Le titre
de la Didache sur le manuscrit découvert en 1873
DOCTRINE
DU SEIGNEUR TRANSMISE AUX NATIONS PAR LES DOUZE APÔTRES :
LA
DIDACHÉ
Les deux Voies
I,
1. Il y a deux voies, l'une de la vie, l'autre
de la mort; mais la différence est grande entre ces deux voies.
2. Or la voie de la vie est la suivante :
"D'abord, tu aimeras Dieu qui t'a fait; en second lieu, ton prochain comme
toi-même" (Mt 22,37-39; cf. Dt. 6,5), et tout ce que tu ne voudrais pas
qu'il t'advienne, toi non plus, ne le fais pas à autrui" (cf. Mt 7,12; Tb
4,15).
3. La doctrine exprimée par ces mots est la
suivante : "Bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour vos ennemis
et jeûnez" pour ceux qui vous persécutent; car si vous aimez ceux qui
vous aiment, quel gré vous en saura-t-on ? Même les païens n'en font-ils pas
autant ? Mais vous, aimez ceux qui vous haïssent", et vous n'aurez pas
d'ennemi (cf. Mt 5,44-47; Lc 6,7s,32).
4. "Abstiens-toi des désirs charnels" (1
Pi 2,11) et corporels. "Si qu qu'un te donne un soufflet sur la joue
droite, tends-lui aussi l'autre (Mt 5,39; Lc 6,29) et tu seras parfait (cf. Mt
5,48). "Si quelqu'un te requiert pour une course d'un mille, fais-en deux
avec lui (Mt 5,41) et si quelqu'un t'enlève ton manteau, donne-lui même ta
tunique (cf. Mt 5,40); si quelqu'un t'a pris ton bien, ne le réclame pas "
car tu ne le peux pas.
5. "A quiconque te demande, donne et ne
redemande rien" (Mt 5,42; Lc 6,30), le Père veut qu'il soit fait part à
tous de ses propres largesses. Bienheureux celui qui donne selon le
commandement, car il est irréprochable. Mais malheur à celui qui reçoit; certes
si quelqu'un se trouve dans le besoin et reçoit, il est irréprochable; mais
celui qui n'est pas dans le besoin devra rendre compte du motif et du but pour
lesquels il a pris; il sera mis en prison, interrogé sur sa conduite, et
" il ne sortira pas de là, qu'il n'ait payé le dernier sou" (Mt
5,26).
6. Mais il a encore été dit à ce sujet : "Que
ton aumône se mouille de la sueur de tes mains, jusqu'à ce que tu saches à qui
tu donnes."
II,
1. Deuxième précepte de la doctrine :
2. "Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas
d'adultère" (Ex 20,13-14; Dt 5,1 7-18; cf. Mt 19,18), tu ne séduiras pas
de jeunes garçons, tu ne commettras pas de fornication, " tu ne
voleras pas" (Ex 20,15; Dt 5,19; cf. Mt 19,8), tu ne t'adonneras pas à la
magie, tu ne feras pas mourir par le poison, tu ne tueras point d'enfants, par
avortement ou après la naissance, "Tu ne convoiteras pas les biens de ton
prochain" (cf. Ex 20, 7).
3. "Tu ne te parjureras pas" (Mt 5,33),
tu ne porteras pas de faux témoignages" (Mt 19,18; Ex 20,16), tu ne
tiendras pas de propos médisants, tu ne garderas pas de rancune,
4. tu n'auras pas deux manières de penser ni de
parler, car la duplicité du langage est "un piège de la mort" (cf. Ps
21,6).
5. Ta parole ne sera pas menteuse, ni vaine, mais
remplie d'effet.
6. Tu ne seras pas avide, ni rapace, ni hypocrite,
ni méchant, ni orgueilleux; tu ne formeras pas te mauvais dessein contre ton
prochain.
7. Tu ne haïras personne, mais tu corrigeras les
uns, tu prieras pour certains, et les autres, tu les aimeras plus que ta propre
vie.
III,
1. Mon enfant, fuis tout ce qui est mal et
tout ce qui lui est semblable.
2. Ne sois pas irascible, car la colère mène au
meurtre; ne sois ni jaloux ni querelleur ni violent, car de tout cela viennent
les meurtres.
3. Mon enfant, ne sois pas convoiteux, car la
convoitise mène à la fornication; garde-toi des propos obscènes et des regards
effrontés, car tout cela engendre les adultères.
4. Mon enfant, n'observe pas le vol des oiseaux,
car cela mène à l'idolâtrie; garde-toi des incantations, des calculs
astrologiques, des purifications magiques; refuse même de les voir et de les
entendre, car tout cela engendre l'idolâtrie.
5. Mon enfant, ne sois pas menteur, car le
mensonge mène au vol; ni avide d'argent ou de vaine gloire, car tout cela
engendre les vols.
6. Mon enfant, ne sois pas enclin aux murmures,
car ils mènent au blasphème; ne sois ni arrogant, ni malveillant; car tout cela
engendre les blasphèmes.
7. Mais sois doux, car "les doux recevront la
terre en héritage " (Mt 5,5).
8. Sois patient, miséricordieux, sans malice,
paisible, bon et "tremblant aux paroles que tu as entendues" (Is
66,2).
9. Tu ne t'élèveras pas toi-même, tu ne livreras
pas ton âme à l'impudence; ton âme ne s'attachera pas aux orgueilleux, mais tu
fréquenteras les justes et les humbles.
10. Tu accueilleras les contrariétés qui
t'adviennent comme autant de biens, sachant que rien n'arrive sans Dieu.
IV,
1. Mon enfant, souviens-toi, jour et nuit, te
celui qui te fait entendre la parole de Dieu, et tu le vénéreras comme le
Seigneur; car là où sa souveraineté est annoncée, là le Seigneur est présent.
2. Tu rechercheras chaque jour les entretiens des
saints, afin de te réconforter de leurs paroles.
3. Tu ne feras pas de dissensions, mais tu mettras
la paix entre ceux qui se disputent. "Tu jugeras avec justice" (Dt 1,
16 s; Pr. 31,9), tu ne feras pas acception de la personne en reprenant les
fautes.
4. Tu ne te demanderas pas en doutant si une chose
arrivera ou non. [Version géorgienne: tu ne douteras pas que Dieu jugera tous
les hommes selon leurs oeuvres.]
5. N'aie pas les mains tendues quant il s'agit de
recevoir, mais fermées quand il faut donner.
6. Si tu possèdes quelque chose grâce au travail
de tes mains, donne pour racheter tes péchés.
7. Tu n'hésiteras pas pour donner, mais donne sans
murmure. Tu reconnaîtras en effet (un jour) qui sait récompenser dignement.
8. Ne te détourne pas de l'indigent, mets au
contraire tout en commun avec ton frère et ne dis pas que tu possèdes des biens
en propre, car si vous entrez en partage pour les biens immortels combien plus
devez-vous y entrer pour les biens périssables ?
9. Tu ne retireras pas la main de dessus ton fils
ou ta fille, mais dès leur enfance tu leur apprendras la crainte de Dieu.
10. Tu ne commanderas pas avec aigreur à ton
esclave ou à ta servante qui mettent leur espérance dans le même Dieu que toi,
de peur qu'ils ne perdent la crainte de Dieu qui est au-dessus des uns et des
autres; car il n'appelle pas en faisant acception des personnes, mais il vient
à ceux que l'Esprit a préparés.
11. Pour vous, esclaves, vous serez soumis à vos
maîtres comme à une image de Dieu, avec respect et crainte (Ep 6,5).
12. Aie en haine toute hypocrisie et tout ce qui
déplaît au Seigneur.
13. Ne mets point de côté "les commandements
du Seigneur, mais tu garderas" ceux que tu as reçus, "sans y ajouter
ni en retrancher" (cf. Dt 4,2; 13,1).
14. Dans l'assemblée, tu confesseras tes
manquements, et tu n'iras pas à ta prière avec une conscience mauvaise. Telle
est la voie de la vie.
V,
1. Mais la voie de la mort est celle-ci : avant
tout elle est mauvaise et pleine de malédiction : "Meurtres, adultères,
convoitises, débauches, vols, idolâtrie, pratiques magiques, empoisonnements,
rapines, faux témoignages " (Mt 15,19; Ga 5,20), hypocrisie,
duplicité du coeur, "fourberie, orgueil, méchanceté", arrogance,
cupidité , propos obscènes, jalousie, insolence, faste,
fanfaronnade , «absence de crainte" (cf. Rm 1,29 s; Col. 3,8).
2. Persécuteurs des hommes de bien, ennemis de la
vérité, amis du mensonge, ignorants de la récompense de la justice, qui ne sont
pas " attachés au bien (cf. Rm. 12,9), ni au juste jugement, en éveil
non pour le bien mais pour le mal, loin de qui se tiennent la douceur et la patience,
"qui aiment ce qui n'est rien" (Ps. 4,3), "sont avides de
profit" (Is 1,23), qui sont sans pitié pour le pauvre et ne se mettent pas
en peine de l'affligé, ne reconnaissent pas leur propre créateur,
"assassins des enfants" (Sg. 12,5), meurtriers par avortement de la
créature de Dieu, qui se détournent de l'indigent, accablent l'opprimé, avocats
des riches, juges iniques des pauvres, pécheurs de part en part !
Puissiez-vous, mes enfants, être préservés te tous ces gens-là !
VI,
1. Veille à ce que nul ne
t'écarte de cette voie de la Doctrine; car celui-là t'enseigne autrement
que Dieu ne le veut.
2. Si donc tu peux porter tout entier le joug du
Seigneur, tu seras parfait. Mais si tu ne le peux pas, tu moins, ce que tu
peux, fais-le.
Prescriptions rituelles et
liturgiques
3. Pour ce qui est de la nourriture, prends sur
toi ce que tu pourras. Mais abstiens-toi complètement de la viande immolée aux
idoles; car c'est un culte rendu à des dieux morts (cf. Ac 15,29; 1 Co 10,
5-28).
VII,
1. Pour ce qui est du baptême, donnez-le de
la façon suivante: après avoir enseigné tout ce qui précède, "baptisez au
nom du Père et du Fils et du saint Esprit" (Mt 28,19) dans de l'eau vive.
