jeudi 2 décembre 2021

Bienheureux JAN VAN RUYSBRŒCK, chanoine régulier de Saint Augustin

 

Statue de Jean de Ruisbroek dans la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule de Bruxelles (Belgique)


Bienheureux Jan Van Ruysbroeck

Chanoine régulier de Saint Augustin (+ 1381)

Originaire du village belge dont il porte le nom, il est appelé "Ruysbroeck l'admirable." Son oncle, prêtre de Sainte Gudule à Bruxelles, se chargea de son éducation. Jean fut ordonné prêtre à 24 ans. Il sera chapelain de Sainte Gudule vingt-cinq ans durant. Tout en poursuivant ses activités sacerdotales dans la paroisse, il écrivit plusieurs ouvrages mystiques par lesquels il cherche à faire partager son intense vie contemplative. C'est un regard aigu qu'il pose sur le monde et sur l'Église de son temps: il voit la cause de tous les maux dans la pauvreté de la vie intérieure. Mais, dans le même temps, il s'attaque aux illuminés qui cherchent à dévoyer les fidèles et à les entraîner sur les chemins d'une mystique hors de l'Église. A 50 ans, il se retire avec quelques amis dans un petit ermitage de la vallée de Groenendal, adopte la règle de Saint-Augustin et devient prieur d'une petite communauté durant les trente-huit années du restant de sa vie. Il compose beaucoup d'autres ouvrages mystiques: "Les noces spirituelles", "Les sept clôtures", "Le livre de la plus haute vérité", etc... jouant ainsi un rôle important de maître spirituel que l'on vient consulter de loin et que l'on consulte encore, car il est d'une étonnante actualité.

Au monastère de Groenendal dans la région de Bruxelles, en 1381, le bienheureux Jean Ruysbroeck, prêtre et chanoine régulier, qui exposa de manière admirable les divers degrés de la vie spirituelle.

Martyrologe romain

Voici mon âme et mon cœur comme des vases. Remplissez-les, mon Dieu. Je serai magnanime et audacieux. Je suis rempli de vous et je désire encore. Voilà bien la vie d'union contemplative offerte aux âmes libres qui adhèrent à Dieu seul. Il demeure en eux et ils demeurent en lui.

Jean Ruysbroeck - La pierre étincelante

SOURCE : https://nominis.cef.fr/contenus/saint/209/Bienheureux-Jan-Van-Ruysbroeck.html

Antony van der Does  (1609–1680). The Mystic Jan van Ruysbroek / Mysticus Jan van Ruysbroek, circa 1660, 25.3 x 13.2, Rijksmuseum



Maître spirituel dont les leçons inspireront de nombreux mystiques, Jean de Ruysbrœck a donné ses lettres de noblesse à la littérature néerlandaise. Pourtant, la pauvreté de ses vêtements et son humilité étaient telles, qu'il fut longtemps considéré par ses contemporains comme un illettré. Ses premiers biographes continuèrent à accréditer cette "légende" quoique son érudition théologique et patristique ainsi que sa maîtrise du latin eussent été remarquables. Son talent littéraire lui permit de rédiger en moyen néerlandais[1] des ouvrages qui contribuèrent beaucoup à la formation de la langue des Pays-Bas. Ainsi, notamment avec L’Ornement des Noces Spirituelles, un de ses premiers ouvrages et l'un des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature mystique chrétienne, il adopta, autant que possible, malgré les difficultés considérables liées aux expériences mystiques, un vocabulaire courant, qu'il voulait compréhensible par les simples laïcs comme par les ecclésiastiques.

Jean de Ruysbrœck a été surnommé, à cause de la sublimité de sa doctrine, le divin Contemplateur  ou encore l'Admirable.

Les documents dont nous sous sommes servis peuvent en partie être retrouvés sur le site:

http://livres-mystiques.com/index.htm

ou, plus rapidement, dans la rubrique :

http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Ruysbroek/Ruysbrœck/table.html

Miniatuur uit het manuscript "Werken", vervaardigd door Jan van Ruusbroec te Bergen-op-Zoom. Gepubliceerd in 1480./ Miniature from the manuscript "Werken", manufactured by Jan van Ruusbroec in Bergen-op-Zoom. Published in 1480, Universiteitsbibliotheek UGent  

Miniatuur uit het manuscript "Werken", vervaardigd door Jan van Ruusbroec te Bergen-op-Zoom. Gepubliceerd in 1480./ Miniature from the manuscript "Werken", manufactured by Jan van Ruusbroec in Bergen-op-Zoom. Published in 1480, Universiteitsbibliotheek UGent 


LA VIE DE JAN VAN RUYSBRŒCK

(Jean de Ruysbrœck)

(1293-1381)

INTRODUCTION

La vie de Jan van Ruysbrœck nous est connue grâce à Henri Pomerius (1382-1431) qui fut bien placé pour obtenir des renseignements sûrs. En effet, né en 1382, un an seulement après la mort de Ruysbrœck, il entra au monastère des chanoines réguliers de Groenendael, où Ruysbrœck avait passé toute sa vie religieuse. Devenu prieur, Pomerius vit mourir deux disciples immédiats de Ruysbrœck: Jean de Hoelaere († 16 mars 1431) et Jean de Scoonhoven († 22 janvier 1431). Ce dernier se rendit célèbre en défendant la doctrine de son maître Ruysbrœck, contre les attaques de Gerson.

Pomerius mourut le 2 juin 1469; il avait écrit son ouvrage avant 1420, soit moins de quarante ans après la mort de Ruysbrœck, le saint Prieur de Groenendael.

L'ouvrage de Pomerius comprend trois parties :

1°L'histoire de la fondation de Groenendael,

2°La biographie de Ruysbrœck,

3°La biographie de Jean van Leeuwen, le « bon cuisinier ».

Un autre document précieux sur la vie de Ruysbrœck est un prologue inséré en tête du manuscrit le plus complet de ses œuvres. Ce prologue est d'un contemporain de Ruysbrœck, Maître Gérard[2], prieur d'une Chartreuse proche de Groenendael. Ce manuscrit, datant de 1461, et qui appartenait jadis au prieuré même de Groenendael, se trouve aujourd'hui à Bruxelles.

1-L'ENFANCE ET LA JEUNESSE DE JEAN DE RUYSBRŒCK

Jean de Ruysbrœck (Jan van Ruusbroec) est né en 1293 dans le petit village de Ruusbroeck, situé entre Bruxelles et Halle. Ce village du Brabant est aujourd’hui englobé dans l’agglomération bruxelloise. Sa famille était très honorable et très aisée. Dès sa plus tendre enfance il aima s'isoler dans la nature. À l'âge de 11 ans, il fut confié à un oncle, Maître Jean Hinckaert, chanoine de Sainte-Gudule, qui l'éveilla très tôt aux vérités de l'Evangile, et le mit dans une école pour y apprendre les lettres, la philosophie, puis les sciences: humaine et divine.

2-LE PRÊTRE

Jean de Ruysbrœck devint prêtre à 24 ans, en 1317, et exerça son ministère durant vingt-cinq ans à Bruxelles, comme chapelain de Sainte Gudule, en compagnie de Maître Hinckaert et de Franco van Coudenberg, chapelains de la même église et animés des mêmes désirs de vie vertueuse. C'est pendant sa présence à Bruxelles qu'il rédigea ses premiers ouvrages, écrits en flamand[3], en réalité, en dialecte brabançon. Ces ouvrages, parus entre 1330 et 1336, constituent l'essence même de sa doctrine fondée essentiellement sur son expérience mystique. On peut citer:

– Le Royaume des Amants de Dieu,

– L'Ornement des Noces Spirituelles. Ce livre commente une citation évangélique: Voici l’Époux qui vient, allez à sa rencontre. (Mat, XV, 6) C’est surtout par Les Noces Spirituelles que la doctrine Ruysbrœckienne se répandit dans les pays germaniques.

– L'Anneau de la Pierre Brillante

– La foi chrétienne et Les quatre Tentations virent le jour entre 1336 et 1343

La sainteté de Jean de Ruysbrœck était telle que ses hagiographes rapportèrent de nombreux miracles et légendes, destinés à montrer les faveurs que Dieu lui réserverait tout au long  de sa vie. Évidemment il faut prendre ces légendes avec précaution et nous ne nous y attarderons jamais. Cependant pour notre divertissement, nous rapportons ici un fait étonnant raconté par un religieux[4] anonyme, son premier biographe:

"À peine l'enfant avait-il sept jours, comme sa nourrice allait le laver dans un bassin, il se tint debout sans aucun autre appui que celui d'une grâce particulière de Dieu."

On raconte aussi que lorsque sa maman fut décédée, elle lui apparut à plusieurs reprises pour lui demander un soulagement à ses peines du Purgatoire. Et l'on dit que, dès la fin de sa première Messe, le jeune prêtre "apprit, dans une apparition certaine de sa mère, qu'elle était enfin délivrée de toute peine."

Revenons maintenant à des choses plus terre à terre.

Prêtre séculier, Jean décida de suivre le Christ humble dans la voie de l'humilité, et de se conformer autant qu'il le pourrait à ce modèle, au point de passer même pour méprisable et sans valeur aux yeux de tous ceux qui ignoraient sa vie très sainte. Cependant, il eut l'occasion, à Bruxelles, de s'opposer fortement à Bloemardinne, une femme qui fut l'initiatrice d'une secte, satanique dirions-nous aujourd'hui, secte qui attirait de nombreux adeptes. Il semble que Bloemardinne dirigea la secte "du libre esprit" vers 1307.

L'homme de Dieu s'opposa avec vigueur à ces erreurs néfastes qui se multipliaient, et bien qu'il eût à soutenir un grand nombre d'adversaires, il put démontrer pleinement la fausseté des écrits de cette femme perverse.

3-LE MOINE

En 1343, Jan van Ruysbrœck, que nous appellerons le plus souvent Ruysbrœck,  ou encore le dévot Prieur, décida de vivre dans la solitude, avec son oncle et Franco van Coudenberg, dans l'ermitage[5] de Groenendael[6] (Viridis Vallis, ou le Vauvert). Le frère Jean van Leeuwen, surnommé "le bon cuisinier", devait bientôt rejoindre la petite communauté naissante, qui, en 1350, adopta l'habit des chanoines réguliers de saint Augustin, ainsi que la règle. Ruysbrœck put alors s'adonner tout entier à la contemplation et se livrer à l'influence divine.

Lorsqu'il se sentait envahi par l'inspiration, Ruysbrœck s'enfonçait dans la forêt toute proche, et se mettait à écrire tout ce qui lui venait à la pensée. Puis, il retournait au monastère et partageait avec ses frères les enseignements merveilleux qu'il avait reçus. Son influence bénéfique était telle qu'on lui donna le surnom d'Admirable. Pèlerins et fidèles affluaient pour l'écouter et prier avec lui.

Le prieur de Groenendael

Ruysbrœck avait déjà été prieur pour les quelques compagnons qui, d’abord groupés autour de lui, dans la maison de son oncle, l’accompagnèrent à Groenendael dans la forêt de Soignes, mise à leur disposition par le duc Jean III de Brabant en 1343. Là, leur retraite était mieux protégée, La communauté qu’il entendait former ne devait pas être cloîtrée: sans règle, ni supérieur, avec très peu d’observances, elle devait cependant permettre la réalisation d’une vie intérieure intense, et permettre une vie commune, telle qu’elle sera plus tard décrite dans le livre, La Pierre brillante. Cependant, la communauté d’abord informelle, évolua vers la vie canoniale augustinienne, embrassée le 10 mars 1350. En effet, en 1349, l'évêque de Cambrai avait vêtu les membres de la petite communauté de la tunique blanche et de la chape noire des chanoines de saint Augustin. Le prévôt de la communauté fut Franco van Coudenberg à qui Ruysbrœck, prieur, voulut demeurer soumis.

La production littéraire de Ruysbrœck pendant cette période reflète l’activité d’un conseiller spirituel attentif, discret et retiré: ses ouvrages, surtout des opuscules, sont souvent de nature explicative. On a parlé d'une mystique essentialiste sur la nature de laquelle les erreurs d’interprétation sont aisées.

4-QUELQUES FAITS ÉTONNANTS

4-1-Dans un rayon de feu

Du vivant de Ruysbrœck, des hommes témoignèrent: nous savons que très souvent le dévot Prieur se hâtait vers le bois, et, retrouvant sa retraite solitaire, s'asseyait sous un arbre. Un jour qu'il y était resté plus longtemps que d'habitude, les frères, inquiets, se mirent à le chercher à travers les chemins de la vaste forêt.

