produire les
créatures " (S. Thomas d’A., sent. 2, prol.) Et le premier Concile du
Vatican explique :
Dans sa bonté et par sa
force toute-puissante, non pour augmenter sa béatitude, ni pour acquérir sa
perfection, mais pour la manifester par les biens qu’il accorde à ses
créatures, ce seul vrai Dieu a, dans le plus libre dessein, tout ensemble, dès
le commencement du temps, créé de rien l’une et l’autre créature, la
spirituelle et la corporelle (DS 3002).
294 La gloire de
Dieu c’est que se réalise cette manifestation et cette communication de sa
bonté en vue desquelles le monde a été créé. Faire de nous " des fils
adoptifs par Jésus-Christ : tel fut le dessein bienveillant de Sa
volonté à la louange de gloire de sa grâce " (Ep 1,
5-6) : " Car la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie
de l’homme, c’est la vision de Dieu : si déjà la révélation de Dieu par la
création procura la vie à tous les êtres qui vivent sur la terre, combien plus
la manifestation du Père par le Verbe procure-t-elle la vie à ceux qui voient
Dieu " (S. Irénée, hær. 4, 20, 7). La fin ultime de la création,
c’est que Dieu, " qui est le Créateur de tous les êtres, devienne
enfin ‘tout en tous’ (1 Co 15, 28), en procurant à la fois sa gloire et notre
béatitude " (AG 2).
IV. Le mystère de la
création
Dieu crée par sagesse et
par amour
295 Nous croyons que
Dieu a créé le monde selon sa sagesse (cf. Sg 9, 9). Il n’est pas le produit
d’une nécessité quelconque, d’un destin aveugle ou du hasard. Nous croyons
qu’il procède de la volonté libre de Dieu qui a voulu faire participer les
créatures à son être, sa sagesse et sa bonté : " Car c’est toi
qui créas toutes choses ; tu as voulu qu’elles soient, et elles furent
créées " (Ap 4, 11). " Que tes œuvres sont nombreuses,
Seigneur ! Toutes avec sagesse tu les fis " (Ps 104, 24).
" Le Seigneur est bonté envers tous, ses tendresses vont à toutes ses
œuvres " (Ps 145, 9).
Dieu crée " de
rien "
296 Nous croyons que
Dieu n’a besoin de rien de préexistant ni d’aucune aide pour créer (cf. Cc.
Vatican I : DS 3022). La création n’est pas non plus une émanation
nécessaire de la substance divine (cf. Cc. Vatican I : DS 3023-3024). Dieu
crée librement " de rien " (DS 800 ; 3025) :
Quoi d’extraordinaire si
Dieu avait tiré le monde d’une matière préexistante ? Un artisan humain,
quand on lui donne un matériau, en fait tout ce qu’il veut. Tandis que la
puissance de Dieu se montre précisément quand il part du néant pour faire tout
ce qu’il veut (S. Théophile d’Antioche, Autol. 2, 4 : PG 6, 1052).
297 La foi en la
création " de rien " est attestée dans l’Écriture comme une
vérité pleine de promesse et d’espérance. Ainsi la mère des sept fils les
encourage au martyre :
Je ne sais comment vous
êtes apparus dans mes entrailles ; ce n’est pas moi qui vous ai gratifiés
de l’esprit et de la vie ; ce n’est pas moi qui ai organisé les éléments
qui composent chacun de vous. Aussi bien le Créateur du monde, qui a formé le
genre humain et qui est à l’origine de toute chose, vous rendra-t-il, dans sa
miséricorde, et l’esprit et la vie, parce que vous vous méprisez maintenant
vous-mêmes pour l’amour de ses lois (...). Mon enfant, regarde le ciel et la
terre et vois tout ce qui est en eux, et sache que Dieu les a faits de rien et
que la race des hommes est faite de la même manière (2 M 7, 22-23. 28).
298 Puisque Dieu
peut créer de rien, il peut, par l’Esprit Saint, donner la vie de l’âme à des
pécheurs en créant en eux un cœur pur (cf. Ps 51, 12), et la vie du corps aux
défunts par la Résurrection, Lui " qui donne la vie aux morts et
appelle le néant à l’existence " (Rm 4, 17). Et puisque, par sa
Parole, il a pu faire resplendir la lumière des ténèbres (cf. Gn 1, 3), il peut
aussi donner la lumière de la foi à ceux qui l’ignorent (cf. 2 Co 4, 6).
Dieu crée un monde ordonné
et bon
299 Puisque Dieu
crée avec sagesse, la création est ordonnée : " Tu as tout
disposé avec mesure, nombre et poids " (Sg 11, 20). Créée dans et par
le Verbe éternel, " image du Dieu invisible " (Col 1, 15),
elle est destinée, adressée à l’homme, image de Dieu (cf. Gn 1, 26), appelé à
une relation personnelle avec Dieu. Notre intelligence, participant à la
lumière de l’Intellect divin, peut entendre ce que Dieu nous dit par sa
création (cf. Ps 19, 2-5), certes non sans grand effort et dans un esprit d’humilité
et de respect devant le Créateur et son œuvre (cf. Jb 42, 3). Issue de la bonté
divine, la création participe à cette bonté (" Et Dieu vit que cela
était bon (...) très bon " : Gn 1, 4. 10. 12. 18. 21. 31). Car
la création est voulue par Dieu comme un don adressé à l’homme, comme un
héritage qui lui est destiné et confié . L’Église a dû, à maintes reprises,
défendre la bonté de la création, y compris du monde matériel (cf. DS
286 ; 455-463 ; 800 ; 1333 ; 3002).
Dieu transcende la
création et lui est présent
300 Dieu est
infiniment plus grand que toutes ses œuvres (cf. Si 43, 28) :
" Sa majesté est plus haute que les cieux " (Ps 8, 2),
" à sa grandeur point de mesure " (Ps 145, 3). Mais parce
qu’Il est le Créateur souverain et libre, cause première de tout ce qui existe,
Il est présent au plus intime de ses créatures : " En Lui nous
avons la vie, le mouvement et l’être " (Ac 17, 28). Selon les paroles
de S. Augustin, Il est " plus haut que le plus haut de moi, plus
intime que le plus intime " (Conf. 3, 6, 11).
Dieu maintient et porte
la création
301 Avec la
création, Dieu n’abandonne pas sa créature à elle-même. Il ne lui donne pas
seulement d’être et d’exister, il la maintient à chaque instant dans l’être,
lui donne d’agir et la porte à son terme. Reconnaître cette dépendance complète
par rapport au Créateur est une source de sagesse et de liberté, de joie et de
confiance :
Oui, tu aimes tout ce qui
existe, et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu
avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé. Et comment une chose
aurait-elle subsisté, si tu ne l’avais voulue ? Ou comment ce que tu
n’aurais pas appelé aurait-il été conservé ? Mais tu épargnes tout, parce
que tout est à toi, Maître ami de la vie (Sg 11, 24-26).
V. Dieu réalise son
dessein : la divine providence
302 La création a sa
bonté et sa perfection propres, mais elle n’est pas sortie tout achevée des
mains du Créateur. Elle est créée dans un état de cheminement (" in
statu viæ ") vers une perfection ultime encore à atteindre, à
laquelle Dieu l’a destinée. Nous appelons divine providence les dispositions
par lesquelles Dieu conduit sa création vers cette perfection :
Dieu garde et gouverne
par sa providence tout ce qu’Il a créé, " atteignant avec force d’une
extrémité à l’autre et disposant tout avec douceur " (Sg 8, 1). Car
" toutes choses sont à nu et à découvert devant ses yeux "
(He 4, 13), même celles que l’action libre des créatures produira (Cc. Vatican
I : DS 3003).
303 Le témoignage de
l’Écriture est unanime : la sollicitude de la divine providence est concrète et immédiate,
elle prend soin de tout, des moindres petites choses jusqu’aux grands
événements du monde et de l’histoire. Avec force, les livres saints affirment
la souveraineté absolue de Dieu dans le cours des événements :
" Notre Dieu, au ciel et sur la terre, tout ce qui lui plaît, Il le
fait " (Ps 115, 3) ; et du Christ il est dit :
" S’Il ouvre, nul ne fermera, et s’Il ferme, nul
n’ouvrira " (Ap 3, 7) ; " Il y a beaucoup de pensées
dans le cœur de l’homme, seul le dessein de Dieu se réalisera " (Pr
19, 21).