2. S'il n'y a pas d'eau vive, qu'on baptise dans
une autre eau et à défaut d'eau froide, dans de l'eau chaude.
3. Si tu n'as ni de l'une ni de l'autre, verse de
l'eau sur la tête trois fois "au nom du Père et du Fils et du saint
Esprit".
4. Qu'avant le baptême jeûnent le baptisant, le
baptisé et d'autres personnes qui le pourraient; du moins ordonne au baptisé de
jeûner un jour ou deux auparavant.
VIII,
1. Que vos jeûnes n'aient pas lieu en même
temps que ceux des hypocrites.
Ils jeûnent en effet le lundi et le jeudi; pour
vous, jeûnez le mercredi et le vendredi.
2. "Ne priez pas non plus comme les
hypocrites" (Mt 6,5); mais comme le Seigneur l'a ordonné dans son
évangile, priez ainsi :
" Notre Père, qui es dans le ciel, Que
ton nom soit sanctifié,
Que ton royaume arrive,
Que ta volonté soit faite, sur la terre comme au
ciel.
Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien,
Remets-nous notre dette
Comme nous-mêmes aussi remettons à nos débiteurs.
Et ne nous soumets pas à la tentation
Mais délivre-nous du Malin,
Car à toi appartiennent la puissance, et la
gloire, pour les siècles ! "(Mt 6, 9-13).
3. Priez ainsi trois fois par jour.
IX,
1. Pour ce qui est de l'eucharistie, rendez
grâces ainsi :
2. D'abord sur le calice : nous te rendons grâces,
notre Père, pour la sainte vigne de David ton serviteur,que tu nous as fait
connaître par Jésus ton serviteur. - Atoi la gloire pour les siècles.
3. Puis, sur le pain rompu : Nous te rendons
grâce, notre Père pour la vie et la connaissance que tu nous as fait connaître
par Jésus ton serviteur. - A toi la gloire pour les siècles.
4. Comme ce pain rompu, d'abord dispersé sur les
montagnes, a été recueilli pour devenir un.Qu'ainsi ton Église soit rassemblée
des extrémités de la terre dans ton royaume, car à toi appartiennent la gloire
et la puissance par Jésus-Christ pour les siècles.
5. Que personne ne mange ni ne boive de votre
eucharistie, si ce n'est les baptisés au nom du Seigneur; car c'est à ce sujet
que le Seigneur a dit : "Ne donnez pas ce qui est saint aux chiens"
(Mt 7,6).
X,
1. Après vous être rassasiés, rendez grâces
ainsi :
2. Nous te rendons grâces, Père saint, pour ton
saint Nom que tu as fait habiter dans nos coeurs et pour la connaissance, la
foi et l'immortalité que tu nous as fait connaître par Jésus ton serviteur. - A
toi la gloire pour les siècles.
3. C'est toi, maître tout-puissant, "Qui as
créé l'univers" (Sg 1,14; Sg 18,1) pour la gloire de ton Nom et qui as
donné aux hommes la nourriture et le breuvage en jouissance, pour qu'ils te
rendent grâces; mais nous, tu nous as gratifiés d'une nourriture et d'un
breuvage spirituels et de la vie éternelle, par Jésus ton serviteur.
4. Par-dessus tout, nous te rendons grâces, car tu
es puissant. - A Toi la gloire pour les siècles.
5. Souviens-toi, Seigneur, de ton Église, pour la
préserver de tout mal et la rendre parfaite tans ton amour. Et
"rassemble-la des quatre vents" (Mt 24,31), cette Église que tu as
sanctifiée, dans ton royaume que tu lui as préparé, car à Toi appartiennent la
puissance et la gloire pour les siècles.
6. Vienne la grâce et que passe ce monde !
"Hosanna au Dieu de David" (Mt 21,9,15). - Si quelqu'un est saint,
qu'il vienne ! Si quelqu'un ne l'est pas, qu'il fasse pénitence ! - "Maran
Atha", amen (1 Co 16,22; cf. Ap. 22,20).
7. Laissez les prophètes rendre grâces autant
qu'ils le veulent.
Prescriptions disciplinaires
X1,
1. Si donc quelqu'un vient à vous et vous
enseigne tout ce qui vient d'être dit, recevez-le.
2. Mais si le docteur lui-même s'est perverti et
enseigne une autre doctrine en vue de détruire, ne l'écoutez pas;
enseigne-t-il, par contre, pour accroître la justice et la connaissance du
Seigneur, recevez-le comme le Seigneur.
3. Pour ce qui est des apôtres et prophètes,
agissez selon le précepte de l'Évangile, de la façon suivante :
4.Que tout apôtre venant chez vous soit reçu comme
le Seigneur.
5. Mais il ne restera qu'un seul jour, ou, en cas
de besoin, un deuxième; s'il reste trois jours, c'est un faux prophète.
6. Qu'à son départ l'apôtre ne reçoive rien, sinon
assez de pain pour gagner un gîte. Mais s'il demande de l'argent, c'est un faux
prophète.
7. En outre, vous n'éprouverez ni ne mettrez en
doute aucun prophète parlant en esprit, car "tout péché sera remis, mais
ce péché-là ne sera pas remis" (Mt 12,31).
8. Toutefois quiconque parle en esprit n'est pas
prophète, mais seulement s'il a les façons de vivre du Seigneur. C'est donc
d'après leur façon de vivre que l'on discernera le vrai prophète du faux.
9. Ainsi, tout prophète qui ordonne, sous
l'inspiration, de dresser une table, n'en mange pas, à moins certes qu'il ne
soit un faux prophète.
10. Tout prophète qui enseigne la vérité, sans
mettre en pratique ce qu'il enseigne, est un faux prophète.
11. Et tout prophète éprouvé, véridique, qui, pour
symboliser le mystère terrestre de l'Église, se comporte de façon insolite mais
sans enseigner les autres à faire ce que lui-même fait, ne doit pas être jugé
par vous; car c'est Dieu qui le jugera. D'ailleurs les anciens prophètes se
comportèrent de même.
12. Mais quiconque aura dit sous l'inspiration :
Donne-moi de l'argent, ou quelques autres choses, vous ne l'écouterez pas. Mais
s'il aura dit de donner en faveur d'autres indigents, que personne ne le juge.
XII,
1. Quiconque "vient à vous au nom
du Seigneur doit être reçu; mais ensuite, après l'avoir éprouvé, vous saurez
discerner la droite de la gauche : vous avez votre jugement.
2. Si celui qui vient à vous n'est que de passage,
aidez-le de votre mieux. Mais qu'il ne reste chez vous que deux ou trois jours,
si c'est nécessaire.
3. S'il veut s'établir chez vous et qu'il soit
artisan, qu'il travaille et qu'il se nourrisse.
4. Mais s'il n'a pas de métier, que votre prudence
y pourvoie, en sorte qu'un chrétien ne soit pas trouvé oisif chez vous. 5. S'il
ne veut pas agir ainsi, c'est un trafiquant du Christ; gardez-vous des gens de
cette sorte.
XIII,
1. Tout prophète authentique qui veut
s'établir chez vous "mérite sa nourriture" (Mt 10,10; cf. 1 Co 9,
-14, 1 Tim 5,18).
2. De même le docteur authentique mérite lui
aussi sa nourriture comme l'ouvrier. 3
3. Tu prélèveras donc les prémices de tous les
produits du pressoir et de l'aire, des boeufs et des brebis et tu les donneras
aux prophètes, car ils sont vos grands prêtres.
4. Et si vous n'avez pas de prophètes, donnez-les
aux pauvres.
5. Si tu fais du pain, prélèves-en les prémices et
donne-les selon le précepte.
6. De même, si tu ouvres une amphore de vin ou
d'huile, prélève les prémices et donne-les aux prophètes.
7. De l'argent, des vêtements et de tout autre
bien, prélève les prémices selon ton appréciation, et donne-les selon le
précepte.
XIV,
1. Réunissez-vous le jour dominical du
Seigneur, rompez le pain et rendez grâces après avoir, d'abord, confessé vos
péchés, afin que votre sacrifice soit pur.
2. Mais celui qui a un différend avec son
compagnon ne doit pas se joindre à vous, jusqu'à ce qu'ils se soient
réconciliés, pour ne pas profaner votre sacrifice.
3. Car telle est la parole du Seigneur :
"Qu'en tout lieu et en tout temps, on m'offre un sacrifice pur, car je
suis un grand roi, dit le Seigneur, et mon Nom est redoutable parmi les
nations" (Mt 1,11,14).
XV,
1. Ainsi donc, élisez-vous des évêques et des
diacres dignes du Seigneur, des hommes doux et désintéressés, véridiques et
éprouvés; car eux aussi exercent pour vous le ministère des prophètes et
docteurs.
2. Ne les méprisez donc pas, car avec les
prophètes et docteurs ils sont ceux d'entre vous qui sont à l'honneur.
3. Reprenez-vous les uns les autres, non avec
colère, mais pacifiquement, comme vous le tenez de l'Évangile (cf. Mt. 5,22-26;
18,15-35), et si quelqu'un offense son prochain, que personne ne lui parle,
qu'il n'entende pas un mot de vous, jusqu'à ce qu'il ait fait pénitence.
4. Pour vos prières, vos aumônes et toutes vos
actions, faites-les comme vous le trouvez marqué dans l'Évangile de notre
Seigneur.
XVI,
1. Veillez sur votre vie; ne laissez pas
s'éteindre vos lampes, ne laissez pas se détendre la ceinture de vos reins,
mais " soyez prêts, car vous ne savez pas l'heure à laquelle viendra
notre Seigneur" (Mt 24,42-44; 25,13; Lc 12,35).
2. Assemblez-vous fréquemment pour rechercher ce
qui intéresse vos âmes, car tout le temps de votre foi ne vous servira de rien
si vous n'êtes pas devenus parfaits au dernier moment.
3. Aux derniers jours, les faux prophètes et les
corrupteurs se multiplieront, les brebis se changeront en loups, et l'amour se
changera en haine.
