Gerhard
Tersteegen, Traités spirituels, introduits, traduits et commentés par
Michel Cornuz, Genève : Labor et Fides (Petite Bibliothèque de
Spiritualité), 2005, ISBN 2-8309-1166-0, 20,8cm, 188 pages, 29CHF
Il faut être
reconnaissant à Michel Cornuz de présenter au public ces petits traités d’un
auteur apprécié dans l’espace germanophone – de nombreux cantiques sont de sa
plume – mais peu connu en France. Quelques 250 ans nous séparent de la première
édition de ces textes. Si on sent la distance historique, perceptible dans le
style du langage, ces écrits n’ont cependant rien perdu de leur
actualité.Tersteegen milite auprès de ses coreligionnaires protestants pour une
réhabilitation de la mystique, suspectée d’enthousiasme. Éluder la part
affective de l’expérience spirituelle en revient non seulement à assécher la
foi mais aussi à favoriser le retour de l’émotionnel sous forme de quêtes
ésotériques irrationnelles, danger ô combien actuel.
Michel Cornuz présente
ici trois textes de Tersteegen. Le premier, « Instruction pour une juste
compréhension et un bon usage de l’Ecriture sainte », relie expérience
spirituelle et lecture biblique, parole intérieure et extérieure, en un
« cercle vertueux », les deux se favorisant et se conditionnant
mutuellement. Le second, « Epître au sujet de la raison… » tâche de
mieux définir les possibilités et les limites de l’intelligence humaine par
rapports à la foi. Vieux débat ! Tersteegen se tient également éloigné des
ratiocinations que des débordements sentimentaux et plaide pour un
passage toujours à renouveler « de la tête au cœur ». Le dernier,
« Bref exposé de la nature et de l’utilité de la vraie piété »,
défend le bonheur de la vie spirituelle contre tout soupçon formulé à
l’encontre de la mystique. Celle-ci ne se caractérise nullement par des dons
extraordinaires, mais se vérifie au contraire dans une sanctification
« ordinaire » et quotidienne de tout chrétien.
Tersteegen cherche
constamment l’équilibre entre deux stratégies. La première veut prévenir tout
orgueil rationaliste par une intégration de l’expérience personnelle. La
seconde évite tout débordement affectif, mettant au centre l’Ecriture pour
faire coupure par rapport à la pure subjectivité. Cette harmonie entre les
différentes strates de la personnalité est à redécouvrir pour l’époque
contemporaine.
Waltraud Verlaguet
Les protestants et la
mystique
Nous assistons de nos
jours à une redécouverte, y compris au sein du protestantisme, de la tradition
mystique. La revalorisation de cette forme de spiritualité correspond bien à
l’attente religieuse de beaucoup de nos contemporains. Elle vient également
combler une place laissée trop longtemps en jachère dans le protestantisme
moderne. Certains toutefois voient avec méfiance ce « retour du refoulé » et
refusent, au nom de la Parole et de l’Écriture, toute forme de mystique, jugée
par trop individualiste, subjective, émotionnelle, quand ce n’est pas
franchement païenne. Il y aurait, selon ces théologiens, incompatibilité entre
le protestantisme et la mystique ; tout accueil bienveillant de cette forme de
spiritualité serait donc déjà une atteinte à la pureté de la foi réformée.
Je vous propose d’abord
de voir d’où vient ce refus, et qu’il naît d’un profond malentendu sur la
définition de la mystique. Puis, nous ferons un parcours historique, avec trois
figures marquantes de la spiritualité protestante : Luther, le Père de la
Réforme, qui a une attitude ambivalente vis à vis de la mystique ; Jacob Böhme
et enfin Gerhard Tersteegen. Nous verrons ainsi comment le protestantisme peut
intégrer en son sein, sans renier ses principes, la grande tradition mystique
chrétienne.
Le refus
Ce refus catégorique de
la mystique au sein du protestantisme est plutôt récent : il vient du courant
appelé « théologie dialectique » dont les grandes figures sont Emile Brunner
(1889-1966) et surtout Karl Barth (1886-1968). Barth traite la mystique d’«
athéisme larvé et ésotérique » et Brunner y voit « le seul adversaire de taille
de la foi chrétienne jusqu’à la fin des temps », parce qu’elle représente « la
plus fine distillation du paganisme » au sein du christianisme. Ce front
polémique sera repris, comme une sorte d’évidence, par leurs successeurs et est
à la base de ce refus virulent de la spiritualité mystique au sein des Églises
de la Réforme.
Mais si nous regardons ce
que visent ces attaques, nous pouvons être étonnés ; car ce n’est pas tant la
tradition mystique médiévale ou classique qui est remise en question par nos
auteurs que la théologie moderniste et libérale de Schleiermacher.
Schleiermacher, dans sa philosophie religieuse, proposait un système partant
d’une identité essentielle entre l’Esprit divin et l’esprit de l’homme. C’est
cela qui est taxé de « mystique » par nos théologiens. Ainsi comprise, la «
mystique » s’oppose à la Révélation et à la foi. En effet, si la « mystique »
consiste en la prise de conscience de l’unité originelle de l’homme avec Dieu,
la connaissance de Dieu devient une faculté inhérente à l’homme (par une
démarche d’introspection) sans qu’il y ait besoin de Révélation extérieure.
Elle est alors le signe de l’orgueil de l’homme qui cherche à devenir Dieu (le
« péché » par excellence). D’où l’opposition qui sera répétée ensuite si
souvent comme un slogan : ou la mystique (tentative de l’homme d’accéder à Dieu
par ses propres moyens) ou la Parole (Révélation qui vient de Dieu vers
l’homme). Ou la religion (mouvement ascendant de l’homme vers la divinité) ou
la foi (mouvement descendant du Dieu de la Bible vers l’être humain).
Toutefois, on peut se
demander si cette critique de la « mystique » vise juste. En effet, quand nous
lisons les témoignages des mystiques sur leur expérience, nous voyons que pour
eux la mystique n’est pas un système métaphysique qui postulerait une identité
essentielle de l’homme avec Dieu ; c’est bien plutôt un cheminement spirituel
de transformation intérieure. L’union n’est pas un présupposé métaphysique,
mais elle est l’aboutissement de la démarche, lorsque l’homme s’est vidé de
lui-même pour faire toute la place à Dieu. La critique vise donc tout autre
chose que la réalité vécue par les mystiques. C’est pourquoi il est si
important de nous mettre à l’écoute des témoignages des mystiques sur ce qu’ils
vivent 1.
Luther proche de la
mystique
Quand nous regardons aux
débuts de la Réforme, nous voyons que cette dernière a un souffle spirituel
très fort, très proche de la mystique. Luther d’ailleurs connaissait bien les
œuvres de Tauler (représentant de la mystique rhénane) et avait à plusieurs
reprises fait éditer un ouvrage mystique anonyme de la fin du XIVe siècle : la
« théologie germanique ». On peut même dire que l’expérience de la justification,
qui est à la base de toute la théologie luthérienne, est profondément mystique.
Dans son Traité de la liberté chrétienne, Luther va reprendre tout le
vocabulaire de la mystique nuptiale médiévale (notamment de Bernard de
Clairvaux) pour exprimer le « joyeux échange » de la justification :
« Mais voici une grâce
incomparable qui appartient à la foi : elle unit l’âme à Christ comme l’épouse
est unie à l’époux. Par ce mystère, dit l’apôtre, Christ et l’âme deviennent
une seule chair (Eph. 5,30). Une seule chair : s’il en est ainsi et s’il s’agit
entre eux d’un vrai mariage […] il s’ensuit que tout ce qui leur appartient
constitue désormais une possession commune, tant les biens que les maux. Ainsi,
tout ce que Christ possède, l’âme fidèle peut s’en prévaloir et s’en glorifier
comme de son bien propre, et tout ce qui est à l’âme, Christ se l’arroge et le
fait sien. Comparer ici, c’est découvrir l’incomparable. Christ est plénitude
de grâce, de vie et de salut ; l’âme ne possède que ses péchés, la mort et la condamnation.
