Giotto (1266–1337),
Allegorie
delle Virtù: Spes (Speranza, Hope, Espérance),
1306, 120 x 60, Scrovegni Chapel
LETTRE ENCYCLIQUE
SPE SALVI
DU SOUVERAIN PONTIFE
BENOÎT XVI
AUX ÉVÊQUES
AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES
AUX PERSONNES CONSACRÉES
ET À TOUS LES FIDÈLES LAÏCS
SUR L'ESPÉRANCE CHRÉTIENNE
SPE SALVI
DU SOUVERAIN PONTIFE
BENOÎT XVI
AUX ÉVÊQUES
AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES
AUX PERSONNES CONSACRÉES
ET À TOUS LES FIDÈLES LAÏCS
SUR L'ESPÉRANCE CHRÉTIENNE
Introduction
1. « SPE SALVI facti sumus
» – dans l'espérance nous avons été sauvés, dit saint Paul aux Romains et à
nous aussi (Rm 8, 24). Selon la foi chrétienne, la « rédemption », le
salut n'est pas un simple donné de fait. La rédemption nous est offerte en ce
sens que nous a été donnée l'espérance, une espérance fiable, en vertu de
laquelle nous pouvons affronter notre présent: le présent, même un présent
pénible, peut être vécu et accepté s'il conduit vers un terme et si nous
pouvons être sûrs de ce terme, si ce terme est si grand qu'il peut justifier
les efforts du chemin. Maintenant, une question s'impose immédiatement: mais de
quel genre d'espérance s'agit-il pour pouvoir justifier l'affirmation selon
laquelle, à partir d'elle, et simplement parce qu'elle existe, nous sommes
rachetés? Et de quel genre de certitude est-il question?
La foi est espérance
2. Avant de nous consacrer à ces
questions, aujourd'hui particulièrement fréquentes, nous devons écouter encore
un peu plus attentivement le témoignage de la Bible sur l'espérance. De fait «
espérance » est un mot central de la foi biblique – au point que, dans certains
passages, les mots « foi » et « espérance » semblent interchangeables. Ainsi,
la Lettre aux Hébreux lie étroitement à la « plénitude de la foi » (10,
22) « l'indéfectible profession de l'espérance » (10, 23). De même, lorsque la
Première Épître de Pierre exhorte les chrétiens à être toujours prêts à
rendre une réponse à propos du logos – le sens et la raison – de leur
espérance (cf. 3, 15), « espérance » est équivalent de « foi ». Ce qui a été
déterminant pour la conscience des premiers chrétiens, à savoir le fait d'avoir
reçu comme don une espérance crédible, se manifeste aussi là où est mise en
regard l'existence chrétienne avec la vie avant la foi, ou avec la situation
des membres des autres religions. Paul rappelle aux Éphésiens que, avant leur
rencontre avec le Christ, ils étaient « sans espérance et sans Dieu dans le
monde » (cf. Ep 2, 12). Naturellement, il sait qu'ils avaient eu des
dieux, qu'ils avaient eu une religion, mais leurs dieux s'étaient révélés discutables
et, de leurs mythes contradictoires, n'émanait aucune espérance. Malgré les
dieux, ils étaient « sans Dieu » et, par conséquent, ils se trouvaient dans un
monde obscur, devant un avenir sombre. « In nihil ab nihilo quam cito
recidimus » (Du néant dans le néant, combien rapidement nous retombons),[1]
dit une épitaphe de l'époque – paroles dans lesquelles apparaît sans ambiguïté
ce à quoi Paul fait référence. C'est dans le même sens qu'il dit aux
Thessaloniciens: vous ne devez pas être « abattus comme les autres, qui n'ont
pas d'espérance » (1 Th 4, 13). Ici aussi, apparaît comme élément
caractéristique des chrétiens le fait qu'ils ont un avenir: ce n'est pas qu'ils
sachent dans les détails ce qui les attend, mais ils savent de manière générale
que leur vie ne finit pas dans le néant. C'est seulement lorsque l'avenir est
assuré en tant que réalité positive que le présent devient aussi vivable.
Ainsi, nous pouvons maintenant dire: le christianisme n'était pas seulement une
« bonne nouvelle » – la communication d'un contenu jusqu'à présent ignoré. Dans
notre langage, nous dirions: le message chrétien n'était pas seulement «
informatif », mais « performatif ». Cela signifie que l'Évangile n'est pas
uniquement une communication d'éléments que l'on peut connaître, mais une
communication qui produit des faits et qui change la vie. La porte obscure du
temps, de l'avenir, a été ouverte toute grande. Celui qui a l'espérance vit
différemment; une vie nouvelle lui a déjà été donnée.
3. Maintenant se pose la question
suivante: en quoi consiste cette espérance qui, comme espérance, est «
rédemption »? En fait: le cœur même de la réponse est donné dans le passage de
la Lettre aux Éphésiens cité précédemment: avant leur rencontre avec le
Christ, les Éphésiens étaient sans espérance, parce qu'ils étaient « sans Dieu
dans le monde ». Parvenir à la connaissance de Dieu, le vrai Dieu, cela
signifie recevoir l'espérance. Pour nous qui vivons depuis toujours avec le
concept chrétien de Dieu et qui nous y sommes habitués, la possession de
l'espérance, qui provient de la rencontre réelle avec ce Dieu, n'est presque
plus perceptible. L'exemple d'une sainte de notre temps peut en quelque manière
nous aider à comprendre ce que signifie rencontrer ce Dieu, pour la première
fois et réellement. Je pense à l'Africaine Joséphine Bakhita, canonisée par le
Pape Jean-Paul II. Elle était née vers 1869 – elle ne savait pas elle-même la
date exacte – dans le Darfour, au Soudan. À l'âge de neuf ans, elle fut enlevée
par des trafiquants d'esclaves, battue jusqu'au sang et vendue cinq fois sur
des marchés soudanais. En dernier lieu, comme esclave, elle se retrouva au
service de la mère et de la femme d'un général, et elle fut chaque jour battue
jusqu'au sang; il en résulta qu'elle en garda pour toute sa vie 144 cicatrices.
Enfin, en 1882, elle fut vendue à un marchand italien pour le consul italien
Callisto Legnani qui, face à l'avancée des mahdistes, revint en Italie. Là,
après avoir été jusqu'à ce moment la propriété de « maîtres » aussi terribles,
Bakhita connut un « Maître » totalement différent – dans le dialecte vénitien,
qu'elle avait alors appris, elle appelait « Paron » le Dieu vivant, le Dieu de
Jésus Christ.
Jusqu'alors, elle n'avait connu
que des maîtres qui la méprisaient et qui la maltraitaient, ou qui, dans le
meilleur des cas, la considéraient comme une esclave utile. Cependant, à
présent, elle entendait dire qu'il existait un « Paron » au-dessus de tous les
maîtres, le Seigneur des seigneurs, et que ce Seigneur était bon, la bonté en
personne. Elle apprit que ce Seigneur la connaissait, elle aussi, qu'il l'avait
créée, elle aussi – plus encore qu'il l'aimait. Elle aussi était aimée, et
précisément par le « Paron » suprême, face auquel tous les autres maîtres ne
sont, eux-mêmes, que de misérables serviteurs. Elle était connue et aimée, et
elle était attendue. Plus encore, ce Maître avait lui-même personnellement dû
affronter le destin d'être battu et maintenant il l'attendait « à la droite de
Dieu le Père ». Désormais, elle avait une « espérance » – non seulement la
petite espérance de trouver des maîtres moins cruels, mais la grande espérance:
je suis définitivement aimée et quel que soit ce qui m'arrive, je suis attendue
par cet Amour. Et ainsi ma vie est bonne. Par la connaissance de cette
espérance, elle était « rachetée », elle ne se sentait plus une esclave, mais
une fille de Dieu libre. Elle comprenait ce que Paul entendait lorsqu'il
rappelait aux Éphésiens qu'avant ils étaient sans espérance et sans Dieu dans
le monde – sans espérance parce que sans Dieu. Aussi, lorsqu'on voulut la
renvoyer au Soudan, Bakhita refusa-t-elle; elle n'était pas disposée à être de
nouveau séparée de son « Paron ». Le 9 janvier 1890, elle fut baptisée et
confirmée, et elle fit sa première communion des mains du Patriarche de Venise.
Le 8 décembre 1896, à Vérone, elle prononça ses vœux dans la Congrégation des Sœurs
canossiennes et, dès lors – en plus de ses travaux à la sacristie et à la
porterie du couvent –, elle chercha surtout dans ses différents voyages en
Italie à appeler à la mission: la libération qu'elle avait obtenue à travers la
rencontre avec le Dieu de Jésus Christ, elle se sentait le devoir de l'étendre,
elle devait la donner aussi aux autres, au plus grand nombre de personnes
possible. L'espérance, qui était née pour elle et qui l'avait « rachetée »,
elle ne pouvait pas la garder pour elle; cette espérance devait rejoindre
beaucoup de personnes, elle devait rejoindre tout le monde.
Le concept d'espérance
fondée sur la foi, dans le Nouveau Testament et dans l'Église primitive
4. Avant d'affronter la question
de savoir si la rencontre avec le Dieu qui, dans le Christ, nous a montré son
Visage et qui a ouvert son Cœur peut être aussi pour nous non seulement de type
« informatif », mais aussi « performatif », à savoir si elle peut transformer
notre vie de manière que nous nous sentions rachetés par l'espérance que cette
rencontre exprime, revenons encore à l'Église primitive. Il n'est pas difficile
de se rendre compte que l'expérience de la petite esclave africaine Bakhita a
été aussi l'expérience de nombreuses personnes battues et condamnées à
l'esclavage à l'époque du christianisme naissant. Le christianisme n'avait pas
apporté un message social révolutionnaire comme celui de Spartacus, qui, dans
des luttes sanglantes, avait échoué. Jésus n'était pas Spartacus, il n'était
pas un combattant pour une libération politique, comme Barabbas ou Bar-Khoba.
Ce que Jésus, personnellement mort sur la croix, avait apporté était quelque
chose de totalement différent: la rencontre avec le Seigneur de tous les
seigneurs, la rencontre avec le Dieu vivant, et ainsi la rencontre avec
l'espérance qui était plus forte que les souffrances de l'esclavage et qui, de
ce fait, transformait de l'intérieur la vie et le monde. Ce qui était advenu de
nouveau apparaît avec une plus grande évidence dans la Lettre de saint
Paul à Philémon. Il s'agit d'une lettre très personnelle, que Paul écrit
dans sa prison et qu'il confie à l'esclave fugitif Onésime pour son maître –
Philémon précisément. Oui, Paul renvoie l'esclave à son maître, de chez qui il
avait fui, et il le fait non pas en ordonnant, mais en priant: « J'ai quelque
chose à te demander pour mon enfant à qui, dans ma prison, j'ai donné la vie du
Christ... Je te le renvoie, lui qui est une part de moi-même... S'il a été
éloigné de toi pendant quelque temps, c'est peut-être pour que tu le retrouves
définitivement, non plus comme un esclave, mais, bien mieux qu'un esclave,
comme un frère bien-aimé » (Phm 10-16). Les hommes qui, selon leur
condition sociale, ont entre eux des relations de maîtres et d'esclaves, en
tant que membres de l'unique Église, sont devenus frères et sœurs les uns des
autres – c'est ainsi que les chrétiens se nomment les uns les autres. En vertu
du Baptême, ils avaient été régénérés, ils s'étaient abreuvés du même Esprit et
ils recevaient ensemble, côte à côte, le Corps du Seigneur. Même si les
structures extérieures demeuraient identiques, cela changeait la société, de
l'intérieur. Si la Lettre aux Hébreux dit que les chrétiens n'ont pas
ici-bas une demeure stable, mais qu'ils cherchent la demeure future (cf. He
11, 13-16: Ph 3, 20), cela est tout autre qu'un simple renvoi à une
perspective future: la société présente est considérée par les chrétiens comme
une société imparfaite; ils appartiennent à une société nouvelle, vers laquelle
ils sont en chemin et qui, dans leur pèlerinage, est déjà anticipée.
5. Nous devons ajouter encore un
autre point de vue. La Première Lettre aux Corinthiens (1, 18-31) nous
montre qu'une bonne part des premiers chrétiens appartenaient aux couches
sociales basses et, précisément pour cela, étaient disposés à faire
l'expérience de la nouvelle espérance, comme nous l'avons vu dans l'exemple de
Bakhita. Cependant, depuis les origines, il y avait aussi des conversions dans
les couches aristocratiques et cultivées, puisqu'elles vivaient, elles aussi, «
sans espérance et sans Dieu dans le monde ». Le mythe avait perdu sa
crédibilité; la religion d'État romaine s'était sclérosée en un simple
cérémonial, qui était exécuté scrupuleusement, mais qui était désormais réduit
à une simple « religion politique ». Le rationalisme philosophique avait
cantonné les dieux dans le champ de l'irréel. Le Divin était vu sous
différentes formes dans les forces cosmiques, mais un Dieu que l'on puisse
prier n'existait pas. Paul illustre de manière particulièrement appropriée la
problématique essentielle de la religion d'alors, lorsqu'il oppose à la vie «
selon le Christ » une vie sous la seigneurie des « éléments du cosmos » (cf.
Col 2, 8). Dans cette perspective, un texte de saint Grégoire de Nazianze
peut être éclairant. Il dit que le moment où les mages, guidés par l'étoile,
adorèrent le nouveau roi, le Christ, marqua la fin de l'astrologie, parce que
désormais les étoiles tournaient selon l'orbite déterminée par le Christ.[2]
De fait, dans cette scène, est inversée la conception du monde d'alors qui,
sous une forme différente, est en vogue encore aujourd'hui. Ce ne sont pas les
éléments du cosmos, les lois de la matière qui, en définitive, gouvernent le
monde et l'homme, mais c'est un Dieu personnel qui gouverne les étoiles, à
savoir l'univers; ce ne sont pas les lois de la matière et de l'évolution qui
sont l'instance ultime, mais la raison, la volonté, l'amour – une Personne. Et
si nous connaissons cette Personne et si elle nous connaît, alors vraiment
l'inexorable pouvoir des éléments matériels n'est plus l'instance ultime; alors
nous ne sommes plus esclaves de l'univers et de ses lois, alors nous sommes
libres. Dans l'antiquité, une telle conscience a déterminé les esprits sincères
qui étaient en recherche. Le ciel n'est pas vide. La vie n'est pas un simple
produit des lois et des causalités de la matière, mais, en tout, et en même
temps au-dessus de tout, il y a une volonté personnelle, il y a un Esprit qui,
en Jésus, s'est révélé comme Amour.[3]
6. Les sarcophages des débuts du
christianisme illustraient de manière visible cette conception devant la mort,
face à laquelle la question concernant la signification de la vie devient
inévitable. La figure du Christ est interprétée sur les sarcophages antiques
surtout au moyen de deux images: celle du philosophe et celle du pasteur. Par
philosophie, à l'époque, on n'entendait pas, en général, une discipline
académique difficile telle qu'elle se présente aujourd'hui. Le philosophe était
plutôt celui qui savait enseigner l'art essentiel: l'art d'être homme de
manière droite – l'art de vivre et de mourir. Depuis longtemps déjà, les hommes
s'étaient certainement rendu compte qu'une grande partie de ceux qui
circulaient comme philosophes, comme maîtres de vie, était seulement des
charlatans qui, par leurs paroles, se procuraient de l'argent, tandis qu'ils
n'avaient rien à dire sur la vie véritable. On cherchait d'autant plus le vrai
philosophe qui saurait indiquer vraiment la voie de la vie. Vers la fin du
troisième siècle, nous trouvons pour la première fois à Rome, sur le sarcophage
d'un enfant, dans le contexte de la résurrection de Lazare, le Christ comme
figure du vrai philosophe qui, dans une main, tient l'Évangile et, dans
l'autre, le bâton de voyage du philosophe. Avec son bâton, il est vainqueur de
la mort; l'Évangile apporte la vérité que les philosophes itinérants avaient
cherchée en vain. Dans cette image, qui est restée dans l'art des sarcophages
durant une longue période, il est évident que les personnes cultivées comme les
personnes simples reconnaissaient le Christ: il nous dit qui, en réalité, est
l'homme et ce qu'il doit faire pour être vraiment homme. Il nous indique la
voie et cette voie est la vérité. Il est lui-même à la fois l'une et l'autre,
et donc il est aussi la vie dont nous sommes tous à la recherche. Il indique
aussi la voie au delà de la mort; seul celui qui est en mesure de faire ainsi
est un vrai maître de vie. La même chose est visible dans l'image du pasteur.
Comme dans la représentation du philosophe, l'Église primitive pouvait aussi,
dans la figure du pasteur, se rattacher à des modèles existant dans l'art
romain. Dans ce dernier, le pasteur était en général l'expression du rêve d'une
vie sereine et simple, dont les gens avaient la nostalgie dans la confusion de
la grande ville. L'image était alors perçue dans le cadre d'un scénario nouveau
qui lui conférait un contenu plus profond: « Le Seigneur est mon berger: je ne
manque de rien... Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi » (Ps 22 [23], 1. 4). Le vrai pasteur est Celui qui
connaît aussi la voie qui passe par les ravins de la mort; Celui qui marche
également avec moi sur la voie de la solitude ultime, où personne ne peut
m'accompagner, me guidant pour la traverser: Il a parcouru lui-même cette voie,
il est descendu dans le royaume de la mort, il l'a vaincu et il est maintenant
revenu pour nous accompagner et pour nous donner la certitude qu’avec Lui on
trouve un passage. La conscience qu'existe Celui qui m'accompagne aussi dans la
mort et qui, « avec son bâton, me guide et me rassure », de sorte que « je ne
crains aucun mal » (Ps 22 [23], 4), telle était la nouvelle « espérance
» qui apparaissait dans la vie des croyants.
7. Nous devons encore une fois
revenir au Nouveau Testament. Dans le onzième chapitre de la Lettre aux
Hébreux (v. 1), on trouve une sorte de définition de la foi, qui relie
étroitement cette vertu à l'espérance. Autour de la parole centrale de cette
phrase, s'est créée, depuis la Réforme, une discussion entre les exégètes, où
semble s'ouvrir aujourd'hui la voie vers une interprétation commune. Pour le
moment, je laisse cette parole centrale non traduite: la phrase sonne donc
ainsi: « La foi est l'hypostasis des biens que l'on espère, la preuve
des réalités qu'on ne voit pas ». Pour les Pères et pour les théologiens du
Moyen-Âge, il était clair que la parole grecque hypostasis devait être
traduite en latin par le terme substantia. La traduction latine du
texte, née dans l'Église antique, dit donc: « Est autem fides sperandarum
substantia rerum, argumentum non apparentium » – la foi est la « substance
» des réalités à espérer; la preuve des réalités qu'on ne voit pas. Utilisant
la terminologie de la tradition philosophique dans laquelle il se trouve,
Thomas d'Aquin [4]
l'explique ainsi: la foi est un « habitus », c'est-à-dire une
disposition constante de l'esprit, grâce à laquelle la vie éternelle prend
naissance en nous et grâce à laquelle la raison est portée à consentir à ce
qu'elle ne voit pas. Le concept de « substance » est donc modifié dans le sens
que, par la foi, de manière initiale, nous pourrions dire « en germe » – donc
selon la « substance » – sont déjà présents en nous les biens que l'on espère –
la totalité, la vraie vie. Et c'est précisément parce que les biens eux-mêmes
sont déjà présents que la présence de ce qui se réalisera crée également la
certitude: ces « biens » qui doivent venir ne sont pas encore visibles dans le
monde extérieur (ils « n'apparaissent » pas), mais en raison du fait que, comme
réalité initiale et dynamique, nous les portons en nous, naît déjà maintenant
une certaine perception de ces biens. À Luther, pour qui la Lettre aux
Hébreux comme telle n'était pas très sympathique, le concept de « substance
», dans le contexte de sa vision de la foi, ne disait rien. C'est pourquoi il
comprit le terme hypostase/substance non dans le sens objectif (de
réalité présente en nous), mais dans le sens subjectif, comme expression d'une
disposition et, par conséquent, il dut naturellement comprendre aussi le terme argumentum
comme une disposition du sujet. Cette interprétation s'est affermie au
vingtième siècle – au moins en Allemagne – même dans l'exégèse catholique, de
sorte que la traduction œcuménique du Nouveau Testament en langue allemande,
approuvée par les Évêques, dit: « Glaube aber ist: Feststehen in dem, was
man erhofft, Überzeugtsein von dem, was man nicht sieht » (La foi consiste
à être ferme en ce que l'on espère, à être convaincu de ce que l'on ne voit
pas). En soi, cela n'est pas faux, mais ce n'est pas cependant le sens du
texte, parce que le terme grec utilisé (elenchos) n'a pas la valeur
subjective de « conviction », mais la valeur objective de « preuve ». c’est
donc à juste titre que l'exégèse protestante récente est parvenue à une
conviction différente: « Mais maintenant, on ne peut plus mettre en doute que
cette interprétation protestante, devenue classique, est insoutenable ».[5]
La foi n'est pas seulement une tension personnelle vers les biens qui doivent
venir, mais qui sont encore absents; elle nous donne quelque chose. Elle nous
donne déjà maintenant quelque chose de la réalité attendue, et la réalité
présente constitue pour nous une « preuve » des biens que nous ne voyons pas
encore. Elle attire l'avenir dans le présent, au point que le premier n'est
plus le pur « pas-encore ». Le fait que cet avenir existe change le présent; le
présent est touché par la réalité future, et ainsi les biens à venir se
déversent sur les biens présents et les biens présents sur les biens à venir.
8. Cette explication est
renforcée ultérieurement et elle se rapporte à la vie concrète si nous
considérons le verset 34 du chapitre 10 de la Lettre aux Hébreux qui, en
ce qui concerne l'aspect linguistique et le contenu, est lié à la définition
d'une foi remplie d'espérance et qui la prépare. Ici, l'auteur parle aux
croyants qui ont subi l'expérience de la persécution et il leur dit: « Vous
avez pris part aux souffrances des prisonniers; vous avez accepté avec joie la
spoliation de vos biens (hyparchonton – Vulgate: bonorum),
sachant que vous étiez en possession de biens meilleurs (hyparxin –
Vulgate: substantiam) et stables. « Hyparchonta » sont les
propriétés, ce qui, dans la vie terrestre, constitue le fondement, à savoir la
base, la « substance » pour la vie, sur laquelle on compte. Cette « substance
», la sécurité normale dans la vie, a été enlevée aux chrétiens au cours des
persécutions. Ils ont supporté ces dernières parce qu'ils considéraient de
toute façon cette substance matérielle comme négligeable. Ils pouvaient
l'abandonner, parce qu'ils avaient trouvé une « base » meilleure pour leur
existence – une base qui demeure et que personne ne peut enlever. On ne peut
pas ne pas voir le lien qui court entre ces deux sortes de « substance », entre
le fondement, ou base matérielle, et l'affirmation de la foi comme « base »,
comme « substance » qui demeure. La foi confère à la vie une base nouvelle, un
nouveau fondement sur lequel l'homme peut s'appuyer et ainsi le fondement
habituel, la fiabilité des revenus matériels, justement se relativise. Il se
crée une nouvelle liberté face à ce fondement de la vie, qui n’est
qu’apparemment en mesure de l'entretenir, bien que sa signification normale ne
soit par là certainement pas niée. Cette nouvelle liberté, la conscience de la
nouvelle « substance » qui nous a été donnée, ne s'est pas révélée seulement
dans le martyre, où les personnes se sont opposées au pouvoir extrême de
l'idéologie et de ses organes politiques, et, par leur mort, ont renouvelé le
monde. Elle s'est manifestée surtout dans les grands renoncements à partir des
moines de l'antiquité jusqu'à François d'Assise et aux personnes de notre
époque qui, dans les Ordres modernes et dans les Mouvements religieux, par
amour pour le Christ, ont tout laissé pour porter aux hommes la foi et l'amour
du Christ, pour aider les personnes qui souffrent dans leur corps et dans leur
âme. Là, la nouvelle « substance » s'est montrée réellement comme la «
substance »; de l'espérance des personnes touchées par le Christ a jailli
l'espérance pour d'autres qui vivaient dans les ténèbres et sans espérance. Là
il s'est vérifié que cette nouvelle vie possède vraiment la « substance » et
qu'elle est une « substance » qui suscite la vie pour les autres. Pour nous qui
regardons ces figures, leur façon d’agir et de vivre est de fait une « preuve »
que les biens à venir, la promesse du Christ, ce n’est pas seulement une
réalité attendue, mais une véritable présence: Il est vraiment le « philosophe
» et le « pasteur » qui nous indique ce qu'est la vie et où elle est.
9. Pour comprendre plus en
profondeur cette réflexion sur les deux espèces de substance – hypostasis et
hyparchonta – et sur les deux modes de vie qu'elles expriment, nous devons
réfléchir encore brièvement sur deux mots concernant cet question qui se
trouvent dans le dixième chapitre de la Lettre aux Hébreux. Il s'agit
des mots hypomone (10, 36) et hypostole (10, 39). Hypomone
se traduit normalement par « patience » – persévérance, constance. Savoir
attendre en supportant patiemment les épreuves est nécessaire au croyant pour
pouvoir « obtenir la réalisation de la promesse » (cf. 10, 36). Dans l'ambiance
religieuse du judaïsme antique, ce mot était utilisée de manière expresse pour
parler de l'attente de Dieu qui caractérise Israël, à savoir persévérer dans la
fidélité à Dieu, en se fondant sur la certitude de l'Alliance, dans un monde
qui est en opposition à Dieu. Ainsi, le mot indique une espérance vécue, une
vie fondée sur la certitude de l'espérance. Dans le Nouveau Testament, cette
attente de Dieu, le fait d'être du côté de Dieu, prend une nouvelle
signification: dans le Christ, Dieu s'est manifesté. Il nous a communiqué
désormais la « substance » des biens à venir, et l'attente de Dieu obtient
ainsi une nouvelle certitude. C’est l’attente des biens à venir à partir d'un
présent déjà donné. En présence du Christ, avec le Christ présent, c’est
l’attente que son Corps se complète, dans la perspective de sa venue
définitive. Au contraire, par hypostole est exprimé l’attitude de qui
fait défection et n'ose pas dire ouvertement et avec franchise la vérité, qui
peut mettre en danger. Se cacher devant les hommes par esprit de crainte par
rapport à eux conduit à la « perdition » (He 10, 39). « Ce n'est pas un
esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de
sagesse » – c'est ainsi que, par une belle expression, la Seconde Lettre à
Timothée (1, 7) caractérise l'attitude fondamentale du chrétien.
