Bienheureuse Agnès de
Jésus
Religieuse
dominicaine (+ 1634)
Née en 1602.
Agnes a Iesu Galand de Langeac (site du Vatican), béatifiée le 20 novembre 1994.
Une enfant du Puy-en-Velay, sous la protection de la Vierge Marie, Agnès modèle de prière, amante de l'Eucharistie, proche des pauvres, aime la vie et la fait aimer.
- Bienheureuse Agnès de Langeac, vidéo, diocèse de Saint-Flour
"Agnès aime particulièrement entourer les jeunes mamans quand naît leur enfant. Son aide est connue et elle est invoquée pour les grossesses difficiles et par les couples qui désirent un enfant."
voir sur le site du diocèse du Puy.
"En 1623, Sœur Agnès de Jésus Galand participe à la fondation du Monastère Sainte-Catherine de Sienne à Langeac... Elle meurt le 19 octobre 1634, laissant à ses sœurs la vocation particulière de prière pour les prêtres. Agnès a témoigné par sa vie que 'Dieu aime toujours'. Elle nous rappelle l'amour de Dieu pour tous. Elle a été béatifiée à Rome le 20 novembre 1994." (Moniales dominicaines de l'Ordre des Prêcheurs).
À Langeac en Auvergne, l'an 1694, la bienheureuse Agnès de Jésus (Galand),
vierge de l'Ordre des Prêcheurs. Prieure de son couvent, elle brilla d'un
ardent amour pour Jésus Christ et d'un grand zèle pour l'Église, offrant
continuellement prières et pénitences pour ses pasteurs.
Martyrologe romain
Allons mon âme, il faut
se tenir un petit quart d'heure devant Dieu et être bien attentive à lui...
SOURCE : https://nominis.cef.fr/contenus/saint/2034/Bienheureuse-Agn%C3%A8s-de-J%C3%A9sus.html
19 octobre
La vie de la bienheureuse
Agnès
Fondée en 1623, la
communauté compte parmi ses fondatrices une jeune fille du Puy en Velay, sœur
Agnès de Jésus Galand. Née le 17 novembre 1602, elle est reçue dans l’Ordre de
saint Dominique, comme tertiaire, en 1621. Elle aime à entourer les futures
mamans de sa sollicitude.
En 1623, elle participe à
la fondation du Monastère Sainte-Catherine de Sienne à Langeac et revêt l’habit
des moniales le 4 octobre. Dès 1627, elle exerce la charge de prieure. Par sa
prière et ses conseils, elle va guider Jean-Jacques Olier vers la fondation des
premiers séminaires de Saint-Sulpice.
Elle meurt le 19 octobre
1634, laissant à ses sœurs la vocation particulière de prière pour les prêtres
et pour la vie en ses commencements.
Agnès a témoigné par sa
vie que « Dieu aime toujours ». Elle nous rappelle l’amour de Dieu
pour tous. Elle a été béatifiée à Rome le 20 novembre 1994.
Les moniales dominicaines
de Langeac restent profondément attachées à la figure d’Agnès et maintiennent
vivant son héritage spirituel avec les sœurs dominicaines du Puy.
Visiter les photos pris par Manuel Cohen à Langeac et au
Puy.
SOURCE : http://dominicaineslangeac.fr/index.php/agnes-de-langeac/la-vie-dagnes-de-langeac/
19 octobre
AGNES DE LANGEAC
Une enfant du
Puy-en-Velay
Née le dimanche 17 novembre 1602 au foyer de Pierre Galand et Guillemette Massiote rue de louche au Puy-en-Velay, 3ème de 7 enfants, Agnès reçoit le baptême le lendemain au Baptistère St jean, près de la cathédrale.
Pierre Galand est un modeste artisan coutelier, profondément chrétien et membre
de la Congrégation de la Sainte Vierge. Sa femme est dentellière.
Sous la protection de la
Vierge Marie
Vers 7 ans, tandis
qu’elle monte à la Cathédrale, Agnès pense aux misères d’un homme supplicié
qu’elle a vu et qui a bouleversé son cœur. Elle a prié pour lui toute la nuit.
Au cours de l’eucharistie, elle entend ces paroles au fond du cœur : ”
Rends-toi esclave de la Sainte Vierge et elle te protègera. ” Nous pourrions
traduire : ” Donne-toi toute à marie et elle te protègera. ” Elle se donne
alors tout entière à la Vierge Marie. En signe de cette consécration, elle
prend dans l’atelier de son père une chaîne qu’elle, portera autour de la
taille.
Agnès modèle de prière
Comme elle entend son
maître d’école lui dire qu’il faut toujours aimer Dieu, elle en demande le
moyen à son premier confesseur. ” Passe de longs moments en silence dans ta chambre
et pense à Jésus. ” Agnès sait y mettre le prix. Pour arriver au but poursuivi,
elle commence sa prière en se mettant en présence de dieu, disant en
elle-même : ” Allons mon âme, il faut se tenir un petit quart d’heure
devant Dieu et être bien attentive à lui. ” Et le quart d’heure largement
écoulé : ” Poursuivons et passons à la demi-heure. ” S’entraînant encore,
elle arrive à l’heure entière et bien au-delà.
Une amante de
l’Eucharistie
Dès l’âge de 8 ans, Agnès
est admise à la première communion, ce qui est exceptionnel à cette époque.
Jésus Eucharistie devient le Tout de sa vie.
Proche des pauvres
Dans la prière, Agnès a
son cœur tout près des pauvres. Très inventive elle ne manque pas d’idées pour
secourir tous ceux qu’elle rencontre dans les rues du Puy. Très jeune elle
donnait son pain ou son goûter. Disposant des petits gains de la dentelle, elle
obtient aussi de faire l’aumône au nom de sa famille se servant très largement.
Aimer la vie et la faire
aimer
Agnès aime
particulièrement entourer les jeunes mamans quand naisse leur enfant. Son aide
est connue et elle est invoquée pour les grossesses difficiles et par les
couples qui désirent un enfant. C’est en 1952 à Langeac par son intercession
qu’une maman accouche alors que sa vie et celle du bébé étaient en danger. Le
miracle est reconnu et obtient la béatification d’Agnès à Rome en 1994.
Agnès dominicaine
Les frères prêcheurs se sont installés au Puy au 13ème siècle. St Laurent, l’église du couvent dominicain est proche de la maison d’Agnès. Elle y va fréquemment prier, participe aux offices, rencontre les frères. L’un d’eux, le Père Panassière, devient son Père Spirituel et la reçoit dans le Tiers Ordre Dominicain en avril 1621. Dans le cœur d’Agnès grandit un vif désir de se consacrer à Dieu par le don total d’elle-même dans la vie contemplative.
En 1623, à 21 ans, elle quitte le Puy pour la fondation du monastère nouvellement érigé à Langea c sous le vocable de Ste Catherine de Sienne.
Le 2 février 1625 Agnès fait profession entre les mains de sa prieure. La
Vierge Marie et St Dominique l’accompagnent. Très vite, voyant ses qualités,
c’est à Agnès que l’on demande de diriger la Communauté. Agnès entoure ses
sœurs d’une grande attention.+
Accéder au Site Internet
du Monastère de Langeac :
http://dominicaineslangeac.fr/
SOURCE : https://www.catholique-lepuy.fr/agnes-de-langeac/
Agnès de Jésus
Née le 17 novembre 1602
au Puy-en-Velay, Mère Agnès était attirée par la vie spirituelle à un âge
précoce. Elle entrait dans le nouveau monastère dominicain qui venait d’être
fondé à Langeac à l’âge de 21 ans et fut élue prieure à peine quatre ans plus
tard. Pour les Sulpiciens, Mère Agnès et les sœurs dominicaines de Langeac ont
toujours été une ressource et un réconfort spirituels importants. Mère Agnès a
joué un rôle important en encourageant la profondeur spirituelle et l’esprit
apostolique de M. Jean-Jacques OLIER, le futur prêtre fondateur des
Sulpiciens en 1641.
L’histoire raconte que
Mère Agnès eut une vision de la Vierge Marie en 1631 l’avisant de « prier
pour l’abbé de Pébrac ». A cette époque-là, M. OLIER ne connaissait
ni Pébrac, ni Mère Agnès bien qu’il eût reçu l’abbaye de Pébrac comme l’un des
bénéfices de sa charge comme jeune prêtre. En 1633, il se décida à aller
prêcher une mission en Auvergne et à aller faire connaissance tout
particulièrement de son abbaye. Pendant une retraite préparatoire à cette
mission, M. OLIER eut la vision d’une religieuse, inconnue de lui jusque
bien plus tard, qui priait pour l’abbé de Pébrac. Il allait bientôt découvrir
que c’était Mère Agnès.
Au cours de sa visite à Pébrac, le père OLIER entendit parler de la grande prieure au couvent de Langeac situé à proximité et il décida d’aller la rencontrer. Il reconnut la jeune femme de sa vision. C’est ainsi que commença une relation spirituelle remarquable et intense, bien que brève jusqu’à la mort de Mère Agnès en 1634. Elle exhorta ce prêtre récemment ordonné à vivre plus près du Seigneur Jésus, à embrasser la croix du Christ et à développer une relation étroite avec la Vierge Marie. Le parloir où ils se rencontrèrent pour la première fois et au moins deux autres fois a été préservé et fait partie d’un musée dans le vieux couvent. Quelques extraits de lettres rédigées par l’un et l’autre ont aussi été préservés.
Elle lui donna un magnifique crucifix, qui fut plus tard perdu ou volé, mais
remplacé par les Sœurs dominicaines par une copie exacte. Elle lui souhaita de
« nombreuses croix » à porter dans sa vie. Ses mots furent
prophétiques, car M. OLIER a enduré de nombreuses épreuves et tribulations
au cours de sa vie et de son ministère.
Mère Agnès est morte le
19 octobre 1634 à l’âge de 31 ans. Son héritage –la promotion des vocations
sacerdotales-, cependant, se transmet dans ce même couvent dominicain de Sainte
Catherine où elle a vécu. Les sœurs consacrent maintenant leur vie à prier pour
les prêtres et, en particulier, pour les Sulpiciens qui ont pour ministère la
formation initiale et permanente des prêtres. La prieure actuelle est sœur
Christiane-Dominique op, et les Sulpiciens restent éternellement reconnaissants
à toutes les sœurs pour leurs prières et leur soutien.
Le pape Jean-Paul II a
béatifié Mère Agnès le 20 novembre 1994 et elle est devenue en France la
« mère spirituelle des séminaires ». Dans le calendrier liturgique
sulpicien, sa fête est célébrée le 19 octobre, avec la collecte du jour
suivante :
[*Dieu qui es Bon et Tout-Puissant, Tu as donné à la Bienheureuse Agnès de Jésus une grande compassion pour les pauvres et le souci de la formation des prêtres. Accorde-nous, par son intercession, d’accueillir avec une Foi vivante le Christ Crucifié et de Le faire connaître pour le salut de tous les hommes. Lui qui règne pour les siècles des siècles. Amen.*]
Il existe d’autres
publications sur Mère Agnès :
S. Marie DE LA TRINITÉ,
op. Agnès de Langeac : moniale dominicaine, mère spirituelle de J.-J.
Olier 1602-1634. 2nde éd. ; Langeac, 2001.
Arnaud BOYRE, Grand
Mémoire sur Agnès de Langeac. Arfuyen, 2004.
Agnès de Langeac :
Le souci de la vie et ses commencements. Actes du colloque de Langeac du
15 au 17 octobre 2004. Paris, Cerf, 2006.
HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE
JEAN-PAUL II
Dimanche 20 novembre 1994
1. “Benedetto il Regno
che viene” (cf. Mc 11, 10).
È Lui che viene, Cristo
Gesù, il testimone fedele, il Primogenito dei morti e il Principe dei re della
terra, colui che ci ama e ci ha liberati dai nostri peccati con il suo sangue
(cf. Ap 1, 5). È Lui che viene.
Ecco, Egli sta davanti al
tribunale di Pilato. Il governatore gli domanda: “Tu sei il re dei Giudei?” (Gv 18,
33).
Cristo risponde: “Il mio
Regno non è di questo mondo” (Gv 18, 36).
Pilato insiste: “Dunque
tu sei re?” (Gv 18, 37).
E Gesù: “Tu lo dici; io
sono re. Per questo io sono nato e per questo sono venuto nel mondo: per
rendere testimonianza alla verità. Chiunque è dalla verità, ascolta la mia
voce” (Ivi).
2. Ogni anno, in questa
domenica che conclude l’intero ciclo liturgico, siamo convocati, per così dire,
al cospetto di Cristo Re dell’universo. Egli non è re nel senso temporale della
parola, ma regna sovrano mediante la verità alla quale ha reso
testimonianza. Di questo Regno di Cristo ci parlano tutti coloro che ascoltano
la sua voce. Coloro che vivono della sua verità. In particolare, con
singolare eloquenza, ne parlano coloro che vivono della verità di Cristo in
modo eroico.
Nell’odierna
solennità la Chiesa eleva alla gloria degli altari, come beati, alcuni di
questi testimoni della verità di Cristo. Essi sono: - Hyacinthe-Marie
Cormier, domenicano - Marie Poussepin, fondatrice della Congregazione delle
Domenicane della Presentazione della Beata Vergine Maria. - Agnès de Jésus Galand de Langeac,
domenicana - Eugénie Joubert, della Congregazione delle Suore della Sacra
Famiglia, e - Claudio Granzotto, francescano.
3. Témoin de la vérité du
Christ, le Père Hyacinthe-Marie Cormier l’a été à l’école de saint
Dominique. Béni soit Dieu qui nous donne de réunir ce matin en une seule
célébration des membres de trois branches de la grande famille dominicaine, si
fortement attachée à la prédication de la Vérité! La vérité n’est pas une
notion abstraite, c’est pour nous une Personne, la personne du Christ, Roi de
l’univers. Dans sa vie, le Père Cormier n’a cessé de vivre de la vérité et il
l’a transmise à tous ses frères dominicains avec humilité et persévérance.
N’avait-il pas associé la vérité à la charité dans sa devise: « Caritas
Veritatis »? Il disait en effet que donner la vérité est « la plus belle
charité ».
Dans le Père Cormier,
c’est le mouvement de l’intelligence humaine, éclairée par la foi, que l’Eglise
veut reconnaître et honorer. En effet, le fondateur de l’Université de l’«
Angelicum » nous rappelle que Dieu nous demande d’utiliser les facultés de
notre esprit, reflet du sien, pour lui rendre gloire. Homme assoiffé de vérité,
il sut également se donner à ses frères comme prieur, comme provincial et comme
Maître général de l’Ordre dominicain, dans le respect de ses traditions
séculaires. Il guida les fils de saint Dominique avec sagesse et compétence
pour les mener vers Dieu, pour faire d’eux de vrais enfants et de vrais témoins
du Royaume.
4. A l’œuvre de
l’intelligence croyante doit s’ajouter le témoignage de l’amour agissant, de la
charité qui ne passera jamais et demeurera dans l’« empire éternel » annoncé
par le prophète Daniel (Dn 7, 14). De cette charité active, Marie
Poussepin fut saisie dès son enfance et elle eut à cœur de se mettre au
service des plus démunis, dans le Tiers-Ordre dominicain de Dourdan, sa ville
natale. Elle savait, en effet, reconnaître la vive présence du Seigneur de
l’univers dans la personne des plus petits. Servir les pauvres, c’est vivre
déjà la béatitude du Royaume. Marie Poussepin voulut faire de sa vie tout
entière une offrande d’amour, comme le montre le texte des Constitutions
qu’elle donna aux Sœurs de charité dominicaines de la Présentation de la
Vierge, fondées par elle à Sainville. Avec ses compagnes, religieuses
apostoliques, elle décidait de travailler « pour l’utilité de la paroisse, pour
instruire la jeunesse et servir les pauvres malades ».
Le feu de l’amour que le
Christ est venu allumer sur la terre serait voué à s’éteindre si les familles
n’avaient à cœur de l’entretenir. En cette année qui leur est particulièrement
consacrée, Marie Poussepin livre un message de joie et d’espérance: née dans
une famille qui l’a portée et qu’elle a soutenue, elle est désormais proposée à
notre vénération comme une de nos sœurs en humanité, une fille de Dieu humble
et généreuse, capable de comprendre les problèmes que rencontre une famille et
de montrer également dans quelle direction il faut en chercher la solution:
dans l’amour qui jaillit du Cœur du Christ, Roi de l’univers.
5. La fécondité de
l’esprit de saint Dominique nous apparaît encore ce matin dans la figure d’une
contemplative, Agnès de Jésus, à qui
le Père Hyacinthe Cormier reconnaissait qu’il devait les débuts de sa vocation.
Un même amour du Christ, une même volonté de hâter la venue de son Royaume les
réunissait en effet. Mais ni le charisme de gouvernement et d’enseignement chez
le Père Hyacinthe, ni le feu de l’amour divin chez Marie Poussepin n’auraient
existé sans un profond esprit de contemplation et d’oblation tel que nous le
voyons chez Mère Agnès, moniale de Langeac. Elle aussi - il me plaît de le
souligner en cette Année de la Famille - a été très tôt éveillée à la soif de
Dieu dans sa famille.
Le Christ qui nous aime,
« qui nous a délivrés de nos péchés par son sang » (Ap 1, 6), l’a
conduite sur les chemins de la perfection en lui faisant sentir, dès son
enfance, la puissance de son amour rédempteur, la force de son pardon et la
lumière qu’il lui destinait. Bienheureuse en vérité, Agnès de Langeac qui a su
entrer sans la moindre réticence dans le projet de Dieu sur elle, offrir son
intelligence, sa volonté et sa liberté, au Fils de l’homme, pour qu’il les
transforme et les accorde totalement aux siennes!
«Tout ce qu’il vous
plaira!»: la devise de Mère Agnès montre bien sa disponibilité intérieure à
l’égard de la volonté divine. Le Christ est véritablement devenu le Roi de son
existence. «Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix», dit le
Seigneur (Jn 18, 37). Tel est bien le mouvement naturel de cette âme
passionnée de Dieu, de cette religieuse qui, de son monastère, eut une
influence déterminante sur l’action de Monsieur Olier en faveur des vocations
sacerdotales.
6. Sœur Eugénie
Joubert, religieuse de la Congrégation des Sœurs de la Sainte Famille du Sacré
Cœur, nous est proposée en vivant exemple de l’action de Dieu dans un cœur
humain. Chez elle aussi, l’éducation chrétienne fut décisive pour toute son
action à venir. Deux ans avant sa mort, au terme d’une brève existence
consacrée notamment à la catéchèse des tout-petits, elle laisse jaillir ce cri
du cœur: « Je veux être comme le tout petit enfant, porté dans les bras de sa maman
».
Le Règne du Christ peut
commencer dans le cœur d’un enfant. C’est ce qu’a compris Sœur Eugénie et c’est
pourquoi elle mit tant de soin à préparer les plus jeunes à la première
confession et à la première communion. Chacun, dès son plus jeune âge, est
appelé à rendre témoignage à la vérité. Sans cesse, l’Eglise fera retentir les
paroles du Seigneur: « Laissez venir à moi les petits enfants! » ( Mt 19,
14). Sans cesse elle le fera, car elle sait qu’aucun fils des hommes, aussi
pauvre et aussi humble soit-il, n’est indifférent à Dieu. Dans le Royaume,
chacun est appelé à entrer et les bienheureux, en nous y précédant, nous
montrent le chemin.
7. L’Amore per Cristo,
“Figlio dell’uomo”, ed il servizio al Regno di Dio, risplendono in modo
singolare nella vita del Beato Claudio Granzotto. Ultimo di nove figli,
imparò in famiglia il timore di Dio, la sincera pratica della vita cristiana,
la generosa solidarietà, la disponibilità al sacrificio e l’amore al duro
lavoro dei campi. Grazie alla sua docilità allo Spirito e ad una così incisiva
educazione familiare, l’esistenza terrena di Claudio Granzotto divenne
pellegrinaggio costante verso la santità fino alle vette della perfezione
evangelica.
Autentico figlio del
Poverello di Assisi, seppe esprimere la contemplazione dell’infinita bellezza
divina nell’arte della scultura, di cui era maestro, rendendola strumento
privilegiato di apostolato e di evangelizzazione. La sua santità rifulse
soprattutto nell’accettazione delle sofferenze e della morte in unione alla croce
di Cristo. È diventato così modello per i Religiosi nella totale consacrazione
di sé all’amore del Signore, per gli artisti nella ricerca della Bellezza di
Dio, per gli ammalati nell’amorevole adesione al Crocifisso.
8. “Tu sei re?” Sei
veramente re? (cf. Gv 18, 37) - chiede Pilato. Analoga domanda pongono i
vari “Pilato” dei nostri giorni. Quanti sono, quanti anche in questo nostro XX
secolo, coloro che hanno preteso di giudicare e di condannare a morte Cristo?
Il Signore, tuttavia,
oggi come allora, risponde, indicando quanti ascoltano la sua voce - quanti
“sono dalla verità”. Indica anche i nostri Beati odierni. In essi, infatti, si
è realizzato e manifestato il suo Regno.
“Colui che era e colui
che è - viene incessantemente” (cf. Ap 1, 8). Egli è il futuro
del mondo. A lui gloria nei secoli. Amen!
© Copyright 1994 -
Libreria Editrice Vaticana
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la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana
Agnès de Langeac (17
novembre 1602-19 octobre 1634)
La vie d’Agnès de Langeac
fut constamment ponctuée d’événements extraordinaires, tels que nos esprits
trop rationnels ont du mal à les accepter et les qualifieraient, soit de pures
légendes, soit de manifestations hystériques... Pourtant, Jean-Jacques Olier,
le fondateur de Saint Sulpice, fut très lié à Agnès de Langeac. Et il ne
viendrait à personne l’idée de contester, ni ses dires, ni son équilibre, ni sa
sainteté.
Les voies de Dieu sont
impénétrables. Devant ce qui nous surprend et qui demeure incompréhensible pour
nos esprits bornés, il nous faut savoir rester humbles, et nous redire que tout
est possible à Dieu, même l’impossible.
1. LA
VIE D’AGNÈS DE LANGEAC [1]
1-1-L’enfance d’Agnès
Agnès Galland, plus
connue sous le nom d’Agnès de Langeac, naquit le 17 novembre 1602, donc,
sous le Règne du roi Henri IV.
Il semble que, de 1605 à
1606, la petite Agnès ait eu, déjà, la vision de la Passion de Jésus. La petite
Agnès aimait les pauvres et n’hésitait pas à leur distribuer les biens de ses
parents. Mais le Seigneur multipliait le blé dans le grenier familial, ce qui
apaisait les colères de son père
De 1606 à 1610, Agnès est
confiée à Pierre Vigne-Sole, un jésuite dévôt au Saint Sacrement et à Marie.
Dès l’âge de sept ans, Agnès médite longuement, et sa contemplation l’ouvre sur
le monde invisible: c’est Jésus portant sa croix qui se montre le plus souvent
à elle. Son désir de l’Eucharistie est également intense, et il semble que,
déjà à cette époque, Agnès ait connu l’amour du Cœur Eucharistique de Jésus.
En 1611 Agnès fut
conduite jusqu’à un lieu où était exposé le corps d’un supplicié: elle en fut
profondément troublée, mais, le lendemain, une voix intérieure lui dit: “Rends-toi
esclave de la Sainte Vierge, et elle te protégera contre tes ennemis.” Trois
jours plus tard, Agnès faisait vœu de virginité.
1-2-L’adolescence
Ce qui domine, dans la
vie d’Agnès adolescente, de 1610 à 1619 environ, ce sont ses rencontres
fréquentes avec Jésus-Eucharistie, et sa fréquentation habituelle du monde
invisible, “avec la découverte de son ange gardien, les visions du Christ,
des anges, et de Marie, Reine des anges.” La vie mystique d’Agnès est
exceptionnelle, et ses mortifications sont déjà effrayantes. Par ailleurs, on a
prétendu, qu’à l’âge de douze ans, elle avait guéri, par attouchement, les
plaies d’un moissonneur mortellement blessé. C’est à cette époque qu’elle reçut
les stigmates invisibles, en méditant la Passion du Christ.
Mais, de 1617 à 1619,
l’esprit malin s’ingénie à troubler Agnès dans son oraison. Le jeune fille doit
aussi résister à son père qui veut la marier. Parallèlement elle vit
mystiquement les martyres de Saint Laurent et de Saint Étienne.
1-3-La jeunesse d’Agnès
Vers 1620 ou 1621, Agnès
entre dans le Tiers-Ordre dominicain. Le Père Gérard, dominicain venu au Puy
pour réformer le couvent des dominicains, devient le confesseur d’Agnès. Puis,
c’est le Père Panassière, un autre dominicain, qui devient son Père spirituel.