Qu’intervienne la foi et, voici, Christ prend à lui les péchés, la mort et
l’enfer ; à l’âme, en revanche sont donnés la grâce, la vie et le salut. […]
Qui donc pourrait se
faire une idée digne de ce mariage royal ? Et qui pourrait embrasser les
glorieuses richesses d’une telle grâce ? Voici que, riche et saint, Christ,
l’époux prend pour épouse cette prostituée chétive, pauvre et impie ; il la
rachète de tous ses maux, il la pare de tous ses biens. Il n’est pas possible
que ses péchés la perdent, car ils reposent sur Christ et sont engloutis en
lui. Quant à elle, elle possède en Christ la justice qu’elle peut regarder
comme la sienne propre et qu’à l’encontre de tous ses péchés elle peut opposer
en toute assurance à la mort et l’enfer en disant : “Si moi, j’ai péché, mon
Christ n’a pas péché ; c’est en lui que je crois, tout ce qui est à lui est à
moi et tout ce qui est à moi est à lui” selon le Cantique des cantiques : “Mon
Bien-aimé est à moi et je suis à lui” (Ct 2,16) 2. »
Ce sont bien les thèmes
de la mystique nuptiale, mais au lieu de décrire le terme du cheminement
spirituel, Luther les utilise pour exprimer l’expérience du commencement,
lorsque l’être humain découvre qu’il est aimé inconditionnellement par Dieu. De
ce fondement vont naître les principaux principes de la Réforme, là aussi en
parenté très étroite avec la mystique.
La grâce seule est
l’affirmation de la gratuité de l’Amour divin qui ne dépend pas des œuvres
humaines. Cela rejoint la valorisation de la passivité de l’être humain chez de
nombreux mystiques. Le Christ seul signifie la relativisation de toutes les
médiations humaines pour entrer en communion avec Dieu. Cette union sans «
intermédiaires institutionnels » est aussi recherchée par les mystiques.
L’Écriture seule indique le lieu où rencontrer le Christ, Parole de Dieu.
Luther, pourrait-on dire, transpose pour tout le peuple chrétien, le principe
de la lectio divina (voir à son sujet p. VI, col. 1) en usage dans les
monastères. Enfin le sacerdoce universel de tous les chrétiens permet d’abolir
la séparation entre clercs et laïcs, entre une Église enseignante et une Église
enseignée. Cela rejoint la mystique qui se réclame de l’autorité de
l’expérience personnelle de Dieu.
Réaction de Luther face
aux « enthousiastes »
Mais il y a une nette
évolution de Luther vis à vis de la spiritualité mystique. Luther doit en effet
lutter sur un double front : contre l’Église catholique dont il s’est détaché,
mais de plus en plus aussi contre ceux qu’il appelle des « enthousiastes », qui
se réclament de ses principes, mais veulent aller jusqu’au bout de leurs
conséquences. Ce sont les anabaptistes, mais aussi des cercles spiritualistes,
qui se basent sur l’expérience d’une lumière « intérieure » et veulent se
passer de toutes les médiations extérieures. Luther va réagir vigoureusement
contre ce risque de« subjectivisme » de la foi chrétienne. Il insistera de
façon massive sur les aspects « objectifs » ou « extérieurs » de la foi. La
grâce seule rappelle que la justification est totalement extérieure à l’être
humain ; l’Écriture seule met l’accent aussi sur le fait que la Révélation ne
peut venir que d’une parole extérieure (la prédication qui renvoie à
l’Écriture). Luther écrira même : « Dieu ne donne à personne son Esprit ou sa
grâce, sinon par ou avec la parole externe préalable. C’est là notre sauvegarde
contre les enthousiastes, autrement dit : les esprits qui se flattent d’avoir
l’Esprit indépendamment de la parole et avant elle, et qui, par suite, jugent,
interprètent et étendent l’Écriture et la parole orale selon leur gré. […]
C’est pourquoi, nous avons le devoir et sommes dans l’obligation de maintenir
que Dieu ne veut entrer en rapport avec nous les hommes que par sa parole
externe et par les sacrements. Tout ce qui est dit de l’Esprit indépendamment
de cette parole et de ces sacrements, c’est le diable3. »
Élan mystique dans un
premier temps donc, réaction anti-mystique dans un deuxième temps au nom des
mêmes principes fondamentaux ; voilà comment on peut résumer l’évolution de
Luther qui laisse des questions spirituelles en suspens : comment faire nôtre
cette justice offerte gratuitement en Christ ? Comment passer du Christ pour
nous (de la justification) au Christ en nous (de la sanctification) ? C’est ce
genre de questions qui préoccupera les mystiques protestants des générations
suivantes.
Böhme (1575-1624)
Jacob Böhme est beaucoup
moins connu que Luther. Ce n’est pas un théologien, ni un pasteur, mais un
laïc, cordonnier de son état, qui va publier une œuvre touffue à partir d’une
expérience spirituelle visionnaire. Böhme relate cette expérience dans une
lettre à un correspondant :
« Jamais, je n’ai nourri
le désir de connaître quelque chose du Mystère divin, encore moins compris
comment le chercher et comment le trouver. Mon ignorance était du genre de
celle des laïcs, dans la simplicité. Je cherchais uniquement le cœur du Christ
pour m’y cacher du coléreux courroux de Dieu et des attaques du Diable, et avec
sérieux, je priais Dieu de me donner son Esprit Saint et sa grâce pour qu’il me
bénît en lui et pour qu’il me conduisît, pour qu’il m’ôtât ce qui me détournait
de lui, afin que je m’abandonnasse entièrement à lui, afin que je ne vécusse
pas suivant ma volonté, mais suivant la sienne, afin qu’il fût mon unique guide
et afin que je pusse être son enfant dans son fils Jésus Christ.
Dans cette recherche et
dans ce désir qui m’animaient avec un sérieux extrême, et durant lesquels j’ai
subi de violentes attaques […] la porte s’était ouverte devant moi, si bien
qu’en un quart d’heure j’ai vu et j’ai su plus que si j’avais fréquenté
l’université pendant de nombreuses années. Cela m’a grandement étonné, je ne
savais pas ce qui m’arrivait, et alors, j’ai tourné mon cœur vers la louange de
Dieu.
En effet, je vis et je
connus l’être de tous les êtres, le fond et le sans-fond, également la
naissance de la sainte trinité, l’origine et l’état originel de ce monde et de
toutes les créatures par la Sagesse divine 4. »
Cette longue citation
nous place au cœur de l’expérience mystique de Böhme ; on voit d’abord que
c’est un être inquiet, angoissé, mélancolique qui cherche à s’apaiser « dans le
cœur du Christ ». Sa démarche est dans la ligne des mystiques du détachement :
il veut renoncer à sa volonté propre pour suivre uniquement la volonté divine.
Il faut insister sur cet aspect, car, contrairement à beaucoup de ses
commentateurs, Jacob Böhme ne cherche pas la connaissance pour le plaisir de la
spéculation, mais dans le but d’éprouver le salut et de devenir « enfant de
Dieu dans son fils Jésus Christ ». Sa théosophie – terme qui signifie
littéralement « sagesse de Dieu » et qui désigne une connaissance par
illumination (et non par la raison) de la nature de Dieu, de l’univers et de
l’homme, ainsi que de leurs rapports (« correspondances ») réciproques – sera
toujours au service d’une mystique de l’union à Dieu par le Christ. Dans la
prière s’ouvre pour Böhme la porte de la connaissance, une connaissance
intuitive et visionnaire (« Je vis et je connus ») des mystères de Dieu, de la
création et de l’homme, qui le conduit à la louange.