La vie éternelle –
qu'est-ce que c'est?
10. Jusqu'à présent, nous avons
parlé de la foi et de l'espérance dans le Nouveau Testament et aux origines du
christianisme; il a cependant toujours été évident que nous ne parlons pas
uniquement du passé; la réflexion dans son intégralité intéresse la vie et la
mort de l'homme en général, et donc nous intéresse nous aussi, ici et
maintenant. Cependant, nous devons à présent nous demander de manière
explicite: la foi chrétienne est-elle aussi pour nous aujourd'hui une espérance
qui transforme et soutient notre vie? Est-elle pour nous « performative » – un
message qui forme de manière nouvelle la vie elle-même, ou est-elle désormais
simplement une « information » que, entre temps, nous avons mise de côté et qui
nous semble dépassée par des informations plus récentes? Dans la recherche
d'une réponse, je voudrais partir de la forme classique du dialogue par lequel
le rite du Baptême exprimait l'accueil du nouveau-né dans la communauté des
croyants et sa renaissance dans le Christ. Le prêtre demandait d'abord quel nom
les parents avaient choisi pour l'enfant, et il poursuivait ensuite par la
question: « Que demandez-vous à l'Église? » Réponse: « La foi ». « Et que donne
la foi? » « La vie éternelle ». Dans le dialogue, les parents cherchaient pour
leur enfant l'accès à la foi, la communion avec les croyants, parce qu'ils
voyaient dans la foi la clé de « la vie éternelle ». En fait, aujourd'hui comme
hier, c'est de cela qu’il s'agit dans le Baptême, quand on devient chrétien:
non seulement d'un acte de socialisation dans la communauté, non pas simplement
d'un accueil dans l'Église. Les parents attendent plus pour le baptisé: ils
attendent que la foi, dont fait partie la corporéité de l'Église et de ses
sacrements, lui donne la vie – la vie éternelle. La foi est la substance de
l'espérance. Mais alors se fait jour la question suivante: voulons-nous
vraiment cela – vivre éternellement? Peut-être aujourd'hui de nombreuses
personnes refusent-elles la foi simplement parce que la vie éternelle ne leur
semble pas quelque chose de désirable. Ils ne veulent nullement la vie
éternelle, mais la vie présente, et la foi en la vie éternelle semble, dans ce
but, plutôt un obstacle. Continuer à vivre éternellement – sans fin – apparaît
plus comme une condamnation que comme un don. Bien sûr, on voudrait renvoyer la
mort le plus loin possible. Mais vivre toujours, sans fin – en définitive, cela
peut être seulement ennuyeux et en fin de compte insupportable. C'est
précisément cela que dit par exemple saint Ambroise, Père de l'Église, dans le
discours funèbre pour son frère Saturus: « La mort n'était pas naturelle, mais
elle l'est devenue; car, au commencement, Dieu n'a pas créé la mort; il nous
l'a donnée comme un remède [...] à cause de la transgression; la vie des hommes
commença à être misérable dans le travail quotidien et dans des pleurs
insupportables. Il fallait mettre un terme à son malheur, afin que sa mort lui
rende ce que sa vie avait perdu. L'immortalité serait un fardeau plutôt qu'un
profit, sans le souffle de la grâce ».[6]
Auparavant déjà, Ambroise avait dit: « La mort ne doit pas être pleurée,
puisqu'elle est cause de salut ».[7]
11. Quel que soit ce que saint
Ambroise entendait dire précisément par ces paroles – il est vrai que
l'élimination de la mort ou même son renvoi presque illimité mettrait la terre
et l'humanité dans une condition impossible et ne serait même pas un bénéfice
pour l'individu lui-même. Il y a clairement une contradiction dans notre
attitude, qui renvoie à une contradiction intérieure de notre existence
elle-même. D'une part, nous ne voulons pas mourir; surtout celui qui nous aime
ne veut pas que nous mourions. D'autre part, il est vrai que nous ne désirons
pas non plus continuer à exister de manière illimitée et même la terre n'a pas
été créée dans cette perspective. Alors, que voulons-nous vraiment? Ce paradoxe
de notre propre attitude suscite une question plus profonde: qu'est-ce en
réalité que la « vie »? Et que signifie véritablement « éternité »? Il y a des
moments où nous le percevons tout à coup: oui, ce serait précisément cela – la
vraie « vie » – ainsi devrait-elle être. Par comparaison, ce que, dans la vie
quotidienne, nous appelons « vie », en vérité ne l'est pas. Dans sa longue
lettre sur la prière adressée à Proba, une veuve romaine aisée et mère de trois
consuls, Augustin écrivit un jour: dans le fond, nous voulons une seule chose –
« la vie bienheureuse », la vie qui est simplement vie, simplement « bonheur ».
En fin de compte, nous ne demandons rien d'autre dans la prière. Nous ne
marchons vers rien d'autre – c'est de cela seulement qu’il s'agit. Mais
ensuite, Augustin ajoute aussi: en regardant mieux, nous ne savons pas de fait
ce qu'en définitive nous désirons, ce que nous voudrions précisément. Nous ne
connaissons pas du tout cette réalité; même durant les moments où nous pensons
pouvoir la toucher, nous ne la rejoignons pas vraiment. « Nous ne savons pas ce
que nous devons demander », confesse-t-il avec les mots de saint Paul (Rm 8,
26). Nous savons seulement que ce n'est pas cela. Toutefois, dans notre
non-savoir, nous savons que cette réalité doit exister. « Il y a donc en nous,
pour ainsi dire, une savante ignorance (docta ignorantia) », écrit-il.
Nous ne savons pas ce que nous voudrions vraiment; nous ne connaissons pas
cette « vraie vie »; et cependant, nous savons qu'il doit exister un quelque
chose que nous ne connaissons pas et vers lequel nous nous sentons poussés.[8]
12. Je pense qu'Augustin
décrivait là de manière très précise et toujours valable la situation
essentielle de l'homme, la situation d'où proviennent toutes ses contradictions
et toutes ses espérances. Nous désirons en quelque sorte la vie elle-même, la
vraie vie, qui ne finisse pas par être atteinte par la mort; mais, en même
temps, nous ne connaissons pas ce vers quoi nous nous sentons poussés. Nous ne
pouvons pas cesser de nous diriger vers cela et cependant nous savons que tout
ce que nous pouvons expérimenter ou réaliser n'est pas ce à quoi nous aspirons.
Cette « chose » inconnue est la véritable « espérance », qui nous pousse et le
fait qu'elle soit ignorée est, en même temps, la cause de toutes les
désespérances comme aussi de tous les élans positifs ou destructeurs vers le
monde authentique et vers l'homme authentique. L'expression « vie éternelle »
cherche à donner un nom à cette réalité connue inconnue. Il s'agit
nécessairement d'une expression insuffisante, qui crée la confusion. En effet,
« éternel » suscite en nous l'idée de l'interminable, et cela nous fait peur; «
vie » nous fait penser à la vie que nous connaissons, que nous aimons et que
nous ne voulons pas perdre et qui est cependant, en même temps, plus faite de
fatigue que de satisfaction, de sorte que, tandis que d'un côté nous la
désirons, de l'autre nous ne la voulons pas. Nous pouvons seulement chercher à
sortir par la pensée de la temporalité dont nous sommes prisonniers et en
quelque sorte prévoir que l'éternité n'est pas une succession continue des
jours du calendrier, mais quelque chose comme le moment rempli de satisfaction,
dans lequel la totalité nous embrasse et dans lequel nous embrassons la
totalité. Il s'agirait du moment de l'immersion dans l'océan de l'amour infini,
dans lequel le temps – l'avant et l'après – n'existe plus. Nous pouvons
seulement chercher à penser que ce moment est la vie au sens plénier, une immersion
toujours nouvelle dans l'immensité de l'être, tandis que nous sommes simplement
comblés de joie. C'est ainsi que Jésus l'exprime dans Jean: « Je vous reverrai,
et votre cœur se réjouira; et votre joie, personne ne vous l'enlèvera » (16,
22). Nous devons penser dans ce sens si nous voulons comprendre ce vers quoi
tend l'espérance chrétienne, ce que nous attendons par la foi, par notre être
avec le Christ.[9]
L'espérance chrétienne
est-elle individualiste?
13. Au cours de leur histoire,
les chrétiens ont cherché à traduire en figures représentables ce savoir qui ne
sait pas, en développant des images du « ciel » qui restent toujours éloignées
de ce que, précisément, nous connaissons seulement négativement, à travers une
non-connaissance. Toutes ces tentatives de représentation de l'espérance ont
donné à de nombreuses personnes, au fil des siècles, l'élan pour vivre en se
fondant sur la foi et en abandonnant aussi, de ce fait, leurs « hyparchonta
», les substances matérielles pour leur existence. L'auteur de la Lettre
aux Hébreux, dans le onzième chapitre, a tracé une sorte d'histoire de ceux
qui vivent dans l'espérance et du fait qu'ils sont en marche, une histoire qui
va d'Abel à son époque. À l'époque moderne, une critique toujours plus dure de
cette sorte d'espérance s'est développée: il s'agirait d'un pur individualisme,
qui aurait abandonné le monde à sa misère et qui se serait réfugié dans un
salut éternel uniquement privé. Dans l'introduction à son œuvre fondamentale «
Catholicisme. Aspects sociaux du dogme », Henri de Lubac a recueilli
certaines opinions de ce genre, qui méritent d'être citées: « Ai-je trouvé la
joie? Non [...]. J'ai trouvé ma joie. Et c'est terriblement autre chose [...].
La joie de Jésus peut être personnelle. Elle peut appartenir à un seul homme,
et il est sauvé. Il est en paix [...] pour maintenant et pour toujours, mais
seul. Cette solitude de joie ne l'inquiète pas, au contraire: il est l'élu.
Dans sa béatitude, il traverse les batailles une rose à la main ».[10]
14. Face à cela, de Lubac, en se
fondant sur la théologie des Pères dans toute son ampleur, a pu montrer que le
salut a toujours été considéré comme une réalité communautaire. La Lettre
aux Hébreux parle d'une « cité » (cf. 11, 10.16; 12, 22; 13, 14) et donc
d'un salut communautaire. De manière cohérente, le péché est compris par les
Pères comme destruction de l'unité du genre humain, comme fragmentation et
division. Babel, le lieu de la confusion des langues et de la séparation, se
révèle comme expression de ce qu’est fondamentalement le péché. Et ainsi, la «
rédemption » apparaît vraiment comme le rétablissement de l'unité, où nous nous
retrouvons de nouveau ensemble, dans une union qui se profile dans la
communauté mondiale des croyants. Il n'est pas nécessaire que nous nous
occupions ici de tous les textes dans lesquels apparaît le caractère
communautaire de l'espérance. Restons dans la Lettre à Proba, où
Augustin tente d'illustrer un peu cette réalité connue inconnue dont nous
sommes à la recherche. Le point de départ est simplement l'expression « vie
bienheureuse ». Puis il cite le Psaume 144 [143], 15: « Bienheureux le
peuple dont le Seigneur est le Dieu ». Et il continue: « Pour faire partie de
ce peuple et que nous puissions parvenir [...] à vivre avec Dieu pour toujours,
“le but du précepte, c'est l'amour qui vient d'un cœur pur, d'une bonne
conscience et d'une foi sincère” (1 Tm 1, 5) ».[11]
Cette vie véritable, vers laquelle nous cherchons toujours de nouveau à tendre,
est liée au fait d'être en union existentielle avec un « peuple » et, pour
toute personne, elle ne peut se réaliser qu'à l'intérieur de ce « nous ». Elle
présuppose donc l'exode de la prison de son propre « moi », parce que c'est
seulement dans l'ouverture de ce sujet universel que s'ouvre aussi le regard
sur la source de la joie, sur l'amour lui-même – sur Dieu.
15. Cette vision de la « vie
bienheureuse » orientée vers la communauté vise en fait quelque chose au delà
du monde présent, mais c'est précisément ainsi qu'elle a aussi à voir avec
l'édification du monde – en des formes très diverses, selon le contexte
historique et les possibilités offertes ou exclues par lui. Au temps
d'Augustin, lorsque l'irruption de nouveaux peuples menaçait la cohésion du
monde, où était donnée une certaine garantie de droit et de vie dans une
communauté juridique, il s'agissait de fortifier le fondement véritablement
porteur de cette communauté de vie et de paix, afin de pouvoir survivre au
milieu des mutations du monde. Jetons plutôt au hasard un regard sur un moment
du Moyen-Âge selon certains aspects emblématiques. Dans la conscience commune, les
monastères apparaissaient comme des lieux de fuite hors du monde («
contemptus mundi ») et de dérobade aux propres responsabilités dans le
monde, pour la recherche du salut personnel. Bernard de Clairvaux, qui, avec
son Ordre réformé, fit rentrer une multitude de jeunes dans les monastères,
avait sur cette question une vision bien différente. Selon lui, les moines ont
une tâche pour toute l'Église et par conséquent aussi pour le monde. Par de
nombreuses images, il illustre la responsabilité des moines pour tout
l'organisme de l'Église, plus encore, pour l'humanité; il leur applique la
parole du Pseudo-Ruffin: « Le genre humain vit grâce à peu de gens; s'ils
n'existaient pas, le monde périrait ».[12]
Les contemplatifs – contemplantes – doivent devenir des travailleurs
agricoles – laborantes –, nous dit-il. La noblesse du travail, que le
christianisme a héritée du judaïsme, était apparue déjà dans les règles
monastiques d'Augustin et de Benoît. Bernard reprend à nouveau ce concept. Les
jeunes nobles qui affluaient dans ses monastères devaient se plier au travail
manuel. En vérité, Bernard dit explicitement que pas même le monastère ne peut
rétablir le Paradis; il soutient cependant qu'il doit, étant comme lieu de
défrichage pratique et spirituel, préparer le nouveau Paradis. Un terrain
sauvage est rendu fertile – précisément tandis que sont en même temps abattus
les arbres de l'orgueil, qu'est enlevé ce qui pousse de sauvage dans les âmes
et qu'est préparé ainsi le terrain sur lequel peut prospérer le pain pour le
corps et pour l'âme.[13]
Ne nous est-il pas donné de constater de nouveau, justement face à l'histoire
actuelle, qu'aucune structuration positive du monde ne peut réussir là où les
âmes restent à l'état sauvage?
La transformation de la
foi-espérance chrétienne dans les temps modernes
16. Comment l'idée que le message
de Jésus est strictement individualiste et qu'il s'adresse seulement à
l'individu a-t-elle pu se développer? Comment est-on arrivé à interpréter le «
salut de l'âme » comme une fuite devant la responsabilité pour l'ensemble et à
considérer par conséquent que le programme du christianisme est la recherche
égoïste du salut qui se refuse au service des autres? Pour trouver une réponse
à ces interrogations, nous devons jeter un regard sur les composantes
fondamentales des temps modernes. Elles apparaissent avec une clarté
particulière chez Francis Bacon. Qu'une nouvelle époque soit née – grâce à la
découverte de l'Amérique et aux nouvelles conquêtes techniques qui ont marqué
ce développement –, c'est indiscutable. Cependant, sur quoi s'enracine ce
tournant d'une époque? C'est la nouvelle corrélation entre expérience et
méthode qui met l'homme en mesure de parvenir à une interprétation de la nature
conforme à ses lois et d'arriver ainsi, en définitive, à « la victoire de l'art
sur la nature » (victoria cursus artis super naturam).[14]
La nouveauté – selon la vision de Bacon – se trouve dans une nouvelle
corrélation entre science et pratique. Cela est ensuite appliqué aussi à la
théologie: cette nouvelle corrélation entre science et pratique signifierait
que la domination sur la création, donnée à l'homme par Dieu et perdue par le
péché originel, serait rétablie.[15]
17. Celui qui lit ces
affirmations et qui y réfléchit avec attention y rencontre un passage
déconcertant: jusqu'à ce moment, la récupération de ce que l'homme, dans
l'exclusion du paradis terrestre, avait perdu était à attendre de la foi en
Jésus Christ, et en cela se voyait la « rédemption ». Maintenant, cette «
rédemption », la restauration du « paradis » perdu, n'est plus à attendre de la
foi, mais de la relation à peine découverte entre science et pratique. Ce n'est
pas que la foi, avec cela, fût simplement niée: elle était plutôt déplacée à un
autre niveau – le niveau strictement privé et ultra-terrestre – et en même
temps elle devient en quelque sorte insignifiante pour le monde. Cette vision
programmatique a déterminé le chemin des temps modernes et influence aussi la
crise actuelle de la foi qui, concrètement, est surtout une crise de
l'espérance chrétienne. Ainsi, l'espérance reçoit également chez Bacon une
forme nouvelle. Elle s'appelle désormais foi dans le progrès. Pour Bacon en
effet, il est clair que les découvertes et les inventions tout juste lancées
sont seulement un début, que, grâce à la synergie des sciences et des
pratiques, s'ensuivront des découvertes totalement nouvelles et qu'émergera un
monde totalement nouveau, le règne de l'homme.[16]
C'est ainsi qu'il a aussi présenté une vision des inventions prévisibles –
jusqu'à l'avion et au submersible. Au cours du développement ultérieur de
l'idéologie du progrès, la joie pour les avancées visibles des potentialités
humaines demeure une constante confirmation de la foi dans le progrès comme
tel.
18. Dans le même temps, deux
catégories sont toujours davantage au centre de l'idée de progrès: la raison et
la liberté. Le progrès est surtout un progrès dans la domination croissante de
la raison et cette raison est considérée clairement comme un pouvoir du bien et
pour le bien. Le progrès est le dépassement de toutes les dépendances – il est
progrès vers la liberté parfaite. La liberté aussi est perçue seulement comme
une promesse, dans laquelle l'homme va vers sa plénitude. Dans les deux
concepts – liberté et raison – est présent un aspect politique. En effet, le
règne de la raison est attendu comme la nouvelle condition de l'humanité
devenue totalement libre. Cependant, les conditions politiques d'un tel règne
de la raison et de la liberté apparaissent, dans un premier temps, peu
définies. Raison et liberté semblent garantir par elles-mêmes, en vertu de leur
bonté intrinsèque, une nouvelle communauté humaine parfaite. Néanmoins, dans
les deux concepts-clé de « raison » et de « liberté », la pensée est aussi
tacitement toujours en opposition avec les liens de la foi et de l'Église comme
avec les liens des systèmes d'État d'alors. Les deux concepts portent donc en
eux un potentiel révolutionnaire d'une force explosive énorme.
19. Nous devons brièvement jeter
un regard sur les deux étapes essentielles de la concrétisation politique de
cette espérance, parce qu'elles sont d'une grande importance pour le chemin de
l'espérance chrétienne, pour sa compréhension et pour sa persistance. Il y a
avant tout la Révolution française comme tentative d'instaurer la domination de
la raison et de la liberté, maintenant aussi de manière politiquement réelle.
L'Europe de l'Illuminisme, dans un premier temps, s'est tournée avec
fascination vers ces événements, mais face à leurs développements, elle a dû
ensuite réfléchir de manière renouvelée sur la raison et la liberté. Les deux
écrits d'Emmanuel Kant, où il réfléchit sur les événements, sont significatifs
pour les deux phases de la réception de ce qui était survenu en France. En
1792, il écrit son œuvre: « Der Sieg des guten Prinzips über das böse und
die Gründung eines Reiches Gottes auf Erden » (La victoire du principe du
bien sur le principe mauvais et la constitution d'un règne de Dieu sur la
terre). Il y écrit: « Le passage progressif de la foi d'Église à l'autorité
unique de la pure foi religieuse est l'approche du royaume de Dieu ».[17]
Il nous dit aussi que les révolutions peuvent accélérer les temps de ce passage
de la foi d'Église à la foi rationnelle. Le « règne de Dieu », dont Jésus avait
parlé, a reçu là une nouvelle définition et a aussi pris une nouvelle présence;
il existe, pour ainsi dire, une nouvelle « attente immédiate »: le « règne de Dieu
» arrive là où la foi d'Église est dépassée et remplacée par la « foi
religieuse », à savoir par la simple foi rationnelle. En 1794, dans l'écrit «
Das Ende aller Dinge » (La fin de toutes les choses), apparaît une image
transformée. Kant prend alors en considération la possibilité que, à côté du
terme naturel de toutes les choses, il s'en trouve aussi un contre nature,
pervers. Il écrit à ce sujet: « Si le christianisme devait cesser d'être
aimable [...], on verrait nécessairement [...] l'aversion et la révolte
soulever contre lui le cœur de la majorité des hommes; et l'antéchrist, que
l'on considère de toute façon comme le précurseur du dernier jour, établirait
son règne (fondé sans doute sur la peur et l'égoïsme), fût-ce pour peu de
temps; et comme le christianisme, destiné à être la religion universelle,
serait alors frustré de la faveur du destin, on assisterait à la fin
(renversée) de toutes choses au point de vue moral ».[18]
20. Le dix-neuvième siècle ne
renia pas sa foi dans le progrès comme forme de l'espérance humaine et il
continua à considérer la raison et la liberté comme des étoiles-guides à suivre
sur le chemin de l'espérance. Les avancées toujours plus rapides du
développement technique et l'industrialisation qui lui est liée ont cependant
bien vite créé une situation sociale totalement nouvelle: il s'est formé la
classe des ouvriers de l'industrie et ce que l'on appelle le « prolétariat
industriel », dont les terribles conditions de vie ont été illustrées de
manière bouleversante par Friedrich Engels, en 1845. Pour le lecteur, il devait
être clair que cela ne pouvait pas continuer; un changement était nécessaire.
Mais le changement aurait perturbé et renversé l'ensemble de la structure de la
société bourgeoise. Après la révolution bourgeoise de 1789, l'heure d'une
nouvelle révolution avait sonné, la révolution prolétarienne: le progrès ne
pouvait pas simplement avancer de manière linéaire, à petits pas. Il fallait un
saut révolutionnaire. Karl Marx recueillit cette aspiration du moment et, avec
un langage et une pensée vigoureux, il chercha à lancer ce grand pas nouveau
et, comme il le considérait, définitif de l'histoire vers le salut – vers ce
que Kant avait qualifié de « règne de Dieu ». Une fois que la vérité de
l'au-delà se serait dissipée, il se serait agi désormais d'établir la vérité de
l'en deçà. La critique du ciel se transforme en une critique de la terre, la
critique de la théologie en une critique de la politique. Le progrès vers le
mieux, vers le monde définitivement bon, ne provient pas simplement de la
science, mais de la politique – d'une politique pensée scientifiquement, qui
sait reconnaître la structure de l'histoire et de la société, et qui indique
ainsi la voie vers la révolution, vers le changement de toutes les choses. Avec
précision, même si c'est de manière unilatérale et partiale, Marx a décrit la
situation de son temps et il a illustré avec une grande capacité d'analyse les
voies qui ouvrent à la révolution – non seulement théoriquement: avec le parti
communiste, né du manifeste communiste de 1848, il l'a aussi lancée
concrètement. Sa promesse, grâce à la précision des analyses et aux indications
claires des instruments pour le changement radical, a fasciné et fascine encore
toujours de nouveau. La révolution s'est aussi vérifiée de manière plus
radicale en Russie.
21. Mais avec sa victoire,
l'erreur fondamentale de Marx a aussi été rendue évidente. Il a indiqué avec
exactitude comment réaliser le renversement. Mais il ne nous a pas dit comment
les choses auraient dû se dérouler après. Il supposait simplement que, avec
l'expropriation de la classe dominante, avec la chute du pouvoir politique et
avec la socialisation des moyens de production, se serait réalisée la Nouvelle
Jérusalem: alors, toutes les contradictions auraient en effet été annulées,
l'homme et le monde auraient finalement vu clair en eux-mêmes. Alors tout
aurait pu procéder de soi-même sur la voie droite, parce que tout aurait
appartenu à tous et que tous auraient voulu le meilleur les uns pour les
autres. Ainsi, après la révolution réussie, Lénine dut se rendre compte que,
dans les écrits du maître, il ne se trouvait aucune indication sur la façon de
procéder. Oui, il avait parlé de la phase intermédiaire de la dictature du
prolétariat comme d'une nécessité qui, cependant, dans un deuxième temps, se
serait avérée d'elle-même caduque. Cette « phase intermédiaire », nous la
connaissons bien et nous savons aussi comment elle s'est développée, ne faisant
pas naître un monde sain, mais laissant derrière elle une destruction
désolante. Marx n'a pas seulement manqué de penser les institutions nécessaires
pour le nouveau monde – on ne devait en effet plus en avoir besoin. Qu'il ne
nous en dise rien, c'est la conséquence logique de sa façon d’envisager le
problème. Son erreur est plus en profondeur. Il a oublié que l'homme demeure
toujours homme. Il a oublié l'homme et il a oublié sa liberté. Il a oublié que
la liberté demeure toujours liberté, même pour le mal. Il croyait que, une fois
mise en place l'économie, tout aurait été mis en place. Sa véritable erreur est
le matérialisme: en effet, l'homme n'est pas seulement le produit de conditions
économiques, et il n'est pas possible de le guérir uniquement de l'extérieur,
en créant des conditions économiques favorables.