Troublé par ce qui se passe en Agnès, il l’oblige à renoncer à ses communions,
effectives ou spirituelles. Agnès obéit, et Jésus bénit son obéissance par une
transverbération, prélude d’une complète stigmatisation. Agnès reçoit aussi la
connaissance spirituelle de ses péchés, ainsi que le don des larmes... Par
ailleurs, les mortifications d’Agnès sont telles qu’elle tombe malade et son
directeur l’oblige à les alléger...
C’est à cette même époque
qu’Agnès, désirant entrer comme sœur converse au couvent de Langeac, en cours
de formation, doit effectuer un stage de six mois chez son frère boulanger.
Vers 1622, Agnès eut la première apparition d’une âme du purgatoire: il
s’agissait du père de son confesseur qui implorait le secours de sa prière.
Elle a maintenant 21 ans et entre dans la famille dominicaine en prenant
l’habit blanc du Tiers-Ordre.
À l’Épiphanie de 1623,
Agnès offrit son cœur à Jésus qui, en échange, lui donna le sien. Cet “échange”
mystique des cœurs est bien connu dans la vie de certains grands saints. Mais
bientôt Agnès est atteinte d’une étrange maladie qui durera neuf semaines. Elle
reçut l’extrême-onction; on la crut morte, mais le Samedi Saint 1623, elle
était guérie!...
1-4-Une religieuse
encombrante
Dès lors, le démon
s’acharne sur elle et la roue de coups. C’est aussi la
désolation spirituelle. Enfin, le 26 septembre 1623, Agnès est admise
comme sœur converse cuisinière, au monastère de Langeac. Agnès avait déjà
marché plusieurs fois sur les eaux... Maintenant, c’est une source miraculeuse
qui jaillit dans la cuisine: la jeune religieuse n’aura plus besoin d’aller
courir très loin pour rapporter l’eau dont elle avait besoin...
Les extases d’Agnès se
multiplient... Que faire de cette sœur encombrante? Le 28 septembre 1624, Agnès
devient sœur de chœur. Le démon continue de la persécuter, mais Jésus lui
envoie un petit agneau blanc qui la suit parfois dans le monastère. En décembre
de cette même année, elle se rend, en esprit, auprès d’une sainte mystique du voisinage:
Marie Jay, pour l’aider à mourir. Un jour elle dit à ses sœurs :
– Oh ! que j’ai
vu des religieuses bien plus belles que vous!
– Que nous
manque-t-il? rétorquèrent les sœurs.
– Eh ! répondit
Agnès en soupirant, il nous manque l’amour. Ayons la pureté de l’amour divin si
nous voulons être belles aux yeux de notre Époux.
En 1625 Agnès a vingt
trois ans. Son état reste toujours maladif, ses extases nombreuses. Elle fait
sa profession le 2 février. Fin mars, de nouveau on la croit morte, mais elle
revient à la vie: son ange gardien lui a signifié que sa présence était encore
nécessaire au monastère... Et puis le Seigneur la rassure en lui envoyant des
théologiens de haut niveau et experts des voies mystiques, tel le capucin
stigmatisé, disciple de saint Charles Borromée, Théodose de Bergame.
À partir de 1626, les
calomnies dont Agnès sera souvent victime commencent... Cependant, Agnès sera
nommée maîtresse des novices, puis vicaire en chef après la prieure. Les
calomnies se poursuivent, les miracles aussi, et des possédés sont délivrés.
Pendant le carnaval de
1628, Agnès souffrit de stigmates au côté avec d’importants saignements de sang
et des douleurs qui ne cessaient que pendant les quatre heures de l’oraison
quotidienne. Vers la fin de l’année, Agnès démasqua une fausse stigmatisée:
d’où, pour elle-même, des craintes d’être dans l’illusion. En 1629, Langeac fut
préservé de la peste et de la famine: Agnès avait demandé la construction d’une
chapelle dédiée à Saint Roch, sur une colline, au sud de la ville.
1-5-Agnès de Langeac et
Jean-Jacques Olier
En 1630 Agnès a 28 ans.
Elle fait toujours de nombreux miracles. De son côté, au cours de l’été 1630,
Jean-Jacques Olier connaissait une première conversion, au cours d’un
pèlerinage à Lorette.[2] En 1631, suite à de
nouvelles calomnies, Agnès est déposée de sa charge de prieure. Elle demande à
mourir, mais le Seigneur lui déclare :
– Tu m’es encore
nécessaire pour une âme que Je veux que tu m’obtiennes. Et la Vierge Marie
intercède à son tour pour Jean-Jacques Olier:
– Prie mon Fils pour
l’abbé de Pébrac.
Agnès priera et se
sacrifiera pendant trois ans pour obtenir la conversion de celui qui deviendra
Monsieur Olier, le fondateur des Sulpiciens.
Pendant ce temps, à
Langeac, on découvrait que les calomnies dont Agnès était victime n’étaient que
des calomnies et Agnès fut rétablie dans sa charge. De son côté, en mars 1633,
Mr Olier faisait une retraite, à Paris, chez les Lazaristes de Vincent de Paul.
Le 10 mars, Agnès lui apparut pour la première fois. Plus tard, alors qu’il
prêchait une mission en Auvergne, il se rendit plusieurs fois à Langeac. Un
jour, au parloir du couvent des dominicaines, Jean Jacques Olier reconnut Agnès
qui lui révéla sa mission: fonder, en France, des séminaires. Dès lors Agnès et
Mr Olier se reverront souvent. Bientôt Agnès prit Jean-Jacques Olier pour directeur
de conscience; mais qui, devant Dieu, fut véritablement le directeur de
l’autre?
En octobre 1634, Mr Olier
fut rappelé à Paris par le Père de Condren qui, à la demande d’Agnès, deviendra
son directeur spirituel.
Le 19 octobre 1634, Agnès
meurt. Son visage et son corps rayonnent de lumière. Mr Olier n’est pas averti
bien qu’il ait déjà reçu “en héritage”, l’ange gardien d’Agnès. À
partir du 1er novembre 1634, Agnès apparaîtra plusieurs fois à Monsieur Olier.
Elle lui parlera aussi en songe.
En mars 1808, le pape Pie
VII proclama l’héroïcité des vertus d’Agnès.
2.
AGNÈS DE LANGEAC ET SON ÉPOQUE
2-1-La grande détresse de
l’Église
Agnès de Langeac a vécu
durant la première moitié du XVIIe siècle. À sa naissance, le Concile de
Trente (1545-1563) était achevé depuis 40 ans, mais ses décisions étaient loin
d’être appliquées. La situation en France et dans d’autres pays de la
chrétienté, tant sur le plan matériel que sur le plan spirituel, était
catastrophique: les hérésies, les schismes, les guerres de religion avaient
laissé des ruines nombreuses. À cela il faut ajouter les guerres, les famines
et la peste... La pauvreté du peuple était grande. Et, naturellement, du sein
de toutes ces misères, sorcellerie, magie, superstitions, renaissaient
gaillardement.
L’ignorance du clergé
était quasi générale, les ordres religieux étaient en pleine décadence. En
effet, suite au Concordat de 1516, de nombreux biens de l’Église étaient tombés
aux mains de laïcs, souvent de grands seigneurs, qui s’attribuaient abbayes,
prieurés, hôpitaux, écoles, paroisses, etc... et en touchaient les bénéfices.
2-2-Pourtant l’espoir
renaît
Du milieu de toutes ces
détresses, soudain jaillissent des saintetés étonnantes.
Nombreuses sont les
personnes de la haute société, qui, comme Marie de Médicis, Isabelle
d’Autriche, Christine de Suède, Anne d’Autriche ou Louise de Marillac... vont
fonder ou parrainer de remarquables œuvres de charité: hôpitaux de la Charité,
de la Piété, etc... Des congrégations nouvelles se créent, destinées au soin
des malades ou à l’éducation des enfants pauvres. Citons seulement Saint
Vincent de Paul et ses filles de la Charité.
Les saints poussent comme
par miracle : c’est l’époque de Camille de Lellis (1550-1614), de Charles
Borromée, de François de Sales (1567-1622), de Vincent de Paul, de Gaston de
Renty (1611-1648), de saint Jean Eudes (1601-1680), d’Angèle Mérici, de Joseph Calazanz,
d’Alix Le Clerc (morte en 1640), de Philippe Néri, qui fonda l’Oratoire
italien, d’Agnès de Langeac, de Mr Olier, etc... Les confréries se multiplient,
les missions dans les campagnes françaises jouissent d’un renom sans précédent.
On envoie aussi des missionnaires dans tous les coins du monde...
Le plus difficile restait
cependant à faire: réformer les abbayes et enseigner et former le clergé. Le
Bienheureux Alain de Solminihac, d’abord abbé de Chancelade, puis évêque de
Cahors, (1593-1651) s’y employa dans la région du Quercy et dans son diocèse de
Cahors. D’autres noms sont à citer : Bourdoise, Vincent de Paul (les
Lazaristes) et Bérulle puis Condren (l’Oratoire de France qui restaura la
grandeur du sacerdoce dans l’esprit des chrétiens). Enfin, il ne faut pas
oublier le fils spirituel de Condren et d’Agnès de Langeac: Monsieur Olier, qui
fonda les Sulpiciens pour former les prêtres dans des séminaires.
Les courants spirituels
étaient nombreux, et curieusement Agnès de Langeac en connut plusieurs. Elle
fut d’abord accompagnée spirituellement par des jésuites. Elle devint
dominicaine, mais par ses maîtres elle reçut l’enseignement de Saint Ignace et
des saints du Carmel.
2-3-La spiritualité de
cette époque
La première moitié du XVIe siècle
vécut un renouveau chrétien et spirituel exceptionnel. Autour des saints
jaillissaient des œuvres. Les esprits bouillonnaient: il y avait tant à faire.
Mais comment s’y reconnaître dans un tel foisonnement? Et quelles furent les
grandes tendances de cette vie spirituelle si riche, tendances que l’on appela
plus tard : l’École française.
Toutes les spiritualités
de l’époque insistaient d’abord sur la nécessité de l’oraison mentale ou
école du Saint-Esprit. L’oraison mentale s’enracine dans l’enseignement des
Pères de l’Église, maîtres en théologie mystique: Denys, Basile, Augustin, Jean
Chrysostome, Cassien, Grégoire le Grand, Saint Bernard, etc... Agnès, qui
pratiquait cette oraison deux fois par jour fit de grands progrès dans sa vie
quotidienne.[3]
La vie d’oraison conduit
nécessairement à aimer, et à faire, la volonté de Dieu. Les plus grands
mystiques et les plus offerts à Dieu, devinrent, comme toujours, les plus
grands actifs et les plus équilibrés. Nombreux furent les missionnairesqui
partirent évangéliser les pays lointains, au Canada notamment, et qui surent
mourir en vrais martyrs de la foi.
Au cours de cette
véritable période de renouveau spirituel, les dons et les charismes furent
fréquents: don de prophétie, de bilocation, visions d’anges et de saints,
apparitions de la Sainte Vierge. Il est étonnant de constater que le
bienheureux Holzhauser (1613-1658) prophétisa, trois cents ans à l’avance, la
Guerre de 1914-18, l’assassinat du tsar de Russie et les périls qu’une nouvelle
doctrine allait faire courir au monde, etc...
Citons encore Louis
Emrich, un moine allemand, présentant le XXe siècle, celui que nous venons
de vivre:
“Le XXe siècle sera
une période de terreur et de misère... Les hommes se soulèveront contre
l’autorité... Ils n’auront ni âme ni pitié... Des nuages empoisonnés, des
rayons plus brûlants que le soleil de l’Équateur, des forteresses de feu qui
cheminent, des vaisseaux volants pleins de bombes terribles, des étoiles qui
distillent la mort et le soufre enflammé détruiront de grandes villes. Ce
siècle sera le plus étrange de tous parce que les hommes se soulèveront et se
détruiront mutuellement.”
Mais si les hommes changent
de vie, s’ils reviennent au Père, alors, Dieu les épargnera.
2-3-4-Les
apparitions de la Sainte Vierge
Visiblement le
Saint-Esprit était à l’œuvre. Les mystiques foisonnaient, dont beaucoup furent
reconnus par l’Église: Marguerite du Saint-Sacrement à Dijon, Alain de
Solminihac à Cahors, Agnès de Langeac, Vincent de Paul, Jean Eudes, le Père de
Condren, Jean-Jacques Olier, Bérulle et bientôt Grignion de Montfort, et tant
d’autres.
Les apparitions de Marie
étaient toujours aussi nombreuses : en 1636, à Bourgfontaine, près de
Fribourg, en Suisse ; en 1649, à Vinay, dans l’Isère (Notre Dame de
l’Osier) ; en 1652, à Querrien La Prenessaye ; dans les Côtes du Nord
(N.D. de Toute Aide) ; en 1664, au Laus ; en 1686, dans l’Ardèche ;
ou encore, en 1690, dans la Drome (Notre Dame de Fresneau).
Notons qu’en 1636, Marie
chargea une religieuse de Morlaix de demander au Roi de France de lui consacrer
son Royaume. Louis XIII obéit à Marie le 15 août 1638. C’est aussi le 25
juillet 1624 que Sainte Anne se manifesta à Auray, ou Saint Joseph à Cottignac.
Des vocations de toutes
sortes naissaient: on ne compte plus les contemplatifs, les actifs, les
missionnaires, les éducateurs. Il y avait des ermites dans la région
parisienne, des fondateurs de congrégations nouvelles ou des réformateurs des
grands ordres anciens; ou simplement des vocations que Dieu désirait dans le
monde, pour témoigner du Christ. Car les laïcs étaient parfois mis à l’épreuve:
ainsi le duc de Ventadour, prince de Maubuisson, créait, en 1623, la Compagnie
du Saint Sacrement, à laquelle adhérèrent Vincent de Paul, Mr Olier, Gaston de
Renty, Jean Eudes, et de nombreux évêques, parmi lesquels Mgr Alain de
Solminihac... et tant d’autres. Tel fut le siècle dans lequel vécut Agnès
de Langeac!
3 AGNÈS
DE LANGEAC ET MR OLIER
L’amour d’Agnès
s’étendait au monde entier avec, cependant, une préférence pour l’Église
et son clergé. Et sans le dire, elle souffrait pour ceux chez qui elle
découvrait de la tiédeur... Jean-Jacques Olier fut celui pour lequel elle se
sacrifia le plus, car c’est lui que Jésus avait choisi pour réaliser une grande
œuvre: la création des séminaires demandés par le Concile de Trente. Des essais
avaient déjà été tentés, par Monsieur Vincent, Jean Eudes, Bérulle, Alain de Solminihac,
mais il restait encore tant à faire...
Nous sommes en 1631. Un
jour, la Sainte Vierge apparut à Agnès et lui dit : “Prie mon Fils
pour l’abbé de Pébrac.” Agnès pria plus que jamais pour cette âme
bien-aimée de Dieu, et le Seigneur commença dans l’âme de Jean-Jacques Olier
une conversion qui ne se démentira pas.
3-1-La rencontre de deux
âmes
Une des grandes grâces
extraordinaires dont fut favorisé celui que l’on appellera Mr Olier, celle qui
fut probablement la première d’une longue série, ce fut l’apparition de la Mère
Agnès. Monsieur Olier raconte dans ses Mémoires:
“Un jour,... j’étais dans
ma chambre en oraison, lorsque je vis cette sainte âme venir à moi avec une
grande majesté. Elle tenait d’une main un crucifix, et de l’autre un
chapelet... Son ange gardien... portait un mouchoir pour recevoir les larmes
dont elle était baignée... Elle me dit ces paroles: ‘je pleure sur toi’ ce qui
me donna beaucoup au cœur et me remplit d’une douce tristesse... Je crus sur
l’heure que ce fut la Sainte Vierge, à cause de la sainte gravité et de douce
majesté où elle m’apparut, et à cause de l’ange qui lui rendait les mêmes
offices qu’un serviteur à sa dame...
Je crus aussi qu’en me
présentant le crucifix et le chapelet, elle voulait m’apprendre que la croix et
la dévotion à la Sainte Vierge seraient les instruments de mon salut et la
conduite de ma vie.”
Dieu permit que cette
apparition se renouvelât une autre fois. Monsieur Olier avait 26 ans et Agnès
31 ans. Afin de lui prouver qu’il n’était pas victime d’une illusion, Agnès lui
avait laissé son crucifix ainsi que son mouchoir baigné de larmes.[4] Inutile de dire que J.J. Olier chercha à revoir
cette belle visiteuse. Il la retrouva providentiellement à Langeac où il était
venu prêcher une mission. Agnès avait été prévenue de sa présence à Langeac, et
l’attendait. Quand Mr Olier la vit, il s’exclama: “Je vous ai vue
ailleurs, ma Mère.”
– Oui, dit Agnès,
vous m’avez vue deux fois à Paris où je vous ai apparu dans votre retraite de
Saint Lazare, parce que j’avais reçu ordre de la Très Sainte Vierge de prier
pour votre conversion, Dieu vous ayant destiné pour jeter les premiers
fondements des séminaires du Royaume de France. Et comme il n’y a point de
réforme chez les religieux de votre abbaye de Pébrac, tâchez de la procurer le
plus tôt que vous pourrez; et pendant que vous agirez, je prierai.[5]
3-2-Une haute amitié
spirituelle
Dès lors, Agnès considéra
M. Olier comme l’enfant de ses larmes et comme son père spirituel, et priait
pour sa conversion. Pendant six mois ils se revirent souvent, et leurs
entretiens duraient plusieurs heures. “On les a vus souvent si touchés de
Dieu et possédés du divin amour, qu’ils passaient la nuit entière en oraison;
elle en dedans de la grille du monastère qui regardait le Saint Sacrement dans
l’Église, et lui dans la même chapelle.”
Depuis l’arrivée de
Monsieur Olier, Agnès ne songeait plus à mourir. Mais elle avait accompli sa
mission... et Mr Olier devait s’en aller et commencer sa tâche. Les adieux
furent douloureux car un amour divin était né entre Agnès et J.J. Olier, un de
ces amours très purs dont Dieu seul a le secret, un amour entièrement orienté
vers l’union à Dieu. Monsieur Olier en fut transformé et comme aspiré
vers une très haute perfection.
Le 19 octobre 1634 Agnès
rendait son âme à Dieu. Mr Olier écrira plus tard qu’Agnès lui était apparue
plusieurs fois après sa mort.
4-1-Une sainteté précoce
La vie d’Agnès de Langeac
nous paraît d’autant plus extraordinaire, que sa sainteté se manifesta dès sa
plus tendre enfance. Mais il faut savoir, et surtout accepter, que Dieu se
choisit parfois des êtres pour les combler de ses grâces dès leur plus jeune
âge. Dans son siècle qui vit fleurir des multitudes de saints, Agnès se
présente cependant comme un être à part. Dieu la visita dès son enfance, comme
s’il voulait la préparer à ce qu’Il lui destinait: la conformité complète à la
vie de son Fils. D’elle, le saint évêque de Cahors, Alain de Solminihac,
déclara : “Je n’ai jamais connu d’esprit qui eût de si particulières
communications avec Dieu;”
Agnès était encore une
enfant lorsque Dieu la choisit et l’unit à sa Mère pour écraser la tête du
serpent par la pureté et l’humilité. Par l’intermédiaire de Sainte Catherine de
Sienne Il lui demanda de choisir entre une couronne de roses et une couronne
d’épines. Elle choisit la couronne d’épines, guidée comme par un instinct qui
déjà l’entraînait vers la Croix, preuve de l’amour de Jésus pour nous. Dès ce
moment, Agnès souffrit d’un mal de tête quasi continuel, accompagné parfois
d’une “rosée sanglante”.
4-2-Le don des larmes
Dès son plus jeune âge
Agnès pleura ses péchés; elle pleurait au sens propre, et les frères
dominicains en furent souvent témoins. Agnès pleura toute sa vie, quoique de
plus en plus discrètement à mesure que les années passaient. Agnès pleurait par
repentance, elle pleurait par compassion envers Jésus crucifié, elle pleurait
d’amour pour Dieu et pour les hommes... “Lorsqu’elle enseignait ses
filles, elle était tout en larmes; et c’était un vrai torrent chaque fois
qu’elle leur parlait des douleurs de Notre Seigneur.“
De nos jours, nous ne
savons plus pleurer, ou nous refoulons nos larmes par respect humain. C’est
peut-être dommage car nous passons certainement à côté de bien des grâces.
Jésus torturé cria un jour à Agnès: “Aime-moi!” Et Agnès ne fut plus
qu’un cœur, qu’une blessure pour répondre au Crucifié assoiffé d’amour. Qui, de
nos jours songerait à pleurer sur le Corps du Seigneur ?
Mais Agnès pleurant sur
le Corps du Seigneur pleure aussi sur son corps que sont les prêtres. C’est par
ses larmes qu’elle gagnera le cœur de Jean-Jacques Olier. “De ses
yeux, dit Éphraïm, fondateur des Béatitudes, coulera une
Pentecôte sur ce tiède ecclésiastique qu’elle enflamme pour toujours.” Agnès
pleure sur le monde, sur les pécheurs, “car pleurer sur le monde, c’est
l’envelopper de tendresse et lui communiquer le Saint-Esprit, c’est l’enfanter
au Royaume.”
4-3-Les transverbérations
On peut dire, sans se
tromper, que la vie d’Agnès de Langeac ne fut que souffrances. Mais comment
pouvait-elle supporter, presque sereinement, une telle intensité de
douleurs ? La réponse, c’est l’amour. Agnès aima Jésus, et Jésus crucifié.
Elle L’aima à la folie jusqu’à Le laisser conformer tout son être à tous les
instants de sa Passion.
C’est d’abord par la
transverbération de son cœur que Dieu commença à lui faire vivre la Passion de
Jésus crucifié. ”Un jour, comme elle sentait pendant l’oraison des
inflammations de cœur plus fortes que de coutume, elle eut quelque appréhension
que ce fût une maladie de cœur naturelle, ou bien une illusion de Satan. À ce
doute vint Sainte Thérèse qui lui dit: Aie bon courage ma fille, ton mal n’est
pas tel que tu crois. C’est un mal d’amour de Dieu, et moi ne fus-je pas
blessée par un chérubin avec une flèche d’or? Ton mal est tel courage: aime
Dieu puisqu’il te donne l’amour. Laisse brûler le feu, puisque c’est la volonté
de ton Époux qu’il brûle toujours.”
Agnès se levait toutes
les nuits pour faire oraison. Une nuit elle n’entendit pas la cloche; alors son
ange l’avertit: “Lève-toi, va-t-en faire oraison et servir ton Époux, car
l’heure passe.” Et, disant cela, “il lui donna un coup de flèche dans
le cœur...” Agnès vit clairement le dard qui lui perça le cœur. “Elle
se sentit brûler de grandes ardeurs qui lui durèrent pendant toute l’oraison.
Agnès a souvent ressenti ces coups de flèche mais d’une manière invisible.”
Et M. Lantages, biographe
d’Agnès, ajoute: “Ce jour-là, commençant son oraison à l’heure ordinaire,
c’est-à-dire à minuit, elle sentit qu’on lui perça le cœur d’un coup de flèche
avec une douleur si violente qu’elle en tomba par terre. Et en même temps il
s’alluma dans sa poitrine un feu si violent qu’il lui semblait presque
insupportable. On ne put l’apaiser qu’avec des serviettes mouillées qu’on lui
mit sur le cœur.”
Un jour, après le coup de
lance, elle versa beaucoup de sang par le nez et par la bouche. Les religieuses
qui l’assistaient ont pensé qu’elle avait une plaie au côté, car elles
s’aperçurent qu’elle y mettait un linge qu’elle retirait ensuite plein de sang. Agnès
n’est plus qu’un cœur identifié au Cœur divin, Agnès n’est plus qu’amour.
C’est après sa mort que
l’on découvrit ces merveilles: on hésitait à l’enterrer tant son côté gauche
demeurait incroyablement chaud.
4-4-Agnès et les anges
Agnès vivait en communion
perpétuelle avec son ange gardien qui, parfois, lorsqu’elle en était
empêchée, venait lui apporter la sainte communion. Il faut signaler aussi
une assistance particulière : “Aussitôt qu’elle sortait pour se
rendre en quelque endroit, (qu’elle ne connaissait pas) au même
moment, elle voyait voler devant elle un petit oiseau blanc, semblable à un
papillon, qui lui servait de guide jusqu’au lieu destiné.” C’est aussi son
ange qui la porta, un jour, pour qu’elle traverse la Loire à pied sec: un beau
jeune homme l’avait prise dans ses bras pour la conduire sur l’autre bord...
C’est aussi son ange qui
la réveillait la nuit, pour son oraison. Un jour alors qu’elle était
malade, “son ange lui dit: ‘Allons faire une promenade dans le
purgatoire.’ Ce qu’ayant dit, il la conduisit dans un lieu fort spacieux, tout
rempli de brasiers et de flammes, où elle vit une grande quantité de pauvres
âmes, en formes humaines, qui levaient les bras en haut et criaient
miséricorde. Elle y vit aussi plusieurs anges qui les consolaient, et crut que
c’était leurs anges gardiens.”