4. Car, à la suite du progrès de l'iniquité, les
hommes se haïront les uns les autres, ils se poursuivront, ils se trahiront et
alors paraîtra le séducteur du monde, se donnant pour le fils de Dieu, et il
fera "des signes et des prodiges" (Mt 24,24; cf. 2 Th 2,9; Ap 13,2,
13 s; 19,20), et la terre sera livrée entre ses mains et il fera des iniquités
telles qu'il n'y en eut jamais depuis le commencement des siècles.
5. Alors la créature humaine entrera dans le feu
de l'épreuve, et "beaucoup succomberont et périront" (Mt 24,10), mais
"ceux qui auront tenu bon" dans leur foi seront sauvés par
celui-là même qui aura été un objet de malédiction [Version géorgienne :
seront sauvés du maudit lui-même] (Mt 10,22;24,13).
6. "Et alors paraîtront les signes" de
la vérité (Mt 24, 0). D'abord le signe des cieux ouverts, ensuite le signe du
son de la trompette, et le troisième signe, la résurrection des morts (Mt
24,31;1 Co 15,52; 1 Th 4,16)
7. non de tous, il est vrai, mais comme il a été
dit : "Le Seigneur viendra et tous ses saints avec lui" (Za 14,5).
8. Alors le monde verra le
Seigneur venant sur les nuées du ciel.
Vous trouverez ici le chapitre sur la Didachè publié
dans le manuel de patrologie de Soeur Gabriel Peters. Les Pères apostoliques
sont ceux qui sont réputés avoir connu les apôtres.
Réunissez-vous le jour du Seigneur, rompez le pain
et rendez grâces après avoir d’abord confessé vos péchés, afin que votre
sacrifice soit pur.
(14,1)
I. La découverte de la Didachè
En 1873, au couvent du Saint Sépulcre de Constantinople, le métropolite [1]
de Nicomédie, Philotée Bryennios, feuilletait un manuscrit daté de 1056. À la
suite d’écrits de s. Jean Chrysostome et des deux lettres dites de s.
Clément [2],
il y trouva un écrit intitulé :
Διδαχὴ τῶν δώδεκα ἀποστόλων
ce que l’on traduisit : La Doctrine des Douze Apôtres. Un second titre,
plus long, semblait expliciter le premier :
Doctrine du Seigneur enseignée aux nations par les douze Apôtres.
Le couvent de Constantinople dépendant du patriarcat grec orthodoxe de
Jérusalem, le manuscrit y fut transféré et prit par conséquent le nom de
Hierosolymitanus désigné sous le sigle H. 54.
En 1883, parut l’édition princeps. La diffusion du
petit, ouvrage suscita, dans tous les milieux savants, un enthousiasme fiévreux
difficile à décrire. Il semblait que tous les problèmes (concernant le baptême,
l’Eucharistie, la prédication apostolique et la fixation du texte des
Évangiles, la hiérarchie de l’Église primitive, etc… ), allaient être remis en
question à la lumière de ce petit volume enfin sorti de l’obscurité. Notre époque
a connu un phénomène semblable à la suite de la découverte des manuscrits du
désert de Juda en 1947.
Le livret de la Didachè ne se présentait pas comme un inconnu : une liste
d’écrits chrétiens, dressée par Eusèbe de Césarée († 339) le mentionnait, le
mettant au rang des apocryphes, tout comme le Pasteur d’Hermas, l’Épître
attribuée à Barnabé et l’Apocalypse de Jean. [3]
Saint Athanase, écrivant en 367, nous apprend dans la Lettre festale 39 que la
Didachè est depuis longtemps utilisée en Égypte pour la formation des
catéchumènes.
De plus, à la lecture du texte, on crut reconnaître que de très nombreux
auteurs le citaient. Parmi ces auteurs, nommons seulement les plus
anciens : le pseudo-Barnabé et Hermas. La Didachè leur était donc
antérieure ? Mais si l’auteur de la Didachè avait au contraire copié
lui-même le pseudo-Barnabé, et Hermas ?
On le voit, les questions vont surgir : date, lieu d’origine, portée de
l’écrit… Le texte seul apportera les réponses. Prenons-en rapidement
connaissance.
II. Aperçu sur le contenu de la Didachè
Vient d’abord le double titre.
Ensuite, on a pu diviser le texte en seize chapitres.
1. Le « Duae Viae » (6 chapitres)
Voici la toute première phrase :
Il y a deux chemins, un de la vie et un de la mort.
L’écart est grand entre ces deux chemins.
Les six premiers chapitres développent cette
introduction. On les appelle communément le Duae Viae : les deux voies.
Le développement consacré au « chemin de la vie » est long : 4
chapitres. Au contraire, celui qui parle du « chemin de la mort » est
très bref : le seul chapitre 5. Le chapitre 6 est la conclusion du Duae
Viae. En voici le début :
Veille à ce que nul ne te détourne de cette voie de
la Didachè, car celui-là te propose un enseignement étranger à Dieu.
Il est remarquable que les emprunts ou les prétendus
emprunts faits à la Didachè sont presque tous pris à ces chapitres : c’est
le cas des emprunts du pseudo-Barnabé et d’Hermas.
2. Instructions diverses (7-11, 2)
Instruction sur le rite du baptême :
« Baptisez ainsi » (ch.7)
Instructions sur les jeûnes hebdomadaires : il
est demandé de se différencier des Juifs (8, 1)
et sur la prière quotidienne le Pater qui est cité (8, 2-3)
Instruction sur l’Eucharistie : des prières
eucharistiques très belles, formules de bénédiction sont citées (9 et 10)
Mise en garde contre des instructions contraires
(11, 1-2).
Cette mise en garde semble bien être une finale, une conclusion :
Si quelqu’un donc se présente à vous avec des
instructions conformes à tout ce qui vient d’être dit, recevez-le, mais si
celui-là même qui enseigne est perverti et propose d’autres instructions dans
le but de démolir, ne lui prêtez pas attention ; enseigne-t-il au
contraire en vue d’accroître la justice et la connaissance du Seigneur,
recevez-le comme le Seigneur.
3. Nouvelles instructions
relatives surtout à l’organisation des
communautés :
Conduite à tenir à l’égard des apôtres (11, 3-6) et
des prophètes (11, 7-12)
Les devoirs de l’hospitalité (12, 1 - 13, 2)
L’offrande des prémices aux prophètes (13, 3-7)
La synaxe dominicale (14, 1-3)
Le choix des évêques et des diacres (15, 1-2)
La correction fraternelle (15,
La prière, l’aumône et les autres pratiques (15, 4)
4. Conclusion : « Veillez » (16, 1-8)
L’attente du retour du Seigneur.
III. Importance de la fixation de la date
Après 75 ans de critique, aucun consentement général
n’étant intervenu, il n’y a pas encore de solution définitive. La question
majeure qui retient l’attention de tous est celle de la fixation de la date de
l’écrit. L’énoncer, c’est dire son importance :
Ou bien l’ouvrage remonte à une date très ancienne
et, en ce cas, il est pour nous un écrit très précieux, un document historique
de premier ordre qui nous renseigne sur l’Église primitive,
ou bien - et cela dans l’hypothèse où le
pseudo-Barnabé et Hermas seraient copiés par l’auteur de la Didachè cet écrit
nous trompe et il n’est qu’une fiction littéraire archaïsante, une fiction
apostolique. Il n’est plus alors qu’un curieux objet d’étude.
D’où viendra la réponse ? Du texte seul. La
date de la Didachè ne peut être que la résultante d’indices majeurs convergents
dispersés dans le texte.
IV. Le bilan de 75 ans de critique
Les travaux de base qui ont orienté toutes les
recherches postérieures sont ceux de Bryennios et d’Harnack : or, tous
deux définissent clairement le genre littéraire de la Didachè en se basant sur
son titre et sur son titre long. Nous citons une formule d’Harnack qui traduit
parfaitement sa conception : après avoir dit que le deuxième titre est
naturellement le plus ancien, il ajoute : « Rédigé à l’intention des
convertis de la gentilité, l’écrit est véritablement, comme le déclare son
titre, un précis de l’enseignement reçu du Christ et donné à la communauté des
chrétiens sur tout ce qui regarde la vie chrétienne et ecclésiale, tel que,
dans la pensée de l’auteur, les douze apôtres l’ont eux-mêmes prêché et transmis » [4].
Restait à bien déterminer les rapports littéraires
entre la Didachè et l’Epître dite de Barnabé. « On doit dire, sans
hésiter, que c’est l’auteur de la Didachè qui a utilisé l’Epître de
Barnabé », conclut Harnack [5].
Tel ne fut pas l’avis de tous, loin de là. Et
Lightfoot a cette réflexion qui ne manque pas de sagesse : « Quand je
vois deux groupes de critiques maintenir chacun avec une égale assurance et
avec quelque apparence de raison, l’un que Barnabé emprunte à la Didachè,
l’autre que la Didachè dépend de Barnabé, une troisième solution me vient à
l’esprit qui me semble plus probable que l’une et l’autre. Ne se peut-il
qu’aucun des deux ne plagie l’autre, mais que tous deux tiennent ce qu’ils ont
de commun d’une troisième source ? » [6].
Lightfoot d’ailleurs conclut son étude de la Didachè
par une position assurée : « De toute évidence, l’ouvrage remonte à
une date très ancienne » [7].
Harnack et Lightfoot sont comme deux chefs de file
derrière lesquels se rangeront les savants, ajoutant à la thèse première le
poids de leurs recherches personnelles. Mais le dernier mot n’est pas dit
encore et, à l’époque actuelle, l’incertitude demeure et la défiance domine :
cette fiction archaïsante serait à dater, dit-on, de la fin du deuxième siècle
et non pas de la fin du premier, comme osent le proposer encore quelques
conservateurs attardés.
Une minutieuse et très importante étude du Père Audet [8]
parue en 1958, renouvelle entièrement le problème de la Didachè. Nous
présentons ici son point de vue, sans vouloir prendre position, nous efforçant
de faire la synthèse de ses conclusions.
V. Le renouvellement de la question par l’importante
étude d’Audet
1. La mise au point du genre littéraire exprimé par
le titre
Premier titre : La doctrine des douze Apôtres
L’écrit est bien peu doctrinal. Il suffit de relire le plan : pas trace de
kérygme, c’est-à-dire de prédication, d’enseignement, de proclamation de
l’avènement du règne de Dieu, d’annonce de la bonne nouvelle de
l’Évangile [9].