304 Ainsi voit-on
l’Esprit Saint, auteur principal de l’Écriture Sainte, attribuer souvent des
actions à Dieu, sans mentionner des causes secondes. Ce n’est pas là
" une façon de parler " primitive, mais une manière
profonde de rappeler la primauté de Dieu et sa Seigneurie absolue sur
l’histoire et le monde (cf. Is 10, 5-15 ; 45, 5-7 ; Dt 32, 39 ;
Si 11, 14) et d’éduquer ainsi à la confiance en Lui. La prière des Psaumes est
la grande école de cette confiance (cf. Ps 22 ; 32 ; 35 ;
103 ; 138 ; e.a.).
305 Jésus demande un
abandon filial à la providence du Père céleste qui prend soin des moindres
besoins de sens enfants : " Ne vous inquiétez donc pas en
disant : qu’allons-nous manger ? qu’allons-nous boire ? (...)
Votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela. Cherchez d’abord son
Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît "
(Mt 6, 31-33 ; cf. 10, 29-31).
La providence et les
causes secondes
306 Dieu est le
Maître souverain de son dessein. Mais pour sa réalisation, Il se sert aussi du
concours des créatures. Ceci n’est pas un signe de faiblesse, mais de la
grandeur et de la bonté du Dieu Tout-puissant. Car Dieu ne donne pas seulement
à ses créatures d’exister, il leur donne aussi la dignité d’agir elles-mêmes,
d’être causes et principes les unes des autres et de coopérer ainsi à
l’accomplissement de son dessein.
307 Aux hommes, Dieu
accorde même de pouvoir participer librement à sa providence en leur confiant
la responsabilité de " soumettre " la terre et de la
dominer (cf. Gn 1, 26-28). Dieu donne ainsi aux hommes d’être causes
intelligentes et libres pour compléter l’œuvre de la Création, en parfaire
l’harmonie pour leur bien et celui de leur prochains. Coopérateurs souvent inconscients
de la volonté divine, les hommes peuvent entrer délibérément dans le plan
divin, par leurs actions, par leurs prières, mais aussi par leurs souffrances
(cf. Col 1, 24). Ils deviennent alors pleinement " collaborateurs de
Dieu " (1 Co 3, 9 ; 1 Th 3, 2) et de son Royaume (cf. Col 4,
11).
308 C’est une vérité
inséparable de la foi en Dieu le Créateur : Dieu agit en tout agir de ses
créatures. Il est la cause première qui opère dans et par les causes
secondes : " Car c’est Dieu qui opère en nous à la fois le
vouloir et l’opération même, au profit de ses bienveillants
desseins " (Ph 2, 13 ; cf. 1 Co 12, 6). Loin de diminuer la
dignité de la créature, cette vérité la rehausse. Tirée du néant par la
puissance, la sagesse et la bonté de Dieu, elle ne peut rien si elle est coupée
de son origine, car " la créature sans le Créateur
s’évanouit " (GS 36, § 3) ; encore moins peut-elle atteindre sa
fin ultime sans l’aide de la grâce (cf. Mt 19, 26 ; Jn 15, 5 ; Ph 4,
13).
La providence et le
scandale du mal
309 Si Dieu le Père
Tout-puissant, Créateur du monde ordonné et bon, prend soin de toutes ses
créatures, pourquoi le mal existe-t-il ? A cette question aussi pressante
qu’inévitable, aussi douloureuse que mystérieuse, aucune réponse rapide ne
saura suffire. C’est l’ensemble de la foi chrétienne qui constitue la réponse à
cette question : la bonté de la création, le drame du péché, l’amour
patient de Dieu qui vient au devant de l’homme par ses alliances, par
l’Incarnation rédemptrice de son Fils, par le don de l’Esprit, par le
rassemblement de l’Église, par la force des sacrements, par l’appel à une vie
bienheureuse à laquelle les créatures libres sont invitées d’avance à
consentir, mais à laquelle elles peuvent aussi d’avance, par un mystère
terrible, se dérober. Il n’y a pas un trait du message chrétien qui ne
soit pour une part une réponse à la question du mal.
310 Mais pourquoi
Dieu n’a-t-il pas créé un monde aussi parfait qu’aucun mal ne puisse y
exister ? Selon sa puissance infinie, Dieu pourrait toujours créer quelque
chose de meilleur (cf. S. Thomas d’A., s. th. 1, 25, 6). Cependant dans sa
sagesse et sa bonté infinies, Dieu a voulu librement créer un monde
" en état de voie " vers sa perfection ultime. Ce devenir
comporte, dans le dessein de Dieu, avec l’apparition de certains êtres, la
disparition d’autres, avec le plus parfait aussi le moins parfait, avec les
constructions de la nature aussi les destructions. Avec le bien physique existe
donc aussi le mal physique, aussi longtemps que la création n’a pas atteint
sa perfection (cf. S. Thomas d’A., s. gent. 3, 71).
311 Les anges et les
hommes, créatures intelligentes et libres, doivent cheminer vers leur destinée
ultime par choix libre et amour de préférence. Ils peuvent donc se dévoyer. En
fait, ils ont péché. C’est ainsi que le mal moral est entré dans le
monde, sans commune mesure plus grave que le mal physique. Dieu n’est en aucune
façon, ni directement ni indirectement, la cause du mal moral (cf. S. Augustin,
lib. 1, 1, 1 : PL 32, 1221-1223 ; S. Thomas d’A., s. th. 1-2, 79, 1).
Il le permet cependant, respectant la liberté de sa créature, et,
mystérieusement, il sait en tirer le bien :
Car le Dieu Tout-puissant
(...), puisqu’il est souverainement bon, ne laisserait jamais un mal quelconque
exister dans ses œuvres s’il n’était assez puissant et bon pour faire sortir le
bien du mal lui-même (S. Augustin, enchir. 11, 3).
312 Ainsi, avec le
temps, on peut découvrir que Dieu, dans sa providence toute-puissante, peut
tirer un bien des conséquences d’un mal, même moral, causé par ses
créatures : " Ce n’est pas vous, dit Joseph à ses frères, qui
m’avez envoyé ici, c’est Dieu ; (...) le mal que vous aviez dessein de me
faire, le dessein de Dieu l’a tourné en bien afin de (...) sauver la vie d’un
peuple nombreux " (Gn 45, 8 ; 50, 20 ; cf. Tb 2, 12-18
vulg.). Du mal moral le plus grand qui ait jamais été commis, le rejet et le
meurtre du Fils de Dieu, causé par les péchés de tous les hommes, Dieu, par la
surabondance de sa grâce (cf. Rm 5, 20), a tiré le plus grand des biens :
la glorification du Christ et notre Rédemption. Le mal n’en devient pas pour
autant un bien.
313 " Tout
concourt au bien de ceux qui aiment Dieu " (Rm 8, 28). Le témoignage
des saints ne cesse de confirmer cette vérité :
Ainsi, S. Catherine de
Sienne dit à " ceux qui se scandalisent et se révoltent de ce qui
leur arrive " : " Tout procède de l’amour, tout est
ordonné au salut de l’homme, Dieu ne fait rien que dans ce but "
(dial. 4, 138).
Et S. Thomas More, peu
avant son martyre, console sa fille : " Rien ne peut arriver que
Dieu ne l’ait voulu. Or, tout ce qu’il veut, si mauvais que cela puisse nous
paraître, est cependant ce qu’il y a de meilleur pour nous " (Margarita
Roper, Epistula ad Aliciam Alington (mense augusti 1534).
Et Lady Julian of
Norwich : " J’appris donc, par la grâce de Dieu, qu’il fallait
m’en tenir fermement à la foi, et croire avec non moins de fermeté que toutes
choses seront bonnes... Et tu verras que toutes choses seront
bonnes ". " Thou shalt see thyself that all MANNER of thing
shall be well " (rev. 13, 32).
314 Nous croyons
fermement que Dieu est le Maître du monde et de l’histoire. Mais les chemins de
sa providence nous sont souvent inconnus. Ce n’est qu’au terme, lorsque prendra
fin notre connaissance partielle, lorsque nous verrons Dieu " face à
face " (1 Co 13, 12), que les voies nous seront pleinement connues,
par lesquelles, même à travers les drames du mal et du péché, Dieu aura conduit
sa création jusqu’au repos de ce Sabbat (cf. Gn 2, 2) définitif, en
vue duquel Il a créé le ciel et la terre.
EN BREF
315 Dans la création
du monde et de l’homme, Dieu a posé le premier et universel témoignage de son
amour tout-puissant et de sa sagesse, la première annonce de son
" dessein bienveillant " qui trouve sa fin dans la nouvelle
création dans le Christ.
316 Bien que l’œuvre
de la création soit particulièrement attribuée au Père, c’est également vérité
de foi que le Père, le Fils et l’Esprit Saint sont l’unique et indivisible
principe de la création.
