samedi 24 novembre 2012

Saint JEAN de la CROIX, religieux carme, confesseur et Docteur de l'Église (« Le docteur mystique »)

Saint Jean de la Croix, Bronze de Rafael Pi Belda à Caravaca de la Cruz (Murcie).


Saint Jean de la Croix

Religieux Carme

(1542-1591)

Saint Jean de la Croix naquit près d'Avila, en Espagne. Jouant un jour au bord d'un étang, il glissa au fond de l'eau; une grande et belle dame vint lui offrir la main pour le sauver: "Non, dit l'enfant, vous êtes trop belle, ma main salirait la vôtre." Alors un vieillard se présenta, marchant aussi dans l'eau, tendit son bâton à l'enfant et le ramena sur le bord. Une autre fois il tomba dans un puits; on croyait l'y retrouver mort; il était assis paisiblement: "Une belle dame, dit-il, m'a reçu dans son manteau et m'a gardé." Ainsi Jean croissait sous le regard de Marie.

Un jour qu'il priait Notre-Seigneur de lui faire connaître sa vocation, une voix intérieure lui dit: "Tu entreras dans un Ordre religieux, dont tu relèveras la ferveur primitive." Il avait vingt et un ans quand il entra au Carmel, et dépassa de beaucoup tous ses frères, tout en cachant ses oeuvres extraordinaires. Il habitait un réduit obscur, mais dont la fenêtre donnait dans la chapelle, en face du Très Saint-Sacrement. Il portait autour du corps une chaîne de fer hérissée de pointes, et par-dessus cette chaîne un vêtement étroit et serré, composé de joncs enlacés par de gros noeuds. Ses disciplines étaient si cruelles, que le sang jaillissait en abondance.

Le sacerdoce ne fit que redoubler son désir de la perfection. Il songeait à s'ensevelir à la Chartreuse, quand sainte Thérèse, éclairée de Dieu sur son mérite, lui confia ses projets de réforme du Carmel et l'engagea à se faire son auxiliaire. Jean se retira dans une maison étroite, pauvre, insuffisante, et commença seul un nouveau genre de vie, conforme aux Règle primitives de l'Ordre du Carmel. Peu de jours après, il avait deux compagnons: la réforme était fondée.

Ce ne fut pas sans tempêtes qu'elle se développa, car l'enfer sembla s'acharner contre elle, et tandis que le peuple vénérait Jean comme un Saint, il eut à souffrir, de la part de ceux qui auraient dû le seconder, d'incroyables persécutions, les injures, les calomnies, jusqu'à la prison. Pour le consoler, Marie lui apparut et lui annonça sa délivrance prochaine; en effet, quelques jours après, il se trouva, sans savoir comment, au milieu de la ville de Tolède. Dieu le récompensa de ses épreuves par des extases fréquentes; sainte Thérèse l'appelait un homme tout divin. Il écrivit des ouvrages spirituels d'une élévation sublime. Une colombe le suivait partout, et une odeur suave s'exhalait de son corps. Au moment de sa mort, un globe de feu brillant comme un soleil entoura son corps.

Le Pape Pie XI l'a proclamé Docteur de l'Église, le 24 août 1926.

Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950



Francisco de Zurbarán, Saint Jean de la Croix, 1656, Katoxice, Archdiocesan Museum 

BENOÎT XVI


AUDIENCE GÉNÉRALE


Salle Paul VI


Mercredi 16 février 2011


Saint Jean de la Croix


Chers frères et sœurs,

Il y a deux semaines, j'ai présenté la figure de la grande mystique espagnole Thérèse de Jésus. Je voudrais aujourd'hui parler d'un autre saint important de ces territoires, ami spirituel de sainte Thérèse, réformateur, avec elle, de la famille religieuse carmélitaine: saint Jean de la Croix, proclamé Docteur de l'Eglise par le Pape Pie XI, en 1926, et surnommé dans la tradition Doctor mysticus, «Docteur mystique».

Jean de la Croix naquit en 1542 dans le petit village de Fontiveros, proche d'Avila, en Vieille Castille, de Gonzalo de Yepes et Catalina Alvarez. Sa famille était très pauvre, car son père, issu d’une famille noble de Tolède, avait été chassé de chez lui et déshérité pour avoir épousé Catalina, une humble tisseuse de soie. Orphelin de père dans son jeune âge, Jean, à neuf ans, partit avec sa mère et son frère Francisco pour Medina del Campo, non loin de Valladolid, un pôle commercial et culturel. Il y fréquenta le Colegio de los Doctrinos, en assurant également d'humbles travaux pour les sœurs de l'église-couvent de la Madeleine. Par la suite, vues ses qualités humaines et ses résultats dans les études, il fut admis d'abord comme infirmier dans l'Hôpital de la Conception, puis au Collège des jésuites, qui venait d'être fondé à Medina del Campo: Jean y entra à dix-huit ans et étudia pendant trois ans les sciences humaines, la rhétorique et les langues classiques. A la fin de sa formation, sa vocation lui était très claire: la vie religieuse et, parmi tous les ordres présents à Medina, il se sentit appelé au carmel.

Au cours de l'été 1563, il débuta le noviciat chez les carmes de la ville, en prenant le nom religieux de Mattia. L'année suivante, il fut destiné à la prestigieuse université de Salamanque, où il étudia pendant un triennat les arts et la philosophie. En 1567, il fut ordonné prêtre et retourna à Medina del Campo pour célébrer sa première Messe entouré de l'affection de sa famille. C'est là qu'eut lieu la première rencontre entre Jean et Thérèse de Jésus. La rencontre fut décisive pour tous les deux: Thérèse lui exposa son programme de réforme du carmel, l’appliquant également à la branche masculine de l'ordre et proposa à Jean d'y adhérer «pour la plus grande gloire de Dieu»; le jeune prêtre fut fasciné par les idées de Thérèse, au point de devenir un grand défenseur du projet. Ils travaillèrent ensemble quelques mois, partageant les idéaux et les propositions pour inaugurer le plus rapidement possible la première maison des carmes déchaux: l'ouverture eut lieu le 28 décembre 1568 à Duruelo, un lieu isolé de la province d'Avila. Avec Jean, trois autres compagnons formaient cette première communauté masculine réformée. En renouvelant leur profession de foi selon la Règle primitive, tous les quatre adoptèrent un nouveau nom: Jean s'appela dès lors «de la Croix», nom sous lequel il sera universellement connu. A la fin de 1572, à la demande de sainte Thérèse, il devint confesseur et vicaire du monastère de l’Incarnation d'Avila, où la sainte était prieure. Ce furent des années d'étroite collaboration et d'amitié spirituelle, qui les enrichit tous deux. C'est à cette période que remontent aussi les plus importantes œuvres de Thérèse et les premiers écrits de Jean.

L’adhésion à la réforme du carmel ne fut pas facile et coûta également de graves souffrances à Jean. L’épisode le plus traumatisant fut, en 1577, son enlèvement et son incarcération dans le couvent des carmes de l’antique observance de Tolède, à la suite d’une accusation injuste. Le saint fut emprisonné pendant des mois, soumis à des privations et des contraintes physiques et morales. En ce lieu, il composa, avec d’autres poésies, le célèbre Cantique spirituel. Finalement, dans la nuit du 16 au 17 août 1578, il réussit à fuir de façon aventureuse, se réfugiant dans le monastère des carmélites déchaussées de la ville. Sainte Thérèse et ses compagnons réformés célébrèrent avec une immense joie sa libération et, après une brève période pour retrouver ses forces, Jean fut destiné à l’Andalousie, où il passa dix ans dans divers couvents, en particulier à Grenade. Il assuma des charges toujours plus importantes dans l’ordre, jusqu’à devenir vicaire provincial, et il compléta la rédaction de ses traités spirituels. Il revint ensuite dans sa terre natale, comme membre du gouvernement général de la famille religieuse thérésienne, qui jouissait désormais d’une pleine autonomie juridique. Il habita au carmel de Ségovie, exerçant la charge de supérieur de cette communauté. En 1591, il fut relevé de toute responsabilité et destiné à la nouvelle province religieuse du Mexique. Alors qu’il se préparait pour ce long voyage avec dix autres compagnons, il se retira dans un couvent solitaire près de Jaén, où il tomba gravement malade. Jean affronta avec une sérénité et une patience exemplaires d’immenses souffrances. Il mourut dans la nuit du 13 au 14 décembre 1591, alors que ses confrères récitaient l’office de mâtines. Il les quitta en disant: «Aujourd’hui je vais chanter l’Office au ciel». Sa dépouille mortelle fut transférée à Ségovie. Il fut béatifié par Clément X en 1675 et canonisé par Benoît XIII en 1726.

Jean est considéré comme l’un des plus importants poètes lyriques de la littérature espagnole. Ses plus grandes œuvres sont au nombre de quatre: «La montée du Mont Carmel», «La nuit obscure», «Les cantiques spirituels» et «La vive flamme d’amour».

Dans les Cantiques spirituels, saint Jean présente le chemin de purification de l’âme, c’est-à-dire la possession progressive et joyeuse de Dieu, jusqu’à ce que l’âme parvienne à sentir qu’elle aime Dieu avec le même amour dont Il l’aime. La vive flamme d’amour poursuit dans cette perspective, en décrivant plus en détail l’état de l’union transformante avec Dieu. Le parallèle utilisé par Jean est toujours celui du feu: de même que le feu, plus il brûle et consume le bois, plus il devient incandescent jusqu’à devenir flamme, ainsi l’Esprit Saint, qui au cours de la nuit obscure purifie et «nettoie» l’âme, avec le temps l’illumine et la réchauffe comme si elle était une flamme. La vie de l’âme est une incessante fête de l’Esprit Saint, qui laisse entrevoir la gloire de l’union avec Dieu dans l’éternité.

La montée du Mont Carmel présente l’itinéraire spirituel du point de vue de la purification progressive de l’âme, nécessaire pour gravir le sommet de la perfection chrétienne, symbolisée par le sommet du Mont Carmel. Cette purification est proposée comme un chemin que l’homme entreprend, en collaborant avec l’action divine, pour libérer l’âme de tout attachement ou lien d’affection contraire à la volonté de Dieu. La purification, qui pour parvenir à l’union d’amour avec Dieu doit être totale, commence par celle de la vie des sens et se poursuit par celle que l’on obtient au moyen des trois vertus théologales: foi, espérance et charité, qui purifient l’intention, la mémoire et la volonté. La nuit obscure décrit l’aspect «passif», c’est-à-dire l’intervention de Dieu dans ce processus de «purification» de l’âme. L’effort humain, en effet, est incapable tout seul d’arriver jusqu’aux racines profondes des inclinations et des mauvaises habitudes de la personne: il peut seulement les freiner, mais non les déraciner complètement. Pour cela, l’action spéciale de Dieu est nécessaire, qui purifie radicalement l’esprit et le dispose à l’union d’amour avec Lui. Saint Jean qualifie de «passive» cette purification, précisément parce que, bien qu’acceptée par l’âme, elle est réalisée par l’action mystérieuse de l’Esprit Saint qui, comme la flamme du feu, consume toute impureté. Dans cet état, l’âme est soumise à tous types d’épreuves, comme si elle se trouvait dans une nuit obscure.

Ces indications sur les œuvres principales du saint nous aident à nous familiariser avec les points principaux de sa vaste et profonde doctrine mystique, dont l’objectif est de décrire un chemin sûr pour parvenir à la sainteté, l’état de perfection auquel Dieu nous appelle tous. Selon Jean de la Croix, tout ce qui existe, créé par Dieu, est bon. A travers les créatures, nous pouvons parvenir à la découverte de Celui qui a laissé en elles une trace de lui. La foi, quoi qu’il en soit, est l’unique source donnée à l’homme pour connaître Dieu tel qu’il est en soi, comme Dieu Un et Trine. Tout ce que Dieu voulait communiquer à l’homme, il l’a dit en Jésus Christ, sa Parole faite chair. Jésus Christ est le chemin unique et définitif vers le Père (cf. Jn 14, 6). Toute chose créée n’est rien par rapport à Dieu et ne vaut rien en dehors de Lui: par conséquent, pour atteindre l’amour parfait de Dieu, tout autre amour doit se conformer dans le Christ à l’amour divin. C’est de là que découle l’insistance de saint Jean de la Croix sur la nécessité de la purification et de la libération intérieure pour se transformer en Dieu, qui est l’objectif unique de la perfection. Cette «purification» ne consiste pas dans la simple absence physique des choses ou de leur utilisation; ce qui rend l’âme pure et libre, en revanche, est d’éliminer toute dépendance désordonnée aux choses. Tout doit être placé en Dieu comme centre et fin de la vie. Le processus long et fatigant de purification exige certainement un effort personnel, mais le véritable protagoniste est Dieu: tout ce que l’homme peut faire est d’«être disposé», être ouvert à l’action divine et ne pas lui opposer d’obstacle. En vivant les vertus théologales, l’homme s’élève et donne une valeur à son engagement. Le rythme de croissance de la foi, de l’espérance et de la charité va de pair avec l’œuvre de purification et avec l’union progressive avec Dieu jusqu’à se transformer en Lui. Lorsque l’on parvient à cet objectif, l’âme est plongée dans la vie trinitaire elle-même, de sorte que saint Jean affirme qu’elle parvient à aimer Dieu avec le même amour que celui avec lequel il l’aime, car il l’aime dans l’Esprit Saint. Voilà pourquoi le Docteur mystique soutient qu’il n’existe pas de véritable union d’amour avec Dieu si elle ne culmine pas dans l’union trinitaire. Dans cet état suprême, l’âme sainte connaît tout en Dieu et ne doit plus passer à travers les créatures pour arriver à Lui. L’âme se sent désormais inondée par l’amour divin et se réjouit entièrement en lui.

Chers frères et sœurs, à la fin demeure la question: ce saint, avec sa mystique élevée, avec ce chemin difficile vers le sommet de la perfection, a-t-il quelque chose à nous dire à nous également, au chrétien normal qui vit dans les circonstances de cette vie actuelle, ou est-il un exemple, un modèle uniquement pour quelques âmes élues, qui peuvent réellement entreprendre ce chemin de la purification, de l’ascèse mystique? Pour trouver la réponse, nous devons avant tout tenir compte du fait que la vie de saint Jean de la Croix n’a pas été un «envol sur les nuages mystiques», mais a été une vie très dure, très pratique et concrète, tant comme réformateur de l’ordre, où il rencontra de nombreuses oppositions, que comme supérieur provincial, ou dans les prisons de ses confrères, où il était exposé à des insultes incroyables et à de mauvais traitements physiques. Cela a été une vie dure, mais précisément au cours des mois passés en prison, il a écrit l’une de ses œuvres les plus belles. Et ainsi, nous pouvons comprendre que le chemin avec le Christ, aller avec le Christ, «le Chemin», n’est pas un poids ajouté au fardeau déjà assez difficile de notre vie, ce n’est pas quelque chose qui rendrait encore plus lourd ce fardeau, mais il s’agit d’une chose totalement différente, c’est une lumière, une force, qui nous aide à porter ce fardeau. Si un homme porte en lui un grand amour, cet amour lui donne presque des ailes, et il supporte plus facilement toutes les épreuves de la vie, car il porte en lui cette grande lumière; telle est la foi: être aimé par Dieu et se laisser aimer par Dieu en Jésus Christ. Se laisser aimer est la lumière qui nous aide à porter le fardeau de chaque jour. Et la sainteté n’est pas notre œuvre, très difficile, mais elle est précisément cette «ouverture»: ouvrir les fenêtres de notre âme pour que la lumière de Dieu puisse entrer, ne pas oublier Dieu car c’est précisément dans l’ouverture à sa lumière que se trouve la force, la joie des rachetés. Prions le Seigneur afin qu’il nous aide à trouver cette sainteté, à nous laisser aimer par Dieu, qui est notre vocation à tous et la véritable rédemption. Merci.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier les jeunes et les formateurs du séminaire de Bayonne, accompagnés de leur Évêque, Monseigneur Marc Aillet! Recueillant le message de saint Jean de la Croix, je vous invite à approfondir votre vie chrétienne et à expérimenter les vertus théologales, source d’une vraie transformation de vos vies et d’une progressive union avec Dieu. Avec ma Bénédiction!

© Copyright 2011 - Libreria Editrice Vaticana


Autel consacré à Jean de la Croix dans l'église de Los Descalzos à Écija.



Né en 1542, carme en 1563. Mort le 14 décembre 1591. Canonisé en 1726. Fête en 1738. Docteur en 1927.

« Il est évident que la liturgie romaine traditionnelle a été comme étouffée par les fêtes nouvelles ajoutées depuis le XVIe siècle, fêtes qui, à Rome, ont une importance très inférieure à celle des fêtes écrites antérieurement en caractères de sang dans ses fastes hagiographiques. Le fait est qu’en ce jour la messe et la station en l’honneur du martyr Chrysogone sont pratiquement supprimées par l’office de saint Jean de la Croix, lequel, d’ailleurs, n’est même pas mort à cette date (+ 14 décembre 1591). » (Bhx Card. Schuster, Liber Sacramentorum


Leçons des Matines avant 1960

Quatrième leçon. Jean de la Croix, né de parents pieux, à Fontibéra en Espagne, fit voir clairement dès ses premières années, combien il devait plus tard être cher à la Vierge Mère de Dieu ; car, à l’âge de cinq ans, étant tombé dans un puits, il fut soutenu sur l’eau par la main de Marie, et il en sortit sain et sauf. Un tel désir de souffrir l’enflamma, que, dès sa neuvième année, il laissait un lit moelleux pour s’étendre d’ordinaire sur une couche de sarments. Parvenu à l’adolescence il se consacra au service des pauvres malades, à l’hospice de Médina del Campo : la grande ardeur de sa charité le tenait toujours prêt à leur rendre les plus bas offices. Aussi les autres infirmiers, excités par son exemple, accomplissaient-ils avec un nouveau zèle les mêmes actes charitables. Mais appelé à une vocation plus sublime, Jean embrassa l’Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont-Carmel, où il reçut la prêtrise par obéissance et désireux d’une discipline très sévère, d’un genre de vie plus austère, obtint de ses supérieurs la permission de suivre la règle primitive de l’Ordre. Dès lors, à cause de son continuel souvenir de la passion du Seigneur, il se déclara la guerre à lui-même, comme à son ennemi le plus redoutable, et il eut bientôt, par les veilles, les jeûnes, les disciplines de fer et toutes sortes de macérations « crucifié sa chair avec ses vices et ses convoitises » ; aussi mérita-t-il pleinement que sainte Thérèse le comptât parmi les plus pures et les plus saintes âmes illustrant alors l’Église de Dieu.

Cinquième leçon. Muni (d’armes spirituelles) par la singulière austérité de sa vie et l’exercice de toutes les vertus, livré à la contemplation assidue des choses divines, Jean de la Croix éprouva souvent de merveilleuses extases ; il brûlait d’un tel amour envers Dieu, que parfois ce feu divin, ne pouvant être contenu plus longtemps en lui-même et semblant rompre ses digues, on le voyait irradier le visage du saint. D’une extrême sollicitude pour le salut du prochain, Jean s’adonnait sans relâche à la prédication de la parole divine et à l’administration des sacrements. Orné de tant de mérites et embrasé du désir véhément de promouvoir une plus stricte discipline, il fut donné par Dieu comme aide à sainte Thérèse pour ramener parmi les Frères la primitive observance du Carmel, qu’elle avait établie chez les Sœurs de cet Ordre. Pour promouvoir cette œuvre divine, il supporta, ainsi que la servante de Dieu, des fatigues innombrables, visitant chacun des monastères élevés par les soins de cette même sainte vierge par toute l’Espagne, et cela sans se laisser effrayer par aucune privation, par aucun danger ; faisant fleurir en ces maisons et en celles qu’il fonda lui-même, la nouvelle observance, et affermissant cette observance par ses paroles et son exemple. Aussi est-il considéré à juste titre, comme ayant, après sainte Thérèse, le plus contribué à la réforme des Carmes déchaussés, qui a reçu ses enseignements et le nomme son père.

Sixième leçon. Jean garda toute sa vie la virginité, et des femmes impudentes s’efforçant de tendre des pièges à sa vertu, il ne se borna pas à les repousser, mais les gagna à Jésus-Christ. Pour l’explication des opérations mystérieuses de la grâce divine, il fut, au jugement du Saint-Siège, l’égal de sainte Thérèse, et c’est éclairé par les lumières d’en haut qu’il écrivit, sur la théologie mystique, des livres tout pleins d’une sagesse céleste. Le Christ lui ayant un jour demandé quelle récompense il souhaitait pour tant de travaux, il répondit : « Seigneur, souffrir et être méprisé pour vous ». Bien que son pouvoir sur les démons, qu’il chassait souvent du corps des possédés, le discernement des esprits, le don de prophétie, l’éclat des miracles l’eussent rendu très célèbre, son humilité demeura constamment telle, que souvent il demandait au Seigneur de mourir en un Heu où il serait ignoré de tous. Son vœu fut exaucé : une cruelle maladie le saisit à Ubède, et, pour combler son désir des souffrances, il lui survint à une jambe cinq plaies purulentes : toutes choses qu’il endura avec une constance admirable. Ayant reçu pieusement et saintement les sacrements de l’Église, dans l’embrassement de Jésus-Christ crucifié, qu’il avait toujours eu dans le cœur et sur les lèvres, et après avoir prononcé ces paroles : « Je remets mon âme entre vos mains », il s’endormit dans le Seigneur, au jour et à l’heure qu’il avait prédits, l’an du salut mil cinq cent quatre-vingt-onze, à l’âge de quarante-neuf ans. On vit un globe de feu tout éblouissant venir en quelque sorte au devant de son âme pour la recevoir ; son -corps exhala un très suave parfum et, aujourd’hui encore exempt de corruption, il est vénéré avec honneur à Ségovie. Des miracles éclatants ayant précédé et suivi la mort de Jean de la Croix, le Souverain Pontife Benoît XIII l’a inscrit au nombre des saints et Pie XI, sur l’avis de la Sacrée Congrégation des Rites, l’a déclaré Docteur de l’Église universelle.

Vision de Jean de la Croix, de Josefa de Óbidos, 1673, à la Santa Casa de MisericórdiaFigueiró dos Vinhos, Portugal



Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Suivons l’Église se dirigeant vers le Carmel, pour y porter l’hommage reconnaissant du monde. Sur les pas de Thérèse de Jésus, Jean de la Croix s’est levé, frayant aux âmes en quête de Dieu un chemin sûr.

L’évolution qui inclinait les peuples au délaissement de la prière sociale, menaçait de compromettre irréparablement la piété, quand, au XVIe siècle, la divine bonté suscita des Saints dont la parole comme la sainteté répondissent aux besoins de ces temps nouveaux. La doctrine ne change pas ; l’ascétique, la mystique de ce siècle transmirent aux siècles suivants les échos de ceux qui avaient précédé. Leur exposé se fit toutefois plus didactique, leur analyse plus serrée ; leurs procédés se prêtèrent à la nécessité de secourir les âmes que l’isolement livrait au risque de toutes les illusions. C’est justice de reconnaître que, sous l’action toujours féconde de l’Esprit-Saint, la psychologie des états surnaturels en devint plus étendue et plus précise.

Les chrétiens d’autrefois, priant avec l’Église, vivant chaque jour, à toute heure, de sa vie liturgique, gardaient son empreinte en toutes circonstances dans leurs relations personnelles avec Dieu. Et de la sorte il arrivait que, sous l’influence persévérante et transformante de l’Église, participant aux grâces de lumière et d’union, à toutes les bénédictions de cette unique bien-aimée, de cette unique agréée de l’Époux [3], c’était sa propre sainteté qu’ils s’assimilaient sans labeur autre que de suivre docilement leur Mère, ou de se laisser porter dans ses bras très sûrs. Ainsi s’appliquaient-ils la parole du Seigneur : Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux [4].