Que peut nous apporter
Böhme ?
Le climat spirituel de
l’époque de Böhme est bien différent de celui de l’époque de Luther. Le
problème majeur n’est plus tellement celui de la culpabilité individuelle («
Comment puis-je être juste devant Dieu ? ») mais plutôt le problème du mal «
cosmique » : pourquoi le mal ? D’où vient-il ? Comment le vaincre ? Böhme va, à
partir de son expérience visionnaire fondamentale, prendre à bras le corps
cette question. On pourrait dire que Jacob Böhme va transposer dans la nature
d’une part, et surtout en Dieu – ce qui sera considéré comme un blasphème par
les orthodoxies – ce fond obscur, sombre, ténébreux qu’il ne sent que trop en
lui-même. Il y a, selon notre théosophe, dans la nature divine quelque chose
d’obscur ; Dieu n’est pas une réalité statique : il doit « naître » par la
victoire de la Lumière sur cette source ténébreuse. Böhme décrit, de façon
mythique, ce processus de « naissance » du Dieu Vivant : de la source obscure à
la Lumière par l’Amour. Jacob Böhme pourra décrire ce même processus à l’œuvre
dans la nature, dans l’histoire, et en chaque être humain : « la naissance de
Dieu » en l’âme humaine est alors perçue, selon ce même dynamisme, comme une
victoire du Christ (ou du « principe lumineux ») sur le fondement ténébreux de
la personne (l’enfer ou l’angoisse) qui aboutit à la paix et à la joie de
l’Esprit Saint.
Malgré son côté parfois
obscur, il y a un souffle spirituel fort chez Böhme, qui a eu une très grande
influence sur toute une frange très marginalisée de nos Églises, l’« ésotérisme
chrétien ». Certains adeptes du New Age se réclament de sa pensée, et tenter de
mieux le comprendre pourrait nous permettre de créer des ponts avec cette
mouvance, par delà les anathèmes réciproques.
Trois aspects de la
pensée de Böhme me semblent très actuels :
– La grande question à la
base de la démarche de Böhme est aussi actuelle : nous sommes confrontés à la
question lancinante du mal. Böhme ne va pas donner une explication, mais il décrit
un processus de libération, que nous devons accomplir en nous-mêmes.
– Ce processus spirituel
a des parentés avec la psychologie des profondeurs, notamment d’obédience
jungienne (Jung s’est d’ailleurs réclamé de notre théosophe) : la prise en
compte de ce que Jung appelle l’ombre permet l’unification de la personne, son
« individuation ».
Toutefois la mystique de
Böhme, coupée de son expérience vive, peut donner lieu à des spéculations
stériles. Böhme nous donne alors un critère souple de discernement pour toute
voie « d’ésotérisme » : ce voyage intérieur me conduit-il au Christ présent en
moi et à la paix de l’Esprit Saint ou est-ce simplement une spéculation
dangereuse dans laquelle l’homme reste prisonnier de ses propres constructions
mentales ?
Tersteegen (1697-1769)
Avec Gerhard Tersteegen,
nous pénétrons dans un tout autre univers spirituel, moins obscur, plus proche
de la simplicité évangélique et de la grande tradition mystique chrétienne. Il
convient de donner des indications biographiques sur celui qu’on a pu appeler
un « saint protestant » et qui est malheureusement très peu connu, faute de
traductions, dans l’espace francophone.
Tersteegen a impressionné
ses contemporains par la cohérence totale entre sa vie et son enseignement, sa
piété et sa personne, sa pensée et son action. Il place très haut l’idéal de
sanctification, hérité de sa tradition réformée. Il naît en 1697 à la frontière
entre l’Allemagne et les Pays Bas dans une famille de tisserands. Après des
études excellentes, notamment dans l’apprentissage des langues (ce qui lui
permettra de traduire des textes mystiques), il se voit dans l’obligation
financière de travailler jeune et deviendra tisserand. Il fait une expérience
spirituelle forte, sous l’influence notamment de cercles piétistes, et décide
de vivre une vie érémitique, en traduisant des textes de la tradition mystique
catholique (notamment les écrits de Madame Guyon, qui l’ont fortement
influencé) et en se faisant « rubanier ». Tersteegen va écrire de nombreux
poèmes saisissants où, dans des formules très courtes, il donne un condensé de
son expérience mystique. Il fera aussi beaucoup d’accompagnement spirituel, et
donnera des enseignements (au grand dam du pasteur local qui n’apprécie guère
son rayonnement !).
Tersteegen cherche Dieu
par le silence intérieur :
« Ô âme, sors de ta
volonté propre
Rentre en toi et fais
silence.
Dans le fond de ton âme,
Dieu est proche.
Celui qui perd tout, là,
il Le trouve. »
« Dieu est tout près, Il
est en toi : ne le cherche plus au loin !
Dieu est Dieu dans les
cœurs – Il aime à se donner aux cœurs.
Fais demi-tour ! Rentre
en toi ! Par Dieu seul tu seras comblé !
Abandonne-Lui ta personne
et tes biens et qu’Il en fasse ce qu’Il veut !
Ce que tu fais, fais-le
pour Lui ! Ne regarde ni ta personne, ni tes œuvres. »
La mystique de Tersteegen
est très proche de celle de Madame Guyon, peut-être plus apaisée, sans les
excès de cette dernière. On peut la qualifier d’ascétique, puisqu’elle est
préparée par un retrait du monde, un silence extérieur qui facilite le silence
intérieur, un rejet de la dispersion et dissipation extérieures qui permet une
unification intérieure. L’abandon de la volonté propre est au centre de cette
mystique : il permet de laisser le cœur vide pour que Dieu vienne l’habiter.
Tersteegen parle très souvent de rentrer en soi-même, il préconise donc une
démarche d’intériorisation, pour découvrir (par l’abandon progressif des sens,
des sentiments, des idées) ce « fond » où Dieu « révèle sa présence ». Il
développe ainsi des thèmes traditionnels de la tradition mystique : ce fond est
semblable à l’« étincelle divine » en l’homme de Maître Eckhart ou de la « fine
pointe de l’âme » de François de Sales. Cette conception mystique lui permet
d’échapper au « sentimentalisme » piétiste, car le « sentiment » est encore du
domaine des « sensations » et est donc à dépasser. Quand l’homme entre dans le
« repos », c’est Dieu qui peut agir à l’intérieur de l’âme totalement
abandonnée pour la faire avancer dans la voie spirituelle.
Tersteegen, à la suite de
Madame Guyon mais aussi de Luther, insiste sur ce caractère « passif » de la
vie mystique : il met souvent en garde contre la tentation de vouloir
construire par soi-même sa vie spirituelle, de vouloir en avoir la maîtrise. La
vraie « piété » consiste à laisser l’Esprit agir en soi ; la seule « œuvre » de
l’homme est de se rendre disponible et d’écarter tout ce qui pourrait être un
obstacle à l’action intérieure de l’Esprit. Tersteegen exprime cette idée en
recourant à l’image biblique du potier :
« On doit être comme de
l’argile informe dans la main de Dieu. Cette main d’amour nous forme comme elle
le veut. (...) Elle rend doux et passif, elle nous apprend à abandonner toute
volonté. (...) Elle nous isole dans un lieu vide de toute vie propre ou
étrangère, où Dieu est le seul et entier trésor des âmes 5. »
Tersteegen est
profondément attaché à la Bible
Est-il encore besoin de
préciser que la mystique de Tersteegen est profondément biblique ? Tersteegen
peut nous aider à vivre une spiritualité enracinée dans la Bible sans tomber
dans le fondamentalisme. Dans son traité « Instruction pour une juste
compréhension et une bonne utilisation de l’Écriture » qui ouvre son Chemin de
vérité, Tersteegen propose une véritable méthode de lectio divina protestante.