22. Ainsi, nous nous trouvons de
nouveau devant la question: que pouvons-nous espérer? Une autocritique de l'ère
moderne dans un dialogue avec le christianisme et avec sa conception de
l'espérance est nécessaire. Dans un tel dialogue, même les chrétiens, dans le
contexte de leurs connaissances et de leurs expériences, doivent apprendre de
manière renouvelée en quoi consiste véritablement leur espérance, ce qu'ils ont
à offrir au monde et ce que, à l'inverse, ils ne peuvent pas offrir. Il
convient qu’à l'autocritique de l'ère moderne soit associée aussi une
autocritique du christianisme moderne, qui doit toujours de nouveau apprendre à
se comprendre lui-même à partir de ses propres racines. Sur ce point, on ne
peut présenter ici que quelques éléments. Avant tout, il faut se demander: que
signifie vraiment « le progrès »; que promet-il et que ne promet-il pas? Déjà à
la fin du XIXe siècle, il existait une critique de la foi dans le
progrès. Au XXe, Th. W. Adorno a formulé la problématique de la foi
dans le progrès de manière drastique: le progrès, vu de près, serait le progrès
qui va de la fronde à la mégabombe. Actuellement, il s'agit, de fait, d'un
aspect du progrès que l'on ne doit pas dissimuler. Autrement dit, l'ambiguïté
du progrès est rendue évidente. Sans aucun doute, le progrès offre de nouvelles
possibilités pour le bien, mais il ouvre aussi des possibilités abyssales de
mal – possibilités qui n'existaient pas auparavant. Nous sommes tous devenus
témoins de ce que le progrès, lorsqu'il est entre de mauvaises mains, peut
devenir, et est devenu de fait, un progrès terrible dans le mal. Si au progrès
technique ne correspond pas un progrès dans la formation éthique de l'homme,
dans la croissance de l'homme intérieur (cf. Ep 3, 16; 2 Co 4,
16), alors ce n'est pas un progrès, mais une menace pour l'homme et pour le
monde.
23. En ce qui concerne les deux
grands thèmes « raison » et « liberté », les questions qui leur sont liées ne
peuvent être ici que signalées. Oui, la raison est le grand don de Dieu à
l'homme, et la victoire de la raison sur l'irrationalité est aussi un but de la
foi chrétienne. Mais quand la raison domine-t-elle vraiment? Est-ce quand elle
s’est détachée de Dieu? Est-ce quand elle est devenue aveugle pour Dieu? La
raison du pouvoir et du faire est-elle déjà la raison intégrale? Si, pour être
progrès, le progrès a besoin de la croissance morale de l'humanité, alors la
raison du pouvoir et du faire doit pareillement, de manière urgente, être
complétée, grâce à l'ouverture de la raison aux forces salvifiques de la foi,
au discernement entre bien et mal. C'est seulement ainsi qu'elle devient une
raison vraiment humaine. Elle ne devient humaine que si elle est en mesure
d'indiquer la route à la volonté, et elle n'est capable de cela que si elle
regarde au delà d'elle-même. Dans le cas contraire, la situation de l'homme,
dans le déséquilibre entre capacité matérielle et manque de jugement du cœur,
devient une menace pour lui et pour tout le créé. Ainsi, dans le domaine de la
liberté, il faut se rappeler que la liberté humaine requiert toujours le
concours de différentes libertés. Ce concours ne peut toutefois pas réussir
s'il n'est pas déterminé par un intrinsèque critère de mesure commun, qui est
le fondement et le but de notre liberté. Exprimons-le maintenant de manière
très simple: l'homme a besoin de Dieu, autrement, il reste privé d'espérance.
Étant donné les développements des temps modernes, l'affirmation de saint Paul
citée au début (Ep 2, 12) se révèle très réaliste et tout simplement
vraie. Il n'y a cependant pas de doute qu'un « règne de Dieu » réalisé sans
Dieu – donc un règne de l'homme seul – se conclut inévitablement par « l'issue
perverse » de toutes les choses, décrite par Kant: nous l'avons vu et nous le
voyons toujours de nouveau. De même, il n'y a pas de doute que Dieu n’entre
vraiment dans les choses humaines que s'il n'est pas uniquement pensé par nous,
mais que Lui-même vient à notre rencontre et nous parle. C'est pourquoi la
raison a besoin de la foi pour arriver à être totalement elle-même: raison et
foi ont besoin l'une de l'autre pour réaliser leur véritable nature et leur
mission.
La vraie physionomie de
l'espérance chrétienne
24. Demandons-nous maintenant de
nouveau: que pouvons-nous espérer? Et que ne pouvons-nous pas espérer? Avant
tout nous devons constater qu'un progrès qui se peut additionner n'est possible
que dans le domaine matériel. Ici, dans la connaissance croissante des
structures de la matière et en relation avec les inventions toujours plus
avancées, on note clairement une continuité du progrès vers une maîtrise
toujours plus grande de la nature. À l'inverse, dans le domaine de la
conscience éthique et de la décision morale, il n'y a pas de possibilité
équivalente d'additionner, pour la simple raison que la liberté de l'homme est
toujours nouvelle et qu'elle doit toujours prendre à nouveau ses décisions.
Jamais elles ne sont simplement déjà prises pour nous par d'autres – dans un
tel cas, en effet, nous ne serions plus libres. La liberté présuppose que, dans
les décisions fondamentales, tout homme, chaque génération, est un nouveau
commencement. Les nouvelles générations peuvent assurément construire sur la
connaissance et sur les expériences de celles qui les ont précédées, comme
elles peuvent puiser au trésor moral de l'humanité entière. Mais elles peuvent
aussi le refuser, parce que ce trésor ne peut pas avoir la même évidence que
les inventions matérielles. Le trésor moral de l'humanité n'est pas présent
comme sont présents les instruments que l'on utilise; il existe comme
invitation à la liberté et comme possibilité pour cette liberté. Mais cela
signifie que:
a) La condition droite des choses humaines, le
bien-être moral du monde, ne peuvent jamais être garantis simplement par des
structures, quelle que soit leur valeur. De telles structures sont non
seulement importantes, mais nécessaires; néanmoins, elles ne peuvent pas et ne
doivent pas mettre hors jeu la liberté de l'homme. Même les structures les
meilleures fonctionnent seulement si, dans une communauté, sont vivantes les
convictions capables de motiver les hommes en vue d'une libre adhésion à
l'ordonnancement communautaire. La liberté nécessite une conviction; une
conviction n'existe pas en soi, mais elle doit toujours être de nouveau
reconquise de manière communautaire.
b) Puisque l'homme demeure toujours libre et que sa
liberté est également toujours fragile, le règne du bien définitivement
consolidé n'existera jamais en ce monde. Celui qui promet le monde meilleur qui
durerait irrévocablement pour toujours fait une fausse promesse; il ignore la
liberté humaine. La liberté doit toujours de nouveau être conquise pour le bien.
La libre adhésion au bien n'existe jamais simplement en soi. S'il y avait des
structures qui fixeraient de manière irrévocable une condition déterminée –
bonne – du monde, la liberté de l'homme serait niée, et, pour cette raison, ce
ne serait en définitive nullement des structures bonnes.
25. La conséquence de ce qui a
été dit est que la recherche pénible et toujours nouvelle d'ordonnancements
droits pour les choses humaines est le devoir de chaque génération; ce n'est
jamais un devoir simplement accompli. Toutefois, chaque génération doit aussi
apporter sa propre contribution pour établir des ordonnancements convaincants
de liberté et de bien, qui aident la génération suivante en tant qu'orientation
pour l'usage droit de la liberté humaine et qui donnent ainsi, toujours dans
les limites humaines, une garantie certaine pour l'avenir. Autrement dit: les
bonnes structures aident, mais, à elles seules elles ne suffisent pas. L'homme
ne peut jamais être racheté simplement de l'extérieur. Francis Bacon et les adeptes
du courant de pensée de l'ère moderne qu'il a inspiré, en considérant que
l'homme serait racheté par la science, se trompaient. Par une telle attente, on
demande trop à la science; cette sorte d'espérance est fallacieuse. La science
peut contribuer beaucoup à l'humanisation du monde et de l'humanité. Cependant,
elle peut aussi détruire l'homme et le monde si elle n'est pas orientée par des
forces qui se trouvent hors d'elle. D'autre part, nous devons aussi constater
que le christianisme moderne, face aux succès de la science dans la
structuration progressive du monde, ne s'était en grande partie concentré que
sur l'individu et sur son salut. Par là, il a restreint l'horizon de son
espérance et n'a même pas reconnu suffisamment la grandeur de sa tâche, même si
ce qu'il a continué à faire pour la formation de l'homme et pour le soin des
plus faibles et des personnes qui souffrent reste important.
26. Ce n'est pas la science qui
rachète l'homme. L'homme est racheté par l'amour. Cela vaut déjà dans le domaine
purement humain. Lorsque quelqu'un, dans sa vie, fait l'expérience d'un grand
amour, il s'agit d'un moment de « rédemption » qui donne un sens nouveau à sa
vie. Mais, très rapidement, il se rendra compte que l'amour qui lui a été donné
ne résout pas, par lui seul, le problème de sa vie. Il s'agit d'un amour qui
demeure fragile. Il peut être détruit par la mort. L'être humain a besoin de
l'amour inconditionnel. Il a besoin de la certitude qui lui fait dire: « Ni la
mort ni la vie, ni les esprits ni les puissances, ni le présent ni l'avenir, ni
les astres, ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne
pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus Christ » (Rm 8,
38-39). Si cet amour absolu existe, avec une certitude absolue, alors – et
seulement alors – l'homme est « racheté », quel que soit ce qui lui arrive dans
un cas particulier. C'est ce que l'on entend lorsqu'on dit: Jésus Christ nous a
« rachetés ». Par lui nous sommes devenus certains de Dieu – d'un Dieu qui ne
constitue pas une lointaine « cause première » du monde – parce que son Fils
unique s'est fait homme et de lui chacun peut dire: « Ma vie aujourd'hui dans
la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et qui
s'est livré pour moi » (Ga 2, 20).
27. En ce sens, il est vrai que
celui qui ne connaît pas Dieu, tout en pouvant avoir de multiples espérances,
est dans le fond sans espérance, sans la grande espérance qui soutient toute
l'existence (cf. Ep 2, 12). La vraie, la grande espérance de l'homme,
qui résiste malgré toutes les désillusions, ce ne peut être que Dieu – le Dieu
qui nous a aimés et qui nous aime toujours « jusqu'au bout », « jusqu'à ce que
tout soit accompli » (cf. Jn 13, 1 et 19, 30). Celui qui est touché par
l'amour commence à comprendre ce qui serait précisément « vie ». Il commence à
comprendre ce que veut dire la parole d'espérance que nous avons rencontrée
dans le rite du Baptême: de la foi j'attends la « vie éternelle » – la vie
véritable qui, totalement et sans menaces, est, dans toute sa plénitude,
simplement la vie. Jésus, qui a dit de lui-même être venu pour que nous ayons
la vie et que nous l'ayons en plénitude, en abondance (cf. Jn 10, 10),
nous a aussi expliqué ce que signifie « la vie »: « La vie éternelle, c'est de
te connaître, toi le seul Dieu, le vrai Dieu, et de connaître celui que tu as
envoyé, Jésus Christ » (Jn 17, 3). La vie dans le sens véritable, on ne
l'a pas en soi, de soi tout seul et pas même seulement par soi: elle est une
relation. Et la vie dans sa totalité est relation avec Celui qui est la source
de la vie. Si nous sommes en relation avec Celui qui ne meurt pas, qui est
Lui-même la Vie et l'Amour, alors nous sommes dans la vie. Alors nous « vivons
».
28. Mais maintenant se pose la
question: de cette façon ne sommes-nous pas retombés de nouveau dans
l'individualisme du salut, dans l'espérance pour moi seulement pour moi, qui
n’est justement pas une véritable espérance, parce qu’elle oublie et néglige
les autres? Non. La relation avec Dieu s'établit par la communion avec Jésus –
seuls et avec nos seules possibilités nous n'y arrivons pas. La relation avec
Jésus, toutefois, est une relation avec Celui qui s'est donné lui-même en
rançon pour nous tous (cf. 1 Tm 2, 6). Le fait d'être en communion avec
Jésus Christ nous implique dans son être « pour tous », il en fait notre façon
d'être. Il nous engage pour les autres, mais c'est seulement dans la communion
avec Lui qu'il nous devient possible d'être vraiment pour les autres, pour
l'ensemble. Je voudrais, dans ce contexte, citer le grand docteur grec de
l'Église, saint Maxime le Confesseur (mort en 662), qui tout d'abord exhorte à
ne rien placer avant la connaissance et l'amour de Dieu, mais qui ensuite
arrive aussitôt à des applications très pratiques: « Qui aime Dieu aime aussi
son prochain sans réserve. Bien incapable de garder ses richesses, il les
dispense comme Dieu, fournissant à chacun ce dont il a besoin ».[19]
De l'amour envers Dieu découle la participation à la justice et à la bonté de
Dieu envers autrui; aimer Dieu demande la liberté intérieure face à toute
possession et à toutes les choses matérielles: l'amour de Dieu se révèle dans
la responsabilité envers autrui.[20]
Nous pouvons observer de façon frappante la même relation entre amour de Dieu
et responsabilité envers les hommes dans la vie de saint Augustin. Après sa
conversion à la foi chrétienne, avec quelques amis aux idées semblables, il
voulait mener une vie qui fût totalement consacrée à la parole de Dieu et aux
choses éternelles. Il voulait réaliser par des valeurs chrétiennes l'idéal de
la vie contemplative exprimé dans la grande philosophie grecque, choisissant de
cette façon « la meilleure part » (cf. Lc 10, 42). Mais les choses en
allèrent autrement. Alors qu'il participait à la messe dominicale dans la ville
portuaire d'Hippone, il fut appelé hors de la foule par l'Évêque et contraint
de se laisser ordonner pour l'exercice du ministère sacerdotal dans cette
ville. Jetant un regard rétrospectif sur ce moment, il écrit dans ses
Confessions: « Atterré par mes péchés et la masse pesante de ma misère,
j'avais, en mon cœur, agité et ourdi le projet de fuir dans la solitude: mais
tu m'en as empêché, et tu m'as fortifié par ces paroles: “Le Christ est mort
pour tous afin que les vivants n'aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes,
mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux” (2 Co 5, 15) ».[21]
Le Christ est mort pour tous. Vivre pour Lui signifie se laisser associer à son
« être pour ».
29. Pour Augustin, cela
signifiait une vie totalement nouvelle. Une fois, il décrivit ainsi son
quotidien: « Corriger les indisciplinés, conforter les pusillanimes, soutenir
les faibles, réfuter les opposants, se garder des mauvais, instruire les
ignorants, stimuler les négligents, freiner les querelleurs, modérer les
ambitieux, encourager les découragés, pacifier les adversaires, aider les
personnes dans le besoin, libérer les opprimés, montrer son approbation aux
bons, tolérer les mauvais et [hélas] aimer tout le monde ».[22]
« C'est l'Évangile qui m'effraie » [23]
– cette crainte salutaire qui nous empêche de vivre pour nous-mêmes et qui nous
pousse à transmettre notre commune espérance. De fait, c'était bien l'intention
d'Augustin: dans la situation difficile de l'empire romain, qui menaçait aussi
l'Afrique romaine et qui, à la fin de la vie d'Augustin, la détruisit tout à
fait, transmettre une espérance – l'espérance qui lui venait de la foi et qui,
en totale contradiction avec son tempérament introverti, le rendit capable de
participer de façon résolue et avec toutes ses forces à l'édification de la
cité. Dans le même chapitre des Confessions, où nous venons de voir le
motif décisif de son engagement « pour tous », il écrit: Le Christ « intercède
pour nous, sans lui c'est le désespoir. Elles sont nombreuses, ces langueurs,
et si fortes! Nombreuses et fortes, mais ton remède est plus grand. En croyant
que ton Verbe était beaucoup trop loin de s'unir à l'homme, nous aurions bien
pu désespérer de nous, s'il ne s'était fait chair, habitant parmi nous ».[24]
En raison de son espérance, Augustin s'est dépensé pour les gens simples et
pour sa ville – il a renoncé à sa noblesse spirituelle et il a prêché et agi de
façon simple pour les gens simples.
30. Résumons ce que nous avons
découvert jusqu'à présent au cours de nos réflexions. Tout au long des jours,
l'homme a de nombreuses espérances – les plus petites ou les plus grandes –,
variées selon les diverses périodes de sa vie. Parfois il peut sembler qu'une
de ces espérances le satisfasse totalement et qu'il n'ait pas besoin d'autres
espérances. Dans sa jeunesse, ce peut être l'espérance d'un grand amour qui le
comble; l'espérance d'une certaine position dans sa profession, de tel ou tel
succès déterminant pour le reste de la vie. Cependant, quand ces espérances se
réalisent, il apparaît clairement qu'en réalité ce n'était pas la totalité. Il
paraît évident que l'homme a besoin d'une espérance qui va au-delà. Il paraît évident
que seul peut lui suffire quelque chose d'infini, quelque chose qui sera
toujours plus que tout ce qu'il peut atteindre. En ce sens, les temps modernes
ont fait grandir l'espérance de l'instauration d'un monde parfait qui, grâce
aux connaissances de la science et à une politique scientifiquement fondée,
semblait être devenue réalisable. Ainsi l'espérance biblique du règne de Dieu a
été remplacée par l'espérance du règne de l'homme, par l'espérance d'un monde
meilleur qui serait le véritable « règne de Dieu ». Cela semblait finalement
l'espérance, grande et réaliste, dont l'homme avait besoin. Elle était en
mesure de mobiliser – pour un certain temps – toutes les énergies de l'homme;
ce grand objectif semblait mériter tous les engagements. Mais au cours du temps
il parut clair que cette espérance s'éloignait toujours plus. On se rendit
compte avant tout que c'était peut-être une espérance pour les hommes
d'après-demain, mais non une espérance pour moi. Et bien que le « pour tous »
fasse partie de la grande espérance – je ne puis en effet devenir heureux
contre les autres et sans eux – il reste vrai qu'une espérance qui ne me
concerne pas personnellement n'est pas non plus une véritable espérance. Et il
est devenu évident qu'il s'agissait d'une espérance contre la liberté, parce
que la situation des choses humaines dépend pour chaque génération, de manière
renouvelée, de la libre décision des hommes qui la composent. Si, en raison des
conditions et des structures, cette liberté leur était enlevée, le monde, en
définitive, ne serait pas bon, parce qu'un monde sans liberté n'est en rien un
monde bon. Ainsi, bien qu'un engagement continu pour l'amélioration du monde
soit nécessaire, le monde meilleur de demain ne peut être le contenu spécifique
et suffisant de notre espérance. Et toujours à ce propos se pose la question:
Quand le monde est-il « meilleur »? Qu'est ce qui le rend bon? Selon quel
critère peut-on évaluer le fait qu'il soit bon? Et par quels chemins peut-on
parvenir à cette « bonté »?
31. Encore une chose: nous avons
besoin des espérances – des plus petites ou des plus grandes – qui, au jour le
jour, nous maintiennent en chemin. Mais sans la grande espérance, qui doit
dépasser tout le reste, elles ne suffisent pas. Cette grande espérance ne peut
être que Dieu seul, qui embrasse l'univers et qui peut nous proposer et nous
donner ce que, seuls, nous ne pouvons atteindre. Précisément, le fait d'être
gratifié d'un don fait partie de l'espérance. Dieu est le fondement de
l'espérance – non pas n'importe quel dieu, mais le Dieu qui possède un visage
humain et qui nous a aimés jusqu'au bout – chacun individuellement et
l'humanité tout entière. Son Règne n'est pas un au-delà imaginaire, placé dans
un avenir qui ne se réalise jamais; son règne est présent là où il est aimé et
où son amour nous atteint. Seul son amour nous donne la possibilité de
persévérer avec sobriété jour après jour, sans perdre l'élan de l'espérance,
dans un monde qui, par nature, est imparfait. Et, en même temps, son amour est
pour nous la garantie qu'existe ce que nous pressentons vaguement et que,
cependant, nous attendons au plus profond de nous-mêmes: la vie qui est «
vraiment » vie. Cherchons maintenant à concrétiser cette idée dans une dernière
partie, en portant notre attention sur quelques « lieux » d'apprentissage
pratique et d'exercice de l'espérance.
« Lieux » d'apprentissage et d'exercice de l'espérance
I. La prière comme école de l'espérance
32. Un premier lieu essentiel
d'apprentissage de l'espérance est la prière. Si personne ne m'écoute plus,
Dieu m'écoute encore. Si je ne peux plus parler avec personne, si je ne peux
plus invoquer personne – je peux toujours parler à Dieu. S'il n'y a plus
personne qui peut m'aider – là où il s'agit d'une nécessité ou d'une attente
qui dépasse la capacité humaine d'espérer, Lui peut m'aider.[25]
Si je suis relégué dans une extrême solitude...; celui qui prie n'est jamais
totalement seul. De ses treize années de prison, dont neuf en isolement,
l'inoubliable Cardinal Nguyên Van Thuan nous a laissé un précieux petit livre:
Prières d'espérance. Durant treize années de prison, dans une situation de
désespoir apparemment total, l'écoute de Dieu, le fait de pouvoir lui parler,
devint pour lui une force croissante d'espérance qui, après sa libération, lui
a permis de devenir pour les hommes, dans le monde entier, un témoin de
l'espérance – de la grande espérance qui ne passe pas, même dans les nuits de
la solitude.
33. De façon très belle, Augustin
a illustré la relation profonde entre prière et espérance dans une homélie sur
la Première lettre de Jean. Il définit la prière comme un exercice du
désir. L'homme a été créé pour une grande réalité – pour Dieu lui-même, pour
être rempli de Lui. Mais son cœur est trop étroit pour la grande réalité qui
lui est assignée. Il doit être élargi. « C'est ainsi que Dieu, en faisant
attendre, élargit le désir; en faisant désirer, il élargit l'âme; en
l'élargissant, il augmente sa capacité de recevoir ». Augustin renvoie à saint
Paul qui dit lui-même qu'il vit tendu vers les choses qui doivent venir (cf.
Ph 3, 13). Puis il utilise une très belle image pour décrire ce processus
d'élargissement et de préparation du cœur humain. « Suppose que Dieu veut te
remplir de miel [symbole de la tendresse de Dieu et de sa bonté]: si tu es
rempli de vinaigre, où mettras-tu ce miel? » Le vase, c'est-à-dire le cœur,
doit d'abord être élargi et ensuite nettoyé: libéré du vinaigre et de sa
saveur. Cela requiert de l'effort, coûte de la souffrance, mais c'est seulement
ainsi que se réalise l'adaptation à ce à quoi nous sommes destinés.[26]
Même si Augustin ne parle directement que de la réceptivité pour Dieu, il
semble toutefois clair que dans cet effort, par lequel il se libère du vinaigre
et de la saveur du vinaigre, l'homme ne devient pas libre seulement pour Dieu,
mais il s'ouvre aussi aux autres. En effet, c'est uniquement en devenant fils
de Dieu, que nous pouvons être avec notre Père commun. Prier ne signifie pas
sortir de l'histoire et se retirer dans l'espace privé de son propre bonheur.
La façon juste de prier est un processus de purification intérieure qui nous
rend capables de Dieu et de la sorte capables aussi des hommes. Dans la prière,
l'homme doit apprendre ce qu'il peut vraiment demander à Dieu – ce qui est
aussi digne de Dieu. Il doit apprendre qu'on ne peut pas prier contre autrui.
Il doit apprendre qu'on ne peut pas demander des choses superficielles et
commodes que l'on désire dans l'instant – la fausse petite espérance qui le
conduit loin de Dieu. Il doit purifier ses désirs et ses espérances. Il doit se
libérer des mensonges secrets par lesquels il se trompe lui-même: Dieu les
scrute, et la confrontation avec Dieu oblige l'homme à les reconnaître lui
aussi. « Qui peut discerner ses erreurs? Purifie-moi de celles qui m'échappent
», prie le Psalmiste (18 [19], 13). La non-reconnaissance de la faute,
l'illusion d'innocence ne me justifient pas et ne me sauvent pas, parce que
l'engourdissement de la conscience, l'incapacité de reconnaître le mal comme
tel en moi, telle est ma faute. S'il n'y a pas de Dieu, je dois peut-être me
réfugier dans de tels mensonges, parce qu'il n'y a personne qui puisse me
pardonner, personne qui soit la mesure véritable. Au contraire, la rencontre
avec Dieu réveille ma conscience parce qu'elle ne me fournit plus
d'auto-justification, qu'elle n'est plus une influence de moi-même et de mes
contemporains qui me conditionnent, mais qu'elle devient capacité d'écoute du
Bien lui-même.
34. Afin que la prière développe
cette force purificatrice, elle doit, d'une part, être très personnelle, une
confrontation de mon moi avec Dieu, avec le Dieu vivant. D'autre part,
cependant, elle doit toujours être à nouveau guidée et éclairée par les grandes
prières de l'Église et des saints, par la prière liturgique, dans laquelle le
Seigneur nous enseigne continuellement à prier de façon juste. Dans son livre
d'Exercices spirituels, le Cardinal Nguyên Van Thuan a raconté comment dans sa
vie il y avait eu de longues périodes d'incapacité de prier et comment il
s'était accroché aux paroles de la prière de l'Église: au Notre Père, à l'Ave
Maria et aux prières de la liturgie.[27]
Dans la prière, il doit toujours y avoir une association entre prière publique
et prière personnelle. Ainsi nous pouvons parler à Dieu, ainsi Dieu nous parle.
De cette façon se réalisent en nous les purifications grâce auxquelles nous
devenons capables de Dieu et aptes au service des hommes. Ainsi, nous devenons
capables de la grande espérance et nous devenons ministres de l'espérance pour
les autres: l'espérance dans le sens chrétien est toujours aussi espérance pour
les autres. Et elle est une espérance active, par laquelle nous luttons pour
que les choses n'aillent pas vers « une issue perverse ». Elle est aussi une
espérance active dans le sens que nous maintenons le monde ouvert à Dieu. C'est
seulement dans cette perspective qu'elle demeure également une espérance
véritablement humaine.