Qu’on ne s’étonne pas de ne point remarquer près d’eux, aussi fréquente et assidue que de nos jours, l’assistance de directeurs spéciaux attachés à leurs propres personnes. Les guides particuliers sont moins nécessaires aux membres d’une caravane ou d’une armée : ce sont les voyageurs isolés qui ne peuvent s’en passer ; et même avec ces guides particuliers, la sécurité, pour eux, ne sera jamais comparable à celle de quiconque suit la caravane ou l’armée.

C’est ce que comprirent au cours des derniers siècles les hommes de Dieu qui, s’inspirant des aptitudes multiples des âmes, donnèrent leurs noms à des écoles, unes quant au but, diverses quant aux moyens proposés par elles à l’encontre des dangers de l’individualisme. Dans cette campagne de redressement et de salut, où l’ennemie redoutable entre toutes était l’illusion aux mille formes, aux subtiles racines, aux détours infinis, Jean de la Croix fut la vivante image du Verbe de Dieu, pénétrant mieux qu’un glaive acéré jusqu’à la division de l’esprit et de l’âme, des moelles et des jointures, scrutant, révélateur inexorable, intentions et pensées des cœurs [5]. Écoutons-le, bien que moderne, on reconnaît en lui le fils des anciens. « L’âme, écrit-il, est faite pour parvenir à une connaissance fort étendue, et pleine de saveur, des choses divines et humaines, qui s’élève bien au-dessus de sa science naturelle. Autant le divin est éloigné de l’humain, autant la lumière et la grâce de l’Esprit-Saint diffèrent de la lumière des sens [6]. Aussi avant d’arriver à la divine lumière de la parfaite union d’amour, dans la mesure où cela est possible en ce monde, l’âme doit traverser la nuit obscure, affronter ordinairement des ténèbres si profondes que l’intelligence humaine est impuissante à les comprendre et la parole à les exprimer [7].

« La purification qui conduit l’âme à l’union divine peut recevoir la dénomination de nuit pour trois raisons. La première se rapporte au point de départ ; car, en renonçant à toutes les choses créées, l’âme a dû tout d’abord priver ses appétits du goût qu’ils y trouvaient. Or ceci est indubitablement une nuit pour tous les sens et tous les instincts de l’homme.

« La seconde raison est la voie même qu’il faut prendre pour atteindre l’état bienheureux de l’union. Cette voie n’est autre que la foi, nuit vraiment obscure pour l’entendement.

« Enfin la troisième raison est le terme où l’âme tend. Terme qui est Dieu, être incompréhensible et infiniment au-dessus de nos facultés, et qu’on peut appeler par là même une nuit obscure pour l’âme durant son pèlerinage ici-bas.

« Ces trois nuits à traverser par l’âme sont figurées au Livre de Tobie par les trois nuits que, sur l’ordre de l’Ange, le jeune Tobie laissa écouler avant de s’unir à son épouse [8]. L’Ange Raphaël lui commanda de brûler pendant la première nuit le foie du poisson, symbole d’un cœur affectionné et attaché aux choses créées. Quiconque désire s’élever à Dieu doit, dès le début, purifier son cœur dans le feu de l’amour divin et y consumer tout ce qui appartient au créé. Cette purification met en fuite le démon, qui auparavant avait puissance sur l’âme pour la faire adhérer aux plaisirs temporels et sensibles.

« L’Ange dit à Tobie que dans la seconde nuit il serait admis en la compagnie des saints Patriarches, qui sont les pères de la foi. De même l’âme, après avoir traversé la première nuit, figurée par la privation de tout ce qui flatte les sens, pénètre sans obstacle dans la seconde. Là, étrangère à tous les objets sensibles, elle demeure dans la solitude et la nudité de la foi, l’ayant choisie pour son unique guide.

« Enfin, pendant la troisième nuit il fut promis à Tobie une abondante bénédiction. Dans le sens qui nous occupe, cette bénédiction est Dieu lui-même qui, à la faveur de la seconde nuit, c’est-à-dire de la foi, se communique à l’âme d’une manière si secrète et si intime, que c’est un autre genre de nuit plus profonde que les précédentes. L’union avec l’Épouse, c’est-à-dire avec la Sagesse de Dieu, se consomme quand la troisième nuit est écoulée, nous voulons dire, lorsque cette communication de Dieu à l’esprit est achevée [9].

« O âmes spirituelles ! ne vous plaignez pas de sentir vos puissances livrées à l’angoisse des ténèbres, vos affections stériles et paralysées, vos facultés impuissantes à tout exercice de la vie intérieure. En vous enlevant votre manière imparfaite d’agir, le Seigneur vous délivre ainsi de vous-même. Malgré le bon emploi que vous eussiez fait d’ailleurs de vos facultés, leur impureté et leur ignorance ne vous eussent jamais permis d’obtenir un résultat aussi parfait et une sécurité aussi entière. Dieu vous prend parla main, et se fait lui-même votre conducteur au milieu des ténèbres. Il vous guide comme un aveugle par un chemin inconnu, vers le terme où ni vos lumières ni vos efforts n’eussent jamais pu vous conduire [10]. »

Nous aimons à laisser les Saints décrire eux-mêmes les voies qu’ils parcoururent, et dont ils demeurent, en récompense de leur fidélité, les guides reconnus dans l’Église. Ajouterons-nous qu’ « il faut prendre garde, dans les peines de ce genre, à ne pas exciter la commisération du Seigneur avant que son œuvre soit achevée ? On ne peut s’y méprendre : telles grâces que Dieu fait à l’âme ne sont pas nécessaires au salut, mais elles doivent être payées d’un certain prix. Si nous nous montrions par trop difficiles, il se pourrait que, pour ménager notre faiblesse, le Seigneur nous laissât retomber dans une voie inférieure, ce qui, au regard de la foi, serait un irréparable malheur. Mais dira-t-on, qu’importe, puisque cette âme se sauvera ? Il est vrai, mais notre intelligence ne saurait apprécier la supériorité d’une âme qui pourrait devenir l’émule des chérubins ou des séraphins, sur celle qui ne saurait être assimilée qu’aux hiérarchies inférieures. Une fausse modestie ou l’amour du médiocre ne saurait avoir légitimement cours en ces matières [11]. Il importe plus qu’on ne saurait le dire aux intérêts de la sainte Église et à la gloire de Dieu que les âmes vraiment contemplatives se multiplient sur la terre. Elles sont le ressort caché et le moteur qui donne l’impulsion sur terre à tout ce qui est la gloire de Dieu, le règne de son Fils, et l’accomplissement parfait de la divine volonté. En vain multipliera-t-on les œuvres, les industries, et même les dévouements : tout sera stérile, si l’Église militante n’a pas ses saints qui la soutiennent dans l’état de voie, celui que le Maître a choisi pour racheter le monde. Certaines puissances et certaines fécondités sont inhérentes à la vie présente ; elle a, de soi, si peu de charmes, qu’il n’était pas inutile d’en relever ainsi le mérite » [12].

Puissent au Carmel et sur les monts, comme dans la plaine et les vallées, se multiplier les âmes qui concilient le ciel à la terre, attirent les bénédictions, écartent la foudre ! Saints que nous sommes par vocation [13], puissions-nous à votre exemple et par votre prière, ô Jean de la Croix, laisser la divine grâce agir en nous selon toute la mesure de sa vertu purifiante et déifiante ; car alors aussi nous pourrons dire un jour avec vous :

« O vie divine qui ne donnez la mort que pour rendre la vie, vous m’avez blessée pour me guérir, vous avez détruit en moi ce qui me retenait dans la mort. Sagesse divine, ô touche délicate, Verbe qui pénétrez si subtilement la substance de mon âme, et la plongez en des douceurs qu’on ne connaît pas dans la terre de Chanaan ni dans celle de Théman [14] : vous renversez les montagnes, vous brisez les rochers d’Horeb par la seule ombre de votre puissance, et au prophète vous vous révélez par le murmure d’une brise légère [15]. O souffle divin, si terrible et si doux, le monde ne connaît pas votre suavité.

« Ceux-là seuls vous sentent, ô mon Dieu et ma vie ! ceux-là seuls vous reconnaissent à votre délicatesse infinie, qui, s’éloignant du monde, se sont spiritualisés tout entiers. Vous qui n’avez en vous rien de matériel, vous touchez l’âme d’une manière d’autant plus intime et profonde, que votre être divin, affranchi de tout mode, figure ou forme, l’a rendue elle-même plus simple et pure. Vous cachant en elle, désormais séparée de tout souvenir de créatures, vous la cachez à votre tour dans le secret de votre face divine, l’y mettant à couvert de tous les troubles de ce monde. Vous l’étant réservée, tout autre objet, qu’il soit d’en haut ou d’en bas, la fatigue ; et c’est pour elle une peine et un tourment que d’avoir à s’en occuper » [16].

[3] Cant. 6, 8.

[4] Matth. 18, 3.

[5] Heb. 4, 12-13.

[6] Vie et Œuvres de saint Jean de la Croix, édition des Carmélites de Paris, La Nuit obscure de l’âme, L. II, ch. IX.

[7] Ibid. La Montée du Carmel, Prologue.

[8] Tob. 6, 18.

[9] La Montée du Carmel, L. I, ch. II.

[10] La Nuit obscure, L. II, ch. XVI.

[11] La Vie spirituelle et l’Oraison d’après la sainte Écriture et la Tradition monastique, Solesmes, 1899, Ch. XIV.

[12] Ibid. Ch. XIX.

[13] Rom. 1, 7.

[14] Baruch, III, 22.

[15] III Reg. XIX, II, 12.

[16] La vive flamme d’amour, strophe II, vers III, résumé.


Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

La fête du Docteur mystique du Carmel fut introduite pour la première fois dans le calendrier de l’Église universelle par Clément XII, qui voulut reconnaître ainsi les grands mérites du Saint dont le rôle fut d’aider sainte Térèse dans la réforme de son Ordre et de promouvoir la science des Saints pour le bien des âmes par ses écrits mystiques.

Ceci surtout donne beaucoup d’importance à la figure de saint Jean de la Croix et lui assure une place principale dans le groupe des auteurs mystiques qui, à commencer par Origène, saint Ambroise, saint Grégoire et arrivant jusqu’à saint François de Sales, au père Faber, à Mgr Gay, ont décrit et expliqué le secret travail du Paraclet dans l’illumination de l’âme du juste et le don de lui-même à cette âme. C’est en qualité de Docteur mystique que l’intrépide compagnon de sainte Térèse dans la réforme du Carmel a été inscrit par Pie XI au nombre glorieux des Docteurs de l’Église universelle.

On connaît la parole de saint Jean de la Croix, qui caractérise bien l’homme et résume sa vie, sans cesse tourmentée par les inquiétudes, les travaux, les persécutions, les maladies douloureuses. Jésus lui ayant un jour demandé quelle récompense il souhaitait pour tant de peine déjà prise pour sa gloire, Jean répondit : Domine, pati et contemni pro te. Seigneur, souffrir et être méprisé pour votre amour ! Et il fut exaucé.

La messe, In medio, est celle du Commun des Docteurs, comme le 27 mai pour saint Bédé le Vénérable. Seule la première collecte est spéciale ; elle contient des allusions historiques à la vie du Saint.

Prière. — « Seigneur, qui avez rendu votre confesseur et docteur Jean si parfait dans le renoncement à soi-même pour l’amour de votre Croix ; faites que, nous appliquant continuellement à imiter ses exemples, nous puissions obtenir comme lui la gloire éternelle. »

Cette collecte mentionne un double mouvement qui constitue comme le rythme de notre vie intérieure : d’abord le renoncement au moi, c’est-à-dire à ce qui n’est ni amour, ni vérité, ni vertu, mais simplement négation de bonté, pour faire place au contraire à l’amour de la Croix, en qui est salus, vita et resurrectio nostra. Dans cet amour est Dieu, et celui qui demeure dans cet amour demeure en Dieu, et Dieu en lui.



Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

« Grâces mystiques »

Saint Jean de la Croix (né en 1542, en Espagne). — Dans sa jeunesse il fut infirmier ; plus tard, il entra dans l’ordre des Carmes, où il reçut la prêtrise par obéissance. Il fut l’auxiliaire de sainte Thérèse dans l’œuvre de la réforme de l’Ordre du Carmel qui lui valut beaucoup de souffrances et d’amertumes. Il mérite à bon droit d’être nommé, à côté de sainte Thérèse, le fondateur et le père des Carmes déchaussés. Il est un des grands maîtres de la mystique ; ses principales œuvres mystiques sont : « La Montée du Carmel », « La Nuit obscure de l’âme », « Le Cantique spirituel entre l’Âme et le Christ », « La vive Flamme d’amour », « Les Épines de l’esprit ». Ces ouvrages classiques l’ont fait élever par Pie Xl au rang de Docteur de l’Église. Vers la fin de sa vie, il eut à supporter de nombreuses souffrances corporelles. Comme le Christ lui demandait un jour quelle récompense il souhaitait pour tant de travaux, il répondit : « Seigneur, souffrir et être méprisé pour l’amour de vous ! » A Ubeda (en Andalousie), il fut saisi d’une douloureuse maladie qui lui provoqua cinq plaies suppurantes aux jambes ; il la supporta avec une grande patience pour assouvir sa soif de souffrances. Muni des derniers sacrements, il mourut en baisant le Crucifix qu’il portait sans cesse à son cœur et à ses lèvres, et en disant : « Seigneur, je remets mon esprit entre vos mains. » Il mourut à l’heure qu’il avait prédite, le 14 décembre 1591, dans sa 49e année. Son tombeau est à Ségovie, en Espagne. — La Messe est du commun des docteurs de l’Église (In medio).



JEAN DE LA CROIX (Saint),

carme déchaussé, un des plus célèbres théologiens mystiques (1542-1591).

I. Vie. II. Œuvres. III. Doctrine.

I. VIE. Troisième fils de Gonzalès de Yépès et de Catherine Alvarez, Jean naquit en 1542, à Fontibéros, dans la Vieille-Castille, et mourut à Ubeda, en [col.767 fin / col.768 début] Andalousie le 14 décembre 1591. Clément X le béatifia en 1675, et Benoît XIII le canonisa en 1726. Il revêtit l’habit dans l’ordre du Carmel le 24 février 1563 et pris alors le nom de Jean de Saint-Mathias, qu’il porta jusqu’au jour de sa profession dans la nouvelle observance, le 28 novembre 1568. Outre son éminente sainteté, deux œuvres l’ont rendu célèbre : ses écrits mystiques et la restauration de la règle primitive du Carmel, entreprise concert avec sainte Thérèse de Jésus. Il n’y a pas lieu de détailler ici les admirables vertus de Jean de la Croix. Elles parurent avec un caractère d’héroïcité inouï dans les souffrances que lui valut de toutes parts sa courageuse initiative. Nous ne signalerons de sa vie que ce qui intéresse sa qualité de théologien mystique. Jean de Yépès fit ses premières études à Médina del Campo. Le cycle de sa formation sacerdotale s’étend de 1556 à 1568. Il fut élève au collège de la Compagnie de Jésus à Médina del Campo jusqu’en 1562. L’année suivante il reçut le saint habit ; en 1564, après sa profession, on l’envoya au collège Saint-André, des Carmes, à Salamanque, où il fréquenta la célèbre université jusqu’à la fin de l’année académique 1567. Nous manquons de renseignements positifs pour fixer plus exactement la chronologie et l’ordre de ses études ; les données fournies par les biographes anciens ne se concilient pas aisément avec celles que nous recueillons dans un historien récent, Jean Dominguez Berrueta, Sta Theresa de Jesús y san Juan de la Cruz, Madrid, 1915. Un fait est acquis et a été vérifié sur place : le saint est immatriculé sur les registres de l’université de Salamanque. On y lit : Juan de Santo Mathia, del monasterio de Nuesto Señor San Andrès, natural de Hontiveros, (op. cit., p. 43). Tous les contemporains s’accordent pour reconnaître au jeune religieux les plus éminentes qualités d’esprit. Le manuscrit 13 488 de la Bibliothèque nationale de Madrid nous apprend que ses supérieurs, constatant ses progrès et sa grande capacité, lui confièrent la charge de préfet des étudiants ; et dans des Constitutions que le Père Rubeo écrivit pour le collège Saint André, Jean est nommé, maître des étudiants, avec la charge " d’enseigner une leçon et de présider aux thèses ". Wenceslas del S. Sacramento, O. C. D., Fisionomia de un doctor, 2 vol., Salamanque, 1913, t. I, p. 67. Il était très versé dans la théologie morale, et très perspicace en casuistique. C’est lui qui introduisit dans l’ordre la coutume des conférences des cas de conscience. Au couvent de Baeza, il obligeait chaque confesseur à résoudre un cas de conscience par semaine, et cela en présence de tous les religieux choristes. Lorsque se trouvait dans le couvent quelque religieux ancien professeur ou réputé savant, le saint présidait lui-même, expliquait le cas, le résolvait et invitait ses auditeurs, surtout les plus instruits, à lui faire des objections ; il y répondait avec précision et clarté ; tous connaissaient qu’à Alcala comme à Salamanque, sa façon de présider méritait l’admiration. Par ordre du commissaire apostolique, il organisa le premier collège de la Réforme, à Alcala ; les religieux fréquentaient l’université. On a peu de données sur les lectures de Jean et les sources de sa science, un historien contemporain affirme que pour la composition de ses ouvrages, il n’utilisait que la Sainte Ecriture ; en outre, il n’avait habituellement sous la main qu’un Flos sanctorum et le livre de saint Augustin, Contra hæreses ; ses écrits ne contiendraient donc que des réminiscences de saint Thomas, saint Augustin, saint Bernard, saint Grégoire, le Pseudo Denys, Aristote. A propos des études que le saint fit à Salamanque, le P. José de Jésus-Marie nous dit qu’aux matières de scolastiques " il joignait l’étude particulière des auteurs mystiques, notamment de saint Denis et de saint Grégoire. " His- [col.768 fin / col.769 début] toria de la vida y virtudes del Ven P. Fray Juan de la Cruz, Bruxelles, 1628.


II. ŒUVRES. Les préliminaires de la dernière édition espagnole en trois volumes publiée par Gerardo de San Juan de la Cruz, Obras del mistico doctor San Juan de la Cruz, edición critica, Tolède, t. I et II, 1912, t. III, 1914, font amplement connaître les écrits de saint Jean de la Croix et leur histoire, passablement mouvementée.

1° Description des œuvres de saint Jean. On possède de lui : 1. Subida del Monte Carmelo y Noche oscura (La Montée du Carmel et la Nuit obscure). 2. Llama de amor viva (La vive flamme d’amour). 3. Cantico espiritual (Le Cantique spirituel). 4. Le tratado de las espinas de espiritu o Coloquios entre Christo y la Esposa (Le traité des épines de l’Esprit ou colloques entre le Christ et l’Epouse). 5. Tratado breve del concimiento oscuro de Dios afirmativo y negativo y modo de unirse el alma con Dios por amor (Bref traité de la connaissance obscure, affirmative et négative, et moyen pour l’âme de s’unir à Dieu par amour). L’authenticité de ces deux derniers écrits est controversée, mais le P. Gerardo de San Juan de Cruz, op. cit., la croit certaine et donne des raisons valables en faveur de l’authenticité. 6. Divers écrits moindres : Insrtucción y cautelas para ser verdadero religioso ; Avisos á un reliogioso ; Avisos y sentencias espirituales ; Cartas espirituales ; Dictamen sobre le espiritu de una religiosa ; Poesias misticas ; Una oración á la santissima Virgen ; Relación de la fundación del convento de las Carmelitas descalzas de Malaga (Instructions et précautions pour être un vrai religieux ; Avis à un religieux ; Avis et sentences spirituels ; Lettres spirituelles ; Décision sur l’esprit d’une religieuse ; Poésies mystiques ; Prière à la très sainte Vierge ; Relation de la fondation du couvent des carmélites déchaussées de Malaga.) Quelques lettres seulement et quelques poésies. 7. Enfin, il faut signaler des Additions à la première Instruction que l’on imprima pour les novices carmes déchaussés. Le P. Gerardo, op. cit., ajoute un liste d’écrits attribués au saint, mais dont l’authenticité est douteuse. Parmi eux se trouve un traité intitulé Communicación del espiritu de Dios en su Yglesia (Communication de l’Esprit de Dieu dans son Eglise). Dans les préliminaires de son édition critique, le P. Gerardo le dit perdu ; plus tard il le découvrit à la Bibliothèque Nationale de Madrid, cod. 12 713, où nous avons constaté nous-mêmes que ce ms. répond au signalement qu’en donne le P. Andrés de la Encarnación (Cod. 13 482 de la même bibliothèque). Le nom de l’auteur est barré et absolument illisible. Cet ouvrage contient une doctrine très élevée et d’une particulière utilité en théologie mystique. Notons, pour terminer, une œuvre apocryphe : Breve compendio de la eminentissima perfección christiana (Bref compendium de la très éminente perfection chrétienne). Le P. Gerardo y relève de graves erreurs en mystique ; à la suite du P. Andrés de la Incarnación, carme (1716-1795), le P. Gerardo en rejette l’authenticité, et dans une note complémentaire, op. cit., t. II, Adiciones al t. I, il affirme que l’auteur est Ferdinand de Matha (1554-1612). Un mot des autographes : Il n’existe pas d’original de la Montée du Carmel, de la Nuit obscure, de la Vive flamme d’amour. On conserve au monastère des carmélites déchaussées de Sanlúcar de Barrameda, un ms. de la première rédaction du Cantique spirituel. Cette copie, que le saint auteur appelle borrador (brouillon) est corrigé et annotée de sa main. Cf. Gerardo de San Juan de la Cruz, Los autógrafos que se conservan del mistico doctor San Juan de la Cruz, edición foto-tipografica, Tolède, 1913. On y donne les Avis et Sentences, quelques [col.769 fin / col. 770début] lettres et documents, tout ce qui nous reste de tant de trésors.

2° Histoire de la publication. Les écrits de saint Jean de la Croix eurent, nous l’avons dit, une existence très tourmentée. Pendant près de trente ans, les copies se succèdent, et aussi les plagiats ; le P. Gerardo, loc. cit., en signale deux nommément : 1. Mistica Teologia y doctrina de perfección evangelica à la que puede llegar et alma en esta vida, sacada del espiritu de los sagrados doctores (Théologie mystique et doctrine de la perfection évangélique à laquelle peut atteindre l’âme en cette vie, tirée de l’esprit des docteurs sacrés), par le P. Jean Breton, de l’ordre de Saint-François de Paule, imprimé à Madrid en 1614, soit quatre ans avant la première édition des œuvres du saint. Ce Père a copié, au pied de la lettre, des paragraphes entiers de la Montée du Carmel et de la Vive flamme d’amour, sans jamais citer le nom de saint Jean de la Croix. 2.Mistica Teologia, publiée en 1641 par le Père Gabriel Lopez Navarro lequel a transcrit, sans indication de sources, des chapitres entiers de sainte Thérèse et de saint Jean, et les aurait extraits de José de Jesús-Maria (Quiroga), O. C. D., Tratado de la oración y contemplación sacado etc.