Ce qui ressort de tout l’écrit, c’est un souci d’organiser la communauté :
préceptes moraux qui dominent dans le Duae Viae, rites du baptême,
réglementation de l’Eucharistie, prières et jeûnes prescrits, élection des
presbytres et diacres, règles de l’hospitalité, etc…
Le contenu de la Didachè ne correspond donc
nullement à son titre.
Aussi bien faut-il remarquer que les deux
attestations les plus anciennes de notre écrit l’intitulent, l’un en latin,
l’autre en grec : Doctrinae Apostolorum, Διδαχαὶ τῶν ἀποστόλων (au pluriel
et non au singulier). Ce sont le pseudo-Cyprien [10]
qui écrit sans doute vers 300 et Eusèbe de Césarée [11] qui écrit vers 315-325. Vers l’an 600, une
liste de livres canoniques reprend le même titre qui, entre temps, a été cité
au singulier sous la forme de Didachè et traduit Doctrina. A mesure que l’écrit
sort de ses conditions de vie, on ne le comprend plus.
Le sens du pluriel est cependant bien différent de celui du singulier. Il
s’agit des « instructions » des apôtres. Et cette fois, le contenu
est d’accord avec le titre. Ce livre est bien un recueil d’instructions
diverses qui se lient les unes aux autres sans transitions habilement ménagées,
comme des pièces détachées. Si l’on veut bien comprendre le genre littéraire de
notre Didachè, il suffit de comparer l’écrit aux chapitres 7 à 14 de la
première épître aux Corinthiens : là aussi, nous trouvons une série
d’instructions, de mises au point de problèmes moraux ou liturgiques :
peut-on se marier ? Peut-on manger les viandes immolées aux idoles ?
Quelle doit être, à l’assemblée, la tenue des femmes ? Comment célébrer le
« Repas du Seigneur » ?
Deuxième remarque importante : il ne s’agit nullement des Douze, mais
simplement d’apôtres au sens beaucoup plus large du mot, tel qu’on le trouve
dans la première épître aux Corinthiens :
Il en est que Dieu a établis dans l’Église
premièrement comme apôtres, deuxièmement comme prophètes, troisièmement comme
docteurs… Tous sont-ils apôtres ?
1 Co 12, 28
Et sur ce point, le témoignage des sources est
unanime. Jusqu’au IXè s., toujours il s’agit de la Didachè
« d’apôtres ». Seuls, le manuscrit du XIè s. et une version
géorgienne découverte en 1932 (copie d’un manuscrit du XIXe s.) parlent des
« douze apôtres ».
Des apôtres, missionnaires itinérants, chargés du ministère des Églises, en prévoient
l’organisation : telle est la portée de la Didachè qui est un directoire.
Deuxième titre : Doctrine du Seigneur enseignée
aux nations par les douze Apôtres.
C’est le titre du manuscrit du XIè s., découvert par
Bryennios et publié en 1883. On n’en trouve pas d’autre témoin. Il doit
cependant avoir une origine et une explication. Audet y voit l’amplification
toute arbitraire d’un titre primitif - Doctrine du Seigneur aux nations qui
serait bel et bien un second titre : celui du seul Duae Viae dont nous
dirons plus loin qu’il est un écrit juif intégré à la Didachè. Ce titre le
caractérise en effet au mieux.
Didachè Kuriou : le Kurios (Seigneur), c’est
Dieu, le Dieu de l’Ancien Testament, et non pas Jésus. L’absence de l’article
(Kuriou et non pas tou Kuriou) est, sur ce point, révélateur. Due à une main
chrétienne, une telle omission serait un archaïsme caractérisé.
Remarquons encore que si les deux titres sont
primitifs :
titre de l’ensemble, suivi du
titre du Duae Viae,
il est de toute évidence que le premier titre ne peut être qu’au pluriel :
le Duae Viae est la première d’une série d’instructions. Aussi la clausule du
chapitre 11 parle d’instructions, au pluriel. Audet a corrigé le texte de
l’édition princeps sur ce point, se basant sur une ancienne version copte qui
date du Vè s. :
Si quelqu’un se présente à vous avec des
instructions conformes à tout ce qui vient d’être dit, recevez-le… s’il propose
d’autres instructions, ne lui prêtez pas attention… 11, 1-2.
2. Les étapes de la composition littéraire
Sans entrer dans le détail d’une minutieuse analyse,
nous nous contenterons d’indiquer ici « Ies grandes nervures de
l’écrit » [12]. Trois couches
rédactionnelles seront ainsi distinguées.
a) On remarque, dispersés dans les
« passages-vous », un certain nombre de « passages-tu » qui
ont leurs particularités propres et spécialement une tournure casuiste qui est
en vif contraste avec la simplicité des « passages-vous ». Ils ont
toutes les apparences d’additions faites après coup.
Nous mettons à part le Duae Viae qui a son origine propre.
Voici, à titre d’exemple, un
« passage-tu » ajouté postérieurement à un « passage-vous ».
Ce dernier a réglementé avec simplicité le rite baptismal :
Au sujet du baptême, baptisez ainsi, au nom du Père
et du Fils et du Saint-Esprit, dans une eau courante. 7, 1
Un « passage-tu » répond aux difficultés
qui se sont posées :
Si toutefois tu n’as pas d’eau courante, baptise
dans une autre eau, et si l’eau froide est exclue, dans de l’eau chaude. A
défaut de l’une et de l’autre, verse trois fois de l’eau sur la tête, au nom du
Père et du Fils et du Saint-Esprit. Avant le baptême, que le baptisant, le
baptisé, et d’autres qui le pourraient observent d’abord un jeûne ; au
baptisé, tu dois imposer un jeûne préalable d’un ou de deux jours. 7, 2-4
b) Nous citions plus haut les versets 1 et 2 du
chapitre 11. Pris dans son sens naturel ce passage - et le fait fut reconnu
bien avant l’étude d’Audet [13]
- ne peut être que la conclusion de tout ce qui précède. En fait, cette
clausule fut, purement et simplement, à l’origine, la conclusion de la Didachè
qui n’allait pas plus loin. C’est sous la pression de conditions nouvelles dans
la communauté que la forme primitive (1 à 11, 2) aurait reçu une longue
addition (11, 3 à 16, 18).
Ainsi s’expliquent au mieux plusieurs sortes de répétitions qui de tous temps
ont surpris les lecteurs attentifs. Pour en donner un exemple : on ne voit
pas pourquoi, en dehors de cette perspective, il est traité de l’Eucharistie au
chapitre 14, alors qu’on en avait traité longuement aux chapitres 9 et 10.
Nous pouvons dès maintenant résumer ainsi la
conclusion qui s’impose :
La Didachè comprend
1 - une forme première de la Didachè = D. 1.
2 - une forme amplifiée = D. 1 + D. 2.
3 - des interpolations (surtout les « passages-tu ») = I. La
rédaction définitive = D. 1 + D. 2 + I.
c) Voici en outre une remarque très importante mise
en valeur par Audet : elle souligne la différence entre D. 1 et D. 2.
Dans D. 1, les appels à l’autorité du Seigneur se
présentent comme suit :
(Priez) comme le Seigneur l’a demandé dans son
évangile. 8, 2
A ce propos le Seigneur a dit : ne donnez pas
aux chiens les choses saintes. 9, 5
Et dans D.2 :
Au sujet des apôtres et des prophètes, suivez la
règle de l’Evangile. 11, 3
Reprenez-vous dans la paix, comme vous l’avez dans
l’Évangile. 15, 3
Pour vos prières, vos aumônes et toutes vos actions,
faites comme vous l’avez dans 1’Evangile de notre Seigneur. 15, 4
Dans D.1, les deux appels sont au passé (aoriste et
parfait) et ne contiennent « aucune allusion perceptible à un écrit
évangélique » [14]. Dans D.2, au contraire, après 11, 3
assez neutre, deux appels font, au présent, « une allusion directe à un
Évangile qui, dans ces conditions, ne peut être qu’un Évangile
écrit » [15].
Voici comment Audet explique ce fait : entre DA et D.2, est intervenue la
diffusion - sinon la rédaction - d’un écrit évangélique dans les communautés
auxquelles était destinée la Didachè.
3. La date proposée
La date de la Didachè est inscrite dans son texte.
Elle est la résultante d’indices convergents. « Cette date n’est pas
quelque part, elle est partout » [16].
Relevons les principaux arguments qui vont amener
Audet à proposer comme le fit jadis Lightfoot [17], une date très ancienne.
a) Une analyse attentive du Duae Viae prouve que
l’écrit est spécifiquement juif. Le Didachiste [18]
l’a à peine christianisé au moyen d’une interpolation que chacun reconnaît à
première vue (1, 3 à 2, 1). Or un emprunt chrétien au prosélytisme juif ne peut
avoir été fait qu’à une époque relativement très ancienne.
b) Les prières eucharistiques sont
judéo-chrétiennes. Elles sont certes très anciennes et surgies en droite ligne
de la littérature juive. Mais, puisqu’elles constituent une citation, il est
clair que l’âge d’un recueil est celui de ses éléments les plus récents et non
celui de ses citations. Voici cependant un fait remarquable : les
rubriques (9, 1 - 9, 5 - 10, 1 - 10, 7) qui accompagnent ces prières
témoignent, elles aussi, en faveur d’une époque très ancienne.
c) La Didachè est rédigée au temps du ministère des
apôtres, des prophètes et des docteurs (11, 3 à 12 et 13, 1-2). Ce sont là des
composantes juives. L’analogie avec la situation décrite dans les Actes des
Apôtres et dans les épîtres pauliniennes est évidente.
