Le Pape
François proclame saint le jésuite Pierre Favre, l'un de ses modèlesImprimer
2013-12-17 Radio Vatican
(RV) Entretien - On s’y attendait et c’est
désormais officiel : le jésuite français Pierre Favre, ami de Saint Ignace de
Loyola, vient d’être inscrit dans le catalogue des saints. C’est le Pape
François lui-même qui l’a décidé par une procédure extraordinaire et
personnelle. Homme de dialogue, Pierre Favre est l’un des modèles avoués du
Souverain Pontife, lui-même issu de la Compagnie de Jésus. Béatifié par Pie IX
en 1872, le cofondateur de la Compagnie de Jésus sera désormais honoré par
l’Eglise universelle.
Moins connu que Saint François-Xavier ou Saint Ignace de Loyola, Pierre Favre
fait partie des co-fondateurs de la Compagnie de Jésus. Berger d’origine
savoyarde né en 1506, ce prêtre jésuite du XVIe siècle a parcouru l’Europe
entière. En 1525, Pierre Favre arrive à Paris pour étudier au collège Ste
Barbe, il y rencontre François-Xavier et Ignace de Loyola et suit fidèlement
les Exercices spirituels de ce dernier. Après la fondation de la
Compagnie de Jésus en 1537 et sa reconnaissance par le Pape Paul III trois ans
plus tard, Pierre Favre est ensuite envoyé par le Vatican en Allemagne, à
Ratisbonne puis à Cologne, au moment de la Réforme protestante luthérienne. Sa
route missionnaire prend aussi la direction du Portugal ou en Espagne, avant de
participer au Concile de Trente, dont il ne verra pas la fin : il meurt à l’âge
de 40 ans en 1546. Plus de trois siècles plus tard, il est reconnu Bienheureux
par Pie IX en 1872.
Un modèle avoué du Pape François
Dans son entretien à la revue jésuite Etudes en septembre 2013, le Pape
décrivait ainsi Pierre Favre : « le dialogue avec tous, même avec les plus
lointains et les adversaires de la Compagnie ; la piété simple, une certaine
ingénuité peut-être, la disponibilité immédiate, son discernement intérieur
attentif, le fait d’être un homme de grandes et fortes décisions, capable en
même temps d’être si doux ». Retour sur la figure de Pierre Favre avec
Dominique Bertrand, auteur de Pierre Favre, un portrait, publié en 2007
aux éditions Lessius. Il est interrogé par Jean-Baptiste Cocagne
Que retenir de la biographie de Pierre Favre ?
Au début, Pierre Favre a été considéré comme le premier compagnon de
Saint-Ignace, avant même Saint François-Xavier. Dans cette petite « trinité des
Compagnons de Jésus », Pierre Favre est vraiment le second de Saint-Ignace.
Ensuite, Pierre Favre est envoyé en mission : d’abord au nord de l’Italie, puis
en Allemagne, autour de Cologne, qui est déjà très marquée par le
protestantisme et par le luthéranisme.
Pierre Favre est contemporain de la Réforme protestante. Il a toujours
recherché le dialogue justement avec les protestants. Est-ce qu’on peut parler
de Pierre Favre comme une première figure, un pionnier de l’œcuménisme ?
C’est tellement vrai de dire cela, qu’il a écrit juste avant de partir à Trente
(un concile qui a essayé de répondre à la requête protestante et donc à Luther
particulièrement), que dans le dialogue avec des hérétiques, il faut commencer
à parler de ce sur quoi on est d’accord avant de discuter des points de
friction. Cette formule a été reprise par Jean-Paul II à propos du dialogue
œcuménique.
Dans sa mission au service de l’Église, quelles sont les principales
caractéristiques à retenir dans sa biographie ?
La ligne de force de sa spiritualité est la mission auprès des croyants et des
incroyants pour faire passer l’Évangile. Il ressent profondément, comme
Saint-Ignace, la nécessité pour tous, catholiques d’abord et les autres
ensuite, de retrouver l’essentiel. D’où les Exercices spirituels qui
sont un cheminement qu’il a lui-même suivi. Il a même certainement collaboré
d’assez près avec Ignace à la rédaction finale du livre des Exercices qui
est une manière de retrouver, à partir de la conversion intérieure, une force
pour parler de Jésus en plein monde et dans les diversités du monde. On se ressource
dans le vif spirituel de la vie, dans l’Esprit de Jésus Christ pour pouvoir
aller n’importe où. La nécessité de la mission partout et avec tout le monde
continue à s’imposer aujourd’hui.