3° Edition des œuvres. La première parut en 1618 à Alcalá : Obras espirituales que encaminan un alma a la perfecta unión con Dios. Por el Venerable Padre Fray Juan de la Cruz, primer descalzo de la Reforma de Nuestra señora del Carmen. . ., Con una resunta de la vida del autor, y unos discursos por el Padre Fray Diego de Jesús, carmelita descalzo, prior del convento de Toledo. Elle contenait trois traités : la Montée du Carmel, la Nuit Obscure, et la Vive flamme d’amour, œuvre pourtant déjà connue ; nous y reviendrons en son lieu. La 2e édition identique à la première, fur imprimée à Barcelone en 1619. Le P. Gerardo y signale de nombreux défauts : suppressions, mutilations, interpolations, modifications du sens, du style et des expressions. Suit l’édition de Madrid, 1630, qui donne le Cantique spirituel. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, on se borna à reproduire cette troisième édition, en y ajoutant diverses poésies, de nouvelles lettres, une centaine de Sentences spirituelles, et les Précautions. On compte dix éditions jusqu’en 1701 : Barcelone, 1635, Madrid, 1649, 1671, 1679 ; Barcelone, 1693 ; Madrid, 1694, 1700. On considère comme onzième édition celle de Séville, 1701 ; en réalité elle est un compendium des œuvres du saint, auquel est joint le traité des Epines de l’esprit. Une douzième édition, plus parfaite que les autres, vit le jour en Séville en 1703, sous la direction du Père Andrés de Jesús-Maria. Vers 1730, 1740, les supérieurs chargèrent un religieux de la province de Nouvelle-Castille, de publier les œuvres en les corrigeant ; ce religieux n’accomplit pas sa tâche. Un autre religieux de la même province exposa au Définitoire général les motifs en faveur d’une édition définitive, et le 6 octobre 1754, les supérieurs ordonnèrent cette entreprise, et le confièrent à un homme éminent, le P. Andrés de la Encarnación, auquel s’adjoignit le P. Manuel de Santa Maria. De plus, par un ordre daté de Madrid, janvier 1760, le P. José de Jesús-Maria, ex-définiteur général, rédigea de doctes explications à insérer dans la nouvelle édition projetée. Le travail achevé fut présenté au Définitoire général qui décida de surseoir à la publication et de suspendre les travaux. Madrid, Bibl. nat., ms. 3653. Le P. Andrés put néanmoins continuer ses études, et rassembler des matériaux, mais il mourut sans en rien livrer au public. Editions postérieures à celle de Séville : Barcelone, 1724, est un compendium identique à celui de Séville, 1701, cité plus haut ; Pampelune 1774, in-folio ; Madrid, 1853, dans la Biblioteca de Auctores españoles ; édition de la Compania de [col.770 fin / col.771 début] Libreros, 1872 ; Barcelone, 1883 ; Madrid, 1906, œuvre des religieuses de l’Asile de la T. S. Trinité. Toutes ces éditions reproduisent celle de Séville 1703. La dernière édition espagnole est celle du P. Gerardo de San Juan de la Cruz, carme déchaussé de la province carmélitaine de Vieille-Castille († 1922), citée plus haut. Elle contient : t. I, Preliminares ; Compendio de la vida de San Juan de la Cruz ; Subida del Monte Carmelo ; Appendice Ier, Algunos puntos cuyo textó es dudoso ;App. 2e, Biografias de los Padres Andrés de la Encarnación y Manuel de Santa Maria ; t. II, Noche óscura ; Cantico espiritual de segunda escritura (ms. de Jaën) ; Cantico espiritual de primera escritura (ms. de Sanlúcar de Barrameda) ; Llama de amor viva de la escritura, y de la primera escritura ; t. III, tous les autres écrits mentionnés plus haut, on outre : Tratado de la transformación del alma en Dios, por la Madre Cecilia del Nacimiento ; Tratado de la unión del alma con Dios, por la Madre Cecilia del Nacimiento ; Apuntamientos y advertencias, del Padre Diego de Jesús-Maria ; Indice de una obra importante del Padre Fray Andrés de la Encarnación. On voit que cette édition est surabondante. Il faut reconnaître ses mérites incontestables et apprécier la somme de travail qu’elle représente. L’éditeur a utilisé une multitude de documents qu’ont laissés le P. Andrés de la Encarnación et le P. Manuel de Santa-Maria, documents qui sont presque tous à la Bibl. nat. de Madrid. Il s’est servi de nombreuses copies anciennes, des écrits du P. José de Jesús-Maria et de la Théologie mystique du P. Breton. Mais il faut tenir compte aussi des critiques qu’on a formulées et qui paraissent fondées. M. J. Baruzi, dans le Bulletin hispanique, t. XXXIV, n. 1, janvier-mars 1922, Le problème des citations scripturaires en langue latine dans l’œuvre de saint Jean de la Croix, écrit : " Si elle (l’édition critique) a le mérite de nous apporter une exacte liste des manuscrits des autographes, et de retrouver, d’une manière générale, par delà les éditions fautives, le texte des anciennes transcriptions, (elle) ne nous indique pas avec rigueur pourquoi telle leçon est préférable à telle autre ; elle n’est nulle part conçue selon les règles du travail technique. Elle apparaît particulièrement contestable dans les procédés qu’elle adopte en ce qui concerne l’organisation des citations scripturaires. " Il s’en suivait que " le texte des œuvres de saint jean de la Croix est encore très mal établi " et que, les mss. autographes faisant défaut pour trois des traités authentiques, " en de nombreux cas des leçons sûres ne seront pas facilement obtenues. " Dans le même Bulletin hispanique, t. XXIV, n° 4, octobre-décembre 1922, le P. Ph. Chevalier, Le cantique spirituel de saint Jean de la Croix a-t-il été interpolé ? constate que le P. Gerardo ignorait certaines éditions ou ne les a pas consultées ; il lui reproche d’avoir mis en place d’honneur les interpolations de la rédaction B (ms. de Jaën) et relégué à la fin de l’ouvrage el primer cantico espiritual (ms. de Sanlúcar de Barrameda). Seule la rédaction A (cette dernière) avait droit de paraître en 1912, puisqu’elle est seule authentique. Le P. Ph. Chevalier appuie sa conclusion sur le fait suivant. Une traduction française du Cantique spirituel, la plus ancienne, faite par René Gaultier, fut publiée à Paris en 1622. En 1627 parut à Bruxelles, la première édition espagnole du même traité, due aux soins de la vénérable Mère Anne de Jésus (morte à Bruxelles le 4 mars 1621) ; le saint avait composé cette œuvre à sa demande, et il est certain qu’elle emporta d’Espagne en France et en Belgique le précieux ms. Or la traduction de 1622 est la seule qui s’accorde avec les nombreux mss. de la rédaction A (Ms. Sanlúcar) et l’édition princeps donnée à Bruxelles en 1627. Par contre les deux éditions [col.771 fin / col.772 début] publiées à Rome en 1627, et Madrid en 1630, et la rédaction B (ms. de Jaën) imprimée à Séville en 1703 et universellement répandue depuis, ne donnent qu’un texte interpolé, de plus en plus interpolé. " Chevalier, loc. cit., p. 340.Le même critique ajoute, p. 342 : " Qu’il nous soit permis d’indiquer, sans le prouver sur l’heure, que la Subida del Monte Carmelo, et la Noche oscura, telles qu’elles nous sont offertes par le P. Gerardo donnent lieu à des problèmes jusqu’ici insolubles. Quant à la seconde rédaction de la Llama de Amor viva, pour la première fois publiée en 1912, plus d’un passage suspect éveille en l’esprit du lecteur attentif une trop juste méfiance. Les Sentencias espirituales elles-mêmes ne nous satisfont pas : trois parmi elles ont l’astérisque qui ne le méritent pas, et 69 en sont privées qui auraient dû l’avoir. " Nous sommes tenus ici de cites ces opinions, laissant à la critique d’en faire justice dans la suite, s’il y a lieu.

Au présent catalogue, il faut joindre l’édition partielle de Bruxelles 1627 (Cantico espiritual). Les éditions étrangères seront signalées dans la bibliographie.


III. DOCTRINE. Pour avoir une notion de la pensée de saint Jean de la Croix, on peut se borner à l’étude de ces quatre grands traités : la Montée du Carmel, la Nuit obscure, la Vive flamme d’amour, le Cantique spirituel. Nos références se rapportent à l’édition espagnole de Tolède, 1912-1914, dont les divisions sont communes à toutes les éditions.

Montée du Carmel et Nuit obscure. Ces deux traités constituent une seule œuvre, et on doit les examiner ensemble. Notre saint a considéré sa doctrine en un poème, qu’il interprète ensuite en l’appliquant d’abord à ló activo dans une partie de la Montée, et à ló passivo dans la Nuit obscure. Malheureusement, des huit strophes de ce cantique, les deux premières seulement sont appuyées d’un commentaire ; le reste ne nous est pas parvenu. Un dessin du Mont symbolique, tracé par le saint lui-même, sert d’aide-mémoire ; il est accompagné d’une série de maximes, devenues célèbres, réparties en quatre strophes, où il n’est question que du Tout et du Rien (Todo y Nada).

1. Idée générale et plan. Le dessein de l’auteur est indiqué en tête : " La Montée du Carmel traite de ce que l’âme peut faire pour se disposer à parvenir promptement à l’union avec Dieu. Elle donne des avis et des conseils tant aux commerçants qu’aux avancés, afin qu’ils sachent se débarrasser de tout ce qui n’est pas spirituel, et ainsi demeure dans l’absolue nudité et liberté d’esprit, comme il est requis pour l’union divine. " P. Gerardo, édit. crit., p. 27. Saint Jean veut conduire l’âme jusqu’au sommet de la montagne, qui est le plus haut état de perfection, et qu’ici il appelle l’union de l’âme avec Dieu. Il lui fait donc chanter l’heureuse fortune qu’elle eut de traverser la Nuit obscure de la foi, où elle se dépouille et se purifie, pour parvenir à l’union parfaite d’amour, dans la mesure où le comporte la ive présente.

L’objet de son traité sera donc, nous dit le Prologue, de faire connaître sous tous ses rapports cette " nuit obscure ". Il s’y rencontre tant de ténèbres, d’angoisses, de tentations, de difficultés, de souffrances, que l’âme ne voit pas clair en elle-même ; elle est exposée à ne pas discerner l’action divine ; dès lors elle est tentée d’y résister ; tantôt faute de courage, tantôt manque de lumière, elle piétine sur place ; et alors même que Dieu interviendrait par faveur spéciale, toujours est-il qu’elle parvient au but tardivement, avec plus de peine et moins de mérite, parce que sa volonté n’était pas assez soumise. D’autre part il est des confesseurs et des directeurs spirituels qui n’entendent rien à ces voies secrètes ; ils accumulent les obstacles au lieu d’aider ; ils affolent les âmes et les tourmentent, en leur prescrivant des pénitences et des confessions [col.772 fin / col.773 début] générales. Pour remédier à ces maux et les prévenir, le saint auteur dira quelle doit être la conduite de l’âme et de celle du confesseur, les indices de la nuit des sens et de celle de l’esprit, et de plus, l’usage qu’il faut faire des faveurs divines. Une telle matière, bonne en elle-même, pourra paraître obscure, surtout au début ; mais, en continuant la lecture, en la répétant, ce qui suit éclairera ce qui précède. Cette spiritualité n’a pas les attraits que beaucoup d’âmes recherchent ; substantielle et solide pour tous, elle ne convient qu’à ceux qui consentent à passer par la nudité d’esprit. D’ailleurs l’auteur ne s’adresse pas à tout le monde, mais à quelques personnes, religieux et religieuses de l’ordre du Carmel de la primitive observance, qui lui en ont fait la demande.

La Montée comprend trois livres divisés en chapitres. Le l. I explique la première strophe du poème ; les deux autres se rapportent à la seconde strophe. La Nuit obscure tient deux parties : la Nuit des sens, et la Nuit de l’esprit ; la première commente la première strophe du même poème ; elle est partagée en vers et en paragraphes. La seconde reprend encore le même chant lyrique pour en exposer les deux premières strophes et indiquer la troisième ; elle est également divisée en vers et en paragraphes

Au premier chapitre de la Montée, saint Jean dresse le plan des deux traités. Pour parvenir à l’état parfait, l’âme doit ordinairement passer par deux sortes de " nuits ", que les auteurs appellent " purgations " ou " purifications ". La primera Noche. . . es de la parte sensitiva del alma, de la cual se trata en la presente Canción, y se tratará en la primer parte de este libro. La segunda es de la parte espiritual, de la cula habla la segunda Canción que se sigue ; e de esta tambien trataremos en la segunda parte cuanto á lo activo ; porque cuanto á lo passivo, será la tercera y la quarta parte. Il fallait reproduire ce texte, à cause des interprétations différentes qu’on peut en donner. Quoi qu’il en soit nous constatons, que l’auteur a réalisé son plan comme suit : Montée du Carmel, l. I, Nuit des sens (un seul chapitre, le XIII, est d’ordre pratique et concerne lo activo, c’est-à-dire enseigne ce que l’âme peut faire de sa propre initiative pour se procure la nuit des sens ; le reste a une portée doctrinale, sans distinction d’actif ou de passif et convient à la voie passive autant qu’à l’active ; il est donc inexact d’assigner comme objet, au l. I, pris en bloc, la purification active.), l. II et III, Nuit de l’esprit, purification active. Nuit obscure, en deux sections : Nuit passive des sens, nuit passive de l’esprit. Les quatre parties annoncées par l’auteur seraient donc ; 1re, l. I, 2e, l. II et II de la Montée ; 3e et 4e, les deux sections de la Nuit obscure.

2. Analyse de la Montée du Carmel. Qu’est-ce que le saint entend par " Nuit obscure " Il s’en explique dès le début : nous entrons ainsi en contact avec sa doctrine dont il pose dès l’abord les principes, l. I, c. II. L’union divine est considérée comme le terme vers lequel l’âme doit tendre. Il y a comme une distance à franchir, un passage à traverser : ce passage s’appelle nuit pour trois raisons : a) à cause du point de départ, car l’âme doit être libérée de l’appétit naturel inhérent à toutes ses puissances ; de ce chef elle sera donc dans la nuit, ne goûtant plus rien de créé ; b) à cause de la route elle-même qu’elle suit dans sa marche ; cette route c’est la foi, obscurité pour l’intelligence ; c) à cause du terme lui-même, Dieu, qui reste toujours ici-bas incompréhensible pour l’âme. " L’unicité de cette nuit " est bien mise en relief par la comparaison avec la nuit naturelle. La nuit des sens, la nuit de l’esprit dans la foi, et Dieu lui-même, dans l’état d’union parfaite ici-bas, ces trois nuits sont entre elles comme le crépuscule qui voile d’ombre les objets sensibles, [col.773 fin / col.774 début] minuit, ou les ténèbres totales, l’aurore enfin qui précède immédiatement la lumière du jour.

La privation du goût que l’on trouve dans l’exercice naturel des puissances, doit d’abord affecter la partie sensible de l’âme. C. III. C’est la première partie de la nuit des sens, absolument indispensable vu la nature même de l’union divine. C. IV et V. Car les appétits abandonnés sans frein à eux-mêmes engendrent dans l’âme des effets gravement dommageables, qui mettent obstacle à l’union parfaite, c. VI à X, quelques faibles que soient ces appétits. Le grand mystique précise. Il s’agit de mortifier les appétits dans ce qu’ils auraient de volontaire ; en eux-mêmes, s’ils ne dépassent pas un premier mouvement, et s’ils ne sont pas consentis, leur nuisance est nulle ou très minime ; il est impossible dans la vie présente des les mortifier totalement. Même il arrivera que durant l’union de quiétude très élevée, ils agissent indépendamment de la volonté absorbée dans l’oraison. Le mal ne réside pas en ce que l’appétit sensitif goûte son objet connaturel, mais en ce que la volonté s’y délecte, s’y repose comme dans son terme. Aussi notre saint docteur souligne-t-il que la mortification des sens doit viser à un profit spirituel ; mais telle est l’ignorance de plusieurs : ils s’adonnent à des pénitences et des exercices désordonnés, sans se mettre en peine de gouverner leurs appétits ; voilà pourquoi ils ne progressent pas dans la vertu. Le principal souci des maîtres spirituels doit donc être de mortifier leurs disciples. C. XI et XII. Nous arrivons ainsi aux principes de proprement ascétiques du saint. Le c. XIII est très important. Les éditions antérieures à l’édition critique portent des variantes que le P. Gerardo dit avoir introduites pour expliquer la doctrine du saint. " L’auteur va donner des avis pour entrer dans la nuit des sens ; jusqu’ici il en a simplement fait la description et prouvé la nécessité. Deux voies ordinairement y acheminent : l’une active, l’autre passive. Est dite active la voie où l’âme fait ce qui est en son pouvoir. (Ici, les éditions antérieures ajoutent : " aidés de la grâce ", ayudada de la gracia.) Dans la passive, l’âme ne fait rien d’elle-même ou par sa propre industrie ; mais Dieu agit en elle. " (Nouvelle édition dans les textes anciens : " Dieu agit en elle, moyennant des secours plus particuliers, con mas particulares auxilios et elle se tient passive, consentant librement, consintiendo libremente. L’on appréciera la portée de ces ajoutés, et l’on découvrira aisément les préoccupations qui les inspirèrent.) L’ascèse de saint Jean tient en quelques avis substantiels, méditer, imiter Jésus-Christ ; par amour pour Lui, renoncer à tout ce qui ne tend pas purement à la gloire de Dieu ; dans ce but mortifier l’attrait, en pratiquant les maximes Todo y nada. A noter que saint Jean admet de la méthode dans les exercices : obrando ordenada y discretamente. Pour réaliser cette œuvre, il faut à l’âme une flamme d’amour plus ardente, produisent des " anxiétés " capables de surmonter celles de l’appétit sensitif. C’est l’amour du divin époux ; source d’angoisses délicieuses et indescriptibles.

Le l. II de la Montée : " traite du moyen prochain pour parvenir à l’union divine ; ce moyen est la Foi. " On y trouve l’expose de toute la doctrine de la nuit de l’esprit. L’âme est plus heureuse d’avoir traversé celle-ci que la nuit des sens ; son cantique décrit les caractères et les avantages du chemin de la pure foi. L’âme dit notamment que grâce à la foi, sa maison, c’est-à-dire la partie rationnelle et spirituelle, est en paix, parce qu’elle est dépouillée des mouvements et anxiétés sensibles. Ce n’était pas le cas dans la nuit précédente ; alors, en effet, l’amour, quoique spirituel de sa nature, était accompagné d’angoisses d’amour sensiblement exprimées ; et il le fallait [col.774 début / col.775 début] pour contrebalancer l’attrait, quelquefois violent, vers les créatures (Comparer ici la traduction Hoornaert, t. II, p. 57, avec celle des carmélites de Paris). Mais la foi opère d’une façon purement spirituelle, imperceptible aux sens. Et l’âme pour s’adapter à cette influence, et dans la mesure où elle peut et doit coopérer d’une manière active, doit simplement consentir, fixer ses facultés avec tous ses goûts et appétits spirituels dans la foi pure. L’auteur dira aussi comment l’âme se dispose activement à la nuit par l’exercice de la foi. Quant à l’opération divine que l’âme reçoit passivement, il en sera question plus tard. Remarquons ici encore les expressions " nuit active " et " nuit passive ", elles désignent deux attitudes à l’égard d’une seule et même nuit causée par la foi.

Jean établit d’abord que la foi est pour l’âme une nuit obscure, c. II ; puis il indique la coopération positive à fournir à la divine lumière. Par manière de parenthèse, il explique la nature de l’union de l’âme avec Dieu, c. IV. Ensuite il montre en détail la collaboration active, laquelle consiste dans l’exercice des trois vertus théologales, c. V. Cette voie ou façon de procéder, est la " voie étroite " car elle exige un complet dépouillement, c. VI. Voici maintenant la coopération (dispositive toujours), que l’on peut appeler négative, parce qu’elle consiste à rejeter toute connaissance autre que la foi. A cet effet, l’auteur expose en général, c. VII, que ni créatures, ni connaissances distinctes quelconques ne peuvent servir des moyens prochains à l’union divine, et, au c. VIII, il prouve que cette fonction appartient en propre à la foi.

Tout le reste du l. II, et le l. III de la Montée traitent des connaissances distinctes et enseignent à en tirer bon parti, en évitant les écueils. Vient d’abord, c. IX, la classification complète des connaissances que l’entendement peut acquérir par voie naturelle et surnaturelle. Les notions provenant par voie naturelle des sens extérieurs ont fait l’objet du l. I de la Montée. Le c. X, s’occupe donc des perceptions d’ordre surnaturels des sens extérieurs. Au c. XI, nous rencontrons les perceptions acquises par l’exercice naturel de l’imagination ; elles entrent en jeu dans la pratique de la méditation, dite pour ce motif " discursive ". Pour parvenir à l’union divine, ce discours doit cesser, car il trouble l’exercice du pur amour dans la foi. La question est de déterminer le temps opportun où l’âme peut et doit renoncer à l’activité naturelle, l’arrêter ; il faut savoir, à quel moment le discours n’est plus pour l’âme le moyen apte qui lui fut utile jusqu’ici, moyen naturel et premier qu’il n’est pas permis de délaisser aussi longtemps que d’autres besoins de l’âme ne le rendent pas inutile ou même nuisible. C’est ici, c. XII, que Jean explique les trois signes auxquels l’homme spirituel peut s’apercevoir qu’il doit sans crainte abandonner la méditation ; c’est a) l’impuissance à méditer ; b) l’inappétence totale de l’imagination et des sens à l’égard de tous leurs objets respectifs ; c) l’attrait vers l’attention amoureuse et solitaire à Dieu, dans la paix, la quiétude, le repos total, à l’exclusion de tout travail discursif des facultés. Les trois signes doivent exister simultanément. Quelle attitude conseiller alors ? Le docteur mystique répond : Que ces âmes apprennent à s’appliquer à Dieu dans une attention amoureuse, en toute quiétude, sans recourir à l’imagination. Et il ajoute : Si parfois les puissances de l’âme agissent, que ce ne soit pas avec effort, ni par discours laborieux, mais en suavité d’amour, mues par Dieu plutôt que par l’initiative personnelle, comme nous le dirons dans la suite. C’est en effet l’action spéciale de Dieu qui cause dans l’âme les trois effets par où se décèle sa présence. Il convient aussi de remarquer qu’au début, l’amour est si subtil [col.775 fin / col.776 début] et si délicat qu’on l’aperçoit à peine, d’où une tendance à retourner à l’ancienne habitude. L’auteur explique magistralement pourquoi la contemplation est ténèbres pour l’âme, pourquoi il faut la posséder avant d’abandonner le discours, son intensité variable, la part qu’y prennent tantôt l’entendement, tantôt la volonté, le motif pour lequel on l’appelle connaissance générale et amoureuse, comment l’âme n’y est pas inactive quoiqu’il y paraisse, enfin, c. XIII, qu’il est utile, au début, de reprendre parfois l’opération naturelle des facultés. Signalons encore un point de doctrine important. L’amour contemplatif est un don que Dieu accorde soit par l’intermédiaire des actes de méditation, soit immédiatement ; en tout cas, l’activité spontanée de l’âme est une cause dispositive, et non efficient par rapport à la contemplation.

Notre mystique continue ensuite l’examen des perceptions distinctes. Les visions imaginatives, c. XIV, ne sont pas un moyen prochain d’union, mais le Seigneur les utilise parfois pour communiquer des biens spirituels, parce qu’il adapte son action à la nature ; quoiqu’il lui plaise en d’autres cas de passer outre à ses exigences. L’âme ne peut ni les rechercher, ni s’y attacher ; en cela, elle ne s’oppose pas à la volonté de Dieu ; au contraire, pour se conformer à l’intention divine, l’âme doit retenir l’avantage spirituel produit passivement et qu’elle ne saurait empêcher, mais elle doit renoncer à la vision elle-même en toute humilité et respect, sans quoi son imperfection neutraliserait le bon effet de la vision. De plus, l’âme s’expose à perdre du temps, rencontre des difficultés, lorsqu’elle veut faire le départ entre les visions bonnes et les mauvaises, c. XV. Certains directeurs spirituels manquent ici de discernement, c. XVI ; leur attitude encourage le pénitent à s’occuper de ses visions, ou même ils se servent de lui comme d’intermédiaire auprès de Dieu ; ils ouvrent ainsi la porte à de graves erreurs, car les révélations et paroles divines n’ont pas toujours le sens que l’homme y découvre ; on ne peut s’y appuyer, ni les admettre aveuglément, alors même que leur authenticité serait indubitable ; nous pouvons en effet les interpréter faussement, c. XVII, faute d’apprécier exactement les causes qui les ont provoquées, c. XVIII. Quoique Dieu daigne parfois répondre à qui l’interroge, Il n’aime pas qu’on use de de ce moyen, et s’en montre souvent irrité, c. XIX. C’était licite sous l’ancienne loi, mais depuis que Dieu nous a parlé par son Fils Jésus-Christ, Il n’a plus rien à nous dire et c’est une exigence injustifiable, et injurieuse à Dieu que de ne pas s’en contenter. D’autre part les confesseurs éviteront l’excès contraire ; puisque ces communications sont un instrument de Dieu, ils n’en seront ni effrayés, ni scandalisés ; mais écouteront bénignement les confidences, et au besoin les imposeront, puis persuaderont leur disciple qu’un seul acte de charité est plus précieux devant Dieu que toutes les communications du ciel ; nombre d’âmes en manquent, qui pourtant sont incomparablement plus avancées que d’autres abondamment favorisées sous ce rapport, c. XX.