II. Agir et souffrir comme lieux d'apprentissage de l'espérance
35. Tout agir sérieux et droit de
l'homme est espérance en acte. Il l'est avant tout dans le sens où nous
cherchons, de ce fait, à poursuivre nos espérances, les plus petites ou les
plus grandes: régler telle ou telle tâche qui pour la suite du chemin de notre
vie est importante; par notre engagement, apporter notre contribution afin que
le monde devienne un peu plus lumineux et un peu plus humain, et qu'ainsi les
portes s'ouvrent sur l'avenir. Mais l'engagement quotidien pour la continuation
de notre vie et pour l'avenir de l'ensemble nous épuise ou se change en
fanatisme si nous ne sommes pas éclairés par la lumière d'une espérance plus
grande, qui ne peut être détruite ni par des échecs dans les petites choses ni
par l'effondrement dans des affaires de portée historique. Si nous ne pouvons
espérer plus que ce qui est effectivement accessible d'une fois sur l'autre ni
plus que ce qu'on peut espérer des autorités politiques et économiques, notre
vie se réduit bien vite à être privée d'espérance. Il est important de savoir
ceci: je peux toujours encore espérer, même si apparemment pour ma vie ou pour
le moment historique que je suis en train de vivre, je n'ai plus rien à
espérer. Seule la grande espérance-certitude que, malgré tous les échecs, ma
vie personnelle et l'histoire dans son ensemble sont gardées dans le pouvoir
indestructible de l'Amour et qui, grâce à lui, ont pour lui un sens et une
importance, seule une telle espérance peut dans ce cas donner encore le courage
d'agir et de poursuivre. Assurément, nous ne pouvons pas « construire » le
règne de Dieu de nos propres forces – ce que nous construisons demeure toujours
le règne de l'homme avec toutes les limites qui sont propres à la nature
humaine. Le règne de Dieu est un don, et c’est pourquoi justement il est grand
et beau, et il constitue la réponse à l'espérance. Et nous ne pouvons pas –
pour utiliser la terminologie classique – « mériter » le ciel grâce à « nos
propres œuvres ». Il est toujours plus que ce que nous méritons; il en va de
même pour le fait d'être aimé qui n'est jamais une chose « méritée », mais
toujours un don. Cependant, avec toute notre conscience de la « plus-value » du
« ciel », il n'en reste pas moins toujours vrai que notre agir n'est pas
indifférent devant Dieu et qu'il n'est donc pas non plus indifférent pour le
déroulement de l'histoire. Nous pouvons nous ouvrir nous-mêmes, ainsi que le
monde, à l'entrée de Dieu: de la vérité, de l'amour, du bien. C'est ce qu'ont
fait les saints, qui, comme « collaborateurs de Dieu », ont contribué au salut
du monde (cf. 1 Co 3, 9; 1 Th 3, 2). Nous pouvons libérer notre
vie et le monde des empoisonnements et des pollutions qui pourraient détruire
le présent et l'avenir. Nous pouvons découvrir et tenir propres les sources de
la création et ainsi, avec la création qui nous précède comme don, faire ce qui
est juste selon ses exigences intrinsèques et sa finalité. Cela garde aussi un
sens si, à ce qu'il semble, nous ne réussissons pas ou nous paraissons désarmés
face à la puissance de forces hostiles. Ainsi, d'un côté, une espérance pour
nous et pour les autres jaillit de notre agir; de l'autre, cependant, c'est la
grande espérance appuyée sur les promesses de Dieu qui, dans les bons moments
comme dans les mauvais, nous donne courage et oriente notre agir.
36. Comme l'agir, la souffrance
fait aussi partie de l'existence humaine. Elle découle, d'une part, de notre
finitude et, de l'autre, de la somme de fautes qui, au cours de l'histoire,
s'est accumulée et qui encore aujourd'hui grandit sans cesse. Il faut
certainement faire tout ce qui est possible pour atténuer la souffrance:
empêcher, dans la mesure où cela est possible, la souffrance des innocents;
calmer les douleurs; aider à surmonter les souffrances psychiques. Autant de
devoirs aussi bien de la justice que de l'amour qui rentrent dans les exigences
fondamentales de l'existence chrétienne et de toute vie vraiment humaine. Dans la
lutte contre la douleur physique, on a réussi à faire de grands progrès; la
souffrance des innocents et aussi les souffrances psychiques ont plutôt
augmenté au cours des dernières décennies. Oui, nous devons tout faire pour
surmonter la souffrance, mais l'éliminer complètement du monde n'est pas dans
nos possibilités – simplement parce que nous ne pouvons pas nous extraire de
notre finitude et parce qu'aucun de nous n'est en mesure d'éliminer le pouvoir
du mal, de la faute, qui – nous le voyons – est continuellement source de
souffrance. Dieu seul pourrait le réaliser: seul un Dieu qui entre
personnellement dans l'histoire en se faisant homme et qui y souffre. Nous
savons que ce Dieu existe et donc que ce pouvoir qui « enlève le péché du monde
» (Jn 1, 29) est présent dans le monde. Par la foi dans l'existence de
ce pouvoir, l'espérance de la guérison du monde est apparue dans l'histoire.
Mais il s'agit précisément d'espérance et non encore d'accomplissement;
espérance qui nous donne le courage de nous mettre du côté du bien même là où
cela semble sans espérance, tout en restant conscients que, faisant partie du
déroulement de l'histoire tel qu’il apparaît extérieurement, le pouvoir de la
faute demeure aussi dans l'avenir une présence terrible.
37. Revenons à notre thème. Nous
pouvons chercher à limiter la souffrance, à lutter contre elle, mais nous ne
pouvons pas l'éliminer. Justement là où les hommes, dans une tentative d'éviter
toute souffrance, cherchent à se soustraire à tout ce qui pourrait signifier souffrance,
là où ils veulent s'épargner la peine et la douleur de la vérité, de l'amour,
du bien, ils s'enfoncent dans une existence vide, dans laquelle peut-être
n'existe pratiquement plus de souffrance, mais où il y a d'autant plus
l'obscure sensation du manque de sens et de la solitude. Ce n'est pas le fait
d'esquiver la souffrance, de fuir devant la douleur, qui guérit l'homme, mais
la capacité d'accepter les tribulations et de mûrir par elles, d'y trouver un
sens par l'union au Christ, qui a souffert avec un amour infini. Dans ce
contexte, je voudrais citer quelques phrases d'une lettre du martyr vietnamien
Paul Le-Bao-Tinh (mort en 1857), dans lesquelles devient évidente cette
transformation de la souffrance par la force de l'espérance qui provient de la
foi. « Moi, Paul, lié de chaînes pour le Christ, je veux vous raconter les
tribulations dans lesquelles je suis chaque jour enseveli, afin qu'embrasés de
l'amour divin, vous bénissiez avec moi le Seigneur, parce que dans tous les
siècles est sa miséricorde (cf. Ps 135 [136], 3). Cette prison est
vraiment une vive figure de l'enfer éternel. Aux liens, aux cangues et aux
entraves viennent s'ajouter des colères, des vengeances, des malédictions, des
conversations impures, des rixes, des actes mauvais, des serments injustes, des
médisances, auxquels se joignent aussi l'ennui et la tristesse. Mais celui qui
a déjà délivré les trois enfants des flammes ardentes est aussi demeuré avec
moi; il m'a délivré de ces maux et il me les convertit en douceur, parce que dans
tous les siècles est sa miséricorde. Par la grâce de Dieu, au milieu de ces
supplices qui ont coutume d'attrister les autres, je suis rempli de gaieté et
de joie, parce que je ne suis pas seul, mais le Christ est avec moi [...].
Comment puis-je vivre, voyant chaque jour les tyrans et leurs satellites
infidèles blasphémer ton saint nom, toi, Seigneur, qui es assis au milieu des
Chérubins (cf. Ps 79 [80], 2) et des Séraphins ? Vois ta croix foulée
aux pieds des mécréants. Où est ta gloire? À cette vue, enflammé de ton amour,
j'aime mieux mourir et que mes membres soient coupés en morceaux en témoignage
de mon amour pour toi, Seigneur. Montre ta puissance, délivre-moi et aide-moi,
afin que, dans ma faiblesse, ta force se fasse sentir et soit glorifiée devant
le monde [...]. En entendant ces choses, vous rendrez, remplis de joie,
d'immortelles actions de grâces à Dieu, auteur de tous les dons, et vous le
bénirez avec moi, parce que dans tous les siècles est sa miséricorde [...]. Je
vous écris ces choses pour que nous unissions votre foi et la mienne: au milieu
de ces tempêtes, je jette une ancre qui va jusqu'au trône de Dieu; c'est
l'espérance qui vit toujours en mon cœur ».[28]
C'est une lettre de l'enfer. S'y manifeste toute l'horreur d'un camp de
concentration, dans lequel, aux tourments de la part des tyrans, s'ajoute le
déchaînement du mal dans les victimes elles-mêmes qui, de cette façon,
deviennent ensuite des instruments de la cruauté des bourreaux. C'est une
lettre de l'enfer, mais en elle se réalise la parole du psaume: « Je
gravis les cieux: tu es là; je descends chez les morts: te voici... J'avais
dit: “Les ténèbres m'écrasent...”, “...même les ténèbres pour toi ne sont pas
ténèbres, et la nuit comme le jour est lumière” » (138 [139], 8-12, voir aussi Ps
22 [23], 4). Le Christ est descendu en « enfer » et ainsi il est proche de
celui qui y est jeté, transformant pour lui les ténèbres en lumière. La
souffrance, les tourments restent terribles et quasi insupportables. Cependant
l'étoile de l'espérance s'est levée – l'ancre du cœur arrive au trône de Dieu.
Le mal n'est pas déchaîné dans l'homme, mais la lumière vainc: la souffrance –
sans cesser d'être souffrance – devient malgré tout chant de louange.
38. La mesure de l'humanité se
détermine essentiellement dans son rapport à la souffrance et à celui qui
souffre. Cela vaut pour chacun comme pour la société. Une société qui ne
réussit pas à accepter les souffrants et qui n'est pas capable de contribuer,
par la compassion, à faire en sorte que la souffrance soit partagée et portée
aussi intérieurement est une société cruelle et inhumaine. Cependant, la
société ne peut accepter les souffrants et les soutenir dans leur souffrance,
si chacun n'est pas lui-même capable de cela et, d'autre part, chacun ne peut
accepter la souffrance de l'autre si lui-même personnellement ne réussit pas à
trouver un sens à la souffrance, un chemin de purification et de maturation, un
chemin d'espérance. Accepter l'autre qui souffre signifie, en effet, assumer en
quelque manière sa souffrance, de façon qu'elle devienne aussi la mienne. Mais
parce que maintenant elle est devenue souffrance partagée, dans laquelle il y a
la présence d'un autre, cette souffrance est pénétrée par la lumière de
l'amour. La parole latine con-solatio, consolation, l'exprime de manière
très belle, suggérant un être-avec dans la solitude, qui alors n'est plus
solitude. Ou encore la capacité d'accepter la souffrance par amour du bien, de
la vérité et de la justice est constitutive de la mesure de l'humanité, parce
que si, en définitive, mon bien-être, mon intégrité sont plus importants que la
vérité et la justice, alors la domination du plus fort l'emporte; alors règnent
la violence et le mensonge. La vérité et la justice doivent être au-dessus de
mon confort et de mon intégrité physique, autrement ma vie elle-même devient
mensonge. Et enfin, le « oui » à l'amour est aussi source de souffrance, parce
que l'amour exige toujours de sortir de mon moi, où je me laisse émonder et
blesser. L'amour ne peut nullement exister sans ce renoncement qui m'est aussi
douloureux à moi-même, autrement il devient pur égoïsme et, de ce fait, il
s'annule lui-même comme tel.
39. Souffrir avec l'autre, pour
les autres; souffrir par amour de la vérité et de la justice; souffrir à cause
de l'amour et pour devenir une personne qui aime vraiment – ce sont des
éléments fondamentaux d'humanité; leur abandon détruirait l'homme lui-même.
Mais encore une fois surgit la question: en sommes-nous capables? L'autre
est-il suffisamment important pour que je devienne pour lui une personne qui
souffre? La vérité est-elle pour moi si importante pour payer la souffrance? La
promesse de l'amour est-elle si grande pour justifier le don de moi-même? À la
foi chrétienne, dans l'histoire de l'humanité, revient justement ce mérite
d'avoir suscité dans l'homme d'une manière nouvelle et à une profondeur
nouvelle la capacité de souffrir de la sorte, qui est décisive pour son
humanité. La foi chrétienne nous a montré que vérité, justice, amour ne sont
pas simplement des idéaux, mais des réalités de très grande densité. Elle nous
a montré en effet que Dieu – la Vérité et l'Amour en personne – a voulu
souffrir pour nous et avec nous. Bernard de Clairvaux a forgé l'expression
merveilleuse: Impassibilis est Deus, sed non incompassibilis,[29]
Dieu ne peut pas souffrir, mais il peut compatir. L'homme a pour Dieu une
valeur si grande que Lui-même s'est fait homme pour pouvoir compatir avec
l'homme de manière très réelle, dans la chair et le sang, comme cela nous est
montré dans le récit de la Passion de Jésus. De là, dans toute souffrance
humaine est entré quelqu'un qui partage la souffrance et la patience; de là se
répand dans toute souffrance la con-solatio; la consolation de l'amour
qui vient de Dieu et ainsi surgit l'étoile de l'espérance. Certainement, dans
nos multiples souffrances et épreuves nous avons toujours besoin aussi de nos
petites ou de nos grandes espérances – d'une visite bienveillante, de la
guérison des blessures internes et externes, de la solution positive d'une
crise, et ainsi de suite. Dans les petites épreuves, ces formes d'espérance
peuvent aussi être suffisantes. Mais dans les épreuves vraiment lourdes, où je
dois faire mienne la décision définitive de placer la vérité avant le
bien-être, la carrière, la possession, la certitude de la véritable, de la
grande espérance, dont nous avons parlé, devient nécessaire. Pour cela nous
avons aussi besoin de témoins, de martyrs, qui se sont totalement donnés, pour
qu'ils puissent nous le montrer – jour après jour. Nous en avons besoin pour
préférer, même dans les petits choix de la vie quotidienne, le bien à la
commodité – sachant que c'est justement ainsi que nous vivons vraiment notre
vie. Disons-le encore une fois: la capacité de souffrir par amour de la vérité
est la mesure de l'humanité; cependant, cette capacité de souffrir dépend du
genre et de la mesure de l'espérance que nous portons en nous et sur laquelle
nous construisons. Les saints ont pu parcourir le grand chemin de l'être-homme
à la façon dont le Christ l'a parcouru avant nous, parce qu'ils étaient remplis
de la grande espérance.
40. Je voudrais encore ajouter
une petite annotation qui n'est pas du tout insignifiante pour les événements
de chaque jour. La pensée de pouvoir « offrir » les petites peines du
quotidien, qui nous touchent toujours de nouveau comme des piqûres plus ou
moins désagréables, leur attribuant ainsi un sens, était une forme de dévotion,
peut-être moins pratiquée aujourd'hui, mais encore très répandue il n'y a pas
si longtemps. Dans cette dévotion, il y avait certainement des choses exagérées
et peut-être aussi malsaines, mais il faut se demander si quelque chose
d'essentiel qui pourrait être une aide n'y était pas contenu de quelque
manière. Que veut dire « offrir » ? Ces personnes étaient convaincues de
pouvoir insérer dans la grande compassion du Christ leurs petites peines, qui
entraient ainsi d'une certaine façon dans le trésor de compassion dont le genre
humain a besoin. De cette manière aussi les petits ennuis du quotidien
pourraient acquérir un sens et contribuer à l'économie du bien, de l'amour
entre les hommes. Peut-être devrions-nous nous demander vraiment si une telle
chose ne pourrait pas redevenir une perspective judicieuse pour nous aussi.
III. Le Jugement comme lieu d'apprentissage et d'exercice de l'espérance
41. Dans le grand Credo de
l'Église, la partie centrale, qui traite du mystère du Christ à partir de sa
naissance éternelle du Père et de sa naissance temporelle de la Vierge Marie
pour arriver par la croix et la résurrection jusqu'à son retour, se conclut par
les paroles: « Il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts
». Déjà dès les tout premiers temps, la perspective du Jugement a influencé les
chrétiens jusque dans leur vie quotidienne en tant que critère permettant
d'ordonner la vie présente, comme appel à leur conscience et, en même temps,
comme espérance dans la justice de Dieu. La foi au Christ n'a jamais seulement
regardé en arrière ni jamais seulement vers le haut, mais toujours aussi en
avant vers l'heure de la justice que le Seigneur avait annoncée plusieurs fois.
Ce regard en avant a conféré au christianisme son importance pour le présent.
Dans la structure des édifices sacrés chrétiens, qui voulaient rendre visible
l'ampleur historique et cosmique de la foi au Christ, il devint habituel de
représenter sur le côté oriental le Seigneur qui revient comme roi – l'image de
l'espérance –, sur le côté occidental, par contre, le jugement final comme
image de la responsabilité pour notre existence, une représentation qui
regardait et accompagnait les fidèles sur le chemin de leur vie quotidienne.
Cependant, dans le développement de l'iconographie, on a ensuite donné toujours
plus d'importance à l'aspect menaçant et lugubre du Jugement, qui évidemment
fascinait les artistes plus que la splendeur de l'espérance, souvent
excessivement cachée sous la menace.
42. À l'époque moderne, la
préoccupation du Jugement final s'estompe: la foi chrétienne est individualisée
et elle est orientée surtout vers le salut personnel de l'âme; la réflexion sur
l'histoire universelle, au contraire, est en grande partie dominée par la
préoccupation du progrès. Toutefois, le contenu fondamental de l'attente du
jugement n'a pas simplement disparu. Maintenant il prend une forme totalement
différente. L'athéisme des XIXe et XXe siècles est, selon
ses racines et sa finalité, un moralisme: une protestation contre les
injustices du monde et de l'histoire universelle. Un monde dans lequel existe une
telle quantité d'injustice, de souffrance des innocents et de cynisme du
pouvoir ne peut être l'œuvre d'un Dieu bon. Le Dieu qui aurait la
responsabilité d'un monde semblable ne serait pas un Dieu juste et encore moins
un Dieu bon. C'est au nom de la morale qu'il faut contester ce Dieu. Puisqu'il
n'y a pas de Dieu qui crée une justice, il semble que l'homme lui-même soit
maintenant appelé à établir la justice. Si face à la souffrance de ce monde la
protestation contre Dieu est compréhensible, la prétention que l'humanité
puisse et doive faire ce qu'aucun Dieu ne fait ni est en mesure de faire est
présomptueuse et fondamentalement fausse. Que d'une telle prétention
s'ensuivent les plus grandes cruautés et les plus grandes violations de la
justice n'est pas un hasard, mais est fondé sur la fausseté intrinsèque de
cette prétention. Un monde qui doit se créer de lui-même sa justice est un
monde sans espérance. Personne ni rien ne répond pour la souffrance des
siècles. Personne ni rien ne garantit que le cynisme du pouvoir – sous quelque
habillage idéologique conquérant qu'il se présente – ne continuera à commander
dans le monde. Ainsi les grands penseurs de l'école de Francfort, Max
Horkheimer et Theodor W. Adorno, ont critiqué de la même façon l'athéisme et le
théisme. Horkheimer a radicalement exclu que puisse être trouvé un quelconque
succédané immanent pour Dieu, refusant cependant en même temps l'image du Dieu
bon et juste. Dans une radicalisation extrême de l'interdit
vétéro-testamentaire des images, il parle de la « nostalgie du totalement autre
» qui demeure inaccessible – un cri du désir adressé à l'histoire universelle.
De même, Adorno s'est conformé résolument à ce refus de toute image qui,
précisément, exclut aussi l'« image » du Dieu qui aime. Mais il a aussi
toujours de nouveau souligné cette dialectique « négative » et il a affirmé que
la justice, une vraie justice, demanderait un monde « dans lequel non seulement
la souffrance présente serait anéantie, mais où serait aussi révoqué ce qui est
irrémédiablement passé ».[30]
Cependant, cela signifierait – exprimé en symboles positifs et donc pour lui
inappropriés – que la justice ne peut être pour nous sans résurrection des
morts. Néanmoins, une telle perspective comporterait « la résurrection de la
chair, une chose qui est toujours restée étrangère à l'idéalisme, au règne de
l'esprit absolu ».[31]
43. Du refus rigoureux de toute
image, qui fait partie du premier Commandement de Dieu (cf. Ex 20, 4),
le chrétien lui aussi peut et doit apprendre toujours de nouveau. La vérité de
la théologie négative a été mise en évidence au IVe Concile du
Latran, qui a déclaré explicitement que, aussi grande que puisse être la
ressemblance constatée entre le Créateur et la créature, la dissemblance est
toujours plus grande entre eux.[32]
Pour le croyant, cependant, le renoncement à toute image ne peut aller jusqu'à
devoir s'arrêter, comme le voudraient Horkheimer et Adorno, au « non » des deux
thèses, au théisme et à l'athéisme. Dieu lui-même s'est donné une « image »:
dans le Christ qui s'est fait homme. En Lui, le Crucifié, la négation des fausses
images de Dieu est portée à l'extrême. Maintenant Dieu révèle son propre Visage
dans la figure du souffrant qui partage la condition de l'homme abandonné de
Dieu, la prenant sur lui. Ce souffrant innocent est devenu espérance-certitude:
Dieu existe et Dieu sait créer la justice d'une manière que nous ne sommes pas
capables de concevoir et que, cependant, dans la foi nous pouvons pressentir.
Oui, la résurrection de la chair existe.[33]
Une justice existe.[34]
La « révocation » de la souffrance passée, la réparation qui rétablit le droit
existent. C'est pourquoi la foi dans le Jugement final est avant tout et
surtout espérance – l'espérance dont la nécessité a justement été rendue
évidente dans les bouleversements des derniers siècles. Je suis convaincu que
la question de la justice constitue l'argument essentiel, en tout cas
l'argument le plus fort, en faveur de la foi dans la vie éternelle. Le besoin
seulement individuel d'une satisfaction qui dans cette vie nous est refusée, de
l'immortalité de l'amour que nous attendons, est certainement un motif
important pour croire que l'homme est fait pour l'éternité, mais seulement en
liaison avec le fait qu'il est impossible que l'injustice de l'histoire soit la
parole ultime, la nécessité du retour du Christ et de la vie nouvelle devient
totalement convaincante.
44. La protestation contre Dieu
au nom de la justice ne sert à rien. Un monde sans Dieu est un monde sans
espérance (cf. Ep 2, 12). Seul Dieu peut créer la justice. Et la foi
nous donne la certitude qu'Il le fait. L'image du Jugement final est en premier
lieu non pas une image terrifiante, mais une image d'espérance; pour nous
peut-être même l'image décisive de l'espérance. Mais n'est-ce pas aussi une
image de crainte? Je dirais: c'est une image qui appelle à la responsabilité.
Une image, donc, de cette crainte dont saint Hilaire dit que chacune de nos
craintes a sa place dans l'amour.[35]
Dieu est justice et crée la justice. C'est cela notre consolation et notre
espérance. Mais dans sa justice il y a aussi en même temps la grâce. Nous le
savons en tournant notre regard vers le Christ crucifié et ressuscité. Justice
et grâce doivent toutes les deux être vues dans leur juste relation intérieure.
La grâce n'exclut pas la justice. Elle ne change pas le tort en droit. Ce n'est
pas une éponge qui efface tout, de sorte que tout ce qui s'est fait sur la
terre finisse par avoir toujours la même valeur. Par exemple, dans son roman «
Les frères Karamazov », Dostoïevski a protesté avec raison contre une telle
typologie du ciel et de la grâce. À la fin, au banquet éternel, les méchants ne
siégeront pas indistinctement à table à côté des victimes, comme si rien ne
s'était passé. Je voudrais sur ce point citer un texte de Platon qui exprime un
pressentiment du juste jugement qui, en grande partie, demeure vrai et
salutaire, pour le chrétien aussi. Même avec des images mythologiques, qui
cependant rendent la vérité avec une claire évidence, il dit qu'à la fin les
âmes seront nues devant le juge. Alors ce qu'elles étaient dans l'histoire ne
comptera plus, mais seulement ce qu'elles sont en vérité. « Souvent, mettant la
main sur le Grand Roi ou sur quelque autre prince ou dynaste, il constate qu'il
n'y a pas une seule partie de saine dans son âme, qu'elle est toute lacérée et
ulcérée par les parjures et les injustices [...], que tout est déformé par les
mensonges et la vanité, et que rien n'y est droit parce qu'elle a vécu hors de
la vérité, que la licence enfin, la mollesse, l'orgueil, l'intempérance de sa
conduite l'ont rempli de désordre et de laideur: à cette vue, Rhadamante
l'envoie aussitôt déchue de ses droits, dans la prison, pour y subir les peines
appropriées [...]; quelquefois, il voit une autre âme, qu'il reconnaît comme
ayant vécu saintement dans le commerce de la vérité. [...] Il en admire la
beauté et l'envoie aux îles des Bienheureux ».[36]
Dans la parabole du riche bon vivant et du pauvre Lazare (cf. Lc 16,
19-31), Jésus nous a présenté en avertissement l'image d'une telle âme ravagée
par l'arrogance et par l'opulence, qui a créé elle-même un fossé
infranchissable entre elle et le pauvre; le fossé de l'enfermement dans les
plaisirs matériels; le fossé de l'oubli de l'autre, de l'incapacité d’aimer, qui
se transforme maintenant en une soif ardente et désormais irrémédiable. Nous
devons relever ici que Jésus dans cette parabole ne parle pas du destin
définitif après le Jugement universel, mais il reprend une conception qui se
trouve, entre autre, dans le judaïsme ancien, à savoir la conception d'une
condition intermédiaire entre mort et résurrection, un état dans lequel la
sentence dernière manque encore.