La lectio divina est la méthode monastique de lecture de la Bible ; elle
consiste en une méditation de la Parole de Dieu en plusieurs étapes, afin de
permettre d’y entendre la voix divine s’adressant personnellement au cœur de
chacun.
Dans ce traité,
Tersteegen s’oppose aux spiritualistes qui prétendent se passer de l’Écriture
qu’ils considèrent comme trop « extérieure » et aux rationalistes qui la vident
de toute saveur spirituelle. Il va dégager cinq points principaux pour une
juste compréhension de l’Écriture, cinq attitudes spirituelles qui nous
permettent de recevoir ce qu’elle veut nous donner. Ce sont : la prière, la
mise en pratique, le renoncement, le recueillement et la souffrance.
La prière implique une
attitude d’humilité devant l’Écriture ; elle consiste à nous décharger de tous
nos pseudo-savoirs : il ne faut pas venir à l’Écriture en croyant déjà la
connaître, mais, par la prière, nous pouvons nous rendre disponibles à ce que
Dieu veut nous donner par sa Parole.
L’Écriture est essentiellement
pratique (et non théorique), il faut donc mettre en pratique ce que l’on a déjà
compris de la vie chrétienne pour avancer dans une compréhension toujours plus
profonde de la volonté divine.
Le renoncement à soi est
– nous l’avons déjà vu – au centre de la mystique de Tersteegen : Dieu ne peut
se communiquer qu’à un cœur dépouillé, parfaitement détaché, qui ne cherche pas
dans l’Écriture un quelconque avantage personnel.
Le recueillement est la
pratique de la contemplation de la Divinité présente en notre fond ; c’est la
condition pour que l’Écriture ne demeure pas une parole purement extérieure,
mais qu’elle devienne cette Parole que Dieu veut prononcer au plus intime de
chaque personne.
Enfin Tersteegen
mentionne la souffrance, car la vraie connaissance est donnée aux cœurs brisés
qui ne s’appuient pas sur leurs forces, mais attendent tout secours de Dieu.
Des conseils concrets
pour une méditation chrétienne
En plus de ces principes,
Tersteegen va donner aussi des conseils très concrets pour la pratique d’une «
méditation chrétienne » ayant pour centre l’Écriture sainte.
Il nous conseille, dans
un premier temps, de nous abstraire de nos occupations quotidiennes pour entrer
dans le recueillement, en un moment mis à part pour la lecture de la Bible et
sa méditation, à l’image de Marie aux pieds de Jésus (Lc 10,38-42) :
« Rassemble d’abord tes
sens et ta pensée loin des distractions extérieures : avec Marie, assieds-toi
en esprit aux pieds de Jésus et lis aussitôt dans le plus grand recueillement
et la plus grande tranquillité les paroles de l’Écriture telles qu’elles sont
dans leur extériorité, dans l’attente que Dieu te fasse entendre en même temps
les mots de son Esprit dans leur intériorité 6. »
On voit l’équilibre que
Tersteegen ne cesse de maintenir entre l’extériorité de l’Écriture et
l’intériorité d’une Parole intime. Tersteegen recommande ensuite de recevoir
l’Écriture comme une parole qui nous est personnellement adressée et qui ne
concerne que nous-mêmes : « Ne t’en sers pas pour regarder et juger les autres,
pour les instruire et les convertir, mais pour toi-même. C’est toi la personne
concernée. » L’Écriture est donnée avant tout pour notre édification, notre «
mûrissement spirituel » ; il faut donc en faire une lecture « existentielle »
et non intellectuelle. Surtout n’y cherchons pas des arguments pour asséner nos
propres idées. Comme le dit joliment Tersteegen, qui devait avoir rencontré
dans les milieux piétistes pas mal de combats à coup de versets bibliques : «
l’Écriture est une pharmacie et non une armurerie » ! Le but est de mettre en
pratique ce qui est dit, mais en faisant attention toutefois à ne pas voir dans
la Bible qu’un livre de morale et à ne pas trop compter sur ses propres forces
pour accomplir le commandement divin. L’Écriture, en effet, nous renvoie
toujours au Christ et c’est Lui qui, en nous, accomplira la volonté divine.
Notre auteur déconseille d’avoir recours, lors du temps de méditation, à des
commentaires ou des explications « humaines » ; il faut simplement laisser
l’Esprit lui-même nous ouvrir l’Écriture et nous toucher au cœur. Enfin,
Tersteegen nous recommande de ne pas avaler l’Écriture comme des gourmands en
lisant trop pendant la méditation, mais plutôt de laisser résonner en nous un
verset (et non de raisonner sur lui).
Voilà beaucoup de
conseils pratiques, mais n’oublions pas le but principal de l’Écriture qui est
de nous conduire au Christ :
« Ce but, c’est de nous
appeler hors de notre éloignement misérable, hors de la dispersion due à notre
état de créature et de notre individualisme, pour nous guider vers Dieu
lui-même, vers la communion ardente avec lui en Jésus Christ. Quand nous lisons
l’Écriture, il ne faut jamais perdre des yeux ce but final, sinon nous la
lisons en vain, et au lieu de devenir pour nous un moyen, elle devient un
obstacle. (...) Ce n’est pas l’Écriture qui peut nous donner la vie, mais
seulement le Christ dont l’Écriture témoigne. Ô âme va vers le Christ avant la
lecture, pendant la lecture et après la lecture. »
Tersteegen ne confond
donc pas l’Écriture avec la Parole de Dieu (comme le font les fondamentalistes)
: l’Écriture nous renvoie au Christ, seule Parole de Dieu capable de nous
donner la vie, qui est présent au plus intime de notre personne par son Esprit.
Enfin Tersteegen termine son instruction en rappelant que chacun est une
Écriture sainte par toute sa vie, un « Évangile vivant » comme le disait Madame
Guyon.
Tersteegen propose une
voie entre mouvance « évangélique » et protestantisme traditionnel
La mystique de Tersteegen
est entièrement d’inspiration biblique, et il me semble que sa lecture de
l’Écriture sainte pourrait nous aider à vivre un dialogue intra-protestant
entre la mouvance « évangélique » et le protestantisme traditionnel. Nous
l’avons déjà dit, les « évangéliques » sont les enfants du piétisme ; ils ont
repris à leur compte les préoccupations de renouveau spirituel du XVIIIe siècle
et l’ont fait fructifier, non sans le trahir parfois : qu’on songe par exemple
au caractère schématique et figé de l’expérience de conversion subite, qui
semble devenir, dans certains milieux, le seul modèle possible pour entrer dans
une vie de foi. Mais la difficulté principale pour vivre un dialogue fructueux
est le « fondamentalisme » de beaucoup de ces Églises, phénomène qui, sous sa
forme actuelle – qu’on pourrait qualifier d’« intégrisme protestant » – ne
remonte qu’au début du XXe siècle. Tersteegen (et avec lui l’ensemble du
piétisme originel) pourrait montrer qu’il existe une alternative entre une
lecture fondamentaliste de l’Écriture sainte (qui identifie la Bible avec la
Parole de Dieu) et une lecture rationalisante (qui en évacue le mystère) : une
réelle lecture spirituelle qui permette au croyant d’entendre à travers les
mots de la Bible la voix de Dieu qui parle à son cœur. Il faut dire aussi que
l’exégèse biblique « scientifique » a bien changé depuis l’époque de Tersteegen
: elle ne repose plus sur un rationalisme réducteur et elle peut nous aider à
ne pas tomber dans un « subjectivisme » proche du délire interprétatif.