"Par hasard, un frère, qui lui était assez intime, le cherchant avec soin, remarqua de loin un arbre qui semblait par en haut tout enveloppé d'un rayon de feu. S'approchant alors en silence, il trouva l'homme de Dieu assis sous cet arbre, encore tout ravi hors de lui par la grande ferveur de la douceur divine. De ceci il apparaît clairement de quelle ferveur intérieure d'esprit et de quelle splendeur il était enflammé en même temps qu'illuminé, alors que le rayonnement en paraissait au dehors d'une façon si manifeste."

4-2-La lévitation

À force de méditer la Passion du Seigneur, Ruysbrœck "parvint à une telle abondance de la divine grâce, que souvent il s'élevait dans le ravissement divin au-dessus de lui-même." Les lévitations de Ruysbrœck ont souvent été constatées par ceux qui vivaient proches de lui.

4-3-Des apparitions du Christ, de la Vierge Marie et des saints

Les hagiographes de Ruysbrœck racontent que souvent Notre-Seigneur Jésus-Christ visitait son fidèle serviteur avec une douceur très intime, et l'enrichissait de multiples grâces; ainsi, un jour il lui apparut visiblement avec la bienheureuse Vierge Marie, sa glorieuse Mère, et tous les saints de la cour céleste. Jésus lui parla:

— Tu es mon fils bien-aimé, en qui j'ai mis ma complaisance.

Et l'embrassant, il dit à sa Mère et aux chœurs des saints présents:

— Voici mon enfant d'élection.

En retour, le dévot Prieur manifestait pour le Seigneur Jésus, une grande familiarité et un amour hors du commun. De plus, en plusieurs circonstances il eut avec le Seigneur Jésus des entretiens cachés, dont il n'est pas permis aux hommes de parler". Cela, le dévot Prieur le fait entendre parfois en ses livres et le "Bon Cuisinier" le rapporte lui aussi; "car ce dernier[7] le vit un jour élevé en une telle gloire, qu'à ce moment, personne parmi les vivants ne le surpassait en mérites."

5-LES BONS EXEMPLES DONNÉS PAR RUYSBRŒCK

Beaucoup d'hommes remarquables de Flandre, de Strasbourg, de Bâle et principalement des villes du Rhin, souvent élevés en dignité, venaient à Ruysbrœck, désireux de le voir et de bénéficier de ses conseils. Et le bon Prieur se montrait si prévenant envers eux, qu'il semblait avoir été prévenu par avance de leur venue.

5-1-Ruysbrœck et Tauler

Parmi les nombreux visiteurs qui vinrent trouver le bon Prieur, l'un des principaux fut un certain dominicain, docteur en théologie, du nom de Jean Tauler, très célèbre, tant à cause de sa rare érudition que de sa grande sainteté de vie. Tauler visitait fréquemment J. Ruysbrœck, car il l'avait en grande vénération. Cela transparaît fréquemment dans les écrits de Tauler, dans lesquels on peut remarquer bien des points empruntés, sans aucun doute, au vénérable Ruysbrœck. Cela montre aussi combien Tauler, comme de nombreux visiteurs du dévot Prieur, progressa auprès de lui dans la connaissance de la vie intérieure et contemplative.

5-2-Une vocation religieuse

Une femme, d'une haute naissance, avait coutume de venir visiter le dévot prieur, malgré l'éloignement, faisant jusqu'à deux milles, pieds nus. Elle fut confirmée par Ruysbrœck dans le mépris du monde et l'amour de Dieu: abandonnant tous ses biens, elle se rendit à Cologne où elle embrassa la vie monastique dans l'ordre des Clarisses.

6-LES DERNIÈRES ANNÉES DE LA VIE DE RUYSBRŒCK

Durant les dernières années de sa vie, le dévot Prieur, devenu presque aveugle, emmenait fréquemment avec lui, dans la forêt, un frère chargé de transcrire sur des tablettes ce qu'il dictait sous l'action de l'Esprit-Saint. Il agissait également souvent ainsi pour échapper au nombre grandissant des visiteurs. Réfugié dans la forêt il dictait de nouveaux ouvrages.

Déjà ses livres se répandaient, ainsi que nous l'apprend Maître Gérard, le prieur des Chartreux qui écrit: "Et moi, frère Gérard, de l'ordre des Chartreux, de la maison de Notre-Dame de la Chapelle près Hérinnes, toutes les fois que je rencontrais de ces livres, je les annotais soigneusement, selon la force de mon intelligence." Frère Gérard "en avait lui-même pris une copie[8] et comme il y trouvait certains passages obscurs, il pria Ruysbrœck de venir lui en donner l'explication. C'est ce que fit le saint prieur..."

Gérard Groot[9] fréquentait également Groenendael et profitait de l'influence et des enseignements du prieur.

La mort de Ruysbrœck

Quand il eût atteint sa quatre-vingt-huitième année, Ruysbrœck commença à voir ses forces décliner. Il comprit qu'il allait mourir bientôt. En effet, lorsque sa mère fut délivrée des peines du Purgatoire après l'ordination de son fils, elle lui apparut plusieurs fois et lui prédit qu'il s'endormirait joyeusement pendant le temps de l'Avent du Seigneur.

Le dévot prieur, très avancé en âge, se disposa donc à mourir saintement. Il demanda à être transporté par les frères à l'infirmerie commune des frères. "Là, atteint d'une grave attaque de fièvre et souffrant en même temps de dysenterie, il passa sur son lit presque quinze jours, dans une grande faiblesse. Enfin au milieu de ses frères en prière, et après s'être recommandé dévotement à eux, tout présent d'esprit et le visage radieux, il s'endormit heureusement dans la paix en un très doux soupir et sans les signes ordinaires des agonisants." Il avait plus de quatre-vingt-huit ans et était prêtre depuis soixante-quatre ans.

7-CE QUI SE PASSA APRÈS LA MORT DE RUYSBRŒCK

7-1-Apparition à un médecin

Un médecin, ami de Ruysbrœck, ayant appris que son ami était très malade se rendit aussitôt à Groenendael. Ayant constaté la faiblesse du serviteur de Dieu, il voulut rester pendant quelque temps auprès de lui. Après la mort de son ami, le médecin fut pris d'un léger sommeil, et il vit le saint Prieur, revêtu des habits sacerdotaux, s'avancer vers l'autel, comme pour témoigner, par cette vision, de son affection envers lui, et de la grâce singulière qui l'animait durant la célébration de la Messe.

7-2-Guérison d'un cruel mal de dents

À l'époque de Ruysbrœck, la médecine était peu efficace et il n'existait aucun remède pour soulager les maux de dents. Une religieuse béguine de Malines, tourmentée depuis longtemps par un cruel mal de dents, recouvra soudainement la santé après avoir approché de sa bouche une relique, une dent[10]  du saint prieur.

7-3-La translation du corps

Environ cinq ans après la mort du dévot Prieur, Monseigneur Jean Tserclaes, alors évêque de Cambrai, voulut que les ossements du prieur fussent enlevés de son tombeau et transportés par les frères dans un nouveau sépulcre. Lorsque le tombeau fut ouvert, les frères y  découvrirent le corps et les ornements qui l'enveloppaient: tout était intact.  Alors on exhuma le corps, saint et vénérable, et on l'exposa pendant trois jours dans l'enceinte du monastère de Groenendael afin qu'il pût être vénéré par tous ceux qui le souhaitaient. Il s'exhalait du corps un parfum si agréable, qu'on aurait pu croire que ce n'était pas le corps d'un mort, mais bien plutôt quelque onguent d'une merveilleuse suavité.

8-LA BÉATIFICATION

Nous savons que Jan van Ruysbroeck est mort en 1381, en odeur de sainteté. Lors de la suppression du monastère (1783) son corps fut transféré à Sainte-Gudule de Bruxelles. Il fut béatifié par le pape Pie X en 1908. L'Église voulait, en effet, reconnaître d'une façon officielle le "culte rendu de temps immémorial au vénérable serviteur de Dieu, Jean de  Ruysbrœck, chanoine régulier. Le décret de la Sacrée Congrégation des Rites est du 1er décembre 1908; il a été approuvé par  Pie X, le 9 du même mois.

Historique de cette béatification

La cause de béatification de Ruysbrœck avait été introduite grâce à Jacques Boonen, archevêque de Malines en 1624; elle dut être suspendue en 1627, en raison des guerres qui affligeaient les Pays-Bas.

En 1783, le chapitre de Sainte-Gudule de Bruxelles obtint un office et une messe en l'honneur de Jean Ruysbrœck, puis tout fut de nouveau interrompu par la Révolution française.

Enfin, en 1883, le cardinal Goossens put réintroduire la cause, et obtenir la reconnaissance du culte, ce qui équivaut à une béatification. L'office et la messe propres du Bienheureux ont été accordés le 29 août 1909 au diocèse de Malines.

9-LES ATTAQUES DIRIGÉES CONTRE LES TEXTES DE RUYSBRŒCK

Démêlés avec Gérard Groot et Jean Gerson (1363-1429)  

Un grand maître de l'époque, Gérard Groot (Gérard le Grand) rencontra plusieurs fois le Prieur de Groenendael. Un jour, il crut trouver dans ses écrits des éléments qui ne lui semblèrent pas conformes à la foi catholique, et il exprima ses doutes. Ruysbrœck lui aurait répondu:

— Maître Gérard, sachez vraiment, que jamais je n'ai écrit une parole dans mes livres, que sous la motion de l'Esprit-Saint.

On sera étonné d'apprendre qu'après la mort de Ruysbrœck, ses écrits, toujours si fidèles à la doctrine catholique, rencontrèrent quelques difficultés avec Jean Gerson, le célèbre docteur en sainte Écriture et Chancelier de Paris. C'est une lettre de Gérard Groot aux moines de Groenendael, qui nous fait connaître les premières critiques dirigées contre le livre de Ruysbrœck intitulé "L'Ornement des Noces spirituelles". En effet, ayant examiné ce livre et n'ayant pas vraiment compris la pensée de l'auteur exprimée dans la troisième partie du livre, Jean Gerson le déclara d'abord suspect d'hérésie. Mais, ayant mieux approfondi la doctrine de Ruysbrœck, Jean Gerson revint sur sa déclaration et reconnut l'inspiration divine de ses œuvres. Toutefois, dans une seconde lettre, il redit que les expressions, dont Ruysbrœck s'était servi pour exprimer sa pensée, étaient parfois défectueuses. Gérard Groot ne précise pas les griefs formulés contre Ruysbrœck: mais il ajoute "qu'il prit à partie le docteur en question[11] et qu'il le mit à la raison."

Une autre attaque, rapportée par Gérard Groot, vint d'Allemagne. "Un des nôtres, écrit-il, nous a fait savoir qu'un autre savant et vénérable docteur, maître Henri de Hesse, a dit publiquement que le livre des Noces contient beaucoup d'erreurs. Pour ma part, comme je vous l'ai déjà dit ailleurs, j'avoue qu'il y a des expressions qui seraient à modifier: si on les prenait au pied de la lettre, elles seraient fautives; mais pour ce qui regarde le fond même de la doctrine je suis fermement convaincu de sa parfaite orthodoxie..." Il est certain "que Ruysbrœck n'a pas toujours employé les formules théologiques usitées alors, et Gerson était en droit de le faire remarquer", affirme Gérard Groot. Mais il ne faut pas oublier que Ruysbrœck écrivait pour le peuple et en langue vulgaire.

Par ailleurs, et il importe de le faire remarquer, la matière qui est traitée dans Le Livre des Noces, concerne les plus hauts sommets de l'union mystique. Les termes utilisés pour exprimer cette union mystique échappent parfois à la terminologie technique habituelle en théologie.

10-PRÉSENTATION RAPIDE DES ÉCRITS DE JEAN DE RUYSBRŒCK

Une certaine personne, ayant vécu à Groenendael, peu de temps après la mort du Maître, proposa un ordre suivant lequel la lecture de ses œuvres lui semblait le plus profitable. Dans la suite de notre étude nous approfondirons les œuvres de Ruysbrœck pour tenter d'en dégager la spiritualité. Nous ne suivrons pas dans notre étude des œuvres de Ruysbrœck l'ordre indiqué par cette personne, mais pour l'information de nos lecteurs, nous présentons ici, en quelques mots et selon cet ordre, le contenu des œuvres de Ruysbrœck:

– Le livre des Douze vertus insiste particulièrement sur l'humilité, inspirée par la contemplation de la puissance de Dieu et de sa souveraine bonté. À partir de là, le lecteur peut, par l'obéissance et la pauvreté d'esprit, embrasser totalement la volonté du Seigneur.

– Le livre des Douze points de la vraie foi est essentiellement une paraphrase du Credo.

– Le Miroir du salut éternel, résume la doctrine de Ruysbrœck.