Précisons davantage : la situation est identique à celle que supposent les
Epîtres pastorales. Nous sommes à un point de transition : au ministère
itinérant des apôtres, des prophètes et des docteurs va s’ajouter celui des
évêques et des diacres. Les évêques et les diacres sont créés en vue d’une
suppléance parallèle au ministère itinérant, et cette suppléance est exigée par
les réunions eucharistiques (15, 1-2) [19].
d) L’expression qui se trouve au chapitre 16, verset
2 : « tout le temps de votre foi ne vous servira de rien… »,
suppose les premières générations chrétiennes venues à l’Évangile comme en
cours de route et espérant pour le proche avenir une entrée collective dans le
royaume du Seigneur [20].
e) Tout l’écrit se caractérise par un ton de
simplicité archaïque qui suggère le temps de la première expansion dans la
gentilité.
f) La Didachè est contemporaine des premiers écrits
évangéliques. Les extraits cités sont apparentés à la tradition de Mt [21].
g) L’interpolation (passage-tu) du chapitre 6,
verset 3 :
Quant aux aliments, prends sur toi ce que tu pourras
porter, mais abstiens-toi absolument des viandes offertes aux idoles :
vise une situation réelle identique à celle que
supposent les textes pauliniens 1 Co, 8, 10 ; Ro, 14 ; Col, 2,
16 ; 20-23 et 1 Tim, 4, 3. Or les interpolations marquent évidemment la
date ultime de la composition de la Didachè.
En conclusion, Audet pense devoir assigner comme
date ultime de la composition de la Didachè l’année 70 ; pour lui, c’est
entre les années 50 et 70 que se place la rédaction finale. Il est parfaitement
conscient que tels savants, - Bardy par exemple -, ont considéré le fait
de proposer une date aussi ancienne comme une « impertinence » mais,
dit-il, « il faut en juger sur les faits » [22].
4. Le lieu d’origine
Il serait utopique de s’efforcer de le
préciser ! Mais ceci du moins peut être affirmé :
1. Les églises pauliniennes sont exclues.
2. L’écrit a dû s’adresser au milieu du prosélytisme juif car :
le Duae Viae est juif.
les prières eucharistiques sont d’origine palestinienne.
On pourrait donc supposer un milieu tel que la
Syrie, l’Église d’Antioche par exemple.
VI. Préparation à la lecture de la Didachè
1. Le « Duae Viae »
La forme du Duae Viae est très complexe. Une étude
attentive de son texte distingue, dans un ensemble composite, trois
instructions, différentes par leur origine, leur destination, leur structure et
leur contenu.
Le Duae Viae n’est nullement une composition du
Didachiste ; tout y est spécifiquement juif. Le Didachiste a pris tel quel
ce recueil de trois didachai juives et il les a christianisées en y insérant
une longue interpolation empruntée à la tradition évangélique du Sermon sur la
Montagne (Didachè, 1, 3 à 2, 2).
La situation littéraire du Duae Viae dans l’ensemble
de la Didachè ne diffère en rien de celle du Pater ou des prières
eucharistiques : c’est une simple citation.
L’examen du texte a le grand avantage de nous
montrer concrètement le rapport de la filiation du christianisme au judaïsme en
terre païenne. C’est un témoignage parmi tant d’autres de la manière dont toute
une littérature s’est alors formée [23].
Première instruction : 1, 2 et, après la longue
interpolation, 2, 2-7 = L’instruction aux gentils.
Toute cette première instruction est coulée dans la forme
la plus dépouillée du style légal : Tu aimeras…, tu ne tueras
point… : ce sont les impératifs de la Loi. Une nuance de réflexion
sapientielle est jetée sur cet ensemble par l’énoncé de la Règle d’or :
Ce que tu ne voudrais pas qu’il te soit fait, toi
non plus ne le fais pas à autrui. 1, 2
On sait que le premier énoncé de la Règle d’or se
trouve dam le testament sapientiel de Tobie à son fils :
Ce que toi-même tu n’aimes pas, ne le fais pas à
autrui. Tb 4, 15.
L’Evangile a retenu de l’enseignement de Jésus une
forme positive de la même Règle d’or :
Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour
vous, faites-le vous aussi pareillement pour eux : voilà la Loi et les
prophètes. Mt 7, 12
Comme vous voulez que les hommes fassent pour vous,
faites le semblablement pour eux. Lc 6, 13
L’interpolation : 1, 3 à 2, 2.
Bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour vos
ennemis…
Nous sommes ici dans la tradition évangélique du
Sermon sur la montagne. L’interpolation est certainement due à une main
chrétienne. Elle manque dans plusieurs des témoins du texte du Duae Viae pris
isolément. Impossible d’identifier l’emprunt : Matthieu ? Luc ?
Texte évangélique perdu ? Peut-être n’y a-t-il aucun emprunt à un écrit,
mais vivante tradition orale qui se fixe par écrit. Audet est formel l’emprunt
est antérieur à Matthieu.
Deuxième instruction 3, 1-6 = L’instruction du sage.
Mon fils, évite tout ce qui est mal et tout ce qui
en aurait jusqu’à l’apparence… mon fils, ne sois pas menteur… mon fils, ne sois
pas amer… [24]
Le style s’est adouci, il a changé du tout au tout.
Tout le passage est très concerté : après l’introduction générale,
viennent cinq petites unités toutes construites sur le même canevas, et cela
jusque dans le détail de la phrase. La composition est évidemment
mnémotechnique. Pour une large part, cette instruction est un doublet de la
précédente. Elle énumère les interdictions du Décalogue. C’est une adaptation
sapientielle du Décalogue, c’est le savoir-vivre selon la crainte de Dieu.
Troisième instruction : 3, 7 - 4, 14 =
L’instruction aux pauvres ou la Règle des pauvres.
Nouvelle rupture littéraire, nouveau changement de
style. Il y a reprise des impératifs, mais ce n’est plus Dieu qui est censé
parler comme dans l’instruction aux gentils. C’est, dans le style didactique
des sages, l’impératif d’exhortation, beaucoup moins abrupt, avec un ton
d’intimité communicative. On respire une autre atmosphère tout aussi
reconnaissable que celle qui a permis de discerner, dans le recueil des
psaumes, la contribution des anâwîm. Quiconque a fréquenté ce monde avec une
certaine assiduité ne peut s’y méprendre : on appartenait au groupe des
anâwîm, diffus dans tout le judaïsme, quand on commençait à faire de son
humilité de condition sociale et économique une humilité de cœur dont se
nourrissait l’espoir en Dieu dans l’attente de la venue du Royaume. C’est à ces
pauvres que s’est attaché Luc en quelques-uns de ses plus beaux récits,
principalement ceux de l’enfance de Jean et de Jésus. C’est à eux qu’est
adressée la première béatitude (Mt et Lc).
Dès le début, l’instruction est caractérisée :
Fais de toi un doux, car les doux recevront la terre
en héritage. 3, 7
C’est la mansuétude des pauvres avec le mystérieux
héritage, leur plus grand espoir. Ce qui va suivre, c’est l’appel à la
longanimité, à la patience, à la pitié, à la paix, à la bonté, l’accueil
déférent à la « parole ».
Reçois toujours en tremblant (de révérence) les
paroles que tu as entendues. 3, 8
Il est évident que l’on a rapproché 3, 7 :
« Les doux recevront la terre en héritage » de la béatitude de Mt 5,
5 et le rapprochement s’impose. Mais l’une et l’autre de ces sentences
s’enracinent dans le psaume 37 (Vulg. 36), une des prières des anâwîm :
Encore un peu et plus d’impie,
Tu t’enquiers de sa place,
il n’est plus mais les doux posséderont la terre
réjouis d’une grande paix.
Mansueti autem heraditabunt terram
et delectabuntur in multitudine pacis. Ps 37, 11
« Quelles rencontres ! » s’exclame
Audet [25], soulignant que c’est la venue du
Messie qui seule donne tout son sens à la grande promesse :
L’Esprit du Seigneur est sur moi, car Yahvé m’a
oint.
Il ma envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres. Is 61, 1
Ainsi, dans l’évangile de Luc, Jésus inaugure-t-il
son enseignement dans la synagogue de Nazareth.
Nous nous sommes un peu attardés à caractériser
l’instruction aux pauvres à cause de sa résonance religieuse. Pour le même
motif, nous en citons, dans la traduction d’Audet, l’un ou l’autre
passage :
Tu ne fieras pas ta vie au monde des grands,
mais à la voie des justes et des humbles.
Tu accueilleras les événements de la vie comme autant de biens, sachant que
Dieu n’est étranger à rien de ce qui arrive. 3, 9-10
Mon fils, de celui qui te propose la parole du Seigneur,
tu te souviendras nuit et jour et tu l’honoreras comme le Seigneur, car là où
sa souveraineté est proclamée, le Maître est présent.
Tu rechercheras chaque jour la compagnie des saints pour trouver appui dans
leurs paroles. 4, 1-2
Tu ne feras pas acception des personnes dans la
correction des fautes. 4, 3
N’aie pas toujours les mains tendues pour recevoir,
mais repliées au moment de donner. 4, 5
Tu mettras toutes choses en commun avec ton frère et
tu ne déclareras pas qu’elles sont à toi, car si vous partagez les biens de
l’immortalité, à combien plus forte raison devez-vous le faire pour les biens
corruptibles. 4, 8
Citons encore, dans un autre ordre d’idées :
Dans l’assemblée, tu feras l’exomologèse (= la
confession) de tes péchés et tu n’iras pas à la prière avec une conscience
mauvaise. 4, 14
Le chemin de la mort : 5, 1-2
5, 1 est la contrepartie de l’instruction aux
gentils. C’est une liste, un « catalogue de péchés ».
5, 2 est la contrepartie de l’instruction aux
pauvres. Une lecture attentive suffit à différencier ces deux parties du
« chemin de la mort ».
Il n’ y a donc pas déséquilibre entre la
présentation littéraire du chemin de la vie et celle du chemin de la mort. Les
deux tableaux se correspondent comme dans un diptyque. Certes, la description
du chemin de la mort est beaucoup plus brève, mais celle du chemin de la vie
n’était guère plus longue à l’origine puisqu’il faut en supprimer
l’interpolation chrétienne et l’instruction au sage.
Il nous reste à dire que le Duae Viae fut utilisé
dans l’Église pour la formation des catéchumènes. Nous lisons dans la Didachè
7, 1 : « pour le baptême, donnez-le de la manière suivante après
avoir enseigné tout ce qui précède ». C’est une attestation, mais elle
n’est pas primitive : la critique textuelle reconnaît en elle une
interpolation tardive, étrangère au Didachiste ; elle date sans doute du
3e siècle. Rappelons que saint Athanase en 367 nous apprenait dans sa lettre
festale 39 que la Didachè était depuis longtemps utilisée en Égypte pour la
formation des catéchumènes. Il est évident qu’il s’agit ici du Duae Viae,
encore que saint Athanase connaisse sans doute l’ensemble du texte, car il
recommande les « prières eucharistiques » comme prières du matin.