Tersteegen rejoint aussi,
par beaucoup d’aspects de sa vie spirituelle, la démarche contemporaine en
matière de spiritualité. Giovanna della Croce, Carmélite italienne qui a écrit
un ouvrage sur Tersteegen, affirme à juste titre : « Son effort incessant pour
confronter la foi chrétienne avec la vie et la parole du Christ, sa recherche
de l’unité entre la théologie et la piété, avec la vision réaliste de
l’existence chrétienne qui en découle, son engagement pour l’homme concret, lié
au monde, pour donner une réponse personnelle à l’appel de Dieu dans la grâce :
tout cela constitue les composantes essentielles des problèmes posés
aujourd’hui à la conscience chrétienne au sujet de la relation de l’homme à
Dieu et de la spiritualité qu’elle exige 7. »
La mystique et le
protestantisme peuvent s’enrichir mutuellement
Il me semble, après ce
parcours trop bref sur mystique et protestantisme, qu’il nous faut vraiment
lever le malentendu qui perdure trop souvent dans les Églises protestantes au
sujet de cette forme de spiritualité et découvrir la richesse et la profondeur
de notre propre tradition.
La mystique pourrait
constituer aujourd’hui une chance pour le protestantisme, en lui permettant de
ne pas se figer dans un intellectualisme sans vie et un moralisme sans joie. De
son côté, le protestantisme pourrait aussi constituer une chance pour la
mystique, en lui permettant de ne pas se diluer dans une spiritualité « light
», un mysticisme exalté et crédule, et en lui donnant un ancrage dans une
tradition communautaire d’interprétation de la Bible.
En renouant avec leurs
traditions mystiques, les Églises de la Réforme pourraient devenir des lieux de
découverte ou d’approfondissement spirituels pour nos contemporains éloignés
des institutions ecclésiales. Peut-être alors, pourront-ils expérimenter qu’il
n’y a pas besoin de chercher trop loin, dans des religions ou pratiques
exotiques, de quoi répondre à leurs aspirations et qu’il existe au sein du
protestantisme des richesses spirituelles insoupçonnées.
Notes & Bibliographie
1 Pour cela, je me
permets de renvoyer à mon livre Le ciel est en toi. Introduction à la mystique
chrétienne, Genève, Labor et Fides, 2001.
2 Martin LUTHER, Le
traité de la liberté chrétienne in Œuvres, tome II, Genève, Labor et Fides,
1966, p. 282-283.
3 Cité par Gerhard
EBELING, Luther. Introduction à une réflexion théologique, Genève, Labor et
Fides, p. 96-97.
4 Jacob BÖHME, Les épîtres
théosophiques, Monaco, Editions du Rocher, 1980, p. 196.5 Cité par Hans Jürgen
SCHRADER, « Madame Guyon, le piétisme et la littérature de langue allemande »,
in Madame Guyon, Grenoble, Jérôme Million, 1997.
6 Toutes les citations de
ce paragraphe sont extraites de Gerhard TERSTEEGEN, « Instruction pour une
juste compréhension et une bonne utilisation de l’Écriture » in Chemin de
Vérité, Sentier de Villeméjane n°5, 1995, p.18-207 Cité par Bernd JASPERT, «
Tersteegen », in Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, tome 15, col.
260-271, Paris 1990, p.271.
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE :
L’auteur de l’article, Michel Cornuz, a participé à la rencontre organisée par
l’association œcuménique l’Amitié Rencontre entre Chrétiens, sur le thème : «
Quête spirituelle et aventures mystiques » qui s’est tenue du 4 au 11 juillet
2003 à la Baume. L’Association édite 4 fois par an un bulletin de grande
qualité qui présente des textes de réflexion riches et accessibles. (Pour tous
renseignements sur cette publication (où est paru l’article ci-dessus) vous
pouvez contacter Pierre Beauchamp, 33 rue Saint-Ouen, 14400 Caen).
Pour approfondir le sujet
de la mystique et du protestantisme, on lira par exemple :
Michel CORNUZ, Le
protestantisme et la mystique, Genève, Labor et Fides, 2003.
Pierre GISEL, « La
mystique en protestantisme, données et évaluation », in : Le supplément, numéro
214, sept 2000. Cet article comporte de précieux renseignements
bibliographiques
André GOUNELLE, « La
mystique selon Tillich », Laval théologique et philosophique, février 2003
SOURCE : http://www.evangile-et-liberte.net/elements/numeros/175/article9.html
À l’écoute de Gerhard
Tersteegen : comment devenir comme un enfant
Quand un enfant de grâce
entend ou lit qu’il lui est dit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de
tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta
force » (Mc
12.30), il ne se casse pas longtemps la tête pour avoir une
description exacte et un concept bien distinct de ce qu’est le coeur, l’âme, la
pensée, la force ainsi que de leurs caractéristiques ; il comprend bien que
Dieu le veut tout entier.
C’est pourquoi il n’a pas
besoin de faire un grand détour ; mais il sépare seulement son amour de tous
les autres éléments, il rassemble toutes les facultés de son âme comme un fagot
et il remet le tout entièrement à Dieu.
À mon avis, il agit avec
beaucoup plus d’intelligence qu’un autre qui aurait besoin d’une heure entière
pour saisir ce que chacun de ces mots signifie dans sa particularité, avant
d’arriver à l’acte de se remettre à Dieu et de l’aimer. Encore faut-il qu’il y arrive
et qu’il ne s’éloigne pas trop de son coeur en s’arrêtant à l’explication de ce
qu’est le coeur, au risque peut-être de ne plus pouvoir le trouver pour le
remettre à Dieu.
Je ne dis pas ces choses
dans l’intention de condamner toutes les explications de l’Ecriture ; mais pour
empêcher que l’on ne donne trop à la tête et pas assez au coeur, et que l’on
fasse de grands détours, alors que le temps de notre vie est tellement limité
et précieux.
(Gerhard
Tersteegen, Epître au sujet de la raison, sa capacité, son usage et son
abus en ce qui concerne les réalités divines, chapitre 1, dans Traités
spirituels, Labor et Fides, p. 101-102)
SOURCE : http://toutpoursagloire.com/a-lecoute-de-gerhard-tersteegen-comment-devenir-comme-un-enfant/
Bouquet spirituel offert
aux âmes religieuses
Un petit enfant.
Ah !si déjà l'on devenait,
Comme un enfant, sur
cette terre,
Le paradis on goûterait,
Et la paix, au sein de la guerre.
Humble et soumis est un
enfant;
Son petit cœur est doux
et calme.
Sa mère, donne, il est
content;
L'aigreur n'entre point
dans son âme.
On le lève, on le met au
lit,
On l’emmaillote, on le
délie,
Toujours doucement il
sourit;
En sa maman il se confie.
On l'oublie, eh bien! il
attend;
Tranquille, dans son
innocence,
Au mal jamais rien ne
comprend:
Le péché n'est point sa
science.
Ni des plaisirs, ni d'un
trésor,
Il n'a besoin pour se
distraire;
Donnez-lui, prenez-lui
votre or,
Il le laisse il n'en a
que faire.
Jamais, ni de près, ni de
loin,
Il ne craint des forts la
puissance.
D'appui pourtant il a
besoin;
Mais il n'a point de
défiance.
Dans ses yeux, comme en
un miroir,
La candeur se montre et
respire.
Dans son abandon, se fait
voir,
Le bien qu'il aime, sans le dire.
Au passé, comme à
l'avenir,
Jamais son petit cœur ne
pense;
Et lorsque Dieu vient le
bénir,
Il savoure en paix
l'existence.
Comment aurait-il du
chagrin?
Au sein de sa mère il
repose.
Le monde peut aller son
train;
Lui, se troublerait-il
sans cause?
Sur ses faibles pieds, un
enfant,
De marcher seul ne se
soucie;
Sa mère le tient
constamment;
Sur elle toujours il
s'appuie.
Si parfois il est
imprudent,
Lâche son guide et tombe
à terre,
On le relève en
l'essuyant;
Puis il ne quitte plus sa
mère.