45. Cette idée vétéro-juive de la
condition intermédiaire inclut l'idée que les âmes ne se trouvent pas
simplement dans une sorte de détention provisoire, mais subissent déjà une
punition, comme le montre la parabole du riche bon vivant, ou au contraire
jouissent déjà de formes provisoires de béatitude. Et enfin il y a aussi l'idée
que, dans cet état, sont possibles des purifications et des guérisons qui
rendent l'âme mûre pour la communion avec Dieu. L'Église primitive a repris ces
conceptions, à partir desquelles ensuite, dans l'Église occidentale, s'est
développée petit à petit la doctrine du purgatoire. Nous n'avons pas besoin de
faire ici un examen des chemins historiques compliqués de ce développement;
demandons-nous seulement de quoi il s'agit réellement. Avec la mort, le choix
de vie fait par l'homme devient définitif – sa vie est devant le Juge. Son choix,
qui au cours de toute sa vie a pris forme, peut avoir diverses
caractéristiques. Il peut y avoir des personnes qui ont détruit totalement en
elles le désir de la vérité et la disponibilité à l'amour. Des personnes en qui
tout est devenu mensonge; des personnes qui ont vécu pour la haine et qui en
elles-mêmes ont piétiné l'amour. C'est une perspective terrible, mais certains
personnages de notre histoire laissent entrevoir de façon effroyable des
profils de ce genre. Dans de semblables individus, il n'y aurait plus rien de
remédiable et la destruction du bien serait irrévocable: c'est cela qu'on
indique par le mot « enfer ».[37]
D'autre part, il peut y avoir des personnes très pures, qui se sont laissées
entièrement pénétrer par Dieu et qui, par conséquent, sont totalement ouvertes
au prochain – personnes dont la communion avec Dieu oriente dès maintenant
l'être tout entier et dont le fait d'aller vers Dieu conduit seulement à
l'accomplissement de ce qu'elles sont désormais.[38]
46. Selon nos expériences,
cependant, ni un cas ni l'autre ne sont la normalité dans l'existence humaine.
Chez la plupart des hommes – comme nous pouvons le penser – demeure présente au
plus profond de leur être une ultime ouverture intérieure pour la vérité, pour
l'amour, pour Dieu. Mais, dans les choix concrets de vie, elle est recouverte
depuis toujours de nouveaux compromis avec le mal – beaucoup de saleté recouvre
la pureté, dont cependant la soif demeure et qui, malgré cela, émerge toujours de
nouveau de toute la bassesse et demeure présente dans l'âme. Qu'advient-il de
tels individus lorsqu'ils comparaissent devant le juge? Toutes les choses sales
qu'ils ont accumulées dans leur vie deviendront-elles d'un coup insignifiantes
? Ou qu'arrivera-t-il d'autre? Dans la Première lettre aux Corinthiens,
saint Paul nous donne une idée de l'impact différent du jugement de Dieu sur
l'homme selon son état. Il le fait avec des images qui veulent en quelque sorte
exprimer l'invisible, sans que nous puissions transformer ces images en
concepts – simplement parce que nous ne pouvons pas jeter un regard dans le
monde d’au delà de la mort et parce que nous n'en avons aucune expérience. Paul
dit avant tout de l'expérience chrétienne qu'elle est construite sur un
fondement commun: Jésus Christ. Ce fondement résiste. Si nous sommes demeurés
fermes sur ce fondement et que nous avons construit sur lui notre vie, nous
savons que ce fondement ne peut plus être enlevé, pas même dans la mort. Puis
Paul continue: « On peut poursuivre la construction avec de l'or, de l'argent
ou de la belle pierre, avec du bois, de l'herbe ou du chaume, mais l'ouvrage de
chacun sera mis en pleine lumière au jour du jugement. Car cette révélation se
fera par le feu, et c'est le feu qui permettra d'apprécier la qualité de
l'ouvrage de chacun. Si l'ouvrage construit par quelqu'un résiste, celui-là
recevra un salaire; s'il est détruit par le feu, il perdra son salaire. Et
lui-même sera sauvé, mais comme s'il était passé à travers un feu » (3, 12-15).
Dans ce texte, en tout cas, il devient évident que le sauvetage des hommes peut
avoir des formes diverses; que certaines choses édifiées peuvent brûler
totalement; que pour se sauver il faut traverser soi-même le « feu » afin de
devenir définitivement capable de Dieu et de pouvoir prendre place à la table
du banquet nuptial éternel.
47. Certains théologiens récents
sont de l'avis que le feu qui brûle et en même temps sauve est le Christ
lui-même, le Juge et Sauveur. La rencontre avec Lui est l'acte décisif du
Jugement. Devant son regard s'évanouit toute fausseté. C'est la rencontre avec
Lui qui, en nous brûlant, nous transforme et nous libère pour nous faire
devenir vraiment nous-mêmes. Les choses édifiées durant la vie peuvent alors se
révéler paille sèche, vantardise vide et s'écrouler. Mais dans la souffrance de
cette rencontre, où l'impur et le malsain de notre être nous apparaissent
évidents, se trouve le salut. Le regard du Christ, le battement de son cœur
nous guérissent grâce à une transformation assurément douloureuse, comme « par
le feu ». Cependant, c'est une heureuse souffrance, dans laquelle le saint
pouvoir de son amour nous pénètre comme une flamme, nous permettant à la fin
d'être totalement nous-mêmes et par là totalement de Dieu. Ainsi se rend
évidente aussi la compénétration de la justice et de la grâce: notre façon de
vivre n'est pas insignifiante, mais notre saleté ne nous tache pas
éternellement, si du moins nous sommes demeurés tendus vers le Christ, vers la
vérité et vers l'amour. En fin de compte, cette saleté a déjà été brûlée dans
la Passion du Christ. Au moment du Jugement, nous expérimentons et nous
accueillons cette domination de son amour sur tout le mal dans le monde et en
nous. La souffrance de l'amour devient notre salut et notre joie. Il est clair
que la « durée » de cette brûlure qui transforme, nous ne pouvons la calculer
avec les mesures chronométriques de ce monde. Le « moment » transformant de
cette rencontre échappe au chronométrage terrestre – c'est le temps du cœur, le
temps du « passage » à la communion avec Dieu dans le Corps du Christ.[39]
Le Jugement de Dieu est espérance, aussi bien parce qu'il est justice que parce
qu'il est grâce. S'il était seulement grâce qui rend insignifiant tout ce qui
est terrestre, Dieu resterait pour nous un débiteur de la réponse à la question
concernant la justice – question décisive pour nous face à l'histoire et face à
Dieu lui-même. S'il était pure justice, il ne pourrait être à la fin pour nous
tous qu’un motif de peur. L'incarnation de Dieu dans le Christ a tellement lié
l'une à l'autre – justice et grâce – que la justice est établie avec fermeté:
nous attendons tous notre salut « dans la crainte de Dieu et en tremblant » (Ph
2, 12). Malgré cela, la grâce nous permet à tous d'espérer et d'aller
pleins de confiance à la rencontre du Juge que nous connaissons comme notre «
avocat » (parakletos) (cf. 1 Jn 2, 1).
48. Un motif doit encore être
mentionné ici, parce qu'il est important pour la pratique de l'espérance
chrétienne. Dans le judaïsme ancien, il existe aussi l'idée qu'on peut venir en
aide aux défunts dans leur condition intermédiaire par la prière (cf. par
exemple 2 M 12, 38-45: 1er s. av. JC). La pratique
correspondante a été adoptée très spontanément par les chrétiens et elle est
commune à l'Église orientale et occidentale. L'Orient ignore la souffrance
purificatrice et expiatrice des âmes dans « l'au-delà », mais il connaît divers
degrés de béatitude ou aussi de souffrance dans la condition intermédiaire.
Cependant, grâce à l'Eucharistie, à la prière et à l'aumône, « repos et
fraîcheur » peuvent être donnés aux âmes des défunts. Que l'amour puisse
parvenir jusqu'à l'au-delà, que soit possible un mutuel donner et recevoir,
dans lequel les uns et les autres demeurent unis par des liens d'affection au
delà des limites de la mort – cela a été une conviction fondamentale de la
chrétienté à travers tous les siècles et reste aussi aujourd'hui une expérience
réconfortante. Qui n'éprouverait le besoin de faire parvenir à ses proches déjà
partis pour l'au-delà un signe de bonté, de gratitude ou encore de demande de
pardon? À présent on pourrait enfin se demander: si le « purgatoire » consiste
simplement à être purifié par le feu dans la rencontre avec le Seigneur, Juge
et Sauveur, comment alors une tierce personne peut-elle intervenir, même si
elle est particulièrement proche de l'autre? Quand nous posons une telle
question, nous devrions nous rendre compte qu'aucun homme n'est une monade
fermée sur elle-même. Nos existences sont en profonde communion entre elles,
elles sont reliées l'une à l'autre au moyen de multiples interactions. Nul ne
vit seul. Nul ne pèche seul. Nul n'est sauvé seul. Continuellement la vie des
autres entre dans ma vie: en ce que je pense, je dis, je fais, je réalise. Et
vice-versa, ma vie entre dans celle des autres: dans le mal comme dans le bien.
Ainsi mon intercession pour quelqu'un n'est pas du tout quelque chose qui lui
est étranger, extérieur, pas même après la mort. Dans l'inter-relation de
l'être, le remerciement que je lui adresse, ma prière pour lui peuvent
signifier une petite étape de sa purification. Et avec cela il n'y a pas besoin
de convertir le temps terrestre en temps de Dieu: dans la communion des âmes le
simple temps terrestre est dépassé. Il n'est jamais trop tard pour toucher le
cœur de l'autre et ce n'est jamais inutile. Ainsi s'éclaire ultérieurement un élément
important du concept chrétien d'espérance. Notre espérance est toujours
essentiellement aussi espérance pour les autres; c'est seulement ainsi qu'elle
est vraiment espérance pour moi.[40]
En tant que chrétiens nous ne devrions jamais nous demander seulement: comment
puis-je me sauver moi-même? Nous devrions aussi nous demander: que puis-je
faire pour que les autres soient sauvés et que surgisse aussi pour les autres
l'étoile de l'espérance? Alors j'aurai fait le maximum pour mon salut
personnel.
Marie, étoile de
l'espérance
49. Par une hymne du VIIe
-IXe siècle, donc depuis plus de mille ans, l'Église salue Marie,
Mère de Dieu, comme « étoile de la mer »: Ave maris stella. La vie
humaine est un chemin. Vers quelle fin? Comment en trouvons-nous la route? La
vie est comme un voyage sur la mer de l'histoire, souvent obscur et dans
l'orage, un voyage dans lequel nous scrutons les astres qui nous indiquent la
route. Les vraies étoiles de notre vie sont les personnes qui ont su vivre dans
la droiture. Elles sont des lumières d'espérance. Certes, Jésus Christ est la
lumière par antonomase, le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de
l'histoire. Mais pour arriver jusqu'à Lui nous avons besoin aussi de lumières
proches – de personnes qui donnent une lumière en la tirant de sa lumière et
qui offrent ainsi une orientation pour notre traversée. Et quelle personne pourrait
plus que Marie être pour nous l'étoile de l'espérance – elle qui par son « oui
» ouvrit à Dieu lui-même la porte de notre monde; elle qui devint la vivante
Arche de l'Alliance, dans laquelle Dieu se fit chair, devint l'un de nous,
planta sa tente au milieu de nous (cf. Jn 1, 14)? C'est ainsi que nous
nous adressons à elle:
50. Sainte Marie, tu appartenais
aux âmes humbles et grandes en Israël qui, comme Syméon, attendaient « la
consolation d'Israël » (Lc 2, 25) et qui, comme Anne, attendaient « la
délivrance de Jérusalem » (Lc 2, 38). Tu vivais en contact intime avec
les Saintes Écritures d'Israël, qui parlaient de l'espérance – de la promesse
faite à Abraham et à sa descendance (cf. Lc 1, 55). Ainsi nous
comprenons la sainte crainte qui t'assaillit quand l'ange du Seigneur entra
dans ta maison et te dit que tu mettrais au jour Celui qui était l'espérance
d'Israël et l'attente du monde. Par toi, par ton « oui », l'espérance des
millénaires devait devenir réalité, entrer dans ce monde et dans son histoire.
Toi tu t'es inclinée devant la grandeur de cette mission et tu as dit « oui »:
« Voici la servante du Seigneur; que tout se passe pour moi selon ta parole » (Lc
1, 38). Quand remplie d'une sainte joie tu as traversé en hâte les monts de
Judée pour rejoindre ta parente Élisabeth, tu devins l'image de l'Église à
venir qui, dans son sein, porte l'espérance du monde à travers les monts de
l'histoire. Mais à côté de la joie que, dans ton Magnificat, par les
paroles et par le chant tu as répandue dans les siècles, tu connaissais
également les affirmations obscures des prophètes sur la souffrance du
serviteur de Dieu en ce monde. Sur la naissance dans l'étable de Bethléem
brilla la splendeur des anges qui portaient la bonne nouvelle aux bergers, mais
en même temps on a par trop fait en ce monde l'expérience de la pauvreté de
Dieu. Le vieillard Syméon te parla de l'épée qui transpercerait ton cœur (cf. Lc
2, 35), du signe de contradiction que ton Fils serait dans ce monde. Quand
ensuite commença l'activité publique de Jésus, tu as dû te mettre à l'écart,
afin que puisse grandir la nouvelle famille, pour la constitution de laquelle
Il était venu et qui devait se développer avec l'apport de ceux qui
écouteraient et observeraient sa parole (cf. Lc 11, 27s.). Malgré toute
la grandeur et la joie des tout débuts de l'activité de Jésus, toi, tu as dû
faire, déjà dans la synagogue de Nazareth, l'expérience de la vérité de la
parole sur le « signe de contradiction » (cf. Lc 4, 28ss). Ainsi tu as
vu le pouvoir grandissant de l'hostilité et du refus qui progressivement allait
s'affirmant autour de Jésus jusqu'à l'heure de la croix, où tu devais voir le
Sauveur du monde, l'héritier de David, le Fils de Dieu mourir comme quelqu'un
qui a échoué, exposé à la risée, parmi les délinquants. Tu as alors accueilli
la parole: « Femme, voici ton fils! » (Jn 19, 26). De la croix tu reçus
une nouvelle mission. À partir de la croix tu es devenue mère d'une manière
nouvelle: mère de tous ceux qui veulent croire en ton Fils Jésus et le suivre.
L'épée de douleur transperça ton cœur. L'espérance était-elle morte? Le monde
était-il resté définitivement sans lumière, la vie sans but? À cette heure,
probablement, au plus intime de toi-même, tu auras écouté de nouveau la parole
de l'ange, par laquelle il avait répondu à ta crainte au moment de
l'Annonciation: « Sois sans crainte, Marie! » (Lc 1, 30). Que de fois le
Seigneur, ton fils, avait dit la même chose à ses disciples: N'ayez pas peur!
Dans la nuit du Golgotha, tu as entendu de nouveau cette parole. À ses
disciples, avant l'heure de la trahison, il avait dit: « Ayez confiance: moi,
je suis vainqueur du monde » (Jn 16, 33). « Ne soyez donc pas
bouleversés et effrayés » (Jn 14, 27). « Sois sans crainte, Marie! » À
l'heure de Nazareth l'ange t'avait dit aussi: « Son règne n'aura pas de fin » (Lc
1, 33). Il était peut-être fini avant de commencer ? Non, près de la croix, sur
la base de la parole même de Jésus, tu étais devenue la mère des croyants. Dans
cette foi, qui était aussi, dans l'obscurité du Samedi Saint, certitude de
l'espérance, tu es allée à la rencontre du matin de Pâques. La joie de la
résurrection a touché ton cœur et t'a unie de manière nouvelle aux disciples,
appelés à devenir la famille de Jésus par la foi. Ainsi, tu fus au milieu de la
communauté des croyants qui, les jours après l'Ascension, priaient d'un seul
cœur pour le don du Saint-Esprit (cf. Ac 1, 14) et qui le reçurent au
jour de la Pentecôte. Le « règne » de Jésus était différent de ce que les
hommes avaient pu imaginer. Ce « règne » commençait à cette heure et n'aurait
jamais de fin. Ainsi tu demeures au milieu des disciples comme leur Mère, comme
Mère de l'espérance. Sainte Marie, Mère de Dieu, notre Mère, enseigne-nous à
croire, à espérer et à aimer avec toi. Indique-nous le chemin vers son règne!
Étoile de la mer, brille sur nous et conduis-nous sur notre route!
Donné à Rome, près de
Saint-Pierre, le 30 novembre 2007, fête de saint André Apôtre, en la troisième
année de mon Pontificat.
BENEDICTUS PP. XVI
[10]Jean Giono, Les vraies richesses,
Paris (1936), Préface, in Henri de Lubac, Catholicisme. Aspects sociaux du
dogme, Paris (1983), p. VII.
[17]In Werke IV, W. Weischedel
dir. (1956), p. 777: La
doctrine philosophique de la religion, III, I, VII: Œuvres
philosophiques III, La Pléiade, Paris (1986), p. 140. Les pages sur
la Victoire du bien constitue, on le sait, le troisième chapitre de
l’écrit Die Religion innerhalb der Grenzen der bloβen Vernunft (La
religion dans les limites de la raison), publié par Kant en 1793.
[18]Kant Immanuel, Das Ende aller
Dinge: in Werke IV, W. Weischedel dir. (1964), p. 190: La fin de toutes choses.
Remarque: Œuvres philosophiques III, La Pléiade, Paris
(1986), pp. 324-325.
[22]Sermon 340, 3: PL 38, 1484; cf. Frederik Van der
Meer, Saint Augustin, Pasteur d'âmes, Colmar-Paris (1959), pp. 407-408.
[30]Cf. Negative Dialektik (1966)
Troisième partie, III 11, in Gesammelte Schriften VI, Frankfurt/Main
(1973), p. 395.
©
Copyright 2007 - Libreria Editrice Vaticana
SOURCE : http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/encyclicals/documents/hf_ben-xvi_enc_20071130_spe-salvi_fr.html
ENCYCLICAL LETTER
SPE SALVI
OF THE SUPREME PONTIFF
BENEDICT XVI
TO THE BISHOPS
PRIESTS AND DEACONS
MEN AND WOMEN RELIGIOUS
AND ALL THE LAY FAITHFUL
ON CHRISTIAN HOPE
SPE SALVI
OF THE SUPREME PONTIFF
BENEDICT XVI
TO THE BISHOPS
PRIESTS AND DEACONS
MEN AND WOMEN RELIGIOUS
AND ALL THE LAY FAITHFUL
ON CHRISTIAN HOPE
Introduction
1. “SPE SALVI facti
sumus”—in hope we were saved, says Saint Paul to the Romans, and likewise
to us (Rom
8:24).
According to the Christian faith, “redemption”—salvation—is not simply a given.
Redemption is offered to us in the sense that we have been given hope,
trustworthy hope, by virtue of which we can face our present: the present, even
if it is arduous, can be lived and accepted if it leads towards a goal, if we
can be sure of this goal, and if this goal is great enough to justify the
effort of the journey. Now the question immediately arises: what sort of hope
could ever justify the statement that, on the basis of that hope and simply
because it exists, we are redeemed? And what sort of certainty is involved
here?
Faith is Hope
2. Before turning our
attention to these timely questions, we must listen a little more closely to
the Bible's testimony on hope. “Hope”, in fact, is a key word in Biblical
faith—so much so that in several passages the words “faith” and “hope” seem
interchangeable. Thus the Letter to the Hebrews closely links the “fullness
of faith” (10:22) to “the confession of our hope without wavering” (10:23).
Likewise, when the First Letter of Peter exhorts Christians to be always
ready to give an answer concerning the logos—the meaning and the
reason—of their hope (cf. 3:15), “hope” is equivalent to “faith”. We see how
decisively the self-understanding of the early Christians was shaped by their
having received the gift of a trustworthy hope, when we compare the Christian
life with life prior to faith, or with the situation of the followers of other
religions. Paul reminds the Ephesians that before their encounter with Christ
they were “without hope and without God in the world” (Eph 2:12). Of
course he knew they had had gods, he knew they had had a religion, but their
gods had proved questionable, and no hope emerged from their contradictory
myths. Notwithstanding their gods, they were “without God” and consequently
found themselves in a dark world, facing a dark future. In nihil ab nihilo
quam cito recidimus (How quickly we fall back from nothing to nothing)[1]: so says
an epitaph of that period. In this phrase we see in no uncertain terms the
point Paul was making. In the same vein he says to the Thessalonians: you must
not “grieve as others do who have no hope” (1 Th 4:13). Here too we see
as a distinguishing mark of Christians the fact that they have a future: it is
not that they know the details of what awaits them, but they know in general
terms that their life will not end in emptiness. Only when the future is
certain as a positive reality does it become possible to live the present as
well. So now we can say: Christianity was not only “good news”—the
communication of a hitherto unknown content. In our language we would say: the
Christian message was not only “informative” but “performative”. That means:
the Gospel is not merely a communication of things that can be known—it is one
that makes things happen and is life-changing. The dark door of time, of the
future, has been thrown open. The one who has hope lives differently; the one
who hopes has been granted the gift of a new life.
3. Yet at this point a
question arises: in what does this hope consist which, as hope, is
“redemption”? The essence of the answer is given in the phrase from the Letter
to the Ephesians quoted above: the Ephesians, before their encounter with
Christ, were without hope because they were “without God in the world”. To come
to know God—the true God—means to receive hope. We who have always lived with
the Christian concept of God, and have grown accustomed to it, have almost
ceased to notice that we possess the hope that ensues from a real encounter
with this God. The example of a saint of our time can to some degree help us
understand what it means to have a real encounter with this God for the first
time. I am thinking of the African Josephine Bakhita, canonized by Pope John
Paul II. She was born around 1869—she herself did not know the precise date—in
Darfur in Sudan. At the age of nine, she was kidnapped by slave-traders, beaten
till she bled, and sold five times in the slave-markets of Sudan. Eventually
she found herself working as a slave for the mother and the wife of a general,
and there she was flogged every day till she bled; as a result of this she bore
144 scars throughout her life. Finally, in 1882, she was bought by an Italian
merchant for the Italian consul Callisto Legnani, who returned to Italy as the
Mahdists advanced. Here, after the terrifying “masters” who had owned her up to
that point, Bakhita came to know a totally different kind of “master”—in
Venetian dialect, which she was now learning, she used the name “paron”
for the living God, the God of Jesus Christ. Up to that time she had known only
masters who despised and maltreated her, or at best considered her a useful
slave. Now, however, she heard that there is a “paron” above all
masters, the Lord of all lords, and that this Lord is good, goodness in person.
She came to know that this Lord even knew her, that he had created her—that he
actually loved her. She too was loved, and by none other than the supreme “Paron”,
before whom all other masters are themselves no more than lowly servants. She
was known and loved and she was awaited. What is more, this master had himself
accepted the destiny of being flogged and now he was waiting for her “at the
Father's right hand”. Now she had “hope” —no longer simply the modest hope of
finding masters who would be less cruel, but the great hope: “I am definitively
loved and whatever happens to me—I am awaited by this Love. And so my life is
good.” Through the knowledge of this hope she was “redeemed”, no longer a
slave, but a free child of God. She understood what Paul meant when he reminded
the Ephesians that previously they were without hope and without God in the
world—without hope because without God. Hence, when she was about to be
taken back to Sudan, Bakhita refused; she did not wish to be separated again
from her “Paron”. On 9 January 1890, she was baptized and confirmed and
received her first Holy Communion from the hands of the Patriarch of Venice. On
8 December 1896, in Verona, she took her vows in the Congregation of the
Canossian Sisters and from that time onwards, besides her work in the sacristy
and in the porter's lodge at the convent, she made several journeys round Italy
in order to promote the missions: the liberation that she had received through
her encounter with the God of Jesus Christ, she felt she had to extend, it had
to be handed on to others, to the greatest possible number of people. The hope
born in her which had “redeemed” her she could not keep to herself; this hope
had to reach many, to reach everybody.
The concept of
faith-based hope in the New Testament and the early Church
4. We have raised the
question: can our encounter with the God who in Christ has shown us his face
and opened his heart be for us too not just “informative” but
“performative”—that is to say, can it change our lives, so that we know we are
redeemed through the hope that it expresses? Before attempting to answer the
question, let us return once more to the early Church. It is not difficult to
realize that the experience of the African slave-girl Bakhita was also the
experience of many in the period of nascent Christianity who were beaten and
condemned to slavery. Christianity did not bring a message of social revolution
like that of the ill-fated Spartacus, whose struggle led to so much bloodshed.
Jesus was not Spartacus, he was not engaged in a fight for political liberation
like Barabbas or Bar- Kochba. Jesus, who himself died on the Cross, brought
something totally different: an encounter with the Lord of all lords, an
encounter with the living God and thus an encounter with a hope stronger than
the sufferings of slavery, a hope which therefore transformed life and the
world from within. What was new here can be seen with the utmost clarity in
Saint Paul's Letter to Philemon. This is a very personal letter, which
Paul wrote from prison and entrusted to the runaway slave Onesimus for his
master, Philemon. Yes, Paul is sending the slave back to the master from whom
he had fled, not ordering but asking: “I appeal to you for my child ... whose
father I have become in my imprisonment ... I am sending him back to you,
sending my very heart ... perhaps this is why he was parted from you for a
while, that you might have him back for ever, no longer as a slave but more
than a slave, as a beloved brother ...” (Philem 10-16). Those who, as
far as their civil status is concerned, stand in relation to one an other as
masters and slaves, inasmuch as they are members of the one Church have become
brothers and sisters—this is how Christians addressed one another. By virtue of
their Baptism they had been reborn, they had been given to drink of the same
Spirit and they received the Body of the Lord together, alongside one another.
Even if external structures remained unaltered, this changed society from within.
When the Letter to the Hebrews says that Christians here on earth do not
have a permanent homeland, but seek one which lies in the future (cf. Heb 11:13-16;
Phil 3:20), this does not mean for one moment that they live only for
the future: present society is recognized by Christians as an exile; they
belong to a new society which is the goal of their common pilgrimage and which
is anticipated in the course of that pilgrimage.