Un jour, le Père Boyre
lui demanda ce qu’elle faisait, la nuit, quand elle ne dormait pas. “Je prie
Dieu, dit Agnès. Il est vrai que je trouve peu séant de prier une si
grande majesté en un tel état. Prier Dieu au lit me semble empêcher cette
sainte action. Pour ce, je me lève, et m’en viens ici devant le
Saint-Sacrement.” Mais, les couloirs sont bien sombres, et il est
difficile de ne pas se perdre. “Je m’y perdrais si j’étais seule, dit
Agnès, mais un jeune adolescent me conduit de notre chambre jusqu’ici, et
me reconduit quand, mon oraison faite, je m’en veux retourner.”
Le jour de sa mort, le 19
octobre 1634, l’ange de la Mère Agnès fondit sur Mr Olier qui se rendait à
Paris à cheval. Il venait d’être envoyé par elle pour sa protection et sa
consolation. L’Ange gardien de Mr Olier lui dit : “Honorez bien cet
ange qui vous est donné maintenant, c’est un des plus grands qui se donnent en
la terre.”
4-5-Agnès et la Sainte
Vierge
Peu de temps avant sa
mort, en 1655, Mr Olier refit un pèlerinage à Notre-Dame du Puy où, aux pieds
de la statue miraculeuse de Marie, et grâce à l’intercession et à la prière
d’Agnès de Langeac, il avait reçu de nombreuses grâces. Au Puy, Marie avait
choisi la France pour être honorée, et c’est là qu’elle choisit Agnès pour
partager avec elle, via des expériences mystiques exceptionnelles, les secrets
et les profondeurs de la Sagesse divine, et lui faire connaître les richesses
intérieures de la Servante de Dieu. En effet, Marie fera connaître à Agnès, son
esclave zélée, le mystère de son Immaculée Conception.
On a dit qu’Agnès
ressembla à Jésus jusqu’à l’identification... Elle a fait les mêmes œuvres que
son Maître: elle marcha sur les eaux, multiplia le pain, transforma un mauvais
breuvage en vin excellent, ramena à la vie un enfant accidenté, guérit des
malades, chassa les démons. Elle souffrit la Passion de Jésus et en porta les
stigmates. Agnès fut véritablement l’amie de l’Agneau. Agnès fut une vierge très
pure qui connut une profonde intimité avec la Très Sainte Vierge Marie qui ne
la quittait jamais, et qui souvent l’entraînait vers des régions du Ciel dont
Agnès nous a communiqué quelques bribes :
“En décembre 1624, Agnès
eut une vision qui dura fort longtemps... “ Une troupe céleste de trois
groupes de vierges habillées de rouge, de blanc ou de bleu, entouraient la
Reine du ciel qui s’en allait chercher l’âme d’une de ses fidèles servantes en
train de mourir. Il s’agissait de Marie Jay, une très humble servante d’où
émanait l’amour de Dieu et du prochain. “Pour cette humble fille, une
longue oraison n’était pas nécessaire, car par une simple pensée, elle
s’abîmait en Dieu; vivant au milieu du monde, elle pratiquait les vertus du
cloître, avec une perfection qui ne s’y rencontre pas toujours à un tel
degré.” [6]
Une autre fois Agnès fut
conduite en esprit dans le ciel. Marie lui offrit une rose rouge qui portait le
nom de Jésus sur chacun de ses pétales. La vision dura douze heures et on crut
qu’Agnès était morte. Quand enfin, Agnès revint à elle elle réclama sa rose...
Pourquoi les visions
d’Agnès la conduisent-elle comme aux portes de la mort ? Éphraïm
explique : “Marie est une rose dont chaque pétale peut ravir Agnès en
extase. Elle est comme un parfum trop fort. Si Marie apparaît surtout aux
enfants, c’est qu’ils sont purs et l’exceptionnelle pureté lui ouvre grand les
yeux sur celle qui a été couronnée dans le ciel et dont elle contemple la
gloire. Ce spectacle demeure cependant à peine supportable et conduit notre
moniale aux portes de la mort, le corps ne supportant un tel désir, un tel élan
de l’âme, une telle attraction divine.”
Couramment Agnès appelait
Marie, sa maman. Les relations intimes entre Agnès et “sa Maman” commencèrent
alors qu’Agnès était encore très jeune. À neuf ans, Agnès se consacra à Marie,
comme son esclave.
Remarque : Saint
Louis-Marie Grignion de Montfort se réclamera plus tard de Bérulle, de Condren
et d’Agnès, et par elle, de Mr Olier, pour défendre le vœu d’esclavage. Bérulle
explique le but de ce vœu: être esclave de Jésus, en Marie. “Il s’agit,
par amour, de tout ramener captif en Dieu, comme Dieu s’est rendu captif de
notre nature dans l’incarnation. Or l’incarnation est le mystère central de
notre salut qui ne nous permet pas de séparer Marie de Jésus : ne divisez
point en ce saint temps et en vos dévotions, ceux que ce mystère unit et
conjoint, c‘est-à-dire le Fils de Dieu d’avec la Mère de Dieu.”
Il convient de noter,
ainsi que le remarque Éphraïm, que cette doctrine se développe dans un contexte
mystique et non pas ascétique. Ce mouvement d’anéantissement nous est inspiré
par le Saint Esprit pour nous élever vers la perfection. Ainsi, Agnès nous aide
à comprendre ce grand mystère par ce qu’elle est et ce qu’elle fait: sans nous
en douter, nous entrons dans la spiritualité de l’École française.
4-6-Agnès et les saints
“Bienheureux les cœurs,
car ils verront Dieu !” dit Jésus. Cette béatitude s’applique
parfaitement à Agnès de
Langeac laquelle voyait,
non seulement Dieu, mais également les mondes invisible qui l’entouraient. Les
saints qui seront ses modèles la fréquenteront habituellement, et parfois de
manière extraordinaire, au cours de ses extases. Ils viennent lui rendre visite,
l’encourager, la conseiller et la consoler. La sainte petite Agnès, vierge et
martyre fut de ceux-là. Il y eut aussi Thérèse d’Avila, Catherine de Sienne qui
recommandait beaucoup l’obéissance et l’humilité. On peut citer encore sainte
Cécile, Marie de Magdala, Saint Paul et Saint Augustin.
Ste Thérèse d’Avila et
Agnès de Langeac avaient le même amour et la même confiance pour saint Joseph.
Comme Catherine, Agnès fut stigmatisée. Marie-Madeleine lui révèla la
Miséricorde de Dieu et la passion d’amour d’une créature pour son Dieu. Sainte
Cécile enrichissait Agnès de ses conseils. Un jour qu’Agnès s’affligeait de se
voir toujours malade, Cécile lui dit: “Endure, ma chère sœur, tu ne peux
jamais mieux agréer à ton Époux que par la patience dans les douleurs qu’il
t’envoie. Aie recours à la Très Sainte Vierge, et assure-toi qu’elle
t’assistera, et que Dieu t’accordera, par son entremise, tout ce que tu lui
demanderas. N’aie point de crainte de demander, car ton Époux et le mien est
très riche; il a plus envie de donner que nous de lui demander...
– Vous savez, dit
Agnès, que l’on murmure de me voir toujours au lit, et toujours inutile et
à la charge du monastère.
–-Si les personnes qui
murmurent de la sorte, dit la sainte, marchaient par ton chemin,
elles auraient moins de santé que toi.
Et pour consoler Agnès,
Cécile ajouta :
– Persévère
seulement... Ton Époux a voulu être glorifié par les longues maladies de sainte
Claire et par celles de plusieurs autres saintes; réjouis-toi de pouvoir lui
rendre la même gloire.
Agnès avait aussi une
grande vénération pour Saint Dominique et pour Saint François qui l’instruisit
pendant tout son noviciat. François lui dit un jour:
– Sois humble, ma
fille, et aime l’humilité. S’il y a vertu qui agrée à ton Époux, c’est celle-ci;
et si j’ai reçu quelque grâce, çà été par cette vertu.”
Agnès aimait aussi saint
Augustin à cause de ces paroles:
“J’ai aimé, j’aime,
j’aimerai toujours, jusqu’à ce que je serai (sic) uni à l’Amour même.”
[1] Tous les éléments rapportés dans cette
note ont été portés à notre connaissance, grâce au livre d’ÉPHRAÏM, Agnès
de Langeac, la Colombe et l’Agneau (Éditions du Lion de Juda)
[2] Là, sa vue déficiente, redevint
normale.
[3] Il n’est pas inutile de noter que
Saint Vincent de Paul faisait quatre heures d’oraison avant de commencer sa
journée. Bérulle employait trois heures à préparer sa messe, et trois autres
pour son oraison d’action de grâces.
[4] Pendant tout le temps que la Mère
Agnès apparaissait à Monsieur Olier, à Paris son corps demeura immobile, dans
son monastère, à l’endroit où elle se trouvait. On la crut morte, mais elle
revint à elle vingt quatre heures plus tard: il s’agissait vraiment d’un cas de
bilocation.
[6] Marie Jay eut, pendant six ans, comme
confesseur, le Père Panassière, également confesseur d’Agnès. Elle mourut
en odeur de sainteté et fut conduite au ciel par la Vierge Marie. Agnès
assista, en vision à la mort et à l’entrée de Marie Jay, dans le Ciel.
SOURCE : http://secretariat.synod.va/content/synod2018/fr/jeunes-temoins/agnes-de-langeac.html
AGNÈS DE JÉSUS
Religieuse du monastère de Sainte-Catherine de Sienne, à Langeac
(1602-1634)
Le Prophète-Roi ne
cessait, écrit le P. Lafon, d’exhorter les fidèles à considérer attentivement
les grâces dont le Seigneur l’avait favorisé, afin de faire admirer les
miséricordes et l’amour de Dieu pour les hommes : Venite, audite et
narrabo, omnes qui timetis Deum, quanta feci tanimee meae (Ps. LXV, 16.)
Quelque désir que l’on ait d’entrer dans ses sentiments, on ne peut pourtant
guère aujourd’hui exposer les grâces et les faveurs dont ce Dieu de bonté honore
ses serviteurs, sans encourir la censure et la critique de bien des gens.
L’incrédulité effroyable qui règne dans l’esprit de nombreux chrétiens, le
mépris pour ce qui est rapporté d’extraordinaire dans la vie des Saints,
l’opiniâtreté à ne rien croire de ce que nous ne pouvons ou ne voulons pas
comprendre, et les préjugés étranges qui font rejeter ces histoires comme des
produits de l’imagination, ne prouvent que trop ce que j’avance. A dire vrai,
toutes ces difficultés m’ont inspiré quelque crainte et une certaine timidité à
écrire la vie admirable de la Vénérable Mère Agnès de Jésus, prodige de
sainteté qui a honoré l’Ordre de Saint-Dominique vers la première moitié du
XVII siècle, et qui est regardée aujourd’hui dans l’Auvergne et plusieurs
autres provinces de France comme une avocate puissante auprès de Dieu, à cause
de bienfaits signalés obtenus par son assistance. Après tout, ces
considérations humaines m’ont paru trop frivoles pour faire quelque impression
sur moi, et je me reconnaîtrais criminel devant Dieu si, pour m’accommoder au
caractère de certains esprits, disposés à ne regarder les prodiges de la grâce
que par les yeux charnels, j’ensevelissais dans l’oubli les faveurs et les
bénédictions qui font éclater si hautement les miséricordes du Seigneur sur les
âmes fidèles.
C’est pourquoi, me
mettant fort peu en peine de la critique des mécréants, je rapporterai, pour la
gloire de Jésus-Christ, et pour l’honneur de sa servante, la Vénérable Mère
Agnès de Jésus, les choses admirables qu’on trouve dans sa vie. Je dirai avec
candeur et simplicité, conformément aux Mémoires laissés par ses confesseurs,
et aux dépositions juridiques contenues dans les procès-verbaux de sa cause de
béatification, tout ce qui peut faire éclater l’abondance des miséricordes de
Dieu sur une âme qu’il chérit, tout ce qui est capable d’inspirer de l’amour et
de la confiance pour cette grande servante de Dieu, enfin ce qui peut exciter
les chrétiens à servir fidèlement le Seigneur et à imiter tant d’exemples de
vertu.
Agnès de Jésus naquit le
18 novembre 1602, dans la ville du Puy-en-Velay. Son père, coutelier de
profession, se nommait Pierre Galand, et sa mère Guillemette Massiote. L’un et
l’autre, peu avantagés des biens de la fortune, vivaient en bons chrétiens dans
la crainte de Dieu et la dévotion à la Sainte Vierge. Ils eurent sept enfants
de leur mariage : la Mère Agnès fut la troisième. Elle reçut l’eau du
Baptême le lendemain de sa naissance, 19 novembre, en la fête de sainte
Elisabeth de Hongrie.
Dieu fit bientôt connaître
ses desseins sur cette enfant. On ne tarda pas à remarquer en ses actes quelque
chose de grand, prélude de la sainteté éminente à laquelle la grâce devait la
conduire. Elle était d’un naturel doux et agréable, d’un esprit excellent et
d’un jugement solide qui la rendait aimable à tout le monde et chacun voulait
l’avoir dans sa maison. Les parents d’Agnès prirent grand soin de lui inspirer
la piété, et, pour y mieux réussir, la mirent entre tes mains vertueux, qui
avait une dévotion peu commune pour le Sacrement de l’autel et la Très Sainte
Vierge.
Ce vrai chrétien s’occupa
de cette fille de bénédiction durant quatre ans, et n’oublia rien pour cultiver
une terre si bien préparée à recevoir les impressions du Saint-Esprit. Il lui
apprit de bonne heure à confesser, lui expliqua les maximes de l’Évangile, lui
représenta avec onction les récompenses que Dieu réserve aux bons et les
châtiments dont il punit les méchants, et lui suggéra un tel amour pour la
pureté que cette admirable enfant n’avait rien tant à cœur que de conserver
cette vertu.
Dieu, qui s’était choisi
de toute éternité la petite Agnès pour être son épouse, la disposait à devenir
un jour le chef-d’œuvre de sa grâce. Elle eut dès son enfance un éloignement
extrême pour la conversation des créatures. Celle des hommes lui fut toujours
insupportable ; elle n’évitait pas moins la rencontre des personnes de son
sexe, si leur modestie et leur retenue n’étaient pas irréprochables. Ainsi
occupée uniquement de plaire à Jésus-Christ, elle fréquentait les églises,
aimait la solitude, et conçut dès lors un si grand mépris pour la vanité du
monde, que rien ne fut capable de flétrir la pureté de son cœur. Elle eut même
le zèle de réunir un groupe de jeunes filles de son âge, qu’elle conduisit
toutes vêtues de blanc, en procession à l’église de Notre-Dame du Puy, pour y
faire leurs dévotions. La modestie de ces innocentes créatures et la ferveur
qu’elles faisaient paraître dans leurs pieuses pratiques, attirèrent
l’attention des habitants, qui ne pouvaient assez admirer une piété si
ingénieuse. Quelques-uns néanmoins s’en offensèrent, et poussés par un esprit
de malice, ne rougirent point de dissiper la petite troupe et de frapper la
douce Agnès qui en était le chef. Cette indigne conduite n’abattit point le
courage d’Agnès. Elle rassembla soigneusement son troupeau, que la crainte du
loup avait dispersé, et, devenant plus ferme par cette contradiction même,
continua d’un pas résolu sa procession,
Agnès ne se rendit pas
moins recommandable, dès l’âge de cinq ans, par sa patience que par sa piété.
Elle n’eut pas besoin de chercher au dehors le sujet de l’exercer. Un petit
frère fut l’instrument dont le démon se servit pour inquiéter et persécuter
celle dont la vertu lui était déjà redoutable. La jalousie de cet enfant fut la
cause des mauvais traitements qu’il infligea à sa sœur. Il ne pouvait souffrir
qu’elle fût caressée et tendrement aimée de ses parents. L’empressement des
voisins à se procurer la compagnie de l’aimable petite fille lui devint
intolérable : ne pouvant dissimuler sa colère et son indignation, il
l’insultait à tout propos et l’accablait de coups. La pauvre enfant n’en perdit
ni sa douceur ni sa tranquillité d’âme : déjà aussi généreuse que la femme
forte de l’Écriture, elle conserva pour son frère la même affection et ne porta
jamais plainte devant ses parents. La fidélité d’Agnès aux mouvements de la
grâce et sa docilité aux leçons de l’Esprit saint lui furent très avantageuses.
A quatre ans, elle était si bien instruite du catéchisme et des vérités de la
foi que ses réponses jetaient dans l’admiration ceux qui les entendaient.
L’usage du sacrement de Pénitence, qu’elle fréquenta dès l’âge de cinq ans dans
l’église des Pères Jésuites, lui devint une source abondante de faveurs
célestes. Ses dispositions étaient toutes divines et ses sentiments de
contrition vraiment extraordinaires. Elle répandait tant de larmes et poussait
de si profonds soupirs pour les moindres imperfections, qu’on l’eût prise pour
une grande pécheresse. Une des plus graves fautes dont elle se reconnut
coupable, et qui la fit gémir amèrement toute sa vie, est d’avoir pris quatre
ou cinq épingles à une femme qui lui en avait confié une certaine provision.
Le profit qu’elle retira
de ses confessions fréquentes obligea son confesseur à lui permettre la sainte
Communion à l’âge de huit ans. Agnès recevait de quinze en quinze jours cette
divine nourriture et toujours avec un amour si ardent pour Notre-Seigneur et
une si angélique modestie qu’on ne pouvait assez admirer la puissance de la grâce
dans une enfant si jeune. Les consolations ineffables qu’elle retirait du
Sacrement d’amour embrasant de plus en plus son cœur des flammes de la Charité,
elle demanda la faveur de communier chaque jour. Si solide que fût déjà sa
piété et si rapide son progrès dans les voies de la perfection, le confesseur
n’y voulut point consentir : il lui permit seulement une communion par
semaine. Cette communion la fit avancer à grands pas dans la vertu ; car,
soigneusement attentive à se rendre agréable à Dieu par une mortification
universelle de ses sens, une modestie édifiante dans tous ses actes, une
vigilance soutenue à remporter, après chaque communion, une nouvelle victoire
sur elle-même, Agnès ne respirait que pour le ciel et les biens éternels.
L’occasion que Dieu lui
fournit de se consacrer entièrement à lui dès sa jeunesse mérite d’être
signalée.
Agnès aperçut, un jour,
une foule extraordinaire réunie sur une place pour l’exécution d’un criminel.
Surprise de voir un homme torturé cruellement, elle en demanda la cause.
« C’est ainsi, lui répondit-on, qu’agit le monde pour ceux qui le servent
mal. — Voilà, répliqua-t-elle, un maître bien dur ; je ne veux pas servir
ce monde, mais m’attacher uniquement à Dieu en suivant ses maximes. » Et,
se retirant à l’écart avec une compagne, elle se préparait à prendre la
discipline pour les péchés du monde, quand l’arrivée de quelques personnes l’en
détourna.
Agnès, vivement touchée
du sort du malheureux qu’elle avait vu exécuter et saintement indignée contre
le monde, se rendit le lendemain à Notre-Dame du Puy pour implorer le secours
du Ciel contre un si dangereux ennemi et se mettre sous la protection de la
Sainte Vierge. Elle entendit la messe avec une ferveur extraordinaire et se
sentit intérieurement excitée à se rendre l’esclave de la Reine du ciel.
Obéissant à cette inspiration, elle se remit entre les mains de cette Mère de
pureté pour devenir son esclave et, rentrée chez elle, s’entoura les reins
d’une chaîne de fer qu’elle porta huit ans, en signe de servitude, et qu’elle
ne quitta que par ordre du directeur de son âme.
La célèbre église du Puy,
surnommée la Basilique angélique, parce que, d’après la tradition, elle fut
consacrée par les Anges, était celle qu’Agnès, encore enfant, visitait de
préférence. Sa dévotion, néanmoins, la conduisait aussi dans les autres
églises, où l’on n’admirait pas moins sa modestie et son recueillement. Elle se
rendait assez souvent à celle des Frères Mineurs, bien qu’éloignée de sa
maison, et elle y fut favorisée un jour d’une grâce merveilleuse. Tandis
qu’elle priait dans la chapelle de saint François, ce Père séraphique lui
apparut et communiqua à son cœur quelque chose du feu sacré dont lui-même était
embrasé durant sa vie. Agnès, entrant dans un ardent désir d’appartenir toute à
Dieu, résolut de faire à l’instant le vœu de virginité. Elle était sur le point
d’en prononcer la formule quand une meute de chiens affreusement noirs parut
dans la chapelle, lis se ruèrent sur l’enfant et la jetèrent par terre comme
pour la dévorer, mais Agnès, reconnaissant, à la lumière d’en haut, la présence
des mauvais esprits, se releva avec courage, et, d’une voix ferme, prit son
engagement, à la confusion de la troupe infernale, qui disparut à ses regards.
Elle avait alors sept ou huit ans.
Le désir de servir Celui
qu’elle avait choisi pour époux ne s’arrêta pas à l’hommage de sa propre
personne; Agnès tâcha de lui attirer autant de créatures qu’il était en son
pouvoir. Dans cette vue, elle assembla .un certain nombre de petites filles de
son âge pour vaquer ensemble aux choses de piété. Chacune prenait un Saint pour
patron du mois et une vertu à pratiquer. Agnès reçut un jour cette
sentence : Oubliez votre peuple et la maison de votre père (Ps.
XL1V, 12). Ces paroles firent une vive impression sur son cœur ; elle crut
qu’il lui fallait les exécuter à la lettre. En conséquence, et sans autre
examen, elle résolut de quitter la maison paternelle pour se retirer dans une
solitude. Sortant, un matin, de la ville, avec un paquet de vêtements sous le
bras, elle se dirigea vers le village de Vais, non éloigné du Puy. Arrivée
devant une Croix, elle se sentit repoussée par une main invisible et contrainte
de s’arrêter. Cet obstacle ne la déconcerta pas : elle reprit sa marche avec un
nouvel élan jusqu’à ce que, renversée à terre plusieurs fois, et avertie
intérieurement que le Seigneur l’appelait à une autre solitude, elle regagna le
toit paternel.
On vit dès lors la petite
Agnès marcher à pas de géant dans le sentier de ta perfection. Son désir de
s’unir à Jésus-Christ par la Communion devint plus ardent, et ce lui fut un
supplice de ne pouvoir communier, l’espace de sept ans encore, qu’une ou deux
fois dans la quinzaine. Son angélique modestie inspirait l’amour de la vertu.
Les dames de qualité recherchaient sa conversation pour se porter à Dieu, et
les libertins se retenaient en sa présence. Plus d’une fois, il suffit
d’envoyer Agnès dans une maison voisine de la sienne pour arrêter les violences
qu’un homme intraitable exerçait contre sa femme et ses enfants.
Mais, pénétrons plus
avant dans les pratiques pieuses de cette enfant bénie.
Et d’abord, l’oraison lui
sembla l’exercice le plus essentiel à une âme qui veut être toute à Dieu. Elle
y employait chaque jour cinq heures, à genoux, les mains jointes, sans que rien
ne fût capable de la faire changer de posture. Méditant sur le mystère de Jésus
chargé de sa croix, elle se dit, un jour, qu’elle priait avec trop de
délicatesse, en n’imitant pas de quelque manière l’Homme des douleurs. C’est
pourquoi, l’espace de quelques mois, elle prit l’habitude de se charger
l’épaule d’une lourde pièce de bois, tout le temps qu’elle priait.
Les longues oraisons
d’Agnès étant devenues l’occasion de mécontentement et de trouble dans la
maison, son confesseur lui conseilla d’y employer de préférence les heures de
la nuit. Docile à cet avis, Agnès se levait doucement, quand elle jugeait tout
le monde endormi, ou quand elle entendait la cloche de notre couvent de
Saint-Laurent sonner les Matines. Elle revêtait une robe légère et, pieds nus,
une chaîne au cou, priait trois ou quatre heures consécutives, quelquefois
toute la nuit ; hiver comme été. Si parfois elle oubliait l’heure de sa
sainte veille, soft Ange gardien la lui rappelait et l’excitait à secouer son
sommeil.
Les occupations dont ses
parents la chargeaient pendant le jour n’arrêtaient point l’application de son
esprit aux choses d’en haut. Toutefois, ce ne fut pas sans quelque peine
qu’Agnès parvint à jouir parfaitement de la présence de Dieu. Elle y travailla
l’espace de deux ans avec beaucoup de vigilance et d’assiduité.
« Ah ! ça, mon âme, disait-elle, il faut rester un peu de temps
auprès de ton divin Époux ». Et s’appliquant à demeurer absorbée en Dieu
un quart d’heure, puis une demi-heure, elle en arriva à une union pour ainsi
dire continue avec le Bien-aimé de son cœur.