Parcourons à grands pas la Didaché, nous attachant à
en suivre le plan.
Les instructions diverses du chapitre 7 à 11, 2
L’instruction sur le rite du baptême : 7, 1
suivi de I’interpolation 7, 2-4 (passage-tu) :
Baptisez au nom du Père et du Fils et du
Saint-Esprit dans de l’eau courante. 7, 1
Devant cette formule baptismale trinitaire, nous
nous sentons devenir méfiants… : elle ne peut être très ancienne…
Sans rappeler tout ce qui a été dit ici dans l’étude du symbole des Apôtres qui
nous a donné des témoignages très anciens de textes trinitaires, citons Audet,
mot à mot :
« Dans ce rite si simple et d’allure si primitive, la formule baptismale
représente-t-elle une théologie relativement évoluée ?…
Sommes-nous bien sûrs, d’abord, d’être justifiés de parler ici sans réserves
d’une formule trinitaire ?
Elle l’est pour nous sans aucun doute. Mais il n’est pas dit qu’elle l’ait été
tout à fait dans le même sens et au même degré à l’origine… Selon toutes
apparences, la formule n’est pas descendue de la « théologie » vers
le rite : elle est montée au contraire, du rite et de l’action pastorale
qui l’entourait vers la « théologie », à mesure que le changement des
conditions générales dans l’Église s’y est prêté ou même l’a exigé (comparer
l’évolution des confessions de foi primitives… vers les symboles conciliaires
jusqu’au symbole pseudo-athanasien). Or l’action pastorale qui, à l’origine, a
entouré et presque seule, le rite du baptême, n’a été rien d’autre que
l’annonce évangélique » [26].
Audet montre alors longuement que toute l’annonce
évangélique est « trinitaire », non pas certes qu’elle analyse la vie
de la Trinité, les rapports entre les personnes divines, etc…. mais qu’elle se
réfère continuellement au Christ, Fils du Père, qui nous envoie l’Esprit.
Enfin, il nous renvoie au texte « baptismal » de la 1re épître aux
Corinthiens, 6, 11 : « Vous vous êtes lavés, vous avez été
sanctifiés, vous avez été justifiés par le nom du Seigneur Jésus-Christ et par
l’Esprit de notre Dieu ». Un tel texte est lui aussi
« trinitaire ». S’il a fallu insister sur ce point, c’est parce qu’il
est contesté.
L’instruction sur les jeûnes hebdomadaires, 8, 1
Que vos jeûnes n’aient pas lieu en même temps que
ceux des hypocrites…
Nous avons ici un triste présage du mouvement qui
aboutira à la littérature « contre les Juifs ». La conscience de la
séparation et de la rupture s’intensifie.
L’instruction sur la prière quotidienne, 8, 2-3
Suivant une association traditionnelle, l’instruction
sur la prière est étroitement soudée à l’instruction sur le jeûne et elle
respire le même esprit :
Ne priez pas non plus comme font les hypocrites. 8,
2
La même recommandation se trouve dans l’évangile de
Matthieu 6, 5. Par contre, il est clair que dans la Didachè, adressée aux
gentils, il n’est nulle trace de la recommandation parallèle de Matthieu :
« Ne rabâchez pas comme les païens » !
« Ne rabâchez pas comme les païens » !
Mais comme le Seigneur l’a demandé dans son
évangile, priez ainsi : Notre Père… 8, 2
Le texte du Pater est quasi identique à celui de Mt
6, 9-13, sauf quelques menues variations de formules et l’addition d’une
doxologie :
… mais délivrez-nous du mal. Car à toi appartiennent
la puissance et la gloire dans les siècles.
Voici les variantes du Pater :
Didachè
|
Matthieu
|
qui es au ciel
|
…aux cieux
|
remets-nous notre dette
|
… nos dettes
|
comme nous remettons
|
… avons remis
|
« Ailleurs, de telles variantes pourraient être sans portée. Mais le Pater est un texte liturgique, témoin ici même la doxologie finale. Si le didachiste l’avait emprunté à Matthieu, il est peu probable qu’il ait voulu le modifier. Il serait allé contre un usage reçu et contre le plus tenace des usages : l’usage liturgique » [27].
2. L’instruction sur l’Eucharistie, 9 - 10.
L’instruction sur l’Eucharistie clôt le recueil de
la Didachè en son premier état. Ainsi, avec une symétrie parfaite,
l’instruction sur la vigilance (invitation à une synaxe de vigile) clôt la
Didachè en son deuxième état. [28]
Les prières eucharistiques sont très anciennes et
très belles. Elles ont été étudiées avec des résultats bien divers depuis ces
quelques 75 ans. Audet remarque, avec raison semble-t-il, que « nous
sommes dans des conditions générales d’interprétation meilleures qu’on ne l’a été
jusqu’ici ».
Le genre littéraire est très nettement celui de la
beràkhâh juive (bénédiction, eucharistie). C’est, on le sait, une louange, une
anamnèse (= une mémoire. Cf. « Faites ceci en mémoire de moi ») des
« merveilles de Dieu ». C’est parce que ceci a été mal compris que
l’on a fait de si lourdes erreurs, tissées d’anachronismes, dans l’étude de
cette « bénédiction » qui n’est ni une « action de grâces »
ni une « consécration », ni une « communion » au sens
actuel de ces termes.
Le thème général est celui des œuvres de Dieu, de
ses merveilles ; les sentiments sont ceux de la joie et de l’admiration.
Dans cette perspective, on peut lire ces admirables formules anciennes :
Au sujet de l’eucharistie, bénissez ainsi :
D’abord pour la coupe : Nous te bénissons, notre Père, pour la sainte
vigne de David ton serviteur, que tu nous as révélée par Jésus, ton
serviteur [29],
à toi la gloire pour les siècles. Amen. 9, 1-2
Ces textes sont difficiles et demandent un examen
minutieux. David est par excellence, dans la tradition chrétienne primitive, le
prophète de la résurrection du Seigneur [30].
Le texte du discours de, Paul aux Juifs est beaucoup plus clair et plus
explicite encore pour notre sujet [31].
La vigne de David (célébration de la coupe) est la chose sainte de David
révélée par Jésus : cette anamnèse est le chant de la merveille de la
Résurrection.
Puis pour le pain rompu : Nous te bénissons,
notre Père, pour la vie et la connaissance que tu nous as révélées par Jésus,
ton serviteur, à toi la gloire pour les siècles. Amen. 9, 3
Ici se fait la fraction du pain. L’idée du pain
suggère celle de la vie et la merveille célébrée est encore celle de la
résurrection de jésus qui, vivant, nous communique vie et connaissance.
De même que ce pain rompu, d’abord semé sur les
collines, une fois recueilli est devenu un, qu’ainsi ton Église soit rassemblée
des extrémités de la terre dans ton royaume, car à toi appartiennent la gloire
et la puissance pour les siècles. Amen. 9, 4
La miche de pain recueille en son unité la multitude
des grains rassemblés. L’image suggère une prière : celle du rassemblement
dans le royaume (nous y insistons car la perspective n’est pas la perspective
johannique de l’union comme on l’a dit si souvent). C’est le souhait du Pater
« Que votre royaume arrive » et c’est un regard vers les mirabilia
Dei réservés à l’avenir.
Remarquer dans la doxologie la mention de la
puissance s’ajoutant à celle de la gloire déjà mentionnée dans les deux
bénédictions précédentes. On le sent, tout cet ensemble est admirablement
construit.
Un étonnement nous saisit : pourquoi la
bénédiction de la coupe précède-t-elle la bénédiction du pain rompu ? Ceci
est une liturgie de fraction du pain et tout l’accent, comme le montrent bien
les textes, est mis sur ce geste qui s’achève en prière. Le sens de cette
liturgie, c’est d’être une vigile : une attente toute chargée d’espérance
du royaume qui vient dans la double perspective de la résurrection du Seigneur
que célèbrent les deux anamnèses et du retour du Seigneur qu’implique la prière
pour le rassemblement.
Que personne ne mange ni ne boive de votre
eucharistie, si ce n’est les baptisés au nom du Seigneur. Aussi bien est-ce à
ce propos que le Seigneur a dit : « Ne donnez pas aux chiens les
choses sacrées ». 9, 5
Peu de choses à dire, pour le moment, sur ce verset
qui semble étroitement rattaché à la texture de l’ensemble.
Après vous être rassasiés, bénissez ainsi : 10,
1
Ici donc se place un repas cultuel.
Nous te bénissons, Père saint, pour ton saint nom
que tu as fait habiter en nos cœurs, et pour la connaissance, la foi et
l’immortalité que tu nous as révélées par Jésus, ton serviteur. A toi la gloire
pour les siècles. Amen. 10, 2
Ceci est presque une reprise de la seconde anamnèse,
c’est en tout cas une variation sur le même thème : la vie
(l’immortalité), la connaissance révélées par Jésus. Mais - et pour nous c’est
plus difficile à reconnaître - c’est aussi une reprise de 1a première
anamnèse : « Pour ton saint nom que tu as fait habiter en nos
cœurs ». Pour la physiologie des anciens, il est évident que les liquides
descendaient du poumon dans le cœur [32], « La première
bénédiction qui suit le repas réunit simplement, et dans le même ordre, ce que
les deux bénédictions d’avant le repas tenaient séparé ».
C’est toi, Maître tout-puissant, qui as créé toutes
choses à la gloire de ton nom, et qui as donné en jouissance nourriture et
boisson aux enfants des hommes, afin qu’ils te bénissent ; mais à nous, tu
as fait la faveur d’une nourriture et d’une boisson spirituelles et de la vie
éternelle par Jésus, ton Serviteur. Par-dessus tout, nous te bénissons de ce
que tu es puissant ; à toi la gloire pour les siècles ! Amen. 10, 3-4
La deuxième bénédiction qui suit le repas, réunit
cette fois, suivant leur ordre naturel, « la nourriture et la
boisson » dans la double perspective de la création et de l’Evangile. A
bien remarquer l’admirable finale motif suprême de louange : seule
considération ide Dieu dont la puissance garde l’initiative de toutes les
merveilles [33].