5. We must add a further
point of view. The First Letter to the Corinthians (1:18-31) tells us
that many of the early Christians belonged to the lower social strata, and
precisely for this reason were open to the experience of new hope, as we saw in
the example of Bakhita. Yet from the beginning there were also conversions in
the aristocratic and cultured circles, since they too were living “without hope
and without God in the world”. Myth had lost its credibility; the Roman State
religion had become fossilized into simple ceremony which was scrupulously
carried out, but by then it was merely “political religion”. Philosophical
rationalism had confined the gods within the realm of unreality. The Divine was
seen in various ways in cosmic forces, but a God to whom one could pray did not
exist. Paul illustrates the essential problem of the religion of that time
quite accurately when he contrasts life “according to Christ” with life under
the dominion of the “elemental spirits of the universe” (Col 2:8). In
this regard a text by Saint Gregory Nazianzen is enlightening. He says that at
the very moment when the Magi, guided by the star, adored Christ the new king,
astrology came to an end, because the stars were now moving in the orbit
determined by Christ[2]. This
scene, in fact, overturns the world-view of that time, which in a different way
has become fashionable once again today. It is not the elemental spirits of the
universe, the laws of matter, which ultimately govern the world and mankind,
but a personal God governs the stars, that is, the universe; it is not the laws
of matter and of evolution that have the final say, but reason, will, love—a
Person. And if we know this Person and he knows us, then truly the inexorable
power of material elements no longer has the last word; we are not slaves of
the universe and of its laws, we are free. In ancient times, honest enquiring
minds were aware of this. Heaven is not empty. Life is not a simple product of
laws and the randomness of matter, but within everything and at the same time
above everything, there is a personal will, there is a Spirit who in Jesus has
revealed himself as Love[3].
6. The sarcophagi of the
early Christian era illustrate this concept visually—in the context of death,
in the face of which the question concerning life's meaning becomes unavoidable.
The figure of Christ is interpreted on ancient sarcophagi principally by two
images: the philosopher and the shepherd. Philosophy at that time was not
generally seen as a difficult academic discipline, as it is today. Rather, the
philosopher was someone who knew how to teach the essential art: the art of
being authentically human—the art of living and dying. To be sure, it had long
since been realized that many of the people who went around pretending to be
philosophers, teachers of life, were just charlatans who made money through
their words, while having nothing to say about real life. All the more, then,
the true philosopher who really did know how to point out the path of life was
highly sought after. Towards the end of the third century, on the sarcophagus
of a child in Rome, we find for the first time, in the context of the
resurrection of Lazarus, the figure of Christ as the true philosopher, holding
the Gospel in one hand and the philosopher's travelling staff in the other.
With his staff, he conquers death; the Gospel brings the truth that itinerant
philosophers had searched for in vain. In this image, which then became a
common feature of sarcophagus art for a long time, we see clearly what both
educated and simple people found in Christ: he tells us who man truly is and
what a man must do in order to be truly human. He shows us the way, and this
way is the truth. He himself is both the way and the truth, and therefore he is
also the life which all of us are seeking. He also shows us the way beyond
death; only someone able to do this is a true teacher of life. The same thing
becomes visible in the image of the shepherd. As in the representation of the
philosopher, so too through the figure of the shepherd the early Church could
identify with existing models of Roman art. There the shepherd was generally an
expression of the dream of a tranquil and simple life, for which the people,
amid the confusion of the big cities, felt a certain longing. Now the image was
read as part of a new scenario which gave it a deeper content: “The Lord is my
shepherd: I shall not want ... Even though I walk through the valley of the
shadow of death, I fear no evil, because you are with me ...” (Ps 23
[22]:1, 4). The true shepherd is one who knows even the path that passes
through the valley of death; one who walks with me even on the path of final
solitude, where no one can accompany me, guiding me through: he himself has
walked this path, he has descended into the kingdom of death, he has conquered
death, and he has returned to accompany us now and to give us the certainty
that, together with him, we can find a way through. The realization that there
is One who even in death accompanies me, and with his “rod and his staff
comforts me”, so that “I fear no evil” (cf. Ps 23 [22]:4)—this was the
new “hope” that arose over the life of believers.
7. We must return once more
to the New Testament. In the eleventh chapter of the Letter to the Hebrews (v.
1) we find a kind of definition of faith which closely links this virtue with
hope. Ever since the Reformation there has been a dispute among exegetes over
the central word of this phrase, but today a way towards a common
interpretation seems to be opening up once more. For the time being I shall
leave this central word untranslated. The sentence therefore reads as follows:
“Faith is the hypostasis of things hoped for; the proof of things not
seen”. For the Fathers and for the theologians of the Middle Ages, it was clear
that the Greek word hypostasis was to be rendered in Latin with the term
substantia. The Latin translation of the text produced at the time of the
early Church therefore reads: Est autem fides sperandarum substantia rerum,
argumentum non apparentium—faith is the “substance” of things hoped for;
the proof of things not seen. Saint Thomas Aquinas[4], using
the terminology of the philosophical tradition to which he belonged, explains
it as follows: faith is a habitus, that is, a stable disposition of the
spirit, through which eternal life takes root in us and reason is led to
consent to what it does not see. The concept of “substance” is therefore
modified in the sense that through faith, in a tentative way, or as we might
say “in embryo”—and thus according to the “substance”—there are already present
in us the things that are hoped for: the whole, true life. And precisely
because the thing itself is already present, this presence of what is to come
also creates certainty: this “thing” which must come is not yet visible in the
external world (it does not “appear”), but because of the fact that, as an
initial and dynamic reality, we carry it within us, a certain perception of it has
even now come into existence. To Luther, who was not particularly fond of the Letter
to the Hebrews, the concept of “substance”, in the context of his view of
faith, meant nothing. For this reason he understood the term hypostasis/substance
not in the objective sense (of a reality present within us), but in the
subjective sense, as an expression of an interior attitude, and so, naturally,
he also had to understand the term argumentum as a disposition of the
subject. In the twentieth century this interpretation became prevalent—at least
in Germany—in Catholic exegesis too, so that the ecumenical translation into
German of the New Testament, approved by the Bishops, reads as follows: Glaube
aber ist: Feststehen in dem, was man erhofft, Überzeugtsein von dem, was man
nicht sieht (faith is: standing firm in what one hopes, being convinced of
what one does not see). This in itself is not incorrect, but it is not the
meaning of the text, because the Greek term used (elenchos) does not
have the subjective sense of “conviction” but the objective sense of “proof”.
Rightly, therefore, recent Prot- estant exegesis has arrived at a different
interpretation: “Yet there can be no question but that this classical
Protestant understanding is untenable”[5]. Faith is
not merely a personal reaching out towards things to come that are still
totally absent: it gives us something. It gives us even now something of the
reality we are waiting for, and this present reality constitutes for us a
“proof” of the things that are still unseen. Faith draws the future into the
present, so that it is no longer simply a “not yet”. The fact that this future
exists changes the present; the present is touched by the future reality, and
thus the things of the future spill over into those of the present and those of
the present into those of the future.
8. This explanation is
further strengthened and related to daily life if we consider verse 34 of the
tenth chapter of the Letter to the Hebrews, which is linked by
vocabulary and content to this definition of hope-filled faith and prepares the
way for it. Here the author speaks to believers who have undergone the
experience of persecution and he says to them: “you had compassion on the
prisoners, and you joyfully accepted the plundering of your property (hyparchonton—Vg.
bonorum), since you knew that you yourselves had a better possession (hyparxin—Vg.
substantiam) and an abiding one.” Hyparchonta refers to property, to
what in earthly life constitutes the means of support, indeed the basis, the
“substance” for life, what we depend upon. This “substance”, life's normal
source of security, has been taken away from Christians in the course of
persecution. They have stood firm, though, because they considered this
material substance to be of little account. They could abandon it because they
had found a better “basis” for their existence—a basis that abides, that no one
can take away. We must not overlook the link between these two types of
“substance”, between means of support or material basis and the word of faith
as the “basis”, the “substance” that endures. Faith gives life a new basis, a
new foundation on which we can stand, one which relativizes the habitual
foundation, the reliability of material income. A new freedom is created with
regard to this habitual foundation of life, which only appears to be
capable of providing support, although this is obviously not to deny its normal
meaning. This new freedom, the awareness of the new “substance” which we have
been given, is revealed not only in martyrdom, in which people resist the
overbearing power of ideology and its political organs and, by their death, renew
the world. Above all, it is seen in the great acts of renunciation, from the
monks of ancient times to Saint Francis of Assisi and those of our
contemporaries who enter modern religious Institutes and movements and leave
everything for love of Christ, so as to bring to men and women the faith and
love of Christ, and to help those who are suffering in body and spirit. In
their case, the new “substance” has proved to be a genuine “substance”; from
the hope of these people who have been touched by Christ, hope has arisen for
others who were living in darkness and without hope. In their case, it has been
demonstrated that this new life truly possesses and is “substance” that calls
forth life for others. For us who contemplate these figures, their way of acting
and living is de facto a “proof” that the things to come, the promise of
Christ, are not only a reality that we await, but a real presence: he is truly
the “philosopher” and the “shepherd” who shows us what life is and where it is
to be found.
9. In order to understand
more deeply this reflection on the two types of substance—hypostasis and
hyparchonta—and on the two approaches to life expressed by these terms,
we must continue with a brief consideration of two words pertinent to the
discussion which can be found in the tenth chapter of the Letter to the
Hebrews. I refer to the words hypomone (10:36) and hypostole (10:39).
Hypo- mone is normally translated as “patience”—perseverance, constancy.
Knowing how to wait, while patiently enduring trials, is necessary for the
believer to be able to “receive what is promised” (10:36). In the religious
context of ancient Judaism, this word was used expressly for the expectation of
God which was characteristic of Israel, for their persevering faithfulness to
God on the basis of the certainty of the Covenant in a world which contradicts
God. Thus the word indicates a lived hope, a life based on the certainty of
hope. In the New Testament this expectation of God, this standing with God,
takes on a new significance: in Christ, God has revealed himself. He has
already communicated to us the “substance” of things to come, and thus the
expectation of God acquires a new certainty.
It is the expectation of
things to come from the perspective of a present that is already given. It is a
looking-forward in Christ's presence, with Christ who is present, to the
perfecting of his Body, to his definitive coming. The word hypostole, on
the other hand, means shrinking back through lack of courage to speak openly
and frankly a truth that may be dangerous. Hiding through a spirit of fear
leads to “destruction” (Heb 10:39). “God did not give us a spirit of
timidity but a spirit of power and love and self-control”—that, by contrast, is
the beautiful way in which the Second Letter to Timothy (1:7) describes
the fundamental attitude of the Christian.
Eternal life – what
is it?
10. We have spoken thus far
of faith and hope in the New Testament and in early Christianity; yet it has
always been clear that we are referring not only to the past: the entire
reflection concerns living and dying in general, and therefore it also concerns
us here and now. So now we must ask explicitly: is the Christian faith also for
us today a life-changing and life-sustaining hope?
Is it “performative” for
us—is it a message which shapes our life in a new way, or is it just
“information” which, in the meantime, we have set aside and which now seems to
us to have been superseded by more recent information? In the search for an
answer, I would like to begin with the classical form of the dialogue with
which the rite of Baptism expressed the reception of an infant into the
community of believers and the infant's rebirth in Christ. First of all the
priest asked what name the parents had chosen for the child, and then he continued
with the question: “What do you ask of the Church?” Answer: “Faith”. “And what
does faith give you?” “Eternal life”. According to this dialogue, the parents
were seeking access to the faith for their child, communion with believers,
because they saw in faith the key to “eternal life”. Today as in the past, this
is what being baptized, becoming Christians, is all about: it is not just an
act of socialization within the community, not simply a welcome into the
Church. The parents expect more for the one to be baptized: they expect that
faith, which includes the corporeal nature of the Church and her sacraments,
will give life to their child—eternal life. Faith is the substance of hope. But
then the question arises: do we really want this—to live eternally? Perhaps
many people reject the faith today simply because they do not find the prospect
of eternal life attractive. What they desire is not eternal life at all, but
this present life, for which faith in eternal life seems something of an
impediment. To continue living for ever —endlessly—appears more like a curse
than a gift. Death, admittedly, one would wish to postpone for as long as
possible. But to live always, without end—this, all things considered, can only
be monotonous and ultimately unbearable. This is precisely the point made, for
example, by Saint Ambrose, one of the Church Fathers, in the funeral discourse
for his deceased brother Satyrus: “Death was not part of nature; it became part
of nature. God did not decree death from the beginning; he prescribed it as a
remedy. Human life, because of sin ... began to experience the burden of
wretchedness in unremitting labour and unbearable sorrow. There had to be a
limit to its evils; death had to restore what life had forfeited. Without the
assistance of grace, immortality is more of a burden than a blessing”[6]. A little
earlier, Ambrose had said: “Death is, then, no cause for mourning, for it is
the cause of mankind's salvation”[7].
11. Whatever precisely
Saint Ambrose may have meant by these words, it is true that to eliminate death
or to postpone it more or less indefinitely would place the earth and humanity
in an impossible situation, and even for the individual would bring no benefit.
Obviously there is a contradiction in our attitude, which points to an inner
contradiction in our very existence. On the one hand, we do not want to die;
above all, those who love us do not want us to die. Yet on the other hand,
neither do we want to continue living indefinitely, nor was the earth created
with that in view. So what do we really want? Our paradoxical attitude gives
rise to a deeper question: what in fact is “life”? And what does “eternity”
really mean? There are moments when it suddenly seems clear to us: yes, this is
what true “life” is—this is what it should be like. Besides, what we call
“life” in our everyday language is not real “life” at all. Saint Augustine, in
the extended letter on prayer which he addressed to Proba, a wealthy Roman
widow and mother of three consuls, once wrote this: ultimately we want only one
thing—”the blessed life”, the life which is simply life, simply “happiness”. In
the final analysis, there is nothing else that we ask for in prayer. Our
journey has no other goal—it is about this alone. But then Augustine also says:
looking more closely, we have no idea what we ultimately desire, what we would
really like. We do not know this reality at all; even in those moments when we
think we can reach out and touch it, it eludes us. “We do not know what we
should pray for as we ought,” he says, quoting Saint Paul (Rom 8:26).
All we know is that it is not this. Yet in not knowing, we know that this
reality must exist. “There is therefore in us a certain learned ignorance (docta
ignorantia), so to speak”, he writes. We do not know what we would really
like; we do not know this “true life”; and yet we know that there must be
something we do not know towards which we feel driven[8].
12. I think that in this
very precise and permanently valid way, Augustine is describing man's essential
situation, the situation that gives rise to all his contradictions and hopes.
In some way we want life itself, true life, untouched even by death; yet at the
same time we do not know the thing towards which we feel driven. We cannot stop
reaching out for it, and yet we know that all we can experience or accomplish
is not what we yearn for. This unknown “thing” is the true “hope” which drives
us, and at the same time the fact that it is unknown is the cause of all forms
of despair and also of all efforts, whether positive or destructive, directed
towards worldly authenticity and human authenticity. The term “eternal life” is
intended to give a name to this known “unknown”. Inevitably it is an inadequate
term that creates confusion. “Eternal”, in fact, suggests to us the idea of
something interminable, and this frightens us; “life” makes us think of the
life that we know and love and do not want to lose, even though very often it
brings more toil than satisfaction, so that while on the one hand we desire it,
on the other hand we do not want it. To imagine ourselves outside the
temporality that imprisons us and in some way to sense that eternity is not an
unending succession of days in the calendar, but something more like the
supreme moment of satisfaction, in which totality embraces us and we embrace
totality—this we can only attempt. It would be like plunging into the ocean of
infinite love, a moment in which time—the before and after—no longer exists. We
can only attempt to grasp the idea that such a moment is life in the full
sense, a plunging ever anew into the vastness of being, in which we are simply
overwhelmed with joy. This is how Jesus expresses it in Saint John's Gospel: “I
will see you again and your hearts will rejoice, and no one will take your joy
from you” (16:22). We must think along these lines if we want to understand the
object of Christian hope, to understand what it is that our faith, our being
with Christ, leads us to expect[9].
Is Christian hope
individualistic?
13. In the course of their
history, Christians have tried to express this “knowing without knowing” by
means of figures that can be represented, and they have developed images of
“Heaven” which remain far removed from what, after all, can only be known
negatively, via unknowing. All these attempts at the representation of hope
have given to many people, down the centuries, the incentive to live by faith
and hence also to abandon their hyparchonta, the material substance for
their lives. The author of the Letter to the Hebrews, in the eleventh
chapter, outlined a kind of history of those who live in hope and of their
journeying, a history which stretches from the time of Abel into the author's
own day. This type of hope has been subjected to an increasingly harsh critique
in modern times: it is dismissed as pure individualism, a way of abandoning the
world to its misery and taking refuge in a private form of eternal salvation.
Henri de Lubac, in the introduction to his seminal book Catholicisme.
Aspects sociaux du dogme, assembled some characteristic articulations of
this viewpoint, one of which is worth quoting: “Should I have found joy? No ...
only my joy, and that is something wildly different ... The joy of Jesus
can be personal. It can belong to a single man and he is saved. He is at peace
... now and always, but he is alone. The isolation of this joy does not trouble
him. On the contrary: he is the chosen one! In his blessedness he passes
through the battlefields with a rose in his hand”[10].
14. Against this, drawing
upon the vast range of patristic theology, de Lubac was able to demonstrate
that salvation has always been considered a “social” reality. Indeed, the
Letter to the Hebrews speaks of a “city” (cf. 11:10, 16; 12:22; 13:14) and
therefore of communal salvation. Consistently with this view, sin is understood
by the Fathers as the destruction of the unity of the human race, as
fragmentation and division. Babel, the place where languages were confused, the
place of separation, is seen to be an expression of what sin fundamentally is.
Hence “redemption” appears as the reestablishment of unity, in which we come
together once more in a union that begins to take shape in the world community
of believers. We need not concern ourselves here with all the texts in which
the social character of hope appears. Let us concentrate on the Letter to
Proba in which Augustine tries to illustrate to some degree this “known
unknown” that we seek. His point of departure is simply the expression “blessed
life”. Then he quotes Psalm 144 [143]:15: “Blessed is the people whose
God is the Lord.” And he continues: “In order to be numbered among this people
and attain to ... everlasting life with God, ‘the end of the commandment is
charity that issues from a pure heart and a good conscience and sincere faith'
(1 Tim 1:5)”[11]. This
real life, towards which we try to reach out again and again, is linked to a
lived union with a “people”, and for each individual it can only be attained
within this “we”. It presupposes that we escape from the prison of our “I”,
because only in the openness of this universal subject does our gaze open out
to the source of joy, to love itself—to God.
15. While this
community-oriented vision of the “blessed life” is certainly directed beyond
the present world, as such it also has to do with the building up of this
world—in very different ways, according to the historical context and the
possibilities offered or excluded thereby. At the time of Augustine, the
incursions of new peoples were threatening the cohesion of the world, where
hitherto there had been a certain guarantee of law and of living in a
juridically ordered society; at that time, then, it was a matter of
strengthening the basic foundations of this peaceful societal existence, in
order to survive in a changed world. Let us now consider a more or less
randomly chosen episode from the Middle Ages, that serves in many respects to
illustrate what we have been saying. It was commonly thought that monasteries
were places of flight from the world (contemptus mundi) and of
withdrawal from responsibility for the world, in search of private salvation.
Bernard of Clairvaux, who inspired a multitude of young people to enter the
monasteries of his reformed Order, had quite a different perspective on this.
In his view, monks perform a task for the whole Church and hence also for the
world. He uses many images to illustrate the responsibility that monks have
towards the entire body of the Church, and indeed towards humanity; he applies
to them the words of pseudo-Rufinus: “The human race lives thanks to a few;
were it not for them, the world would perish ...”[12].
Contemplatives—contemplantes—must become agricultural labourers—laborantes—he
says. The nobility of work, which Christianity inherited from Judaism, had
already been expressed in the monastic rules of Augustine and Benedict. Bernard
takes up this idea again. The young noblemen who flocked to his monasteries had
to engage in manual labour. In fact Bernard explicitly states that not even the
monastery can restore Paradise, but he maintains that, as a place of practical
and spiritual “tilling the soil”, it must prepare the new Paradise. A wild plot
of forest land is rendered fertile—and in the process, the trees of pride are
felled, whatever weeds may be growing inside souls are pulled up, and the ground
is thereby prepared so that bread for body and soul can flourish[13]. Are we
not perhaps seeing once again, in the light of current history, that no
positive world order can prosper where souls are overgrown?
The transformation of
Christian faith-hope in the modern age
16. How could the idea have
developed that Jesus's message is narrowly individualistic and aimed only at
each person singly? How did we arrive at this interpretation of the “salvation
of the soul” as a flight from responsibility for the whole, and how did we come
to conceive the Christian project as a selfish search for salvation which
rejects the idea of serving others? In order to find an answer to this we must
take a look at the foundations of the modern age. These appear with particular
clarity in the thought of Francis Bacon. That a new era emerged—through the
discovery of America and the new technical achievements that had made this
development possible—is undeniable. But what is the basis of this new era? It
is the new correlation of experiment and method that enables man to arrive at
an interpretation of nature in conformity with its laws and thus finally to
achieve “the triumph of art over nature” (victoria cursus artis super
naturam)[14]. The novelty—according
to Bacon's vision—lies in a new correlation between science and praxis. This is
also given a theological application: the new correlation between science and
praxis would mean that the dominion over creation —given to man by God and lost
through original sin—would be reestablished[15].
17. Anyone who reads and
reflects on these statements attentively will recognize that a disturbing step
has been taken: up to that time, the recovery of what man had lost through the
expulsion from Paradise was expected from faith in Jesus Christ: herein lay
“redemption”. Now, this “redemption”, the restoration of the lost “Paradise” is
no longer expected from faith, but from the newly discovered link between
science and praxis. It is not that faith is simply denied; rather it is
displaced onto another level—that of purely private and other-worldly
affairs—and at the same time it becomes somehow irrelevant for the world. This
programmatic vision has determined the trajectory of modern times and it also
shapes the present-day crisis of faith which is essentially a crisis of
Christian hope. Thus hope too, in Bacon, acquires a new form. Now it is called:
faith in progress. For Bacon, it is clear that the recent spate of
discoveries and inventions is just the beginning; through the interplay of
science and praxis, totally new discoveries will follow, a totally new world
will emerge, the kingdom of man[16]. He even
put forward a vision of foreseeable inventions—including the aeroplane and the
submarine. As the ideology of progress developed further, joy at visible
advances in human potential remained a continuing confirmation of faith in
progress as such.
18. At the same time, two
categories become increasingly central to the idea of progress: reason and
freedom. Progress is primarily associated with the growing dominion of reason,
and this reason is obviously considered to be a force of good and a force
for good. Progress is the overcoming of all forms of dependency—it is progress
towards perfect freedom. Likewise freedom is seen purely as a promise, in which
man becomes more and more fully himself. In both concepts—freedom and
reason—there is a political aspect. The kingdom of reason, in fact, is expected
as the new condition of the human race once it has attained total freedom. The
political conditions of such a kingdom of reason and freedom, however, appear
at first sight somewhat ill defined. Reason and freedom seem to guarantee by
themselves, by virtue of their intrinsic goodness, a new and perfect human
community. The two key concepts of “reason” and “freedom”, however, were
tacitly interpreted as being in conflict with the shackles of faith and of the
Church as well as those of the political structures of the period. Both concepts
therefore contain a revolutionary potential of enormous explosive force.
19. We must look briefly at
the two essential stages in the political realization of this hope, because
they are of great importance for the development of Christian hope, for a
proper understanding of it and of the reasons for its persistence. First there
is the French Revolution—an attempt to establish the rule of reason and freedom
as a political reality. To begin with, the Europe of the Enlightenment looked
on with fascination at these events, but then, as they developed, had cause to
reflect anew on reason and freedom. A good illustration of these two phases in
the reception of events in France is found in two essays by Immanuel Kant in
which he reflects on what had taken place. In 1792 he wrote Der Sieg des
guten Prinzips über das böse und die Gründung eines Reiches Gottes auf Erden
(“The Victory of the Good over the Evil Principle and the Founding of a Kingdom
of God on Earth”). In this text he says the following: “The gradual transition
of ecclesiastical faith to the exclusive sovereignty of pure religious faith is
the coming of the Kingdom of God”[17]. He also
tells us that revolutions can accelerate this transition from ecclesiastical
faith to rational faith. The “Kingdom of God” proclaimed by Jesus receives a
new definition here and takes on a new mode of presence; a new “imminent
expectation”, so to speak, comes into existence: the “Kingdom of God” arrives
where “ecclesiastical faith” is vanquished and superseded by “religious faith”,
that is to say, by simple rational faith. In 1794, in the text Das Ende
aller Dinge (“The End of All Things”) a changed image appears. Now Kant
considers the possibility that as well as the natural end of all things there
may be another that is unnatural, a perverse end. He writes in this connection:
“If Christianity should one day cease to be worthy of love ... then the
prevailing mode in human thought would be rejection and opposition to it; and
the Antichrist ... would begin his—albeit short—regime (presumably based on
fear and self-interest); but then, because Christianity, though destined to be the
world religion, would not in fact be favoured by destiny to become so, then, in
a moral respect, this could lead to the (perverted) end of all things”[18].
20. The nineteenth century
held fast to its faith in progress as the new form of human hope, and it
continued to consider reason and freedom as the guiding stars to be followed
along the path of hope. Nevertheless, the increasingly rapid advance of
technical development and the industrialization connected with it soon gave
rise to an entirely new social situation: there emerged a class of industrial
workers and the so-called “industrial proletariat”, whose dreadful living
conditions Friedrich Engels described alarmingly in 1845. For his readers, the
conclusion is clear: this cannot continue; a change is necessary. Yet the
change would shake up and overturn the entire structure of bourgeois society.