– Les Sept degrés de l'échelle d'amour spirituel présentent l'échelle mystérieuse par laquelle on s'élève jusqu'à l'intimité amoureuse avec Dieu. Cette échelle indiquée par Ruysbrœck a très certainement inspiré sainte Thérèse d'Avila.

– Les Sept clôtures énumèrent les enceintes dans lesquelles une âme doit s'enfermer pour arriver à la cohabitation avec les trois personnes de la Sainte Trinité.

– Le livre des Quatre tentations, très court, s'élève contre les principales tendances de toutes les époques: l'amour de ses aises et du confort, l'esprit d'hypocrisie, l'orgueil de l'esprit qui veut tout comprendre, et la fausse liberté, qui, déjà au temps de Ruysbrœck, inspirait la secte des Frères et des Sœurs du libre esprit, comme le font, de nos jours,  la plupart des sectes.

– Le livre du Tabernacle Spirituel, décrit le Tabernacle de l'Ancien Testament, avec les prescriptions données par Dieu pour sa construction. Il en fait l'application aux sept demeures spirituelles, celles que les âmes doivent habiter pour posséder Dieu. Ces demeures indiquées par Ruysbrœck ont, également, inspiré sainte Thérèse d'Avila.

– Le Royaume des Amants, explique comment Dieu, après avoir créé et racheté l'homme, le conduit par ses voies et au moyen des sept dons du Saint-Esprit, jusqu'à la contemplation et la possession de son Royaume. Ce traité peut être considéré comme un véritable traité de théologie ascétique et mystique.

– Les Noces spirituelles, ouvrage écrit par Ruysbrœck probablement vers 1335 ou 1336, expose les diverses formes de vie spirituelle: la vie active, la vie intime et la vie contemplative, étapes indispensables par lesquelles l'âme aboutit à l'union avec Dieu.

– La Pierre brillante, serait le résultat d'un entretien de Ruysbrœck avec un ermite. Appliquant aux justes un texte de l'Apocalypse, l'auteur distingue trois catégories d'hommes qui reçoivent et possèdent la grâce de Dieu. Il les appelle les serviteurs fidèles, les amis intimes et les fils cachés.

– Le Livre de la plus haute vérité, est une explication de quelques passages difficiles du Royaume des amants.

– Le Livre des Douze Béguines est formé de divers traités qui se suivent sans ordre apparent.

ANNEXE 1

QUELQUES FIORETTI

Le bonheur en Dieu

"Un jour tandis qu'il[12] passait dans les rues de Bruxelles, l'esprit occupé des choses célestes, deux séculiers considérant la simplicité de son habit, l'un d'eux se prit à dire: 'Plût à Dieu que je fusse doué d'une sainteté de vie aussi grande que celle de ce prêtre!' A quoi l'autre répondit: 'Pour tout l'or du monde, je ne voudrais certes pas être à sa place; car alors, je n'aurais pas un seul jour de bonheur!' Ce que le saint homme entendant par hasard, pensait au fond de son âme: Ah! Tu connais peu de quelle suavité sont pénétrés ceux qui ont goûté l'esprit de Dieu!"

La sainteté

"On raconte du dévot Prieur qu'une fois il fit comprendre brièvement ces choses à deux clercs de Paris, qui étaient avides de recevoir de lui un mot d'édification. Il leur dit en effet entre autres choses:

— Vous pouvez être aussi saints que vous le voulez.

Ce que ceux-ci ne comprenant guère, ils se détournèrent de lui scandalisés, et lui absent, ils racontèrent à quelques frères du monastère, d'un esprit troublé, ce que le dévot prieur leur avait répondu. Car ils voyaient en ces paroles plutôt une ironie qu'une réponse aimable et paternelle. C'est pourquoi les frères susdits les ramenant vers leur père, lui demandèrent humblement d'exposer à ces clercs sa pensée. Alors il leur dit :

— N'est-ce pas vrai, comme je l'ai dit, que vous êtes aussi saints que vous le voulez? Oui, assurément. Car la mesure de votre sainteté dépend de la bonté de votre volonté. Considérez donc en vous-mêmes à quel degré votre volonté est bonne, et la mesure de votre sainteté vous sera manifeste. Car chacun est saint dans la mesure même où il est attaché au bien.

Ce qu'ayant entendu, ils se retirèrent avec un grand profit d'édification."

ANNEXE 2

L'ORTHODOXIE DES ÉCRITS DE RUYSBRŒCK

"Gérard Magne[13] qui était fort docte, commença à interpeller de cette manière le très Saint Père, à propos de certains de ses écrit :

-J'admire, Père Prieur, que vous écriviez des œuvres sublimes; toutefois vous vous préparez par elles de nombreux émules, et de multiples détracteurs pour vous et votre doctrine.

Entendant ces paroles, l'homme très humble répondit avec beaucoup de mansuétude :

— Maître Gérard, prenez pour certain et avéré, que je n'ai jamais mis un seul mot dans mes écrits, si ce n'est sous l'inspiration du Saint-Esprit, et la présence singulière et très douce de la Très Sainte Trinité."

Conseils enflammés et conférences silencieuses

Ruysbrœck, le dévot Prieur devait parfois faire des conférences dans des monastères ou ailleurs. Beaucoup de monde venait à lui, pour lui demander des conseils et le dévot Prieur s'appliquait à répondre à toutes leurs demandes. Parfois, il était si plein de l'Esprit qu'il se répandait en paroles enflammées. Ce qui était merveilleux c'est que, rempli des dons de la grâce, il aurait pu faire jaillir le feu de la pierre en pénétrant les cœurs endurcis. Pourtant, il arrivait que devant des personnes d'un rang élevé et noble, "il oubliait tout ce qu'il savait et demeurait silencieux et muet, comme s'il n'avait jamais goûté le témoignage de l'Esprit. Chaque fois que cela lui arrivait, il se mettait humblement la tête entre les mains pour recueillir son esprit. Lorsqu'il reconnaissait que cette absence se prolongeait, il disait à ses auditeurs:

— Mes enfants, il n'y a rien à faire pour le moment.

Et leur disant adieu, il partait aussitôt..."

Ruysbrœck tourmenté par Satan

Le diable, antique rival du salut des hommes, s'efforçait de lui susciter de grandes tentations. Il venait souvent sous la forme d'un crapaud ou de toute autre bête malfaisante : c'est lui-même qui le rapportait à ses frères les plus familiers. Très souvent, quand il prévoyait la venue du diable, il se prémunissait contre lui avec des armes spirituelles. "Ainsi il arriva un jour qu'étant couché dans une petite chambre en compagnie du supérieur du monastère, en raison de sa vieillesse, il perçut l'approche de l'ennemi et s'écria, de sorte que le supérieur l'entendit :

— Mon Père, voilà qu'il vient, mon Père, voilà qu'il vient."

BIBLIOGRAPHIE

Nous indiquons ci-dessous quelques sites Internet où l'on peut lire les textes de Ruysbrœck traduits en français.

http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Ruysbroek/Ruysbrœck/tome6/frere.html

http://alexandrina.balasar.free.fr/jean_de_Ruysbrœck_extrait.htm

http://voiemystique.free.fr/

On peut aussi consulter :

1997 Encyclopædia Universalis France S.A.

[1] Le néerlandais populaire.

[2] En relations fréquentes avec Ruysbrœck dont il lisait les écrits, et qu'il avait reçu chez lui, cet auteur nous a laissé de son ami un portrait plein de vie et d'amour.

[3] Bien que beaucoup de ses contemporains aient cru le contraire, en raison de sa très grande humilité, Ruysbrœck bénéficiait d’une vaste érudition théologique et patristique, et d’une grande maîtrise du latin qui lui permit de traduire ses sources en langue vulgaire. Son talent littéraire lui fit choisir de rédiger en moyen néerlandais des ouvrages qui marquent une date dans la formation de la langue des Pays-Bas.

[4] Chanoine régulier anonyme qui vécut quelque temps dans le village natal de Ruysbrœck: Ruysbrœck ou Ruusbroec, en flamand

[5]C'était la résidence d'un pieux personnage, appelé Lambert, qui succédait lui-même en ce lieu à deux autres ermites, Jean de Busco et Arnold de Diest. Sur la demande de Franco van Coudenberg, Lambert consentit à aller fixer un peu plus loin sa cellule, au désert de Boetendael, afin de faire place à Ruysbrœck et à ses compagnons.

[6] Situé dans la forêt de Soignies, près de Bruxelles

[7] Le bon cuisinier

[8] L'imprimerie n'existait pas encore.

[9] Gérard le Grand.

[10] Un certain frère avait cherché à se procurer une des dents de son prieur, et il conservait précieusement cette relique.

[11] Jean Gerson

[12] Jean de Ruysbrœck, le dévot Prieur

[13] Ou Gérard Groot.

SOURCE : http://voiemystique.free.fr/ruysbroeck_vie_pl.htm

Halfverheven beeldhouwwerk, dat Jan van Ruusbroec voorstelt, van Georges Vandevoorde, ingewerkt in de Ruusbroeck-bank, ontworpen door architect Daniël Peremans, bij de priorij van Groenendaal (Hoeilaart).

Stèle van de Ruusbroeck-bank, ontworpen door architect Daniël Peremans, bij de priorij v

Halfverheven beeldhouwwerk, dat Jan van Ruusbroec voorstelt, van Georges Vandevoorde, ingewerkt in de Ruusbroeck-bank, ontworpen door architect Daniël Peremans, bij de priorij van Groenendaal (Hoeilaart).an Groenendaal (Hoeilaart), met halfverheven beeldhouwwerk van Georges Vandevoorde.


INTRODUCTION GÉNÉRALE aux œuvres de RUYSBROECK

DOCUMENTS RELATIFS A LA VIE DE RUYSBROECK.

    Le XIVè siècle a été pour les Pays-Bas le point de départ d'une efflorescence merveilleuse de vie mystique, et il est juste d'en faire remonter la gloire à celui que la postérité a pu nommer Ruysbroeck l'Admirable.

     La vie de Jan van Ruysbroeck nous est connue par l'écrit d'un contemporain, Henri Pomerius (Bogaerts), qui fut bien placé pour obtenir des renseignements sûrs. Né en 1382, un an seulement après la mort de Ruysbroeck, il occupa d'abord la charge de recteur des écoles à Bruxelles et à Louvain, puis fut secrétaire des échevins de cette même ville. Ayant résolu de quitter le siècle, il entra au monastère des chanoines réguliers de Groenendael, où Ruysbroeck avait passé toute sa vie religieuse. Devenu prieur, c'est au cours de sa prélature qu'il vit mourir deux disciples immédiats du saint homme :  Jean de Hoelaere († 16 mars 1431) et Jean de Scoonhoven († 22 janvier 1431). Le second surtout est célèbre par la défense qu'il fit de la doctrine de son maître contre les attaques de Gerson. Nous aurons l'occasion d'en parler bientôt.

     Pomerius mourut probablement au monastère de Sept-Fontaines, où il avait voulu passer dans la solitude les dernières années de sa vie (1) († 2 juin 1469). Dès avant 1420, il avait écrit son ouvrage : De origine monasterii Viridis Vallis et de gestis patrum et fratrum in primordiali fervore ibidem degentium , qui comprend trois parties : 1° l'histoire de la fondation de Groenendael ; 2° la biographie de Ruysbroeck, et 3° celle de Jean van Leeuwen, le « bon cuisinier ». Moins de quarante ans après la mort du saint prieur de Groenendael, les grandes lignes de sa vie avaient été ainsi fixées par un homme bien au courant des faits et que ses qualités morales et intellectuelles rendaient très apte à cette tâche.

     Ce que nous savons, en effet, de Pomerius, tant par la chronique d'Impens que par le nécrologe de Groenendael (2) , nous permet de le juger comme un écrivain grave et sincère, désireux d'édifier, mais surtout de dire le vrai. Il a soin de citer ses témoins, qu'il appelle des « personnages dignes de foi », et il fait une mention spéciale des deux religieux que nous avons cités plus haut. Qu'entend-il au juste par le terme « relation » dont il se sert pour désigner les renseignements obtenus à cette source ? Il est assez difficile de le définir. Cependant comme le nécrologe de Groenendael fait mention, au 2 décembre, dans la notice consacrée à Ruysbroeck, d'une vie écrite par Jean de Scoonhoven, et que deux autres notices font allusion à cette même vie, les Bollandistes ont admis l'existence d'une source écrite, qui aurait passé tout entière dans la relation de Pomerius (3) . En tout cas, l'ouvrage de Scoonhoven a disparu, et, dans les divers manuscrits de ses œuvres encore inédites, il n'y en a aucune trace.