Dans son interview donnée à la revue jésuite Études, le Pape François
indique que Pierre Favre est l’un de ses modèles. Est-ce que vous pouvez déjà
sentir la force de ce modèle dans le début de son pontificat ?
Depuis quelques années, une formule que nous aimons beaucoup actuellement dans
la Compagnie est « aller aux frontières ». Ce n’est plus seulement aller en
Chine, comme ce qu’a fait François-Xavier, mais c’est aller aussi - et ça c’est
tout à fait Pierre Favre - à ces frontières qui sont présentes là où nous
sommes, en Europe : la frontière de l’incroyance, la différence des confessions
et la sécularisation qui marquent notre époque. Voilà le « lieu » dans l’esprit
de Pierre Favre où il ne faut pas avoir peur de s’avancer. Le Pape François,
avant d’être Pape, a donné une retraite à des évêques en Amérique Latine. Cette
retraite conduisait les évêques à devenir missionnaires, à revivifier leurs
responsabilités administratives ou pastorales dans le sens de la mission.
Pierre Favre n’a jamais vécu dans une communauté (sauf tout à fait à la fin de
sa vie, quand il était en Espagne ou au Portugal). Il vivait n’importe où, en
quelques sorte, et par exemple, le fait que le Pape François ait choisi
d’habiter à la Maison Sainte-Marthe plutôt que dans les appartements
pontificaux est une manière de dire « il n’est pas inutile de se rapprocher du
peuple pour être plus près de lui et ne pas laisser gagner trop de distance
entre le peuple et les pasteurs ». Maintenant, grâce au Pape François et à ses
soucis pastoraux, on retrouve ce Pierre Favre qui va de la profondeur de la
conversion à la largeur de la mission.
Le jésuite français Pierre Favre proclamé saint par le
pape François
Le prêtre haut-savoyard, qui fut l’un des premiers
compagnons de route de saint Ignace de Loyola, est canonisé.
Par un décret de la Congrégation des causes des saints publié
mardi 17 décembre, le pape a annoncé la canonisation de Pierre Favre
(1506-1546), l’un des cofondateurs de la compagnie de Jésus, et
proche du premier jésuite, saint Ignace de Loyola.
Comme pour le pape Jean XXIII, en juillet dernier, ou la mystique
italienne Angèle de Foligno, début octobre, le pape a décidé de dispenser le
saint de l’obtention d’un miracle obtenu
par son intercession.
Originaire du Villaret – un hameau de la commune de Saint-Jean-de-Sixt
(Haute-Savoie) – Pierre Favre devint, au collège parisien Sainte-Barbe, le
compagnon de chambre puis le répétiteur d’Ignace de Loyola, qui sera, quant à
lui, l’accompagnateur spirituel de son cadet qu’il reconnaîtra plus tard comme
celui qui donne le mieux les Exercices spirituels.
COFONDATEUR DES JÉSUITES
Avec François-Xavier, les trois hommes formeront les premiers « Amis dans le
Seigneur », noyau fondateur de la future Compagnie de Jésus. Le
15 août 1534, à la chapelle Saint-Denis de Montmartre, c’est
d’ailleurs Pierre Favre, tout récemment ordonné prêtre, qui célèbre la messe au
cours de laquelle les sept premiers jésuites font vœu de se consacrer à Dieu
dans la pauvreté et la chasteté.
Après la fondation officielle de la Compagnie en 1540, Pierre Favre entame
une vie itinérante de missionnaire à travers l’Europe. De l’Allemagne au
Portugal, en passant par la France et l’Italie, ses incessants voyages
ruineront sa santé et, le 1er août 1546, alors qu’il se prépare à
participer au concile de Trente comme légat du pape, il meurt d’épuisement à
Rome, dans les bras, dit-on de son ami Ignace de Loyola. Il fut béatifié par
Pie IX en 1872.
UN DES MODÈLES DU PAPE FRANÇOIS
Par la proximité qu’il montrait à l’égard les gens les plus divers et les
plus pauvres, Pierre Favre est souvent cité par les biographes du pape François
comme l’un des modèles de Jorge Mario Bergoglio.
Dans son entretien aux revues intellectuelles jésuites,
en juillet, le pape François confiait que le bienheureux Pierre Favre était
justement une de ses figures jésuites préférées. « Le dialogue avec tous,
même avec les plus lointains et les adversaires de la Compagnie ; la piété
simple, une certaine ingénuité peut-être, la disponibilité immédiate, son discernement intérieur attentif, le fait d’être
un homme de grandes et fortes décisions, capable en même temps d’être si
doux… », le décrivait-il.
L.B.