317 Dieu seul a créé
l’univers librement, directement, sans aucune aide.
318 Aucune créature
n’a le pouvoir infini qui est nécessaire pour " créer " au
sens propre du mot, c’est-à-dire de produire et de donner l’être à ce qui ne
l’avait aucunement (appeler à l’existence ex nihilo) (cf. DS 3624).
319 Dieu a créé le
monde pour manifester et pour communiquer sa gloire. Que ses créatures aient
part à Sa vérité, à Sa bonté et à Sa beauté, voilà la gloire pour laquelle Dieu
les a créées.
320 Dieu qui a créé
l’univers le maintient dans l’existence par son Verbe, " ce Fils qui
soutient l’univers par sa parole puissante " (He 1, 3) et par son
Esprit Créateur qui donne la vie.
321 La divine
Providence, ce sont les dispositions par lesquelles Dieu conduit avec sagesse
et amour toutes les créatures jusqu’à leur fin ultime.
322 Le Christ nous
invite à l’abandon filial à la Providence de notre Père céleste (cf. Mt 6,
26-34), et l’apôtre S. Pierre reprend : " De toute votre
inquiétude, déchargez-vous sur lui, car il prend soin de vous " (1 P
5, 7 ; cf. Ps 55, 23).
323 La providence
divine agit aussi par l’agir des créatures. Aux êtres humains, Dieu donne de
coopérer librement à ses desseins.
324 La permission
divine du mal physique et du mal moral est un mystère que Dieu éclaire par son
Fils, Jésus-Christ, mort et ressuscité pour vaincre le mal. La foi nous donne
la certitude que Dieu ne permettrait pas le mal s’il ne faisait pas sortir le
bien du mal même, par des voies que nous ne connaîtrons pleinement que dans la
vie éternelle.
Paragraphe 5. LE CIEL ET
LA TERRE
325 Le Symbole des
apôtres professe que Dieu est " le Créateur du ciel et de la
terre ", et le Symbole de Nicée-Constantinople explicite :
" ... de l’univers visible et invisible ".
326 Dans l’Écriture
Sainte, l’expression " ciel et terre " signifie : tout
ce qui existe, la création toute entière. Elle indique aussi le lien, à
l’intérieur de la création, qui à la fois unit et distingue ciel et
terre : " La terre ", c’est le monde des hommes (cf.
Ps 115, 16) " Le ciel " ou " les
cieux " peut désigner le firmament (cf. Ps 19, 2), mais aussi le
" lieu " propre de Dieu : " notre Père aux
cieux " (Mt 5, 16 ; cf. Ps 115, 16) et, par conséquent, aussi le
" ciel " qui est la gloire eschatologique. Enfin, le mot
" ciel " indique le " lieu " des
créatures spirituelles – les anges – qui entourent Dieu.
327 La profession de
foi du quatrième Concile du Latran affirme que Dieu " a tout
ensemble, dès le commencement du temps, créé de rien l’une et l’autre créature,
la spirituelle et la corporelle, c’est-à-dire les anges et le monde
terrestre ; puis la créature humaine qui tient des deux, composée qu’elle
est d’esprit et de corps " (DS 800 ; cf. DS 3002 et SPF 8).
I. Les Anges
L’existence des anges –
une vérité de foi
328 L’existence des
êtres spirituels, non corporels, que l’Écriture Sainte nomme habituellement
anges, est une vérité de foi. Le témoignage de l’Écriture est aussi net que
l’unanimité de la Tradition.
Qui sont-ils ?
329 S. Augustin dit
à leur sujet : " ‘Ange’ désigne la fonction, non pas la nature.
Tu demandes comment s’appelle cette nature ? – Esprit. Tu demandes la
fonction ? – Ange ; d’après ce qu’il est, c’est un esprit, d’après ce
qu’il fait, c’est un ange " (Psal. 103, 1, 15). De tout leur être,
les anges sont serviteurs et messagers de Dieu. Parce qu’ils
contemplent " constamment la face de mon Père qui est aux
cieux " (Mt 18, 10), ils sont " les ouvriers de sa parole,
attentifs au son de sa parole " (Ps 103, 20).
330 En tant que
créatures purement spirituelles, ils ont intelligence et
volonté : ils sont des créatures personnelles (cf. Pie XII : DS 3801)
et immortelles (cf. Lc 20, 36). Ils dépassent en perfection toutes les
créatures visibles. L’éclat de leur gloire en témoigne (cf. Dn 10, 9-12).
Le Christ
" avec tous ses anges "
331 Le Christ est le
centre du monde angélique. Ce sont ses anges à Lui : " Quand le
Fils de l’homme viendra dans sa gloire avec tous ses anges ... " (Mt
25, 31). Ils sont à Lui parce que créés par et pour lui :
" Car c’est en lui qu’ont été créées toutes choses, dans les cieux et
sur la terre, les visibles et les invisibles : trônes, seigneuries,
principautés, puissances ; tout a été créé par lui et pour lui "
(Col 1, 16). Ils sont à Lui plus encore parce qu’Il les a faits messagers de
son dessein de salut : " Est-ce que tous ne sont pas des esprits
chargés d’un ministère, envoyés en service pour ceux qui doivent hériter le
salut ? " (He 1, 14).
332 Ils sont là, dès
la création (cf. Jb 38, 7, où les anges sont appelés " fils de
Dieu ") et tout au long de l’histoire du salut, annonçant de loin ou
de près ce salut et servant le dessein divin de sa réalisation : ils
ferment le paradis terrestre (cf. Gn 3, 24), protègent Lot (cf. Gn 19), sauvent
Agar et son enfant (cf. Gn 21, 17), arrêtent la main d’Abraham (cf. Gn 22, 11),
la loi est communiquée par leur ministère (cf. Ac 7, 53), ils conduisent le
Peuple de Dieu (cf. Ex 23, 20-23), ils annoncent naissances (cf. Jg 13) et
vocations (cf. Jg 6, 11-24 ; Is 6, 6), ils assistent les prophètes (cf. 1
R 19, 5), pour ne citer que quelques exemples. Enfin, c’est l’ange Gabriel qui
annonce la naissance du Précurseur et celle de Jésus lui-même (cf. Lc 1, 11.
26).
333 De l’Incarnation
à l’Ascension, la vie du Verbe incarné est entourée de l’adoration et du
service des anges. Lorsque Dieu " introduit le Premier-né dans le
monde, il dit : ‘Que tous les anges de Dieu l’adorent’ " (He 1,
6). Leur chant de louange à la naissance du Christ n’a cessé de résonner dans
la louange de l’Église : " Gloire à Dieu ... " (Lc 2,
14). Ils protègent l’enfance de Jésus (cf. Mt 1, 20 ; 2, 13. 19), servent
Jésus au désert (cf. Mc 1, 12 ; Mt 4, 11), le réconfortent dans l’agonie
(cf. Lc 22, 43), alors qu’il aurait pu être sauvé par eux de la main des
ennemis (cf. Mt 26, 53) comme jadis Israël (cf. 2 M 10, 29-30 ; 11, 8). Ce
sont encore les anges qui " évangélisent " (Lc 2, 10) en
annonçant la Bonne Nouvelle de l’Incarnation (cf. Lc 2, 8-14), et de la
Résurrection (cf. Mc 16, 5-7) du Christ. Ils seront là au retour du Christ
qu’ils annoncent (cf. Ac 1, 10-11), au service de son jugement (cf. Mt 13,
41 ; 24, 31 ; Lc 12, 8-9).
Les anges dans la vie de
l’Église
334 D’ici là toute
la vie de l’Église bénéficie de l’aide mystérieuse et puissante des anges (cf.
Ac 5, 18-20 ; 8, 26-29 ; 10, 3-8 ; 12, 6-11 ; 27, 23-25).
335 Dans sa
liturgie, l’Église se joint aux anges pour adorer le Dieu trois fois
saint ; elle invoque leur assistance (ainsi dans In Paradisum
deducant te angeli... de la Liturgie des défunts [OEx 50], ou encore dans
l’" Hymne chérubinique " de la Liturgie byzantine
[(Liturgie de S. Jean Chrysostome]), elle fête plus particulièrement la mémoire
de certains anges (S. Michel, S. Gabriel, S. Raphaël, les anges gardiens).
336 Du début (de
l’existence) (cf. Mt 18, 10) au trépas (cf. Lc 16, 22), la vie humaine est
entourée de leur garde (cf. Ps 34, 8 ; 91, 10-13) et de leur intercession
(cf. Jb 33, 23-24 ; Za 1, 12 ; Tb 12, 12). " Chaque fidèle
a à ses côtés un ange comme protecteur et pasteur pour le conduire à la
vie " (S. Basile, Eun. 3, 1 : PG 29, 656B). Dès ici-bas, la
vie chrétienne participe, dans la foi, à la société bienheureuse des anges et
des hommes, unis en Dieu.