     Quant au texte de Pomerius, il a été édité dans les Analecta Bollandiana, t. IV, 1885, p. 263, d'après un manuscrit de la Bibliothèque royale de Belgique à Bruxelles (4) .

     En tête de sa traduction des œuvres de Ruysbroeck (5) , Surius donne aussi une vie qu'il dit avoir eu pour principal auteur un chanoine régulier. S'agit-il d'une source autre que l'écrit de Pomerius ? C'est ce qu'on a pensé jusqu'en ces derniers temps. Mais la comparaison attentive des deux biographies ne permet pas de douter qu'il n'y ait entre elles relation immédiate. On ne peut même pas supposer, comme le fait Auger dans sa thèse latine De doctrina et meritis Joannisvan Ruysbroeck, qu'il y ait eu un intermédiaire (6) . Surius a suivi fidèlement le travail de son devancier, qu'il s'est efforcé seulement de rendre en meilleur latin.

     Un autre document précieux sur la vie de Ruysbroeck est un prologue inséré en tête du manuscrit le plus complet de ses œuvres. Ce manuscrit, aujourd'hui à Bruxelles, appartenait jadis au prieuré même de Groenendael. Il n'est que de 1461 (7) , mais le prologue en question est d'un contemporain de Ruysbroeck, Maître Gérard, prieur d'une Chartreuse proche de Groenendael. En relations fréquentes avec Ruysbroeck, dont il lisait les écrits et qu'il avait reçu chez lui, cet auteur nous a laissé de son ami un portrait plein de vie et tracé avec amour (8) .

APERÇU BIOGRAPHIQUE.

     Jan van Ruysbroeck a gardé le nom du village qui le vit naître en 1293. Situé sur la Senne, entre Bruxelles et Hal, ce village portait autrefois le nom de Ruusbroec, dont on a fait aujourd'hui Ruysbroeck. Malgré qu'il n'y ait pas accord sur ce point, nous avons préféré conserver à notre mystique l'orthographe moderne de ce nom, sous lequel il est plus universellement désigné aujourd'hui.

     Élevé par sa mère dans de grands sentiments de piété, il quitta, dès l'âge de 11 ans, la maison paternelle, pour se mettre sous la direction de Maître Jean Hinckaert, chanoine de Sainte-Gudule, à Bruxelles. A l'école, il éprouva peu de goût pour les arts libéraux ; mais les leçons de Hinckaert eurent sur lui une grande influence et lui firent préférer bientôt la seule science théologique, à laquelle il s'adonna dès lors exclusivement. Il devait puiser dans cette étude la précision de langage et l'élévation de vues doctrinales que nous aurons maintes fois l'occasion de remarquer dans ses écrits. A 24 ans, il fut ordonné prêtre et fait chapelain de Sainte-Gudule. Ainsi qu'il le raconta souvent lui-même, c'est au jour de son ordination qu'il put voir sa pieuse mère délivrée du Purgatoire et entrer au Ciel.

     À Sainte-Gudule, Ruysbroeck devait vivre en compagnie de Maître Hinckaert et de Franco van Coudenberg, chapelains de la même église et animés des mêmes désirs de vie vertueuse. C'est de cette époque sans doute que datent ses premiers écrits, aussi bien que la lutte engagée contre Bloemardinne, qui paraît s'être mise à la tête de la secte « du libre esprit » vers 1307. Nous rencontrerons souvent dans les traités de Ruysbroeck des allusions aux théories pernicieuses répandues alors par les faux mystiques.

     Mais les trois amis trouvaient que la vie à Bruxelles était trop bruyante et, d'autre part, ils souffraient de la façon dont l'office divin était célébré à Sainte-Gudule. Aussi, à l'instigation de Franco van Coudenberg, résolurent-ils de quitter Bruxelles et de se retirer dans la solitude. Au milieu de la forêt de Soignes se trouvait un ermitage qui portait le nom de Groenendael (Viridis Vallis), ou le Vauvert. C'était la résidence d'un pieux personnage, appelé Lambert, qui succédait lui-même en ce lieu à deux autres ermites, Jean de Busco et Arnold de Diest. Sur la demande de Franco van Coudenberg, Lambert consentit à aller fixer un peu plus loin sa cellule, au val désert de Boetendael, afin de faire place à Ruysbroeck et à ses compagnons.

     Ainsi débuta, en 1343, le prieuré de Groenendael. Ruysbroeck, Franco van Coudenberg, Jean Hinckaert et le frère Jean van Leeuwen, surnommé « le bon cuisinier », qui devait bientôt les rejoindre, formèrent la petite communauté naissante. Ils ne devaient prendre que plus tard, en 1350, l'habit des chanoines réguliers de saint Augustin, dont ils adoptèrent aussi la règle, observée dans la suite tant à Groenendael que dans les prieurés qui s'y rattachèrent. Jean Hinckaert cependant ne suivit pas l'exemple de ses compagnons et demeura à Groenendael à titre privé.

     Ruysbroeck put, dès lors, s'adonner tout entier à la contemplation et se livrer à l'influence divine. Lorsqu'il se sentait envahi par l'inspiration, il s'enfonçait dans la forêt et se mettait à écrire tout ce qui lui venait à la pensée. Puis il revenait au monastère et faisait part à ses frères des enseignements merveilleux qu'il avait reçus. La plupart de ses écrits furent composés de cette façon, et, malgré qu'il mît souvent de longs intervalles entre deux passages, la composition n'en demeure pas moins ordonnée et suivie.

     Tant que vécut Franco van Coudenberg, Ruysbroeck voulut lui demeurer soumis comme à son prévôt ; lui-même portait le titre de prieur. Mais son humilité ne pouvait empêcher sa renommée de s'étendre : les visites devenaient fréquentes à Groenendael, et le saint prieur avait ainsi l'occasion de faire participer les autres aux richesses spirituelles dont il était comblé.

     Déjà ses livres se répandaient, ainsi que nous l'apprend Maître Gérard, le prieur des Chartreux, dont nous avons parlé plus haut « Les écrits et les livres de Maître Jean Ruysbroeck, dit-il, ont été fort multipliés dans le Brabant et dans les Flandres ainsi que dans d'autres pays avoisinants... Et moi, frère Gérard, de l'ordre des Chartreux, de la maison de Notre-Dame de la Chapelle près Hérinnes, toutes les fois que je rencontrais de ces livres, je les annotais soigneusement, selon la force de mon intelligence (9) . » Il en avait lui-même pris une copie et comme il y trouvait certains passages obscurs, il pria Ruysbroeck de venir lui en donner l'explication. C'est ce que fit le saint prieur, et Maître Gérard a rendu compte, en ces termes, de l'impression produite par cette visite : « Nous pourrions parler de son visage tranquille et joyeux, de sa parole pleine de bonté et d'humilité, de son maintien extérieur si conforme à l'état ecclésiastique, ainsi que de sa manière d'être si religieuse dans son vêtement et dans tous ses actes... Les trois jours environ que ce saint homme a passés avec nous ont été trop courts, car personne ne pouvait lui parler ni le voir sans devenir meilleur (10)  »

     Gérard n'est point le seul personnage qui ait été à cette époque en relations suivies avec Ruysbroeck. Des hommes comme Tauler, Gérard Groot, dont nous aurons à parler bientôt, fréquentaient Groenendael et profitaient de l'influence aussi bien que des enseignements du prieur. Celui-ci vit venir la mort avec une grande sérénité, et le 2 décembre 1381, il remit paisiblement son âme à Dieu. Il était âgé de 88 ans et avait soixante-quatre ans de sacerdoce. Son corps, enseveli à Groenendael, y demeura jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, et lors de la suppression du monastère (1783) il fut transféré à Sainte-Gudule de Bruxelles.

LES ÉCRITS DE RUYSBROECK.

     Ce n'est point encore le lieu de faire une étude complète sur l'œuvre de Ruysbroeck ; il ne s'agit ici que d'une vue d'ensemble, qui permette déjà de se rendre compte de son admirable fécondité comme écrivain mystique.

     Pomerius nous apprend qu'il commença à écrire étant encore séculier (11) , puis qu'une fois dans le cloître il poursuivit sa tâche jusqu'à l'extrême vieillesse. Dans les dernières années de sa vie (12) , il emmenait avec lui dans la forêt un frère chargé de transcrire sur des tablettes ce qu'il dictait sous l'action de l'Esprit-Saint. Le biographe a conservé les titres de onze traités qu'il énumère en les accompagnant de l'incipit de chaque livre. Il ne faut chercher d'ailleurs dans cette liste aucun ordre méthodique. De même, serait-il difficile de fixer la date de composition de chacun des traités. Quelques conjectures permettent seulement de penser que la grande activité littéraire de Ruysbroeck s'exerça à Groenendael entre les années 1350 et 1359 (13) .

     La liste donnée par Pomerius comprend: Le Royaume des amants, les Noces spirituelles, la Petite pierre, les Quatre tentations, la Foi chrétienne, le Tabernacle spirituel, les Sept clôtures, le Miroir du salut éternel, les Sept degrés de l'amour, le Livre des rétractations, les Douze béguines.

     Nous possédons, d'autre part, à la fin du codex D dont il a été question plus haut, une liste un peu différente, avec l'indication de l'ordre dans lequel il convient de lire les ouvrages de Ruysbroeck. Cette liste appartient à un Traité sur les œuvres et la doctrine de Jean Ruysbroeck, par un de ses disciples. L'auteur anonyme, reçu à Groenendael peu après la mort du Maître, avait été à même d'étudier à bonne source ses écrits et sa doctrine ; il avait pu recueillir également la tradition vivante de ceux-là mêmes qui avaient vécu avec Ruysbroeck. À tous ces titres, il mérite d'être cité : « On lira d'abord, dit-il, le livre des Douze vertus ; ensuite celui des Douze points de la vraie foi ; puis celui du Saint Sacrement. ensuite les Sept degrés, puis les Sept clôtures, les Quatre tentations , le Tabernacle, le Royaume des amants, les Noces spirituelles , la Pierre brillante, enfin celui que l'auteur semble avoir fait après tous les autres, le Livre de la plus haute vérité , qui commence ainsi : « Le prophète Samuel, qui a pleuré le roi Saul... » Il y a encore le livre des Douze béguines, qui commence en vers et se termine en prose parla Passion de Notre-Seigneur (14) . » En somme, nous retrouvons dans ce passage tous les écrits mentionnés par Pomerius et, en plus, le livre des Douze vertus , dont l'authenticité est contestable. Il y a seulement entre les deux listes divergence dans l'ordre des traités et dans les titres qui leur sont donnés. Surius a inséré dans sa traduction quelques autres écrits, mais leur authenticité demeure au moins douteuse.

     La langue employée par Ruysbroeck est le flamand ou, d'une façon plus précise, le dialecte brabançon, Il ne semble pas qu'il ait jamais écrit en latin, ce qui a donné à penser qu'il ignorait cette langue. Mais une telle opinion est insoutenable Ruysbroeck était prêtre, il était chanoine régulier, il avait certainement étudié la théologie ses écrits le prouvent et nous le savons d'ailleurs par des témoignages historiques formels. Or, la théologie ne s'enseignait qu'en latin : comment donc Ruysbroeck eût-il pu se passer de la connaissance de cette langue ? Le but, d'ailleurs, qu'il se proposait dans ses écrits suffit à expliquer la préférence qu'il a donnée au flamand, compris de tous ceux qui l'entouraient. Il écrivait, en effet, pour tous et en particulier pour ses frères et ses sœurs dans la vie religieuse ; telle cette clarisse de Bruxelles, à qui sont adressés, semble-t-il, les trois traités dont nous publions la traduction.

     Sans doute aussi Ruysbroeck se sentait plus à l'aise dans sa propre langue. D'ailleurs, à l'occasion, il s'y crée des mots, lorsqu'il n'en trouve pas d'assez précis pour rendre sa pensée. C'est alors que l'on sent l'influence du latin qui, parfois, passe à peine transformé dans le flamand.

     Il ne faudrait pas non plus exagérer ce que dit Pomerius du peu de science de Ruysbroeck. Ses livres dont pas, sans doute, la prétention d'être des traités théologiques et la méthode scolastique n'y est point suivie. Mais la terminologie même dont il fait ordinairement usage montre suffisamment qu'il était versé dans les sciences philosophiques et théologiques.

La composition d'ouvrages tels que le Royaume des amants et les Noces spirituelles en particulier, témoigne d'une solidité de doctrine incontestable.

     Si donc il est vrai de dire que Ruysbroeck a eu pour premier maître l'Esprit-Saint et qu'il a reçu de lui l'expérience des choses de la vie spirituelle, en même temps que la faculté de les exprimer en langage humain, il reste néanmoins qu'une solide formation théologique se trahit sans cesse dans ses écrits. C'est là ce qui le met absolument hors de pair entre les écrivains mystiques de son temps (15) .