« Pierre Favre est la figure jésuite de la douceur »
Selon le P. Arnaud de Rolland, assistant du
provincial de France des jésuites, la canonisation du troisième cofondateur de
la Compagnie de Jésus vient compléter les figures de sainteté
des saints Ignace de Loyola et François-Xavier.
Par un décret de la
Congrégation des causes des saints publié mardi 17 décembre, le pape a
annoncé la canonisation du jésuite Pierre Favre (1506-1546). Que représente
cette canonisation pour les jésuites ?
P. Arnaud de Rolland : Pour la Compagnie de Jésus, il est
heureux que l’un de nos cofondateurs, avec saint Ignace de Loyola et saint François-Xavier,
soit à son tour canonisé. La figure spirituelle, humble et discrète, de Pierre
Favre est moins connue que celles d’Ignace – chevalier et aventurier mystique,
puis supérieur à Rome – et de Françoix-Xavier – missionnaire et apôtre –
mais s’articule bien avec elles.
Pierre Favre avait une
dimension européenne et œcuménique, lui qui a sillonné l’Allemagne, la France
et l’Italie pour tenter de limiter les blessures causées par la Réforme. Saint
François de Sales déjà disait qu’il devait être canonisé… Et dans son entretien donné cet été aux revues jésuites,
le pape François décrivait ainsi Pierre Favre : « le dialogue avec tous,
même avec les plus lointains et les adversaires de la Compagnie ; la piété
simple, une certaine ingénuité peut-être, la disponibilité immédiate, son discernement intérieur attentif, le fait d’être
un homme de grandes et fortes décisions, capable en même temps d’être si
doux ».
Pierre Favre, c’est la figure
jésuite de la douceur. Saint Ignace disait aussi que c’était lui qui donnait le
mieux les Exercices spirituels. Bref, il est vraiment heureux qu’il soit
davantage mis en valeur.
Était-il déjà prié dans la
Compagnie, en particulier en France ?
P. A. de R. : Pierre Favre était surtout beaucoup lu. Son Mémorial
(son journal spirituel publié après sa mort) est recommandé pendant le noviciat
puis pendant le troisième an, c’est-à-dire pendant les moments de fondation
spirituelle de la vie d’un jésuite. Dans ce Mémorial, Pierre Favre
explique qu’il a reçu l’invitation de Dieu à noter les dons reçus pour en faire
mémoire. En ce sens, on peut dire que Pierre Favre, à la suite d’Ignace, a
montré le bienfait de la relecture dans la vie quotidienne.
La Compagnie de Jésus s’honore
déjà d’une soixantaine de saints et de bienheureux, dont une dizaine de
Français, tels Jean François Régis (mort en 1640), Noël Chabanel
(mort martyr en 1649), Claude La Colombière (mort en 1682), le bienheureux
Jean-Nicolas Cordier (mort en 1794)… et, depuis l’an dernier, Jacques Berthieu
(mort en 1896). En quoi le fait d’en avoir un de plus est-il important ?
P. A. de R. : Ce n’est pas la quantité qui compte… Cette
canonisation, qui vient compléter le trio fondateur de la Compagnie, est
importante car elle rend plus visible notre notion de compagnonnage. Nos trois
fondateurs seront mieux connus dans leur cohérence. Il faut préciser cependant
que nous parlons toujours des « Dix premiers compagnons » car ils
étaient dix à Rome au moment de la délibération des premiers Pères, considérée
comme le moment fondateur de la Compagnie. Mais ils n’étaient que sept
compagnons à prononcer leurs vœux de consécration à la Vierge Marie – ce que
nous appelons les « vœux de Montmartre », le 15 août 1534,
dans la crypte du martyrium de saint Denis, à Paris. Ce jour-là, c’est
Pierre Favre, seul prêtre du groupe, qui a célébré l’eucharistie et qui a reçu
les vœux de ses compagnons.
Envisagez-vous un moment de
célébration particulier pour fêter saint Pierre Favre ?
P. A. de R. : Nous sommes en contact avec le diocèse d’Annecy
pour organiser quelque chose dans les premiers mois de 2014 à Villaret, le hameau où est né Pierre Favre dans la commune de
Saint-Jean-de-Sixt (Haute-Savoie).
À Rome, une messe d’action de
grâce pour la canonisation de Pierre Favre sera présidée par le pape en
l’église du Gésu, le 3 janvier au matin. En communion avec
cette célébration du 3 janvier, auront lieu en France diverses
célébrations locales.
RECUEILLI
PAR CLAIRE LESEGRETAIN
Pierre Favre, un modèle du pape François canonisé sans cérémonie
A.C.
