Massacre des Lucs-sur-Boulogne le 28 février 1794, Vitrail
de l'église des Lucs-sur-Boulogne
Les 110 innocents des Lucs-sur-Boulogne, le plus
horrible massacre de la Révolution
Anne Bernet - Publié le 27/02/21
Ce fut un des plus horribles massacres de la
Révolution. Malgré le sacrifice de leur vieux curé qui voulait les protéger,
tous les habitants des Lucs-sur-Boulogne furent exterminés, hommes, femmes,
enfants le 28 février 1794. Parmi eux, 110 tout-petits, tués en haine de la
foi, dont la cause de béatification est ouverte à Rome.
Oubliée, Notre-Dame des Lucs en Vendée ? Construite au
XIXe siècle, à l’emplacement de l’ancienne église détruite par les
Colonnes Infernales le 28 février 1794, la chapelle actuelle, dont on ne pousse
plus guère la porte, est sans charme mais elle rappelle que ce lieu fut le
témoin d’un des plus indicibles massacres de la Révolution, véritable matrice
de tous les génocides et de toutes les horreurs totalitaires du XXe siècle.
En janvier 1794, désireux d’en finir avec
l’insurrection vendéenne débutée au printemps précédent, le Comité de Salut
public accorde son blanc-seing au plan du général Turreau qui propose de faire
parcourir les départements insurgés par douze colonnes mobiles chargées de tout
tuer et incendier sur leur passage. Peu importe qu’à cette date, militairement,
la Vendée, vaincue, ne représente plus une menace. Le seul fait que ses
populations catholiques aient osé se soulever, au nom de leur foi persécutée,
contre la Révolution, les voue à la mort.
Dans la France « régénérée », il ne saurait y avoir de
place pour ceux qui n’acceptent pas le nouveau « contrat social », dont on a
exclu Dieu et l’Église ; en se « retranchant » ainsi de la communauté
nationale, en soutenant que la loi divine prime sur celles de l’État, ces gens
cessent d’être des citoyens, donc des humains. Réduits à l’état de sous-hommes,
les Vendéens, leurs « femelles », leurs petits doivent être éradiqués
comme des bêtes nuisibles. L’on ne va pas s’en priver : il s’agit d’hygiène
sociale.
L’enfer se déchaîne
Le 28 février 1794, la colonne du général Cordelier
approche des Lucs-sur-Boulogne, gros bourg composé de deux agglomérations, le
Grand et le Petit Lucs. Le village, dont tous les hommes valides en âge de
porter les armes ont rejoint Charette pour tenter d’arrêter les
« brûleux », ne saurait constituer un objectif militaire, mais c’est
une proie facile, précisément ce que recherche Cordelier, plus désireux de
piller et de massacrer que de se battre.
Sans défense, les habitants des Lucs, face au péril,
cherchent refuge au pied de la Sainte Vierge, dans l’église Notre-Dame du Petit
Luc, trop petite pour contenir les 500 malheureux qui s’y pressent. Déjà, dans
le vallon de la Malnay, en contrebas, l’on entend les tambours des Bleus qui
approchent.
Le sacrifice du vieux curé
Alors, le vieux curé, l’abbé Voyneau, héroïque, décide
d’aller au devant des militaires et de s’offrir en victime, lui, prêtre
réfractaire dont la tête est mise à prix, contre la vie de ses ouailles… Son
sacrifice ne sauvera pas son troupeau. L’abbé Voyneau est torturé, longuement.
On lui tranche les doigts, qui ont reçu l’onction pour consacrer, on lui
arrache la langue, qui avait le pouvoir de faire descendre le Christ sur
l’autel, dans une atteinte volontaire et sacrilège à son sacerdoce. Enfin, on
l’ouvre en deux à coups de sabre et on lui arrache le cœur. Longtemps, l’on
montrera, sur des pierres, les traces du sang du martyr.
Puis, Cordelier et ses hommes monteront jusqu’à
Notre-Dame, et y « décalotteront toute une nichée de calotins qui
brandissaient les insignes du fanatisme » ; comprenez des familles
entières à genoux accrochées à leurs chapelets, massacrées à coups de baïonnettes.
Pour terminer la besogne, ils incendieront l’église et tireront dessus au
canon, pour être bien sûr que personne n’échappe au brasier. Méticuleux, les
tueurs explorent ensuite toutes les maisons, toutes les fermes, battent les
haies et massacrent humains et animaux.
Le prêtre relève 565 cadavres ; parmi eux 110 tout
petits enfants qui n’avaient pas l’âge de raison.
Quant, à dix jours de là, le jeune curé du Grand Luc,
l’abbé Barbedette, aumônier dans l’armée de Charette, informé du massacre, regagne sa
paroisse et se met en quête de survivants, il n’en retrouve aucun. Le prêtre
relève 565 cadavres ; parmi eux « 110 tout petits enfants qui n’avaient
pas l’âge de raison ». Et, seul, il les enterre. Puis, parce qu’il ne faut
pas qu’un drame pareil s’oublie, l’abbé Barbedette dresse l’interminable liste
des victimes, maison par maison, famille par famille, mettant en évidence l’assassinat
sous le même toit de trois ou quatre générations, de l’arrière-grand-mère à
l’arrière-petit-fils nouveau-né. Cette terrible liste, qu’il faut un long
moment pour lire, le cœur serré, vous la trouverez, gravée dans le marbre, sur
les murs de la chapelle.
La grâce de la fidélité