Un petit enfant, sans
souci,
Tenir, porter, pose se
laisse:
Nul danger ne l'effraye;
aussi
Il ne se met point
détresse.
Il ignore ce que l'on
fait,
Ce que l'on dit, ce que
l'on pense;
Il jouit d'un calme
parfait,
Grâce à cette heureuse
innocence.
Il cherche, en tout
temps, son bonheur,
Dans les bras de sa bonne
mère;
Il la regarde avec
douceur,
D'un œil serein, ne rien
n'altère.
C'est là qu'il retrouve,
au besoin,
Le sein qui lui donne la
vie;
Il y dort, exempt de tout
soin;
Le monde ne lui donne
envie.
O doux, ô paisible
abandon!
Je te choisis pour ma
sagesse.
Du seigneur, c'est le
plus beau don;
Qu'à te saisir, mon cœur
s'empresse.
Jésus! rends-moi comme
l'enfant,
Dont toi-même cites
l'exemple.
Que ton Esprit, toujours
présent,
De mon cœur fasse son
saint temple.
Si, par ta grâce, je
deviens
Enfant de Dieu, sur cette
terre;
Je serai mis au rang des
tiens;
En toi, j'aurai trouvé ma
mère.
Une école de petits enfants.
Vous a-t-on parlé d'une
école,
Où l'homme redevienne
enfant?
Où le plus humble est le
plus grand;
Où de tout perdre on se
console?
Où l'on entende une
parole,
Qui seule rend le cœur
aimant?
Où l'on puisse entrer
librement,
Lorsqu'on n'a pas même
une obole?
Où l'on doive tout
désapprendre,
Tout oublier, pour être
heureux?
Où, d'un ami, l'on puisse
entendre
Un enseignement précieux?
Où le simple puisse
comprendre,
Cet ami qui se cache aux
yeux?
Où de sa main, l'on
puisse prendre,
Un aliment délicieux?
D'une école, où l'on nous
enseigne,
A tout quitter, pour tout
avoir?
Où sa propre vie on
dédaigne,
Pour une autre au ciel
recevoir?
Où la souffrance l'on ne
craigne?
Où l'on apprenne à ne
vouloir,
Qu'avancer et chercher le
règne,
D'un Roi, que notre œil
ne peut voir?
Allez cette école sainte,
Où la fraude ne peut
entrer;
Où l'on retrouve un cœur
sans feinte;
Où l'on se tait pour
adorer;
Où l'on ne ressent plus
l'atteinte
Du souci, qui vient nous
ronger;
Où l'on n'éprouve d'autre
crainte
Que celle de ne pas
aimer.
C'est l'école de
l’Évangile,
Où se révèle un
Dieu-Sauveur.
Viens, dit Jésus, tout
est facile,
A qui trouve son
Rédempteur;
Viens à moi, viens et
sois tranquille;
Mon enfant! donne-moi ton
cœur.
A me suivre, sois bien
docile,
Et tu trouveras le
bonheur
Culte en esprit et en
vérité
O Dieu !
Préserve-moi d'un langage trompeur;
Fais, qu'en sincérité,
mon faible cœur t'honore.
Garde-moi d'un culte
menteur;
Et que, jusqu'à ma fin,
en esprit je t'adore.
Renoncement à
soi-même
A l'amour de la créature,
Chrétien! ne livre point
ton cœur.
Fuis les penchants
secrets de ta faible nature,
Et renonce à toi-même en
suivant le Sauveur.
Dans le recueillement,
recherche Dieu ton père.
Reçois, comme un enfant,
ce qu'il veut t'accorder.
C'est au sein du repos,
que son Esprit opère.
Lui seul, donne une paix,
que rien ne peut troubler.
Droit au Sauveur!
Près du Sauveur est ta
patrie;
Mon âme! il faut t'en
souvenir.
Écoute sa voix, qui te
crie:
Viens à moi, pour ne
point mourir
Fuis les séductions du monde;
Éloigne-toi du ténébreux
sentier
Viens droit à moi; en moi
la paix abonde:
Pour l'obtenir, donne-toi
tout entier.
L'œillet
Les plus belles couleurs,
un parfum délicat,
Rehaussent de l’œillet la
corolle odorante.
Mais dis-moi, que fait
cette plante,
Pour avoir ce parfum et
ce brillant éclat?
Elle reçoit en paix, les
bienfaisants rayons
De l'astre qui la
vivifie,
Et, doucement épanouie,
De Dieu sans résister,
elle accepte les dons.
Sur toi, mon âme !
aussi, luit un astre puissant,
La splendeur du Très-Haut,
le Soleil de justice
Accepte de Jésus le divin
sacrifice,
Et dans la sainteté l'on
te verra croissant:
Le parfum des vertus de
toi s'exhalera;
Tu respireras Dieu, dans
la douce prière;
Tu réfléchiras sa
lumière;
En toi, par son Esprit,
il se glorifiera.
Le vrai
chemin.
Tout souffrir avec
patience;
Ne se confier qu'au
Sauveur;
Se reposer sur sa
puissance;
Se réjouir en lui,
l'aimer de tout son cœur;
L'adorer, le servir,
obéir en silence:
C'est le chemin du vrai
bonheur.
Dieu prend
soin des siens
Veux-tu jouir de la
présence
Du Dieu caché, qui
soutient ses enfants?
Veux-tu goûter, en
abondance,
De son secours, les
effets tout-puissants ?
Que ton cœur soit son
sanctuaire;
Peine et soucis, remets
tout en sa main;
Repose-toi sur lui; en
tout, laisse-le faire;
Il prendra soin du
lendemain.
Je suis ton
médecin, Dit le Seigneur.
Sur le sein de Jésus,
viens reposer ta tête
Chrétien souffrant! il
ressent tes douleurs.
Viens son amour, à te
guérir, s'apprête:
C'est lui, qui veut
sécher tes pleurs.
Échange
avantageux
Mon enfant veux-tu
posséder
Dieu, qui nourrit ton
âme?
Sache d'abord lui tout
céder:
De toi, tout il réclame.
Renonce au monde, au
temps; que plus rien de mortel,
N'empêche ton esprit de
chercher l’Éternel.
Que son Christ, de ton
cœur, soit la seule richesse.
Le trouver et l'aimer, c'est la seule sagesse.
Précaution nécessaire.
Lorsque le Seigneur, dans
sa grâce,
Sur toi fait resplendir
sa face;
Quand, par un don de sa
bonté,
Un pur rayon de sa
clarté,
Vient porte la paix dans
ton âme,
Et rendre la vigueur, ton
cœur abattu;
Chrétien! Garde-toi
d'imprudence:
Dans un humble et pieux
silence,
Sache, d'un tel bienfait,
savourer la vertu;
L'Esprit saint, le Dieu
qui console,
Est souvent attristé
d'une seule parole.
Crois-moi, cher ami! sois
discret;
Que Dieu seul sache ton
secret.
Lorsque je
suis faible, c'est alors que je suis fort.
Je suis un pauvre enfant,
sans force et sans appui.
Des milliers d'ennemis
environnent mon âme.
Je n'ai que toi, Jésus!
pour calmer mon ennui;
Je retrouve la paix,
quand mon cœur te réclame.
Sur ton sein paternel, tu
me reçois, Seigneur!
Et de mes ennemis, je
suis plus que vainqueur.
L'ami de mon
cœur.
Tout homme a son objet
qu'il aime,
Son plus doux
passe-temps, son compagnon chéri;
Il cherche en cet autre
lui-même,
Et son bonheur, et son
appui.
Son âme le contemple et
son cœur le désire;
C'est là qu'il voit tout
son bonheur.
Après toi seul,
Jésus ! le vrai chrétien soupire.
Oh viens ! sois
l'ami de mon cœur
Rien par
vaine gloire.