Le saint docteur passe ensuite aux perceptions purement spirituelles, produites sans l’intervention des sens, et reçues dans l’âme passivement : visions, révélations, paroles et sentiments spirituels, c. XXI. Les visions peuvent porter sur des substances corporelles, et sur des substances immatérielles : Dieu, les anges les âmes. Elles requièrent une lumière supérieure, incompatible avec la vie présente si ce n’est par exception. Ces visions de substances spirituelles ne sont pas reçues ici-bas de façon claire et nette ; elles peuvent néanmoins se faire sentir dans la substance de l’âme, au moyen d’une connaissance amoureuse accompagnée de touches très suaves ; ceci appartient [col.776 fin / col.777 début] à la catégorie des sentiments spirituels, dont le saint traitera au moment opportun, lorsqu’il s’agira de la connaissance obscure d’amour, qui est la foi, et qui d’un certaine manière sert en cette vie à l’union divine, comme la lumière de gloire sert à la claire vision dans l’autre. A l’égard des visions intellectuelles de la première espèce, l’âme doit observer les règles données aux chapitres précédents concernant les perceptions surnaturelles sensibles, c. XXII. Les révélations d’ordre purement spirituel, dont quelques unes appartiennent à l’esprit de prophétie, ont pour objet, ou la notification claire de quelque vérité, ou la manifestation de mystères. Les premières diffèrent absolument des perceptions dont traite le c. XXII. Elles consistent à comprendre des vérités concernant Dieu et les créatures, et cela au-dessus de ce qui est, a été, et sera ; connaissances très savoureuses, elles apportent au cœur une joie inexprimable ; elles sont réservées à l’âme parvenue à l’état d’union, car elles sont cette union même : Dieu y est senti et goûté, non aussi clairement que dans la gloire, mais pourtant par une touche vive et haute qui pénètre la substance de l’âme. Le démon ne peut s’entremettre ici. L’âme se trouve enrichie de vertus et comblée de jouissances. Elle ne peut que recevoir avec humilité, et ne doit pas renier ces perceptions, comme on l’a recommandé pour les précédentes, car elles sont des faveurs accordées à l’âme détachée de tout, et font partie de l’union. Les perceptions concernant les créatures sont inférieures, et presque sans utilité au progrès spirituel ; il faut se soumettre au jugement du directeur, et les repousser, s’il le juge convenable, c. XXIV. Les révélations ayant pour objet de découvrir des secrets et des mystères font connaître Dieu en soi, où Dieu révélé dans ses œuvres, naturelles et surnaturelles. On doit se prémunir contre les contrefaçons diaboliques, et en général se garder prudemment afin d’avancer sans erreur dans la nuit de la foi, c. XXV. Les paroles intérieures peuvent se ramener à trois espèces : les successives, c. XXVII, les formelles, c. XXVIII et les substantielles, c. XXIX. L’auteur fournit dans chaque chapitre une doctrine abondante, théorique et pratique, ramenant toujours son enseignement au but qu’il poursuit. En résumé on ne doit faire aucun cas des paroles successives et formelles, mais se gouverner en tout par la raison et par l’enseignement de l’Eglise. Dans les paroles substantielles, qui, peut-on dire, opèrent ce qu’elles signifient, il n’y a ni à désirer, ni à rejeter, mais à s’abandonner ; pas d’illusion à craindre, ni de l’âme ni du démon. Les sentiments spirituels, c. XXX, sont d’ordre absolument passif ; ils opèrent dans la volonté et dans l’intelligence. L’activité de l’âme n’y intervient nullement. Ce sont des touches de l’union opérée passivement dans l’âme.

Le livre III a pour sujet la purification active de la mémoire et de la volonté par les vertus d’espérance et de charité. L’auteur avertit de nouveau qu’il s’adresse pas aux commençants, mais à ceux qui progressent vers l’union divine par la contemplation. Le c. I nous apprend à ne pas retenir les connaissances acquises naturellement par les sens extérieurs ; elles font toujours obstacle à l’union, n’étant pas proportionnées à l’être divin. ; aussi arrive-t-il que l’union vide la mémoire, jusqu’à provoquer la sensation du vertige. Et que l’on ne dise pas que c’est détruire la nature ; au début les distractions sont inévitables, mais elles cessent dans l’état d’union habituelle ; le fonctionnement des facultés s’en trouve au contraire perfectionné, les œuvres et prières des âmes arrivées à cet état sont toujours efficaces ; comme ce fut le cas pour la vierge Marie, élevée dès le principe à cet haut état d’union. Il appartient à Dieu seul de placer l’âme dans [col.777 fin / col.778 début] cet état surnaturel ou la mémoire se vide ; on demande simplement à l’âme de s’y disposer dans la mesure de ses capacités, selon les conseils donnés plus loin. Les c. II-IV exposent les dommages causés par les notions distinctes et naturelles, le c. V explique les avantages de l’oubli. La présente doctrine s’applique également aux perceptions naturelles de l’imagination. Du c. VI au c. XII, l’auteur s’occupe de la mémoire imaginative en tant qu’elle retient des notions reçues par voies surnaturelles ; visions, révélations, paroles intérieures, sentiments. L’âme doit veiller à ne pas s’embarrasser ; divers dommages pourraient s’en suivre : erreur, vanité, illusion diabolique, obstacle à l’union par l’espérance, le plus souvent notions impropres sur Dieu. Au c. XII, on signale simplement les connaissances que l’intelligence conserve ; l’auteur les place parmi celles de la mémoire, bien qu’elles n’appartiennent pas à la fantaisie. Mais il n’entre pas dans le détail, pour ne pas faire double emploi avec le c. XXIV du l. II où ces connaissances ont été traitées comment perceptions de l’entendement. Saint Jean, à l’encontre d’une opinion qu’on a parfois émise, n’admettrait donc pas la mémoire comme faculté distincte de l’intelligence. En résumé, c. XIV, que l’homme spirituel se tienne dans le vide de tout le créé, faisant usage des maximes exposées l. I, c. XIII et s’élance affectueusement vers Dieu. Mais qu’il ne laisse pas de penser et de se rappeler ce qu’exige son devoir ; pourvu qu’il ne s’y attache pas avec esprit de propriété, aucun dommage n’en résultera. Bien entendu, cette doctrine n’a rien de commun avec celle qui prétend supprimer totalement les images de Dieu et des saints.

Nous arrivons à la nuit obscure de la volonté, c. XV-XLIV. L’âme doit garder toutes ses forces pour Dieu, les gouvernant par la volonté, et exclure toutes les affections déréglées : joie, espérance, douleur et crainte doivent servir et non commander ; En premier lieu vient la jouissance, en tant qu’active et volontaire, provenant de choses distinctes et clairement perçues. Six genres d’objet peuvent la provoquer : temporels, naturels, sensibles, moraux, surnaturels et spirituels. Chaque catégorie est traitée à part, les diverses classes d’objets, étudiées séparément avec leur puissance respective et l’art de s’en servir sans dommage pour l’âme. Ici se place une description magnifique, en un style éloquent et vigoureux, des maux qu’entraîne la jouissance des biens naturels, surtout des charnels. Puis viennent des lumières sur la pratique du renoncement et ses avantages, sur l’humilité et l’amour du prochain : " Nul ne mérite d’être aimé si ce n’est à cause de sa vertu ; aimer ainsi c’est aimer selon Dieu et en toute liberté ; plus alors l’affection grandit plus aussi croît l’amour de Dieu. " C. XXII. Avec quelle discrétion le saint enseigne l’usage des biens sensibles ! Quelle sagesse, quelle science dans ces conseils, sur la manière de distinguer entre la saveur sensible utile et la nuisible, car il en existe dont certaines âmes ont besoin, pour aller à Dieu, c’est conforme à l’ordre établi par Dieu même, qui veut par là être mieux connu et aimé. Celui qui ne sentirait pas cette liberté d’esprit par rapport aux objets et goûts sensibles, mais y attacherait sa volonté, devrait absolument s’en servir, c. XXIII. Plus loin, l’auteur explique comment le sensible, dans l’âme purifiée, étant soumis à l’esprit, devient un docile instrument, au point que l’âme arrive à goûter le spirituel même par ses puissances sensitives, c. XXV. Les vertus naturelles (biens moraux), reçoivent une récompense d’ordre naturel, car Dieu aime tout ce qui est bon, même dans le barbare et le païen. Le chrétien peut donc s’en réjouir à ce titre, mais ne doit pas en rester là ; son devoir est de mettre sa joie dans la vertu par motif d’amour de Dieu et en vue de la [col.778 fin / col.779 début] vie éternelle, c. XXVI. Les biens surnaturels sont donnés pour l’utilité de tous, à la différence des biens spirituels, qui font l’objet d’un commerce intime et privé entre Dieu et l’âme. Ils procurent un double, temporel d’une part, spirituel et éternel d’autre part, on ne doit s’en réjouir qu’à ce dernier titre. Dieu permet sans doute à la nature et au démon d’imiter ses œuvres. Celles qui sont authentiquement divines sont reconnaissables au profit qu’elles apportent à qui les opère, c. XXIX. Ceci amènera l’auteur à développer sa pensée en parlant des sorciers, magiciens, etc., qui ont pactisé avec le démon, c. XXX. Voici enfin la sixième et dernière classe de biens, les spirituels destinés à acheminer l’âme vers l’union divine. On peut en faire une double classification : a) biens pénibles et biens agréables, partagés de part et d’autre en obscurs et confus, clairs et distincts ; b) biens intellectuels, affectifs, imaginatifs. Il sera question ici que des biens spirituels agréables, dont l’objet est clair et distinct. L’étude du reste est réservée à la nuit passive. On en compte quatre espèces : a. émotifs : Images et statues des saints, oratoires, cérémonies du culte, lieux et exercices de dévotion. Avec beaucoup de sens théologique, l’auteur combat les superstitions et les pratiques vaines et indiscrètes ; et, par ailleurs, avec beaucoup de sens artistique, il disserte sur les églises et les lieux de prières, c. XXXII-XLIII. b. Provocatifs : c. XLIV, la prédication, considérée au double point de vue du prédicateur et des auditeurs. Le saint proclame la valeur de l’art de la parole, qui, dit-il, sauve les causes en péril comme l’absence de rhétorique perd les meilleures causes. . . La Montée du Carmel se termine ici sur une phrase inachevée. Deux espèces de bien spirituels ne sont pas expliqués : les directifs et les perfectifs. Le P. Gerardo opine que par directifs, Jean entend ce qui concerne la direction spirituelle ; les perfectifs seraient les vertus et les grâces divines. Le saint se proposait aussi de traiter l’espérance, la douleur et la crainte. Voir l. III, c. XV. Nous ignorons si ces plans ont été réalisés.

A la suite de la Montée, l’édition critique publie deux fragments inédits, et les attribue à Saint Jean : La jouissance, première affection de la volonté. Nul objet de l’appétit est un moyen proportionné à l’union divine par la volonté. ? Pour s’unir à Dieu, la volonté doit être vide de tout appétit naturel. On retrouve dans ces textes le style et la doctrine de notre saint.

3. Analyse de la Nuit obscure. Le livre intitulé Nuit obscure a pour thème le cantique déjà commenté dans la Montée du Carmel. Les deux premières strophes exposent les effets des deux purifications spirituelles, des sens et de l’esprit ; les six autres comprennent les effets multiples et merveilleux de l’illumination spirituelle et de l’union d’amour avec Dieu. Notons de suite que cette dernière partie nous manque ; la Nuit obscure comme la Montée, contenue dans les mss que nous possédons, est inachevée. Conformément au dessein annoncé, Montée, l. I, c. I, l’auteur va expliquer le second aspect de la " Nuit " des sens et de l’esprit et non pas, qu’on le remarque bien, une autre partie de cette nuit. Il s’agira de lo passivo c’est-à-dire de ce que Dieu fait dans l’âme sans autre concours positif de sa part que son libre consentement.

Et d’abord, pourquoi cette action spéciale de Dieu ? Parce que l’âme est incapable par sa propre industrie de se purifier autant que le requiert l’union d’amour ; sans doute convient-il qu’elle travaille de son mieux à s’y disposer, mais Dieu doit y mettre la main pour parachever l’œuvre. Strophe I, vs. 1, § IV. D’où description des imperfections propres aux commençants, ramenées aux sept péchés capitaux. Str. I, § I- VIII. Le saint docteur, en psychologue averti, [col.779 fin / col.780 début] fouille tous les replis de la nature humaine déchue avec une pénétration extraordinaire, encore avoue-t-il n’avoir signalé que le plus important. Dieu fait donc progresser en opérant l’universelle suppression des goûts et saveurs à l’endroit du créé. C’est la Nuit dite " passive ".

Et par quel moyen opère-t-il ? Par la nuit de contemplation, qui produit deux sortes de ténèbres ou de purifications, selon les deux parties de l’âme, la sensitive et la spirituelle. On débute par la nuit des sens qui est très commune. Celle de l’esprit est le propre des avancés ; elle est très rare, § IX. L’auteur entre en matière en donnant les trois signes auxquels le spirituel discerne expérimentalement la nuit des sens, § X, puis il indique la conduite à tenir, § XI. on rencontre ici le texte, ayant trait à l’appel de la contemplation : porque no à todos los que se ejercitan de propositio en el camino del espiritu lleva Dios à contemplación ni aun à la mitad : el por qué, le se lo sabe. " Dieu n’élève pas à la contemplation tous ceux qui s’exercent délibérément dans le chemin de l’esprit, pas même la moitié ; le pourquoi, Lui seul le sait. " Ce texte fait difficulté pour les tenant de la " contemplation accessible à tous " (cf. Arintero, O. P., Cuestiones misticas, Salamanque, 1920, 2e édit.). Notons aussi que certains écrivains distinguent les " signes " donnés dans la Montée, l. II, c. XI et XII, de ceux de la Nuit obscure. D’autres y voient des notions qui se complètent mutuellement.

A la purification passive des sens succède celle de l’esprit, mais pas toujours immédiatement ; cette purification est nécessaire pour achever de spiritualiser l’âme, encore appesantie par le corps. Celle-ci reçoit des communications qui produisent des faiblesses, fatigues, ravissements, extases, secousses des os, preuve que les communications ne sont pas purement spirituelles, comme le requiert l’union. Le traitement par la nuit de l’esprit fait graduellement disparaître ces imperfections, et d’autres encore, habituelles et actuelles. L’auteur observe ici que les deux parties de l’âme ne se purifient jamais bien l’une sans l’autre. La nuit devrait s’appeler réforme, et cohibition de l’appétit, plutôt que purgations, car les désordres de la partie sensitive tiennent de l’esprit leur origine et leur force. Mais avant de les soumettre conjointement à une même action purifiante, il fallait accommoder le sens à l’esprit.

En quoi consiste cette action spéciale de Dieu ? C’est la contemplation infuse, ou Théologie mystique, dans laquelle Dieu inscrit secrètement l’âme en perfection d’amour, sans que celle-ci agisse de son propre mouvement, ni même comprenne cette divine influence. Elle est cette sagesse amoureuse de Dieu, disposant l’âme par purification et illumination à l’union d’amour, celle-là même qui purifie les esprits bienheureux. En cette vie, à cause de la disproportion, elle est cependant nuit obscure, pénible, affligeante. Les extrêmes, le divin et l’humain, sont appelés à s’unir étroitement, intimement ; l’humain doit subir une transformation radicale que saint Jean désigne par les expressions les plus fortes : désassimilation intérieure, destruction expérimentée dans la substance de l’âme, sécheresse, vide, pauvreté, nudité, etc. Cet état st un véritable purgatoire anticipé, et ‘âme qui le subit maintenant ne séjournera pas plus tard, ou du moins ne sera que peu de temps, dans celui d’outre-tombe, car une heure de ce purgatoire ici-bas est plus efficace que plusieurs heures dans l’autre vie. La volonté, § III, a aussi sa grande part de terribles souffrances ; malgré certains soulagements, certaines consolations intermittentes, l’âme sent qu’elle n’est pas au bout de ses peines. A propos du purgatoire le saint docteur ne dit pas que les âmes y doutent [col.780 fin / col.781 début] positivement de leur salut ; mais elles ignorent la drée de leurs peines, et surtout, ne voient pas en elles-mêmes une cause qui les ferait cesser ; elles n’ont l’expérience que de leur misère, et non de l’amour que cependant elles donnent à Dieu consciemment de tout leur pouvoir. Une telle douleur s’explique par la nature de l’amour, et l’absence de l’Aimé.

Après le tableau des souffrances, voici les effets admirables d’illumination intérieure, § V ; ce n’est pas Dieu qui torture intentionnellement, c’est l’âme qui pâtit de sa propre résistance, § VI.

Le second vers la première strophe célèbre le commencement d’une véhémente passion d’amour divin, fruit des rigoureuses épreuves, qui pourtant ne sont pas terminées. L’auteur annonce les règles pour discerner les mouvements naturels des surnaturels ; il énumère les propriétés de la contemplation ou théologie mystique, d’après saint Thomas. Elle est secrète, ignorée des créatures, même du démon ; l’état qu’elle détermine est sujet à des fluctuations, d’où l’image " Par l’escalier secret je suis sortie déguisée ", str. II, vs. 1 ; la contemplation est science d’amour, connaissance infuse et amoureuse de Dieu, illuminant l’âme et l’embrassant pour l’élever graduellement jusqu’à Dieu son créateur. Str. II, vs. 2. Les degrés de l’escalier se reconnaissent aux effets, on ne peut les voir en eux-mêmes par voie naturelle ; ces effets sont, d’après saint Bernard et saint Thomas, les dix degrés de l’échelle mystique ; noter que sans l’humilité on ne peut se maintenir sur aucun degré. Celui qui meurt lorsqu’il se trouve sur le neuvième, ne passe point par le purgatoire. Le dixième degré appartient au ciel. L’auteur achève sa matière en expliquant la " cachette " de l’âme : " Quand Dieu la visite par l’intermédiaire du bon ange, l’âme ne marche pas encore totalement dans l’obscurité et en secret. Mais lorsque Dieu la visite par lui-même, elle est cachée à l’ennemi ; la Divine Majesté demeure substantiellement dans l’âme ; ni ange, ni démon ne parviennent à connaître leurs communications réciproques ; ce sont les touches substantielles de divine union entre l’âme et Dieu, le degré suprême d’oraison. " Str. II, vs. 4. L’âme est établie dans un état de paix semblable à l’état d’innocence d’Adam, quoique n’étant pas tout à fait délivrée de toutes les tentations de sa partie inférieure, vs. 5. La Nuit obscure se termine ici par une très brève exposition de la strophe 3e, sans commentaire développé.

La Vive flamme d’amour commente les quatre strophes du cantique chanté par l’âme parvenue à l’état de transformation en Dieu, mais dans un degré d’amour plus consommé, plus parfait, qui lance des étincelles et des flammes. Sou l’influence des profondes et délicates douceurs de l’amour, elle dit quelques-uns de ses merveilleux effets. Ici surtout saint Jean de la croix se révèle docteur mystique par excellence ; mais il est aussi à l’occasion, théologien de la mystique.

Le traité de la Vive flamme se refuse au résumé analytique. Il est tout entier descriptif. Un souffle de vie intense anime la pensée ; le style est enflammé, enthousiaste, d’une éloquence fortement communicative. " On a dit à juste titre que pour parler de l’amour divin avec plus de pénétration, il faudrait avoir joui de la béatitude même. Les pages écrites par saint Thérèse sur ce sujet, pour admirables qu’elles soient, n’atteignent pas la profondeur de vues, ni la puissance d’expression de saint Jean. Se trouvant en présence de l’infini obscur, puisque l’amour de Dieu c’est Dieu même, le saint ne fait que décrire les impressions qu’il a reçues, seul moyen qui reste à la disposition de l’intelligence dans cet état exceptionnel. Bien qu’il s’en est défende, et c’est l’opinion [col.781 fin / col.782 début] du P. Gerardo, il fait le récit de son expérience personnelle et nous a donné une sublime contemplation de l’amour le plus qualifié plutôt qu’un traité. " Hoornaert, op. cit., t. III, avant-propos, p. XXIV.

L’objet de la Vive flamme est, nous l’avons dit, l’état de transformation en Dieu par l’amour. La première strophe expose le fait que l’âme étant toute à Dieu par l’amour, et blessée à mort, désire l’union parfaite, éternelle et immuable. La seconde strophe décrit les effets produits dans l’âme par cet amour ; ils sont figurés par le cautère, la plaie, la touche, la main. La troisième chante l’amour que l’âme, dans cet état, rend au Bien-Aimé, capable qu’elle est de connaître et d’aimer ; l’amant n’est satisfait que lorsque que toutes ses capacités s’occupent dans l’Aimé. Et dans la quatrième il s’agit des retours ineffables de Dieu vers l’âme. Notons simplement, au courant de la lecture, quelques points de doctrine.

C’est à l’Esprit-Saint, l’esprit de Jésus, que saint Jean attribue toute l’œuvre. Ce même feu divin qui glorifie au ciel, purifie ici-bas, et par là dispose à l’union transformante. L’Esprit-Saint est le principe moteur de tous les actes et opère dans le " centre " de l’âme. Il n’y avait pas jusqu’ici acte d’amour proprement dit, quand l’âme agissait como de suyo " par elle-même " ; alors c’était disposition à cet amour, c’est-à-dire dispositions en désirs et sentiments successifs, que nunca llegan à ser actos perfectos, " qui n’arrivent jamais à être des actes parfaits. " (La première rédaction de la Vive flamme porte : que muy pocos llegan à ser actos perfectos de amor à contemplación " dont bien peu arrivent à être des actes parfaits d’amour de contemplation, " nuance qu’il importait de signaler, op. cit., t. II, p. 406, str. I, vs. 6). Les actes spirituels sont infusés par Dieu (ibid.). L’âme doit s’exercer ici-bas à l’amour. Peu d’âmes parviennent à un état si élevé, et il est accordé principalement à ceux dont l’esprit et la vertu doit passer à des disciples, Dieu donnant les prémices aux chefs dans la mesure proportionnée à la postérité qu’Il leur destine. Str. II, vs. 2, p. 414. Dieu permet que le corps même porte les traces des blessures de l’âme, comme en saint François d’Assise. Les délices sont plus intenses et saisissent plus subitement, lorsque l’âme seule est blessée, et non la chair ; néanmoins un puissant effet spirituel peut se répercuter dans ce sens. Qu’est-ce que la " touche " mystérieuse ? " Vous m’avez touché de la splendeur de votre gloire et de la figure de votre substance, qui est votre Fils ; c’est lui qui est cette touche délicate dont vous m’avez atteint avec la force du cautère ", touche substantielle, de la substance de Dieu à la substance de l’âme ; beaucoup de saints l’ont expérimentée ici-bas. Elle contient une saveur de vie éternelle, non au degré parfait, mais très réelle cependant ; l’âme en jouit selon ses puissances et selon sa substance ; le corps lui-même s’en ressent, quelquefois jusqu’aux extrémités de articulations des pieds et des mains. Saint Jean revient ici sur un de ses thèmes favoris : la nécessité de porter la croix de Jésus. " C’est le moment de dire pourquoi il en est si peu qui arrivent à ce haut état de perfection ; le motif n’en est pas en ce que Dieu désire qu’il y ait peu d’âmes élevées, " que no es, porque Dios quiera que haya pocos espiritus levantados ; Il voudrait au contraire que toutes fussent parfaites, mais Il trouve peu de vases capables d’une œuvre si sublime : on refuse toute souffrance, et en même temps on désire devenir parfait. (La variante du ms. de Burgos présente le même sens : No es porque no quiera que hubiese muchos de los espiritus levantados. " Ce n’est pas qu’il ne désire qu’il y ait beaucoup d’âmes élevées. " Str. II, vs. 5. Nous l’avons notée ici cependant, vu l’importance doctrinale de ce texte. Comparer avec la Nuit obscure, str. I, § II, cité plus haut ; pourquoi Dieu n’introduit pas dans la " Nuit de l’esprit " tous ceux qui s’exercent à la vie spirituelle.)