Si grandes cependant que
fussent ses inclinations pour l’oraison et si abondantes les consolations
qu’elle y goûtait, elle se laissait guider toujours par l’obéissance. Son
confesseur, surpris des merveilleuses opérations de la grâce dans une si jeune
adolescente, et redoutant quelque illusion, éprouvait Agnès avec la dernière
sévérité. Il en vint même à lui défendre l’oraison pendant trois semaines. Elle
se soumit à un ordre qui lui était si sensible. Mais un jour qu’elle en
témoignait sa peine à son céleste Époux, elle entendit une voix intérieure,
disant : « Aime et tu seras aimée ». Ces paroles la consolèrent
et allumèrent en elle des flammes d’amour.
Non contente de s’adonner
à l’oraison mentale et à la contemplation, la servante de Dieu avait adopté
déjà l’usage de prières vocales d’une certaine étendue. C’est ainsi que sa
dévotion envers Marie lui inspira de bonne heure la récitation du Petit Office
de la Vierge et du très saint Rosaire.
L’intimité d’Agnès avec
Dieu et les Saints ne l’empêchait pas de s’apitoyer sur les misères de ses
semblables, et l’on peut dire que l’esprit de compassion pour les nécessiteux
était né et avait grandi avec elle, Ce qu’on lui donnait pour sa nourriture
devenait le partage des pauvres, et le soin de distribuer les aumônes de la
famille lui ayant été confié, outre l’argent destiné à cet effet, elle versait
dans le sein des indigents tout ce qu’elle, pouvait trouver. Il en résultait
parfois pour elle des réprimandes et des châtiments ; mais, la douceur de
ses excuses finissait par lui donner gain de cause, et ses parents se sentaient
désarmés.
Sitôt qu’elle fut en état
de gagner quelque chose par son travail elle en donna le profit aux pauvres ;
cela ne suffisant pas aux aspirations de sa charité, elle ne rougissait pas de
quêter auprès de personnes pieuses en faveur de ses protégés. Durant quatre
mois elle fournit de ses chemises et de ses robes quelques pauvres jeunes
filles qui n’osaient aller à la messe le dimanche, faute de vêtements
convenables, et, par un hiver rigoureux, elle obligea une de ses sœurs à un
acte de charité semblable. « Agnès, dit celle-ci dans un mémoire, Agnès me
pressa si vivement de lui prêter deux écus, m’assurant qu’elle me les rendrait
et que, pour cet effet, elle ne s’épargnerait point au travail, qu’il me fut
impossible de les lui refuser ; si elle ne m’a pas rendu cet argent, comme
je l’espérais, elle m’a payée en une monnaie infiniment plus précieuse, par les
grandes grâces qu’elle m’a obtenues de Dieu ».
Cette amie des malheureux
en vint même à se tenir des journées entières aux portes des églises, afin de
ramasser des aumônes pour les pauvres celui lui causa beaucoup d’humiliations,
et lui valut un jour, de la part de son père, des reproches sanglants et de
rudes soufflets.
Une pauvre fille était
rongée d’un cancer. Agnès l’apprit, et, pendant de longs mois, se constitua son
infirmière. Sentant, un jour, son cœur bondir, à cause de l’odeur infecte qui
s’exhalait de la plaie, elle eut le courage d’imiter sainte Catherine de Sienne
et sainte Élisabeth de Hongrie en des circonstances semblables, et Dieu fit,
pour elle aussi, le miracle de lui faire ressentir une douceur à nulle autre
pareille.
Agnès prenait soin encore
de rechercher dans la ville les malades pauvres et de les conduire chez les
Sœurs hospitalières pour y être soignés. Ces bonnes Religieuses acceptèrent
avec empressement les premiers qu’elle leur présenta; mais le nombre croissant
chaque jour, elles finirent par témoigner avec vivacité leur mécontentement.
Agnès n’en parut point émue et continua ses offices charitables.
Un jour, elle rencontra,
gisant dans la rue, un soldat débile au point de ne pouvoir à peine parler.
Elle s’approche, l’interroge, et propose de le conduire à l’hôpital où il ne
manquera de rien. Le malade accepte avec joie ; mais sa faiblesse ne lui
permettait pas de marcher sans appui. Agnès et une compagne prennent cet homme
chacune par le bras, et nonobstant les railleries du peuple, traversent ainsi
une partie de la ville pour arriver à l’hôpital. Ce nouvel hôte n’y reçut pas
d’abord très bon accueil : on objecta qu’Agnès amenait plus de malades que
la maison n’en pouvait abriter. Son éloquence persuasive finit par
triompher : le malade fut admis. Agnès prépara son lit, lui fit
administrer les Sacrements, et apprit le lendemain qu’il avait expiré en
excellent chrétien.
Une autre fois, elle
trouva encore sur son chemin un soldat exténué, paraissant sur le point de
rendre l’âme. Agnès, n’apercevant personne en état de la seconder, prit
elle-même sur ses épaules le moribond, et avec une force surhumaine le
transporta jusqu’à l’hôpital, à la vue des habitants stupéfaits d’admiration.
Une charité si
compatissante et si universelle ne pouvait qu’être souverainement agréable à
Celui qui a promis de récompenser les actes de miséricorde envers le prochain
comme s’ils lui étaient rendus à lui-même. Plusieurs fois, le Seigneur Jésus
daigna autoriser par des prodiges la conduite de l’admirable jeune fille.
Un jour qu’elle priait dans
notre église, devant l’autel de saint Dominique, un petit enfant d’une grâce
charmante s’approcha, demandant une aumône. Agnès répondit avec douceur qu’elle
n’avait rien. L’enfant insista. La servante de Dieu se disposait à retirer de
son doigt un anneau pour le lui donner, quand elle aperçut à terre une pièce
d’argent. Agnès la ramasse ; mais, avant de la remettre à l’enfant, elle
lui demande s’il sait faire le signe de la croix. « Oh ! oui, très
bien », répond celui-ci avec un sourire, et il disparaît soudain, laissant
Agnès inondée de consolation.
Un autre jour, comme elle
allait entendre la messe à Notre-Dame, un pauvre vient à elle, et demande
quelque soulagement. Agnès, hors d’état de le satisfaire, le lui dit, non sans
tristesse : « Cherchez dans votre poche, reprit le pauvre, vous
trouverez bien quelque chose à me donner ». Elle obéit, et rencontrant une
pièce de monnaie, la tendit au pauvre ; mais il avait disparu.
Une troisième fois,
Jésus-Christ s’offrit à elle sous des habits de pèlerin, et la pria de réciter
à haute voix un Ave Maria, puisqu’elle ne pouvait lui faire d’aumône
matérielle. A peine eut-elle prononcé le nom de jésus, que le divin Pèlerin
s’évanouit à ses regards.
Souvent aussi, les
nécessités corporelles de diverses personnes lui étaient découvertes
surnaturellement, afin qu’elle pût les secourir. Notre jeune Agnès n’était pas
moins ardente à instruire le prochain des vérités de la foi, à recommander les
pratiques chrétiennes, à suggérer à ses compagnes d’âge le mépris des vanités du
siècle. Son père et sa mère, ses frères et sœurs ressentirent les premiers
l’efficacité de son zèle. A tous elle inspira un grand amour de Dieu, une
dévotion spéciale pour la Sainte Vierge, et leur persuada d’entrer dans la
Confrérie du Rosaire, comme moyen infaillible de sanctification et de salut.
Elle se prodigua particulièrement à l’égard d’une sœur plus jeune qu’elle, la
disposa à recevoir dignement les sacrements de Pénitence et d’Eucharistie, lui
apprit à faire oraison, et la mit si bien dans le chemin de la perfection que
celle-ci, bénie de Dieu, embrassa plus tard la vie religieuse et se distingua
par ses vertus.
Nous ne saurions omettre
la conversion d’un hérétique, procurée par les soins de la servante de Dieu.
Agnès avait alors quinze ou seize ans. Les médecins avaient ordonné qu’elle
allât prendre les eaux des Salles, dans les Cévennes, et sa mère l’accompagna.
A peine étaient-elles arrivées, qu’on leur apprit la présence d’un étranger
opiniâtre dans l’hérésie. Agnès fut vivement touchée de son aveuglement, et,
concevant un grand désir de le gagner à Jésus-Christ, commença par le
recommander beaucoup à la bienheureuse Vierge Marie. Elle va ensuite le
trouver, et sans entamer de discussion sur le dogme catholique, se contente de
lui parler avec toute l’onction dont elle est capable, de l’amour de Dieu et du
bonheur de le servir. Peu à peu, l’hérétique se laissa subjuguer parles
entretiens de la sainte jeune fille, et promit d’abjurer, sitôt qu’il serait
rentré dans son pays. IL fut fidèle à sa parole, et il ne cessait de déclarer
ensuite que la pieuse conversation d’Agnès avait eu plus d’effet sur son esprit
et sur son cœur, que tous les raisonnements des théologiens avec lesquels il
avait discuté autrefois.
Les faits que nous venons
de rapporter s’accomplirent avant que la vertueuse Agnès eût atteint sa
dix-septième année : elle était sous la conduite des Révérends Pères Jésuites,
particulièrement sous celle du Père Boyre, recteur du collège du Puy. Comme
leur résidence se trouvait assez éloignée de la maison de Pierre Galand,
celui-ci défendit à sa fille de continuer à s’y rendre, et voulut qu’elle
adoptât l’église de nos Pères, dédiée à saint Laurent, pour se confesser et
faire ses dévotions. La Providence, qui destinait cette sainte fille à devenir
un des plus beaux ornements de l’Ordre de Saint-Dominique, permit ce changement
dans sa direction spirituelle. Agnès choisit pour guide de son âme le Père
Etienne Gérard, docteur en théologie, Religieux de grande piété et de grand
savoir, venu cette année-là même au Puy, en qualité de Prieur du couvent. Le
regardant comme l’envoyé de Dieu pour la conduire vers la perfection, elle lui
communiqua sans tarder ses pratiques d’oraison et les grâces dont le Ciel la
favorisait. Sa manière d’agir fut approuvée de cet homme éclairé : il l’exhorta
à être fidèle à son divin Epoux et à considérer soigneusement la sainte
humanité et la Passion du Sauveur Jésus, qui est la voie sûre pour arriver à la
plus haute sainteté. Il lui permit la communion plus fréquente, à raison des
dispositions qu’elle y apportait. Les jours que la pieuse jeune fille recevait
cette divine nourriture, elle ne mangeait, sur le soir, qu’un peu de pain et
d’herbes cuites : encore n’était-ce que par obéissance. Tout le temps
compris entre deux communions, elle le partageait entre l’action de grâces et
la préparation, et communiait alors spirituellement avec une ferveur qui lui
valait des grâces considérables. Le divin Maître répondait aux saintes
affections de sa servante par des consolations sans nombre, et entre autres
faveurs lui accorda le don des larmes. Elle avait eu cette grâce dès sa tendre
jeunesse, et son premier confesseur, qui trouvait à peine dans ses aveux
matière à absolution, admirait comment une enfant si innocente pleurait avec
tant d’amertume des imperfections qui, dans le cours ordinaire des choses,
eussent passé peut-être pour des actes de vertu. Un jour qu’il s’efforçait de
la consoler, en lui représentant que ses péchés n’avaient pas la gravité
qu’elle supposait et que d’ailleurs la divine Miséricorde les lui avait
pardonnés. « Hélas ! mon Père, répondit Agnès, ne me flattez pas. Je
ne sais pas expliquer l’énormité de mes fautes : si vous me connaissiez
bien, vous me chasseriez de votre présence et même de cette église ».
Sa pureté extérieure
allait de pair avec l’innocence de son âme. La retenue régnait dans ses paroles
et la modestie dans ses actions. Jamais on ne remarqua rien en sa conduite qui
pût blesser tant soit peu les règles de l’honnêteté. Bien que d’ordinaire elle
inspirât le respect pour sa vertu, elle ne fut pas à couvert des attaques de
quelques libertins assez osés pour lui adresser des propos malséants. Les sages
réponses d’Agnès couvrirent de confusion ces insolents, et l’un d’eux irrité
lui déchargea sur le visage un violent soufflet. La chaste vierge reçut cet
affront avec joie, pour l’amour dé Celui auquel elle avait consacré sans retour
et son corps et son âme.
Dans une circonstance
analogue, le Seigneur fit pour elle un miracle, que le procès de béatification,
fait par ordre de l’évêque diocésain, a pris soin de relever.
C’était à l’époque où
Agnès prenait les eaux minérales des Salles. Elle se trouvait sur les bords de
la Loire, en compagnie de plusieurs jeunes filles, quand des campagnards se
joignirent à elles. La conversation de ces gens grossiers ne tarda pas à
prendre un tour fort peu honnête. Agnès en frémit, et sensiblement affligée de
ne pouvoir passer sur la rive opposée, parce que l’endroit n’était pas guéable,
elle leva les yeux au ciel pour demander secours. A l’instant parut un Ange,
sous forme d’un jeune homme, lequel la conduisit à travers le fleuve, au grand
étonnement de ses compagnes et des paysans eux-mêmes, qui s’écrièrent, comme le
porte un manuscrit : « Voyez, voyez cette fille, elle marche sur les
eaux ».
Depuis le jour où, âgée
de huit ans, Agnès avait consacré à Jésus-Christ sa virginité, cette vertu
jetait en elle de jour en jour un plus vif éclat : les moindres taches,
les plus légères immodesties lui paraissaient monstrueuses : elle ignorait
tout ce qui pouvait en obscurcir la beauté.
Cependant Pierre Galand,
qui ignorait le vœu de virginité fait par sa fille songea pour elle à un
établissement convenable dans le monde. Agnès le pria humblement de ne point
songer à l’engager dans le mariage parce qu’elle avait déjà choisi Jésus-Christ
pour époux. Cette déclaration causa quelque chagrin au père, incapable
d’ailleurs de lui fournir une dot pour entrer en Religion. Mais, comme il était
chrétien, et que sa fille eut des raisons plausibles à lui présenter, il ne
l’inquiéta pas.
Rassurée de ce côté, mais
sachant que nous portons dans un vase fragile le trésor de la pureté, elle
redoutait sa faiblesse et les dangers du monde extérieur. Un des moyens qu’elle
prit pour s’assurer la victoire fut une vie plus austère et plus pénitente.
Elle demanda
l’autorisation de prendre un breuvage formé de vinaigre et de suie. Le
confesseur, croyant qu’il ne s’agissait que d’une fois, le lui permit. Mais
Agnès continua cette mortification tous les vendredis, pendant trois ans,
jusqu’à ce que son estomac en fût altéré : plus tard, entrée en Religion,
elle remplaça ce breuvage par un mélange de fiel et de vinaigre.
L’espace de neuf ans,
elle n’eut pour lit que des ais, avec une pièce de bois pour oreiller. Elle
cacha cette pénitence avec tant d’adresse que sa sœur fut seule à s’en
apercevoir, et en garda le secret. Outre la chaîne de saint esclavage dont nous
avons parlé, elle s’entoura d’une ceinture armée de pointes aiguës, qui
pénétrèrent dans la chair, et ne put être enlevée, après huit ans, qu’à l’aide
d’incisions. Elle portait, en outre, un cilice et quatre ou cinq fois la
semaine se flagellait jusqu’au sang.
Tant de vertu faisait
d’Agnès l’objet des complaisances du Ciel, mais excitait aussi la rage de l’enfer.
Il semble que les démons eurent sur cette innocente victime le pouvoir que Dieu
leur accorda autrefois sur le saint homme Job, et pendant six ans ils
exercèrent contre elle tout ce que la fureur et la malice sont capables
d’inventer.
Leurs ruses et leurs
suggestions ne parvenant pas à l’empêcher de vaquer à l’oraison, ils lui
apparurent sous la figure de personnages horribles afin de l’effrayer. Tantôt
ils secouaient la maison avec une telle violence qu’elle semblait près de
s’écrouler ; tantôt ils tiraient Agnès par la robe ou par les cheveux, et la
frappaient si rudement qu’elle restait à terre meurtrie, à demi morte.
« Je l’ai vue plusieurs fois en cet état, lorsqu’elle était encore dans la
maison de son père, dit la relation de la M. Gabrielle Jacques, alors sa
compagne et sa confidente ; au commencement, n’en sachant pas la cause, je
voulais qu’elle se couchât. Elle me dit que ce n’était pas nécessaire, et que
pour lors ses parents la feraient traiter comme malade ».
Une nuit d’hiver qu’elle
faisait oraison, Satan se présenta devant elle et lui dit avec colère:
« Que fais-tu ici, pauvre insensée, tu serais bien mieux dans ton
lit ». La vue d’un être si horrible la glaça d’effroi ; mais se
reprenant, et assistée d’en haut, elle protesta qu’elle ne quitterait pas son
oraison. Une grêle de coups fut la riposte du cruel bourreau : Agnès en
fut presque réduite à l’agonie. Son directeur, informé de cet événement, dit à
Agnès : « Si le démon revient, crachez-lui au visage ». La
chaste vierge obéit, mais Satan se vengea en l’accablant de coups. Malgré tout,
la sainte jeune fille restait victorieuse de son ennemi et parfois lui parlait
avec une autorité souveraine. Le prince des ténèbres s’avisa alors de se
transformer en Ange de lumière, et apparut même un jour sous l’aspect de Jésus
crucifié.
Agnès, éprouvant en son
cœur une joie toute naturelle, au lieu du sentiment de compassion qui lui était
ordinaire en pareil cas, reconnut l’artifice, et se jetant contre terre,
s’humilia profondément. Il n’en fallut pas davantage pour: mettre en fuite
l’esprit d’orgueil. A cette occasion son directeur lui demanda si elle
discernait bien les visions célestes des apparitions diaboliques. « Mon
Père, répondit-elle, je ne suis que péché ; mais j’ai confiance en mon
divin Epoux, il ne permettra pas qu’une pauvre fille, uniquement désireuse de
l’aimer et de le servir, puisse être trompée ». Le démon, ne réussissant
pas à entamer par la violence et la ruse la patience de cette dame généreuse,
eut recours aux propos malveillants, Il suscita dans la ville du Puy, de
méchantes langues pour la diffamer, traiter sa piété d’hypocrisie, et toute sa
conduite de dissimulation.
Les parents d’Agnès
furent extrêmement peines de ces rumeurs fâcheuses ; mais, ayant une haute
idée de la vertu de leur fille, ils se contentèrent d’ordonner à la sœur
d’Agnès de l’informer de ce qui se passait et de l’avertir du déshonneur qui
tombait sur la famille.
Cette sœur, témoin
oculaire de l’innocence d’Agnès et par ailleurs pleine de respect pour ses
parents, transmit, non sans répugnance, La communication. Agnès lui répondit
avec douceur : « Je n’ignore pas, ma sœur, les accusations portées
contre moi ; dites à mon père qu’il ne s’afflige point de ces faux bruits, et
assurez-le que je tromperai bien te monde qui me verra toute autre qu’il ne me
croit ». Elle ne perdit rien de son -calme, continua ses pratiques de
dévotion et de charité, et finalement désarma la calomnie. Les auteurs des
infâmes procédés ne tardèrent pas à en concevoir du regret, et plus tard, quand
Agnès fut sur le point de quitter Le Puy, pour entrer en Religion, ils vinrent
en foule, devant l’église du couvent, pour lui demander pardon. « De
quelle faute me demandez-vous pardon, leur répondit l’humble fille : je
n’ai jamais cru que vous m’ayez offensée ».
Une vie si pure ne
pouvait .s’arranger des embarras du siècle : le monde ne méritait pas de
posséder plus longtemps un tel trésor. Jésus-Christ, qui de toute éternité
avait prédestiné Agnès à être son épouse, se devait, en quelque sorte, de la
retirer dans la solitude du cloître, afin de lui parler cœur à cœur et de se
communiquer à elle avec plus d’abondance.
Déjà, en l’année 1621,
Agnès avait reçu l’habit du Tiers-Ordre de la Pénitence de Saint-Dominique;
mais cet état ne rassasiait pas ses désirs : elle voulait plus. D’autre
part, la situation financière de la famille ne lui donnait pas l’espoir de
fournir une dot pour entrer au monastère de Sainte-Catherine, fondé au Puy,
environ vingt ans auparavant. Le Seigneur allait faire naître une occasion
favorable.
On songeait à établir à
Langeac une maison de Sœurs Dominicaines, et l’on avait résolu de faire venir
du Puy quatre Religieuses pour présider à la fondation. La joie que ressentit
Agnès de cette nouvelle ne peut s’exprimer. Elle crut saluer l’aurore de sa
délivrance, et fit de grandes instances après du Père Panassière, sous-prieur
du couvent de Saint-Laurent, et son confesseur en l’absence du Père Gérard,
afin qu’il lui obtînt d’être reçue comme sœur converse dans le monastère de Langeac.
Le Père Panassière agit fortement auprès du Père Raboly, autre Dominicain,
confesseur ordinaire de nos Religieuses du Puy, et obtint enfin ce qu’il
souhaitait.
Agnès s’appliqua,
l’espace de six mois, à se rendre capable des emplois propres aux Sœurs converses ;
elle se fit même enlever avec le fer rouge une excroissance de chair formant un
sixième doigt, et pouvant être un obstacle pour bien pétrir le pain. Les six
mois étaient à peine écoulés qu’on vit se produire un changement de fortune
inattendu pour la .servante de Dieu. Une dame veuve du Vivarais étant venue
s’établir au Puy eut connaissance d’Agnès. Sa conversation toute sainte et sa
vie exemplaire la touchèrent à tel point qu’elle-même résolut de revêtir
l’habit religieux au monastère de Langeac et de constituer deux dots, une pour
elle, l’autre pour Agnès, afin qu’elle fût reçue comme Sœur de chœur. La
proposition fut accueillie du Père Raboly, et sanctionnée par l’évêque de
Saint-Flour, dont Langeac dépendait alors.
Les choses en restèrent
là, trois mois environ, et l’on n’attendait plus que l’époque fixée pour le
départ. Mais Dieu, qui préparait des humiliations à celle qu’il voulait élever
à une si éminente sainteté, permit que tous ces projets fussent renversés en un
moment. La dame, revenue de sa ferveur passagère, abandonna la résolution de
prendre le voile, et craignant l’éclat occasionné par sa retraite, quitta Le
Puy sans bruit pour regagner son pays. Un événement si peu attendu causa grande
surprise dans la ville, et on en rejeta le poids sur Agnès, qualifiée
d’ambitieuse et orgueilleuse, pour ne s’être pas contentée de sa condition
première de Converse, qui toi avait été accordée par faveur. « La
voyez-vous, disait-on par raillerie, la voyez-vous, cette fille de service qui
a voulu devenir sœur de chœur et qui maintenant n’est plus rien ! »
Sans s’émouvoir de ces propos désobligeants Agnès ne laissait pas d’être
profondément affligée ; car son espoir d’être Religieuse paraissait s’en
aller en fumée. Le Père Raboly, qui avait déjà donné à l’évêque de Saint-Flour
le nom d’Agnès Galand pour entrer dans le monastère comme Religieuse de chœur,
refusait maintenant de la présenter comme simple Converse, et les instances du
Père Panassière ne parvenaient pas à le fléchir.
Un gentilhomme de Riom, qui
s’occupait de la fondation d’un monastère de Carmélites dans cette ville, ayant
appris la déconvenue de la pauvre Agnès, s’offrit de la faire recevoir dans le
nouveau monastère ; mais celle-ci, se sentant pressée par Dieu de
persévérer dans sa vocation dominicaine, se contenta de remercier.
Cependant les demoiselles
fondatrices du monastère de Langeac, après être venues passer quelque temps à
Sainte-Catherine du Puy, pour s’initier à la vie religieuse, se disposaient à
partir avec les quatre Sœurs chargées de les aider dans la fondation. Agnès
était accablée de tristesse de ne pouvoir les suivre. Ses larmes, sa
désolation, l’altération de ses traits émurent profondément le Père
Panassière ; il fit une suprême instance auprès du Père Raboly. Dieu bénit
sa tentative, et le Religieux consentit à recevoir Agnès à titre de Converse.
Impossible d’exprimer
avec quelle joie et quelle reconnaissance notre postulante accueillit cette
heureuse nouvelle. Son visage reprit un air de santé, et les forces revinrent à
ses membres. En même temps s’opéra un revirement complet dans les
esprits ; ceux qui avaient le plus insulté aux épreuves de l’humble fille
applaudirent à son bonheur, et quand, pour obéir à ses directeurs, elle
entreprit de faire une petite quête par la ville, afin d’aider aux frais de son
voyage et de sa vêture, elle recueillit en deux jours plus de deux cents
livres.
La veille du départ,
Agnès alla prendre congé de sa chère Madone de Notre-Dame du Puy. Elle passa la
plus grande partie de cette journée dans la basilique angélique, et reçut de
grandes faveurs de la Vierge Marie et de son divin Fils. Agnès consola ensuite
ses bons parents et dit adieu à ses frères et à ses sœurs ; s’adressant
spécialement à sa sœur Marie, fidèle dépositaire de ses secrets, elle lui dit
avec tendresse : « Quittez le monde, ma chère sœur, je vous en
conjure, c’est un trompeur : après avoir abusé ceux qui suivent ses
maximes, il les plonge dans un malheur éternel. Mettez-vous à couvert dans un
cloître bien réformé ».