II. Le Monde visible
337 C’est Dieu
lui-même qui a créé le monde visible dans toute sa richesse, sa diversité et
son ordre. L’Écriture présente l’œuvre du Créateur symboliquement comme une
suite de six jours " de travail " divin qui s’achèvent sur
le " repos " du septième jour (Gn 1, 1 – 2, 4). Le texte
sacré enseigne, au sujet de la création, des vérités révélées par Dieu pour
notre salut (cf. DV 11) qui permettent de " reconnaître la nature
profonde de la création, sa valeur et sa finalité qui est la gloire de Dieu "
(LG 36) :
338 Il n’existe rien
qui ne doive son existence à Dieu créateur. Le monde a commencé quand il a
été tiré du néant par la parole de Dieu ; tous les êtres existants, toute
la nature, toute l’histoire humaine s’enracinent en cet événement
primordial : c’est la genèse même par laquelle le monde est constitué, et
le temps commencé (cf. S. Augustin, Gen. Man. 1, 2, 4 : PL 35, 175).
339 Chaque créature
possède sa bonté et sa perfection propres. Pour chacune des œuvres des
" six jours " il est dit : " Et Dieu vit que
cela était bon ". " C’est en vertu de la création même que
toutes les choses sont établies selon leur consistance, leur vérité, leur
excellence propre avec leur ordonnance et leurs lois spécifiques "
(GS 36, § 2). Les différentes créatures, voulues en leur être propre,
reflètent, chacune à sa façon, un rayon de la sagesse et de la bonté infinies
de Dieu. C’est pour cela que l’homme doit respecter la bonté propre de chaque
créature pour éviter un usage désordonné des choses, qui méprise le Créateur et
entraîne des conséquences néfastes pour les hommes et pour leur ambiance.
340 L’interdépendance
des créatures est voulue par Dieu. Le soleil et la lune, le cèdre et la
petite fleur, l’aigle et le moineau : les innombrables diversités et
inégalités signifient qu’aucune créature ne se suffit à elle-même, qu’elles
n’existent qu’en dépendance les unes des autres, pour se compléter
mutuellement, au service les unes des autres.
341 La beauté
de l’univers : L’ordre et l’harmonie du monde créé résultent de la
diversité des êtres et des relations qui existent entre eux. L’homme les découvre
progressivement comme lois de la nature. Ils font l’admiration des savants. La
beauté de la création reflète l’infinie beauté du Créateur. Elle doit inspirer
le respect et la soumission de l’intelligence de l’homme et de sa volonté.
342 La hiérarchie
des créatures est exprimée par l’ordre des " six
jours ", qui va du moins parfait au plus parfait. Dieu aime toutes
ses créatures (cf. Ps 145, 9), il prend soin de chacune, même des passereaux.
Néanmoins, Jésus dit : " Vous valez mieux qu’une multitude de
passereaux " (Lc 12, 6-7), ou encore : " Un homme vaut
plus qu’une brebis " (Mt 12, 12).
343 L’homme est le
sommet de l’œuvre de la création. Le récit inspiré l’exprime en
distinguant nettement la création de l’homme de celle des autres créatures (cf.
Gn 1, 26).
344 Il existe
une solidarité entre toutes les créatures du fait qu’elles ont toutes
le même Créateur, et que toutes sont ordonnées à sa gloire :
Loué sois-tu, Seigneur,
dans toutes tes créatures,
spécialement messire le
frère Soleil,
par qui tu nous donnes le
jour la lumière ;
il est beau, rayonnant
d’une grande splendeur,
et de toi, le Très-Haut,
il nous offre le symbole. ...
Loué sois-tu, mon
Seigneur, pour sœur Eau,
qui est très utile et
très humble,
précieuse et chaste. ...
Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour sœur notre mère la Terre
qui nous porte et nous
nourrit,
qui produit la diversité
des fruits
avec les fleurs diaprées
et les herbes. ...
Louez et bénissez mon
Seigneur,
rendez-lui grâce et
servez-le
en toute humilité.
(S. François d’Assise,
cant.)
345 Le Sabbat – fin
de l’œuvre des " six jours ". Le texte sacré dit que
" Dieu conclut au septième jour l’ouvrage qu’Il avait
fait " et qu’ainsi " le ciel et la terre furent
achevés ", et que Dieu, au septième jour,
" chôma " et qu’Il sanctifia et bénit ce jour (Gn 2, 1-3).
Ces paroles inspirées sont riches en enseignements salutaires :
346 Dans la création
Dieu a posé un fondement et des lois qui demeurent stables (cf. He 4, 3-4), sur
lesquels le croyant pourra s’appuyer avec confiance, et qui lui seront le signe
et le gage de la fidélité inébranlable de l’alliance de Dieu (cf. Jr 31,
35-37 ; 33, 19-26). De son côté, l’homme devra rester fidèle à ce
fondement et respecter les lois que le Créateur y a inscrites.
347 La création est
faite en vue du Sabbat et donc du culte et de l’adoration de Dieu. Le culte est
inscrit dans l’ordre de la création (cf. Gn 1, 14). " Ne rien
préférer au culte de Dieu ", dit la règle de S. Benoît (reg. 43, 3),
indiquant ainsi le juste ordre des préoccupations humaines.
348 Le Sabbat est au
cœur de la loi d’Israël. Garder les commandements, c’est correspondre à la
sagesse et à la volonté de Dieu exprimées dans son œuvre de création.
349 Le huitième
jour. Mais pour nous, un jour nouveau s’est levé : le jour de la
Résurrection du Christ. Le septième jour achève la première création. Le
huitième jour commence la nouvelle création. Ainsi, l’œuvre de la création
culmine en l’œuvre plus grande de la rédemption. La première création trouve
son sens et son sommet dansla nouvelle création dans le Christ, dont la
splendeur dépasse celle de la première (cf. MR, Vigile Pascale 24 : prière
après la première lecture).
EN BREF
350 Les anges sont
des créatures spirituelles qui glorifient Dieu sans cesse et qui servent ses
desseins salvifiques envers les autres créatures : " Les anges
concourent à tout ce qui est bon pour nous " (S. Thomas d’A., s. th.
1, 114, 3, ad 3).
351 Les anges
entourent le Christ, leur Seigneur. Ils le servent particulièrement dans
l’accomplissement de sa mission salvifique envers les hommes.
352 L’Église vénère
les anges qui l’aident dans son pèlerinage terrestre. et qui protègent tout
être humain.
353 Dieu a voulu la
diversité de ses créatures et leur bonté propre, leur interdépendance et leur
ordre. Il a destiné toutes les créatures matérielles au bien du genre humain.
L’homme, et toute la création à travers lui, est destiné à la gloire de Dieu.
354 Respecter les
lois inscrites dans la création et les rapports qui dérivent de la nature des
choses, est un principe de sagesse et un fondement de la morale.
Paragraphe 6. L’HOMME
355 " Dieu
créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les
créa " (Gn 1, 27). L’homme tient une place unique dans la
création : il est " à l’image de Dieu " (I) ;
dans sa propre nature il unit le monde spirituel et le monde matériel
(II) ; il est créé " homme et femme " (III) ;
Dieu l’a établi dans son amitié (IV).
I. " A l’image
de Dieu "
356 De toutes les
créatures visibles, seul l’homme est " capable de connaître et
d’aimer son Créateur " (GS 12, § 3) ; il est " la
seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même " (GS 24, §
3) ;lui seul est appelé à partager, par la connaissance et l’amour, la vie
de Dieu. C’est à cette fin qu’il a été créé, et c’est là la raison fondamentale
de sa dignité :
Quelle raison T’a fait
constituer l’homme en si grande dignité ? L’amour inestimable par lequel
Tu as regardé en Toi-même Ta créature, et Tu T’es épris d’elle ; car c’est
par amour que Tu l’as créée, c’est par amour que Tu lui as donné un être
capable de goûter Ton Bien éternel (Ste. Catherine de Sienne, dial. 4,
13 : ed. G. Cavallini [Roma 1995] p. 43).
357 Parce qu’il est
à l’image de Dieu l’individu humain a la dignité de personne : il
n’est pas seulement quelque chose, mais quelqu’un. Il est capable de se
connaître, de se posséder et de librement se donner et entrer en communion avec
d’autres personnes, et il est appelé, par grâce, à une alliance avec son
Créateur, à Lui offrir une réponse de foi et d’amour que nul autre ne peut
donner à sa place.