Souviens-toi, Seigneur, de ton Église, pour la
délivrer de tout mal et la parfaire dans ton amour. Rassemble-la des quatre
vent, cette Eglise sanctifiée, dans ton royaume que tu lui as préparé ;
car à toi appartiennent la puissance et la gloire pour les siècles. Amen. 10, 5
Prière parallèle, on le voit, à celle de la liturgie
d’ouverture (9, 4 : prière pour le rassemblement). On notera la très belle
reprise : « Souviens-toi, Seigneur », venant après les anamnèses
des bénédictions.
Si on veut bien comprendre les perspectives
anciennes de ce « rassemblement » dans le royaume, il faut penser que
les images sont empruntées au souvenir de l’exil - les dispersés seront réunis
et il faut rapprocher notre texte de textes semblables de l’Apocalypse :
J’aperçus quatre anges debout aux quatre coins de la
terre, retenant les quatre vents de la terre … :… Attendez que nous ayons
marqué au front les serviteurs de notre Dieu. Cent quarante-quatre mille de
toutes les tribus des enfants d’Israël… après quoi une foule immense impossible
à dénombrer… Ap 7, 1-13. Voir aussi Ap 14, 1-6.
Les quelques phrases et exclamations qui suivent
« ressemblent à une allée de sphinx » [34]. Recenser les
explications proposées serait une entreprise infinie…
Ce que nous retenons, c’est que plusieurs critiques
proposent de déplacer le texte qui ne serait pas à sa place : il faudrait
le ramener, disent-ils, après 9, 4, donc avant le repas cultuel.
Audet, impressionné par la parfaite unité et
cohérence des bénédictions qui ont précédé, s’y refuse. Il faut, dit-il,
prendre le texte dans l’ordre où il se présente.
Que la grâce vienne et que ce monde passe. Amen.
Hosanna à la maison de David !
Que celui qui est saint vienne ; que celui qui ne l’est pas se
repente !
Maranatha ! Amen. 10, 6
Le texte central qui donne son sens à l’ensemble
est :
Que celui qui ne l’est pas se repente !
Et ceci signifie : que celui qui est baptisé
vienne ; que celui qui ne l’est pas se repente (par le baptême). Est-ce
donc un doublet de 9, 5 que nous devons examiner maintenant ? Non, dit
Audet, 9, 5 est une interpolation du Didachiste qui défend aux non-baptisés de
participer à la « fraction du pain » et qui en appelle à l’autorité
du Seigneur pour justifier ainsi une pratique nouvelle, car il est clair que
normalement tous les hôtes réunis pouvaient participer à ce repas cultuel et
ont dû le faire au début de sa pratique chrétienne.
10, 6 au contraire est partie intégrante de la
liturgie eucharistique qui, en ce moment, passe de la fraction du pain à la
célébration de l’Eucharistie majeure.
La salle du repas est quittée, on passe à une autre
salle plus sacrée, « à la maison de David ». Il est difficile de
résumer ici Audet qui consacre plus de quinze longues pages à l’étude de ce
rituel de transition (il en a consacré plus de soixante à l’analyse des prières
eucharistiques) mais disons rapidement qu’il étudie les témoignages que peut
fournir l’archéologie et il se montre très convaincu par l’étude de
l’architecture de la maison Doura-Europos, la plus ancienne « maison des
chrétiens » découverte. Certes, dans ses derniers aménagements, elle doit
dater de 232. Mais les idées qui ont présidé à l’affectation des lieux, à
l’ornementation de la salle principale du baptistère remontent certainement
beaucoup plus haut. Sous une niche centrale, on voit la victoire de David sur
Goliath, et cette très ancienne peinture semble empruntée à la représentation
d’un personnage qui, du fond du baptistère paraît dominer tout le reste :
« Le Pasteur ».
Je susciterai pour le mettre à leur tête un Pasteur
qui les fera paître, mon serviteur David : c’est lui qui les fera paître
et sera pour eux un pasteur. Ez 34
C’est le thème iconographique du Pasteur
Véritable : thème messianique, c’est David et c’est Jésus, car Jésus est
la réalisation de la promesse figurée en David qui fut, pour les premiers
chrétiens, le prophète de la Résurrection.
Nous pouvons maintenant relire le texte :
Que la grâce vienne et que le monde passe !
Amen.
La grâce est évidemment la grâce du royaume (que ton
règne vienne) vers lequel la prière pour le rassemblement vient de tourner
toute l’espérance. Il entre à sa place dans l’anticipation liturgique du retour
du Seigneur, qui va être célébrée eucharistie majeure).
Hosanna à la maison de David.
Acclamation commune qui est tout ensemble une
confession de foi implicite en la personne de Jésus (descendant de David) et un
salut rempli de joyeuse assurance au lieu réservé à la grande
« eucharistie », transposition chrétienne de la ferveur dont l’âme
d’Israël entourait depuis longtemps le Temple.
Que celui qui est saint vienne ; Que celui qui
ne l’est pas se repente.
Le président de l’assemblée invite les baptisés à
venir au lieu où l’eucharistie majeure va être célébrée et il prend congé de
ceux qui restent, employant la formule courante d’invitation au baptême, leur
proposant par là de manière implicite la participation de ce dont ils demeurent
pour l’instant exclus.
Maranatha. Amen.
La dernière phrase reprend, en forme d’inclusion, le
souhait de l’invocation initiale « Que la grâce vienne »…. nouvelle
expression de la même espérance.
Laissez les prophètes prononcer la bénédiction à
leur gré.
A l’eucharistie, l’apôtre, auteur de la Didachè,
ajoute une dernière directive. La « bénédiction » est, par
excellence, expression prophétique. C’est ainsi que Luc souligne que Zacharie
fut rempli de l’Esprit Saint au moment où il prononça son Benedictus qui est,
pour l’essentiel, une bénédiction. La bénédiction était regardée comme la plus
haute forme cultuelle revêtue par la parole, elle revenait de droit à ceux que
l’Esprit comblait. On sait combien cette directive restera longtemps en honneur
dans l’Église ; Justin (vers 165) :
Celui qui préside fait monter des prières et des
bénédictions, autant qu’il peut et l’assemblée lui fait écho en
répondant : Amen. 1 Apo, 67, 5
et plus tard, Hippolyte de Rome (début du IIIe
s.) :
Que l’évêque rende grâces selon ce que nous avons
dit plus haut. Il n’est pas du tout nécessaire cependant qu’il prononce les
mêmes mots que nous avons dits, en sorte qu’il s’efforce de les dire par cœur
dans son action de grâces à Dieu ; mais que chacun prie selon ses capacités.
Si quelqu’un peut faire convenablement une prière grande et élevée, c’est
bien ; mais s’il prie et récite une prière avec mesure, qu’on ne l’empêche
pas, pourvu que sa prière soit correcte et conforme à l’orthodoxie. Tradition
apostolique, 10, 4
Au chapitre 14, le Didachiste demandera que l’on
s’assemble pour la fraction du pain et l’eucharistie le « jour du
Seigneur ». On notera, dans la lumière des bénédictions liturgiques que
nous venons d’analyser, que le dimanche est donc le « jour
merveilleux » par excellence, celui où se célèbrent les merveilles de
Dieu : salut actuel = mort dépassée dans la vie, et salut futur =
rassemblement de l’Eglise dans le royaume, ce qui est la plénitude de
l’espérance.
3. Quelques points importants
Nouvelles instructions relatives surtout à
l’organisation des communautés, 11, 3 - 15, 4
Nous ne nous attarderons pas à cette section. Le
plan en a donné les grandes lignes. Voyons seulement l’importante instruction
sur la synaxe dominicale.
L’instruction sur la synaxe dominicale, 14, 1-3
Le jour du Seigneur assemblez-vous pour la fraction
du pain et l’eucharistie, après avoir d’abord confessé vos péchés pour que
votre sacrifice soit pur. Mais que celui qui a un différend avec son compagnon
ne se joigne pas à votre assemblée avant de s’être réconcilié, afin que votre
sacrifice n’en souffre pas de souillure. Ce sacrifice est bien en effet celui
dont a parlé le Seigneur : « Qu’en tout lieu et en tout temps, on
m’offre un sacrifice pur, car je suis un grand roi, dit le Seigneur, et mon nom
est merveilleux parmi les nations » (Ml, 1, 11-14).
Choisissez donc des évêques et des diacres dignes du Seigneur, hommes doux,
désintéressés, véridiques et sûrs, car ils remplissent, eux aussi, auprès de
vous, l’office des prophètes et des docteurs. 14, 1 - 15, 1
Toute cette instruction complète volontairement
l’instruction primitive du premier recueil : chapitre 9 et 10 (les prières
eucharistiques). Elle introduit deux éléments nouveaux : la régularité de
la synaxe eucharistique, « le jour du Seigneur » et la confession
préalable des fautes, confession commune et liturgique dont les psaumes donnent
tant d’exemples :
Nous avons failli avec nos pères ; nous avons
dévié, renié ;nos pères en Egypte n’ont pas compris tes merveilles… Ps
106, 6-7
et qui précède l’eucharistie (la bénédiction
juive) :
Béni soit Jahvé, le Dieu d’Israël depuis toujours
jusqu’à toujours, et tout le peuple dira : Amen. Ps 106, 48
Dans l’instruction aux pauvres, la recommandation en
avait été faite :
Dans l’assemblée, tu confesseras tes fautes et tu
n’entreras pas en prière avec une conscience mauvaise. (Duae Viae 4, 14)
Remarquons que l’instruction paraît distinguer une
« fraction du pain » de ce qui serait « l’eucharistie »
proprement dite. C’est l’ordre même de la vigile eucharistique, tel qu’il était
prévu aux ch. 9 et 10 dans le premier état de la Didachè.
Il est aussi très important de remarquer que c’est
la synaxe dominicale régulière qui, dans la pensée de l’auteur, impose comme
une nécessité que chaque Église se choisisse des évêques et des diacres (voir
le mot « donc ») en suppléance au ministère itinérant des prophètes
et des docteurs.
4. La conclusion : « Veillez »
« Veillez » : l’attente du retour du
Seigneur, 16, 1 - 8.