     Il ne sera pas inutile, croyons-nous, de donner dès maintenant une analyse succincte des ouvrages de Ruysbroeck ; nous suivrons, pour le faire, l'ordre où ils se trouvent dans le codex D.

     Le livre des Douze vertus met à la base de tout l'édifice spirituel l'humilité, inspirée par la contemplation de la puissance de Dieu et la considération de sa souveraine bonté. De là on s'élève à l'obéissance, au renoncement, à la pauvreté d'esprit, à la patience, à l'abdication surtout de la volonté propre pour embrasser celle du Seigneur.

     Le livre des Douze points de la vraie foi est une paraphrase du symbole de Nicée.

     Le Saint Sacrement, ou Miroir du salut éternel , mérite une place de choix parmi les traités de Ruysbroeck. C'est comme un résumé de toute sa doctrine, en même temps que l'exposé fondamental de sa théorie sur l'image et la ressemblance de Dieu, qui reviendra sans cesse dans ses écrits. Nous donnerons bientôt plus de détails sur ce livre et les deux suivants.

     Les Sept degrés constituent une échelle mystérieuse, par laquelle on s'élève dans la pratique de l'amour jusqu'à la possession intime de Dieu.

     Les Sept clôtures énumèrent les retranchements toujours plus serrés dans lesquels s'enferme l'âme, pour arriver à la cohabitation secrète avec les trois personnes de la Sainte Trinité.

     Le livre des Quatre tentations, qui est de peu d'étendue, s'élève contre les principales tendances de l'époque : l'amour des aises et du confort, l'esprit d'hypocrisie, l'orgueil de l'esprit, qui veut tout comprendre, enfin la fausse liberté, la plus grave de toutes ces tentations subtiles et, qui, au temps de Ruysbroeck, inspirait la secte des Frères et des Sœurs du libre esprit.

     Dans le Tabernacle, le plus long de tous ses ouvrages, notre auteur suit pas à pas la description du Tabernacle de l'Ancien Testament, avec les prescriptions données par Dieu pour sa construction. Il en fait ensuite l'application aux sept demeures spirituelles dans lesquelles l'âme doit s'établir pour posséder Dieu d'une façon toujours plus haute.

     Le Royaume des amants, qui occupe la première place dans la liste de Pomerius, est un commentaire spirituel du texte : Justum deduxit Dominus per vias rectas et ostendit illi regnum Dei (16) . On y voit comment Dieu, après avoir créé et racheté l'homme, le conduit par ses voies, au moyen surtout des sept dons du Saint-Esprit, jusqu'à la contemplation et la possession de son royaume. Ce traité est comme un abrégé de tout l'ascétisme et de la mystique.

     Les Noces spirituelles sont probablement l'œuvre la plus méthodique et la plus parfaite qu'ait écrite Ruysbroeck. Il y expose en trois livres les diverses formes de vie spirituelle, qu'il appelle la vie active, la vie intime et la vie contemplative. À chacun de ces stades il applique les paroles de l'Évangile : Ecce sponsus venit, exite obviam ei (17) , qui marquent les étapes successives par lesquelles l'âme aboutit à l'union avec Dieu.

     La Pierre brillante, au rapport du prieur des Chartreux Gérard de Hérinnes, serait le résultat d'un entretien de Ruysbroeck avec un ermite, qui lui demanda d'écrire ce qu'il lui avait expliqué. Appliquant aux justes le texte de l'Apocalypse, Dabo illi calculum candidum, et in calculo nomen novum scriptum (18) , l'auteur distingue trois catégories d'hommes qui reçoivent et possèdent la grâce de Dieu. Il les appelle les serviteurs fidèles, les amis intimes et les fils cachés .

     Le Livre de la plus haute vérité , composé à la demande du même prieur Gérard, est une explication de quelques passages difficiles du Royaume des amants .

     Enfin, le livre des Douze Béguines est formé de divers traités qui se suivent sans beaucoup d'ordre, et se termine par une application de la Passion de Notre-Seigneur aux sept heures du Bréviaire.

L'INFLUENCE DE RUYSBROECK.

     L'ermitage de Groenendael, dont nous avons relaté les humbles débuts, était cependant appelé à rayonner au loin. La renommée de Ruysbroeck se répandait, en effet, dans tous les Pays-Bas, et les visiteurs venaient souvent s'édifier auprès de lui. Parmi ceux-ci, il faut citer en première ligne Gérard Groot, qui allait être le trait-d'union entre Groenendael et la future congrégation de Windesheim.

     Né à Deventer, en octobre 1340, Gérard, après avoir fait ses premières études à l'école du chapitre de cette ville, puis à Aix-la-Chapelle et à Cologne, était allé prendre le grade de maître ès arts à l'Université de Paris. Rentré dans son pays, il avait commencé par mener une vie assez mondaine ; puis, converti par les remontrances de Henri de Calcar, prieur de la Chartreuse de Monnikhuisen, près d'Arnhem, il changea totalement de conduite, résigna ses bénéfices et fit même don de sa maison paternelle « à l'usage des pauvres qui voudraient se consacrer au service de Dieu » (20 septembre 1374). Ce fut le berceau de l'association dite « de la vie commune ». Gérard y mena lui-même une vie fort retirée, tout adonné à la prière et à l'étude.

     C'est de cette époque (1374 -1377) que datent ses relations avec Ruysbroeck. Il vint le voir, dit Pomerius (19) , accompagné de Maître Jean Sceele, recteur des écoles de Zwolle, et le saint prieur les accueillit avec joie, reconnaissant en Gérard, qu'il voyait cependant pour la première fois, un futur disciple. Dès lors de nombreuses lettres s'échangèrent, et de fréquentes visites amenèrent à Groenendael Gérard Groot, désireux de puiser là les saines traditions de la vie religieuse et de s'instruire en même temps de la haute doctrine mystique de Ruysbroeck. C'est ce qui lui permit plus tard de défendre son maître contre les attaques dont il était l'objet et de témoigner, en toute rencontre, de la vénération qu'il professait pour sa personne et de la haute estime en laquelle il tenait ses écrits.

     En 1377, Gérard Groot conçut le projet de se retirer définitivement du monde et il se rendit dans ce but à la Chartreuse de Monnikhuisen. Mais au bout de deux ans de séjour, durant lesquels il ne s'était pas agrégé d'ailleurs à la communauté, il comprit, sur les conseils du prieur, son ami, qu'il devait s'employer plutôt au ministère de la parole.

     Revenu à Deventer, il eut à s'occuper tout d'abord d'une association de pieuses femmes, connues sous le nom de «Sœurs de la vie commune », et il les groupa en communauté. Puis, ayant reçu le diaconat, il se livra à la prédication avec un zèle si ardent et si âpre contre les désordres de son époque, qu'il souleva contre lui des rancunes puissantes et tomba en disgrâce. Il devait demeurer dans cette retraite forcée jusqu'à sa mort (1384). Mais Gérard avait eu le temps de jeter les bases de son œuvre. Dès avant sa conversion, il était grand amateur de livres et s'appliquait avec soin à s'en procurer. Plus tard, ce goût ne fit que s'accroître, et comme, pour le satisfaire, il lui fallait faire exécuter des copies nombreuses, il occupa à ce travail les jeunes clercs de l'école du chapitre de Deventer, qui se trouvèrent ainsi sous son influence continue.

     L'instrument providentiel qui devait grouper tous ces éléments fut un certain Florent Radewijns de Leerdam, maître ès arts de l'Université de Prague. À la suite des prédications de Gérard Groot, Florent s'était joint volontairement aux jeunes copistes et avait renoncé à sa prébende de Saint-Martin d'Utrecht pour devenir simple vicaire à Saint-Lebuin de Deventer. Or, un jour de l'année 1381 ou 1382, il proposa à son maître de réunir tous les clercs copistes de bonne volonté et de vivre avec eux, en mettant en commun leurs petites ressources. Après quelques hésitations, Gérard approuva le projet et aida son ami de tout son pouvoir à organiser la nouvelle confrérie.

     Les «Frères de la vie commune » ne se liaient pas par les vœux de la religion. Librement rangés sous l'autorité de Florent Radewijns et profitant des conseils et des enseignements de Gérard, ils menaient une vie réglée, partagée entre le labeur quotidien et les exercices de la prière en commun. Bientôt cependant l'on songea à donner à l'institution une forme plus durable, et Gérard Groot, tout rempli encore des souvenirs que lui avaient laissés ses visites à Groenendael, voulut rattacher les « Frères de la vie commune » aux chanoines réguliers de saint Augustin. Mais il ne devait pas voir la réalisation de ses desseins, et sur son lit de mort, comme le raconte J. Busch dans sa chronique, il insistait encore pour que l'on adoptât sans tarder la règle des chanoines (20) .

     Florent Radewijns, seul désormais à la tête des Frères de la vie commune, en fut en réalité le véritable organisateur, et par ses soins l'influence de Groenendael devint définitivement prépondérante.

     Dès 1382, ainsi que nous l'apprend la chronique d'Impens (21) , un monastère avait été fondé à Eemstein, entre Dordrecht et Geertruidenberg, par Reinalt Minnenvosch, sur l'instigation de Gérard Groot. C'est aussi à la demande de ce dernier qu'un prêtre profès de Groenendael, Godefroid Wevel, disciple de Ruysbroeck, était venu tout exprès afin d'initier les premiers religieux à leur vie nouvelle. Lorsque Florent Radewijns, quelques années plus tard (1386), résolut de faire prendre l'habit de chanoines réguliers à un certain nombre de ses frères, c'est à Eemstein qu'il les envoya se former selon la tradition de Groenendael. En même temps, il faisait construire un monastère à Windesheim, entre Deventer et Zwolle, avec l'autorisation et l'appui de l'évêque d'Utrecht, Florent van Wevelinkhoven. Le 17 octobre 1387, eut lieu la consécration de l'église, suivie de la profession des premiers chanoines, et c'est ainsi que débuta la Congrégation de Windesheim, appelée à devenir bientôt florissante.

     L'association des «Frères de la vie commune » conserva sa physionomie propre et servit comme de noviciat de recrutement pour Windesheim, qui ne tarda pas, en effet, à faire école. Dès 1392, deux fondations en étaient sorties, tandis que le monastère d'Eemstein s'était joint à ce premier groupement. Trois ans plus tard (16 mai 1395), Boniface IX pouvait approuver la Congrégation nouvelle et lui donnait comme supérieur général le prieur de Windesheim (22) . En 1464, quatre-vingt-deux monastères s'y rattachaient : Groenendael et ses fondations en faisaient partie depuis 1412.

     Windesheim devint dès lors le centre d'une véritable réforme dans la vie religieuse, dont l'influence se fit sentir non seulement dans toute la Congrégation, mais dans de nombreux monastères, soit en Allemagne, soit en France: En même temps les principes très sages de réforme liturgique, dus à Raoul de Rivo, prévôt de Tongres, trouvèrent dans la Congrégation de Windesheim un moyen rapide de diffusion (23) . En 1433, la Congrégation bénédictine de Bursfeld les lui emprunta, comme étant plus conformes à la vraie tradition romaine.

     Par ses origines et par ses traditions, Windesheim se rattachait donc à Groenendael et à Ruysbroeck. Aussi, l'influence de la nouvelle Congrégation contribua-t-elle à répandre les écrits et la spiritualité du saint prieur non moins que ses principes de vie religieuse. La recherche de la vie intérieure, l'éloignement du monde et la pratique assidue de toutes les vertus, conformément à la doctrine du Maître, distinguèrent les chanoines réguliers de Windesheim, et toute une école d'écrivains mystiques prit bientôt naissance dans leurs rangs. Il suffit de citer quelques noms.

     C'est d'abord Jean de Scoonhoven, qui vécut à Groenendael et put puiser à la source même la tradition spirituelle de son maître. Nous avons relaté déjà le zèle avec lequel il prit la défense de Ruysbroeck contre les attaques de Gerson. La lettre qu'il écrivit à cette occasion a été publiée plus tard parmi les œuvres du chancelier de l'Université de Paris (24) . Mais Scoonhoven a composé lui-même de nombreux traités mystiques, dont le style fait penser déjà à l'Imitation de Jésus-Christ (25) . Thomas a Kempis († 1741) qui passe à bon droit pour être l'auteur de cette œuvre immortelle, appartient, en effet, lui aussi, à l'école de Windesheim, dont il est l'un des écrivains les plus féconds (26) . Deux autres membres de la même Congrégation, Henri Mande et Gerlach Peters, portent dans leurs œuvres la marque évidente de l'influence de Ruysbroeck.