358 Dieu a tout créé
pour l’homme (cf. GS 12, § 1 ; 24, § 3 ; 39, § 1), mais l’homme a été
créé pour servir et aimer Dieu et pour Lui offrir toute la création :
Quel est donc l’être qui
va venir à l’existence entouré d’une telle considération ? C’est l’homme,
grande et admirable figure vivante, plus précieux aux yeux de Dieu que la
création toute entière : c’est l’homme, c’est pour lui qu’existent le ciel
et la terre et la mer et la totalité de la création, et c’est à son salut que
Dieu a attaché tant d’importance qu’il n’a même pas épargné son Fils unique
pour lui. Car Dieu n’a pas eu de cesse de tout mettre en œuvre pour faire
monter l’homme jusqu’à lui et le faire asseoir à sa droite (S. Jean Chrysostome,
serm. in Gen. 2, 1 : PG 54, 587D-588A).
359 " En
réalité, c’est seulement dans le mystère du Verbe incarné que s’éclaire
véritablement le mystère de l’homme " (GS 22, § 1) :
Saint Paul nous apprend
que deux hommes sont à l’origine du genre humain : Adam et le Christ ...
Le premier Adam, dit-il, a été créé comme un être humain qui a reçu la
vie ; le dernier est un être spirituel qui donne la vie. Le premier a été
créé par le dernier, de qui il a reçu l’âme qui le fait vivre ... Le second
Adam a établi son image dans le premier Adam alors qu’il le modelait. De là
vient qu’il en a endossé le rôle et reçu le nom, afin de ne pas laisser perdre
ce qu’il avait fait à son image. Premier Adam, dernier Adam : le premier a
commencé, le dernier ne finira pas. Car le dernier est véritablement le
premier, comme il l’a dit lui-même : " Je suis le Premier et le
Dernier " (S. Pierre Chrysologue, serm. 117, 1-2 : PL 52, 520B).
360 Grâce à la
communauté d’origine le genre humain forme une unité. Car Dieu
" a fait sortir d’une souche unique toute la descendance des
hommes " (Ac 17, 26 ; cf. Tb 8, 6) :
Merveilleuse vision qui
nous fait contempler le genre humain dans l’unité de son origine en Dieu
(...) ; dans l’unité de sa nature, composée pareillement chez tous d’un
corps matériel et d’une âme spirituelle ; dans l’unité de sa fin immédiate
et de sa mission dans le monde ; dans l’unité de son habitation : la
terre, des biens de laquelle tous les hommes, par droit de nature, peuvent user
pour soutenir et développer la vie ; unité de sa fin surnaturelle :
Dieu même, à qui tous doivent tendre ; dans l’unité des moyens pour
atteindre cette fin ; (...) dans l’unité de son rachat opéré pour tous par
le Christ (Pie XII, enc. " Summi pontificatus "; cf. NA 1).
361 " Cette
loi de solidarité humaine et de charité " (Ibid.), sans exclure la
riche variété des personnes, des cultures et des peuples, nous assure que tous
les hommes sont vraiment frères.
II. " Un de
corps et d’âme "
362 La personne
humaine, créée à l’image de Dieu, est un être à la fois corporel et spirituel.
Le récit biblique exprime cette réalité avec un langage symbolique, lorsqu’il
affirme que " Dieu modela l’homme avec la glaise du sol ; il
insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être
vivant " (Gn 2, 7). L’homme tout entier est donc voulu par
Dieu.
363 Souvent, le
terme âme désigne dans l’Écriture Sainte la vie humaine
(cf. Mt 16, 25-26 ; Jn 15, 13) ou toute la personne humaine (cf.
Ac 2, 41). Mais il désigne aussi ce qu’il y a de plus intime en l’homme (cf. Mt
26, 38 ; Jn 12, 27) et de plus grande valeur en lui (cf. Mt 10, 28 ;
2 M 6, 30), ce par quoi il est plus particulièrement image de Dieu :
" âme " signifie le principe spirituel en
l’homme.
364 Le corps de
l’homme participe à la dignité de l’" image de
Dieu " : il est corps humain précisément parce qu’il est animé
par l’âme spirituelle, et c’est la personne humaine toute entière qui est
destinée à devenir, dans le Corps du Christ, le Temple de l’Esprit (cf. 1 Co 6,
19-20 ; 15, 44-45) :
Corps et âme, mais
vraiment un, l’homme, dans sa condition corporelle, rassemble en lui-même les
éléments du monde matériel qui trouvent ainsi, en lui, leur sommet, et peuvent
librement louer leur Créateur. Il est donc interdit à l’homme de dédaigner la
vie corporelle. Mais au contraire il doit estimer et respecter son corps qui a
été créé par Dieu et qui doit ressusciter au dernier jour (GS 14, § 1).
365 L’unité de l’âme
et du corps est si profonde que l’on doit considérer l’âme comme la
" forme " du corps (cf. Cc. Vienne en 1312 : DS
902) ; c’est-à-dire, c’est grâce à l’âme spirituelle que le corps
constitué de matière est un corps humain et vivant ; l’esprit et la
matière, dans l’homme, ne sont pas deux natures unies, mais leur union forme
une unique nature.
366 L’Église
enseigne que chaque âme spirituelle est immédiatement créée par Dieu (cf. Pie
XII, enc. " Humani generis ", 1950 : DS 3896 ;
SPF 8) – elle n’est pas " produite " par les parents – ;
elle nous apprend aussi qu’elle est immortelle (cf. Cc. Latran V en 1513 :
DS 1440) : elle ne périt pas lors de sa séparation du corps dans la mort,
et s’unira de nouveau au corps lors de la résurrection finale.
367 Parfois il se
trouve que l’âme soit distinguée de l’esprit. Ainsi S. Paul prie pour que notre
" être tout entier, l’esprit, l’âme et le corps " soit
gardé sans reproche à l’Avènement du Seigneur (1 Th 5, 23). L’Église enseigne
que cette distinction n’introduit pas une dualité dans l’âme (Cc.
Constantinople IV en 870 : DS 657). " Esprit "
signifie que l’homme est ordonné dès sa création à sa fin surnaturelle (Cc.
Vatican I : DS 3005 ; cf. GS 22, § 5), et que son âme est capable
d’être surélevée gratuitement à la communion avec Dieu (cf. Pie XII, Enc.
" Humani generis ", 1950 : DS 3891).
368 La tradition
spirituelle de l’Église insiste aussi sur le cœur, au sens biblique de
" fond de l’être " (Jr 31, 33) où la personne se décide ou
non pour Dieu (cf. Dt 6, 5 ; 29, 3 ; Is 29, 13 ; Ez 36,
26 ; Mt 6, 21 ; Lc 8, 15 ; Rm 5, 5).
III. " Homme et
femme il les créa "
Égalité et différence
voulues par Dieu
369 L’homme et la
femme sont créés, c’est-à-dire ils sont voulus par Dieu : dans
une parfaite égalité en tant que personnes humaines, d’une part, et d’autre
part dans leur être respectif d’homme et de femme. " Être
homme ", " être femme " est une réalité bonne et
voulue par Dieu : l’homme et la femme ont une dignité inamissible qui leur
vient immédiatement de Dieu leur créateur (cf. Gn 2, 7. 22). L’homme et la
femme sont, avec une même dignité, " à l’image de Dieu ".
Dans leur " être-homme " et leur
" être-femme ", ils reflètent la sagesse et la bonté du
Créateur.
370 Dieu n’est
aucunement à l’image de l’homme. Il n’est ni homme ni femme. Dieu est pur
esprit en lequel il n’y a pas place pour la différence des sexes. Mais les
" perfections " de l’homme et de la femme reflètent quelque
chose de l’infinie perfection de Dieu : celles d’une mère (cf. Is 49,
14-15 ; 66, 13 ; Ps 130, 2-3) et celles d’un père et époux (cf. Os
11, 1-4 ; Jr 3, 4-19).
" L’un pour
l’autre " – " une unité à deux "
371 Créés ensemble, l’homme
et la femme sont voulus par Dieu l’un pour l’autre. La Parole de Dieu
nous le fait entendre par divers traits du texte sacré. " Il n’est pas
bon que l’homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit
assortie " (Gn 2, 18). Aucun des animaux ne peut être ce
" vis-à-vis " de l’homme (Gn 2, 19-20). La femme que Dieu
" façonne " de la côte tirée de l’homme et qu’il amène à
l’homme, provoque de la part de l’homme un cri d’admiration, une exclamation
d’amour et de communion : " C’est l’os de mes os et la chair de
ma chair " (Gn 2, 23). L’homme découvre la femme comme un autre
" moi ", de la même humanité.