La strophe III découvre les attributs divins révélés à l’âme dans l’union d’amour et qui sont autant de " lampes de feu ". C’est la plus haute connaissance de Dieu possible en cette vie. L’âme purifiée complètement éprouve la soif insatiable de l’union ; mais Dieu la fait attendre encore ; état douloureux s’il en fût, où l’âme souffre d’une privation infinie, où son amour ne soulage nullement sa peine, car elle ne possède Dieu que grâce, et pas encore par union ; par la grâce il y a amour réciproque, comme entre fiancés, qui tout en s’aimant, ne se possèdent mutuellement qu’en désir et en promesse, se font des cadeaux et des visites ; ce sont les préparatifs ; mais dans l’union il y a l’amour comblé, satisfait, complété par la communication et la possession réciproque ; c’est le mariage spirituel. L’âme n’en est encore qu’désir, disposition préalable à l’union, § III. Le saint docteur revient ici avec complaisance sur sa matière préférée : la direction spirituelle des âmes contemplatives, § IV-XVI. Que l’âme marche par le chemin de la foi, où Dieu seul est un guide sûr, et qu’elle ne se confie pas à la direction des " trois aveugles ", le maître spirituel incompétent, le démon et elle-même. L’auteur répète les signes de l’état contemplatif, et les justifie longuement, il décrit la notion générale et amoureuse de Dieu " reçue passivement dans l’âme selon le mode surnaturel de Dieu, et non selon le mode naturel de l’âme, " § VI, ses rapports avec les actes spécifiés, l’attitude opportune de l’âme, le rôle du directeur spirituel, les maux que peut engendrer son ignorance, et leur cause. Le style est ici singulièrement combattif ; on devine au mot alumbramiento " illuminisme " l’adversaire que le grand mystique a en vue. Les § VI-XIII rappellent avec fermeté les devoirs du directeur spirituel. Puis vient l’étude des ruses et des efforts du démon, celle enfin des erreurs possibles de l’âme elle-même. Le § XVII et les suivants continuent le commentaire interrompu. En parlant de l’élimination de l’appétit naturel, à propos du vs. 4, saint Jean montre que le désir même de Dieu peut n’avoir aucune valeur surnaturelle. Les " cavernes du sens " étant toutes baignées et imprégnées de la lumière des " lampes de feu ", elles rendent au Bien-Aimé tout ce qu’elles ont reçu de Lui. Il semble difficile de pénétrer plus au fond dans le mystère de notre vie divine. " Par le moyen de cette transformation substantielle, l’âme est comme l’ombre de Dieu et elle " agit " en Dieu et pour Dieu ce qu’il " agit " en elle pour soi-même et à sa manière, car les deux volontés n’en font qu’une. " C’est la possession en commun de la divine essence. La doctrine développée ici est un vrai commentaire de saint Thomas : Caritas est amicitia quædam hominis ad Deum, fundata super communicationem beatitudinis æternæ, IIa, IIIæ, q. XXVI, a. 2 ; le docteur mystique approfondit toutes les excellences et les merveilles de l’amitié entre Dieu et l’âme. La quatrième strophe met le comble à cette sublime doctrine, en célébrant les " réveils " et l’aspiration de Dieu habitant en secret dans l’âme comme dans sa propre maison, et ne se découvrant qu’à elle. Quant à " l’aspiration ", Saint Jean renonce à en parler tant elle est inexprimable.

Le cantique spirituel. Nous ne pouvons faire ici une étude approfondie de la valeur des deux séries de mss. déjà signalées, qui nous transmettent le cantique spirituel. Il faudrait vérifier de près les conclusions du P. Gerardo dans son édition critique, où il donne en entier les deux réactions. La seconde (ms. de Jaën), placée en tête, contient de nombreuses additions attribuées au saint, notamment, au début, un argumento, qui synthétise les strophes d’après la [col.783 fin / col.784 début] division traditionnelle des trois voies purgative, illuminative et unitive. Cet " argumento " n’existe pas dans le ms. de Sanlúcar de Barrameda (première rédaction), ms. que l’auteur a pourtant revu ainsi qu’en font foi les nombreuses notes écrites de sa main, et cette mention suivie de sa propre signature : " Ceci est le brouillon qui a été mis au net depuis. " Este libro es le borrador de que ya se sacó en limpio. fr. Juan de la +. Il n’existe pas davantage dans la traduction française de René Gaultier, 1622, traduction faite d’après un ms., que possédait la vénérable Mère Anne de Jésus. Voir plus haut, col. 771. Or en comparant l’argumento avec le prologo identique dans les deux rédactions, on peut se demander dans quel sens la division des trois voies est applicable au Cantique spirituel. D’après ce prologue il s’agit d’un tableau à décrire, d’un état d’âme à manifester par un dialogue entre l’âme et l’Epoux, dans une forme visiblement inspirée du Cantique des cantiques. Saint Jean essaye de révéler ce que l’Esprit Saint fait comprendre aux âmes amoureuses où Il habite ; leurs sublimes sentiments et leurs aspirations. Se commentaires, dit-il, ne sont que l’accessoire des strophes, ils n’en épuiseront pas le sens, et l’on n’est pas tenu de s’y attacher exclusivement ; chacun pourra trouver dans le Cantique lui-même la nourriture appropriée à ses capacités et à ses dispositions ; s’il fallait confirmer l’interprétation dans les limites de concepts déterminées, cela ne serait pas du goût de tout le monde, ni conforme à la sagesse mystique, qui provoque l’amour à la manière de la foi, sans connaissance distincte. Cependant, chemin faisant, selon que l’exigera la matière, il touchera brièvement certains points relatifs à l’oraison ; non les plus communs, mais les plus extraordinaires. " Ce ne sera pas en vain, que j’aurai traité un peu de la théologie scolastique qui concerne le commerce intérieur entre Dieu et l’âme ; bien que Votre Révérence (la Vén. Anne de Jésus) n’ait pas la pratique de cette théologie grâce à laquelle on pénètre les vérités divines, vous possédez cependant l’exercice de la théologie mystique, qui s’acquiert par l’amour ; et en lui, non seulement on comprend, mais de plus on goûte. " Il faudrait examiner du même point de vue l’ " anotación "qui ouvre le commentaire de la seconde rédaction ; elle semble s’inspirer du même esprit que l’ " argumento ". Ajoutons encore une donnée à l’exposé de la question. la " Declaración " de la " Canción I " dit expressément : " L’âme énamourée du Verbe Fils de Dieu, son Epoux, désirant s’unir à lui dans la claire vision de son essence, exprime des anxiétés d’amour, et se plaint de son absence, d’autant plus que l’Epoux l’a blessée de cet amour qui la fait sortir de toutes les créatures et d’elle-même. . . " L’auteur suppose évidemment que la purification initiale est un fait accompli au moment où l’âme commence à chanter le Cantique, celui-ci dépeindrait donc des états mystiques. Il faudra donc s’assurer du texte, et serrer de près la doctrine avant de risquer un jugement. Les idées théologiques et philosophiques des autres traités se retrouvent dans le Cantique. Jean a utilisé ici en vrai maître la forme lyrique. " Constatons aussi que la spéculative mystique y intervient à peine, et laisse dominer la mystique expérimentale. L’intérêt spécial du Cantique est là. " Hoornaert, op. cit., t. IV, p. XII.

4° Appréciation générale. Durant sa vie, saint Jean fut persécuté à cause de sa doctrine et déféré plusieurs fois à l’Inquisition ; une nouvelle tempête se déchaîna lors de la publication de ses œuvres ; mais il fut brillamment défendu et avec succès. Voir la bibliographie. L’Eglise s’est prononcée elle aussi : Apostolicæ Sedis judicio divinitus instructus, libros de mystica theologia cælesti sapientia refertos conscripsit,[col.784 fin / col.785 début] dit de lui le Bréviaire romain, 24 nov. Cet éloge les contient tous. Saint Jean de la Croix était philosophe, théologien, poète, artiste, directeur spirituel, écrivain ; dans tous ces domaines il s’affirma avec une incontestable supériorité dont tous ses contemporains ont laissé des témoignages impressionnants.

Il était particulièrement versé dans la sainte Ecriture. " Le texte biblique est intimement mêlé à l’œuvre de Jean de la Croix. . . Les témoignages confirment ici ce que l’étude des écrits eût suffi à nous faire deviner. Ils nous apprennent que Jean de la Croix faisait de la Bible sa lecture ordinaire, qu’il savait d’ailleurs l’Ecriture presque entièrement de mémoire, comme il était possible de s’en assurer en l’entendant faire dans les chapitres ou au réfectoire, des leçons improvisées, improvisations qui prolongeaient un travail intérieur. C’est ainsi qu’un témoin attentif signale l’étude silencieuse que Jean de la Croix entreprend des Livres saints dans les coins les plus solitaires du couvent de Grenade. Le même témoin note que Jean de la Croix excellait à commenter l’Ecriture et, en particulier, le Cantique des Cantiques, l’Ecclésiaste, l’Ecclésiastique, les Proverbes, les Psaumes. Un manuscrit fait allusion à ces entretiens spirituels où Jean de la Croix expliquait jusqu’à trois ou quatre fois, et comme en des plans de croissante profondeur, le même évangile ou le même psaume. Ce dernier renseignement est précieux puisqu’il nous fait surprendre, à la source, la technique nous retrouverons dans l’œuvre composée. . . Ces documents suffisent à nous faire pressentir de quelle manière Jean de la Croix introduit en son œuvre des textes bibliques. Les passages allégués ne se surajoutent pas à la page composée ; sans doute ne sont-ils pas le plus souvent cherchés à travers un livre que l’écrivain consulte. Ils nourrissent sans cesse la pensée créatrice et ne s’en peuvent séparer. Il est certain que saint Jean de la Croix a suivi le texte de la Vulgate. . . Il est sûr que la traduction de saint Jean de la Croix donne des textes qu’il choisit est bien sienne. " J. Baruzi, op. cit., Le problème des citations scripturaires, etc.

Le saint docteur s’était assimilé de même façon toutes ses lectures ; il cite peu, sans références : saint Augustin, saint Grégoire, saint Bernard, saint Thomas, le pseudo-Denis Boèce et Aristote. Ses œuvres portent le cachet de la plus grande originalité. Mgr Waffelaert, évêque de Bruges estime qu’il a dû connaître le grand mystique brabançon, le bienheureux Rusbroeck. Collationes Brugenses, t. XV-XVIII, pass. Le P. Wenceslao del S. Sacramento, O. C. D., relève pourtant une dissemblance marquée d’avec la doctrine de ce mystique. Fisionomia de un doctor, p. 69.

Si l’on veut résumer en un mot la spiritualité de saint Jean de la Croix, on dira que cet auteur veut enseigner ce que l’âme peut et doit faire soit pour correspondre à l’action mystique divine, soit pour s’y disposer. Selon lui, renoncement ne signifie pas seulement répression de l’appétit sensitif et de tout appétit désordonné, mais négation de l’appétit ; c’est là son rien, son vide. Jean n’exige pas la suppression de l’appétence, elle est impossible, et d’ailleurs contre nature, il l’affirme. Il n’impose plus, d’une façon immédiate, de régler l’appétence ; il tend directement à faire prédominer l’esprit par la négation de l’appétence, par le vide et le silence intérieur, par la " nuit ". Le procédé est radical : s’attaquer au fond, dénier à l’appétit son mouvement vital naturel, c’est la condition favorable, indispensable, d’après lui, à la domination effective de la vie surnaturelle ; le discernement dans l’usage des créatures, objet de l’appétit, s’en suivra par la logique même des choses. Telle est la spécialité de l’ascèse de saint Jean de la Croix : Tout ou Rien. Voilà ce qu’il appelle s’exercer dans la voie [col.758 fin / col.786 début] de l’esprit, " ; là est pour lui la disposition qui rend apte à la vie contemplative. Et sans doute que l’on ne remarque pas, dans ses écrits, qu’il exige une grâce d’ordre spécial pour pratiquer son ascèse, du moins en ce qui concerne la " nuit des sens ". Mais, au début de la " nuit active " de l’esprit, Montée, l. II, c. V, nous lisons qu’il s’adresse principalement à ceux qui ont commencé à entrer dans l’état de contemplation. Ailleurs, saint Jean affirme que Dieu n’élève pas à la contemplation tous ceux qui, d’initiative personnelle, s’exercent dans la " voie de l’esprit ". Il affirme en outre que Dieu n’exige pas toujours cette préparation active, d’initiative personnelle, car il arrive que Dieu place d’emblée certaines âmes dans la voie passive ; elles ne seront pas de ce chef dispensées de " s’exercer dans la voie de l’esprit ", mais elles ne le feront pas activement, d’initiative personnelle redisons-le “ como de suyo ". La doctrine du " rien " suscita de nombreuses et âpres contradictions ; elle heurtait de front la tendance à matérialiser l’ascèse ; elle provoqua les objections de ceux qui estimaient trop large, et incontrôlable, prêtant à illusion, la part faite à l’action divine. Peu à peu ces objections se sont évanouies, saint Jean de la Croix aura autant admirateurs qu’il comptera de fidèles disciples. Puisse la sainte Eglise combler leurs vœux, et les vœux de l’ordre du Carmel, en décernant, officiellement, à notre saint, le titre de " docteur mystique ".

I. EDITIONS. Editions latines : Cologne, 1622, 1639, 1710 ; la traduction est due au P. André de Jésus, carme déchaussé polonais. Editions italiennes : Rome, 1627 et 1637 ; neuf éditions à Venise, 1643, 1658, 1671, 1682, 1707, 1719, 129, 1739 et 1748 ; Gênes, 1858 ; Milan, 1912. Editions flamandes : Anvers, 1637 ; Gand, 1693 ; Gand, t. I, 1916, t. II, 1917, par le P. Henri de la Sainte-Famille, traduction de l’édition du P. Gerardo : Bestijging van den Karmel, Donkere Nacht, Levendige Liefdevlam, Geestelijke Liefdezang. Editions allemandes. Prague, 1697 et 1725 ; Augsbourg, 1753 ; Soulzbach, 1830 ; Ratisbonne, 1858 et 1859. Editions anglaises. Londres, 1864, 1888, 1906. Editions françaises. La première est de René Gaultier, Paris, 1621 ; elle contient la Montée du Carmel, la Nuit obscure et la Flamme d’amour. Le traducteur y mit la main avant que ne parût la première édition espagnole de 1618. En 1622, à Paris, René Gaultier publia le Cantique d’amour divin entre Jésus-Christ et l’âme dévote, qui est le Cantico espiritual. Rappelons que la première édition espagnole dudit traité est postérieure : Bruxelles, 1627. J’ai sous les yeux la réimpression, Paris, 1627, du travail de Gaultier, de 1621, " revue et corrigée sur l’espagnol pour la deuxième édition ", comprenant les trois grands traités du saint ; le Cantique spirituel est absent. En tête de la Vive flamme d’amour on lit : " revue et corrigée sur l’original pour la dernière édition ". Traductions du R. P. Cyprien de la Nativité, O. C. D., Paris, 1641 et 1665 ; du R. P. Maillard, S. J., Paris, 1694 ; Avignon, 1834 ; Besançon, 1846 ; Paris, 1850 et 1864 ; de l’abbé Gilly, 1865, La Montée et la Nuit obscure, Nîmes, 1893 ; Le Cantique et la Vive flamme, de la Mère Marie-Thérèse de Jésus, Paris, 1875 ; édition des carmélites de Paris, œuvres complètes, Poitiers, 1880, 1890, 1903, 1910, avec préface par le R. P. Chocarne, dominicain. Traduction faite par le R. P. chanoine H. Hoornaert, sur l’édition du P. Gerardo, Desclée, Paris, 1re édition en trois volumes : t. I, 1915 ; t. II, 1916 ; t. III, 1919, 2e édition en quatre volumes, t. I et t. II, 1922 ; t. III et IV, 1923. Ce travail a le mérite d’être complet. Les différentes introductions accusent la compétence dans les appréciations d’ordre littéraire, et il faut les retenir. Mais sous d’autres rapports, nous devons faire quelques réserves. M. Hoornaert accepte, sans la vérifier, du point de vue critique, l’édition du P. Gerardo. Dans les textes qui lui sont personnels, et même dans la traduction il semble parfois être sous l’influence de d’idées préconçues, celle par exemple de voir dans la Montée du Carmel un livre destiné à la voie active, ou, comme il s’exprime, à l’état actif, parce que le saint auteur y traite de la purification de l’âme quanto a lo activo. Il confond voie active avec nuit active. Voir l’exposé de la doctrine. après soigneuse confrontation, il faut aussi constater que la traduction n’est pas fidèle en beaucoup d’endroits, malgré les quelques cor- [col.786 fin / col.787 début] rections importantes apportées à la seconde édition. Fr. Idelphus, des frères des Ecoles chrét. († 1922), Poèmes mystiques de saint Jean de la Croix. Traduction en vers français avec texte espagnol en regard, Paris, 1922.

II. TRAVAUX. 1° Biographie. Cosmas de Villiers, Bibliotheca carmelitana, Orléans, 1752, t. I, col. 829 sq. ; Jeronimo de S. José O. C. D., Historia del venerable Padre fr. Juan de la Cruz, Madrid, 1618, 1641 ; abrégé du même ouvrage, Bruxelles, 1674 ; José de Jesus-Maria, (Quiroga), O. C. D., Historia de la vida y virtudes de Ven. P. fr. Juan de la Cruz, Bruxelles, 1628 et 1632, traduction française par Elisée de saint-Bernard, O. C. D., Vie de saint Jean de la Croix, Paris, 1727, avec une dissertation " où l’on fait voir que la doctrine de saint Jean de la Croix est opposée à celle des faux mystiques ; Repuesta a algunas razones contrarias a la contemplación afectiva y oscura que nuestro Padre F. Juan de la Cruz. . . enseña en sus escritos, Madrid, Bibl. nat., ms. 8273 ; Anonyme, Compendio della mistica Theologia di San Giovanni della Croce, Sienne, 1886 ; Man. Muñoz Garnica, San Juan de la Cruz, ensayo hsitorico, Jaën, 1875 ; Mgr Demimuld, S. Jean de la Croix, Paris, 1916, collect. " Les saints " ; Wenceslao del S. Sacramento, O. C. D., Fisionomia de un doctor, Ensayo critico, Salamanque, 1913, 2 vol.

2° Etudes sur la doctrine. Diego de Jesus, O. C. D., Apuntamientos y advertencias en tres discursos, para mas facil intelligencia de la frases misticas, y doctrina de la Obras espirituales, de nuestro beato Padre San Juan de la Cruz, dans l’édition d’Alcala, 1618, et celle de Séville, 1703 ; traduction française de René Gaultier, dans l’édition du P. Cyprien de la Nativité, O. C. D., Paris, 1641 ; Jeronimo de San José, O. C. D., Dibujo del Venerable Padre Fray Juan de la Cruz, dans l’édition de Barcelone, 1883, ainsi que dans d’autres plus anciennes ; José de Jesus-Maria, O. C. D. (Quiroga) Subida del alma a Dios y entrada en el paraiso, 2 vol., Madrid, 1656, 1659 ; Apologia mistica en defensa de la contemplación divina, Madrid, Bibl. nat., ms. 4478 ; anonyme et inédit, Una defensa brevissima de la doctrina de santa Teresa de Jesus y de san Juan de la Cruz, Madrid, Bibl. nat., ms. 8273 ; Louis de Ste-Thérèse, O. C. D., Explication de cette énigme (le dessin du mont symbolique) qui comprend succinctement toute la doctrine mystique des œuvres spirituelles du R. P. Jean de la Croix, dans l’édition française de Paris, 1641 ; Fr. Antonio Arbiol, O. M., Mistica fundamental de Cristo Senor Nuestro explicada por le glorioso y beato Padre San Juan de la Cruz, Madrid, 1761 ; Basilio Ponce de Léon, O. S. A., Respuesta. . . a las notas y objecciones que se hicleron à algunas proposiciones del libro de Fray Juan de la Cruz por los Calificadores del Santo Oficio, 1622, l’original n’est pas retrouvé ; deux censures favorables au saint, l’une du P. Antolinez, O. S. A., 4 septembre 1623, l’autre du P. de Araujo, O. P., 12 juillet 1623 : Nicolas de Jésus Maria, O. C. D., (Centurioni), Elucidatio theologica circa aliquas phrases et propositiones theologiæ mysticæ. . . quæ in spiritualibus libris venerabilis Parentis nostri Joannis de la Cruce. . . reperiuntur, 1re édit. à Alcala de Hénarès, 1631 ; traduction française du P. Cyprien de la Nativité dans l’édition des œuvres, Paris, 1641 ; traduction nouvelle dans les Etudes carmélitaines, années 1911, 1912, 1913 et 1914 ; Bossuet disait de l’auteur : " qu’il était le plus savant interprète de Jean de la Croix " ; le P. Gerardo cite encore plusieurs apologies et commentaires. Voir aussi : anonyme, Compendio della mistica teologia di san Giovanni della Croce, Sienne, 1886 ; A. Poulain, S. J., La mystique de S. Jean de la Croix, Paris, 1893 ; Berthier, S. J., Analyse sommaire en onze lettres, dans l’édition du P. Maillard, S. J., Besançon, 1846 ; Ludovic de Besse, O. M., Eclaircissements sur les œuvres mystiques de saint Jean de la Croix, Paris, 1893 ; P. Angel Maria, O. C. D., Suma espiritual de san Juan de la Cruz, Burgos, 1904 ; Mme Carré Chataignier, Essai sur les images dans l’œuvre de saint Jean de la Croix ; thèmes directeurs et classes d’images, thèse, Bordeaux, 1923 ; cf. Bulletin hispanique, t. XXV, n. 3, juillet-septembre 1923, p. 265 ; Claudio de Jesus Crucificado, O. C. D., San Juan de la Cruz y el Doctor angelico, article du périodique El monte Carmelo, 1917, Burgos, t. XXI, p. 302 ; Gabriel de Jesus, O. C. D., La subida del Monte Carmelo es ascetica o es mistica article du périodique La vida sobrenatural, javier1923 ; M. V. Bernardot, O. P., Le texte authentique du Cantique spirituel de saint jean de la Croix, article du périodique La vie spirituelle, mars, 1923, supplément.

F. PASCAL DU S. SACREMENT O. C. D. Saint Jean de la Croix, Dictionnaire de Théologique Catholique



St. John of the Cross

Among the Church’s contemplatives, St. John is one of the acknowledged masters of mystical theology. Indeed, perhaps no other writer has had greater influence on Catholic spirituality. Together with St. Teresa of Avila, he founded the Discalced Carmelites, an order devoted to service of the Blessed Mother through prayer and penance.

Born Juan de Yepes y Alvarez in Fontiveros, Spain, in 1542, John was the son of a wealthy silk merchant, Gonzalo de Yepes, and a poor weaver girl, Catalina Alvarez. The Yepes family disowned John’s father for marrying beneath his station, and the young couple lived in hardship, following the trade of silk weaving. John was the youngest of three sons. Shortly after his birth, Gonzalo died after a long illness, and Catalina struggled heroically to provide for her sons, settling in Medina del Campo.

Young John attended a school for poor children there, gaining a basic education and the opportunity to learn skills from local craftsmen. When he was 17, he began to work at the Plague Hospital de la Concepcion, and its founder offered to let him attend the Jesuit College, so long as he did not neglect his hospital duties. From 1559 to 1563, John studied with the Jesuits, learning Latin, Greek, and other subjects. He was offered the chance to study for the secular priesthood, which would have given him material security, but he felt God was calling him to Religious life. At age 20, he entered the Carmelite Order, being clothed with the habit on February 24, 1563, and taking the name Juan de Santo Matia (John of Saint Matthias). John did continue his studies, however, notably at the University of Salamanca, which was noted for its excellent professors of Thomist philosophy–an influence which is apparent throughout his writings. An outstanding scholar, John taught classes while still a student. He was ordained in 1597, and said his first Mass in Medina del Campo. During that trip, he first met Teresa of Avila, and she encouraged him to promote her reform among the men’s Order.