Créé le 18/12/2013 / modifié le 18/12/2013 à 11h29
C'est fait. Le
journal des évêques italiens Avvenire avait évoqué le mois dernier la
perspective d'une canonisation de Pierre Favre, cofondateur de la Compagnie de
Jésus, avant Noël ; le pape François s'est offert ce cadeau pour son propre
anniversaire, mardi 17 décembre.
C'est au cours
d’une audience accordée au cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour la
Cause des saints, selon l'agence I.Medias (reprise par l'Apic), que François a
décidé de déclarer immédiatement saint cet ami et premier compagnon d'Ignace de
Loyola, sans qu’une cérémonie de canonisation soit nécessaire.
En 1525, cet
étudiant savoyard et saint Ignace ont partagé une chambre. Avec un
troisième étudiant, le futur saint François-Xavier, ils formèrent « les
Amis dans le Seigneur », petit groupe à l'origine, en 1540, de la
fondation de la Compagnie de Jésus, dont Pierre Favre fut par ailleurs le tout
premier prêtre. Il a été béatifié en 1872 par le pape Pie IX, mais a donc dû
attendre jusqu'à aujourd'hui pour rejoindre ses deux compagnons au catalogue
des saints.
Cette grande figure
jésuite, qui vécut un temps à Paris au XVIe siècle et parcourut les routes
d'Europe, est souvent citée comme l'un des principaux modèles du pape, par la
proximité qu'il montrait à l'égard des gens les plus divers et les plus
pauvres. Le pape François – jésuite – lui-même ne cache pas cette proximité
spirituelle avec le nouveau saint, qu'il considère comme un modèle, notamment
pour la vie sacerdotale.
On se souvient par
exemple qu'il l'avait directement évoqué lors de l'entretien accordé en
septembre dernier aux revues jésuites du monde entier (publié en France par Etudes),
citant les qualités qu'il admirait le plus chez Pierre Favre : « Le
dialogue avec tous, même avec les plus lointains et les adversaires de la
Compagnie ; la piété simple, une certaine ingénuité peut-être, la disponibilité
immédiate, son discernement intérieur attentif, le fait d’être un homme de
grandes et fortes décisions, capable en même temps d’être si doux... »
Une telle canonisation
de figure historique par bulle pontificale est rare, mais parfaitement régulière. C'est la
section historique de la Congrégation pour la Cause des saints qui est chargée
d'enquêter sur des personnes au culte déjà ancien et reconnu. Un miracle
contemporain n'est pas requis, mais simplement les récits dignes de foi de
miracles advenus avant ou après la mort du futur saint.
Francis declares model figure, Pierre Favre, a saint
vatican insider staff
Rome
Today Pope Francis
fulfilled his intention to declare the
16th-century Jesuit Pierre Favre a saint, “bypassing the Vatican's typical saint-making
procedures to honour the first recruit of Jesuit founder St. Ignatius Loyola. The announcement was made on
Francis' 77th birthday," Associated Press reports.
“Favre, who lived from 1506 to 1546, met
Ignatius while the two were college roommates in Paris along with another
future Jesuit, Francis Xavier. Favre was later ordained and spent most of
his ministrypreaching Catholicism in Germany and elsewhere during the
Protestant Reformation.”
“The first Jesuit pope recently spoke about
the importance Favre had in his life, in particular his message of dialogue
with anyone, "even the most remote and even with his opponents”.”
“In an interview with the Jesuit journal La
Civiltà Cattolica, Francis cited Favre's "simple piety, a certain naïveté
perhaps, his being available straightaway, his careful interior discernment,
the fact that he was a man capable of great and strong decisions but also
capable of being so gentle and loving”.”
“In September, Francis bypassed typical
Vatican procedures to unilaterally declare another saint, Pope John XXIII.
Francis decreed that John would be canonized along with Pope John Paul II on
April 27even though the Vatican hadn't confirmed a second miracle attributed to
John's intercession.”
“In Favre's case, Francis was believed to be
relying on a rarely used "equivalent canonization" process. With it,
popes can declare that someone who has enjoyed widespread reverence over time
deserves veneration by the universal church without having to go through
the Vatican's typical procedures, which include ascertaining two miracles
attributed to the candidate's intercession. The Vatican announcement said that
Francis had extended to the universal church the veneration to Favre and had
inscribed him in the catalogue of saints.”
“Then-Pope Benedict XVI
used the procedure in his pontificate to declare Hildegard of Bingen a saint.
He did so, and later made her a doctor of the church, after having referred to
her in a catechism lesson as a saint, even though she had never been
canonized.”