372 L’homme et la
femme sont faits " l’un pour l’autre " : non pas que
Dieu ne les aurait faits qu’" à moitié " et
" incomplets " ; Il les a créés pour une communion de
personnes, en laquelle chacun peut être " aide " pour
l’autre parce qu’ils sont à la fois égaux en tant que personnes (" os
de mes os... ") et complémentaires en tant que masculin et féminin
(MD 7). Dans le mariage, Dieu les unit de manière que, en formant
" une seule chair " (Gn 2, 24), ils puissent transmettre la
vie humaine : " Soyez féconds, multipliez, emplissez la
terre " (Gn 1, 28). En transmettant à leur descendants la vie
humaine, l’homme et la femme comme époux et parents, coopèrent d’une façon
unique à l’œuvre du Créateur (cf. GS 50, § 1).
373 Dans le dessein
de Dieu, l’homme et la femme ont la vocation de " soumettre "
la terre (cf. Gn 1, 28) comme " intendants " de Dieu. Cette
souveraineté ne doit pas être une domination arbitraire et destructrice. A
l’image du Créateur " qui aime tout ce qui existe " (Sg 11,
24), l’homme et la femme sont appelés à participer à la Providence divine
envers les autres créatures. De là, leur responsabilité pour le monde que Dieu
leur a confié.
IV. L’homme au Paradis
374 Le premier homme
n’a pas seulement été créé bon, mais il a été constitué dans une amitié avec
son Créateur et une harmonie avec lui-même et avec la création autour de lui
telles qu’elles ne seront dépassées que par la gloire de la nouvelle création
dans le Christ.
375 L’Église, en
interprétant de manière authentique le symbolisme du langage biblique à la
lumière du Nouveau Testament et de la Tradition, enseigne que nos premiers
parents Adam et Eve ont été constitué dans un état " de sainteté et
de justice originelle " (Cc. Trente : DS 1511). Cette grâce de
la sainteté originelle était une " participation à la vie divine "
(LG 2).
376 Par le
rayonnement de cette grâce toutes les dimensions de la vie de l’homme étaient
confortées. Tant qu’il demeurait dans l’intimité divine, l’homme ne devait ni
mourir (cf. Gn 2, 17 ; 3, 19), ni souffrir (cf. Gn 3, 16). L’harmonie intérieure
de la personne humaine, l’harmonie entre l’homme et la femme (cf. Gn 2, 25),
enfin l’harmonie entre le premier couple et toute la création constituait
l’état appelé " justice originelle ".
377 La
" maîtrise " du monde que Dieu avait accordée à l’homme dès
le début, se réalisait avant tout chez l’homme lui-même comme maîtrise de
soi. L’homme était intact et ordonné dans tout son être, parce que libre de la
triple concupiscence (cf. 1 Jn 2, 16) qui le soumet aux plaisirs des sens, à la
convoitise des biens terrestres et à l’affirmation de soi contre les impératifs
de la raison.
378 Le signe de la
familiarité avec Dieu, c’est que Dieu le place dans le jardin (cf. Gn 2, 8). Il
y vit " pour cultiver le sol et le garder " (Gn 2,
15) : le travail n’est pas une peine (cf. Gn 3, 17-19), mais la
collaboration de l’homme et de la femme avec Dieu dans le perfectionnement de
la création visible.
379 C’est toute
cette harmonie de la justice originelle, prévue pour l’homme par le dessein de
Dieu, qui sera perdu par le péché de nos premiers parents.
EN BREF
380 " Dieu,
Tu as fait l’homme à ton image et tu lui as confié l’univers, afin qu’en Te
servant, toi, son Créateur, il règne sur la création " (MR, prière
eucharistique IV, 118).
381 L’homme est
prédestiné à reproduire l’image du Fils de Dieu fait homme – " image
du Dieu invisible " (Col 1, 15) – afin que le Christ soit le
premier-né d’une multitude de frères et de sœurs (cf. Ep 1, 3-6 ; Rm 8,
29).
382 L’homme est
" un de corps et d’âme " (GS 14, § 1). La doctrine de la
foi affirme que l’âme spirituelle et immortelle est créée immédiatement par
Dieu.
383 " Dieu
n’a pas créé l’homme solitaire : dès l’origine, ‘il les créa homme et
femme’ (Gn 1, 27) ; leur société réalise la première forme de communion
entre personnes " (GS 12, § 4).
384 La révélation
nous fait connaître l’état de sainteté et de justice originelles de l’homme et
de la femme avant le péché : de leur amitié avec Dieu découlait la
félicité de leur existence au paradis.
Paragraphe 7. LA CHUTE
385 Dieu est
infiniment bon et toutes ses œuvres sont bonnes. Cependant, personne n’échappe
à l’expérience de la souffrance, des maux dans la nature – qui apparaissent
comme liés aux limites propres des créatures –, et surtout à la question du mal
moral. D’où vient le mal ? " Je cherchais d’où vient le mal et
je ne trouvais pas de solution " dit S. Augustin (conf. 7, 7, 11), et
sa propre quête douloureuse ne trouvera d’issue que dans sa conversion au Dieu
vivant. Car " le mystère de l’iniquité " (2 Th 2, 7) ne s’éclaire
qu’à la lumière du mystère de la piété (cf. 1 Tm 3, 16). La révélation de
l’amour divin dans le Christ a manifesté à la fois l’étendue du mal et la
surabondance de la grâce (cf. Rm 5, 20). Nous devons donc considérer la
question de l’origine du mal en fixant le regard de notre foi sur Celui qui,
seul, en est le Vainqueur (cf. Lc 11, 21-22 ; Jn 16, 11 ; 1 Jn 3, 8).
I. La où le péché a
abondé, la grâce a surabondé
La réalité du péché
386 Le péché est
présent dans l’histoire de l’homme : il serait vain de tenter de l’ignorer
ou de donner à cette obscure réalité d’autres noms. Pour essayer de comprendre
ce qu’est le péché, il faut d’abord reconnaître le lien profond de l’homme
avec Dieu, car en dehors de ce rapport, le mal du péché n’est pas démasqué
dans sa véritable identité de refus et d’opposition face à Dieu, tout en
continuant à peser sur la vie de l’homme et sur l’histoire.
387 La réalité du
péché, et plus particulièrement du péché des origines, ne s’éclaire qu’à la
lumière de la Révélation divine. Sans la connaissance qu’elle nous donne de
Dieu on ne peut clairement reconnaître le péché, et on est tenté de l’expliquer
uniquement comme un défaut de croissance, comme une faiblesse psychologique,
une erreur, la conséquence nécessaire d’une structure sociale inadéquate, etc.
C’est seulement dans la connaissance du dessein de Dieu sur l’homme que l’on
comprend que le péché est un abus de la liberté que Dieu donne aux personnes
créées pour qu’elles puissent l’aimer et s’aimer mutuellement.
Le péché originel – une
vérité essentielle de la foi
388 Avec la
progression de la Révélation est éclairée aussi la réalité du péché. Bien que
le Peuple de Dieu de l’Ancien Testament ait connu d’une certaine manière la
condition humaine à la lumière de l’histoire de la chute narrée dans la Genèse,
il ne pouvait pas atteindre la signification ultime de cette histoire, qui se
manifeste seulement à la lumière de la Mort et de la Résurrection de
Jésus-Christ (cf. Rm 5, 12-21). Il faut connaître le Christ comme source de la grâce
pour connaître Adam comme source du péché. C’est l’Esprit-Paraclet, envoyé par
le Christ ressuscité, qui est venu " confondre le monde en matière de
péché " (Jn 16, 8) en révélant Celui qui en est le Rédempteur.
389 La doctrine du
péché originel est pour ainsi dire " le revers " de la
Bonne Nouvelle que Jésus est le Sauveur de tous les hommes, que tous ont besoin
du salut et que le salut est offert à tous grâce au Christ. L’Église qui a le
sens du Christ (cf. 1 Co 2, 16) sait bien qu’on ne peut pas toucher à la
révélation du péché originel sans porter atteinte au mystère du Christ.
Pour lire le récit de la
chute
390 Le récit de la
chute (Gn 3) utilise un langage imagé, mais il affirme un événement primordial,
un fait qui a eu lieu au commencement de l’histoire de l’homme (cf.
GS 13, § 1). La Révélation nous donne la certitude de foi que toute l’histoire
humaine est marquée par la faute originelle librement commise par nos premiers
parents (cf. Cc. Trente : DS 1513 ; Pie XII : DS 3897 ;
Paul VI, discours 11 juillet 1966).