Marie fut vivement
touchée de tels conseils et les mit si bien en pratique qu’elle entra plus tard
comme Sœur converse au monastère de Viviers et y mourut en réputation de très
haute vertu.
Agnès, dégagée de tout ce
qui pouvait l’arrêter, se disposa à partir pour Langeac avec les fondatrices et
les quatre Religieuses du Puy. Le voyage devait se faire à cheval. Une personne
de condition avait mis à la disposition de la jeune postulante une monture
vigoureuse. Mais, à l’heure de se mettre en marche, l’animal, par un incident
que tout le monde attribua à un artifice du démon, sentit un poids si lourd
qu’il se couvrit de sueur et ne put faire un pas. On amena un autre cheval qui
demeura pareillement immobile. Agnès se vit contrainte de descendre et d’aller
à pied jusqu’à Langeac. Quand on arriva en vue de la ville, son Ange gardien
lui montra les bâtiments du monastère et lui dit : « Voilà ta
maison ! » Le démon, à son tour, lui apparut sous une forme
monstrueuse, et au moment où elle traversait le pont jeté sur l’Allier lui suggéra
la pensée de se précipiter dans la rivière, plutôt que d’aller s’emprisonner
dans un cloître, pour le reste de ses jours. Le bon Ange vint au secours
d’Agnès et dissipa la malice de Satan.
Avant d’entrer dans leur
habitation, nos voyageuses se rendirent à l’église pour adorer et remerciée
Notre-Seigneur. Agnès ressentit alors de tels transports d’amour qu’elle tomba
dans un ravissement qui dura trois heures. Ses compagnes, remarquant son
absence prolongée, l’envoyèrent chercher, et la sortirent ainsi de son extase.
Le 26 septembre 1623, le
Père Guidy, Provincial des Frères Prêcheurs de Provence, prit au nom de l’Ordre
la direction du monastère, placé sous le vocable de Sainte-Catherine de Sienne,
et y établit la clôture. Il institua le Père Raboly confesseur de la
Communauté, et mit à la tête du monastère deux des Religieuses venues du Puy:
la Mère Marie Pascal, à titre de Prieure, et la Mère Louise Bouriat en qualité
de Maîtresse des novices. Puis il célébra le Saint-Sacrifice, et adressa une
pieuse allocution à la petite communauté.
Le même jour, les quatre
demoiselles fondatrices reçurent l’habit de novices. Pour Agnès, la cérémonie
de sa vêture fut renvoyée au 4 octobre, fête du séraphique François d’Assise,
un de ses Saints préférés. En cette circonstance on lui imposa le nom d’Agnès
de Jésus. .Dire la joie de la servante de Dieu, serait chose impossible. Elle
voyait se réaliser les vœux de sa vie entière. Hors d’elle-même, absorbée dans
la plus haute contemplation, elle parut aux yeux de ses Sœurs rayonnante d’une
beauté angélique ?
Pour comble de bonheur,
le saint Patriarche Dominique, se montrant à elle, lui dit avec bonté :
« Eh bien ! ma fille, après avoir beaucoup pleuré et désiré mon
habit, vous l’avez obtenu et vous êtes consolée. Aimez voire Époux Jésus et
rendez-lui grâces; gardez fidèlement vos règles; soyez humble, obéissante, et
vous verrez que jamais je ne vous délaisserai ».
Mais si le Ciel lui était
si favorable, l’enfer ne pouvait la laisser en repos. Le soir même du beau
jour, Satan se présenta et dit à la nouvelle Sœur : « Allons, te
voilà contente ; sache-le bien, je ferai tout mon possible pour te
perdre ». Là-dessus, il se mita la battre avec tant de fureur que la
pauvre Agnès s’en trouva le lendemain presque dans l’impossibilité de remplir
son office.
On lui avait assigné le
soin de la cuisine. Elle regarda cet emploi non avec mépris ou dédain, mais
comme un moyen efficace de pratiquer la chanté et la patience. Fort peu
préparée dans la maison de son père à de telles fonctions, elle y apporta du
moins tant de bon vouloir que les Religieuses trouvaient bien apprêtés tous les
mets qu’elle leur servait. Du reste son bon Ange l’assistait visiblement, dit
un contemporain, et il suppléait à diverses choses que la faiblesse de sa santé
l’empêchait de faire. Pour avoir l’eau, Agnès était contrainte d’aller très
loin, et le voyage lui était d’une fatigue extrême. Elle s’en plaignit
amoureusement à Notre-Seigneur, qui fit jaillir, dans la cuisine même, une
source d’eau limpide et abondante. On construisit un puits appelé plus tard
« le puits de la Mère Agnès » ; il subsiste toujours pour
l’avantage des malades qui boivent avec confiance de son eau.
Agnès avait d’autant
.plus besoin de l’assistance céleste, que le démon, fidèle à ses menaces s’efforçait
par mille vexations, de la dégoûter de son emploi. Il se montrait quelquefois à
elle sous la forme d’un dragon, jetant des flammes par la gueule et parles
narines. L’humble novice s’agenouillait aussitôt devant le petit oratoire
qu’elle avait dressé dans sa cuisine, et s’abandonnait entre les mains de Dieu.
Le monstre alors redoublait de fureur. Tantôt il cachait les ustensiles les
plus nécessaires, tantôt il transportait les aliments en un lieu secret et les
couvrait de sable; parfois il jetait de grosses bûches sur les pieds d’Agnès
pour les écraser, ou bien il la poussait rudement contre le fourneau ou la
muraille. En toutes ces rencontres, le bon Ange intervenait assez à temps pour
empêcher Agnès d’être blessée ou brûlée. Aussi, à raison de ce mélange
d’épreuves et de consolations, l’épouse du Christ appelait-elle plaisamment sa
cuisine « un enfer et un paradis ».
Toute l’année de son
noviciat, Agnès de Jésus s’appliqua vigoureusement à garder les prescriptions
de la règle et à pratiquer en perfection les vertus chrétiennes et religieuses.
Et d’abord l’humilité,
qui est le fondement de toute sainteté, remplissait son âme et la pénétrait
tellement que la servante de Dieu ignorait ce qu’est suffisance et orgueil, Son
confesseur lui ayant demandé un jour si elle ne ressentait pas quelque vanité
ou complaisance pour les faveurs peu communes dont Dieu l’honorait, elle
demanda avec candeur, avant de répondre, ce qu’il entendait par vanité et
complaisance. Ravie de ce que la qualité de Sœur converse l’engageait à servir
les autres, elle s’affligeait de recevoir à son tour quelque service, et se
plaignait au Seigneur de l’empressement des Religieuses à soulager une si vile
créature dans ses maladies : « Ne t’afflige pas, ma chère fille,
répondit le divin Maître, je saurai récompenser celles qui te servent, et leurs
peines ne seront pas perdues ».
Cette humilité lui
faisait trouver des consolations extraordinaires dans les réprimandes et les
corrections. Son confesseur, voulant l’humilier, la traita un jour
d’hallucinée, prenant pour des visions célestes les artifices du démon :
l’humble Sœur reçut cet avis avec joie, pleura amèrement de s’être laissé
tromper, et résolut d’en faire pénitence.
Par le même principe
d’humilité, elle se considérait comme coupable des événements fâcheux qui
survenaient à la communauté. La rivière, dont les eaux baignaient les murailles
du monastère, renversa, par suite d’une forte crue, un pan de mur du jardin.
Agnès en fut vivement peinée, persuadée que ses péchés avaient attiré cette
perte à la communauté.
L’humilité était
accompagnée chez elle d’une candeur et d’une simplicité merveilleuses, ce qui
contribua grandement à la faire aimer. Cette candeur apparaissait dans ses
paroles et ses actes, et jusque dans ses rapports avec Dieu. Le Père
confesseur, en proie à une douleur aiguë, ordonna à la vertueuse Sœur de
demander au Seigneur sa guérison. Agnès pria son céleste Époux avec ferveur et
même importunité, mais sans succès. Jésus-Christ lui apparut :
« Agnès, ma fille, tu es bien ; simple de m’adresser avec tant
d’instances une telle demande. — Hélas ! Seigneur, répondit-elle, vous
êtes bien plus simple encore d’être mort pour une ingrate créature comme moi,
si peu fidèle à vos grâces ! » Admirable colloque que l’amour seul
peut comprendre, et dont l’Écriture vous donne le secret en disant que le Dieu
de majesté se plaît à converser avec les âmes pures et simples : cum
simplicibus sermocinatio ejus (Prov III, 31.)
La vertu d’obéissance
n’éclatait pas moins dans l’humble Sœur ; on peut même dire qu’il n’y eut
guère d’occasions où Agnès ne l’ait pratiquée à un degré sublime. Soigneusement
attentive à observer les moindres points de la règle et des constitutions,
vigilante à exécuter tout ce qu’on exigeait d’elle, on remarqua que la voix de
sa Supérieure, les ordres de ses confesseurs, le seul son de la cloche eurent
toujours plus de pouvoir sur son esprit que les révélations dont elle était
favorisée et les recommandations qui lui venaient du Ciel. Ni les visites du
Sauveur, ni les apparitions de la Sainte Vierge ou des Saints, ni la présence
habituelle de son Ange gardien, ne lui firent jamais différer d’un instant le
plus léger acte d’obéissance.
Cette soumission et
dépendance, pierre de touche de la vraie sainteté, fut pour ses directeurs
spirituels la preuve convaincante de la réalité divine de ses visions et
révélations ; elle fut en même temps pour elle le principe constant d’une
disposition à ne se distinguer en rien du reste de la communauté. Austérités,
prières, communions, elle subordonnait tout à l’obéissance, et même au plus
fort de la maladie, brûlée de fièvre, elle se refusait le moindre soulagement,
si l’obéissance n’y avait donné sa sanction.
La Mère Prieure, qui
s’appliquait beaucoup à examiner l’esprit d’Agnès, lui commanda un jour de
prêcher au réfectoire devant les Religieuses, et voulut même, une autre fois,
que ce fût au chœur, en présence de plusieurs ecclésiastiques. Agnès ne chercha
ni raison, ni prétexte pour décliner une fonction si peu en harmonie avec sa
condition. Mais grande fut la surprise de l’auditoire de l’entendre parler de
l’excellence et de la sainteté de l’état religieux avec une onction si
communicative que tout le monde se sentit embrasé des flammes sacrées qui la
consumaient elle-même.
Cependant l’année de
probation était près d’expirer, et régulièrement Sœur Agnès devait être appelée
à faire sa profession solennelle. Mais voici que l’hésitation se mit à son
sujet parmi les Religieuses. Les pénitences de toute sa jeunesse, le peu de
nourriture qu’elle prenait et les mauvais traitements qu’elle essuyait de la
part du démon avaient réduit son pauvre corps à une telle faiblesse que
l’emploi de la cuisine finit par lui devenir impossible. « On l’a prise
pour servir la maison, se disaient les Sœurs, et il faudra que la maison la
serve. » Elles n’eussent pas été fort éloignées de lui signifier son
congé. Mais la Mère Prieure, plus calme et mieux éclairée, jugea qu’il pouvait
y avoir là un indice qu’Agnès de Jésus était destinée dans les plans de la
Providence à s’élever de la condition de Sœur converse à l’état de Religieuse
de chœur. Elle parla dans ce sens au Père Panassière, lequel venait d’être
assigné comme confesseur du monastère de Langeac. Ce Religieux, qui avait
dirigé Agnès plus d’une année, quand elle était au Puy, pensa comme la Mère
Prieure. Il alla même jusqu’à ordonner à sa pénitente de prier Dieu de faire
connaître sa volonté à cet égard.
L’humble Agnès s’excusa
tant qu’elle put de faire une telle prière : elle dut obéir. Satan en
conçut un extrême dépit. La première fois qu’elle pria à cette intention, il
lui apparut furieux et lui dit : « Si tu ne cesses de prier pour
cette affaire, je te ferai perdre la vie : il ne tient qu’à toi de rester
en repos ». Et voyant que la sainte fille persévérait dans sa prière, il
passa des menaces aux coups et la frappa si violemment qu’elle en demeura comme
anéantie. Pareilles scènes se renouvelèrent de temps en temps, mais Dieu la
fortifiait par sa grâce et ses consolations.
Les obstacles à la
réception d’Agnès comme Sœur de chœur se multipliaient de toute part. Les
adversaires du projet mettaient en avant la pauvreté de sa condition, les
dispositions de la Règle et une convention faite avec l’évêque de Saint-Flour,
d’où résultait, disait-on, un empêchement tout à fait insurmontable. Pour
surcroît de difficultés, la Prieure, Sœur Marie Pascal, entièrement dévouée aux
intérêts d’Agnès, fut rappelée au monastère du Puy et une Converse venue la
chercher apporta une lettre peu favorable à notre novice.
Tout paraissait désespéré
quand Dieu intervint, en envoyant à sa servante une maladie mystérieuse,
accompagnée de ravissements dont toute la communauté fut témoin. Dans l’une de
ces extases, qui dura dix heures, Agnès fut transportée en esprit au ciel, et
vit la Très Sainte Vierge lui présenter une rose d’une merveilleuse beauté.
Revenue à elle-même, elle demanda aux assistants sa rose, ce qui donna lieu
ensuite au Père Panassière de connaître toute la vérité de ce ravissement.
Agnès se sentit aussi élever au Calvaire, où, son Ange lui ayant percé le cœur
d’un dard, les personnes qui entouraient sa couche là virent en des transports
d’amour ineffables : on dut rafraîchir avec des linges trempés dans l’eau sa
poitrine brûlante. Elle parut même réduite à une si grande faiblesse que le
confesseur, craignant qu’elle ne mourût, se mit en devoir de lui administrer
les Sacrements. Agnès reprit assez de force pour s’écrier : « Venez,
mon Époux, venez au plus tôt, mon bien-aimé, mon tout ! »
Ce fut au cours de cette
maladie que la servante de Dieu se mit un jour à la suite de la Bienheureuse
Vierge Marie, qu’entouraient un nombre considérable de vierges, pour assister
au trépas d’une fille d’éminente vertu, nommée Marie de Geyce. Elle la vit
remettre son âme entre les mains de la Mère de miséricorde, qui la conduisit au
ciel. La douleur que ressentit Agnès de quitter cette sainte compagnie pour
revenir sur terre s’exprima par des larmes abondantes, pendant trois
jours : souvent elle s’adressait à la sainte âme qu’elle savait depuis peu
en Paradis, et lui demandait son assistance auprès du Seigneur.
Tant de faits
merveilleux, joints aux admirables vertus d’humilité, de charité, d’héroïque
patience pratiquées par Agnès depuis près d’un an, firent une impression
profonde sur les Religieuses, et les disposèrent insensiblement à entrer dans
les vues de Dieu. Sur ces entrefaites, les Dominicaines du Puy, qui
établissaient une maison à Viviers, écrivirent à celles de Langeac que, si
elles ne voulaient pas recevoir Sœur Agnès pour Religieuse de chœur, elles lui
accorderaient volontiers cette grâce dans leur nouveau monastère, où sa sœur
Marie venait d’entrer par les soins du Père Gérard. Cette nouvelle réjouit
beaucoup le Père Panassière profitant d’une conjoncture si favorable, il s’adressa
à M. Martinon, archiprêtre de Langeac, et lui représenta que le peu de
santé : d’Agnès ne permettait pas qu’elle demeurât Sœur converse, et que,
si l’on refusait à Langeac de la faire passer au rang des Sœurs de chœur, il
l’enverrait à Viviers, où les Religieuses la souhaitaient très vivement.
M. Martinon, qui n’avait
pas peu contribué à la fondation de Langeac, et y comptait parmi les
Religieuses sa sœur et ses deux nièces, entra dans le sentiment du Père
Panassière. Il parla en faveur d’Agnès avec tant d’éloquence que la communauté
fut unanime pour l’agréer comme Religieuse de chœur, et sollicita, sans tarder,
l’approbation de l’évêque de Saint-Flour.
A raison des rares
qualités d’Agnès, dont on lui avait parlé, le Prélat accueillit la requête avec
bienveillance, tout en stipulant que cette concession exceptionnelle ne
tirerait pas à conséquence.
Notre Sœur fut informée
par son bon Ange de cet heureux événement. « Chère épouse de Jésus, lui
dit-il, votre affaire a réussi en dépit de l’enfer : bénissez le Seigneur, dont
la volonté va s’accomplir en vous ».
De son côté, le démon
parut le soir même, et prenant un ton railleur : « Eh bien !
Madame, vous voilà donc Sœur de chœur ! Sachez bien que vous n’êtes pas où
vous devez être ; je ferai tout mon possible pour vous perdre ». Puis
il la chargea de coups et la laissa comme morte sur la place. Le lendemain,
jour où fut enregistrée l’autorisation épiscopale, Satan revint avec plus de
fureur et précipita Agnès du haut de l’escalier jusqu’en bas. Deux Religieuses,
qui la virent tomber, furent très étonnées qu’elle ne se fît pas de mal et
conclurent à la protection d’une main invisible.
Le 28 septembre 1624,
Sœur Agnès de Jésus échangea le scapulaire noir pour le blanc scapulaire de
novice de chœur, et pendant quatre mois dut se soumettre à un supplément de
probation.
La Prieure, Sœur Louise
Bouriat, lui désigna une maîtresse fort expérimentée en la vie spirituelle et
chargea une autre Sœur de la former à la lecture et au chant. Non contente de
lui apprendre la prononciation du latin, cette Religieuse sembla prendre à
tâche d’exercer sa patience. A la moindre faute, elle retirait le livre des
mains d’Agnès, lui en frappait sur les doigts ou le jetait à terre bien loin.
La pauvre novice allait ramasser le livre tranquillement et revenait près de sa
maîtresse, attribuant cette manière d’agir à un grand zèle pour son
instruction. Les autres Religieuses l’éprouvaient, elles aussi, de diverses
manières, et son confesseur, qui ne lui avait jamais épargné les affronts dans
le monde, en devint plus libéral que jamais.
En revanche, quelques
douceurs célestes venaient tempérer l’amertume de ces humiliations. Chaque
matin, à son lever, Agnès avait coutume de se tourner dans la direction de
N.-D. du Puy, et demandait la bénédiction de la Sainte Vierge par ces
paroles : Nos cum Prole pia benedicat Virgo Maria : que la
Vierge Marie nous bénisse avec son divin Enfant ».
Souvent la Reine du ciel
répondait à cette prière en se présentant elle-même et en la bénissant. Parfois
elle lui disait : « Que mon divin Fils te bénisse ! » ou encore : «
Que la Très Sainte Trinité te bénisse, ma fille bien-aimée ».
Son Ange gardien lui
accordait une pareille faveur. En outre, il l’instruisait de ce qu’elle avait à
chanter, et l’on s’étonnait que Sœur Agnès, d’ailleurs douée d’une fort belle
voix chantât l’Office avec une grande sûreté, bien qu’elle ne sût pas encore le
plain-chant.
Le Roi des Anges lui-même
procura diverses faveurs à son épouse chérie. Peu de jours après qu’elle eut
été reçue Sœur de chœur, il fit paraître devant elle un petit agneau d’une
extrême douceur et d’une beauté ravissante. Agnès craignit d’abord une
illusion, mais Notre-Seigneur la rassura et l’agneau lui apparut depuis assez
souvent, surtout lorsqu’elle se trouvait en proie à quelque grande affliction.
Cependant les
Religieuses, suffisamment édifiées sur les dispositions de leur novice,
l’admirent unanimement à faire profession. La Mère Prieure le lui signifia en
présence de toute la communauté.
Chose étrange ! Une si
bonne nouvelle jeta Agnès dans la plus grande peine d’esprit qu’elle eût jamais
éprouvée. Satan lui représenta que c’était folie de sa part de faire
profession, surtout dans un Ordre aussi austère, où jamais l’état de sa santé
ne lui permettrait d’observer les règles, ce qui la placerait perpétuellement
en état d’offenser Dieu et de se perdre. Ces fausses insinuations pénétrèrent
si profondément l’âme de la pauvre Agnès que ni ses supérieures, ni le Père
Panassière, ni d’autres éminents Religieux ne parvenaient à la détromper. Aux
tortures morales s’ajoutèrent d’affreux tourments extérieurs. Les démons,
sachant qu’il ne leur serait plus permis de la persécuter, après qu’elle serait
devenue professe, redoublèrent contre elle de rage et de violence. Les uns,
sous la forme de serpents, s’entortillaient autour de ses membres ; les
autres, sous la figure de loups affamés, se jetaient sur elle gueule
béante ; d’autres encore, semblables à des lions, poussaient à ses
oreilles d’épouvantables rugissements. Ces visions infernales étaient
continuelles il n’était aucun lieu dans le monastère où elle en fût exempte. La
Mère Prieure espéra la mettre à l’abri de cette persécution en la faisant
coucher dans sa chambre, Soin inutile. Elle-même, entendant le bruit des coups
et les gémissements d’Agnès, en tomba malade et faillit mourir.
Encore si le Seigneur
avait consolé sa servante par les caresses spirituelles dont il l’avait si
souvent gratifiée! Mais non. C’était vraiment pour elle l’heure des ténèbres et
de l’abandon. Agnès, craignant d’avoir offensé Dieu, et de continuer à lui
déplaire en demeurant au couvent, souffrait des maux inexplicables et ne
faisait que pleurer jour et nuit.
Impuissant à la consoler,
le Père Panassière se rendit au Puy pour consulter le P. Boyre. Après l’avoir
entendu, le savant Jésuite jugea qu’une âme à qui Dieu laissait soutenir de
tels combats, était une âme hors ligne, ne craignant qu’une chose, le péché,
favorisée d’apparitions célestes véritables, ce que justifiaient même les
apparitions du démon. Il concluait qu’elle était vraiment appelée d’en haut à
la vie religieuse. Fort de ce témoignage, en tout conforme à ses convictions
intimes, le Père Panassière enjoignit à sa pénitente de se disposer à faire
profession, le 2 février, fête de la Purification.
La veille de ce jour,
Agnès fit une confession générale, avec une douleur si vive que son confesseur
craignit qu’elle n’expirât au saint tribunal. Elle demeura ensuite prosternée à
terre, l’espace de trois heures, pleurant ses péchés. Le lendemain, deux
Religieuses la conduisirent au chœur, en la soutenant à cause de sa grande
faiblesse. Aussitôt qu’elle eut communié, la paix rentra dans son cœur, et
Jésus-Christ lui donna l’assurance qu’à l’avenir le démon n’aurait plus sur
elle aucun pouvoir. Agnès eut alors un long ravissement, durant lequel le divin
Maître lui apparut ayant à ses côtés saint Paul, saint Augustin, saint
Dominique, saint François, saint Bernard, et une multitude d’Anges qui
chantaient fort mélodieusement.,
Revenue de son extase, on
la conduisit à la cellule de la Mère Prieure, malade encore ; Agnès prononça
entre ses mains les vœux de Religion et reçut le voile noir des professes de
chœur. En même temps Notre-Seigneur lui passa au doigt, comme à son épouse, un
anneau d’un grand prix, invisible à tout autre qu’à elle. Son visage prit une
expression de beauté indéfinissable, les larmes coulaient le long de ses joues,
il n’était douteux pour personne qu’elle recevait à ce moment des grâces
extraordinaires.
Tandis qu’elle revenait
au chœur, elle se vit entourée de la Très Sainte Vierge et de saint Dominique,
l’assurant l’un et l’autre qu’ils l’acceptaient pour leur fille et, à ce titre,
la protégeraient toujours. Le bienheureux fondateur lui recommanda de nouveau
de bien garder ses vœux, ses règles et les constitutions de l’Ordre. Tout le
jour fut rempli pour Agnès d’une très grande allégresse, et à maintes reprises
elle entendit les Anges chanter au chœur le Te Deum de son engagement
irrévocable.
C’est ainsi que, malgré
le monde et l’enfer, Sœur Agnès de Jésus fit profession, en qualité de
Religieuse de chœur, le 2 février 1625, à l’âge de 21 ans et quelques mois.
La grâce que reçut la
Vénérable Mère Agnès au jour de sa consécration à Dieu la remplit de
reconnaissance pour ce bienfait signalé, et la sollicita de se rendre de plus
en .plus agréable à son divin Époux. Dans cette vue, considérant sa vie passée
comme un amas de défauts et d’imperfections elle redoubla de soin à pratiquer
toutes les vertus de son état, et ne tarda pas à projeter autour d’elle les
rayons de la plus éminente sainteté. Les supérieures la nommèrent maîtresse des
Sœurs converses et portière du couvent. Agnès s’acquitta de ces deux charges
avec un grand zèle et trouva principalement dans le second office, l’occasion d’exercer
tout à son aise la charité qui la pressait pour les pauvres. Elle plaidait si
bien leurs intérêts auprès de la Mère Prieure qu’elle obtenait souvent de
surajoutera la distribution des aumônes régulières, et maintes fois
Notre-Seigneur ou ses Anges se présentèrent, cachés sous des habits de
mendiants, pour lui tendre la main. Ils ne se manifestaient qu’après avoir reçu
son aumône.