After the bourgeois revolution of 1789, the time had come for a new,
proletarian revolution: progress could not simply continue in small, linear
steps. A revolutionary leap was needed. Karl Marx took up the rallying call,
and applied his incisive language and intellect to the task of launching this
major new and, as he thought, definitive step in history towards
salvation—towards what Kant had described as the “Kingdom of God”. Once the
truth of the hereafter had been rejected, it would then be a question of
establishing the truth of the here and now. The critique of Heaven is
transformed into the critique of earth, the critique of theology into the
critique of politics. Progress towards the better, towards the definitively
good world, no longer comes simply from science but from politics—from a
scientifically conceived politics that recognizes the structure of history and
society and thus points out the road towards revolution, towards
all-encompassing change. With great precision, albeit with a certain onesided
bias, Marx described the situation of his time, and with great analytical skill
he spelled out the paths leading to revolution—and not only theoretically: by
means of the Communist Party that came into being from the Communist Manifesto
of 1848, he set it in motion. His promise, owing to the acuteness of his
analysis and his clear indication of the means for radical change, was and
still remains an endless source of fascination. Real revolution followed, in
the most radical way in Russia.
21. Together with the
victory of the revolution, though, Marx's fundamental error also became
evident. He showed precisely how to overthrow the existing order, but he did
not say how matters should proceed thereafter. He simply presumed that with the
expropriation of the ruling class, with the fall of political power and the
socialization of means of production, the new Jerusalem would be realized.
Then, indeed, all contradictions would be resolved, man and the world would
finally sort themselves out. Then everything would be able to proceed by itself
along the right path, because everything would belong to everyone and all would
desire the best for one another. Thus, having accomplished the revolution,
Lenin must have realized that the writings of the master gave no indication as
to how to proceed. True, Marx had spoken of the interim phase of the
dictatorship of the proletariat as a necessity which in time would
automatically become redundant. This “intermediate phase” we know all too well,
and we also know how it then developed, not ushering in a perfect world, but
leaving behind a trail of appalling destruction. Marx not only omitted to work
out how this new world would be organized—which should, of course, have been
unnecessary. His silence on this matter follows logically from his chosen
approach. His error lay deeper. He forgot that man always remains man. He
forgot man and he forgot man's freedom. He forgot that freedom always remains
also freedom for evil. He thought that once the economy had been put right,
everything would automatically be put right. His real error is materialism:
man, in fact, is not merely the product of economic conditions, and it is not
possible to redeem him purely from the outside by creating a favourable
economic environment.
22. Again, we find
ourselves facing the question: what may we hope? A self-critique of modernity
is needed in dialogue with Christianity and its concept of hope. In this
dialogue Christians too, in the context of their knowledge and experience, must
learn anew in what their hope truly consists, what they have to offer to the
world and what they cannot offer. Flowing into this self-critique of the modern
age there also has to be a self-critique of modern Christianity, which must
constantly renew its self-understanding setting out from its roots. On this
subject, all we can attempt here are a few brief observations. First we must
ask ourselves: what does “progress” really mean; what does it promise and what
does it not promise? In the nineteenth century, faith in progress was already
subject to critique. In the twentieth century, Theodor W. Adorno formulated the
problem of faith in progress quite drastically: he said that progress, seen
accurately, is progress from the sling to the atom bomb. Now this is certainly
an aspect of progress that must not be concealed. To put it another way: the
ambiguity of progress becomes evident. Without doubt, it offers new
possibilities for good, but it also opens up appalling possibilities for
evil—possibilities that formerly did not exist. We have all witnessed the way
in which progress, in the wrong hands, can become and has indeed become a
terrifying progress in evil. If technical progress is not matched by
corresponding progress in man's ethical formation, in man's inner growth (cf. Eph
3:16; 2 Cor 4:16), then it is not progress at all, but a threat for man
and for the world.
23. As far as the two great
themes of “reason” and “freedom” are concerned, here we can only touch upon the
issues connected with them. Yes indeed, reason is God's great gift to man, and
the victory of reason over unreason is also a goal of the Christian life. But
when does reason truly triumph? When it is detached from God? When it has
become blind to God? Is the reason behind action and capacity for action the
whole of reason? If progress, in order to be progress, needs moral growth on
the part of humanity, then the reason behind action and capacity for action is
likewise urgently in need of integration through reason's openness to the
saving forces of faith, to the differentiation between good and evil. Only thus
does reason become truly human. It becomes human only if it is capable of
directing the will along the right path, and it is capable of this only if it
looks beyond itself. Otherwise, man's situation, in view of the imbalance
between his material capacity and the lack of judgement in his heart, becomes a
threat for him and for creation. Thus where freedom is concerned, we must
remember that human freedom always requires a convergence of various freedoms.
Yet this convergence cannot succeed unless it is determined by a common
intrinsic criterion of measurement, which is the foundation and goal of our
freedom. Let us put it very simply: man needs God, otherwise he remains without
hope. Given the developments of the modern age, the quotation from Saint Paul
with which I began (Eph 2:12) proves to be thoroughly realistic and
plainly true. There is no doubt, therefore, that a “Kingdom of God”
accomplished without God—a kingdom therefore of man alone—inevitably ends up as
the “perverse end” of all things as described by Kant: we have seen it, and we
see it over and over again. Yet neither is there any doubt that God truly
enters into human affairs only when, rather than being present merely in our
thinking, he himself comes towards us and speaks to us. Reason therefore needs
faith if it is to be completely itself: reason and faith need one another in
order to fulfil their true nature and their mission.
The true shape of
Christian hope
24. Let us ask once again:
what may we hope? And what may we not hope? First of all, we must acknowledge
that incremental progress is possible only in the material sphere. Here, amid
our growing knowledge of the structure of matter and in the light of ever more
advanced inventions, we clearly see continuous progress towards an ever greater
mastery of nature. Yet in the field of ethical awareness and moral
decision-making, there is no similar possibility of accumulation for the simple
reason that man's freedom is always new and he must always make his decisions
anew. These decisions can never simply be made for us in advance by others—if
that were the case, we would no longer be free. Freedom presupposes that in
fundamental decisions, every person and every generation is a new beginning.
Naturally, new generations can build on the knowledge and experience of those
who went before, and they can draw upon the moral treasury of the whole of
humanity. But they can also reject it, because it can never be self-evident in
the same way as material inventions. The moral treasury of humanity is not
readily at hand like tools that we use; it is present as an appeal to freedom
and a possibility for it. This, however, means that:
a) The right state of human affairs,
the moral well-being of the world can never be guaranteed simply through
structures alone, however good they are. Such structures are not only
important, but necessary; yet they cannot and must not marginalize human
freedom. Even the best structures function only when the community is animated
by convictions capable of motivating people to assent freely to the social
order. Freedom requires conviction; conviction does not exist on its own, but
must always be gained anew by the community.
b) Since man always remains free and
since his freedom is always fragile, the kingdom of good will never be
definitively established in this world. Anyone who promises the better world
that is guaranteed to last for ever is making a false promise; he is
overlooking human freedom. Freedom must constantly be won over for the cause of
good. Free assent to the good never exists simply by itself. If there were
structures which could irrevocably guarantee a determined—good—state of the
world, man's freedom would be denied, and hence they would not be good
structures at all.
25. What this means is that
every generation has the task of engaging anew in the arduous search for the
right way to order human affairs; this task is never simply completed. Yet
every generation must also make its own contribution to establishing convincing
structures of freedom and of good, which can help the following generation as a
guideline for the proper use of human freedom; hence, always within human
limits, they provide a certain guarantee also for the future. In other words: good
structures help, but of themselves they are not enough. Man can never be
redeemed simply from outside. Francis Bacon and those who followed in the
intellectual current of modernity that he inspired were wrong to believe that
man would be redeemed through science. Such an expectation asks too much of
science; this kind of hope is deceptive. Science can contribute greatly to
making the world and mankind more human. Yet it can also destroy mankind and
the world unless it is steered by forces that lie outside it. On the other
hand, we must also acknowledge that modern Christianity, faced with the
successes of science in progressively structuring the world, has to a large
extent restricted its attention to the individual and his salvation. In so
doing it has limited the horizon of its hope and has failed to recognize
sufficiently the greatness of its task—even if it has continued to achieve
great things in the formation of man and in care for the weak and the
suffering.
26. It is not science that
redeems man: man is redeemed by love. This applies even in terms of this
present world. When someone has the experience of a great love in his life,
this is a moment of “redemption” which gives a new meaning to his life. But
soon he will also realize that the love bestowed upon him cannot by itself
resolve the question of his life. It is a love that remains fragile. It can be
destroyed by death. The human being needs unconditional love. He needs the
certainty which makes him say: “neither death, nor life, nor angels, nor
principalities, nor things present, nor things to come, nor powers, nor height,
nor depth, nor anything else in all creation, will be able to separate us from
the love of God in Christ Jesus our Lord” (Rom 8:38- 39). If this
absolute love exists, with its absolute certainty, then—only then—is man
“redeemed”, whatever should happen to him in his particular circumstances. This
is what it means to say: Jesus Christ has “redeemed” us. Through him we have
become certain of God, a God who is not a remote “first cause” of the world,
because his only-begotten Son has become man and of him everyone can say: “I
live by faith in the Son of God, who loved me and gave himself for me” (Gal
2:20).
27. In this sense it is
true that anyone who does not know God, even though he may entertain all kinds
of hopes, is ultimately without hope, without the great hope that sustains the
whole of life (cf. Eph 2:12). Man's great, true hope which holds firm in
spite of all disappointments can only be God—God who has loved us and who
continues to love us “to the end,” until all “is accomplished” (cf. Jn
13:1 and 19:30). Whoever is moved by love begins to perceive what “life” really
is. He begins to perceive the meaning of the word of hope that we encountered
in the Baptismal Rite: from faith I await “eternal life”—the true life which,
whole and unthreatened, in all its fullness, is simply life. Jesus, who said
that he had come so that we might have life and have it in its fullness, in
abundance (cf. Jn 10:10), has also explained to us what “life” means:
“this is eternal life, that they know you the only true God, and Jesus Christ
whom you have sent” (Jn 17:3). Life in its true sense is not something
we have exclusively in or from ourselves: it is a relationship. And life in its
totality is a relationship with him who is the source of life. If we are in
relation with him who does not die, who is Life itself and Love itself, then we
are in life. Then we “live”.
28. Yet now the question
arises: are we not in this way falling back once again into an individualistic
understanding of salvation, into hope for myself alone, which is not true hope
since it forgets and overlooks others? Indeed we are not! Our relationship with
God is established through communion with Jesus—we cannot achieve it alone or
from our own resources alone. The relationship with Jesus, however, is a
relationship with the one who gave himself as a ransom for all (cf. 1 Tim
2:6). Being in communion with Jesus Christ draws us into his “being for all”;
it makes it our own way of being. He commits us to live for others, but only
through communion with him does it become possible truly to be there for
others, for the whole. In this regard I would like to quote the great Greek
Doctor of the Church, Maximus the Confessor († 662), who begins by exhorting us
to prefer nothing to the knowledge and love of God, but then quickly moves on
to practicalities: “The one who loves God cannot hold on to money but rather
gives it out in God's fashion ... in the same manner in accordance with the
measure of justice”[19]. Love of
God leads to participation in the justice and generosity of God towards others.
Loving God requires an interior freedom from all possessions and all material
goods: the love of God is revealed in responsibility for others[20]. This
same connection between love of God and responsibility for others can be seen
in a striking way in the life of Saint Augustine. After his conversion to the
Christian faith, he decided, together with some like-minded friends, to lead a
life totally dedicated to the word of God and to things eternal. His intention
was to practise a Christian version of the ideal of the contemplative life
expressed in the great tradition of Greek philosophy, choosing in this way the
“better part” (cf. Lk 10:42). Things turned out differently,
however. While attending the Sunday liturgy at the port city of Hippo, he was
called out from the assembly by the Bishop and constrained to receive
ordination for the exercise of the priestly ministry in that city. Looking back
on that moment, he writes in his Confessions: “Terrified by my sins and
the weight of my misery, I had resolved in my heart, and meditated flight into
the wilderness; but you forbade me and gave me strength, by saying: ‘Christ
died for all, that those who live might live no longer for themselves but for
him who for their sake died' (cf. 2 Cor 5:15)”[21]. Christ
died for all. To live for him means allowing oneself to be drawn into his being
for others.
29. For Augustine this
meant a totally new life. He once described his daily life in the following
terms: “The turbulent have to be corrected, the faint-hearted cheered up, the
weak supported; the Gospel's opponents need to be refuted, its insidious
enemies guarded against; the unlearned need to be taught, the indolent stirred
up, the argumentative checked; the proud must be put in their place, the
desperate set on their feet, those engaged in quarrels reconciled; the needy
have to be helped, the oppressed to be liberated, the good to be encouraged,
the bad to be tolerated; all must be loved”[22]. “The
Gospel terrifies me”[23]—producing
that healthy fear which prevents us from living for ourselves alone and compels
us to pass on the hope we hold in common. Amid the serious difficulties facing
the Roman Empire—and also posing a serious threat to Roman Africa, which was
actually destroyed at the end of Augustine's life—this was what he set out to
do: to transmit hope, the hope which came to him from faith and which, in
complete contrast with his introverted temperament, enabled him to take part
decisively and with all his strength in the task of building up the city. In
the same chapter of the Confessions in which we have just noted the
decisive reason for his commitment “for all”, he says that Christ “intercedes
for us, otherwise I should despair. My weaknesses are many and grave, many and
grave indeed, but more abundant still is your medicine. We might have thought
that your word was far distant from union with man, and so we might have
despaired of ourselves, if this Word had not become flesh and dwelt among us”[24]. On the
strength of his hope, Augustine dedicated himself completely to the ordinary
people and to his city—renouncing his spiritual nobility, he preached and acted
in a simple way for simple people.
30. Let us summarize what
has emerged so far in the course of our reflections. Day by day, man
experiences many greater or lesser hopes, different in kind according to the
different periods of his life. Sometimes one of these hopes may appear to be
totally satisfying without any need for other hopes. Young people can have the
hope of a great and fully satisfying love; the hope of a certain position in
their profession, or of some success that will prove decisive for the rest of
their lives. When these hopes are fulfilled, however, it becomes clear that
they were not, in reality, the whole. It becomes evident that man has need of a
hope that goes further. It becomes clear that only something infinite will
suffice for him, something that will always be more than he can ever attain. In
this regard our contemporary age has developed the hope of creating a perfect
world that, thanks to scientific knowledge and to scientifically based
politics, seemed to be achievable. Thus Biblical hope in the Kingdom of God has
been displaced by hope in the kingdom of man, the hope of a better world which
would be the real “Kingdom of God”. This seemed at last to be the great and realistic
hope that man needs. It was capable of galvanizing—for a time—all man's
energies. The great objective seemed worthy of full commitment. In the course
of time, however, it has become clear that this hope is constantly receding.
Above all it has become apparent that this may be a hope for a future
generation, but not for me.
And however much “for all”
may be part of the great hope—since I cannot be happy without others or in
opposition to them—it remains true that a hope that does not concern me personally
is not a real hope. It has also become clear that this hope is opposed to
freedom, since human affairs depend in each generation on the free decisions of
those concerned. If this freedom were to be taken away, as a result of certain
conditions or structures, then ultimately this world would not be good, since a
world without freedom can by no means be a good world. Hence, while we must
always be committed to the improvement of the world, tomorrow's better world
cannot be the proper and sufficient content of our hope. And in this regard the
question always arises: when is the world “better”? What makes it good? By what
standard are we to judge its goodness? What are the paths that lead to this
“goodness”?
31. Let us say once again:
we need the greater and lesser hopes that keep us going day by day. But these
are not enough without the great hope, which must surpass everything else. This
great hope can only be God, who encompasses the whole of reality and who can
bestow upon us what we, by ourselves, cannot attain. The fact that it comes to
us as a gift is actually part of hope. God is the foundation of hope: not any
god, but the God who has a human face and who has loved us to the end, each one
of us and humanity in its entirety. His Kingdom is not an imaginary hereafter,
situated in a future that will never arrive; his Kingdom is present wherever he
is loved and wherever his love reaches us. His love alone gives us the
possibility of soberly persevering day by day, without ceasing to be spurred on
by hope, in a world which by its very nature is imperfect. His love is at the
same time our guarantee of the existence of what we only vaguely sense and
which nevertheless, in our deepest self, we await: a life that is “truly” life.
Let us now, in the final section, develop this idea in more detail as we focus
our attention on some of the “settings” in which we can learn in practice about
hope and its exercise.
“Settings” for
learning and practising hope
I. Prayer as a school of hope
32. A first essential setting
for learning hope is prayer. When no one listens to me any more, God still
listens to me. When I can no longer talk to anyone or call upon anyone, I can
always talk to God. When there is no longer anyone to help me deal with a need
or expectation that goes beyond the human capacity for hope, he can help me[25]. When I
have been plunged into complete solitude ...; if I pray I am never totally
alone. The late Cardinal Nguyen Van Thuan, a prisoner for thirteen years, nine
of them spent in solitary confinement, has left us a precious little book:
Prayers of Hope. During thirteen years in jail, in a situation of seemingly
utter hopelessness, the fact that he could listen and speak to God became for
him an increasing power of hope, which enabled him, after his release, to
become for people all over the world a witness to hope—to that great hope which
does not wane even in the nights of solitude.
33. Saint Augustine, in a
homily on the First Letter of John, describes very beautifully the
intimate relationship between prayer and hope. He defines prayer as an exercise
of desire. Man was created for greatness—for God himself; he was created to be
filled by God. But his heart is too small for the greatness to which it is
destined. It must be stretched. “By delaying [his gift], God strengthens our
desire; through desire he enlarges our soul and by expanding it he increases
its capacity [for receiving him]”. Augustine refers to Saint Paul, who speaks
of himself as straining forward to the things that are to come (cf. Phil
3:13). He then uses a very beautiful image to describe this process of
enlargement and preparation of the human heart. “Suppose that God wishes to
fill you with honey [a symbol of God's tenderness and goodness]; but if you are
full of vinegar, where will you put the honey?” The vessel, that is your heart,
must first be enlarged and then cleansed, freed from the vinegar and its taste.
This requires hard work and is painful, but in this way alone do we become
suited to that for which we are destined[26]. Even if
Augustine speaks directly only of our capacity for God, it is nevertheless
clear that through this effort by which we are freed from vinegar and the taste
of vinegar, not only are we made free for God, but we also become open to
others. It is only by becoming children of God, that we can be with our common
Father. To pray is not to step outside history and withdraw to our own private
corner of happiness. When we pray properly we undergo a process of inner purification
which opens us up to God and thus to our fellow human beings as well. In prayer
we must learn what we can truly ask of God—what is worthy of God. We must learn
that we cannot pray against others. We must learn that we cannot ask for the
superficial and comfortable things that we desire at this moment—that meagre,
misplaced hope that leads us away from God. We must learn to purify our desires
and our hopes. We must free ourselves from the hidden lies with which we
deceive ourselves. God sees through them, and when we come before God, we too
are forced to recognize them. “But who can discern his errors? Clear me from
hidden faults” prays the Psalmist (Ps 19:12 [18:13]). Failure to
recognize my guilt, the illusion of my innocence, does not justify me and does
not save me, because I am culpable for the numbness of my conscience and my
incapacity to recognize the evil in me for what it is. If God does not exist,
perhaps I have to seek refuge in these lies, because there is no one who can
forgive me; no one who is the true criterion. Yet my encounter with God awakens
my conscience in such a way that it no longer aims at self-justification, and
is no longer a mere reflection of me and those of my contemporaries who shape
my thinking, but it becomes a capacity for listening to the Good itself.
34. For prayer to develop
this power of purification, it must on the one hand be something very personal,
an encounter between my intimate self and God, the living God. On the other
hand it must be constantly guided and enlightened by the great prayers of the
Church and of the saints, by liturgical prayer, in which the Lord teaches us
again and again how to pray properly. Cardinal Nguyen Van Thuan, in his book of
spiritual exercises, tells us that during his life there were long periods when
he was unable to pray and that he would hold fast to the texts of the Church's
prayer: the Our Father, the Hail Mary and the prayers of the liturgy[27]. Praying
must always involve this intermingling of public and personal prayer. This is
how we can speak to God and how God speaks to us. In this way we undergo those
purifications by which we become open to God and are prepared for the service
of our fellow human beings. We become capable of the great hope, and thus we
become ministers of hope for others. Hope in a Christian sense is always hope
for others as well. It is an active hope, in which we struggle to prevent
things moving towards the “perverse end”. It is an active hope also in the
sense that we keep the world open to God. Only in this way does it continue to
be a truly human hope.
II. Action and suffering as settings for learning hope
35. All serious and upright
human conduct is hope in action. This is so first of all in the sense that we
thereby strive to realize our lesser and greater hopes, to complete this or
that task which is important for our onward journey, or we work towards a brighter
and more humane world so as to open doors into the future. Yet our daily
efforts in pursuing our own lives and in working for the world's future either
tire us or turn into fanaticism, unless we are enlightened by the radiance of
the great hope that cannot be destroyed even by small-scale failures or by a
breakdown in matters of historic importance. If we cannot hope for more than is
effectively attainable at any given time, or more than is promised by political
or economic authorities, our lives will soon be without hope. It is important
to know that I can always continue to hope, even if in my own life, or the
historical period in which I am living, there seems to be nothing left to hope
for. Only the great certitude of hope that my own life and history in general,
despite all failures, are held firm by the indestructible power of Love, and
that this gives them their meaning and importance, only this kind of hope can
then give the courage to act and to persevere. Certainly we cannot “build” the
Kingdom of God by our own efforts—what we build will always be the kingdom of
man with all the limitations proper to our human nature. The Kingdom of God is
a gift, and precisely because of this, it is great and beautiful, and
constitutes the response to our hope. And we cannot—to use the classical
expression—”merit” Heaven through our works. Heaven is always more than we
could merit, just as being loved is never something “merited”, but always a
gift. However, even when we are fully aware that Heaven far exceeds what we can
merit, it will always be true that our behaviour is not indifferent before God
and therefore is not indifferent for the unfolding of history. We can open
ourselves and the world and allow God to enter: we can open ourselves to truth,
to love, to what is good. This is what the saints did, those who, as “God's
fellow workers”, contributed to the world's salvation (cf. 1 Cor 3:9; 1
Th 3:2). We can free our life and the world from the poisons and
contaminations that could destroy the present and the future. We can uncover
the sources of creation and keep them unsullied, and in this way we can make a
right use of creation, which comes to us as a gift, according to its intrinsic
requirements and ultimate purpose. This makes sense even if outwardly we
achieve nothing or seem powerless in the face of overwhelming hostile forces.
So on the one hand, our actions engender hope for us and for others; but at the
same time, it is the great hope based upon God's promises that gives us courage
and directs our action in good times and bad.
36. Like action, suffering
is a part of our human existence. Suffering stems partly from our finitude, and
partly from the mass of sin which has accumulated over the course of history,
and continues to grow unabated today. Certainly we must do whatever we can to
reduce suffering: to avoid as far as possible the suffering of the innocent; to
soothe pain; to give assistance in overcoming mental suffering. These are
obligations both in justice and in love, and they are included among the
fundamental requirements of the Christian life and every truly human life.
Great progress has been made in the battle against physical pain; yet the
sufferings of the innocent and mental suffering have, if anything, increased in
recent decades. Indeed, we must do all we can to overcome suffering, but to
banish it from the world altogether is not in our power. This is simply because
we are unable to shake off our finitude and because none of us is capable of
eliminating the power of evil, of sin which, as we plainly see, is a constant
source of suffering. Only God is able to do this: only a God who personally
enters history by making himself man and suffering within history. We know that
this God exists, and hence that this power to “take away the sin of the world”
(Jn 1:29) is present in the world. Through faith in the existence of
this power, hope for the world's healing has emerged in history. It is,
however, hope—not yet fulfilment; hope that gives us the courage to place
ourselves on the side of good even in seemingly hopeless situations, aware
that, as far as the external course of history is concerned, the power of sin
will continue to be a terrible presence.
37. Let us return to our
topic. We can try to limit suffering, to fight against it, but we cannot
eliminate it. It is when we attempt to avoid suffering by withdrawing from
anything that might involve hurt, when we try to spare ourselves the effort and
pain of pursuing truth, love, and goodness, that we drift into a life of
emptiness, in which there may be almost no pain, but the dark sensation of
meaninglessness and abandonment is all the greater. It is not by sidestepping
or fleeing from suffering that we are healed, but rather by our capacity for
accepting it, maturing through it and finding meaning through union with
Christ, who suffered with infinite love. In this context, I would like to quote
a passage from a letter written by the Vietnamese martyr Paul Le-Bao-Tinh (†
1857) which illustrates this transformation of suffering through the power of
hope springing from faith. “I, Paul, in chains for the name of Christ, wish to
relate to you the trials besetting me daily, in order that you may be inflamed
with love for God and join with me in his praises, for his mercy is for ever (Ps
136 [135]). The prison here is a true image of everlasting Hell: to cruel
tortures of every kind—shackles, iron chains, manacles—are added hatred,
vengeance, calumnies, obscene speech, quarrels, evil acts, swearing, curses, as
well as anguish and grief. But the God who once freed the three children from
the fiery furnace is with me always; he has delivered me from these
tribulations and made them sweet, for his mercy is for ever. In the
midst of these torments, which usually terrify others, I am, by the grace of God,
full of joy and gladness, because I am not alone —Christ is with me ... How am
I to bear with the spectacle, as each day I see emperors, mandarins, and their
retinue blaspheming your holy name, O Lord, who are enthroned above the
Cherubim and Seraphim? (cf. Ps 80:1 [79:2]). Behold, the pagans have
trodden your Cross underfoot! Where is your glory? As I see all this, I would,
in the ardent love I have for you, prefer to be torn limb from limb and to die
as a witness to your love. O Lord, show your power, save me, sustain me, that
in my infirmity your power may be shown and may be glorified before the nations
... Beloved brothers, as you hear all these things may you give endless thanks
in joy to God, from whom every good proceeds; bless the Lord with me, for his
mercy is for ever ... I write these things to you in order that your faith and
mine may be united. In the midst of this storm I cast my anchor towards the
throne of God, the anchor that is the lively hope in my heart”[28]. This is
a letter from “Hell”. It lays bare all the horror of a concentration camp,
where to the torments inflicted by tyrants upon their victims is added the
outbreak of evil in the victims themselves, such that they in turn become
further instruments of their persecutors' cruelty. This is indeed a letter from
Hell, but it also reveals the truth of the Psalm text: “If I go up to the heavens,
you are there; if I sink to the nether world, you are present there ... If I
say, ‘Surely the darkness shall hide me, and night shall be my light' —for you
darkness itself is not dark, and night shines as the day; darkness and light
are the same” (Ps 139 [138]:8-12; cf. also Ps 23 [22]:4). Christ
descended into “Hell” and is therefore close to those cast into it,
transforming their darkness into light. Suffering and torment is still terrible
and well- nigh unbearable. Yet the star of hope has risen—the anchor of the
heart reaches the very throne of God. Instead of evil being unleashed within
man, the light shines victorious: suffering—without ceasing to be
suffering—becomes, despite everything, a hymn of praise.