In November, 1568, John and three other friars took up the observance of the primitive Carmelite Rule in a farmhouse near Duruelo. At that time, he changed his name in religion to Juan de la Cruz (John of the Cross). The small band soon came to be known as *Discalced* (shoeless) Carmelites, because they went barefoot as a sign of their commitment to poverty. Their poverty was very real: the first house was barely more than one room, and the young community suffered many privations. When St. Teresa was ordered to return to the Convent of the Incarnation as its superior, she called upon John to assist her in renewing the large community, which had grown quite lax. Arriving there in 1572, he became the spiritual director of the nuns, including Teresa herself. For unknown reasons, the attitude of the original (“Calced”) Carmelites began to change toward the reformers. Whereas they had initially acquiesced and even encouraged the movement, the Chapter of 1575 placed severe restrictions on it, they now forbade any further foundations and ordered Teresa to choose one monastery as her permanent residence and remain there.

When in 1576 the Discalced Friars convened their own Chapter, the Calced moved to carry out the prohibitions of 1575. They arrested John and another friar and imprisoned him in a Calced monastery in Toledo in a windowless 6′ x 10′ room. Scourged and humiliated, he nonetheless refused to renounce the Reform. He passed the time in his cell composing the sublime lyric poems which form the basis of his mystical treatises. After some months, he managed to escape to the south of Spain, where he had been elected Prior of the monastery at El Calvario and appointed director of the nuns at Beas. In 1579, he became Rector of the new Discalced Carmelite college near the University of Baeza.

In 1580, the Holy See granted the Discalced the right to erect their own Province, although complete independence from the Calced did not come until 1593.

During these “middle years” of John’s life, he filled a variety of offices within the reformed Order, wrote the commentaries on his poems elucidating the mystical life, gave spiritual direction, and lived a life of deep union with God. Toward the end of his life, he disagreed with the new General, Nicholas Doria, about some changes in the Order. He was sent to the solitude of La Penuela in August, 1591 –in truth overjoyed to be relieved of administrative duties for the first time in years. But his peace was disturbed by news that a move was afoot to expel him from the Reform he had founded. His detractors tried to gather evidence against him to defame his character.

John fell ill after only a month at La Penuela, however. When urged to seek medical attention, he went to the monastery at Ubeda, where the Prior received him coldly, placed him in the worst cell in the house, and complained bitterly about the expense of caring for him. John grew worse, and, realizing his time was short, he called for the Prior to beg forgiveness for all the trouble he had caused him. Instead, the Prior, realizing John’s holiness and his own hardheartedness, wept. John died as he had prayed to: without honors, without material comforts, and with great suffering.

He was 49. He was beatified in 1675, canonized in 1726, and declared a Doctor of the Church in 1926. Among his classic works are “The Ascent of Mount Carmel”, “The Dark Night”, “The Spiritual Canticle”, and “The Living Flame of Love”.

SOURCE : http://www.ucatholic.com/saints/saint-john-of-the-cross/



St. John of the Cross

Founder (with St. Teresa) of the Discalced Carmelites, doctor of mystic theology, b. at Hontoveros, Old Castile, 24 June, 1542; d. at Ubeda, Andalusia, 14 Dec., 1591. John de Yepes, youngest child of Gonzalo de Yepes and Catherine Alvarez, poor silk weavers of Toledo, knew from his earliest years the hardships of life. The father, originally of a good family but disinherited on account of his marriage below his rank, died in the prime of his youth; the widow, assisted by her eldest son, was scarcely able to provide the bare necessities. John was sent to the poor school at Medina del Campo, whither the family had gone to live, and proved an attentive and diligent pupil; but when apprenticed to an artisan, he seemed incapable of learning anything. Thereupon the governor of the hospital of Medina took him into his service, and for seven years John divided his time between waiting on the poorest of the poor, and frequenting a school established by the Jesuits. Already at that early age he treated his body with the utmost rigour; twice he was saved from certain death by the intervention of the Blessed Virgin. Anxious about his future life, he was told in prayer that he was to serve God in an order the ancient perfection of which he was to help bring back again. The Carmelites having founded a house at Medina, he there received the habit on 24 February, 1563, and took the name of John of St. Matthias. After profession he obtained leave from his superiors to follow to the letter the original Carmelite rule without the mitigations granted by various popes. He was sent to Salamanca for the higher studies, and was ordained priest in 1567; at his first Mass he received the assurance that he should preserve his baptismal innocence. But, shrinking from the responsibilities of the priesthood, he determined to join the Carthusians.

However, before taking any further step he made the acquaintance of St. Teresa, who had come to Medina to found a convent of nuns, and who persuaded him to remain in the Carmelite Order and to assist her in the establishment of a monastery of friars carrying out the primitive rule. He accompanied her to Valladolid in order to gain practi cal experience of the manner of life led by the reformed nuns. A small house having been offered, St. John resolved to try at once the new form of life, although St. Teresa did not think anyone, however great his spirituality, could bear the discomforts of that hovel. He was joined by two companions, an ex-prior and a lay brother, with whom he inaugurated the reform among friars, 28 Nov., 1568. St. Teresa has left a classical description of the sort of life led by these first Discalced Carmelites, in chaps. xiii and xiv of her "Book of Foundations". John of the Cross, as he now called himself, became the first master of novices, and laid the foundation of the spiritual edifice which soon was to assume majestic proportions. He filled various posts in different places until St. Teresa called him to Avila as director and confessor to the convent of the Incarnation, of which she had been appointed prioress. He remained there, with a few interruptions, for over five years. Meanwhile, the reform spread rapidly, and, partly through the confusion caused by contradictory orders issued by the general and the general chapter on one hand, and the Apostolic nuncio on the other, and partly through human passion which sometimes ran high, its existence became seriously endangered.

St. John was ordered by his provincial to return to the house of his profession (Medina), and, on his refusing to do so, owing to the fact that he held his office not from the order but from the Apostolic delegate, he was taken prisoner in the night of 3 December, 1577, and carried off to Toledo, where he suffered for more than nine months close imprisonment in a narrow, stifling cell, together with such additional punishment as might have been called for in the case of one guilty of the most serious crimes. In the midst of his sufferings he was visited with heavenly consolations, and some of his exquisite poetry dates from that period. He made good his escape in a miraculous manner, August, 1578. During the next years he was chiefly occupied with the foundation and government of monasteries at Baeza, Granada, Cordova, Segovia, and elsewhere, but took no prominent part in the negotiations which led to the establishment of a separate government for the Discalced Carmelites. After the death of St. Teresa (4 Oct., 1582), when the two parties of the Moderates under Jerome Gratian, and the Zelanti under Nicholas Doria struggled for the upper hand, St. John supported the former and shared his fate. For some time he filled the post of vicar provincial of Andalusia, but when Doria changed the government of the order, concentrating all power in the hands of a permanent committee, St. John resisted and, supporting the nuns in their endeavour to secure the papal approbation of their constitutions, drew upon himself the displeasure of the superior, who deprived him of his offices and relegated him to one of the poorest monasteries, where he fell seriously ill. One of his opponents went so far as to go from monastery to monastery gathering materials in order to bring grave charges against him, hoping for his expulsion from the order which he had helped to found.

As his illness increased he was removed to the monastery of Ubeda, where he at first was treated very unkindly, his constant prayer, "to suffer and to be despised", being thus literally fulfilled almost to the end of his life. But at last even his adversaries came to acknowledge his sanctity, and his funeral was the occasion of a great outburst of enthusiasm. The body, still incorrupt, as has been ascertained within the last few years, was removed to Segovia, only a small portion remaining at Ubeda; there was some litigation about its possession. A strange phenomenon, for which no satisfactory explanation has been given, has frequently been observed in connexion with the relics of St. John of the Cross: Francis de Yepes, the brother of the saint, and after him many other persons have noticed the appearance in his relics of images of Christ on the Cross, the Blessed Virgin, St. Elias, St. Francis Xavier, or other saints, according to the devotion of the beholder. The beatification took place on 25 Jan., 1675, the translation of his body on 21 May of the same year, and the canonization on 27 Dec., 1726.

He left the following works, which for the first time appeared at Barcelona in 1619.
  1. "The Ascent of Mount Carmel", an explanation of some verses beginning: "In a dark night with anxious love inflamed". This work was to have comprised four books, but breaks off in the middle of the third.
  2. "The Dark Night of the Soul", another explanation of the same verses, breaking off in the second book. Both these works were written soon after his escape from prison, and, though incomplete, supplement each other, forming a full treatise on mystic theology.
  3. An explanation of the "Spiritual Canticle", (a paraphrase of the Canticle of Canticles) beginning "Where hast Thou hidden Thyself?" composed part during his imprisonment, and completed and commented upon some years later at the request of Venerable Anne of Jesus.
  4. An explanation of a poem beginning: "O Living Flame of Love", written about 1584 at the bidding of Doña Ana de Penalosa.
  5. Some instructions and precautions on matters spiritual.
  6. Some twenty letters, chiefly to his penitents. Unfortunately the bulk of his correspondence, including numerous letters to and from St. Teresa, was destroyed, partly by himself, partly during the persecutions to which he fell a victim.
  7. "Poems", of which twenty-six have been hitherto published, viz., twenty in the older editions, and recently six more, discovered partly at the National Library at Madrid, and partly at the convent of Carmelite nuns at Pamplona.
  8. "A Collection of Spiritual Maxims" (in some editions to the number of one hundred, and in others three hundred and sixty-five) can scarcely count as an independent work, as they are culled from his writings.
It has been recorded that during his studies St. John particularly relished psychology; this is amply borne out by his writings. He was not what one would term a scholar, but he was intimately acquainted with the "Summa" of St. Thomas Aquinas, as almost every page of his works proves. Holy Scripture he seems to have known by heart, yet he evidently obtained his knowledge more by meditation than in the lecture room. But there is no vestige of influence on him of the mystical teaching of the Fathers, the Areopagite, Augustine, Gregory, Bernard, Bonaventure, etc., Hugh of St. Victor, or the German Dominican school. The few quotations from patristic works are easily traced to the Breviary or the "Summa". In the absence of any conscious or unconscious influence of earlier mystical schools, his own system, like that of St. Teresa, whose influence is obvious throughout, might be termed empirical mysticism. They both start from their own experience, St. Teresa avowedly so, while St. John, who hardly ever speaks of himself, "invents nothing" (to quote Cardinal Wiseman), "borrows nothing from others, but gives us clearly the results of his own experience in himself and others. He presents you with a portrait, not with a fancy picture. He represents the ideal of one who has passed, as he had done, through the career of the spiritual life, through its struggles and its victories".

His axiom is that the soul must empty itself of self in order to be filled with God, that it must be purified of the last traces of earthly dross before it is fit to become united with God. In the application of this simple maxim he shows the most uncompromising logic. Supposing the soul with which he deals to be habitually in the state of grace and pushing forward to better things, he overtakes it on the very road leading it, in its opinion to God, and lays open before its eyes a number of sores of which it was altogether ignorant, viz. what he terms the spiritual capital sins. Not until these are removed (a most formidable task) is it fit to be admitted to what he calls the "Dark Night", which consists in the passive purgation, where God by heavy trials, particularly interior ones, perfects and completes what the soul had begun of its own accord. It is now passive, but not inert, for by submitting to the Divine operation it co-operates in the measure of its power. Here lies one of the essential differences between St. John's mysticism and a false quietism. The perfect purgation of the soul in the present life leaves it free to act with wonderful energy: in fact it might almost be said to obtain a share in God's omnipotence, as is shown in the marvelous deeds of so many saints. As the soul emerges from the Dark Night it enters into the full noonlight described in the "Spiritual Canticle" and the "Living Flame of Love". St. John leads it to the highest heights, in fact to the point where it becomes a "partaker of the Divine Nature". It is here that the necessity of the previous cleansing is clearly perceived the pain of the mortification of all the senses and the powers and faculties of the soul being amply repaid by the glory which is now being revealed in it.

St. John has often been represented as a grim character; nothing could be more untrue. He was indeed austere in the extreme with himself, and, to some extent, also with others, but both from his writings and from the depositions of those who knew him, we see in him a man overflowing with charity and kindness, a poetical mind deeply influenced by all that is beautiful and attractive.

Sources

The best life of St. John of the Cross was written by JEROME DE SAN JOSÉ (Madrid, 1641), but, not being approved by the superiors, it was not incorporated in the chronicles of the order, and the author lost his position of annalist on account of it.

Zimmerman, Benedict. "St. John of the Cross." The Catholic Encyclopedia. Vol. 8. New York: Robert Appleton Company,1910. 14 Dec. 2015 <http://www.newadvent.org/cathen/08480a.htm>.

Transcription. This article was transcribed for New Advent by Marie Jutras.

Ecclesiastical approbation. Nihil Obstat. October 1, 1910. Remy Lafort, S.T.D., Censor. Imprimatur. +John Cardinal Farley, Archbishop of New York.

Copyright © 2020 by Kevin Knight. Dedicated to the Immaculate Heart of Mary.

SOURCE : http://www.newadvent.org/cathen/08480a.htm


Statue de Jean de la Croix au musée diocésain de Valladolid,


John of the Cross, OCD, Priest Doctor (RM)

Born in Fontiveros, Spain, June 24, 1542; died 1591; canonized 1726; named Doctor of the Church in 1926. Feast day formerly on November 24. Born Juan de Yepes the son of a silk weaver in Toledo, Spain, John was apprenticed to that trade in his youth. Soon he realized that this was not his calling and took a position at the hospital in Medina del Campo, where he worked for seven years as he studied at the University of Salamanca.


He became a Carmelite in 1563, was ordained in 1567, and had decided to join the Carthusians when he met Saint Teresa of Avila, who persuaded him to remain a Carmelite and reform the order from within, rather than running away.

In 1568, with two other Carmelites, he founded the first Carmelite reformed monastery at Duruelo, the beginning of the Discalced (shoeless) Carmelites, and took the name John of the Cross. At Teresa's request, he served as spiritual director of her Convent of the Incarnation at Avila from 1572 to 1577.

So powerfully did St. John support the attempts made by St. Teresa of Avila to reform the Carmelite monasteries of Spain that the general of the Carmelites had him imprisoned in 1577 and again in 1578. The first time, he had refused the order of the provincial of Seville to return to Medina, and was imprisoned in Toledo. He spent nine months there are was subjected to great pressure to repudiate the reform but he steadfastly refused and finally managed to escape.

While in prison, John experienced visions and began his writing. In intense poems and his other mystical writings, John of the Cross set out the schema of a Christian's mystical ascent to God. In his greatest work, The Dark Night of the Soul, the saint describes how a mystic loses every early attachment, passing through a personal experience of Jesus's crucifixion to a rhapsodic union with God's glory. To pass through this darkness is, he says, 'a fortunate adventure to union with the Beloved.' He also wrote Spiritual Canticle while in prison.

He, Teresa, and their fellow reformers were finally successful in their efforts, and the Discalced Carmelites were formally recognized as a separate province.

The saint never hesitated if one of his monks needed some remedy. While he was at Baeza a monk suffered from terrible attacks of nausea. John asked the doctor if there was any remedy to cure the man. Though the doctor said the expensive medicine would provide only relief and not a cure, John bought it at once and served it to the sick man himself (manuscript in the library of Madrid).

At the beginning of his priorship at Baeza, the community was in the grip of a malignant type of influenza. John's first act as prior was to order the purchase of meat. He served it himself to the sick people and reassured those whose consciences were upset at the thought of taking meat. He lengthened their hours of recreation and entertained them with amusing stories as well as with spiritual reflections, but excusing his levity by saying that he wanted to relieve their suffering (manuscript in the National Library in Madrid).

After serving as head of the college at Baeza, John was prior at Los Martires near Granada in 1581-84 and probably finished Living Flame of Love and Ascent of Mount Carmel while there.

In the fourth chapter of the first book of The Ascent of Mount Carmel, St. John of the Cross wrote: "Every appetite for the things of the world must be mortified, for in the eyes of God they are but darkness;" and being darkness they are obstacles and "screens" that shut out the divine light and prevent it from filling the Christian soul.

Indeed, when compared with the infinity of God, one's animal existence is nothing. The soul that loves nothingness will itself become nothing, for love is the principle of assimilation and resemblance. To love nothingness is to lower oneself to the level of nothingness. It is self-destruction.

The saintly and somewhat terrifying doctor developed his thought without making us the slightest concession--people who enjoy suffering will find plenty of opportunity in his works!

At the end of Chapter 13 he wrote: "If you wish to master all those passions which bind you to worthless things, you must unceasingly dedicate your soul not to that which is more enticing, but to that which is more insipid; not to that which pleases, but to that which displeases; not to that which consoles, but to that which gives sorrow; not to that which gives rest, but to that which gives work; not to that which is more, but to that which is less; not to that which is higher and more precious but to that which is lower and less precious; not to want something, but to not want anything; not to seek that which is better in things but that which is worse; and, for the love of Christ, to want to assume an utter nakedness, an absolute poverty, and a perfect indifference to everything that is in the world."

Yes, it's terrifying, even if it is exalting--terrifying for our poor little souls. Many say that St. John is obviously writing only for great and noble souls; but, perhaps, they are intended for all except those who abdicate greatness in advance.

As prior of Los Martires, St. John chose for himself the worst room in the oldest part of the monastery. Apart from the boards on which he slept, the only things in his cell were a wooden cross, a picture of Our Lord, a Bible, and a breviary. But the cell also had a little window looking out onto the garden, and St. John would often stand there for a long time in prayer. Father Louis de Saint-Ange often found him there admiring the flowers in the garden by day and the stars in the sky by night (manuscript in the Vatican).

Brother Brocard of St. Peter's relates that St. John enjoyed the beauties of nature and often took his monks with him out into the open countryside, either to pray among the rocks and woods or to relax by working in the fields, or simply just to go for a walk, for John was very human. Everybody would set out together across the fields, along with a few lay friends and benefactors. They usually stopped by a small spring and had a light picnic on the grass. John generally took nothing, but he liked to entertain his monks (manuscript at Ubeda).

To a monk who asked him why he sent them out so often, John replied: "I'm afraid that you might want to run away if I left you shut up in the monastery for too long." But these outings were contemplative. Both by word and example, St. John led his monks in prayer. As soon as they arrived at a beautiful place John began to sing the praises of the wonders of creation that were spread out before him. He went into raptures over the beauties of nature, which were a reflection of divine beauty. He saw God reflected in the flowers of the field (manuscript in the Vatican). And yet he later wrote: "It is all ugliness."

One day he took his monks to the bank of a river, and while they enjoyed themselves in cheerful recreation, St. John sat at the water's edge and watched the little fish flashing about in the clear water. Suddenly he called to his companions: "Come and see these little creatures of God. How well they worship the Almighty!" Seized with divine enthusiasm, the saint gradually lost consciousness and went into ecstasy. The monks withdrew in silence (manuscript in the Vatican).

This austere saint--"terrible, bleeding, his eyes cold and dry"-- nevertheless pampered his brothers when they were sick. If one of them had no appetite, John would at once buy the finest delicacies and try to tempt him with them. While prior at Granada, he offered a convalescent all sorts of tidbits, and when the patient refused them, he said: "Very well, my son. I'll prepare something special for you myself and use one of my own recipes." He sent for a small fowl, which he lovingly prepared himself and then served it to the sick man. "I'm sure you'll find it good," he said. The patient devoured the dish with a good appetite (History, Fr. Jerome of St. Joseph).

For a time St. John was reconciled to the general of his order. He became vicar provincial of Andalusia in 1585 and three years later prior at Segovia, and established several new monasteries in the next few years.

St. John also loved the little people. The barber of Segovia, an honest man who was deeply impressed by the poverty of the monks, refused any payment for his services and was even reluctant to take a meal at the monastery, fearing that his portion might belong to one of the monks. One day he tried to leave before he could be invited to join them for a meal, but John caught up with him, urged him to stay and eat, and added with a touch of mischief: "Unless you are forbidden to eat fish." When he left Segovia John insisted on paying a farewell visit to the devoted barber (manuscript in the library of Madrid).

John even looked after his saintly mother by entrusting her to the care of the Carmelite nuns. Catalina Alvarez died and was buried at the Carmel of Medina del Campo. With her son Francis, she had helped John from the very first in his reform of the Carmel at Duruelo and assisted him in restoring the ruins of the first monastery of the Discalced Carmelites.

John was very fond of his brother Francis. He kept him at his side and relied heavily on him. When he went to preach and hear confessions in the poor and deserted parishes in the neighborhood-- which he did quite often--he took Francis with him as his travelling companion. He made Francis his confidant, and it is thanks to him that we know of John's vision in which he asked Christ to "let us suffer, be despised and held as nothing for your sake."

A short while before his death, Francis returned to Segovia. John had sent for him, for he knew that they would not see each other again on this earth and so he wanted to spend a few days with him. They spent long hours talking together, and when after two or three days Francis decided to return to Medina, John said: "Don't be in such a hurry. Who knows when we'll ever see each other again?"

Disputes broke out once again among the Spanish Carmelites, and St. John withdrew to complete solitude during the last year of his life (1591). The Madrid chapter general deprived him of all his offices and sent him as a simple monk to La Penuela because of his support of the moderate faction in the Discalced Carmelites. John had been threatened by expulsion from the new order he had so tenaciously fought to establish.

Worn out, John was sent to the monastery of Ubeda. On the way his travelling companion, alarmed at seeing that the old man could not eat anything, said: "But what would you like to eat, Father?" "Nothing," replied John, "or perhaps some asparagus, if you have any." Think of it! Asparagus! It's a luxury in Spain. John, the "Doctor of Nothing" was asking, almost challenging God to send him his treat. And there, upon the parapet of a bridge, was a bunch of asparagus. Someone must have left it there providentially or lost it. John, in a gesture of supreme delicacy, told his companion to leave some money in payment.

And so what are we to conclude? What John wanted to say when he wrote in the prologue to The Living Flame of Love: "O Lord, you love discretion, light and love more than works. Therefore these pages will give discretion to those who wish to advance, light to lighten the way, and above all, they will give love."

Discretion, common sense, balance. The uncomfortable but vital balance of the man who, with God's help, detaches himself from the world but without becoming attached to his own detachment. The balance of the man who, with God's help, sees God in nature and loves Him through it. The balance of John who found everything in God:

Mine are the heavens and the earth,
Mine are the people,
The just and the sinners are mine;
The angels are mine
And the Mother of God
And all things are mine
God himself is mine
For Christ is mine.


(Bentley, Encyclopedia, McDonnell).

In art St. John is represented as a Carmelite writing before the crucifix. There is a cross in the heavens from which light descends. Sometimes the picture will show (1) an eagle at his feet with a pen in its beak; (2) him blessed by the Virgin and Child; (3) him kneeling before the picture Ecce Homo, which speaks to him; or (4) him holding a statue of the Virgin (Roeder). 