La constante
préoccupation d’Agnès, dans la charge de portière, était d’associer à une
grande charité une parfaite obéissance. Le Ciel l’en récompensa par diverses
faveurs. Une fois entre autres, la Très Sainte Vierge lui déclara que son
obéissance était très agréable à elle-même et à son Fils.
Un jour que Sœur Agnès
priait, devant le Très Saint Sacrement, à une intention que la Supérieure lui
avait recommandée, un pauvre vint à sonner. Agnès, remarquant la pâleur de son
visage, courut demander la permission de l’assister. « Donnez-lui ce que
vous voudrez », répondit la Mère Boudât. Heureuse d’une permission si large,
l’amie des indigents prit tout ce qu’elle put trouver à la cuisine et le remit
au pauvre. A l’instant même apparaît Notre-Seigneur sous la forme d’un petit
enfant. Agnès se prosterne pour l’adorer, et se met en devoir de retourner au
chœur. « Demeure avec moi, dit le petit Jésus. — Je n’ai pas la
permission, répond Agnès. — Où peux-tu être mieux qu’avec ton Epoux, reprit le
saint Enfant. — Nulle part, mais l’obéissance m’appelle au chœur ».
L’Enfant Jésus sourit et disparut, laissant Agnès comblée d’une joie toute céleste.
Cependant l’épreuve
attendait la servante de Dieu dans son humble fonction. Un ecclésiastique de
marque vint, un jour, trouver la Mère Prieure et porter diverses plaintes
contre la Sœur Agnès, alléguant, entre autres choses, qu’elle faisait beaucoup
trop d’aumônes. Sans prendre la peine de vérifier ces reproches, la Prieure fit
appeler Sœur Agnès, lui adressa, devant toute la communauté, une verte
réprimande, et lui enleva la charge de portière. Agnès se prosterna contre
terre, suivant l’usage, et accepta l’humiliation avec une sérénité de visage
qui marquait parfaitement le calme de son âme. Mais elle se trouvait désormais
privée du bonheur de secourir les pauvres : elle ne put se défendre de
s’en plaindre amoureusement à son Epoux. Jésus lui répondit : « Ma
fille, s’il ne t’est pas possible d’exercer la charité corporellement, fais-la
spirituellement en priant pour les pauvres, surtout pour les pécheurs, si
nombreux sur la terre. Au jour du jugement, je manifesterai en public ce que tu
auras fait et tu seras exaltée ».
Toutefois le divin Maître
ne tarda pas à lui faire rendre son office de portière, et Agnès, en subvenant
aux besoins temporels des indigents, oublia moins que jamais le grand devoir de
l’aumône morale. Elle faisait à ses chers pauvres de si belles instructions et
leur donnait les conseils les plus pratiques avec tant de suavité, que
plusieurs vertueuses personnes se mêlaient parmi les mendiants pour rassasier
leur faim spirituelle. La porte du monastère était comme une école de vertus.
Les uns venaient demander quelques remèdes aux maux de leurs âmes ; les
autres sollicitaient des sujets d’oraison. Tous se retiraient plus animés que
jamais à l’accomplissement du bien.
Vers le milieu du Carême
de 1626, la Prieure dit à Sœur Agnès : « Ma fille, je veux que vous
soyez Maîtresse des novices ». Cette déclaration fut pour notre Religieuse
un coup de foudre, et elle fit valoir toutes les raisons que son humilité put
suggérer. Il lui fallut se soumettre à l’obéissance, et dès lors elle s’efforça
de remplir son emploi avec, tout le zèle possible. Elle donnait toujours à ses
novices le sujet d’oraison, et leur communiquait des pensées propres à les
pénétrer de la plus solide dévotion : oubli complet du monde et de leurs
intérêts personnels, application habituelle de l’esprit aux choses de la foi,
surtout attention aussi continuelle que possible à la douce présence de Dieu.
Chaque jour, elle leur faisait rendre compte du nombre de fois qu’elles avaient
quitté la « clôture de leur cœur », c’est-à-dire la vigilance à
s’unir à Dieu, et elle exigeait qu’elles s’imposassent une pénitence
proportionnée à leur négligence. Sa grande bonté ouvrait les cœurs les moins
portés à l’épanchement. Souvent Dieu lui révélait les pensées secrètes des
jeûnes Sœurs, et l’expérience que celles-ci en avaient achevait de leur
inspirer la plus entière confiance.
Désireuse de voir ses
chères filles bien affermies dans l’humilité, elle voulait que toutes
s’accoutumassent à recevoir sans s’excuser les observations ou réprimandes.
Dans les commencements, l’ardeur de son zèle lui faisait faire parfois
certaines corrections avec trop de promptitude. Son Ange gardien l’avertit de
ne jamais aborder avec vivacité les personnes en faute, mais de leur parler
d’abord de Dieu et d’arriver peu à peu à ce qu’il y avait de répréhensible.
Elle profita si bien de la leçon que, tout en conservant l’autorité et la
fermeté nécessaires, cette sage maîtresse conduisit toujours ses novices avec
la douceur et la tendresse de la meilleure des mères.
De toutes elle exigeait
une parfaite obéissance. Une Sœur converse, au caractère revêche, s’étant une
fois laissé emporter à une saillie de sa mauvaise humeur, Mère Agnès lui ôta le
voile et la fit entrer, tête nue et la corde au cou, au réfectoire pendant que
la communauté s’y trouvait réunie. « J’estime infiniment plus,
disait-elle,un acte d’obéissance et de soumission que toutes les choses
extraordinaires qui peuvent se passer dans une âme. Ces sortes de grâces
doivent être tenues pour illusoires, si elles ne sont accompagnées d’une vraie
et sincère humilité ». Elle disait aussi qu’une bonne Religieuse doit
toujours être bien unie à sa supérieure et voir en elle Jésus-Christ
uniquement. Dieu bénissait d’autant plus les fonctions de sa charge qu’elle-même
s’en croyait plus indigne. Parfois elle n’osait regarder ses novices en face,
tant elle se sentait confuse d’avoir à enseigner des âmes qu’elle estimait lui
être supérieures devant Dieu. Aussi suppliait-elle fréquemment le divin Maître
de lui enlever un poids trop lourd pour ses épaules. Notre-Seigneur lui
répondit un jour : « Pourquoi ne veux-tu pas élever mes épouses et
les perfectionner dans mon amour ? travaille, travaille : je
suppléerai à ton insuffisance ».
Les qualités éminentes et
lès Solides vertus de la Mère Agnès jetaient un vif éclat non seulement dans le
monastère, mais encore dans toute la ville de Langeac. Dieu avait tout disposé
pour placer sur le chandelier cette lampe ardente et luisante, en la faisant
briller à la tête de la communauté.
Vers la fin de 1626, il
fut décidé que les deux dernières Sœurs venues du Puy, pour fonder la maison de
Langeac, regagneraient leur monastère. L’une d’elles était la Mère Louise
Bouriat. Son départ laissait le priorat vacant. Dans sa sincère affection pour
la jeune fondation, elle ne crut mieux faire que d’engager les Sœurs à prendre
pour Prieure la Mère Agnès, bien qu’âgée seulement de vingt-cinq ans. Toutes
acquiescèrent volontiers à ce choix. Seule l’élue se montra inconsolable,
regardant cette élection comme une juste punition de ses fautes. Vainement elle
opposa les représentations, les supplications et les larmes : les
supérieurs furent inflexibles. Agnès dut courber la tête, et s’appliquer à
remplir selon l’esprit de Dieu les obligations de sa charge. Le Seigneur
l’assista visiblement, en lui conférant à un très haut degré la sainteté, la
prudence et tous les dons que requiert le bon gouvernement d’une communauté
religieuse. Le P. Boyre, son ancien confesseur, fort expérimenté dans le
maniement des âmes pouf avoir exercé les principales charges de sa Compagnie,
résolut, ainsi qu’il l’avoua lui-même, de donner à la Mère Agnès plusieurs avis
importants, de peur qu’elle ne commît, au début, des fautes considérables.
Mais, dès qu’il l’eut entretenue quelques instants sur cet objet, il remarqua
en elle une sagesse et une discrétion si consommées qu’il n’alla pas plus loin,
et déclara franchement qu’un ministre d’état ne gouvernerait pas mieux un
empire. La jeune Prieure ne montra jamais ni un air d’affectation dans sa
conduite, ni le désir de se prévaloir de sa supériorité ; au contraire,
toujours humble et repliée sur elle-même, c’est à peine si elle osait lever les
yeux sur ses inférieures. Cette sainte humilité ne fut point un obstacle à
l’accomplissement de ses devoirs. Prévenante pour tous les besoins des
Religieuses, elle consolait celles qui étaient affligées, encourageait les
timides, et réservait pour elle-même les fonctions les plus pénibles, se
considérant comme la dernière de toutes. Empressée auprès des Sœurs malades,
elle veillait à ce que les infirmières remplissent bien leur office : elle
les prévenait même souvent dans les soins à donner. Les infirmières, il faut le
dire, ne virent point d’un bon œil ce soi-disant empiétement sur leurs droits;
elles se plaignirent au confesseur du monastère que la Mère Prieure voulait
tout faire, même ce qu’il y avait de plus commun. Celui-ci, désirant ménager
tout le monde, pria la Mère Agnès de se borner à présenter aux malades les
potions et les aliments. Il en reçut cette réponse : « Une grande
dame en ferait bien autant, mon Père ; vraiment ce sera un bon moyen pour
que j’agisse en souveraine dans la maison ! » Édifié de tels
sentiments, il lui laissa toute liberté d’agir. La charité de la vénérable
supérieure s’étendait au dehors de son monastère. Un pauvre garçon dont les
jambes étaient atteintes d’ulcères se présenta pour être soigné. La Mère Agnès
se chargea de lui avec grande joie ; un jour, ressentant quelque
répugnance à la vue des plaies infectes de ce malheureux, elle les essuya de
ses mains, et porta ensuite ses doigts à sa bouche, afin de châtier la nature
en révolte.
L’ardeur de la servante
de Dieu pour les progrès spirituels de ses filles n’était pas inférieure à ses
efforts pour procurer leurs avantages temporels. A la vérité, on la trouvait
inflexible pour tout ce qui concernait le parfait épanouissement delà vie
régulière ; mais son zèle était mêlé de tant de douceur et de charité
qu’elle se rendit aimable à tout le monde. Ses allocutions en Chapitre étaient
toutes de feu et embrasaient le cœur des Religieuses. En récréation, son humeur
enjouée semblait s’appliquer à rendre ce temps véritablement agréable à ses
compagnes, et elle ne souffrait pas qu’aucune fût absente sans motif légitime.
Souvent elle faisait
tomber la conversation sur les choses de Dieu, et laissait volontiers chacune
des Sœurs exprimer les sentiments de son âme. Elle écartait avec soin tout
manquement à la charité ; elle voulait que les Religieuses eussent un
grand respect les unes pour les autres, mais leur interdisait toute parole
louangeuse, ou capable de flatter l’orgueil. On remarqua de sa part une
tendresse particulière pour les Religieuses ferventes, comme aussi une
attention spéciale à mortifier les moins régulières ; mais ses
corrections, proportionnées aux caractères et aux circonstances, étaient
empreintes d’une merveilleuse discrétion.
Une manière de faire si
prudente et si ferme mit la Mère Agnès de Jésus en vénération, non seulement
parmi ses filles et les habitants de Langeac mais encore dans les pays
circonvoisins. L’évêque de Mende, informé de l’éminente vertu de cette
Religieuse, et désireux d’établir lés Dominicaines dans sa ville épiscopale, la
demanda avec instance pour jeter les fondements du monastère. Le P. Boyre
approuva ce dessein, persuadé que le Seigneur en retirerait sa gloire, et agit
auprès des Sœurs de Langeac afin de les amener à laisser partir la Mère Agnès
pour un petit nombre d’années, Mais ces pieuses filles ne voulurent jamais se
séparer de leur Mère et se dépouiller d’un trésor si précieux. De leur côté, le
marquis et la marquise de Langeac, qui exerçaient, paraît-il, quelque
protection sur le monastère, déclarèrent hautement que, malgré les
sollicitations de l’évêque de Mende, ils ne permettraient point le départ de
Sœur Agnès de Jésus.
Le mérite de cette grande
servante de Dieu était donc universellement reconnu, et l’on eût pensé qu’elle
dût jouir toujours de l’estime acquise par ses vertus. Mais, ô jugement
impénétrable du Ciel! il en advint tout autrement, et ce fut de sa propre
maison que sortit la source des humiliations dont la vénérable Mère allait être
abreuvée.
Quelques Sœurs du Puy,
mues par des considérations humaines ou une secrète jalousie, apprenant
qu’après le retour de la Mère Bouriat, on avait élu Prieure de Langeac, Sœur
Agnès de Jésus, s’en montrèrent inquiètes et chagrines. « Voilà,
dirent-elles, une élection fort malencontreuse. Cette fille de coutelier,
admise comme simple Converse, a trouvé moyen de passer Sœur de chœur, et peut-être,
pour contenter sa vanité, de se faire nommer Prieure. On a eu bien tort de se
prêter à ses fantaisies et d’entretenir ainsi son orgueil ».
Ces plaintes, ces
murmures, concentrés d’abord dans l’enceinte du monastère, franchirent bientôt
la clôture, se répandirent dans la ville du Puy, et parvinrent à Langeac, qui
n’en est éloigné que de quelques lieues. Le démon aidant, la calomnie fit son
chemin et pénétra jusque dans le monastère de la Mère Agnès. Certaines
Religieuses, moins ferventes, honteuses peut-être de voir le mérite de leur
supérieure faire ressortir leurs défauts, se soulevèrent contre elle,
témoignant du regret de l’avoir mise à leur tête. L’une d’elles, poussée plus
vivement par l’esprit de malice, en vint à ourdir les plus noires accusations.
A l’en croire, la Prieure, qui ne vivait, disait-on, que du pain eucharistique,
mangeait en secret dans sa chambre des mets succulents. Des imputations si peu
plausibles finirent par être écoutées. Tout respect s’en allant, on censura la
conduite de la supérieure, on dénatura ses intentions, on la jugea victime de
l’illusion, on taxa tous ses actes d’hypocrisie. Bref, il se produisit contre
la vénérable Prieure un tel revirement d’opinion que les Sœurs écrivirent à
l’évêque de Saint-Flour pour solliciter la déposition de la Mère Agnès. Le
prélat, étrangement surpris d’une telle demande, répondit par un blâme sévère,
et un refus catégorique. Mais, devant les instances réitérées et les
importunités des Religieuses, il comprit que, dans l’état actuel des choses,
c’en était fait de la paix du monastère, et il chargea son grand vicaire de
déclarer le priorat vacant et de procéder à une élection nouvelle. Sœur
Anne-Marie Martinon fut élue.
Durant toute la tempête
dirigée contre elle, la vénérable Agnès n’avait jamais perdu le calme et la
tranquillité de son âme. Unie à Dieu, appliquée sans cesse à considérer la
profondeur dé ses jugements, elle ne se plaignit en aucune manière des injustes
procédés de ses filles, se bornant à dire, pour toute justification, que leurs
accusations n’étaient point conformes à la vérité. Quand elle se vit dépossédée
de son emploi, elle se répandit en actions de grâces devant le Seigneur, le
bénissant d’avoir déchargé ses épaules d’un lourd fardeau, et priant de tout
son cœur pour celles qui la traitaient si durement. Heureuse d’être revenue à
la condition de simple Religieuse, elle mit tous ses soins à vivre en parfaite
épouse de Jésus-Christ.
A l’exemple des
historiens de sa vie, réunissons ici, en un tableau d’ensemble, les principales
de ses vertus, et les faveurs les plus extraordinaires qu’elle reçut du Ciel.
XII
Les connaissances et les
lumières surnaturelles que recevait la Mère Agnès étaient proportionnées aux
élans de son cœur.
L’ardent désir qu’elle
avait de voir le Père Panassière son confesseur, vivre avec la perfection
convenable à son état, l’obligea de prier longtemps et de pratiquer à son
intention de rigoureuses pénitences. Formé à la vie religieuse dans un temps
où:la pleine régularité était loin de faire l’ornement du cloître, ce Père se
mettait peu en peine d’éviter certaines transgressions de la Règle. Il se
dispensait aisément du jeûne et de l’abstinence, aimait à sortir de sa
résidence, et à converser avec les séculiers ; bref, par un ensemble de
vie tout extérieure, il arrivait à commettre des fautes parfois même assez
notables. Sa tiédeur faisait gémir devant Dieu la Mère Agnès. Elle adressait
souvent au coupable de sévères réprimandes, et comme, par une grâce miraculeuse
elle acquérait la connaissance distincte de toutes ses actions, si éloigné
d’elle que fût ce Religieux, sitôt qu’il tombait dans quelque manquement, elle
l’en avertissait avec autant d’énergie que de charité. La fidélité d’Agnès à
importuner Dieu en faveur de son confesseur obtint la promesse que celui-ci
finirait par changer de conduite et deviendrait un Religieux modèle. Ce qui
arriva, après la mort de notre Vénérable. Retiré au couvent de Tarascon, où
l’on avait introduit la réforme, et devenu aveugle dans sa vieillesse, ainsi
qu’Agnès le lui avait prédit, le Père Panassière vécut d’une manière fort
édifiante et mourut en bonne odeur de vertu.
Ce ne fut pas la seule
occasion où la Mère Agnès connut les choses éloignées et futures. Plusieurs
autres personnes profitèrent avantageusement de ses lumières. Le servant de
messe du monastère de Langeac allait se noyer dans l’Allier. Agnès en fut
informée par son Ange gardien, qui lui ordonna de prier pour ce jeune homme.
Elle obéit exactement, et l’infortuné, qu’on venait de retirer de l’eau sans donner
signe de vie, reprit aussitôt connaissance en présence du Père Panassière et du
chanoine Martinon.
Un avocat du Puy que
Agnès avait connu autrefois, étant venu à Langeac, se présenta pour la Voir.
Avant d’aller au parloir, la servante de Dieu pria le Seigneur de lui inspirer
ce qu’elle aurait à dire. Son bon Ange promit de l’assister. A peine fut-elle
en présence du visiteur que la conscience de cet homme lui devint transparente,
et .sur-le-champ Agnès l’avertit d’avoir à confesser tels péchés dont il était
coupable. L’avocat fut docile à cet avis, et de retour au Puy, raconta au Père
Boyre ce qui lui était arrivé.
Une jeune demoiselle, sur
le point de se marier, fut recommandée aux prières de la Mère Agnès. Celle-ci
connut par révélation que cette personne entrait dans l’état du mariage par des
considérations nullement chrétiennes, et que tout avertissement serait inutile.
L’épouse du Christ se contenta de garder le silence. L’infortunée jeune femme
mourut au bout de sept mois, accablée de malheurs et de chagrins.
Le fait suivant ne mérite
pas moins d’attention.
Une jeune fille des
environs de Langeac, appelée Marguerite, après avoir passé quelque temps dans
le monastère, en était sortie par une protection spéciale de Dieu sur cette
maison. Elle était pleine de suffisance et d’orgueil, et comme par ailleurs
elle avait un extérieur suffisamment réglé, le démon abusa de cette disposition
pour persuader à la malheureuse qu’elle était appelée à une sainteté éminente.
Il lui procura des visions pleines de douceur, lui imprima enfin aux pieds, aux
mains et au côté, certains stigmates d’où coulaient, dit-on, quelques gouttes
de sang.
Marguerite, toujours
infatuée d’elle-même, ne fut pas sensiblement affligée de cette faveur
apparente, et alla jusqu’à la divulguer. Aussitôt nombre de personnes de la
ville, et même des ecclésiastiques, rendirent visite à la sainte, afin de
baiser ses plaies. Le confesseur d’Agnès entra dans ce sentiment ; mais la
vénérable Mère, instruite à l’école de l’humilité, et éclairée d’ailleurs de
lumières particulières, condamna d’hypocrisie tout ce dehors si bien composé,
et déclara la visionnaire trompée par le démon. Une visite de la fausse dévote
la confirma dans sa pensée. Agnès ayant demandé à voir une de ses plaies, la
stigmatisée s’empressa d’avancer la main au travers de la grille ; mais,
s’apercevant que la Mère Agnès voulait avec la pointe d’un couteau sonder la
plaie, elle retira promptement la main, pour s’épargner une souffrance.
La servante de Dieu, qui
déplorait et l’aveuglement de la pauvre abusée et l’obstination de son
confesseur, priait de toute son âme afin de convertir la première et d’éclairer
le second. Tout fut inutile : elle s’attifa même des mortifications sensibles
de la part du Père Panassière, opiniâtre pour voir l’esprit de Dieu dans la
conduite de cette affaire. Enfin l’erreur fut découverte par l’adresse du Père
Boyre, lequel présentai la voyante un écrit, contenant une hérésie grossière,
et la pria défaire approuver la rédaction par Notre-Seigneur, quand il lui apparaîtrait.
La dévote prit le papier avec joie et le rapporta quelques jours après, signé
de Jésus-Christ avec le sang d’une de ses plaies. Le Père Boyre essaya, mais en
vain, de ramener cette malheureuse ; et Dieu permit qu’elle tomba dans une
faute honteuse qui la discrédita pour jamais.
Agnès de Jésus connut
encore plusieurs fois l’intérieur de ceux qui la consultaient.
Un jeune homme, indécis
sa vocation demanda dans quelle Religion il devait entrer : « Dans le
saint Ordre des Chartreux, répondit-elle, c’est là que Dieu vous
appelle ». Le jeune homme obéit, et trouva tant de paix dans ce monastère
qu’il lui écrivit, afin de la remercier de son conseil.
Une jeune fille en butte
à une tentation secrète, qu’elle ne voulait déclarer à personne, eut le bonheur
d’entretenir la servante de Dieu. Celle-ci lui découvrit les secrets de son
cœur et l’avertit que Dieu la voulait dans le monastère de Langeac, où elle
entra en effet.
Ce fut encore par le
conseil de la vénérable Mère qu’une novice du monastère fut raffermie dans sa
vocation, sur cette parole qu’elle lui fit dire par son confesseur :
« Ma fille, aimez davantage votre saint habit ». M. Martinon, qu’elle
préserva de la mort en l’avertissant de se retirer au plus tôt d’une galerie
qui s’effondra dès qu’il en fut sorti, a publiquement avoué que la Mère Agnès
avait une parfaite connaissance de son intérieur et l’avertissait de ses
défauts et de ses imperfections, même les plus légères.
Enfin on était si
intimement persuadé, dans le monastère, que l’épouse du Christ avait le don de
pénétrer les cœurs qu’une des principales raisons alléguées par les Religieuses
pour l’élire Supérieure, c’est que, connaissant déjà leurs pensées, elle les
gouvernerait avec plus de sûreté et de profit pour leurs âmes.
Dieu accorda encore à sa
servante une onction particulière pour instruire les ignorants, toucher les
cœurs endurcis et réconcilier les personnes divisées. Elle prit un soin
particulier du jeune enfant dont elle avait guéri les ulcères, et lui inspira
une piété si solide qu’on le regardait dans Langeac comme un petit saint. Celui
aussi qu’elle empêcha par ses prières d’être asphyxié dans la rivière, prit
plus tard l’habit de Capucin, par l’avis et le conseil de la vénérable Mère. Un
homme traitait sa femme avec une telle brutalité que la malheureuse paraissait
tous les jours en péril de mort. Agnès le fit venir à la grille, et lui parla
avec autant de tendresse que de force. Mais l’endurci ne voulut rien entendre
et sertit brusquement. Lès prières de l’épouse du Christ obtinrent ce que sa
parole n’avait pu opérer. Cet homme était à dix pas à peine du monastère que
rentrant en lui-même il retourne à la grille, où l’attendait Agnès, et lui
promet de changer de vie.
Elle obtint un succès
semblable auprès d’une jeune fille qui, ayant l’habitude invétérée de dérober
tout ce qui lui tombait sous la main, causait de grands chagrins à sa famille.
Prières, remontrances, menaces, châtiments, rien n’arrêtait cette funeste
inclination. Seule, la Mère Agnès réussit à convertir la petite voleuse, par
une simple conversation.
Dieu daigna l’honorer
encore du don de prophétie et du don des miracles. Déjà nous en avons dit un
mot : complétons le sujet.
Le Supérieur des
Bénédictins de l’abbaye de Saint-Pierre avait un grave démêlé avec l’évêque du
Puy touchant la juridiction. Agnès de Jésus l’assura qu’après bien des
difficultés, il finirait par avoir gain de cause : ce qui arriva.
Une Religieuse du
monastère se désolait grandement de ce que ses infirmités l’empêchaient de
suivre les exercices de communauté et même de réciter son Office en
particulier : « Consolez-vous, lui dit Agnès, vos forces
reviendront ». II en fut ainsi.