Crains les pièges du
Tentateur,
Lorsqu'on t'adresse des
louanges:
Humble, comme un enfant,
à l'exemple des anges,
Repousse, loin de toi,
tout éloge flatteur.
Le disciple de Christ ne
veut point plaire au monde;
Il recherche, avant tout,
de Dieu la paix profonde
Brebis du bon berger, il
n'entend que sa voix,
Et porte, de Jésus, et
l'opprobre et la croix.
De
quelle manière prient la plupart des hommes ?
Ils demandent à Dieu de
venir dans leurs cœurs;
Il vient et les ingrats
sont occupés ailleurs.
Le premier
lot du chrétien.
Au dehors, l'opprobre et
l'ennui;
Crainte au dedans,
saintes tristesses:
Voilà ton premier lot,
dans les saintes promesses,
Si du Seigneur Jésus, sur
toi, la grâce a lui.
Pleurer et
aimer.
Jésus entend tes soupirs;
Jésus voit toutes tes
larmes.
Prie, aime, dans tes
alarmes:
Il remplira tes désirs.
La
meilleure visite.
Mon âme! Dieu t'attend,
dans le fond de ton être
Et tu cours au dehors,
pour dissiper tes sens.
Ah! ne laisse pas, seul,
attendre un si bon maître;
N'attends pas qu'il soit loin, pour offrir ton encens.
L'amour.
Ton âme est à l'étroit,
ton cœur est tout de glace;
De ton culte, la crainte
est l'unique moteur.
Viens à Dieu, par amour,
et bientôt, de sa grâce,
Les rayons bienfaisants
réchaufferont ton cœur.
Rien que
Dieu.
Ne rien avoir que Dieu,
quand on sait qu'il nous aime;
Ne rien vouloir que lui,
que plaire à son amour;
Ne rien pouvoir qu'en
lui; être mort à soi-même;
N'être rien, c'est là
tout: souviens-t'en chaque jour.
Une seule chose est
nécessaire.
Cherche, en tout et
partout, la chose nécessaire:
Désirer davantage, est
tout perdre à la fois
Vis sans cesse en Jésus;
lui seul conduit au Père;
Le reste est vanité, dans
tout ce que tu vois.
Le recueillement.
Avec fidélité, fais
toujours toute chose,
Aussi bien que tu peux,
que tu dois, que tu sais.
Mais Liens-toi recueilli;
que ton cœur se repose;
Et, tout en agissant,
garde une douce paix.
Toujours prêt.
Si, dans l'éternité, le
Dieu fort rappelant
De cette heure, ici-bas,
faisait ta dernière heure,
Trouverais-tu sa paix, en
quittant ta demeure?
Hâte-toi! En Jésus,
cherche-la, maintenant.
La
poussière.
En bas, tend la
poussière, et toi-même es poussière
Dans les airs, cependant,
le vent la fait monter.
Puisse ainsi, par Jésus,
l'Esprit qui vient du Père,
En soufflant sur ton
cœur, vers les cieux l'emporter!
La reconnaissance.
Pense toujours, mon âme!
aux biens que Dieu t'a faits:
Il a donné, pour toi, le
Fils de sa tendresse.
De te donner à lui, son
grand amour te presse:
Voudrais-tu, cœur ingrat!
mépriser ses bienfaits?
Le tuteur.
N'offense plus ton Dieu,
par de vaines alarmes;
Des frayeurs, des soucis,
dégage enfin ton cœur.
Christ est, des
orphelins, le céleste tuteur.
Il veille aussi sur toi:
que crains-tu sous ses armes?
Le bon
lot.
Veux-tu, de tous les
dons, recevoir le meilleur?
A posséder Jésus,
applique-toi, mon âme!
Renonce à tout, pour lui
et bientôt, de sa flamme,
Un feu pure et divin
pénétrera ton cœur.
Ou:
De tous les lots, le plus
parfait,
Est, de Jésus l'amour
suprême.
Si tu vides ton cœur, du
monde et de toi-même,
Bientôt, de cet amour, tu sentiras l'effet.
La tristesse selon Dieu et la tristesse du monde.
Soupirer vers Jésus,
c'est la bonne tristesse;
Elle adoucit le cœur, le
rend humble et soumis.
Ne regarder qu'à soi, se
créer des soucis:
C'est, d'un cœur
orgueilleux, la mortelle faiblesse.
Toujours en
guerre et pourtant en paix.
Étouffe, sans pitié, le
péché, dans ton cœur;
Tiens la chair et les
sens, dans une étroite gène;
Mais, qu'au dedans,
l'esprit, libre de tout chaîne,
Sans craindre et sans douter,
s'abandonne au Seigneur.
Le ciel
ici-bas.
Que Dieu, de ton esprit,
soit l'unique soleil;
Nourris-toi des rayons,
qu'en ton âme, il envoie.
Ton cœur alors, serein,
au firmament pareil,
Dans un calme divin,
resplendira de joie.
Une douce
vie.
Regarder constamment vers
la sainte patrie;
Tenir sans cesse à Dieu,
par un lien d'amour;
S’affranchir du péché; le
quitter sans détour:
C'est là, tout le secret
de la plus douce vie.
L'heureuse
pauvreté.
Heureux, cent fois
heureux, le cœur vraiment fidèle,
Qui renonce, gaiment, à
tout, pour le Seigneur!
Il quitte tout pour Dieu;
il se tient sous son aile;
Quoique pauvre, il est
riche, et c'est là son bonheur.
L'humilité
Fais le bien; jamais ne
désire,
Que l'on parle de ta
vertu:
D'humilité sois revêtu,
Et qu'à vivre ignoré,
toujours ton cœur aspire.
La vie en
Dieu
Qu'en Dieu, soit ton
plaisir; qu'en Dieu seul, soit ta vie;
A demeurer en lui,
consacre tous tes soins.
Si, d'aucun autre objet,
tu n'as plus nulle envie,
Tu sauras être en paix
dans les plus grands besoins.
L'union avec Christ
Jésus, l'Oint du
Seigneur, veut s'unir à ton âme:
De ton âme, Chrétien! il
veut être l'époux.
Accordes-tu le oui, que
son amour réclame ?
Il est près de ton cœur:
viens, tombe à ses genoux.
École de
silence.
Les vains discours sont
une preuve,
D'un esprit et d'un cœur
distrait:
Quand, de la vie en Dieu,
une âme fait l'épreuve,
En s'approchant de lui,
elle adore et se tait.
SOURCE : https://fr.wikisource.org/wiki/Bouquet_spirituel_offert_aux_%C3%A2mes_religieuses
TERSTEEGEN, GERHARD (1697-1769),
German religious writer, was born on the 25th of November 1697, at Mors, at
that time the capital of a countship belonging to the house of Orange-Nassau
(it fell to Prussia in 1702), which formed a Protestant enclave in the midst of
a Catholic country. After being educated at the gymnasium of his native town,
Tersteegen was for some years apprenticed to a merchant. He soon came under the
influence of Wilhelm Hoffman, a pietistic revivalist, and devoted himself to
writing and public speaking, withdrawing in 1728 from all secular pursuits and
giving himself entirely to religious work. His writings include a collection of
hymns {Das geislliche Blumengartlein, 1729; new edition, Stuttgart, 1868), a
volume of Gebete, and another of Briefe, besides translations. of the writings
of the French mystics. He died at Muhlheim in Westphalia on the 3rd of April
1769.
See Hymns, and the
article by Eduard Simons in Herzog-Hauck, Realencyklopddie, vol. xix. (ed.
1907).