Pietro Novelli. La Vierge du Carmel et l’Enfant Jésus avec les fondateurs du Carmel : 


St. John of the Cross, Confessor

From his life prefixed to his works; Villefore’s life of St. Teresa, t. 1, pp. 292, 318, t. 2, p. 132. See his life compiled by F. Honoratus of St. Mary, the judicious critic of the same Order, in 12mo. and more at large by F. Dositheus of St. Alexis, in two vols. 4to. Paris, 1727

A.D. 1591

ST. JOHN, by his family name called Yepes, was youngest child of Gonzales of Yepes, and born at Fontibere, near Avila, in Old Castile, in 1542. With his mother’s milk he sucked in the most tender devotion to the Blessed Virgin, and was preserved from many dangers by the visible protection of her intercession. The death of his father left his mother destitute of all succours with three little children, with whom she settled at Medina. John learned the first elements of letters at a college. The administrator of the hospital, delighted with his extraordinary piety, employed him in serving the sick; an office which was very agreeable to the devotion of the youth, who acquitted himself with the feeling of charity much above his years, especially when he exhorted the sick to acts of virtue. He practised, at the same time, excessive austerities, and continued his studies in the college of the Jesuits. At twenty-one years of age, to satisfy his devotion to the mother of God, he took the religious habit among the Carmelite friars at Medina, in 1563. Never did any novice give greater proofs of obedience, humility, fervour, and love of the cross. His zeal, far from abating after his novitiate, was continually upon the increase. When he arrived at Salamanca, in order to commence his higher studies, the austerities which he practised were excessive. He chose for his cell a little dark hole at the bottom of the dormitory. A hollow board, something like a grave, was his bed. He platted himself so rough a hair shirt, that, at the least motion, it pricked his body to blood. His fasts and other mortifications were incredible. By these means he studied to die to the world and to himself: but by assiduous prayer and contemplation in silence and retirement, he gave wings to his soul. He lays down in his works as a fundamental maxim of perfection, that a person study, in the first place, to do all actions in union with those of Jesus Christ, desiring to imitate him, and to put on his spirit. This was his own practice. His second rule was to mortify his senses in all things, denying them whatever did not seem most to contribute to the glory of God, whether in his hearing, seeing, or other senses. It was his desire to be a lay-brother, but this was refused him. He had distinguished himself in his course of theological studies, when, in 1567, being twenty-five years old, he was promoted to the priesthood. He prepared himself to offer his first sacrifice by humiliations, fasts, penitential tears, fervent prayers, and long meditations on the sufferings of our Divine Redeemer; deeply imprinting his precious wounds in his heart, and sacrificing himself, his will, and all his actions with his Saviour, in raptures of love and devotion. The graces which he received from the holy mysteries, inflamed him with a desire of greater retirement; for which purpose he deliberated with himself to enter the Order of the Carthusians.

St. Teresa was then busy in establishing her reformation of the Carmelites, and coming to Medina del Campo heard of the extraordinary virtue of brother John. Whereupon she desired to see him, admired his spirit, and told him that God had called him to sanctify himself in the Order of our Lady of Mount Carmel: that she had received authority from the general to found two reformed houses of men, and that he himself should be the first instrument of so great a work. Soon after, she founded her first monastery of men in a poor house in the village of Durvelle. John, who had acquiesced in her proposal, entered this new Bethlehem, in a perfect spirit of sacrifice, and about two months after was joined by some others, who all renewed their profession on Advent Sunday, 1568. This was the beginning of the Barefooted Carmelite Friars, whose institute was approved by Pope Pius V. and, in 1580, confirmed by Gregory XIII. So great were the austerities of these primitive Carmelites, that St. Teresa saw it necessary to prescribe them a mitigation. The odour of their sanctity in their poor obscure house spread over all Spain; and St. Teresa soon after established a second convent at Pastrane, and, in 1568, a third at Manreza, whither she translated that from Durvelle, and, in 1572, a fourth at Alcala. The example and the exhortations of St. John inspired the religious with a perfect spirit of solitude, humility, and mortification. His wonderful love of the cross appeared in all his actions, and it was by meditating continually on the sufferings of Christ that it increased daily in his soul: for love made him desire to resemble his crucified Redeemer in all manner of humiliations and sufferings. And Almighty God, to purify his heart from all natural weaknesses and attachments, made him to pass through the crucible by the most severe interior and exterior trials; which is his ordinary conduct towards those souls which he prepares to raise to an eminent sanctity, and to enrich with his extraordinary graces.

St. John, after tasting the first sweets of holy contemplation, found himself deprived of all sensible devotion. This spiritual dryness was followed by interior trouble of mind, scruples, and a disrelish of spiritual exercises, which yet he was careful never to forsake. The devils at the same time assaulted him with violent temptations, and men persecuted him by calumnies. But the most terrible of all these pains was that of scrupulosity and interior desolation, in which he seemed to see hell open, ready to swallow him up. He describes admirably what a soul feels in this trial in his book called The Obscure Night. This state of interior desolation, contemplative souls, in some degree or other, first pass through before their hearts are prepared to receive the communication of God’s special graces. By it our saint obtained a perfect poverty and nakedness of spirit, freed from all the refined passions of self-love, and an excellent conformity to the holy will of God, which can only be built on the destruction of self-will, a heroic patience, and a courageous perseverance. After some time certain rays of light, comfort, and divine sweetness scattered these mists, and translated the soul of the servant of God into a paradise of interior delights, and heavenly sweetness. This was again succeeded by another more grievous trial of spiritual darkness which spread, itself over his soul, accompanied with interior pains and temptations, in which God seemed to have forsaken him, and to be become deaf to his sighs and tears. So violent was his sorrow in this state of privation, that it seemed he must have died of grief if God had not supported him by his grace. In the calm which followed this terrible tempest he was wonderfully repaid in divine comforts. Surrounded with a new light he saw clearly the incomparable advantages of suffering, especially by the severest interior trials; he saw how by them the soul is purified from imperfections; he now enjoyed a continual sweet presence of God, was always recollected, and felt in his heart a most ardent love of God, and vehement desire to imitate Jesus Christ in his sufferings, to carry his cross, to meet him under his humiliations, and to serve his neighbour for his sake: he found in himself an invincible courage, enjoyed a sovereign peace, and was often raised to the divine union in sweet love, which is the sublimest elevation of supernatural contemplation. This love with which his heart burned, was often accompanied with an excess of spiritual joy, in which his soul was penetrated with, and, as it were, drowned in a torrent of delights; yet with a pain which he called the wound of love. He explains this himself by saying, that the soul seems to herself wounded with repeated arrows of fire which leave her all consuming with love, and she is so inflamed as to seem to go out of herself, and to commence a new creature. His life was a continual vicissitude of crosses and privations, and of heavenly visits and caresses. He never received any extraordinary favour which was not preceded by some great tribulation; which is an ordinary conduct of the sweet providence of God in regard to his servants for their great spiritual advantage. God, in the sensible visits of his grace, draws a soul by his charms to run in the sweet paths of his love: but her virtue is chiefly perfected by tribulations. The brilliant diamond receives from the hammer and chisel its lustre and polish. Trials were, by grace, the chief instruments of the admirable perfection to which our saint arrived. St. Teresa made use of him to impart the spirit of her reform to the religious in all the houses which she established. The convent in which she had made her first profession at Avila, had always opposed her reformation. Yet the bishop of Avila thought it necessary that she should be made prioress there, to retrench at least the frequent visits of seculars. She sent for St. John, and appointed him the spiritual director of this house, in 1576. He soon engaged them to shut up their parlours, and to cut off the scandalous abuses which were inconsistent with a religious life of retirement and penance. Many seculars likewise put themselves under his direction, and he preached the word of God with wonderful unction and fruit. But God would be glorified by his sufferings, and to make them the more sensible to him, permitted his own brethren to be the instruments thereof, as Christ himself was betrayed by a disciple. The old Carmelite friars looked on this reformation, though undertaken with the license and approbation of the general, given to St. Teresa, as a rebellion against their Order; and, in their chapter at Placentia, condemned St. John as a fugitive and an apostate. This resolution being taken, they sent soldiers and sergeants who broke open his door, and tumultuously carried him to the prison of his convent; and, knowing the veneration which the people at Avila had for his person, removed him from thence to Toledo, where he was locked up in a dark noisome cell, into which no light had admittance but through a little hole three fingers broad. Scarcely any other nourishment was allowed him during nine months which he remained there, but bread, a little fish called sardines, and water. He was released after nine months by the credit of St. Teresa, and by the protection of the Mother of God. In this destitute condition he had been favoured with many heavenly comforts, which made him afterwards say: “Be not surprised if I show so great a love for sufferings: God gave me a high idea of their merit and value when I was in the prison of Toledo.”

He had no sooner recovered his liberty but he was made superior of the little convent of Calvary, situate in a desert, and, in 1579, founded that of Baëza. In 1581, he was chosen prior of Granada, in 1585, vicar-provincial of Andalusia, and in 1588, first definitor of the Order. He founded at the same time the convent of Segovia. In all his employments the austerities which he practised seemed to exceed bounds; and he only slept two or three hours in a night, employing the rest in prayer, in presence of the blessed sacrament. He showed always the most sincere and profound humility and even love of abjection, an inimitable fervour and zeal for all the exercises of religion, and an insatiable desire of suffering. He used to say: “To suffer for the sake of God is the true characteristic of his love, as we see in Christ, and in the martyrs. And persecutions are the means to enter into the depth, or attain to the knowledge, of the mystery of the cross, a necessary condition for comprehending the depth of the wisdom of God and of his love.” Hearing Christ once say to him: “John, what recompense dost thou ask of thy labours?” He answered: “Lord, I ask no other recompense than to suffer and be condemned for thy love.” At the very name of the cross he fell into an ecstacy in the presence of mother Anne of Jesus. Three things he frequently asked of God: 1st, That he might not pass one day of his life without suffering something. 2dly, That he might not die superior. 3dly, That he might end his life in humiliation, disgrace, and contempt. The very name of the sufferings of Christ, or sight of a crucifix, threw him into raptures of sweet love, and made him melt in tears. The passion of our Redeemer was the usual subject of his meditations, and he exceedingly recommends the same to others in his writings. His confidence in God made him often give his own necessaries to the poor, and deserved miraculous supplies for his monasteries. This firm confidence in divine providence he called the patrimony of the poor, especially of religious persons. The love of God so powerfully possessed his soul, and its fire was so violent that his words sufficed to kindle a flame in others. He was frequently so absorbed in God that he was obliged often to offer violence to himself, to treat of temporal affairs, and sometimes when called out from prayer was incapable of doing it. Coming to himself from sudden raptures, he would cry out with words, as it were of fire: “Let us take wing and fly on high. What do we here, dear brethren? Let us go to eternal life.” This love appeared in a certain brightness which darted from his countenance on many occasions, especially when he came from the altar, or from prayer. A person of distinction was one day so moved with the sight of it, perceiving the heavenly light of his face to dazzle his eyes, and pierce his heart with divine love, that on the spot he took a resolution to renounce the world, and embraced the Order of St. Dominick. A lady coming to confession to him was so struck with a heavenly light which shone from his countenance and penetrated her soul, that she immediately laid aside her jewels and gawdy attire, and consecrated herself to God in strict retirement, to the astonishment of the whole city of Segovia. His heart seemed an immense fire of love, (to use his expression in his Flame of Divine Love) which could not contain itself within his breast, but showed itself by these exterior marks. His love of his neighbour was no less wonderful, especially towards the poor, the sick, and sinners; his continual tenderness and affection for his enemies, and the benefactions and kindness with which he always studied to return good for evil, were most admirable. For fear of contracting any attachments to earthly things, he was a rigorous observer and lover of poverty. All the furniture of his little cell or chamber consisted in a paper image and a cross made of rushes, and he would have the meanest beads and breviary, and wear the most threadbare habit he could get. A profound sentiment of religion made him bear an extreme respect to whatever belonged, even remotely, to churches, or to the service of God. The same motive of the honour of God sanctified all his actions. He employed many hours every day and night in prayer, and often before the blessed sacrament with extraordinary fervour. True devotion he described to be humble, not loving to be lofty: silent, not active; without attachment to anything; without singularity or presumption, full of distrust in itself, following with ardour simple and common rules. By experience in spiritual things and an extraordinary light of the Holy Ghost, he had a singular gift in discerning spirits, and could not be easily imposed upon in what came from God. He discovered, by the first examination, that the pretended visions of a certain woman were only illusions; and the same of a nun in Portugal. In 1591, the chapter of his Order met at Madrid, in which St. John opposed too severe measures used in the punishment of disobedience against Father Gratian, who had been a great assistant to St. Teresa; and likewise strenuously spoke against a motion supported by some of the chiefs for casting off the direction of the Teresian nuns. This gave offence to some whom envy and jealousy had indisposed against him, and by their means the servant of God was thrust out of all employments in his Order. It was with joy that he saw himself in disgrace and at liberty, and he retired into the little solitary convent of Pegnuela, in the mountains of Sierra Morena. 1

God was pleased to finish his martyrdom by a second grievous persecution from his own brethren before his death. His banishment to Pegnuela he thought his happiness, and always excused and commended father commissary and the other authors of his disgrace, and hindered all others from writing to the vicar-general of the injustices done him. There were in the Order two fathers of great authority, who declared themselves his implacable enemies, harbouring malice and envy in their breasts, which they cloaked under the sanctified name of holy zeal. They were puffed up with an opinion of their learning, and with the applause which they acquired by their talents in the pulpit, on which pretence they neglected all the duties of their rule. St. John, when provincial of Andalusia, after frequent admonitions of this irregularity, which tended to the destruction of religious discipline in their Order, finding no other remedy took effect, forbade them to preach, and confined them to their convents. Instead of humble submission they were stung with bitter gall in their hearts, and regarded this treatment as an unjust and unreasonable impediment to the exercise of their zeal, for which they thought themselves qualified: as if any other disposition than that of distrust in themselves and perfect humility could draw down the blessing of God upon their functions. This presumption hurried them blindly into many other more grievous sins, which passion palliated under the names of virtues. In the saint’s disgrace, one of them, called F. Diego Evangelista, ran over the whole province to beg and trump up accusations against the servant of God, and boasted that he had sufficient proofs to have him expelled the Order. The saint said nothing all this while only that he was ready to receive with joy any punishment. Every body at that time forsook him; all were afraid of seeming to have any commerce with him, and burned the letters which they had received from him, lest they might be involved in his disgrace. St. John had no other comfort or refuge but prayer, in which the abundant consolations of the Holy Ghost rendered his sufferings sweet to him. This storm ceased when the informations of Diego were laid before the superiors; for had they been all true, they amounted to nothing which deserved any chastisement. The sweetness of the divine love and peace which overflowed the soul of the servant of God all this time, filled him with interior joy, which increased in proportion as he was more abandoned by creatures. “The soul of one who serves God,” says the saint, 2 “always swims in joy, always keeps holiday, is always in her palace of jubilation, ever singing with fresh ardour and fresh pleasure, a new song, of joy and love.”

St. John, living in the practice of extreme austerities, and in continual contemplation, fell sick, and when he could no longer conceal his distemper, the provincial ordered him to leave Pegnuela, that place being destitute of all relief, and gave him the choice either to go to Baëza or to Ubeda. The first was a very convenient convent, and had for prior an intimate friend of the saint. The other was poor, and F. Francis Chrysostom was prior there, the other person whom he had formerly corrected, and who was no less his enemy than F. Diego. The love of suffering made St. John prefer this house of Ubeda. The fatigue of his journey had caused his leg to swell exceedingly, and it burst in many places from the heel quite to the knee, besides five ulcers or wounds under his foot. He suffered excessive pains from the violence of the inflammation, and from the frequent incisions and operations of the surgeons, from the top to the bottom of his leg. His fever all this time allowed him no rest. These racking pains he suffered three whole months with admirable patience, in continual peace, tranquillity, and joy, never making the least complaint, but often embracing the crucifix, and pressing it close upon his breast when the pain was very sharp. The unworthy prior treated him with the utmost inhumanity, forbade any one to be admitted to see him, changed the infirmarian because he served him with tenderness, locked him up in a little cell, made him continual harsh reproaches, and would not allow anything but the hardest bread and food, refusing him even what seculars sent in for him; all which the saint suffered with joy in his countenance. God himself was pleased to complete his sacrifice, and abandoned him for some time to a great spiritual dryness, and a state of interior desolation. But his love and patience were the more heroic. God likewise stretched out his hand to bring the dove into the ark when she seemed almost sinking in the waters, overwhelming his chaste soul again with the torrent of his delights with which he so often strengthened the martyrs, converting their torments into pleasures. The provincial happening to come to Ubeda a few days before his death, was grieved to see this barbarous usage, opened the door of his cell, and said, that such an example of invincible patience and virtue ought to be public, not only to his religious brethren, but to the whole world. The prior of Ubeda opened his eyes, begged the saint’s pardon, received his instructions for the government of his community, and afterwards accused and condemned himself with many tears. As for the saint himself, we cannot give a better description of the situation of his holy soul in his last moments than in his own words, where he speaks of the death of a saint: 3 “Perfect love of God makes death welcome, and most sweet to a soul. They who love thus, die with burning ardours and impetuous flights, through the vehemence of their desires of mounting up to their beloved. The rivers of love in the heart now swell almost beyond all bounds, being just going to enter the ocean of love. So vast and so serene are they that they seem even now calm seas, and the soul overflows with torrents of joy, upon the point of entering into the full possession of God. She seems already to behold that glory, and all things in her seem already turned into love, seeing there remains no other separation than a thin web, the prison of the body being almost broken.” Though the Holy Ghost varies his operations and gifts in his servants, this seems the exact portraiture of the soul of our saint upon the point of leaving this world. Two hours before he died he repeated aloud the Miserere psalm with his brethren; then he desired one to read to him part of the book of Canticles, appearing himself in transports of joy. He at length cried out: Glory be to God; pressed the crucifix on his breast, and after some time said: Lord, into thy hands I commend my soul: with which words he calmly breathed forth his soul on the 14th of December, in 1591, being forty-nine years old, of which he had spent twenty-eight in a religious state. St. Teresa in her epistles and other works styles him a saint even before he had embraced her reformed Order, and says that he was one of the most pure souls in the church, to whom God had communicated great treasures of light, and whose understanding he had filled with the science of the saints. Almighty God exalted him after his death by several miracles; amongst which the cure of a nun of the Annunciation, at Neuf-Chateau in Lorrain, struck with a palsy, in 1705, effected on the ninth day of a Novena of devotion to this saint, was juridically proved in the court of the bishop of Toul. St. John was canonized by Benedict XIII., in 1726, and his office in the Roman Breviary was appointed on this 24th of November. His body remains at Segovia. A history of his revelations, and many miracles, with an exact account of his writings, and mystical theology, may be read in his life by F. Dositheus of St. Alexis.

The spirit of Christianity is the spirit of the cross. To attain to, and to live by, pure love, we must live and die upon the cross, or at least in the spirit of the cross. Jesus merited all the graces we receive by suffering for us; and it is by suffering with him that we are best prepared to be enriched with them. Hence afflictions are part of the portion, which, together with the hundred-fold of his consolations, he has promised to his most beloved servants. His most holy and innocent mother bore a large share in all his sufferings. His apostles and other most faithful servants, in proportion to the high degree in which they stood in his favour, drank of this cup. Those souls which he has raised to the highest degree of familiarity in this life, he always prepared for that grace by severe trials. Dr. Henry Boudon, archdeacon of Evreux, whose progress in an interior life is manifest from his Reign of God in a Soul, and several other works, was attacked by slanders, persecuted by his own bishop, and expelled with so much infamy that scarcely was he able to find any one, even in distant provinces, that would receive him under his roof. He was, moreover, perfectly acquainted with the state of interior anguish and desolation; which he describes from his own experience in his Holy Paths of the Cross. M. de Bernieres Louvigni, a gentleman of Normandy, and treasurer of France at Caën, who trained up Dr. Boudon and other eminent clergymen, infused into them the maxims of true piety, and sent zealous missionaries into the East and West Indies, and other remote kingdoms, living always a layman in the world, was one of the most excellent contemplatives of the last century. The perfection of an interior life he attained by the most profound humility, perfect disengagement of his heart from earthly things, and assiduous prayer and holy meditation. Yet this preparation for those sublime graces would have remained imperfect, had not the good use of many severe afflictions completed the crucifixion of the old man in his heart. The same all the saints assure us by their own example. But in the divine love they found a recompence, which richly paid them for all its cost, this love being its own present reward, as it is a fire which is its own fuel.

Note 1. In this solitude he finished his mystical treatises, which compose his works, in two volumes, quarto. The two first, On the Obscure Night, and On the Ascent of Mount Carmel, treat on the interior trials and anguish by which a soul is purged from earthly affections, and prepared for supernatural prayer. In the others, called The Exposition of the Canticles, and the Living Flame of Love, he explains the operations of the Holy Ghost in the supernatural impressions and all the degrees of divine union in the said prayer. No pen indeed can describe those secret communications of a soul in that state; and none but he who has felt them, can ever be able to form any idea of them. For the satisfaction of such, St. John wrote these works; which are only proper for such spiritual persons, and may become hurtful in the hands of unexperienced persons, who are easily the dupes of their own imagination; and especially of enthusiasts, who abuse what they do not understand, to favour their own illusions. From the maxims of the most experienced doctors of mystic theology all may learn the advantage and necessity of interior trials, which are much more severe than all exterior tribulations, and than the labours and crosses of an apostolic life. By these God conducts souls to the perfect crucifixion of self-love, before they can be found worthy of his special favours. But such extraordinary graces are not necessary for the most perfect sanctity. They are easily subject to illusions and dangers, unless tried by perfect humility and obedience; and whatever in them does not sensibly increase sincere and perfect humility, is certainly illusion. Nor are they to be otherwise prized, than by the rule which St. Paul lays down concerning exterior gratuitous graces. No man can lawfully desire or seek them, (which is presumption and illusion:) no man can ever think himself the better for them, or prefer himself to others, which is pride; no man is to rely on them, but only on the divine law, and an humble obedience; and every one must be persuaded that crosses and tribulations are the royal and the only road to heaven, though God in his mercy, in condescension to our weakness, sweetens them with his presence, peace, and consolations.

  In books of devotion the errors of the False Mystics, or Quietists and Semi-Quietists, are carefully to be guarded against. The heresy and fanaticism of Quietism was broached by Michael Molinos, a Spanish priest, and spiritual director in great repute at Rome, who in his book entitled, The Spiritual Guide, established a system of perfect contemplation. It chiefly turns upon the following general principles. 1. That, perfect contemplation is a state in which a man does not reason, or reflect either on God or himself, but passively receives the impression of heavenly light without exercising any acts, the mind being in a perfect inaction and inattention, which this author calls Quiet. Which principle is a notorious illusion and falsity: for even in supernatural impressions or communications, how much soever a soul may be abstracted from her senses, and insensible to external objects, which act upon their organs, she still exercises her understanding and will, in adoring, loving, praising, or the like, as is demonstrable both from principle, and from the testimony of St. Teresa, and all true contemplatives. 2. This fanatic teaches, that a soul in that state desires nothing, not even her own salvation; and fears nothing, not even hell itself. This principle, big with pernicious consequences, is heretical; as the precept and constant obligation of hope of salvation through Christ, is an article of faith. The pretence that a total indifference is a state of perfection, is folly and impiety, as if solicitude about things of duty was not a precept; and as if a man could ever be exempt from the obligation of that charity, which he owes both to God and himself, by which he is bound above all things, to desire and to labour for his salvation, and the eternal reign of God in his soul. A third principle of this author is no less notoriously heretical, that in such a state the use of the sacraments and good works becomes indifferent; and that the most criminal representations and motions, in the sensitive part of the soul, are foreign to the superior, and not sinful in this elevated state; as if the sensitive part of the soul was not subject to the government of the rational or superior part, or as if this could be indifferent about what passes in it. Some will have it, that Molinos carried his last principles so far, as to open a door to the abominations of the Gnostics; but most excuse him from admitting that horrible consequence. (See F. Avrigny, honoré of S. Mary, &c.) Innocent XI. in 1687, condemned sixty-eight propositions extracted from this author as respectively heretical, scandalous, and blasphemous. Molinos was condemned by the inquisition at Rome, recalled his errors, and ended his life in imprisonment in 1696. See Argentre, Collect. judiciorum de novis erroribus, t. 3, part. 2, p. 402; Stevaert Prop. Damnat. p. 1.