Une jeune demoiselle
demandait l’habit ; mais son père s’y opposait, sans que les prières, les
larmes de la jeune fille, les observations de personnes sérieuses pussent le
fléchir. Agnès, alors Prieure, dit à la postulante : « Mon enfant, ne
craignez rien, cela ne durera pas; le bon Dieu retirera bientôt votre père de
ce monde ». La prédiction se vérifia, et la jeune fille, entrée au
monastère, devint la Mère Jeanne de la Croix, dont nous avons parlé à la date
du 27 septembre.
Quant au don des
miracles, la servante de Dieu en fut honorée dès son enfance. Un plat de terre,
lui ayant échappé des mains, se brisa en mille pièces. Pour épargner à ses
parents une très vive contrariété, elle obtint de la toute-puissance divine que
le plat fût miraculeusement raccommodé.
Vers douze ans, trouvant
dans la campagne un paysan grièvement blessé, elle pria la Sainte Vierge de le
guérir, et toucha de ses mains les plaies du malheureux. Elles se fermèrent à
l’instant. Agnès, surprise d’une si prompte guérison et craignant qu’on ne la
lui attribuât, alla chercher du vinaigre, en frotta les cicatrices du blessé et
le congédia en parfaite santé.
Gabrielle Jacques raconte
dans ses Mémoires qu’étant allée un jour avec Agnès hors de la ville, elle
sentit tout à coup aux yeux une douleur si vive qu’elle ne voyait plus à se
conduire. « Je priai ma chère compagne, ajoute-t-elle, de faire sur mes pauvres
yeux le signe de la croix. Mais elle s’excusa en s’appelant une grande
pécheresse. Je la conjurai, au nom de la charité, de m’aider au moins à
marcher. Sitôt que j’eus pris sa main, je la portai à mes yeux et y traçai le
signe de la croix. Incontinent toute douleur cessa, et je vis aussi clair
qu’auparavant ».
L’an 1625, la rivière qui
coulait près du monastère, ayant grossi d’une manière subite, donna lieu de
craindre que le mur du jardin ne s’écroulât. Agnès, voyant le danger, se mit en
prières et la rivière ne causa aucun dommage, bien qu’aux alentours
l’impétuosité du courant emportât des habitations.
Un homme du Puy, appelé
Barthélemy, qui s’était cassé la jambe en tombant de cheval, fut guéri en peu
de jours, après s’être recommandé par lettre à la servante de Dieu.
Il est reconnu encore que
par l’application de son rosaire ou par une simple prière, la Vénérable Mère a
délivré plusieurs possédés, guéri divers malades désespérés, obtenu une pluie
bienfaisante à l’époque d’une grande sécheresse, assaini les fruits de la terre
gâtés par les mauvaises saisons, préservé la ville de Langeac de la peste qui
ravageait les environs, conservé la vie à plusieurs Religieuses de son
monastère menacées de la perdre à la suite d’hémorragies, dissipé l’infection
qu’exhalait le corps d’une Sœur inhumée au Chapitre dans une fosse trop peu
profonde.
Pour tout résumer d’un
mot on peut dire que cette fidèle amante de Jésus-Christ semblait avoir en
mains la toute-puissance de son divin Époux.
Cependant les Religieuses
de Langeac qui, sous l’empire d’un fatal aveuglement, avaient sans motif fait
déposer leur sainte Prieure, ne tardèrent pas à en concevoir un vif regret.
L’humilité, la simplicité, la vraie piété de Sœur Agnès, qu’elles avaient osé
traiter d’hypocrite leur ouvrirent les yeux, et elles cherchèrent tous les
moyens possibles de lui témoigner leur repentir et leur confiance. Elles
n’eurent pas grand’peine à rentrer dans des bonnes grâces de celle qui les
avait toujours aimées avec une tendresse de mère. Mais, étant persuadées
qu’elles avaient donné au dehors un très mauvais exemple par leurs discours-
imprudents, elles crurent de leur devoir d’effacer les impressions fâcheuses,
conçues par les séculiers, sur leur ancienne Supérieure. Afin de confirmer par
des faits la vérité des louanges qu’elles lui décernaient en toute rencontre,
elles l’instituèrent Maîtresse des novices, pour la seconde fois, puis
Sous-Prieure, enfin Prieure du monastère, trois ans après son humiliante
déposition.
Cette élévation raviva
l’affliction de l’humble Sœur : elle versa beaucoup de larmes et supplia
l’évêque de Saint-Flour de refuser sa confirmation. Mais la volonté divine se
déclarait manifestement : Agnès dut prendre en mains le gouvernement de la
communauté, et l’exerça deux années encore avec grand profit pour ses filles.
C’est principalement
pendant cette période que son influence surnaturelle s’étendit
extraordinairement au dehors du monastère, et que s’accomplirent un grand
nombre des faits relatés en dernier lieu.
Il reste maintenant à
rapporter la mission providentielle que la. Mère Agnès eut à remplir auprès de
l’illustre fondateur des Prêtres de Saint-Sulpice.
Jean-Jacques Olier, fils
d’un conseiller au Parlement de Paris, était entré de bonne heure dans l’état
ecclésiastique. A dix-huit ans, nommé abbé commendataire de l’abbaye de Pébrac,
située dans une solitude à deux lieues de Langeac, il mena quelque temps la vie
mondaine des jeunes clercs de cette époque pourvus de bénéfices en usufruit.
Les prières d’une sainte veuve lui Valurent la grâce d’une première conversion,
qui s’acheva à la Santa-Casa de Notre-Dame de Lorette ; mais Dieu, qui
l’appelait à une plus haute sainteté, à raison de l’œuvre éminente à laquelle
il le destinait, choisit Agnès de Jésus pour être l’instrument de sa seconde et
parfaite conversion. Voici, en abrégé, comment elle reçut et accomplit cette
mission.
Un jour que la Mère
demandait avec larmes la dissolution de son corps pour aller à Jésus-Christ,
Notre-Seigneur lui dit : « Tu m’es encore nécessaire pour la
sanctification d’une âme qui doit servir à ma gloire ». Une autre fois, en
l’année 1631, elle connut plus clairement la volonté divine. Comme elle priait
pour la conversion des pécheurs, et spécialement pour les habitants de
l’Auvergne plongés, en grand nombre, dans l’ignorance et l’iniquité, la Sainte
Vierge lui apparut et lui dit : « Prie mon Fils pour l’abbé de
Pébrac ».
La servante de Dieu ne
connaissait aucunement M. Olier ; mais, comprenant que le Seigneur avait
sur lui de grands desseins, il n’est prières, larmes, pénitences auxquelles
elle n’eut recours pendant trois années entières, pour lui obtenir la sainteté
nécessaire à sa mission dans l’Eglise.
Pendant ce temps, le
jeune abbé recevait les saints ordres, se mettait sous la direction de saint
Vincent de Paul ; se joignait même aux prêtres de la Congrégation de la
Mission pour aller évangéliser avec eux les habitants des campagnes. Bientôt il
résolut d’aller prêcher des missions dans les paroisses d’Auvergne qui
dépendaient de son abbaye, et pour remplir ce ministère avec plus de fruit,
voulut s’y préparer par une retraite sérieuse dans la maison de Saint-Lazare.
Un jour qu’il faisait
oraison dans sa chambre, il aperçût près de lui une Religieuse qui semblait
venir du ciel. D’une main elle tenait un crucifix, de l’autre un chapelet. Un
Ange, admirablement beau, portait l’extrémité de son manteau de chœur, et
recueillait sur un mouchoir les larmes dont son visage était baigné :
« Je pleure pour toi », dit la merveilleuse apparition. Ces paroles,
en tombant sur M. Olier, firent couler en son âme une douce tristesse, comme
lui-même le déclare dans une relation écrite par ordre de son directeur.
« Cette sainte âme,
ajoute-t-il, revint une autre fois, à peu de temps de là, pour me confirmer
dans ladite vue, et je l’ai aussi présente à l’esprit que si je la voyais
encore ».
Comme preuves évidentes
de son apparition, elle lui laissa le crucifix qu’elle tenait à la main, et son
mouchoir « tout plein de saintes larmes ».
La retraite finie, l’Abbé
de Pébrac quitta Paris avec les prêtres qui devaient seconder son apostolat en
Auvergne. A mesure qu’ils avancent, les zélés missionnaires apprennent des
populations les faits merveilleux dont le monastère de Langeac est le théâtre.
M. Olier sent naître en son cœur l’espoir de retrouver là celle qui verse pour
lui des larmes si abondantes, et il se rend à Langeac. Il entrait dans une
hôtellerie de cette ville, lorsqu’une Sœur tourière vient le saluer au nom de
la Mère Prieure. De plus en plus étonné, M. Olier se présente au monastère
sitôt qu’il le peut. Ce jour-là, Sœur Agnès ne put quitter l’infirmerie; mais,
à la grande surprise des Religieuses, elle envoya son chapelet au prêtre
étranger. Après quelques visites infructueuses, celui-ci fut enfin reçu. La
Mère Agnès entra au parloir, le voile baissé selon sa coutume. L’entretien
commencé, M. Olier la prie humblement de lever son voile. « Ma Mère,
s’écrie-t-il, je vous ai vue ailleurs ». Agnès répond simplement :
« Cela est vrai, vous m’avez vue deux fois à Paris, où je vous ai apparu
dans votre retraite à Saint-Lazare, parce que j’avais reçu de la Très Sainte
Vierge l’ordre de prier pour votre conversion, Dieu vous ayant destiné à jeter
les premiers fondements des séminaires du royaume de France ».
De ce moment s’établirent
entre ces deux grandes âmes les plus nobles et les plus saintes relations.
Pendant les six mois qu’il passa en Auvergne, M. Olier visita souvent la Mère
Agnès et apprit d’elle à se corriger de ses moindres imperfections, à aimer la
croix et à mourir entièrement à lui-même. De son côté, la vénérable Prieure,
édifiée des progrès de son fils spirituel, n’hésita pas à lui ouvrir son cœur
et se confessa à lui. Elle lui dit un jour : « Autrefois, je vous ai
regardé comme l’enfant de mes larmes, en priant pour votre conversion ;
maintenant, je vous regarde comme mon Père ». Elle lui prédit les
principaux événements de sa vie et annonça, entre autres choses, que Dieu
formerait par lui un grand nombre d’ecclésiastiques, que la Sainte Vierge le chérissait
beaucoup, et qu’il aurait de grandes croix.
Sur les entrefaites, M.
Olier fut rappelé à Paris pour une affaire très importante. La Mère Agnès
ressentit une vive douleur à la nouvelle de son départ. Mais elle accepta ce
sacrifice, pressa même son très cher frère d’obéir fidèlement et diligemment à
la volonté divine. En prenant congé d’elle, le 12 octobre 1634, M. Olier
l’entendit s’écrier : « Adieu, parloirs, je ne vous reverrai
plus ». C’était annoncer sa fin prochaine.
Aussitôt elle se rendit
au chœur, et là, épanchant son âme devant son divin Époux :
« Eh ! mon Dieu, dit-elle en versant des larmes brûlantes, que
m’avez-vous fait ? Vous m’aviez donné un homme selon mon cœur, et vous me
l’avez ôté. Eh bien, mon Tout, que votre très sainte volonté soit faite ».
Puis elle pria Dieu de la retirer de ce monde. « Mon cher Epoux et ami,
dit-elle, j’ai accompli par votre grâce l’œuvre que vous et votre sainte Mère
m’aviez confiée, et pour laquelle vous avez voulu que je demeurasse encore sur
là terre. Maintenant, tirez-moi à vous et donnez-moi place parmi ceux qui vous
bénissent et vous adorent sans cesse ; car si vous ne le faites, je crois
que je mourrai de langueur à chaque moment. Je vous remercie d’avoir écouté mes
prières, et de m’avoir donné et fait voir celui que vous désiriez que je
procurasse à votre Église. L’ayant vu et le sachant à vous, laissez aller mon
esprit en paix. Je ne vous demande pas que vous le tiriez avec moi de ce monde,
m’ayant fait voir qu’il vous devait rendre de grands services dans votre Église.
Préservez-le du mal, ayez-le sous votre protection ; faites-lui la grâce
de n’aimer que vous, de n’être possédé que de votre esprit et de ne vivre que
de votre vie. Ce sont les prières que vous fait votre pauvre servante, résolue
de ne bouger d’ici que vous ne l’ayez exaucée ».
Sur là demande de la Mère
Agnès, qui lui écrivit à ce sujet, le Père de Condren, Supérieur de l’Oratoire,
se chargea de la conduite spirituelle de M. Olier. Il le détourna de
l’épiscopat, qu’on voulait lui faire accepter, et le prépara à sa grande
mission de directeur de Séminaire. Quelques années plus tard, en effet, M.
Olier, réalisant la prédiction d’Agnès de Jésus, jetait les premiers fondements
des Séminaires du royaume de France, en instituant, à Vaugirard, un Séminaire et
une Compagnie de prêtres qui, transférés peu après à Paris, sur la paroisse
Saint-Sulpice, reçurent les noms de Séminaire et de Prêtres de Saint-Sulpice.
Lui-même, au souvenir de
sa Mère spirituelle, et par reconnaissance pour l’Ordre de Saint-Dominique auquel
il devait tant, revêtit solennellement l’habit de Tertiaire l’an 1651 ;
avec plusieurs de ses premiers collaborateurs.
Il y avait longtemps que
la vénérable Agnès de Jésus soupirait après l’heure où, quittant la terre, elle
irait se joindre pour jamais au Bien-aimé de son cœur. Déjà nous l’avons vue
écrire au P. Boyre, son premier directeur : « Je voudrais aimer Dieu
tout mon soûl... Ce désir me rend toute languissante et me fait souhaiter
ardemment de sortir, de cette vie ; afin de jouir un peu de cet
amour... »
Toujours humble, et
redoutant l’illusion jusque dans ce désir, elle lui écrivait, durant fêté de
1634, pour demander s’il regardait son impatience de mourir comme venant de
Dieu. Le savant Religieux la rassura, et Agnès; en recevant sa réponse, s’écria
devant ses filles réunies : « Voilà une lettre uniquement pour
moi ». Dès lors, on remarqua en elle un recueillement plus profond et des
aspirations plus fréquentes vers le terme de son pèlerinage terrestre.
Le 12 octobre 1634, le
jour même de son dernier entretien avec M. Olier elle tomba gravement malade.
Les médecins crurent à une inflammation de poitrine et employèrent des remèdes
énergiques. Ce fut sans succès. Ils avouèrent bientôt que ce mal dépassait leur
science et était dû en grande partie aux excès de l’amour divin qui dévorait
cette sainte âme.
Quant à la vénérée
Prieure, ferme, inébranlable, ne laissant échapper aucune plainte, plus
heureuse de se voir sur le Calvaire que sur le Thabor, elle répétait
souvent : « O mon Dieu, ô mon doux et amoureux Jésus, soyez béni
mille fois ! ou souffrir ou mourir ! »
Acceptant par
condescendance les potions les plus amères, elle disait agréablement :
« La charité a si bonne main, que tout ce qu’elle apprête est
délicieux ». Son visage exprimait une tranquillité extraordinaire, bien
qu’elle endurât des souffrances capables, déclarait-elle un jour, de faire
concevoir une idée des peines de l’enfer.
Au plus fort de la
douleur, elle s’écriait en regardant son crucifix : « Jésus, mon
amour, miséricorde à la pauvre Agnès ». D’autres fois elle s’adressait à
la Mère de Dieu et lui disait : « Sainte Vierge, priez pour moi, s’il
vous plaît, ayez pitié de votre pauvre esclave ».
Durant cette dernière
maladie, l’humilité et la charité de la sainte Prieure ne parurent pas moins
que sa patience. L’empressement de ses filles à la soigner la couvrait de
confusion et de reconnaissance. Les voyait-elle pleurer autour de son lit, elle
les consolait avec une tendresse toute maternelle. Une nuit, la Religieuse qui
la veillait, craignant un prochain dénouement, la pria de prouver bon qu’elle
allât réveiller les Sœurs : « Non, non, dit la malade, laissez
reposer ces pauvres enfants, elles sont assez affligées ».
La violence de la fièvre
ne permettant pas qu’on la fît trop parler, les bonnes Religieuses étaient dans
une crainte continuelle de la fatiguer. Aussi, n’osant entrer dans la chambre,
elles se tenaient à la porte, pour y répandre leurs larmes avec plus de
liberté. L’affection de la vénérable Mère pour ses filles ne put permettre leur
éloignement. Elle voulut qu’elles vinssent les unes après les autres; et elle
les écoutait, les animait à la pratique de la vertu, leur recommandait la
fidélité aux saints engagements de leur profession.
Le démon, cependant,
voyant qu’il lui restait peu de temps, attaqua violemment celle qui l’avait si
souvent couvert de honte ; mais ses efforts furent inutiles. Agnès triompha
glorieusement du prince des ténèbres, en disant avec un geste de mépris :
« Je te renonce, Satan ». Elle eut ensuite une longue extase, dans
laquelle Dieu lui fit connaître bien des crimes qui se commettaient, notamment
à Paris.
La sainte malade
s’affaiblissait. Le 15 et le 18 octobre, elle reçut la sainte Communion, dans
les sentiments d’une âme déjà mûre pour le ciel. Nonobstant son extrême
faiblesse, elle se leva pour adorer et recevoir plus respectueusement son
Bien-aimé. Le même jour, on lui administra l’Extrême-Onction, et le jeudi 19,
au matin, elle communia encore en Viatique. Le désir de s’unir à Dieu pour toujours
la pressait de plus en plus, et elle se plaignait amoureusement de la
prolongation de son exil. « Une heure m’en dure mille »,
s’écriait-elle parfois ; et réprimant ce désir lui-même, si saint qu’il
fût : « Vivre tant que Dieu voudra, reprenait-elle, et mourir quand
il lui plaira ».
Les Religieuses du
monastère, comme aussi les habitants de Langeac, plongées dans une affliction
profonde, multipliaient les prières, faisaient des vœux afin d’obtenir la
conservation d’une santé si précieuse. La marquise de Langeac, qui, à titre de
bienfaitrice insigne, avait obtenu de l’évêque de Saint-Flour la permission
d’entrer dans la clôture, vint, le 18 octobre, visiter la malade. Elle lui dit
en pleurant qu’elle avait promis d’aller pour elle en pèlerinage à Notre-Dame
du Puy et d’y laisser son pesant de cire. « Je vous remercie, Madame,
répondit Agnès, mais je mourrai demain, qui est le jour de votre fête ».
Le ciel, en effet,
disputait à la terre ce riche trésor. Les Religieuses, ayant perdu tout espoir,
ne songèrent plus qu’à exposer à leur vénérée Supérieure leurs nécessités
spirituelles, afin qu’elle les soulageât du séjour de la gloire. Agnès se prêta
à leurs épanchements, et les voyant rassemblées autour de sa couche, leur
adressa des paroles pleines de charité. Elle les remercia de la patience
qu’elles avaient mise à la supporter onze ans dans leur compagnie. Par un excès
d’humilité, elle osa qualifier d’hypocrisie tout ce qui avait paru de bon dans
sa conduite, défendit à ses filles de lui rendre des honneurs particuliers
après sa mort, enfin les exhorta à garder entre elles la paix et l’union, et à
observer très exactement tout ce qui est prescrit dans les Constitutions.
Attendries par ces dernières paroles et ne pouvant retenir leurs sanglots, les
pauvres Sœurs tombèrent à genoux, suppliant leur Mère de donner à toutes sa
bénédiction.
La mourante, levant les
yeux et les mains au ciel, conjura Notre-Seigneur et sa divine Mère de bénir
ses filles éplorées, et promit en même temps qu’elle ne les oublierait jamais.
Elle leur dit enfin : « Adieu, mes filles, à Dieu ! »
Aussitôt après, sans rien
perdre de sa lucidité d’esprit et de sa sérénité de visage, la sainte malade
entra dans une douce agonie ; on surprenait sur ses lèvres d’amoureux
colloques avec son Jésus. Ses gestes et son maintien recueilli firent assez
comprendre qu’elle était honorée de la visite de quelques habitants du ciel,
venus pour recevoir son âme et la porter devant le trône de Dieu. Sa précieuse
mort arriva vers dix heures du matin, le jeudi 19 octobre 1634, jour où l’on
célébrait alors, dans l’Ordre de Saint-Dominique, la fête de saint Louis
Bertrand, pour lequel Agnès de Jésus avait une particulière dévotion.
Sitôt qu’elle eut expiré,
son visage parut d’une beauté surprenante ; cette beauté augmenta le
lendemain, lorsqu’on exposa les restes de la vénérable Mère dans le chœur des
Religieuses, auprès de la grille. La bouche était fraîche et les lèvres
souriantes. Le marquis de Langeac, voulant faire prendre le portrait de cette
grande servante de Dieu, fit venir du Puy un peintre de talent, nommé Solvin.
Mais l’humble Religieuse qui, de son vivant, avait eu horreur de tout ce qui
pouvait lui être honorable, ne permit point que le pieux dessein réussît :
les traits de son visage se décomposèrent à tel point, que l’artiste ne put
saisir aucune ressemblance. A peine fut-il parti, que la figure reprit sa
première beauté. Les mains et les pieds également devinrent transparents comme
le cristal : ce qui ravit d’admiration tous les assistants.
La mort de Sœur Agnès de
Jésus, divulguée dans la ville de Langeac, y causa un deuil universel :
les petits enfants eux-mêmes pleuraient à chaudes larmes. De toutes parts on
accourut au monastère pour contempler la dépouille mortelle de la Sainte et y
faire toucher des objets de piété.
Les funérailles furent
célébrées le lendemain avec toute la solennité compatible avec la douleur
commune, et le saint cadavre fut porté au Chapitre pour y recevoir là sépulture
ordinaire. Mais, au moment de fermer le cercueil, on constata que le côté
gauche de la poitrine était d’une chaleur intense. On jugea opportun de
surseoir à l’inhumation, et pendant cinq jours le corps virginal de la M. Agnès
resta exposé, exhalant une suave odeur et conservant la beauté de Visage qui
s’était produite immédiatement après le trépas. Des chirurgiens, appelés pour
examiner le phénomène de cette chaleur extraordinaire, découvrirent diverses
autres merveilles et déclarèrent y voir une cause surnaturelle et divine. On
descendit enfin le cercueil dans le caveau creusé pour la sépulture des
Religieuses ; mais, quelques années après, Dieu opérant des miracles pour
glorifier sa servante, Mgr de Noailles, évêque de Saint-Flour, fit placer, le
corps de la Mère Agnès dans un tombeau élevé du sol.
Le jour même de la mort
de la vénérable Mère, M. Olier, voyageant à cheval aux environs de Paris, fut
inopinément renversé de sa monture. Il attribua cette chute à un châtiment,
parce que, peu d’instants avant, ayant rencontré un villageois sur le chemin,
il ne l’avait pas évangélisé, contrairement à sa pieuse habitude. Tandis qu’il
s’en humiliait devant Dieu, un Ange, merveilleux de beauté, vint fondre sur
lui,-pour employer ses expressions, et le couvrit de ses immenses ailes comme
pour marquer qu’il le prenait sous sa protection. En même temps, le saint
prêtre entendit la voix de son Ange gardien lui disant : « Honore
bien cet Ange ; c’est un des plus grands qui soient donnés à la créature
sur terre ».
Quelques jours après,
l’abbé de Pébrac eut l’explication du mystère. Il confessait dans l’église
Saint-Paul, à Paris, quand on lui apporta une lettre annonçant la mort de la
Mère Agnès. Pénétré de douleur, il alla se prosterner devant le Très Saint
Sacrement, gémissant aux pieds du Seigneur et implorant dans le ciel sa douce
et insigne bienfaitrice. Tout à coup il distingua ces paroles au fond de son
âme : « Ne t’afflige pas, je t’ai laissé mon Ange ». Dès lors,
il lui devint impossible de s’abîmer dans la tristesse et, recueillant ses
souvenirs, il s’aperçut que le jour et l’heure de l’apparition de l’Ange aux
ailes déployées était le moment exact où la servante de Dieu avait passé à une
meilleure vie.
Fêtée le 19 octobre.
SOURCE :
http://voiemystique.free.fr/agnes_de_langeac_extrait.htm
Also
known as
Agnès Galand
Agnes of Jesus Galand
Agnes of Jesus of Langeac
Agnes of Langeac
Agnese di Gesù de Langeac
Profile
Third of eight children born
to Pierre Galand and Guillemette Massiote. A pious girl,
Agnès consecrated herself to the Virgin Mary at
age seven and at nine began reciting the office every day in honour of the Holy
Spirit. Joined the Order of Penance of Saint Dominic at
Langeac, France in 1621. Nun at
the new monastery of
Saint Catherine of Siena in 1623,
making her solemn vows on the feast of
the Purification of the Blessed Virgin Mary in 1625.