II. La chute des anges
391 Derrière le
choix désobéissant de nos premiers parents il y a une voix séductrice, opposée
à Dieu (cf. Gn 3, 4-5) qui, par envie, les fait tomber dans la mort (cf. Sg 2,
24). L’Écriture et la Tradition de l’Église voient en cet être un ange déchu,
appelé Satan ou diable (cf. Jn 8, 44 ; Ap 12, 9). L’Église enseigne qu’il
a été d’abord un ange bon, fait par Dieu. " Le diable et les autres
démons ont certes été créés par Dieu naturellement bons, mais c’est eux qui se
sont rendus mauvais " (Cc. Latran IV en 1215 : DS 800).
392 L’Écriture parle
d’un péché de ces anges (cf. 2 P 2, 4). Cette
" chute " consiste dans le choix libre de ces esprits
créés, qui ont radicalement et irrévocablement refusé Dieu et son
Règne. Nous trouvons un reflet de cette rébellion dans les paroles du tentateur
à nos premiers parents : " Vous deviendrez comme
Dieu " (Gn 3, 5). Le diable est " pécheur dès
l’origine " (1 Jn 3, 8), " père du mensonge " (Jn
8, 44).
393 C’est le
caractère irrévocable de leur choix, et non un défaut de l’infinie
miséricorde divine, qui fait que le péché des anges ne peut être pardonné.
" Il n’y a pas de repentir pour eux après la chute, comme il n’y a
pas de repentir pour les hommes après la mort " (S. Jean Damascène,
f. o. 2, 4 : PG 94, 877C).
394 L’Écriture
atteste l’influence néfaste de celui que Jésus appelle " l’homicide
dès l’origine " (Jn 8, 44), et qui a même tenté de détourner Jésus de
la mission reçue du Père (cf. Mt 4, 1-11). " C’est pour détruire les
œuvres du diable que le Fils de Dieu est apparu " (1 Jn 3, 8). La
plus grave en conséquences de ces œuvres a été la séduction mensongère qui a
induit l’homme à désobéir à Dieu.
395 La puissance de
Satan n’est cependant pas infinie. Il n’est qu’une créature, puissante du fait
qu’il est pur esprit, mais toujours une créature : il ne peut empêcher
l’édification du Règne de Dieu. Quoique Satan agisse dans le monde par haine
contre Dieu et son Royaume en Jésus-Christ, et quoique son action cause de
graves dommages – de nature spirituelle et indirectement même de nature
physique – pour chaque homme et pour la société, cette action est permise par
la divine Providence qui avec force et douceur dirige l’histoire de l’homme et
du monde. La permission divine de l’activité diabolique est un grand mystère,
mais " nous savons que Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui
l’aiment " (Rm 8, 28).
III. Le péché originel
L’épreuve de la liberté
396 Dieu a créé
l’homme à son image et l’a constitué dans son amitié. Créature spirituelle,
l’homme ne peut vivre cette amitié que sur le mode de la libre soumission à
Dieu. C’est ce qu’exprime la défense faite à l’homme de manger de l’arbre de la
connaissance du bien et du mal, " car du jour où tu en mangeras, tu
mourras " (Gn 2, 17). " L’arbre de la connaissance du bien
et du mal " (Gn 2, 17) évoque symboliquement la limite
infranchissable que l’homme, en tant que créature, doit librement reconnaître
et respecter avec confiance. L’homme dépend du Créateur, il est soumis aux lois
de la création et aux normes morales qui règlent l’usage de la liberté.
Le premier péché de
l’homme
397 L’homme, tenté
par le diable, a laissé mourir dans son cœur la confiance envers son créateur
(cf. Gn 3, 1-11) et, en abusant de sa liberté, a désobéi au
commandement de Dieu. C’est en cela qu’a consisté le premier péché de l’homme
(cf. Rm 5, 19). Tout péché, par la suite, sera une désobéissance à Dieu et un
manque de confiance en sa bonté.
398 Dans ce péché,
l’homme s’est préféré lui-même à Dieu, et par là même, il a méprisé
Dieu : il a fait choix de soi-même contre Dieu, contre les exigences de
son état de créature et dès lors contre son propre bien. Constitué dans un état
de sainteté, l’homme était destiné à être pleinement " divinisé "
par Dieu dans la gloire. Par la séduction du diable, il a voulu
" être comme Dieu " (cf. Gn 3, 5), mais " sans
Dieu, et avant Dieu, et non pas selon Dieu " (S. Maxime le
Confesseur, ambig. : PG 91, 1156C).
399 L’Écriture
montre les conséquences dramatiques de cette première désobéissance. Adam et
Eve perdent immédiatement la grâce de la sainteté originelle (cf. Rm 3, 23).
Ils ont peur de ce Dieu (cf. Gn 3, 9-10) dont ils ont conçu une fausse image,
celle d’un Dieu jaloux de ses prérogatives (cf. Gn 3, 5).
400 L’harmonie dans
laquelle ils étaient, établie grâce à la justice originelle, est
détruite ; la maîtrise des facultés spirituelles de l’âme sur le corps est
brisée (cf. Gn 3, 7) ; l’union de l’homme et de la femme est soumise à des
tensions (cf. Gn 3, 11-13) ; leurs rapports seront marqués par la
convoitise et la domination (cf. Gn 3, 16). L’harmonie avec la création est
rompue : la création visible est devenue pour l’homme étrangère et hostile
(cf. Gn 3, 17. 19). A cause de l’homme, la création est soumise " à
la servitude de la corruption " (Rm 8, 20). Enfin, la conséquence
explicitement annoncée pour le cas de la désobéissance (cf. Gn 2, 17) se
réalisera : l’homme " retournera à la poussière de laquelle il
est formé " (Gn 3, 19). La mort fait son entrée dans l’histoire
de l’humanité (cf. Rm 5, 12).
401 Depuis ce
premier péché, une véritable " invasion " du péché inonde
le monde : le fratricide commis par Caïn sur Abel (cf. Gn 4, 3-15) ;
la corruption universelle à la suite du péché (cf. Gn 6, 5. 12 ; Rm 1,
18-32) ; de même, dans l’histoire d’Israël, le péché se manifeste
fréquemment, surtout comme une infidélité au Dieu de l’alliance et comme
transgression de la Loi de Moïse ; après la Rédemption du Christ aussi,
parmi les chrétiens, le péché se manifeste de nombreuses manières (cf. 1 Co
1-6 ; Ap 2-3). L’Écriture et la Tradition de l’Église ne cessent de
rappeler la présence et l’universalité du péché dans l’histoire de
l’homme :
Ce que la révélation
divine nous découvre, notre propre expérience le confirme. Car l’homme, s’il
regarde au-dedans de son cœur, se découvre également enclin au mal, submergé de
multiples maux qui ne peuvent provenir de son Créateur, qui est bon. Refusant
souvent de reconnaître Dieu comme son principe, l’homme a, par le fait même,
brisé l’ordre qui l’orientait à sa fin dernière, et, en même temps, il a rompu
toute harmonie, soit par rapport à lui-même, soit par rapport aux autres hommes
et à toute la création (GS 13, § 1).
Conséquences du péché
d’Adam pour l’humanité
402 Tous les hommes
sont impliqués dans le péché d’Adam. S. Paul l’affirme : " Par
la désobéissance d’un seul homme, la multitude (c’est-à-dire tous les hommes) a
été constituée pécheresse " (Rm 5, 19) : " De même que
par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, et
qu’ainsi la mort est passée en tous les hommes, du fait que tous ont
péché... " (Rm 5, 12). A l’universalité du péché et de la mort
l’apôtre oppose l’universalité du salut dans le Christ : " Comme
la faute d’un seul a entraîné sur tous les hommes une condamnation, de même
l’œuvre de justice d’un seul (celle du Christ) procure à tous une justification
qui donne la vie " (Rm 5, 18).
403 A la suite de S.
Paul l’Église a toujours enseigné que l’immense misère qui opprime les hommes
et leur inclination au mal et à la mort ne sont pas compréhensibles sans leur
lien avec le péché d’Adam et le fait qu’il nous a transmis un péché dont nous
naissons tous affectés et qui est " mort de l’âme " (cf.
Cc. Trente : DS 1512). En raison de cette certitude de foi, l’Église donne
le Baptême pour la rémission des péchés même aux petits enfants qui n’ont pas
commis de péché personnel (cf. Cc. Trente : DS 1514).