1911 Encyclopædia Britannica, Volume 26
SOURCE : https://en.wikisource.org/wiki/1911_Encyclop%C3%A6dia_Britannica/Tersteegen,_Gerhard
GERHARD TERSTEEGEN,
HYMN-WRITER AND MYSTIC
While Benjamin Schmolck
must be regarded as the greatest of Lutheran hymn-writers in Germany during the
eighteenth century, Gerhard Tersteegen holds the same distinction among German
Reformed hymnists. Except for the Wesleys in England, no man during his age
exerted so great a spiritual influence in evangelical circles of all lands as
did Tersteegen. In some respects his religious views bordered on fanaticism, but
no one could question his deep sincerity and his earnest desire to live the
life hidden with Christ in God.
Born at Mörs, Rhenish
Prussia, November 25, 1697, Tersteegen was only six years old when his father
died. It had been the plan of his parents that he should become a Reformed
minister, but the death of the father made it impossible for the mother to
carry out this purpose. At the age of sixteen he was apprenticed to a merchant,
and four years later entered business on his own account.
Although he was only
twenty years old at this time, he began to experience seasons of deep spiritual
despondency. This lasted for nearly five years, during which time he changed
his occupation to that of silk weaving, since he desired more time for prayer
and meditation. It was not until the year 1724, while on a journey to a
neighboring town, that light seemed to dawn on his troubled soul, and he was
filled with the assurance that God’s grace in Christ Jesus was sufficient to
atone for all sin. In the joy and peace which he had found, he immediately
wrote the beautiful 124 hymn, “How gracious, kind and good, my great High
Priest, art Thou.”
From this time until the
close of his life, Tersteegen began to devote his energies more and more to
religious work and literary activities. An independent religious movement known
as “Stillen im Lande” had begun about this time, and he soon became known as a
leader among these people.
Tersteegen had already
ceased to associate with his friends in the Reformed Church, and had gone over to
religious mysticism. In one of his strange spiritual moods he wrote what he
called “a covenant between himself and God” and signed it with his own blood.
Finally he gave up
business pursuits entirely, and his home became the refuge of multitudes of
sick and spiritually troubled people. It came to be known as the “Pilgrim’s
Hut,” from the fact that many found a temporary retreat there, as well as
spiritual help and guidance. Tersteegen also traveled extensively in his own
district, and made frequent visits to Holland to hold meetings there.
Tersteegen never married,
and for this reason he was accused of teaching celibacy. Several sects,
including the Moravians, sought to induce him to become one of their number,
but he steadfastly refused to identify himself with any organized church body.
He died at Mülheim, April 30, 1769.
Tersteegen’s hymns, as
well as his other writings, reflect his spirit of mysticism. His soul was
imbued with the sense of the nearness of God, and, through a life of spiritual
communion and a renunciation of the world, he developed a simplicity of faith
and a child-like trust that found beautiful expression in his hymns.
Two of these, “Thou
hidden love of God whose height” and “Lo, God is here, let us adore,” made a
deep impression 125 on John Wesley, who translated the former during his visit
to Georgia in 1736. Wesley became familiar with Tersteegen’s hymns through
contact with Moravian pilgrims who were crossing the Atlantic on the same ship
on which he sailed. “Lo, God is here, let us adore” has several English
versions, including “God is in His temple” and “God Himself is present.”
Another of Tersteegen’s
hymns, “God calling yet! shall I not hear?” is one of the most stirring calls
to repentance in all the realm of Christian hymnody. It was rendered into
English by Mrs. Sarah Borthwick Findlater in the series of translations known
as “Hymns from the Land of Luther.”
Other noted hymns by
Tersteegen include “Jesus, whom Thy Church doth own,” “O Love divine, all else
transcending,” and “Triumph, ye heavens,” the latter a Christmas lyric of
exultant strain.
Tersteegen’s conception
of the high place which hymnody should occupy in Christian worship is revealed
in his writings. He says: “The pious, reverential singing of hymns has
something angelic about it and is accompanied by divine blessing. It quiets and
subdues the troubled emotions; it drives away cares and anxieties; it
strengthens, refreshes and encourages the soul; it draws the mind unconsciously
from external things, lifts up the soul to joyful adoration, and thus prepares
us to worship in spirit and in truth. We should sing with the spirit of
reverence, with sincerity, simplicity and hearty desire.... When you sing, O
soul, remember that you are as truly communing with the holy and omnipresent
God as when you are praying. Consider that you are standing in spirit before
the throne of God with countless thousands of angels and spirits of the just
and that you are blending your weak praises with the music of heaven. Serve the
Lord with fear, and rejoice with trembling.”
Story of Our
Hymns by Ernest Edwin Ryden : http://www.ccel.org/ccel/ryden/hymnstory
SOURCE : http://www.ccel.org/ccel/ryden/hymnstory.p2.c19.html
Der
Grabstein des deutschen Kirchenlieddichters Gerhard Tersteegen an der Petrikirche in Mülheim an der Ruhr,
errichtet 1838 in der Nähe der vermuteten Begräbnisstelle[1]
Gerhard Tersteegen Eremita
25 novembre 1697 - 3
aprile 1769
La notte tra il 2 e il 3
aprile del 1769 muore nella solitudine volontaria Gerhard Tersteegen, testimone
del vangelo. Gerhard era nato a Moers, in Renania, in una famiglia di
tradizione riformata. A vent'anni cominciò ad avvertire una vocazione alla vita
ritirata, ai margini del mondo, e molto presto sentì di dover colmare questo
vuoto che si era creato nella sua esistenza con un'intensa vita spirituale.
Influenzato da un lato dal radicamento biblico proprio della sua cultura
protestante, dall'altro dalla lettura dei mistici medievali, Tersteegen avviò
un'esperienza per molti aspetti assimilabile al monachesimo. Munito di una
piccola regola che disciplinava il suo lavoro di tessitore, lo studio e la
preghiera, accolse un amico desideroso di vivere da celibe in fraternità con
lui. Tersteegen vedeva nella vita fraterna una forma di nascondimento in Cristo
conforme all'insegnamento neotestamentario sulla vita cristiana. Con gli anni
il suo affinato discernimento divenne un patrimonio condiviso con moltissime
persone, che gli scrivevano o andavano a trovarlo per ricevere consigli
spirituali. Consapevole dell'esigenza di risveglio religioso che emergeva ormai
in tutta la Germania e nei Paesi Bassi, Gerhard accettò di alternare alla
propria solitudine un servizio itinerante di predicazione. Egli visse in tal
modo fino alla fine dei suoi giorni, aiutando coloro che volevano stabilire
delle «case di pellegrini», come amava chiamare i piccoli focolari di lavoro e
di preghiera simili a quello cui lui stesso aveva dato vita. Alla purezza
evangelica della sua teologia esperienziale e delle sue predicazioni si
riferiranno Kierkegaard, Bultmann e Barth, mentre Bonhoeffer troverà grande
conforto nelle sue poesie.
Tersteegen commenta in modo eccellente nel brano evangelico dei magi: «I dottori della Legge seppero indicare il luogo dove doveva esser nato il Messia, ma essi rimasero pacificamente in Gerusalemme, non lo andarono a cercare. Ahimè, a questo modo si può conoscere tutto il cristianesimo, ma senza che muova alcuno. Quel potere che muoveva cielo e terra, non mosse neppure uno di loro».
Tersteegen è sempre incomparabile. Io trovo in lui pietà vera e nobile e una sapienza semplice.
Dove c'è allora più verità: nei tre re che corrono dietro a un vago indizio, o nei dottori della Legge che con tutto il loro sapere se ne stanno fermi?
(S. Kierkegaard, Diario 3035)
Un giorno dice all'altro:
«La mia vita è un errare
verso la grande eternità».
O eternità, così bella,
abitua il mio cuore a te;
la mia patria non è di questo tempo.
(G. Tersteegen)
Fonte : www.monasterodibose.it
SOURCE : https://www.santiebeati.it/Detailed/98592.html
Voir aussi : http://www.poetryfoundation.org/bio/gerhard-tersteegen