  Semi-Quietism was rendered famous by having been for some time patronized by the great Fenelon. Madame Guyon, a widow lady, wrote An Easy and Short Method of Prayer, and Solomon’s Canticle of Canticles interpreted in a mystical sense, for which, by order of Lewis XIV., she was confined in a nunnery, but soon after enlarged. Then it was that she became acquainted with Fenelon; and she published the Old Testament with explanations; her own Life by herself, and other works, all written with spirit and a lively imagination. She submitted her doctrine to the judgment of Bossuet, esteemed the most accurate theologian in the French dominions. After a mature examination, Bossuet, bishop of Meaux, Cardinal Noailles, Fenelon, lately nominated archbishop of Cambray, and Mr. Tronson, superior of S. Sulpice, drew up thirty articles concerning the sound maxims of a spiritual life; to which Fenelon added four others. These thirty-four articles were signed by them at Issy in 1695, and are the famous articles of Issy. (See Argentre, Collectio judiciorum de novis erroribus, t. 3; Du Plessis, Hist. de Meaux, t. 1, p. 492; Mémoires Chronol. t. 3, p. 28.) During this examination, Bossuet and Fenelon had frequent disputes for and against disinterested love, or divine love of pure benevolence. This latter undertook in some measure the patronage of Madame Guyon, and, in 1697, published a book entitled The Maxims of the Saints, in which a kind of Semi-Quietism was advanced. The clamour which was raised drew the author into disgrace at the court of Lewis XIV. and the book was condemned by Innocent XII. in 1699, on the 12th of March, and on the 9th of April following, by the author himself, who closed his eyes to all the glimmerings of human understanding, to seek truth in the obedient simplicity of faith. By this submission he vanquished and triumphed over his defeat itself, and by a more admirable greatness of soul over his vanquisher. With the book, twenty-three propositions extracted out of it, were censured by the pope as rash, pernicious in practice, and erroneous respectively, but none were qualified heretical.

  The principal error of Semi-Quietism consists in this doctrine, that in the state of perfect contemplation, it belongs to the entire annihilation in which a soul places herself before God, and to the perfect resignation of herself to his will, that she be indifferent whether she be damned or saved; which monstrous extravagance destroys the obligation of Christian hope. The divine precepts can never clash, but strengthen one another. It would be blasphemy to pretend, that because God as a universal ruler suffers sin, we can take a complacence in its being committed by others. God damns no one but for sin and final impenitence: yet whilst we adore the divine justice and sanctity, we are bound to reject sin with the utmost abhorrence, and deprecate damnation with the greatest ardour; both which, by the divine grace, we can shun. Where then can there be any room for such a pretended resignation, at the very thought of which piety shudders? No such blasphemies occur in the writings of St. Teresa, St. John of the Cross, or other approved spiritual authors. If they are, or seem to be expressed in certain parts of some spiritual works, as those of Bernieres, or in the Italian translation of Boudon’s God Alone, these expressions are to be corrected by the rule of solid theology. Fenelon was chiefly deceived by the authority of an adulterated edition of the spiritual entertainments of St. Francis of Sales, published at Lyons in 1628, by Drobet. Upon the immediate complaint and supplication of St. Francis Chantal, and John Francis Sales, brother of the saint, then bishop of Geneva, Lewis XIII. suppressed the privilege granted for the said edition, by letters-patent given in the camp before Rochelle in the same year, prefixed to the correct and true edition of that book made at Lyons by Cœurceillys in 1629, by order of St. Francis Chantal. Yet this faulty edition, with its additions and omissions, has been sometimes reprinted; and a copy of this edition imposed upon Fenelon, whom Bossuet, who used the right edition, accused of falsifying the book. (See Mem. de Trev. for July, anno 1558, p. 446.)

  Bossuet had several years before maintained in the schools of Sorbonne with great warmth, that a love of pure benevolence is chimerical. Nothing is more famous in theological schools, than the distinction of the love of chaste desire and of benevolence. By the first, a creature loves God as the creature’s own good, that is, upon the motive of enjoying him, or because he shall possess God, and find in him his own complete happiness; in other words, because God is good to the creature himself both here and hereafter. The love of benevolence is that by which a creature loves God purely for his own sake, or because he is in himself infinitely good. This latter is called pure or disinterested love, or love of charity; the former is a love of an inferior order, and is said by most theologians to belong to hope, not to charity: and many maintain that it can never attain to such a degree of perfection as to be a love of God above all things; because, say they, he who loves God merely because he is his own good, or for the sake of his enjoyment, loves him not for God’s own increated goodness, which is the motive of charity; nor can he love him more than he does his own enjoyment of him, though he makes no such comparison, nor even directly or interpretatively forms such an act, that he loves him not more than he does his own possession of him, which would be criminal and extremely inordinate; so this love is good, and of obligation, as a part of hope, and it disposes the soul to the love of charity. Bossuet allowed the distinct motives of the loves of chaste desire and of benevolence; but said, no act of the latter could be formed by the heart, which does not expressly include an act of the former, because, said he, no man can love any good without desiring to himself at the same time the possession of that good, or its union with himself, and no man can love another’s good merely as another’s. This all allow, if this other’s good were to destroy or exclude the love of his own good. Hence the habit of love of benevolence must include the habit of the love of desire. But the act may be, and often is exercised without it, for good is amiable in itself, and for its own sake; and this is the general opinion of theologians. However, the opinion of Bossuet, that an act of the love of benevolence, or of charity, is inseparable from an actual love of desire, is not censured, but is maintained also by F. Honoratus of St. Mary, (Tradition sur la Contempl. t. 3, c. 4, p. 273.) Mr. Norris carries this notion so far as to pretend that creatures in loving God consider nothing in his perfections but their own good. (Letter 2, On Divine Love, p. 8.) Some advised Fenelon to make a diversion by attacking Bossuet’s sentiments and books at Rome, and convicting him of establishing theological hope by destroying charity. But the pious archbishop made answer that he never would inflame a dispute by recriminating against a brother, whatever might have seemed prudent to be done at another season. When he was put in mind to beware of the artifices of mankind, which he had so well known, and so often experienced, he made answer: “Let us die in our simplicity.” (Moriamur in simplicitate nostrâ.) On this celebrated dispute, the ingenious Claville (Traité du Vrai Merite) makes this remark, that some of those who carried the point, were condemned by the public as if they lost charity, by the manner in which they carried on the contest; but if Fenelon erred in theory, he was led astray by an excess in his desire of charity. By this adversity and submission he improved his own charity and humility to perfection, and arrived at the most easy disposition of heart, disengaged from everything in the world, bowed down to a state of pliableness and docility not to be expressed, and grounded in a love of simplicity, which extinguished in him everything besides. Those who admired these virtues in him before were surprised at the great heights to which he afterwards carried them; so much he appeared a new man, though before a model of piety and humility. As to the distinction of the motives in our love of God, in practice, too nice or anxious an inquiry is generally fruitless and pernicious: for our business is more and more to die to ourselves, purify our hearts, and employ our understanding in the contemplation of the divine perfections and heavenly mysteries, and our affections in the various acts of holy love, a boundless field in which our souls may freely take their range. And while we blame the extravagances of false mystics, we must never fear being transported to excesses in practice by the love of God. It can never be carried too far, since the only measure of our love to God is to love without measure, as St. Bernard says. No transports of pure love can carry souls aside from the right way, so long as they are guided by humility and obedience. In disputes about such things, the utmost care is necessary that charity be not lost in them, that envy and pride be guarded against, and that sobriety and moderation be observed in all inquiries; for nothing is more frequent than for the greatest geniuses in pursuing subtilties to lose sight both of virtue and of good sense and reason itself. See Bossuet’s works on this subject, (t. 6,) especially his Mystici in Tuto, in which he is more correct than in some of his other pieces; also Du Plessis (Hist. l’Eglise de Meaux, t. 1, p. 485.) The several lives of Fenelon, &c. [back]

Note 2. St. John of the Cross, Flame of love, p. 523. [back]

Note 3. Flamma vivi Amoris, p. 507. [back]

Rev. Alban Butler (1711–73).  Volume XI: November. The Lives of the Saints.  1866.


San Giovanni della Croce Sacerdote e dottore della Chiesa


Fontiveros, Spagna, c. 1540/2 - Ubeda, Spagna, 14 dicembre 1591

Sembra sia nato nel 1540, a Fontiveros (Avila, Spagna). Rimase orfano di padre e dovette trasferirsi con la mamma da un luogo all'altro, mentre portava avanti come poteva i suoi studi. A Medina, nel 1563, vestì l'abito dei Carmelitani. Ordinato sacerdote nel 1567 dopo gli studi di filosofia e teologia fatti a Salamanca, lo stesso anno si incontrò con santa Teresa di Gesù, la quale da poco aveva ottenuto dal priore generale Rossi il permesso per la fondazione di due conventi di Carmelitani contemplativi (poi detti Scalzi), perchè fossero di aiuto alle monache da lei istituite. Il 28 novembre 1568 Giovanni fece parte del primo nucleo di riformati a Duruelo, cambiando il nome di Giovanni di San Mattia in quello di Giovanni della Croce. Vari furono gli incarichi entro la riforma. Dal 1572 al 1577 fu anche confessore-governatore del monastero dell'Incarnazione di Avila. Venne erroneamente incolpato e incarcerato per otto mesi per un incidente interno al monastero. Fu in carcere che scrisse molte delle sue poesie. Morì a 49 anni tra il 13 e il 14 dicembre 1591 a Ubeda. (Avvenire)

Patronato: Mistici, Teologi mistici, Poeti

Etimologia: Giovanni = il Signore è benefico, dono del Signore, dall'ebraico

Martirologio Romano: Memoria di san Giovanni della Croce, sacerdote dell’Ordine dei Carmelitani e dottore della Chiesa, che, su invito di santa Teresa di Gesù, fu il primo tra i frati ad aggregarsi alla riforma dell’Ordine, da lui sostenuta tra innumerevoli fatiche, opere e aspre tribolazioni. Come attestano i suoi scritti, ascese attraverso la notte oscura dell’anima alla montagna di Dio, cercando una vita di interiore nascondimento in Cristo e lasciandosi ardere dalla fiamma dell’amore di Dio. A Ubeda in Spagna riposò, infine, nel Signore.

Nell’immaginario collettivo la grandezza di un uomo viene misurata e ammirata non solo per come ha saputo vivere la propria avventura umana, ma anche per il modo in cui ha affrontato le ore del supremo transito dagli affanni della vita mortale “all’altra riva” quella di Dio.

Il momento della propria morte: quello delle scelte definitive, cioè della “crisi” finale, che fa paura a tutti. Giovanni della Croce sul letto di morte, ai suoi confratelli che gli leggevano le preghiere dei moribondi, chiese qualcosa di più “allegro”: domandò espressamente qualche versetto del Cantico dei Cantici, un bellissimo e travolgente poema d’amore dell’Antico Testamento (che lui ben conosceva). Non andava forse incontro all’Amore?

Allora ci voleva qualcosa di più appropriato. Dopo la lettura Giovanni finì il cammino terreno pregando le parole “Nelle tue mani, Signore, affido, il mio spirito”. Cioè nelle mani di Dio Amore, per il quale era vissuto, aveva lavorato e sofferto, per quel Dio che lui aveva amato, predicato e cantato. Alcuni anni prima aveva scritto la poesia “Rompi la tela ormai al dolce incontro”. Ecco che cosa era la morte per lui: un “dolce incontro” con Dio Amore. Aveva 49 anni tutti spesi per Dio.

Numerosi sono i riconoscimenti avuti dai posteri. Prima cosa, e non è poco, è un Santo. Ma non solo: è Dottore della Chiesa (Dottore Mistico), cioè Maestro riconosciuto nelle cose di Dio. È un grande maestro di spiritualità valido ancora oggi. Ha anche il merito di essere stato un valido collaboratore di Teresa d’Avila (anch’essa Santa e Dottore della Chiesa) nella Riforma Carmelitana. Ma non basta. Per le sue poesie si è guadagnato un posto nella letteratura spagnola. È stato riconosciuto come “il più santo dei poeti spagnoli, e il più poeta dei Santi”.

Giovanni nacque a Fontiveros non lontano da Avila nel 1542 in una famiglia ricca di amore ma povera di mezzi materiali. È interessante notare il perché di tutto questo. Il padre, Gonzalo de Yepes, apparteneva ad una nobile e ricca famiglia di Toledo. Nei suoi viaggi d’affari incontrò Caterina, una tessitrice, orfana, povera e bella. Innamoratosi di lei, la sposò, per amore e contro la dura volontà dei parenti, ricchi, che per questo lo diseredarono. Gonzalo così diventò poverissimo, tanto che è Caterina stessa ad accoglierlo nella sua casetta, e ad insegnargli il mestiere di tessitore. Il loro matrimonio d’amore fu allietato dalla nascita di tre figli.

L’amore tra loro era grande, ma anche la povertà. Giovanni, il terzogenito, rimase presto orfano: Caterina dopo aver ricevuto uno sdegnoso rifiuto di aiuto dai parenti del marito, cercò lavoro a Medina del Campo, importante centro commerciale. Qui Giovanni fece i suoi primi studi e nello stesso tempo accettò di fare dei piccoli lavori: fu così apprendista sarto, falegname, intagliatore e pittore. Fece anche l’infermiere, sempre amorevole con i malati: in questo modo si pagava gli studi che contemporaneamente faceva nel collegio dei Gesuiti. Terminati brillantemente questi, nel 1563 entrò nell’Ordine Carmelitano: era ormai Fra Giovanni di San Mattia.

L’incontro con Teresa

Proprio per la sua intelligenza e la serietà di vita, i superiori lo inviarono a Salamanca, nella famosa Università. Qui Giovanni non solo crebbe nella conoscenza della filosofia e teologia, ma intensificò anche la propria vita spirituale, fatta di preghiera, di lunghe ore di contemplazione davanti al tabernacolo e di ascesi pratica. Si sentiva portato alla vita contemplativa ed è per questo che stava meditando di cambiare Ordine ed entrare tra i Certosini.

Ma poco prima di essere ordinato sacerdote, ecco l’incontro provvidenziale con una affascinante monaca carmelitana di nome Teresa di Gesù, di quasi trent’anni più di lui. Questa era una donna dalla forte personalità arrivata ormai alla piena maturità spirituale. Vi era giunta attraverso un lungo travaglio vocazionale e spirituale e proprio in quegli anni stava lavorando con successo alla riforma delle Carmelitane. In quel periodo stava anche pensando di estendere la riforma al ramo maschile dell’Ordine. Questo era molto importante per Teresa, perché gli uomini potevano legare la contemplazione del mistero di Dio alla missione. Potevano lavorare cioè non solo alla propria santificazione nel chiuso del convento ma anche per quella degli altri. Teresa espose a Giovanni il proprio progetto di riforma e gli chiese nello stesso tempo di soprassedere alla decisione di cambiare ordine. E questi accettò.

Nel 1568, Teresa finalmente riuscì a fondare il primo convento maschile, a Duruelo, presso Avila. Giovanni (che da questo momento si chiamerà Giovanni della Croce) iniziava così una forma di vita religiosa, condividendo con Teresa l’ideale di riforma della vita carmelitana. Anzi fu lei stessa a cucirgli il primo saio di lana grezza. Nascevano così i Carmelitani Scalzi.

In prigione a pane e acqua

Nel 1572, Teresa venne nominata priora del grande convento di Avila (non riformato), con 130 monache, alcune delle quali erano poco sante e molto turbolente. E volle accanto a sé per la loro rieducazione spirituale proprio Giovanni della Croce: confessore e direttore spirituale delle monache. I risultati spirituali furono brillanti grazie all’opera congiunta dei due santi riformatori. Ma nello stesso tempo, erano cresciuti anche i rancori e l’opposizione di alcuni carmelitani non riformati. C’era chi con il diavolo, molto interessato al naufragio del progetto, remava contro questa riforma. E ben presto si fecero sentire. Duramente e dolorosamente. Per un tragico intreccio fatto di incomprensioni, di giochi di potere, di dispute sulla giurisdizione religiosa, di ambizioni personali mascherate da argomenti teologici e difficoltà di comunicazione (lettere in ritardo).

Ma mentre Teresa (che aveva protettori molto in alto, addirittura in Filippo II) non venne toccata, la cattiveria umana si scatenò contro il povero Giovanni. Per ordine superiore, sotto l’accusa di essere un frate ribelle e disobbediente, fu arrestato e incarcerato in un convento a Toledo. Gli lasciarono in mano solo il breviario. Fu maltrattato, umiliato e segregato in un’angusta prigione, con poca luce e molto freddo. Nove mesi di prigione: a pane e acqua (e qualche sardina), con una sola tonaca che gli marciva addosso, con il supplemento di sofferenza (flagellazione) ogni venerdì nel refettorio davanti a tutti.

Divorato dalla fame e dai pidocchi, consumato dalla febbre e dalla debolezza, dimenticato da tutti. Ma non da Teresa (che protestò vigorosamente anche in alto, ma invano) e tanto meno da Dio. Sì Dio non solo non lo aveva dimenticato, anzi era sempre stato con lui, con la sua grazia. Giovanni sapeva che anche nella notte della prigione Dio era nel suo cuore, presentissimo in ogni istante.

E il miracolo avvenne. In una situazione che per molti versi e per molte persone poteva essere di collasso psico fisico e di naufragio spirituale, Giovanni della Croce (possiamo immaginare per un “input” dall’alto) compose, con materiale biblico, le più calde e trascinanti poesie d’amore, ricche di sentimenti, di immagini e di simboli. Vivendo in Dio e di Dio anche in quelle circostanze, egli attingeva così a Lui, fonte perenne di ogni novità e creatività, “anche se attorno era notte”.

Maestro di vita spirituale

Alla vigilia dell’Assunta del 1578, fuggì coraggiosamente dal carcere, rischiando seriamente la vita, qualora fosse stato preso.

Le sofferenze inaudite di 9 mesi di carcere non furono vane. Infatti, due anni dopo, i Carmelitani Scalzi ottennero il riconoscimento da Roma, che significava autonomia. Giovanni della Croce era finalmente libero di espletare il suo ministero con tutte le sue qualità di cui era dotato, influendo positivamente tutti: confratelli e monache Carmelitane (e molti laici) che lo conobbero o che lo ebbero come superiore o come confessore e direttore spirituale, negli anni seguenti fino alla morte.

Fu inviato anche al sud della Spagna, in Andalusia, dove il clima, la natura, l’assenza di contrasti e il successo della riforma di Teresa di Gesù (e sua) gli diedero il tempo e l’ispirazione per comporre la maggior parte delle opere di spiritualità, tanto da farne uno dei grandi maestri nella Chiesa.

Tra i suoi scritti ricordiamo, oltre il già citato Cantico Spirituale in poesia, la Salita al Monte Carmelo e la Notte Oscura. Pur avendo una solida formazione filosofica e teologica (il che lo aiutava certamente), ciò che Giovanni ha scritto non è tanto il risultato di sistematiche ricerche in biblioteca quanto il frutto della propria esperienza ascetica e spirituale.

Due tappe per crescere

È stato ed è un maestro di mistica perché fu lui stesso, nelle vicende gioiose e tristi della sua vita, un mistico. La fatica della salita del monte del Signore e la notte oscura delle difficoltà spirituali in questa aspra ascesa Giovanni le conosceva per esperienza. Ora, da essa arricchito e maturato, la proponeva agli altri, a noi.

Per Giovanni della Croce l’uomo è essenzialmente un essere in cammino, in perenne ricerca: di Dio naturalmente, essendo stato fatto da Lui e per Lui. Questo ritorno verso Dio egli lo immagina come la salita di una montagna, il Monte Carmelo, che rappresenta simbolicamente la vetta mistica, cioè Dio stesso nel suo amore e nella sua gloria. Per arrivare alla meta che è l’unione d’amore trasformante con Dio (o santità cristiana) l’uomo deve affrontare con coraggio e pazienza le due fasi o tappe, della educazione dei sensi (notte dei sensi) e del rinnovamento del proprio spirito (notte dello spirito) ambedue esperienze misteriose e dolorose di spoliazione interiore.

Con la notte dei sensi (attraverso un duro ed esigente impegno ascetico) l’anima si libera dall’attaccamento disordinato catturante e spiritualmente paralizzante delle cose sensibili, dal modo di giudicare e di scegliere basati sul proprio egoismo e sul proprio interesse immediato, sull’utilitarismo quotidiano nei rapporti interpersonali, sulle comodità di ogni genere e sull’abbondanza superba e gaudente. L’uomo dei sensi e quello totalmente prigioniero di un’unica prospettiva, quella terrena, difficilmente capirà le esigenze di Dio e del Vangelo.

Con la notte dello spirito invece ci si affranca dalle false certezze e dai falsi assoluti della propria intelligenza, affidandosi così totalmente e liberamente a Dio, attraverso l’esercizio delle virtù teologali, quali la fede e la speranza in Cristo, e la carità verso Dio e il prossimo. Si tratta del passaggio doloroso e lungo tanto che può durare tutta la vita dall’uomo “vecchio” all’uomo “nuovo”, da quello “terreno” a quello “spirituale”, da quello mosso dall’egoismo (la carne) a quello sospinto e motivato dallo Spirito, di cui parla San Paolo: un morire per rinascere in Cristo.

Farsi nulla per Dio per essere tutto in Lui

Giovanni della Croce parla di rinunce, di lasciare tutto, di nulla (quali sono le cose rispetto a Dio), di salita, di notte oscura, tutta una terminologia che caratterizza la vita spirituale secondo lui come un lavoro (di auto correzione e autocontrollo nelle proprie azioni e decisioni), un impegno serio, una fatica dura, una ascesi costosa, graduale e continua... che non si può realizzare dall’oggi al domani. Giovanni della Croce non comprende (e scoraggia) quelli che “scalpitano tanto... che vorrebbero essere santi in un giorno”. Non è possibile. Allora come oggi. Egli afferma che se l’anima vuole il Tutto (Dio), deve impegnarsi a lasciare tutto e a voler essere niente:

“Per giungere dove non sei, devi passare per dove non sei. Per giungere a possedere tutto, non volere possedere niente. Per giungere ad essere tutto, non volere che essere niente”.

Naturalmente per Giovanni la parola più importante in questo discorso spirituale non è rinuncia ma amore. Per lui non si tratta tanto di lasciare o rinunciare a qualcosa ma di amare Qualcuno. Egli invita a lasciare amori piccoli per un amore più grande anzi per l’Amore Totale che è Dio Trinità. Amore è la parola decisiva: amore di Dio per noi, amore della creatura per Dio, visto come risposta alla nostra ricerca di amore, fino a consumarsi nel Dio Amore (unione sponsale o mistica). E Giovanni della Croce si è consumato nell’amore per Dio Amore fino alla fine che arrivò il 14 dicembre 1591 in Andalusia, a Ubeda.

Ad una monaca che gli aveva scritto accennando alle difficoltà che egli aveva sofferto rispose:

“Non pensi ad altro se non che tutto è disposto da Dio. E dove non c’è amore, metta amore e ne riceverà amore”.

Un consiglio decisamente valido ancora oggi, per tutti.

Autore: Mario Scudu sdb



Josefa de Óbidos (1630–1684), Vision de Jean de la Croix, 1673, 


Voir aussi : Écrits de Saint Jean de la Croix :

La Montée du Carmel_(pdf) ;

La Nuit Obscure_(pdf) ;

La Vive Flamme d'Amour _(pdf) ;

Cantiques Spirituels de l'Ame et de Jésus-Christ_(pdf) ;

Sentences Spirituelles_(pdf) ;

Maximes Spirituelles_(pdf) ;

Lettres Spirituelles_(pdf)

ainsi que Vie et Oeuvre de saint Jean de la Croix : http://jesusmarie.free.fr/jean_de_la_croix.html

Monumento a San Juan de la Cruz en Ávila


LES ŒUVRES SPIRITUELLES DE SAINT JEAN DE LA CROIX nouvelle édition augmentée des LETTRES DU PÈRE BERTHIER SUR LA DOCTRINE SPIRITUELLE DE SAINT JEAN DE LA CROIX et précédée d'une lettre de M. ALBRAND, SUPÉRIEUR DU SEMINAIRE DES MISSIONS ÉTRANGÈRES. LIBRAIRIE CATHOLIQUE DE PERISSE FRÈRES (NOUVELLE MAISON)RÉGIS RUFFET ET Cie SUCCESSEURS, PARIS, 38, RUE SAINT-SULPICE. BRUXELLES, PARVIS SAINTE-GUDULE, 4. LYON (ancienne maison), RUE MERCIÈRE, 49. 1864. Numérisation : Abbaye Saint Benoît de Port-Valais :