     En dehors du cercle de Windesheim, on peut citer Henri Harphius, franciscain († 1478), et Denis le Chartreux († 1471). Ce dernier surtout reconnaissait pour ses maîtres de choix Denis l'Aréopagite et Ruysbroeck.

     Nous avons enfin nommé déjà Tauler parmi ceux qui visitèrent Groenendael. On a quelques raisons, en effet, de reconnaître le célèbre dominicain dans le personnage que Pomerius appelle Canclaer (27) , et qui sous la plume de Surius devient Johannes Thaulerus (28) . Ce n'est pas cependant qu'on puisse accorder grand crédit au récit de la conversion de Tauler, rapporté par Surius d'après le Meisterbuch de Rulman Merswin († 1382). Le P. Denifle en a démontré, semble-t-il, la fausseté (29) . D'autre part, Tauler n'a pu faire de fréquentes visites à Ruysbroeck, car il est mort dès 1361 et ce n'est guère que dans les dernières années de sa vie qu'il fut à même de venir à Groenendael. Bossuet a bien reconnu l'influence de Ruysbroeck, en particulier dans la critique faite par Tauler des doctrines hérétiques des Béguards (30) . Encore Bossuet ne fait-il allusion qu'au premier et au deuxième sermon pour le premier dimanche de Carême, qui contiennent, en effet, des emprunts à différents chapitres des Noces spirituelles, et surtout à l'opuscule des Quatre tentations . La lecture assidue de Ruysbroeck et de Tauler permettrait de signaler d'autres traits de ressemblance entre les deux auteurs ; mais, en somme, il est difficile de fournir des preuves péremptoires de relations suivies (31) .

L'ORTHODOXIE DE RUYSBROECK.

     Ruysbroeck, en raison même de l'élévation de sa doctrine, devait prêter le flanc à la critique et son orthodoxie n'a pas tardé à être mise en doute. Déjà de son vivant ses plus fidèles disciples, comme le chartreux Gérard, trouvaient dans ses livres de vraies difficultés. Il n'est donc pas étonnant que d'autres moins familiers avec son enseignement y aient rencontré bien des points obscurs.

     Une lettre de Gérard Groot aux moines de Groenendael, peu après la mort de Ruysbroeck, nous apprend qu'un docteur en théologie avait jugé dignes de blâme certaines expressions du livre des Noces spirituelles, tandis qu'un autre docteur, Maître Henri de Hesse, avait déclaré ouvertement que le même ouvrage contenait des erreurs. Mais l'un et l'autre avaient sans doute lu les Noces spirituelles dans la traduction latine de Guillaume Jordaens, insuffisamment exacte, et Gérard Groot crut pouvoir affirmer que son maître et ami avait pris les expressions incriminées dans un sens orthodoxe (32) .

     Cependant de plus graves critiques furent formulées, une vingtaine d'années après la mort de Ruysbroeck, par Gerson, chancelier de l'Université de Paris (33) . Dans une lettre adressée à un chartreux, il s'éleva contre la doctrine exposée au troisième livre des Noces spirituelles , comme prêtant au panthéisme et manifestement opposée à la constitution de Benoît XII sur la vision béatifique. À en croire Gerson, cité ensuite par Bossuet, Ruysbroeck admettrait «que non seulement l'âme contemplative voit Dieu par une clarté qui est la divine essence, mais encore que l'âme même est cette clarté divine ; que l'âme cesse d'être dans l'existence qu'elle a eue auparavant en son propre genre ; qu'elle est changée, transformée, absorbée dans l'être divin et s'écoule dans l'être idéal qu'elle avait de toute éternité dans l'essence divine, qu'elle est tellement perdue dans cet abîme qu'aucune créature ne peut la retrouver (34)  ». Or, si cela ne peut se dire même de la vision béatifique, à plus forte raison est-il impossible de l'admettre pour la contemplation dans l'état de voie.

     Une réponse vint bientôt de la part de Jean de Scoonhoven qui, dans une thèse très solide, s'appliqua à donner aux expressions incriminées un sens pleinement orthodoxe. Il démontrait en même temps que la doctrine de Ruysbroeck n'était point nouvelle, mais, au contraire, toute conforme à l'enseignement des docteurs les plus renommés. Il faisait ensuite l'éloge de son maître et expliquait que si, dans ses ouvrages, celui-ci avait préféré le flamand au latin, ce n'était point défaut de science, mais dessein d'atteindre plus facilement les gens simples, et de les prémunir contre les erreurs répandues par la secte du libre esprit. Enfin Gerson n'avait-il pas été trompé sur la vraie valeur des enseignements de Ruysbroeck en les lisant dans une traduction trop peu fidèle (35)  ?

     La réponse de Scoonhoven ne parvint pas à convaincre le chancelier, qui, dans une seconde lettre au frère Barthélémy, maintint sa première opinion, tout en reconnaissant les intentions droites de Ruysbroeck.

     En somme, ce qui lui faisait surtout difficulté, c'est l'unité dont parle souvent notre auteur, pour exprimer les rapports de l'âme contemplative avec Dieu. Mais il faut bien s'entendre sur le sens à donner à cette expression et maintenir, comme il le fait sans cesse, la distinction essentielle qui demeure toujours entre Dieu et la créature. L'unité dont il s'agit repose essentiellement sur l'existence idéale que nous possédons dans la pensée divine de toute éternité, existence selon laquelle nous pouvons être dits un avec notre image éternelle. Ensuite le travail de la vie surnaturelle s'emploie à réaliser autant que possible l'idéal de Dieu en nous. Là encore il y a unité avec l'image éternelle, jusqu'à ce qu'enfin nous soit donnée l'unité de jouissance avec Dieu, soit dès cette vie dans la haute contemplation, soit dans l'éternité par la vision béatifique. Mais partout et toujours il ne peut être question que de l'unité donnée par l'amour et non d'unité d'essence avec Dieu.

     La doctrine de Ruysbroeck une fois sauve, peut-on défendre de même façon la terminologie qu'il emploie ? C'est sur ce point, en effet, que portent davantage les griefs formulés par Bossuet. Il est vrai que ce dernier ne semble avoir lu de Ruysbroeck que ce qu'en avait dit Gerson, et encore ne le cite-t-il pas textuellement. À l'encontre de ses critiques, on peut dire que le genre adopté par notre mystique dans ses ouvrages exclut de lui-même les exagérations d'expression incriminées. Au lieu d'employer un langage imagé, comme beaucoup d'autres auteurs, il se renferme presque toujours dans l'austérité de la terminologie métaphysique. Tout au plus pourrait-on remarquer qu'il n'a pas toujours une précision absolue de termes et que l'élévation même des sujets qu'il traite le rend souvent difficile à comprendre.

     Il y a lieu de noter aussi que Ruysbroeck ne confond pas, comme on l'a dit, l'état de voie et l'état de vision béatifique. Le plus souvent il traite uniquement de l'état de voie, et sans admettre que le contemplatif participe dès ici-bas à la lumière de gloire, il regarde l'union la plus haute avec Dieu comme le développement normal de la vie surnaturelle et il parle de cette union de contemplation dans la plupart de ses ouvrages. D'ailleurs il règne dans l'œuvre de Dieu un enchaînement admirable qui relie ensemble la nature, la surnature et la gloire, et souvent notre auteur embrasse avec son regard de contemplatif le développement de l'œuvre tout entière.

     À côté des critiques il est juste de mentionner au moins les éloges qui ont été donnés à Ruysbroeck par nombre de théologiens ou écrivains mystiques.

     Sans rappeler les contemporains ou disciples immédiats, tels que Gérard Groot, Tauler, Jean de Scoonhoven, Thomas a Kempis, qui tous ont témoigné de leur admiration pour leur maître, on peut nommer Denis le Chartreux qui appelle Ruysbroeck «un Docteur divin » et «un autre Denis l'Aréopagite ». Surius, chartreux lui aussi, fait l'éloge du grand mystique et montre que malgré sa sublimité il a su se mettre à la portée de tous. C'est d'ailleurs à la traduction de Surius que les œuvres de Ruysbroeck ont dû leur notoriété.

     Louis de Blois professait une grande estime pour les écrits de Ruysbroeck, auxquels il fait souvent de larges emprunts, en particulier dans sa Consolatio Pusillanimium . Lessius, jésuite et professeur de théologie à l'Université de Louvain, les lisait assidûment et il s'étonnait qu'ils fussent demeurés si longtemps inconnus.

     De nos jours, enfin, l'attention se porte plus que jamais du côté des mystiques flamands et de leur maître à tous, le prieur de Groenendael. L'encouragement en est donné par l'Église elle-même, qui a voulu reconnaître récemment d'une façon officielle le « culte rendu de temps immémorial au vénérable serviteur de Dieu Jean Ruysbroeck, chanoine régulier ». Le décret de la Sacrée Congrégation des Rites est du 1er décembre 1908 et il a été approuvé par S. S. Pie X, le 9 du même mois.

     Depuis le commencement du XVIIesiècle, la cause de béatification de Ruysbroeck était demeurée pendante. Introduite par les soins de Jacques Boonen, archevêque de Malines (1624), elle dut être suspendue en 1627, à cause des guerres et des troubles de toute sorte qui affligeaient alors les Pays-Bas. Après un effort tenté en 1783 par le chapitre de Sainte-Gudule de Bruxelles pour obtenir un office et une messe en l'honneur de Jean Ruysbroeck, tout fut de nouveau interrompu par la Révolution française.

     Enfin, en 1883, le cardinal Goossens put réintroduire la cause, et les travaux du tribunal nommé par la Sacrée Congrégation ont abouti à la reconnaissance du culte, qui équivaut à une béatification. L'office et la messe propre du Bienheureux ont été accordés le 29 août 1909au diocèse de Malines ; les chanoines réguliers de Latran participent au même privilège, en tant qu'héritiers de Groenendael et de Windesheim.

MANUSCRITS, TRADUCTIONS ET ÉDITIONS.

  Les ouvrages de Ruysbroeck ont joui de bonne heure d'une grande célébrité, et ceci peut se mesurer au nombre considérable de manuscrits qui se sont répandus un peu partout, soit du vivant même de l'auteur, soit aussitôt après sa mort. M. le professeur Willem de Vreese, bibliothécaire en chef de l'Université de Gand, a entrepris l'étude complète de cette littérature (36) . Nous lui devons la description de quatre-vingt-quatre manuscrits, désignés dans une première série par les lettres A, B, C,... Z ; a, b, c,.. z, et dans la seconde par les lettres Aa, Bb, etc.

     Pour ce grand travail, l'auteur a dû fouiller les principales bibliothèques de l'Europe et même les collections privées. C'est à Bruxelles que se trouvent réunis en plus grand nombre les manuscrits de Ruysbroeck. La Bibliothèque royale n'en compte pas moins de vingt-trois ; et ce sont les plus complets et les plus précieux, car ils proviennent pour la plupart de la bibliothèque de Groenendael, transportée à Bruxelles en 1783. Les autres sont à Amsterdam, Berlin, La Haye, Gand, Cologne, Leyde, Londres Oxford, Paris, etc. Plus de soixante-dix restent encore à étudier (37) .

     Il ne peut être question ici de donner une étude même abrégée de tous ces documents. Nous nous contenterons d'indiquer en tête de chacun des traités que nous traduisons ceux dont s'est servi le professeur David, pour son édition des œuvres de Ruysbroeck.

     Nous avons déjà eu l'occasion de mentionner une traduction latine faite du vivant même de Ruysbroeck par Guillaume Jordaens († 1372). C'est la première en date : elle comprenait trois traités : les Noces spirituelles, le Tabernacle et la Petite pierre brillante. Malheureusement l'auteur a plutôt paraphrasé que traduit fidèlement, et Jean de Scoonhoven a tiré de ce fait un argument contre les attaques de Gerson. Un peu plus tard, Gérard Groot traduisit à son tour les Noces spirituelles et les Sept degrés de l'amour.

     Cependant, malgré la grande diffusion de ces traductions et des manuscrits du texte original, les écrits de Ruysbroeck ne furent que relativement tard livrés à l'impression. Le De ornatu spiritualium nuptiarum, selon la traduction de Jordaens, fut édité à Paris en 1512, par Lefèvre d'Etaples. Un peu plus tard (1538), parut à Bologne la traduction de Gérard Groot : De septem scalœ divini amoris seu vitœ sanctœ gradibus, suivie du traité De perfectione filiorum Dei.