404 Comment le péché
d’Adam est-il devenu le péché de tous ses descendants ? Tout le genre
humain est en Adam " comme l’unique corps d’un homme
unique " (S. Thomas d’A., mal. 4, 1) Par cette " unité du
genre humain " tous les hommes sont impliqués dans le péché d’Adam,
comme tous sont impliqués dans la justice du Christ. Cependant, la transmission
du péché originel est un mystère que nous ne pouvons pas comprendre pleinement.
Mais nous savons par la Révélation qu’Adam avait reçu la sainteté et la justice
originelles non pas pour lui seul, mais pour toute la nature humaine : en
cédant au tentateur, Adam et Eve commettent un péché personnel, mais
ce péché affecte la nature humaine qu’ils vont transmettre dans
un état déchu (cf. Cc. Trente : DS 1511-1512). C’est un péché qui
sera transmis par propagation à toute l’humanité, c’est-à-dire par la
transmission d’une nature humaine privée de la sainteté et de la justice
originelles. Et c’est pourquoi le péché originel est appelé
" péché " de façon analogique : c’est un péché
" contracté " et non pas " commis ", un
état et non pas un acte.
405 Quoique propre à
chacun (cf. Cc. Trente : DS 1513), le péché originel n’a, en aucun
descendant d’Adam, un caractère de faute personnelle. C’est la privation de la
sainteté et de la justice originelles, mais la nature humaine n’est pas
totalement corrompue : elle est blessée dans ses propres forces
naturelles, soumise à l’ignorance, à la souffrance et à l’empire de la mort, et
inclinée au péché (cette inclination au mal est appelée
" concupiscence "). Le Baptême, en donnant la vie de la
grâce du Christ, efface le péché originel et retourne l’homme vers Dieu, mais
les conséquences pour la nature, affaiblie et inclinée au mal, persistent dans
l’homme et l’appellent au combat spirituel.
406 La doctrine de
l’Église sur la transmission du péché originel s’est précisée surtout au
cinquième siècle, en particulier sous l’impulsion de la réflexion de S.
Augustin contre le pélagianisme, et au seizième siècle, en opposition à la
Réforme protestante. Pélage tenait que l’homme pouvait, par la force naturelle
de sa volonté libre, sans l’aide nécessaire de la grâce de Dieu, mener une vie
moralement bonne ; il réduisait ainsi l’influence de la faute d’Adam à
celle d’un mauvais exemple. Les premiers réformateurs protestants, au
contraire, enseignaient que l’homme était radicalement perverti et sa liberté
annulée par le péché des origines ; ils identifiaient le péché hérité par
chaque homme avec la tendance au mal (concupiscentia), qui serait
insurmontable. L’Église s’est spécialement prononcée sur le sens du donné
révélé concernant le péché originel au deuxième Concile d’Orange en 529 (cf. DS
371-372) et au Concile de Trente en 1546 (cf. DS 1510-1516).
Un dur combat...
407 La doctrine sur
le péché originel – liée à celle de la Rédemption par le Christ – donne un
regard de discernement lucide sur la situation de l’homme et de son agir dans
le monde. Par le péché des premiers parents, le diable a acquis une certaine
domination sur l’homme, bien que ce dernier demeure libre. Le péché originel
entraîne " la servitude sous le pouvoir de celui qui possédait
l’empire de la mort, c’est-à-dire du diable " (Cc. Trente : DS
1511 ; cf. He 2, 14). Ignorer que l’homme a une nature blessée, inclinée
au mal, donne lieu à de graves erreurs dans le domaine de l’éducation, de la
politique, de l’action sociale (cf. CA 25) et des mœurs.
408 Les conséquences
du péché originel et de tous les péchés personnels des hommes confèrent au
monde dans son ensemble une condition pécheresse, qui peut être désignée par
l’expression de Saint Jean : " le péché du monde " (Jn
1, 29). Par cette expression on signifie aussi l’influence négative qu’exercent
sur les personnes les situations communautaires et les structures sociales qui
sont le fruit des péchés des hommes (cf. RP 16).
409 Cette situation
dramatique du monde qui " tout entier gît au pouvoir du
mauvais " (1 Jn 5, 19 ; cf. 1 P 5, 8) fait de la vie de l’homme
un combat :
Un dur combat contre les
puissances des ténèbres passe à travers toute l’histoire des hommes ;
commencé dès les origines, il durera, le Seigneur nous l’a dit, jusqu’au
dernier jour. Engagé dans cette bataille, l’homme doit sans cesse combattre
pour s’attacher au bien ; et non sans grands efforts, avec la grâce de
Dieu, il parvient à réaliser son unité intérieure (GS 37, § 2).
IV. " Tu ne
l’as pas abandonné au pouvoir de la mort "
410 Après sa chute,
l’homme n’a pas été abandonné par Dieu. Au contraire, Dieu l’appelle (cf. Gn 3,
9) et lui annonce de façon mystérieuse la victoire sur le mal et le relèvement
de sa chute (cf. Gn 3, 15). Ce passage de la Genèse a été appelé
" Protévangile ", étant la première annonce du Messie
rédempteur, celle d’un combat entre le serpent et la Femme et de la victoire
finale d’un descendant de celle-ci.
411 La tradition
chrétienne voit dans ce passage une annonce du " nouvel
Adam " (cf. 1 Co 15, 21-22. 45) qui, par son " obéissance
jusqu’à la mort de la Croix " (Ph 2, 8) répare en surabondance la
désobéissance d’Adam (cf. Rm 5, 19-20). Par ailleurs, de nombreux Pères et
docteurs de l’Église voient dans la femme annoncée dans le
" protévangile " la mère du Christ, Marie, comme
" nouvelle Eve ". Elle a été celle qui, la première et
d’une manière unique, a bénéficié de la victoire sur le péché remportée par le
Christ : elle a été préservée de toute souillure du péché originel (cf.
Pie IX : DS 2803) et durant toute sa vie terrestre, par une grâce spéciale
de Dieu, elle n’a commis aucune sorte de péché (cf. Cc. Trente : DS 1573).
412 Mais pourquoi
Dieu n’a-t-il pas empêché le premier homme de pécher ? S. Léon le
Grand répond : " La grâce ineffable du Christ nous a donné des
biens meilleurs que ceux que l’envie du démon nous avait ôtés "
(serm. 73, 4 : PL 54, 396). Et S. Thomas d’Aquin : " Rien
ne s’oppose à ce que la nature humaine ait été destinée à une fin plus haute
après le péché. Dieu permet, en effet, que les maux se fassent pour en tirer un
plus grand bien. D’où le mot de S. Paul : ‘Là où le péché a abondé, la
grâce a surabondé’ (Rm 5, 20). Et le chant de l’‘Exultet’ : ‘O heureuse
faute qui a mérité un tel et un si grand Rédempteur’ " (S. Thomas
d’A., s. th. 3, 1, 3, ad 3 ; l’Exsultet chante ces paroles de saint
Thomas).
EN BREF
413 " Dieu
n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de la perte des vivants (...). C’est
par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde " (Sg 1,
13 ; 2, 24).
414 Satan ou le
diable et les autres démons sont des anges déchus pour avoir librement refusé
de servir Dieu et son dessein. Leur choix contre Dieu est définitif. Ils tentent
d’associer l’homme à leur révolte contre Dieu.
415 " Établi
par Dieu dans un état de sainteté, l’homme séduit par le Malin, dès le début de
l’histoire, a abusé de sa liberté, en se dressant contre Dieu et en désirant
parvenir à sa fin hors de Dieu " (GS 13, § 1).
416 Par son péché,
Adam, en tant que premier homme, a perdu la sainteté et la justice originelles
qu’il avait reçues de Dieu non seulement pour lui, mais pour tous les humains.
417 A leur
descendance, Adam et Eve ont transmis la nature humaine blessée par leur
premier péché, donc privée de la sainteté et la justice originelles. Cette
privation est appelée " péché originel ".
418 En conséquence
du péché originel, la nature humaine est affaiblie dans ses forces, soumise à
l’ignorance, à la souffrance et à la domination de la mort, et inclinée au
péché (inclination appelée " concupiscence ").
419 " Nous
tenons donc, avec le Concile de Trente, que le péché originel est transmis avec
la nature humaine, ‘non par imitation, mais par propagation’, et qu’il est
ainsi ‘propre à chacun’ " (SPF 16).
420 La victoire sur
le péché remportée par le Christ nous a donné des biens meilleurs que ceux que
le péché nous avait ôtés : " La où le péché a abondé, la grâce a
surabondé " (Rm 5, 20).
421 " Pour
la foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure conservé par l’amour du
créateur ; il est tombé, certes, sous l’esclavage du péché, mais le
Christ, par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l’a
libéré... " (GS 2, § 2).
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