Served as choir nun, novice
mistress, and then prioress of
her house. Spent three years in penance and prayer for
the establishment of the seminary of
Saint-Sulpice. Visionary who
daily spoke to the guardian
angel.
Born
17
November 1602 in
Le Puy, Haute-Loire, France as Agnès
Galand
the city was a Marian pilgrimage center
at the time, and became the starting point for the pilgrimage to
Santiago de Compostela
19 October 1634 in
the Saint Catherine of Siena convent in
Langeac, Haute-Loire, France of
natural causes
19 March 1808 by Pope Pius
VII (decree of heroic
virtues)
20
November 1994 by Pope John
Paul II
Additional
Information
Saints
and Saintly Dominicans, by Blessed Hyacinthe-Marie
Cormier, O.P.
books
Our Sunday Visitor’s Encyclopedia of Saints
other
sites in english
sitios
en español
Martirologio Romano, 2001 edición
fonti
in italiano
Dicastero delle Cause dei Santi
Readings
I shall simply relate an
incident which I read in the life of Mother Agnes of Jesus, a Dominican nun of
the convent of
Langeac in Auvergne,
who died a
holy death there
in 1634.
When she was only seven years old and was suffering great spiritual anguish,
she heard a voice telling her that if she wished to be delivered from her
anguish and protected against all her enemies, she should make herself the
slave of our Lord and his Blessed Mother as soon as possible. No sooner had she
returned home than she gave herself completely to Jesus and Mary as their
slave, although she had never known anything about this devotion before. She
found an iron chain, put it round her waist and wore it till the day she died.
After this, all her sufferings and scruples disappeared and she found great
peace of soul. This led her to teach this devotion to many others who made
rapid progress in it – among them, Father Olier, the founder of the Seminary of
Saint-Sulpice, and several other priests and
students from the same seminary. One day the Blessed Virgin appeared
to Mother Agnes and put a gold chain around her neck to show her how happy she
was that Mother Agnes had become the slave of both her and her Son. And Saint Cecilia,
who accompanied our Lady, said to her, “Happy are the faithful slaves of the
Queen of heaven, for they will enjoy true freedom.” Tibi servire
libertas. – Saint Louis
Marie de Montfort in True Devotion to
Mary
MLA
Citation
“Blessed Agnès of
Jesus“. CatholicSaints.Info. 4 July 2023. Web. 19 October 2023.
<https://catholicsaints.info/blessed-agnes-of-jesus/>
SOURCE : https://catholicsaints.info/blessed-agnes-of-jesus/
Bl. Agnes de Jesus Galand
Feastday: October 19
Beatified: Pope John Paul II
Mother Agnes is known
principally for her providential role in the life of Monsieur Olier, founder of
Saint Sulpice for the formation of priests. She was born in 1602 at Puy in
Velay, France. From childhood she was known for piety, love of poverty and
courageous charity; she was very devoted to the Blessed Sacrament and to Our
Lady. At the age of 21 she was received into the Dominican laity in Puy; in
1624, after great discussion, she entered the Dominican Monastery at Langeac as
a choir sister. Later she was elected prioress, deposed and reelected. Her
humility, charity and especially her mystical graces often disconcerted those
around her. She died in 1634 and leaves a twofold Dominican posterity: the nuns
of the monastery of St. Catherine at Langeac and a congregation of the
apostolic life called "Dominicans of Mother Agnes" at Puy, although
she is not their foundress.
SOURCE : https://www.catholic.org/saints/saint.php?saint_id=7015
GALAND, AGNÈS OF JESUS,
BL.
Also known as Agnès de
Langeac; Dominican nun; mystic; b. Nov. 17, 1602, Puy-en-Velay (near Langeac),
France; d. Oct. 19, 1634, Langeac. Agnès, a vivacious and generous child, was
educated by the Sisters of the Holy Virgin. She entered the Dominican convent
at Langeac (1623) and, displaying the enthusiam that characterized her early
life, was elected prioress in 1627. In accordance with her understanding of
God's will revealed through a vision of the Virgin
Mary (1631), Sister Agnès used her gift of prayer and her hidden
penances for the good of Jean Jacques olier, abbot of Prébrac, who was then a
young priest living irresponsibly and whom she had never met. She is said to
have bilocated (1634) to the Church where Father Olier was praying during a
retreat under the direction of Saint vincent de paul. She met Olier just before
her death. Twenty years later he founded the sulpicians. She was beatified
by John
Paul II on Nov. 20, 1994.
Feast: Oct. 19 (Dominicans).
Bibliography: Mère
Agnès de Langeac et son temps: une mystique dominicaine au grand siècle
des âmes: actes du colloque du Puy (Le Puy, France 1986). J. Bouflet, Petite vie de Agnès de Langeac (Paris 1994). M. J. Dorcy, Saint
Dominic's Family (Dubuque, Iowa 1964) 386–87. E. Panassière, Mémoires
sur la vie d'Agnès de Langeac (Paris 1994). R. de Tryon–Montalembert, Agnès
de Langeac: "Qui a Dieu a tout" (Paris 1994).
[K. I. Rabenstein]
New Catholic Encyclopedia
Saints
and Saintly Dominicans – 26 September
Venerable Mother Agnes
of Jesus, Virgin, O.P.
Venerable Agnes was
of humble birth and entered the Monastery of Saint Catherine
at Langeac as a lay sister,
but was later admitted to profession as a choir religious. In the depth of her
cloister she was the apostle of her country, the blessing of her native town
and the light and joy of her community. She had many apparitions of Jesus and
Mary, her angel guardian and the Patriarch Saint Dominic.
But her great and truly extraordinary mission was to lead Monsieur Olier to
embrace a more perfect life. She revealed to him his vocation of founder
of seminaries in France and
of the Congregation of Saint Sulpice. Although she had never seen him with her
bodily eyes she recognized him immediately he entered the convent guest-room,
and their two souls, without needing words, conferred together on the things of
God. It would be impossible to admire sufftciently the prudence, firmness and
kindness which Agnes displayed in the government of her Sisters. Her humility
was so great that, as M. Olier says, “having seen in a letter some words in her
own praise, she was so afflicted as to fall seriously ill” He again declares:
“In my opinion since the beginning of the Church, after the Apostles, I do not
believe there has lived a soul so enriched with virtues.” She died in 1634 and
was declared venerable in 1808.
Prayer
Soon all will leave me,
and I shall leave all things. – Venerable Mother Agnes
Practice
Impose some sacrifice
upon yourself for priests who are little faithful to their vocation and exposed
to be tainted with the spirit of the world.
– taken from the
book Saints
and Saintly Dominicans, by Blessed Hyacinthe-Marie
Cormier, O.P.
SOURCE : https://catholicsaints.info/saints-and-saintly-dominicans-26-september/
Bl.
Agnes of Jesus of Langeac
Today our monastery is celebrating the feast of Bl. Agnes of Jesus Galand, a
nun of the Monastery of Langeac, France. Her feast is supposed to be celebrated
on the 19th but since here in the USA we have the obligatory memorial of the
North American Martyrs we decided to celebrate our Sister today.
Agnes of Jesus Galand was born in 1602 and lived a short life, dying 1634. She
entered the Monasteryof
St. Catherine of Siena in Langeac which still exists today and where
they actively promote the life and mission of their Sister. Mother Agnes served
her community as novice mistress, prioress (getting deposed and then getting
elected again!) and in other duties such as sacristan.
In 1631, Jesus and Mary interiorly invited Agnes to intercede and pray for a
priest she did not know. Three years later, in the monastery parlour she met
Msgr. Jean-Jacques Olier, founder of the great Seminary of S. Sulpice and she
learned that he was the priest she for whom she was offering her life of prayer
and sacrifice. She died a year later, leaving to her sisters her particular
vocation to pray for priests.
Because St. Louis de Monfort mentions Blessed Agnes in "True Devotion to
Mary" she is remembered if only by name by many who have read his work and
consecrated themselves to Jesus through Mary as a slave of Mary.
Here is what he says: "Without stopping to prove this truth, I shall
simply relate an incident which I read in the life of Mother Agnes of Jesus, a
Dominican nun of the convent of Langeac in Auvergne, who died a holy death
there in 1634. When she was only seven years old and was suffering great
spiritual anguish, she heard a voice telling her that if she wished to be
delivered from her anguish and protected against all her enemies, she should
make herself the slave of our Lord and his Blessed Mother as soon as possible.
No sooner had she returned home than she gave herself completely to Jesus and
Mary as their slave, although she had never known anything about this devotion
before. She found an iron chain, put it round her waist and wore it till the
day she died. After this, all her sufferings and scruples disappeared and she
found great peace of soul. This led her to teach this devotion to many others
who made rapid progress in it - among them, Father
Olier, the founder of the Seminary of Saint-Sulpice, and several other
priests and students from the same seminary. One day the Blessed Virgin
appeared to Mother Agnes and put a gold chain around her neck to show her how
happy she was that Mother Agnes had become the slave of both her and her Son.
And St. Cecilia, who accompanied our Lady, said to her, "Happy are the
faithful slaves of the Queen of heaven, for they will enjoy true freedom."
Tibi servire libertas.
The Servant of God, John Paul II beatified Agnes of Jesus on November 20, 1994.
Bl. Agnes of Jesus, during this year for priests, we ask you to intercede for
our priests, that they may be men on fire for God, filled with a desire to
serve Christ's flock.
Today our monastery is
celebrating the feast of Bl. Agnes of Jesus Galand, a nun of the Monastery of
Langeac, France. Her feast is supposed to be celebrated on the 19th but since
here in the USA we have the obligatory memorial of the North American Martyrs
we decided to celebrate our Sister today.
Agnes of Jesus Galand was born in 1602 and lived a short life, dying 1634. She
entered the monastery in Langeac which still exists today and where they
actively promote the life and mission of their Sister. In 1627 Agnes was
elected to serve her community as Prioress.
In 1631, Jesus and Mary interiorly invited Agnes to intercede and pray for a
priest she did not know. Three years later, in the monastery parlour she met
Msgr. Jean-Jacques Olier, founder of the great Seminary of S. Sulpice and she
learned that he was the priest she for whom she was offering her life of prayer
and sacrifice. She died a year later, leaving to her sisters her particular
vocation to pray for priests.
Agnes of Jesus' is mentioned by St. Louis de Monfort in "True Devotion to
Mary". Here is what he says:
Without stopping to prove this truth, I shall simply relate an incident which I
read in the life of Mother Agnes of Jesus, a Dominican nun of the convent of
Langeac in Auvergne, who died a holy death there in 1634.
When she was only seven years old and was suffering great spiritual anguish,
she heard a voice telling her that if she wished to be delivered from her
anguish and protected against all her enemies, she should make herself the
slave of our Lord and his Blessed Mother as soon as possible. No sooner had she
returned home than she gave herself completely to Jesus and Mary as their
slave, although she had never known anything about this devotion before. She
found an iron chain, put it round her waist and wore it till the day she died.
After this, all her sufferings and scruples disappeared and she found great
peace of soul.
This led her to teach this devotion to many others who made rapid progress in
it - among them, Father Olier, the founder of the Seminary of Saint-Sulpice, and
several other priests and students from the same seminary. One day the Blessed
Virgin appeared to Mother Agnes and put a gold chain around her neck to show
her how happy she was that Mother Agnes had become the slave of both her and
her Son. And St. Cecilia, who accompanied our Lady, said to her, "Happy
are the faithful slaves of the Queen of heaven, for they will enjoy true
freedom." Tibi servire libertas.
Our present Holy Father, John Paul II beatified Agnes of Jesus on November 20,
1994
Bl. Agnes of Jesus, today more than ever, we ask you to intercede for our
priests, that they may be men on fire for God, filled with a desire to serve
Christ's flock.
Beata Agnese di Gesù
(Galand) de Langeac Domenicana
Le Puy-en-Velay, 17
novembre 1602 - Langeac, 19 ottobre 1634
Entrò prima nel
Terz'Ordine e poi nel 1623 nel monastero di Langeac. Riconosciute le sue virtù,
fu presto maestra delle novizie e poi priora. La fama di santità e gli uffici
delicati da lei ricoperti le attirarono non solo lodi, ma anche calunnie e
invidie, perciò nel 1631 fu destituita da priora. Accettò con grande serenità
tutte queste ingiuste sofferenze offrendole a Dio perché in Francia fossero
applicati i decreti del Concilio di Trento sulla formazione del clero.
Ricevette dalla Vergine la missione di pregare per l'abate di Prébac, che lei
conobbe solo dopo alcuni anni: si trattava di J. J. Olier, che lo Spirito Santo
suscitò per la fondazione dei primi seminari in Francia. A lui comunicò il suo
segreto: l'intima unione con Dio.
Etimologia: Agnese =
pura, casta, dal greco
Martirologio
Romano: A Langeac lungo il fiume Allier in Francia, beata Agnese di Gesù
Galand, vergine dell’Ordine dei Predicatori, che, priora del convento, rifulse
nell’ardente amore per Gesù Cristo e nella dedizione alla Chiesa, offrendo
continue preghiere e penitenze per i suoi pastori.
Agnese nacque il 17 novembre 1602 in una famiglia di sette figli a Le Puy – en – Velay dove il padre gestiva una bottega di coltelli. La città, fin dal medioevo, è un centro di pellegrinaggi mariani tra i principali della Francia. Agnese crebbe perciò educata nella preghiera e a sette anni si consacrò a Maria, come sua schiava d’amore. A nove anni prese a recitare l’ufficio quotidiano in onore dello Spirito Santo. Nel 1621 divenne sorella nell’Ordine della Penitenza di San Domenico e nel 1623 fu accettata come Monaca Conversa nel Monastero di S. Caterina da Siena, edificato in quell’anno nella cittadina di Langeac. Esso apparteneva con altri trentuno al movimento di riforma inaugurato nel sud della Francia da Padre Sebastiano Michaelis. Nel 1625, nella festa della Purificazione della B. V. Maria emise la Professione Solenne in qualità di Monaca Corista. Fu Maestra delle Novizie e due volte priora. A imitazione della mistica maestra di Siena, visse appassionata di Cristo e della Chiesa. Ispirata da Maria pregò e soffri per il giovane ecclesiastico Giovanni Giacomo Olier, facendogli conoscere di essere chiamato a fondare i primi Seminari in Francia. Gli ultimi tre anni della sua breve vita, amareggiata da diffamazioni invidiose, che la fecero rimuovere da l’ufficio di Priora, furono da lei offerti in sacrifici spirituali per la futura Congregazione dei Preti di San Sulpizio, istituita da Olier. Tenne un quotidiano rapporto con il suo angelo custode. Morì il 19 ottobre 1634. Il suo corpo è conservato nel Monastero di Langeac. Papa Giovanni Paolo II il 20 novembre 1994 l’ha beatificata assieme a Padre Giacinto Cormier, Maestro Generale dal 1832 al 1916, il quale riconobbe di dovere la sua vocazione alle preghiere di Madre Agnese di Gesù.
Autore: Franco Mariani
SOURCE : https://www.santiebeati.it/dettaglio/90809
OMELIA DI GIOVANNI PAOLO
II
Domenica, 20 novembre 1994
1. “Benedetto il Regno
che viene” (cf. Mc 11, 10).
È Lui che viene, Cristo
Gesù, il testimone fedele, il Primogenito dei morti e il Principe dei re della
terra, colui che ci ama e ci ha liberati dai nostri peccati con il suo sangue
(cf. Ap 1, 5). È Lui che viene.
Ecco, Egli sta davanti al
tribunale di Pilato. Il governatore gli domanda: “Tu sei il re dei Giudei?” (Gv 18,
33).
Cristo risponde: “Il mio
Regno non è di questo mondo” (Gv 18, 36).
Pilato insiste: “Dunque
tu sei re?” (Gv 18, 37).
E Gesù: “Tu lo dici; io
sono re. Per questo io sono nato e per questo sono venuto nel mondo: per
rendere testimonianza alla verità. Chiunque è dalla verità, ascolta la mia
voce” (Ivi).
2. Ogni anno, in questa
domenica che conclude l’intero ciclo liturgico, siamo convocati, per così dire,
al cospetto di Cristo Re dell’universo. Egli non è re nel senso temporale della
parola, ma regna sovrano mediante la verità alla quale ha reso
testimonianza. Di questo Regno di Cristo ci parlano tutti coloro che ascoltano
la sua voce. Coloro che vivono della sua verità. In particolare, con
singolare eloquenza, ne parlano coloro che vivono della verità di Cristo in
modo eroico.
Nell’odierna
solennità la Chiesa eleva alla gloria degli altari, come beati, alcuni di
questi testimoni della verità di Cristo. Essi sono: - Hyacinthe-Marie
Cormier, domenicano - Marie Poussepin, fondatrice della Congregazione delle
Domenicane della Presentazione della Beata Vergine Maria. - Agnès de Jésus Galand de Langeac,
domenicana - Eugénie Joubert, della Congregazione delle Suore della Sacra
Famiglia, e - Claudio Granzotto, francescano.
3. Padre
Hyacinthe-Marie Cormier è stato testimone della verità di Cristo seguendo
la scuola di San Domenico. Sia benedetto Dio che ci concede di riunire questa
mattina in una sola celebrazione membri di tre rami della grande famiglia
domenicana, così fortemente legata alla predicazione della verità!
La verità non è una
nozione astratta, essa è per noi una Persona, la persona di Cristo, Re
dell’universo. Nella sua vita, Padre Cormier ha costantemente vissuto della
verità e l’ha trasmessa a tutti i suoi fratelli domenicani con umiltà e
perseveranza. Egli non aveva forse unito la verità alla carità nel suo motto: “Caritas
veritatis”? Egli diceva infatti che donare la verità è “la carità più bella”.
In Padre Cormier la
Chiesa vuole riconoscere ed onorare l’azione dell’intelletto umano, illuminato
dalla fede. Infatti, il fondatore dell’Università dell’Angelicum ci ricorda che
Dio ci chiede di utilizzare le facoltà del nostro spirito, riflesso del suo,
per rendergli gloria. Uomo assetato di verità, egli ha saputo anche donarsi a
suoi fratelli come Priore, come Provinciale e come Maestro Generale dell’Ordine
Domenicano, nel rispetto delle sue tradizioni secolari. Egli ha guidato i figli
di San Domenico con la sua saggezza e competenza per condurli a Dio, per fare
di loro autentici figli e testimoni del Regno.
4. All’opera
dell’intelletto credente deve aggiungersi la testimonianza dell’amore che
agisce, della carità che non finirà mai e dimorerà nel “regno eterno”
annunciato dal profeta (Dn 7, 14). Da questa carità attiva, Marie
Poussepin è stata pervasa sin dall’infanzia e ha voluto porsi al servizio
dei più bisognosi, nel Terzo Ordine Domenicano di Dourdan, sua città natale. Essa
sapeva, infatti, riconoscere la viva presenza del Signore dell’universo nei più
piccoli. Servire i poveri è già vivere la beatitudine del Regno.
Marie Poussepin ha voluto
fare di tutta la sua vita un’offerta d’amore, come dimostra il testo delle
Costituzioni che ha donato alle Suore di Carità Domenicane della Presentazione
della S. Vergine, da lei fondate a Sainville. Con le sue compagne, religiose
apostoliche, essa decise di lavorare “per l’utilità della parrocchia, per
istruire i giovani e per servire i poveri malati”.
La fiamma dell’amore che
Cristo è venuto a portare sulla terra sarebbe destinata a spegnersi se le
famiglie non avessero a cuore di mantenerla. In quest’anno che è consacrato
particolarmente a loro, Marie Poussepin invia un messaggio di gioia e di
speranza; nata da una famiglia che l’ha guidata e l’ha sostenuta, ella è adesso
proposta alla nostra venerazione come una delle nostre sorelle in umanità, una
figlia di Dio umile e generosa, capace di comprendere i problemi che incontra
una famiglia e di mostrare allo stesso tempo in quale direzione bisogna
cercarne la soluzione: nell’amore che scaturisce dal Cuore di Cristo, Re
dell’universo.
5. La fecondità dello
spirito di San Domenico ci appare inoltre questa mattina nella figura di una
contemplativa, Agnès de Jésus, a cui
Padre Hyacinthe Cormier riconosceva di dovere la nascita della propria
vocazione. Li accomunava infatti uno stesso amore per Cristo, una stessa
volontà di sollecitare la venuta del suo Regno. Ma né il carisma di guida e di
insegnante di Padre Hyacinthe, né il fuoco dell’amore divino in Marie Poussepin
sarebbero esistiti senza un profondo spirito di contemplazione e di oblazione
quale vediamo in Madre Agnès, monaca di clausura di Langeac. Anch’essa -
desidero sottolinearlo in quest’Anno della Famiglia - è stata ben presto
risvegliata alla sete di Dio nell’ambito della sua famiglia.
Cristo che ci ama, che
“ci ha liberati dai nostri peccati con il suo sangue” (Ap 1, 5), l’ha
condotta sulla via della perfezione facendole sentire, sin dall’infanzia, la
potenza del suo amore redentore, la forza del suo perdono e la luce che le
destinava. Beata in verità, Agnès de Langeac che ha saputo entrare senza la
minima reticenza nel progetto di Dio per lei, offrire la sua intelligenza, la
sua volontà e la sua libertà al Figlio dell’uomo, affinché egli le trasformasse
e le accordasse totalmente alle sue!
“Tutto che ciò vorrete!”:
il motto di Madre Agnès ben dimostra la sua disponibilità interiore nei
confronti della volontà divina. Cristo è realmente divenuto il Re della sua
esistenza. “Chiunque è dalla verità, ascolta la mia voce”, dice il Signore (Gv 18,
37). Questo è il movimento naturale di quest’anima adoratrice di Dio, di questa
religiosa che, dal suo convento, ha avuto un’influenza determinante sull’azione
del signor. Olier a favore delle vocazioni sacerdotali.
6. Suor Eugénie
Joubert, religiosa della Congregazione delle Suore della Sacra Famiglia del
Sacro Cuore, si presenta a noi come un esempio vivente dell’azione di Dio nel
cuore umano. Anche in lei, l’educazione cristiana è stata decisiva per tutta il
suo operato futuro. Due anni prima di morire, al termine di una breve esistenza
consacrata in particolare alla catechesi dei più piccoli, essa libera questo
grido dal cuore: “Voglio essere come un bambino piccolo, portato in braccio da
sua madre”.
Il Regno di Cristo può
cominciare nel cuore di un bambino. È ciò che ha compreso Suor Eugénie ed è per
questo che ha messo tanta cura nel preparare i più giovani alla prima
confessione e alla prima comunione. Ciascuno, anche in giovanissima età, è
chiamato a rendere testimonianza della verità. La Chiesa farà ricordare
costantemente le parole del Signore: “Lasciate che i bambini vengano a me” (Mt 19,
14). Essa lo farà costantemente, poiché sa che nessun figlio degli uomini, per
povero e umile che sia, non è indifferente a Dio. Ognuno è chiamato a entrare
nel regno e i Beati, precedendoci, ci indicheranno la via.
7. L’Amore per Cristo,
“Figlio dell’uomo”, ed il servizio al Regno di Dio, risplendono in modo
singolare nella vita del Beato Claudio Granzotto. Ultimo di nove figli,
imparò in famiglia il timore di Dio, la sincera pratica della vita cristiana,
la generosa solidarietà, la disponibilità al sacrificio e l’amore al duro
lavoro dei campi. Grazie alla sua docilità allo Spirito e ad una così incisiva
educazione familiare, l’esistenza terrena di Claudio Granzotto divenne
pellegrinaggio costante verso la santità fino alle vette della perfezione
evangelica.
Autentico figlio del
Poverello di Assisi, seppe esprimere la contemplazione dell’infinita bellezza
divina nell’arte della scultura, di cui era maestro, rendendola strumento
privilegiato di apostolato e di evangelizzazione. La sua santità rifulse
soprattutto nell’accettazione delle sofferenze e della morte in unione alla
croce di Cristo. È diventato così modello per i Religiosi nella totale
consacrazione di sé all’amore del Signore, per gli artisti nella ricerca della
Bellezza di Dio, per gli ammalati nell’amorevole adesione al Crocifisso.
8. “Tu sei re?” Sei
veramente re? (cf. Gv 18, 37) - chiede Pilato. Analoga domanda pongono i
vari “Pilato” dei nostri giorni. Quanti sono, quanti anche in questo nostro XX
secolo, coloro che hanno preteso di giudicare e di condannare a morte Cristo?
Il Signore, tuttavia,
oggi come allora, risponde, indicando quanti ascoltano la sua voce - quanti
“sono dalla verità”. Indica anche i nostri Beati odierni. In essi, infatti, si
è realizzato e manifestato il suo Regno.
“Colui che era e colui
che è - viene incessantemente” (cf. Ap 1, 8). Egli è il futuro
del mondo. A lui gloria nei secoli. Amen!
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Voir aussi : https://www.moniales-op.ch/spiritualite/dominicains/agnes-langeac
https://www.moniales-op.ch/spiritualite/dominicains/agnes-langeac