     Mais il n'y avait pas encore de traduction complète des œuvres de Ruysbroeck. Ce travail fut entrepris par Surius, qui en donna une première édition en 1552. D'autres vinrent ensuite en 1609 et 1692. Celle de 1609 est réputée la meilleure. Traduction très fidèle, malgré quelques amplifications, l'œuvre de Surius a contribué à faire connaître Ruysbroeck tant en France qu'en Espagne, en Italie et en Allemagne. Elle conserve aujourd'hui encore sa valeur, et elle est souvent un précieux auxiliaire pour l'interprétation du texte original.

     Des traductions françaises, allemandes, italiennes suivirent celle de Surius, et en 1696 parut à Madrid une édition complète des œuvres de Ruysbroeck traduites en espagnol.

     Malgré cette vogue toujours croissante, nul n'avait encore songé à publier le texte original. Les manuscrits, cependant, ne manquaient pas, et au milieu du XVIe siècle on continuait à en prendre des copies. Le premier essai d'édition flamande date seulement de 1624. Sous le titre de : T'Cieraet der gheestelyker Bruyloft, le capucin Gabriel de Bruxelles fit paraître le traité des Noces spirituelles. Il est regrettable que l'auteur, au lieu de reproduire fidèlement le texte, ait eu la pensée d'en rajeunir les expressions, afin de le rendre plus clair ; ses retouches ne sont pas toujours heureuses.

     Il faut ensuite descendre jusqu'au milieu du XIX esiècle pour rencontrer de nouvelles tentatives, sous forme d'abord de fragments publiés par J. van Vloten, en 1851, dans Verzameling van Nederlandsche proza-stukken, puis d'une édition complète entreprise par les soins de la Société des Bibliophiles flamands. De 1858 1868, le professeur J. David, de l'Université de Louvain, donna en six volumes toutes les œuvres de Ruysbroeck citées par Pomerius, ainsi que le livre des Douze vertus (38) .

     Pour cette œuvre, qui n'est point parfaite, mais qui rend encore de grands services, l'auteur a utilisé les manuscrits qui étaient plus facilement à sa portée, c'est-à-dire ceux de Bruxelles et de Gand. Malheureusement l'édition, tirée seulement à cent exemplaires, est aujourd'hui fort rare, et afin de remédier à cet inconvénient on a commencé récemment à Louvain une publication nouvelle dans la collection des Studïen en Textuitgaven.

     Dom Ph. Muller, chanoine régulier de Latran, a inauguré la série par le traité des Sept degrés de l'amour, précédé d'une introduction et accompagné de la traduction latine de Gérard Groot (39) .

     Pour clore la liste des traductions, nous pouvons signaler encore l'ouvrage d'Ernest Hello : Rusbrock l'Admirable (Œuvres choisies), Paris, 1869 et 1902, qui se compose de quelques fragments épars traduits d'après Surius ; puis l'essai de Maurice Maeterlinck : l'Ornement des noces spirituelles, de Ruysbroeck l'Admirable, traduit du flamand et accompagne' d'une introduction (40) , qui réclamerait plus d'une réserve ; une traduction d'après le texte original du Livre des XII Béguines ou de la vraie contemplation, par l'abbé P. Cuylits ; enfin la Vie de Ruysbroeck et deux de sestraités traduits par M. Chamonal, sur le texte latin de Surius.

     Il nous a semblé préférable, pour le dessein que nous formons à notre tour, de recourir non point à une traduction latine, mais au texte de Ruysbroeck lui-même, tel au moins que nous l'avons dans l'édition de David. Les trois traités que nous présentons aujourd'hui au lecteur n'ont pas été choisis au hasard. L'unité de doctrine, l'identité probable de la destinataire, l'enchaînement qui les relie entre eux nous ont paru des raisons suffisantes pour les publier ensemble. Les deux listes que nous connaissons réunissent d'ailleurs ces traités, qui ont sans doute été composés vers le même temps, et dans l'ordre où nous les donnons. En tête de chacun d'eux nous avons mis une introduction particulière, afin d'en faciliter la lecture.

     Dans la traduction, l'on s'est efforcé de rendre, aussi fidèlement que possible, la pensée de l'auteur, en même temps que la forme très simple et un peu naïve de sa phrase. La tournure française en souffrira peut-être parfois, mais il y avait lieu de suivre de très près le texte, de peur de trahir le sens exact, en des matières surtout où les termes demandent à être pesés avec grand soin. Puisse ce nouvel effort contribuer à faire connaître le grand mystique flamand et à répandre une doctrine digne d'être comparée à celle des plus célèbres auteurs spirituels

Juin 1915.

Abbaye Saint-Paul de Wisques, Oosterhout (Hollande).

NOTE POUR LA TROISIÈME ÉDITION.

     Le premier volume des Œuvres de Ruysbroeck arrive, après quelques années, à sa troisième édition, que l'on s'est efforcé de rendre définitive. Le texte en a donc été de nouveau soigneusement revu et corrigé, et l'on s'est appliqué surtout à l'éclairer en le rapprochant des passages parallèles qui se rencontrent dans les autres ouvrages de notre grand mystique. La doctrine apparaît ainsi plus une et plus lumineuse, et l'on s'aperçoit combien l'auteur demeure toujours conforme à lui-même et fidèle au plan majestueux selon lequel il a conçu la vie surnaturelle à ses différents stades. La lecture attentive et assidue de ces pages, où abondent les sublimes envolées, fait que l'on apprécie toujours plus la justesse de ce nom d'Admirable donné à Ruysbroeck par la postérité.

     Pour les références aux divers ouvrages de l'auteur, nous citons toujours, autant que possible, d'après la traduction française.

Juillet 1919

(1) Ces détails sont empruntés au Chronicon Bethleemiticon de Pierre Impens, chanoine régulier du monastère de Bethléem, près de Louvain. Le manuscrit en est conservé à la bibliothèque de l'abbaye d'Averbode. Cf. Acquoy, Het Klooster te Windesheim, t. III, pp. 56 et suiv.

(2) MASTELINUS, Necrologium Viridis Vallis, Bruxelles, sans date (vers 1630).

(3) Cf. Anal. Bolland., t. IV, p. 257 et suiv. Le P. J. van Mierlo n'est point du même avis, et dans sept articles du Dietsche Warande en Belfort, Anvers, 1910, il soutient que Pomerius n'a point connu de source écrite.

(4) Manuscrit 2926-28. La description s'en trouve dans le Catalogus codicum hagiographorum bibliothecæ regiæ Bruxellensis, Bruxelles, 1886, part. I, t. II, p. 379.

(5) D. Joannis Rusbrochii Opera omnia, Coloniæ, 5609.

(6) Dans l'Étude sur les mystiques des Pays-Bas du moyen âge , p. 16o, le même auteur est d'ailleurs moins affirmatif et reconnaît que Surius a reproduit Pomerius. Cf. Mémoires couronnés de l'Académie royale de Belgique, t. XLVI (avril 1892).

(7) Le Dr DE VREESE désigne ce manuscrit sous le nom de codex D. Cf. De Handschriften van Jan van Ruusbyoecs's Werken, 1er vol., pp. 24 et suiv.

(8) Le prologue de Maître Gérard a été édité par le Dr DE VREESE dans Bijdragen tot de hennis van het leven en de werken van Jan van Ruusbroec, Gent, 1896.

(9) DE VREESE, op. cit., pp. 10 et 11.

(10) Ibid., pp. 12 et suiv.

(11) POMERIUS, II, c. XVI, Anal. Boll., 1. C., p. 295.

(12) Ibid., c. XIV, Anal., p. 293-

(13) Cf. AUGER, op. cit., pp. 183 et suiv.

(14) Cf. DE VREESE, op. cit., p. 30, et De Handschriften van Jan van Ruusbroec's Werken, eerste stuk, pp. 28-34.

(15) On peut comparer à ce point de vue le livre IIIe des Noces spirituelles avec la septième demeure du Chateau intérieur de sainte Thérèse, ou avec les dernières pages de la Vive flamme d'amour de saint Jean de la Croix.

(16) SAP., X, 10.

(17) MATTH., XXV, 6.

(18) Apoc., II, 17.

(19) POMERIUS, II, c. VIII, Anal. Boll., 1. c., pp. 288-90.

(20) BUSCH, Chronicon Windesemense, pp. 22 et 23. ACQUOY, op. cit., t. I, c. I, pp. 46-47, conteste ce détail, qui n'est point relaté par Thomas a Kernpis dans la Vita Gerardi Magni. Il admet toutefois que tels avaient été les désirs de Gérard Groot durant sa vie.

(21) Chron. Bethl., 1. I., a. § 3.

(22) Cf. ACQUOY, op. cit., t. III, p. 303.

(23) Cf. D. CUNIBERT MOHLBERG. O. S. B., Radulph de Rivo, der letzte Vertreter der altrömischen Liturgie, Louvain, 1911, pp. 202 et suiv.

(24) Libellus fratris Joannis de Schoenhovia, qui nititur defendeve quœdam dicta fratris Joannis Ruysbroeck, contra magistrum Joannem de Gerson, cancellarium Parisiensem. Cf. Gersonii opera, édit. Dupin, Anvers, 1706, t. I, p. 63.

(25) Les écrits de Schoonhoven sont encore inédits. Le principal manuscrit, autrefois à Groenendael, est aujourd'hui à Bruxelles, à la Bibliothèque royale, et porte la cote 15219.

(26) Cf. Dr POHL, Thomae Henserken a KenIis opera omnia, Fribourg, Herder.

(27) POMERIUS, II, c. xviii, Ci. Anal. Boll., L C., p. 296.

(28) SURIUS, Rus brochii opera, édit. 1609, p. 8.

(29) DENIFLE, Taulers Bekehrung kritisch untersucht, Strasbourg, 1879.

(30) BOSSUET, Instruction sur les états d'oraison, tr. I, 1. X, n° 2.

(31) Cf. X. DE HOENSTEIN, Jean Tauler, sa vie, ses écrits, sa doctrine , Rev. Thom., 1918, p.244.

( 32) Cf. NOLTE, Theologische Quartalschrift, 1870, PP. 281 et suiv.

(33) Epistola Joannis Gersonii, cf. Gersonii opera, édit. Dupin, Anvers, 1706, t. I, p. 59.

(34) BOSSUET, op. cit., tr. I, 1. I, n. I.

(35) Gersonii opera, t. I, p. 63-78. Cf. AUGER, De doctrina et meritis Joannis van Ruysbroeck, Louvain, 1892, p. 121 et suiv.

(36) Koninklijke Vlaamsche Academie voor taal- en letterkunde : De Handschriften van Jan van Ruusbroec's Werken, door Willem DE VREESE, eerste stuk, 1900 ; tweede stuk, eerste aflevering, 1902, Gent, A. Siffer.

(37) Cf. D DE VREESE, art. Ruysbroeck dans la Biographie nationale publiée par l'Académie royale de Belgique.

(38) Maeschappij der Vlaemsche Bibliophilen. Werken van Jan van Ruysbroec, Gent, Annoot-Braeckman.

(39) Jan van Ruysbroech, Van den VII Trap pen, met Geert Groote's latijnsche vertaling, Bruxelles, 1911.

(40) Bruxelles, Paul Lacomblez, 1891 et 1908.

Small chapel near ruins of monastery at Groenendaal where Jan van Ruysbroeck lived and contemplated


LA FOI CHRÉTIENNE

PROLOGUE

Quiconque veut être sauvé et atteindre la vie éternelle, doit nécessairement posséder et garder jusqu'à la mort la foi chrétienne, puisque par la foi l'âme est attachée à Dieu et lui est unie comme l'épouse à son époux. La foi conduit l'âme à la confiance en Dieu et lui donne une bienheureuse connaissance de Dieu et des choses éternelles. Cette connaissance, commencée ici-bas, s'achèvera dans l'éternité, où, dans la clarté infinie, Dieu est contemplé face à face tel qu'il est. La foi chrétienne nous enseigne comment il nous faut vivre, et nous apprend ce que Dieu a fait pour nous par amour, et ce qu'il veut encore faire dans l'éternité. Aussi sans la vraie foi, nul ne peut-il vivre comme il faut, ni plaire à Dieu, ni enfin se sauver, quelques bonnes œuvres qu'il eût accomplies par ailleurs.

   En premier lieu, la foi chrétienne nous apprend comment sans hésitation ni crainte chaque fidèle doit tenir d'un cœur sincère et libre, et confesser de bouche cette vérité : Je crois en un seul Dieu, Père tout-puissant, qui a fait le ciel et la terre, toutes les choses visibles et invisibles c'est-à-dire les choses matérielles ou corporelles, et les êtres spirituels, anges et âmes : tout a été créé et fait par Dieu de rien, sans matière préalable.