Le recueil se clôt sur une « didachè »
prophétique. Le pseudo Barnabé l’utilise certainement :
Assemblez-vous fréquemment, cherchant l’intérêt de
vos âmes, car tout le temps de votre foi ne vous servira de rien, à moins qu’au
dernier moment vous ne soyez devenus parfaits. Didachè 16, 2
Prêtons donc attention aux derniers jours, car tout
le temps de notre vie et de notre foi ne nous servira de rien si, maintenant
dans le temps d’iniquité et au milieu des scandales à venir, nous ne résistons
pas comme il convient à des fils de Dieu. Barn, 4, 9
Nous ne pouvons entrer dans le détail de la
discussion : deux brèves remarques. Le Sinaïticus n’a pas, pour Barnabé,
les mots « tout le temps de notre vie et de notre foi ». En second
lieu, il se peut que cette « didachè » soit, elle aussi (comme le
Duae Viae), une citation du Didachiste.
Il y a plus important :
« Assemblez-vous ». Le grec dit : « Faites la
synaxe ». La vigilance de l’Église (de l’assemblée) se traduit donc en
fait principalement dans la synaxe c’est dans une vigile que s’exprime
l’attente du Seigneur.
L’exhortation à la vigilance et les images de cette instruction prophétique
nous sont devenues familières par le Nouveau Testament. Il serait intéressant
d’étudier à quel point ces images étaient courantes dans les premières
générations chrétiennes. Nous citons les principales références :
• Sur la multiplication des faux prophètes : Mt
24, 11 ; 1 Tim 4, 1 - 3 ; 2 P 3, 3 ; Jud 18. • sur les
corrupteurs : Ap 19, 2 • sur les trahisons : Mt 24, 10 - 12 • sur
l’Antéchrist : 2 Th 3 - 4. • sur les signes et les prodiges opérés par
l’Antéchrist 2 Th 2, 9 ; Ap 13, 13. • sur le pouvoir de
l’Antéchrist : Ap 13, 1 - 8. • sur la persévérance qui assurera le
salut : Mt 24, 13. • sur la chute d’un grand nombre : Mt 24,
10 ; Ap 13, 1 - 8, 14 - 17. • sur le signe de la trompette : Mt 24,
31 ; 1 Co, 15, 52 ; 1 Th 4, 10. • sur la résurrection : 1 Co 15,
52 ; 1 Th 4, 16.
16, 7 de la Didachè pourrait faire difficulté pour
nous :
Le troisième signe, celui de la résurrection des
morts, non point de tous cependant, mais selon ce qui a été dit :
« Le Seigneur viendra et tous les saints avec Lui » (Za 14, 5).
La citation de Zacharie explique suffisamment le
sens que l’auteur donne à la résurrection « non pas de tous ». On
peut comparer le point de vue également restreint de Paul, 1 Th, 4, 13-18.
Les morts qui sont dans le Christ ressusciteront en
premier lieu, après quoi, nous les vivants, nous qui serons encore là, nous
serons réunis à eux…
sur la venue du Seigneur : Mt 24, 30 ; 1 Th, 4, 16.
Alors le monde verra le Seigneur venir sur les nuées
du ciel… 16, 8.
Ainsi s’achève le manuscrit H. 54 : il est
évident qu’il copiait un exemplaire mutilé…, la phrase est demeurée inachevée.
Mais c’est tout l’espoir des chrétiens :
Maranatha 1 Co 16, 22 ; Ap 22, 20 ; Didachè 10, 6.
« Viens, Seigneur Jésus ».
Conclusion : importance de la Didachè
La Didachè est un écrit judéo-chrétien destiné à la
catéchèse primitive. Elle suppose un ministère apostolique [37]
encore itinérant. Bien que l’écrit soit modeste et sans prétention, sa valeur
historique est grande. Il est un témoin de l’Église primitive. Il nous
renseigne sur la vie chrétienne, sur l’organisation des Églises, sur la
liturgie du baptême et de l’eucharistie, sur l’enseignement catéchétique que
recevaient les chrétiens du premier siècle.
Que penser de la date proposée par le Père Audet
dont nous avons suivi la pensée ? Est-ce vraiment entre 50 et 70 que la
Didachè fut rédigée ? Voici, dans une importante recension de l’ouvrage du
Père Audet, la réponse du Père P. Benoît [38] :
« Que penser, en définitive, de cette thèse
hardie ? Là est le point le plus délicat, encore que je ne parvienne pas à
me convaincre qu’une date si haute soit vraiment impossible. A tout le moins devra-t-on
reconnaître qu’après la démonstration habile et bien charpentée du P. Audet, il
n’est guère facile de faire dépasser à la Didachè l’horizon du 1er siècle.
C’est déjà beaucoup. La critique a plus d’une fois tenu cette position, mais
jamais avec tant de force dans la preuve, de conséquence dans l’exploitation.
Après un effort si largement réussi, on reprend
volontiers en main avec une joie renouvelée par la confiance, ce vieux petit
livret, souvent décrié et méconnu, qui a tout de même bien des choses à nous
dire ».
Source :
Soeur Gabriel Peters, Lire les Pères de l’Église.
Cours de patrologie, DDB, 1981.
Avec l’aimable autorisation des Éditions Migne.
[1] Dignitaire de l’Église orthodoxe, qui occupe un rang
intermédiaire entre le patriarche et les évêques.
[2] La première seule, on le sait, a Clément comme auteur.
[3] Il s’agit bien de l’Apocalypse canonique qu’Eusèbe
n’acceptait pas parmi les livres reçus. On trouvera cette liste d’Eusèbe dans
HE III, 25.
[4] A. HARNACK, Die Lehre der Zwölf Apostel, Leipzig,
1884, Prolog., p. 30.
[6] LIGHTFOOT, Results of recent Historical and
Trographical Research upon New Testament Scriptures, dans Expos., 3e série, 1,
8, 1885.
[7] The Apostolic Fathers, 1886, p. 215.
[8] J.P. AUDET, La Didachè, Instructions des Apôtres,
Études bibliques, Paris, Gabalda, 1958.
[9] Outre des citations, il y a cinq références à
l’Évangile, mais elles sont toutes d’ordre pratique : « Faites
ainsi ». Voir par exemple 8, 2 ; 9, 5 ; 11,
3 ; 15, 34.
[10] Dans un écrit faussement attribué à s. Cyprien :
l’Adversus aleatores, homélie contre le jeu de dés qui déchaînait les passions.
[13] En particulier par J.V. BARTLET, Church Life
and Church Order during the First Four Centuries, London 1943.
[17] LIGHTFOOT, op. cit.
[18] Ainsi appelle-t-on l’auteur de la Didachè, qu’Audet
pense être unique. Le vocable conviendrait d’ailleurs aussi bien s’il désignait
plusieurs auteurs. Ne dit-on pas « le psalmiste » pour nommer
les auteurs des psaumes ?
[19] En comparant 15, 1-2 au texte du Martyre de
Polycarpe, 16, 2 : « Parmi ceux-ci (les élus) fut l’admirable
martyr Polycarpe qui fut, en nos jours, un maître apostolique et prophétique,
l’évêque de l’Église catholique de Smyrne », on mesurera le chemin
parcouru dans le temps : Polycarpe est évêque, c’est son titre
institutionnel, mais l’auteur du Martyre le qualifie d’apostolique et de
prophétique parce que le ministère des apôtres et des prophètes, souvenir
lointain déjà, offre une image idéale de la fonction épiscopale.
[20] La situation est identique à celle que supposent 2
Th, 2, 1-17 (attente de la parousie) et les prières eucharistiques citées dans
la Didachè : « Que l’Église soit réunie des quatre vents dans
le Royaume ».
[21] En 1885, parlant des emprunts de la Didachè aux
Évangiles, P. SABATIER, La Didachè, p. 156, écrivait que la tradition orale en
voie de se fixer par écrit suffit à rendre compte des faits.
[22] J.P. AUDET, op. cit., p. 199, note 1.
[23] Ici et dans les pages suivantes, le texte du cours
doit beaucoup au développement d’Audet. Mais la condensation des formules, etc…
ne nous permet pas toujours d’indiquer les citations.
[24] Il est à remarquer que le Prologue de la Règle de s.
Benoît : « Écoute, ô mon fils, les préceptes du
Maître » relève, lui aussi, de la littérature sapientielle.
[27] Ibid., p. 172.
[28] Toute Eucharistie est une vigile (1 Co 11, 26 :
jusqu’à ce qu’il vienne). La liturgie actuelle a bien remis cet aspect en
valeur aux acclamations de la prière eucharistique : « Nous
attendons ta venue dans la gloire… Viens, Seigneur Jésus. »
[29] Cf. Clément d’Alexandrie : « C’est le
Christ qui a versé sur nos âmes blessées le vin, c’est-à-dire le sang de la
vigne de David », dans l’homélie Quel riche sera sauvé ?,
XXIX.
[30] Cf. Ac 2, 24 -36 : « Dieu l’a
ressuscité… car David dit à son sujet … Tu n’abandonneras pas mon âme à
l’Hadès. »
[31] Ac 13, 32-38 : « … Nous vous
annonçons la Bonne Nouvelle… Dieu a ressuscité Jésus… Que Dieu l’ait ressuscité
des morts et qu’il ne doive plus retourner à la corruption, c’est bien ce qu’il
avait déclaré : Je vous donnerai les choses saintes de David… Or David est
mort… Celui que Dieu a ressuscité, lui n’a pas vu la corruption. »
[32] J.P. AUDET, op. cit., , p. 408.
[33] Cf. le Gloria : « Nous te rendons
grâce pour ton immense gloire. »
[34] J.P. AUDET, op. cit., , p. 410.
[35] La critique textuelle a été faite soigneusement par
Audet qui restitue le texte primitif sans tenir compte d’un remaniement
anachronique des Constitutions apostoliques : « Que celui qui
est saint approche (pour communier). »
[36] J.P. AUDET, op. cit., , p. 472.
[37] Ministère apostolique au sens large du mot, il ne
s’agit nullement des Douze.
[38] Recension du Père P. BENOIT, o.p., dans la Revue
biblique, 66e année, 1959, t. LXVI.
Voir aussi : http://www.balallyparish.ie/the-didache/