38. The true measure of
humanity is essentially determined in relationship to suffering and to the
sufferer. This holds true both for the individual and for society. A society
unable to accept its suffering members and incapable of helping to share their
suffering and to bear it inwardly through “com-passion” is a cruel and inhuman
society. Yet society cannot accept its suffering members and support them in
their trials unless individuals are capable of doing so themselves; moreover,
the individual cannot accept another's suffering unless he personally is able
to find meaning in suffering, a path of purification and growth in maturity, a
journey of hope. Indeed, to accept the “other” who suffers, means that I take
up his suffering in such a way that it becomes mine also. Because it has now
become a shared suffering, though, in which another person is present, this
suffering is penetrated by the light of love. The Latin word con-solatio,
“consolation”, expresses this beautifully. It suggests being with the
other in his solitude, so that it ceases to be solitude. Furthermore, the
capacity to accept suffering for the sake of goodness, truth and justice is an
essential criterion of humanity, because if my own well-being and safety are
ultimately more important than truth and justice, then the power of the
stronger prevails, then violence and untruth reign supreme. Truth and justice
must stand above my comfort and physical well-being, or else my life itself
becomes a lie. In the end, even the “yes” to love is a source of suffering,
because love always requires expropriations of my “I”, in which I allow myself
to be pruned and wounded. Love simply cannot exist without this painful
renunciation of myself, for otherwise it becomes pure selfishness and thereby
ceases to be love.
39. To suffer with the
other and for others; to suffer for the sake of truth and justice; to suffer
out of love and in order to become a person who truly loves—these are
fundamental elements of humanity, and to abandon them would destroy man
himself. Yet once again the question arises: are we capable of this? Is the
other important enough to warrant my becoming, on his account, a person who
suffers? Does truth matter to me enough to make suffering worthwhile? Is the
promise of love so great that it justifies the gift of myself? In the history
of humanity, it was the Christian faith that had the particular merit of
bringing forth within man a new and deeper capacity for these kinds of
suffering that are decisive for his humanity. The Christian faith has shown us
that truth, justice and love are not simply ideals, but enormously weighty
realities. It has shown us that God —Truth and Love in person—desired to suffer
for us and with us. Bernard of Clairvaux coined the marvellous expression: Impassibilis
est Deus, sed non incompassibilis[29]—God
cannot suffer, but he can suffer with. Man is worth so much to God that
he himself became man in order to suffer with man in an utterly real
way—in flesh and blood—as is revealed to us in the account of Jesus's Passion.
Hence in all human suffering we are joined by one who experiences and carries
that suffering with us; hence con-solatio is present in all
suffering, the consolation of God's compassionate love—and so the star of hope
rises. Certainly, in our many different sufferings and trials we always need
the lesser and greater hopes too—a kind visit, the healing of internal and
external wounds, a favourable resolution of a crisis, and so on. In our lesser
trials these kinds of hope may even be sufficient. But in truly great trials,
where I must make a definitive decision to place the truth before my own
welfare, career and possessions, I need the certitude of that true, great hope
of which we have spoken here. For this too we need witnesses—martyrs—who have
given themselves totally, so as to show us the way—day after day. We need them
if we are to prefer goodness to comfort, even in the little choices we face each
day—knowing that this is how we live life to the full. Let us say it once
again: the capacity to suffer for the sake of the truth is the measure of
humanity. Yet this capacity to suffer depends on the type and extent of the
hope that we bear within us and build upon. The saints were able to make the
great journey of human existence in the way that Christ had done before them,
because they were brimming with great hope.
40. I would like to add
here another brief comment with some relevance for everyday living. There used
to be a form of devotion—perhaps less practised today but quite widespread not
long ago—that included the idea of “offering up” the minor daily hardships that
continually strike at us like irritating “jabs”, thereby giving them a meaning.
Of course, there were some exaggerations and perhaps unhealthy applications of
this devotion, but we need to ask ourselves whether there may not after all
have been something essential and helpful contained within it. What does it
mean to offer something up? Those who did so were convinced that they could
insert these little annoyances into Christ's great “com-passion” so that they
somehow became part of the treasury of compassion so greatly needed by the
human race. In this way, even the small inconveniences of daily life could
acquire meaning and contribute to the economy of good and of human love. Maybe
we should consider whether it might be judicious to revive this practice
ourselves.
III. Judgement as a setting for learning and practising hope
41. At the conclusion of
the central section of the Church's great Credo—the part that recounts
the mystery of Christ, from his eternal birth of the Father and his temporal
birth of the Virgin Mary, through his Cross and Resurrection to the second
coming—we find the phrase: “he will come again in glory to judge the living and
the dead”. From the earliest times, the prospect of the Judgement has
influenced Christians in their daily living as a criterion by which to order
their present life, as a summons to their conscience, and at the same time as
hope in God's justice. Faith in Christ has never looked merely backwards or
merely upwards, but always also forwards to the hour of justice that the Lord
repeatedly proclaimed. This looking ahead has given Christianity its importance
for the present moment. In the arrangement of Christian sacred buildings, which
were intended to make visible the historic and cosmic breadth of faith in
Christ, it became customary to depict the Lord returning as a king—the symbol
of hope—at the east end; while the west wall normally portrayed the Last
Judgement as a symbol of our responsibility for our lives—a scene which
followed and accompanied the faithful as they went out to resume their daily
routine. As the iconography of the Last Judgement developed, however, more and
more prominence was given to its ominous and frightening aspects, which
obviously held more fascination for artists than the splendour of hope, often
all too well concealed beneath the horrors.
42. In the modern era, the
idea of the Last Judgement has faded into the background: Christian faith has
been individualized and primarily oriented towards the salvation of the
believer's own soul, while reflection on world history is largely dominated by
the idea of progress. The fundamental content of awaiting a final Judgement,
however, has not disappeared: it has simply taken on a totally different form.
The atheism of the nineteenth and twentieth centuries is—in its origins and
aims—a type of moralism: a protest against the injustices of the world and of
world history. A world marked by so much injustice, innocent suffering, and
cynicism of power cannot be the work of a good God. A God with responsibility
for such a world would not be a just God, much less a good God. It is for the
sake of morality that this God has to be contested. Since there is no God to
create justice, it seems man himself is now called to establish justice. If in
the face of this world's suffering, protest against God is understandable, the
claim that humanity can and must do what no God actually does or is able to do
is both presumptuous and intrinsically false. It is no accident that this idea
has led to the greatest forms of cruelty and violations of justice; rather, it
is grounded in the intrinsic falsity of the claim. A world which has to create
its own justice is a world without hope. No one and nothing can answer for
centuries of suffering. No one and nothing can guarantee that the cynicism of
power—whatever beguiling ideological mask it adopts—will cease to dominate the
world. This is why the great thinkers of the Frankfurt School, Max Horkheimer
and Theodor W. Adorno, were equally critical of atheism and theism. Horkheimer
radically excluded the possibility of ever finding a this-worldly substitute
for God, while at the same time he rejected the image of a good and just God.
In an extreme radicalization of the Old Testament prohibition of images, he
speaks of a “longing for the totally Other” that remains inaccessible—a cry of
yearning directed at world history. Adorno also firmly upheld this total
rejection of images, which naturally meant the exclusion of any “image” of a
loving God. On the other hand, he also constantly emphasized this “negative”
dialectic and asserted that justice —true justice—would require a world “where
not only present suffering would be wiped out, but also that which is
irrevocably past would be undone”[30]. This,
would mean, however—to express it with positive and hence, for him, inadequate
symbols—that there can be no justice without a resurrection of the dead. Yet
this would have to involve “the resurrection of the flesh, something that is
totally foreign to idealism and the realm of Absolute spirit”[31].
43. Christians likewise can
and must constantly learn from the strict rejection of images that is contained
in God's first commandment (cf. Ex 20:4). The truth of negative theology
was highlighted by the Fourth Lateran Council, which explicitly stated that
however great the similarity that may be established between Creator and
creature, the dissimilarity between them is always greater[32]. In any case,
for the believer the rejection of images cannot be carried so far that one ends
up, as Horkheimer and Adorno would like, by saying “no” to both theses—theism
and atheism. God has given himself an “image”: in Christ who was made man. In
him who was crucified, the denial of false images of God is taken to an
extreme. God now reveals his true face in the figure of the sufferer who shares
man's God-forsaken condition by taking it upon himself. This innocent sufferer
has attained the certitude of hope: there is a God, and God can create justice
in a way that we cannot conceive, yet we can begin to grasp it through faith.
Yes, there is a resurrection of the flesh[33]. There
is justice[34]. There
is an “undoing” of past suffering, a reparation that sets things aright. For
this reason, faith in the Last Judgement is first and foremost hope—the need
for which was made abundantly clear in the upheavals of recent centuries. I am
convinced that the question of justice constitutes the essential argument, or
in any case the strongest argument, in favour of faith in eternal life. The
purely individual need for a fulfilment that is denied to us in this life, for
an everlasting love that we await, is certainly an important motive for believing
that man was made for eternity; but only in connection with the impossibility
that the injustice of history should be the final word does the necessity for
Christ's return and for new life become fully convincing.
44. To protest against God
in the name of justice is not helpful. A world without God is a world without
hope (cf. Eph 2:12). Only God can create justice. And faith gives us the
certainty that he does so. The image of the Last Judgement is not primarily an
image of terror, but an image of hope; for us it may even be the decisive image
of hope. Is it not also a frightening image? I would say: it is an image that
evokes responsibility, an image, therefore, of that fear of which Saint Hilary
spoke when he said that all our fear has its place in love[35]. God is
justice and creates justice. This is our consolation and our hope. And in his
justice there is also grace. This we know by turning our gaze to the crucified
and risen Christ. Both these things—justice and grace—must be seen in their
correct inner relationship. Grace does not cancel out justice. It does not make
wrong into right. It is not a sponge which wipes everything away, so that
whatever someone has done on earth ends up being of equal value. Dostoevsky,
for example, was right to protest against this kind of Heaven and this kind of
grace in his novel The Brothers Karamazov. Evildoers, in the end, do not
sit at table at the eternal banquet beside their victims without distinction,
as though nothing had happened. Here I would like to quote a passage from Plato
which expresses a premonition of just judgement that in many respects remains true
and salutary for Christians too. Albeit using mythological images, he expresses
the truth with an unambiguous clarity, saying that in the end souls will stand
naked before the judge. It no longer matters what they once were in history,
but only what they are in truth: “Often, when it is the king or some other
monarch or potentate that he (the judge) has to deal with, he finds that there
is no soundness in the soul whatever; he finds it scourged and scarred by the
various acts of perjury and wrong-doing ...; it is twisted and warped by lies
and vanity, and nothing is straight because truth has had no part in its
development. Power, luxury, pride, and debauchery have left it so full of
disproportion and ugliness that when he has inspected it (he) sends it straight
to prison, where on its arrival it will undergo the appropriate punishment ...
Sometimes, though, the eye of the judge lights on a different soul which has
lived in purity and truth ... then he is struck with admiration and sends him
to the isles of the blessed”[36]. In the
parable of the rich man and Lazarus (cf. Lk 16:19-31), Jesus admonishes
us through the image of a soul destroyed by arrogance and opulence, who has
created an impassable chasm between himself and the poor man; the chasm of
being trapped within material pleasures; the chasm of forgetting the other, of
incapacity to love, which then becomes a burning and unquenchable thirst. We
must note that in this parable Jesus is not referring to the final destiny
after the Last Judgement, but is taking up a notion found, inter alia,
in early Judaism, namely that of an intermediate state between death and
resurrection, a state in which the final sentence is yet to be pronounced.
45. This early Jewish idea
of an intermediate state includes the view that these souls are not simply in a
sort of temporary custody but, as the parable of the rich man illustrates, are
already being punished or are experiencing a provisional form of bliss. There
is also the idea that this state can involve purification and healing which
mature the soul for communion with God. The early Church took up these
concepts, and in the Western Church they gradually developed into the doctrine
of Purgatory. We do not need to examine here the complex historical paths of
this development; it is enough to ask what it actually means. With death, our
life-choice becomes definitive—our life stands before the judge. Our choice,
which in the course of an entire life takes on a certain shape, can have a
variety of forms. There can be people who have totally destroyed their desire
for truth and readiness to love, people for whom everything has become a lie,
people who have lived for hatred and have suppressed all love within
themselves. This is a terrifying thought, but alarming profiles of this type
can be seen in certain figures of our own history. In such people all would be
beyond remedy and the destruction of good would be irrevocable: this is what we
mean by the word Hell[37]. On the
other hand there can be people who are utterly pure, completely permeated by
God, and thus fully open to their neighbours—people for whom communion with God
even now gives direction to their entire being and whose journey towards God
only brings to fulfilment what they already are[38].
46. Yet we know from
experience that neither case is normal in human life. For the great majority of
people—we may suppose—there remains in the depths of their being an ultimate
interior openness to truth, to love, to God. In the concrete choices of life,
however, it is covered over by ever new compromises with evil—much filth covers
purity, but the thirst for purity remains and it still constantly re-emerges
from all that is base and remains present in the soul. What happens to such
individuals when they appear before the Judge? Will all the impurity they have
amassed through life suddenly cease to matter? What else might occur? Saint
Paul, in his First Letter to the Corinthians, gives us an idea of the
differing impact of God's judgement according to each person's particular
circumstances. He does this using images which in some way try to express the
invisible, without it being possible for us to conceptualize these
images—simply because we can neither see into the world beyond death nor do we
have any experience of it. Paul begins by saying that Christian life is built
upon a common foundation: Jesus Christ. This foundation endures. If we have
stood firm on this foundation and built our life upon it, we know that it
cannot be taken away from us even in death. Then Paul continues: “Now if any
one builds on the foundation with gold, silver, precious stones, wood, hay,
straw—each man's work will become manifest; for the Day will disclose it,
because it will be revealed with fire, and the fire will test what sort of work
each one has done. If the work which any man has built on the foundation
survives, he will receive a reward. If any man's work is burned up, he will
suffer loss, though he himself will be saved, but only as through fire” (1
Cor 3:12-15). In this text, it is in any case evident that our salvation
can take different forms, that some of what is built may be burned down, that
in order to be saved we personally have to pass through “fire” so as to become
fully open to receiving God and able to take our place at the table of the
eternal marriage-feast.
47. Some recent theologians
are of the opinion that the fire which both burns and saves is Christ himself,
the Judge and Saviour. The encounter with him is the decisive act of judgement.
Before his gaze all falsehood melts away. This encounter with him, as it burns
us, transforms and frees us, allowing us to become truly ourselves. All that we
build during our lives can prove to be mere straw, pure bluster, and it
collapses. Yet in the pain of this encounter, when the impurity and sickness of
our lives become evident to us, there lies salvation. His gaze, the touch of
his heart heals us through an undeniably painful transformation “as through
fire”. But it is a blessed pain, in which the holy power of his love sears
through us like a flame, enabling us to become totally ourselves and thus
totally of God. In this way the inter-relation between justice and grace also
becomes clear: the way we live our lives is not immaterial, but our defilement
does not stain us for ever if we have at least continued to reach out towards
Christ, towards truth and towards love. Indeed, it has already been burned away
through Christ's Passion. At the moment of judgement we experience and we
absorb the overwhelming power of his love over all the evil in the world and in
ourselves. The pain of love becomes our salvation and our joy. It is clear that
we cannot calculate the “duration” of this transforming burning in terms of the
chronological measurements of this world. The transforming “moment” of this
encounter eludes earthly time-reckoning—it is the heart's time, it is the time of
“passage” to communion with God in the Body of Christ[39]. The
judgement of God is hope, both because it is justice and because it is grace.
If it were merely grace, making all earthly things cease to matter, God would
still owe us an answer to the question about justice—the crucial question that
we ask of history and of God. If it were merely justice, in the end it could
bring only fear to us all. The incarnation of God in Christ has so closely
linked the two together—judgement and grace—that justice is firmly established:
we all work out our salvation “with fear and trembling” (Phil 2:12).
Nevertheless grace allows us all to hope, and to go trustfully to meet the
Judge whom we know as our “advocate”, or parakletos (cf. 1 Jn 2:1).
48. A further point must be
mentioned here, because it is important for the practice of Christian hope.
Early Jewish thought includes the idea that one can help the deceased in their
intermediate state through prayer (see for example 2 Macc 12:38-45;
first century BC). The equivalent practice was readily adopted by Christians
and is common to the Eastern and Western Church. The East does not recognize
the purifying and expiatory suffering of souls in the afterlife, but it does
acknowledge various levels of beatitude and of suffering in the intermediate
state. The souls of the departed can, however, receive “solace and refreshment”
through the Eucharist, prayer and almsgiving. The belief that love can reach
into the afterlife, that reciprocal giving and receiving is possible, in which
our affection for one another continues beyond the limits of death—this has
been a fundamental conviction of Christianity throughout the ages and it
remains a source of comfort today. Who would not feel the need to convey to
their departed loved ones a sign of kindness, a gesture of gratitude or even a
request for pardon? Now a further question arises: if “Purgatory” is simply
purification through fire in the encounter with the Lord, Judge and Saviour,
how can a third person intervene, even if he or she is particularly close to
the other? When we ask such a question, we should recall that no man is an
island, entire of itself. Our lives are involved with one another, through
innumerable interactions they are linked together. No one lives alone. No one
sins alone. No one is saved alone. The lives of others continually spill over
into mine: in what I think, say, do and achieve. And conversely, my life spills
over into that of others: for better and for worse. So my prayer for another is
not something extraneous to that person, something external, not even after
death. In the interconnectedness of Being, my gratitude to the other—my prayer
for him—can play a small part in his purification. And for that there is no
need to convert earthly time into God's time: in the communion of souls simple
terrestrial time is superseded. It is never too late to touch the heart of another,
nor is it ever in vain. In this way we further clarify an important element of
the Christian concept of hope. Our hope is always essentially also hope for
others; only thus is it truly hope for me too[40]. As
Christians we should never limit ourselves to asking: how can I save myself? We
should also ask: what can I do in order that others may be saved and that for
them too the star of hope may rise? Then I will have done my utmost for my own
personal salvation as well.
Mary, Star of Hope
49. With a hymn composed in
the eighth or ninth century, thus for over a thousand years, the Church has
greeted Mary, the Mother of God, as “Star of the Sea”: Ave maris stella.
Human life is a journey. Towards what destination? How do we find the way? Life
is like a voyage on the sea of history, often dark and stormy, a voyage in
which we watch for the stars that indicate the route. The true stars of our
life are the people who have lived good lives. They are lights of hope.
Certainly, Jesus Christ is the true light, the sun that has risen above all the
shadows of history. But to reach him we also need lights close by—people who
shine with his light and so guide us along our way. Who more than Mary could be
a star of hope for us? With her “yes” she opened the door of our world to God
himself; she became the living Ark of the Covenant, in whom God took flesh,
became one of us, and pitched his tent among us (cf. Jn 1:14).
50. So we cry to her: Holy
Mary, you belonged to the humble and great souls of Israel who, like Simeon,
were “looking for the consolation of Israel” (Lk 2:25) and hoping, like
Anna, “for the redemption of Jerusalem” (Lk 2:38). Your life was
thoroughly imbued with the sacred scriptures of Israel which spoke of hope, of
the promise made to Abraham and his descendants (cf. Lk 1:55). In this
way we can appreciate the holy fear that overcame you when the angel of the Lord
appeared to you and told you that you would give birth to the One who was the
hope of Israel, the One awaited by the world. Through you, through your “yes”,
the hope of the ages became reality, entering this world and its history. You
bowed low before the greatness of this task and gave your consent: “Behold, I
am the handmaid of the Lord; let it be to me according to your word” (Lk
1:38). When you hastened with holy joy across the mountains of Judea to see
your cousin Elizabeth, you became the image of the Church to come, which
carries the hope of the world in her womb across the mountains of history. But
alongside the joy which, with your Magnificat, you proclaimed in word
and song for all the centuries to hear, you also knew the dark sayings of the prophets
about the suffering of the servant of God in this world. Shining over his birth
in the stable at Bethlehem, there were angels in splendour who brought the good
news to the shepherds, but at the same time the lowliness of God in this world
was all too palpable. The old man Simeon spoke to you of the sword which would
pierce your soul (cf. Lk 2:35), of the sign of contradiction that your
Son would be in this world. Then, when Jesus began his public ministry, you had
to step aside, so that a new family could grow, the family which it was his
mission to establish and which would be made up of those who heard his word and
kept it (cf. Lk 11:27f). Notwithstanding the great joy that marked the
beginning of Jesus's ministry, in the synagogue of Nazareth you must already
have experienced the truth of the saying about the “sign of contradiction” (cf.
Lk 4:28ff). In this way you saw the growing power of hostility and
rejection which built up around Jesus until the hour of the Cross, when you had
to look upon the Saviour of the world, the heir of David, the Son of God dying
like a failure, exposed to mockery, between criminals. Then you received the
word of Jesus: “Woman, behold, your Son!” (Jn 19:26). From the Cross you
received a new mission. From the Cross you became a mother in a new way: the
mother of all those who believe in your Son Jesus and wish to follow him. The
sword of sorrow pierced your heart. Did hope die? Did the world remain
definitively without light, and life without purpose? At that moment, deep
down, you probably listened again to the word spoken by the angel in answer to
your fear at the time of the Annunciation: “Do not be afraid, Mary!” (Lk
1:30). How many times had the Lord, your Son, said the same thing to his
disciples: do not be afraid! In your heart, you heard this word again during
the night of Golgotha. Before the hour of his betrayal he had said to his
disciples: “Be of good cheer, I have overcome the world” (Jn 16:33).
“Let not your hearts be troubled, neither let them be afraid” (Jn
14:27). “Do not be afraid, Mary!” In that hour at Nazareth the angel had also
said to you: “Of his kingdom there will be no end” (Lk 1:33). Could it
have ended before it began? No, at the foot of the Cross, on the strength of
Jesus's own word, you became the mother of believers. In this faith, which even
in the darkness of Holy Saturday bore the certitude of hope, you made your way
towards Easter morning. The joy of the Resurrection touched your heart and
united you in a new way to the disciples, destined to become the family of
Jesus through faith. In this way you were in the midst of the community of
believers, who in the days following the Ascension prayed with one voice for
the gift of the Holy Spirit (cf. Acts 1:14) and then received that gift
on the day of Pentecost. The “Kingdom” of Jesus was not as might have been
imagined. It began in that hour, and of this “Kingdom” there will be no end.
Thus you remain in the midst of the disciples as their Mother, as the Mother of
hope. Holy Mary, Mother of God, our Mother, teach us to believe, to hope, to
love with you. Show us the way to his Kingdom! Star of the Sea, shine upon us
and guide us on our way!
Given in Rome, at Saint
Peter's, on 30 November, the Feast of Saint Andrew the Apostle, in the year
2007, the third of my Pontificate.
BENEDICTUS PP. XVI
[2] Cf. Dogmatic
Poems, V, 53-64: PG 37, 428-429.
[5] H.
Köster in Theological Dictionary of the New Testament VIII (1972),
p.586.
[6] De
excessu fratris sui Satyri, II, 47: CSEL 73, 274.
[8] Cf. Ep.
130 Ad Probam 14, 25-15, 28: CSEL 44, 68-73.
[10] Jean
Giono, Les vraies richesses, Paris 1936, Preface, quoted in Henri de
Lubac, Catholicisme. Aspects sociaux du dogme, Paris 1983, p. VII.
[11] Ep. 130
Ad Probam 13, 24: CSEL 44, 67.
[13] Cf.
ibid. III, 71: CCL 6/2, 107-108.
[15] Cf.
ibid. I, 129.
[16] Cf.
New Atlantis.
[17] In Werke
IV, ed. W. Weischedel (1956), p.777. The essay on “The Victory of the Good over
the Evil Principle” constitutes the third chapter of the text Die Religion
innerhalb der Grenzen der bloßen Vernunft (“Religion within the Limits of
Reason Alone”), which Kant published in 1793.
[18] I.
Kant, Das Ende aller Dinge, in Werke VI, ed. W. Weischedel
(1964), p.190.
[20] Cf.
ibid.: PG 90, 962-966.
[22] Sermo 340, 3: PL 38, 1484;
cf. F. Van der Meer, Augustine the Bishop, London and New York 1961,
p.268.
[26] Cf.
In 1 Ioannis 4, 6: PL 35, 2008f.
[28] The
Liturgy of the Hours, Office of Readings, 24 November.
[30] Negative Dialektik (1966), Third
part, III, 11, in Gesammelte Schriften VI, Frankfurt am Main 1973,
p.395.
[32] DS 806.
[35] Cf.
Tractatus super Psalmos, Ps 127, 1-3: CSEL 22, 628-630.
© Copyright 2007 - Libreria Editrice Vaticana