   Ensuite la foi nous dit : Je crois en Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles, c'est-à-dire sans commencement, de toute éternité. Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non t'as tait ; une seule substance avec le Père, c'est-à-dire une seule nature indistincte avec lui. Par ce même Fils toutes choses ont été faites : car il est la sagesse du Père, en qui toutes choses vivent. Et bien qu'il y ait altérité et distinction de personnes, il est néanmoins une nature unique avec le Père. Et nous croyons que ce même Fils unique de Dieu est descendu des cieux pour nous autres hommes et pour notre salut. Il a assumé notre nature humaine, a été conçu du Saint-Esprit, c'est-à-dire par l'opération et la vertu du Saint-Esprit, est né de la vierge Marie et est devenu véritablement homme : car de même que l'âme et le corps font ensemble un seul homme, ainsi le Fils de Dieu et le fils de Marie ce n'est qu'un seul Christ. Pour notre salut il a souffert et enduré des peines, a été crucifié, est mort et a été enseveli, sous le juge qui était alors à Jérusalem et qui s'appelait Ponce Pilate. Et aussitôt son âme descendit aux enfers avec grande puissance et grande joie ; et dans sa vertu divine, il brisa les portes d'airain et les barres de fer pour délivrer les patriarches et les prophètes, qui avaient cru en lui et qui l'avaient attendu avec un grand désir. Il délivra encore tous ceux qui l'avaient servi fidèlement, depuis le commencement du monde, et étaient morts sans péché mortel ; mais nul autre ne fut délivré par lui. Car ceux qui n'aimaient pas Dieu et qui avaient été mauvais et infidèles comme les démons, devaient être laissés éternellement aux enfers, ainsi que le dit Abraham au riche avare, enseveli au plus profond de l'enfer, très loin en dessous de tous ceux qui appartenaient à Dieu. Le troisième jour le Christ se leva d'entre les morts, de sa propre vertu, ce que nul autre ne peut faire. C'est que son âme glorieuse et vivante était unie à Dieu aux limbes, tandis que son corps inanimé conservait la même union dans le sépulcre. Et lorsque l'âme et le corps se rejoignirent, il ressuscita glorieux - et beaucoup d'autres morts avec lui, - à la gloire de son Père et pour la glorification et la joie de tous les anges, de tous les saints et de tous les hommes de bien. À son humanité furent donnés pouvoir et honneur au ciel, sur la terre et aux enfers ; par lui aussi et en lui, la sainte Église possède tout son pouvoir. Et de même qu'en sa propre vertu, il ressuscita les morts, avant comme après sa résurrection, de même les saints, qui en reçurent de lui la puissance, tant dans le Nouveau que dans l'Ancien Testament, ressuscitèrent-ils des morts selon le corps ou selon l'esprit. Ensuite, le quarantième jour, il monta au ciel, c'est-à-dire, selon l'Apôtre, au-dessus de tous les cieux matériels, jusqu'aux cieux spirituels que sont les anges ; et même au-dessus de tous les anges dans le ciel caché, en cette sublimité impénétrable où il a été élevé bien au-dessus de tous les esprits. Ainsi selon son humanité il est assis à la droite de Dieu, son Père tout-Puissant. Non pas que Dieu le Père céleste puisse être assis ou debout, ou qu'il ait des mains : car il est esprit ; mais la glorieuse nature humaine du Christ a été élevée au-dessus de toute nature créée, dans la puissance la plus haute et dans la perfection la plus noble que Dieu ait produites. Puis, au dernier jour, il viendra en gloire et en vertu divine, avec les chœurs immenses de tous les anges et de tous les saints, pour juger les vivants et les morts, c'est-à-dire les bons et les méchants. Et jamais son règne n'aura de fin.

   Nous devons croire encore que le Père et le Fils ont envoyé le Saint-Esprit, leur amour mutuel, cinquante jours après la Résurrection de Notre-Seigneur. Les apôtres le reçurent et, avec lui, tant de force et de sagesse que depuis lors ils ne craignirent plus personne, mais par toute la terre enseignèrent et convertirent tous les hommes, qu'ils trouvèrent aptes au royaume de Dieu. En union donc avec la sainte Église, tout chrétien doit dire d'un cœur dévot et avec fierté dans ses paroles : Je crois au Saint-Esprit qui est Seigneur et qui vivifie. Il est, en effet, l'amour éternel du Père et du Fils, qui procède du Père et du Fils, et qui avec le Père et le Fils est adoré et honoré. Car les trois personnes sont un seul Dieu, une seule substance, dans l'unité de nature. Et comme le Verbe de Dieu est le Fils de Dieu, ainsi l'Amour de Dieu est le Saint-Esprit. Dès lors tout homme de bien qui aime Dieu, a le Saint-Esprit en lui, et toutes ses bonnes œuvres il les fait par le Saint-Esprit. C'est pourquoi notre symbole de foi dit que le Saint-Esprit parla par les Prophètes, à savoir dans l'Ancien Testament, avant la venue de Notre-Seigneur.

  Il nous faut croire aussi que le Saint-Esprit est un amour qui s'écoule et qui a rempli de tout bien le ciel et la terre. Grâce à cet amour la sainte Église est une et universelle par tout l'univers. Elle est dite apostolique, parce que le souverain prince saint Pierre et les autres apôtres l'ont fondée et basée sur une pierre inébranlable, Jésus-Christ. Il est le fondement, et nous sommes tous, comme le dit saint Pierre (I PETR., II, 5.), des pierres vivantes dans le temple de Dieu, aussi longtemps que nous gardons la charité et la foi chrétienne La sainte Église, c'est l'assemblée de tous les fidèles. Par le Saint-Esprit, en effet, qui est lien d'amour, tous sont unis dans une seule foi, un seul baptême, et une seule économie de commandements et de sacrements. Aussi sous peine de devenir infidèle, nul ne peut-il rester en doute ou en erreur vis-à-vis de tel ou tel point que la sainte Église tient et confesse communément.

   La vraie foi, ornée de l'amour, est la joie la plus intime et la plus haute que je connaisse ici-bas. L'union de tous les fidèles est sainte, puisque tous ont été lavés du sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qu'ils ont été oints de la grâce du Saint-Esprit, et sanctifiés par l'inhabitation de la sainte Trinité. L'unité de la sainte Église est comme l'arche de Noé : tous ceux qui demeurèrent hors de l'arche, durent périr ; de même en va-t-il pour tous ceux qui se séparent de l'unité et s'opposent en tel ou tel point à la sainte Église ou à la foi chrétienne, par fausse doctrine, fausse espérance, ou par hésitation et doute injustifié. Quiconque met son espoir et sa consolation en des pratiques de divination, dans les songes, la magie, l'invocation du démon ; tous ceux encore qui honorent, craignent ou aiment une créature quelconque au-dessus de Dieu, et qui ont plus de confiance et plus d'espoir en quelque créature qu'en Dieu, sont des membres séparés et corrompus, qui ne vivent plus dans l'unité de l'Église. Car de même que le corps vivifié par l'âme compte beaucoup de membres, ainsi le Christ et la sainte Église ont-ils une multitude de membres qui tous vivent par le Saint-Esprit. Et de même que l'homme par la bouche nourrit tous ses membres et que chaque membre est au service des autres, ainsi le Christ, et avec lui chaque homme vertueux, nourrit-il de ses bonnes œuvres tous les membres de la sainte Église. Les œuvres de tel saint ou de tel homme vertueux, certes, lui sont propres et personnelles quant à la gloire et quant à la récompense : néanmoins ces œuvres atteignent aussi tous les membres de la sainte Église, puisque tous les saints et tous les fidèles sont un en Notre Seigneur Jésus-Christ, et tous sont membres les uns des autres. Le Christ est le membre principal de la sainte Église ; il forme la tête et nous sommes ses membres, et la tête donne vie à tous les membres. Ceux donc qui n'ont pas en eux l'esprit et la vie du Christ, ne sont pas de ses membres : ce sont des membres séparés et morts.

   Voilà pourquoi les apôtres nous disent de croire encore à la communion des saints. Car de la façon que je viens de dire, Notre-Seigneur Jésus-Christ nourrit de son esprit et de sa vie les saints du ciel, les âmes du purgatoire et les hommes de bien sur la terre, tous selon leur état propre. Tous, en effet, forment une seule Église, la communion des saints, selon laquelle tous les biens sont communs. Et afin que personne ne demeure en dehors de cette communion sainte, le Saint-Esprit nous dit par les apôtres de croire à la rémission de tous nos péchés. Cette rémission se fait en premier lieu au baptême, où nous sommes baptisés et purifiés dans le sang de Notre-Seigneur, et rendus à la vie, grâce à sa mort sainte. Là sont pardonnées coulpe et peine de tous les péchés que l'homme a commis auparavant. Mais on ne peut recevoir le baptême plus d'une fois. Le Saint-Esprit ne veut pourtant pas nous perdre, si nous avons souillé par nos péchés le premier baptême. Un second baptême a été préparé pour tous les pécheurs qui regrettent leur péché, cherchent grâce et désirent rentrer dans la communion des saints et de la sainte chrétienté : tous ils sont baptisés dans le Saint-Esprit, c'est-à-dire dans la bonté débordante de Dieu, pour laquelle il ne peut y avoir de péchés trop grands ou trop nombreux, pourvu qu'on cherche sa grâce selon la droite règle établie dans la sainte Église.

   Suit l'article où, par la bouche des apôtres, le Saint-Esprit nous enseigne que nous devons moire attendre avec tous les saints la résurrection universelle de tous les corps, depuis le premier homme jusqu'au dernier : à savoir que chaque âme retrouvera son propre corps à elle, celui qu'elle portait et avec lequel elle vivait sur terre. Car Dieu qui peut tout, qui créa toutes choses de rien quant à la matière première et qui forma le corps d'Adam du limon de la terre, a bien pouvoir aussi de refaire notre corps de cette même poussière de terre, qui est venue de lui, fût-elle dispersée aux extrémités du monde. Il est équitable, en effet, et Dieu l'a vu de toute éternité, que les bons qui l'ont aimé et servi d'âme et de corps, soient récompensés dans l'âme et dans le corps. Il est bien juste aussi que les méchants soient punis et tourmentés de la même façon, puisqu'ils se sont mis au service du diable et du péché, sans vouloir durant toute leur vie se corriger ni se convertir. Ainsi au dernier jour, au jour du jugement, quand la trompette sonnera, tous les morts ressusciteront, nous dit saint Paul ( Cf. COR., xv, 52.), et le Christ, le Fils de Dieu, descendra du ciel dans les airs avec tous les anges et les saints, en gloire et grande puissance. Ceci se passera près de Jérusalem, là où fut créé le premier homme et où, par sa sainte mort, le Christ répara autant qu'il était en lui, l'homme déchu. C'est là qu'il descendra, là qu'il fera entendre la voix de son commandement, en seigneur et juge souverain du monde entier : et de par sa puissance et son ordre, les corps de tous les hommes seront rétablis et ressusciteront en un instant, différents quant à l'ordre et à la récompense, mais tous égaux quant à l'âge, qui sera celui qu'avait Notre-Seigneur Jésus-Christ, lorsqu'il mourut pour nous. Un homme de cent ans et l'enfant d'une seule nuit auront un corps d'égale grandeur. Les bons qui ici-bas étaient boiteux, aveugles, paralysés ressusciteront intègres, avec tous leurs membres, sans tache ni souillure, glorieux comme le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ : mais pour les damnés il en sera tout autrement. Ainsi donc toute âme reprendra son propre corps et chacun viendra au jugement de Dieu avec son âme et son corps. Et comme dit le saint homme job (Cf. JOB, XIX, 26-27.), de nos yeux de chair nous verrons Dieu, ce qui s'entend de Notre-Seigneur Jésus-Christ selon son humanité, qui se manifestera à tous les hommes dans ce même corps dans lequel il vécut et est mort pour nous. Les bons verront sa face joyeuse et glorieuse : aux méchants par contre il se montrera terrible, en grande indignation et colère. Alors par la justice et la sagesse de Dieu qui voit clairement toutes choses, chacun recevra un jugement équitable, selon ses paroles et ses œuvres et tout ce qu'il aura jamais fait. Et ce jugement demeurera immuable : car les méchants seront éternellement condamnés et perdus, et les bons sauvés éternellement.

   Ensuite le Saint-Esprit nous apprend, par la bouche des apôtres, que nous devons croire à la vie éternelle. Cette vie, nous devons la désirer, et c'est pourquoi les apôtres et la sainte Église disent à la fin du symbole Amen, en signe que nous devons tous attendre et désirer la future béatitude que Dieu nous a promise : c'est là, en effet, la fin et la consommation de tout ce que nous croyons maintenant. Cette béatitude parfaite consiste en ceci, qu'après cet exil nous serons élevés, âme et corps, dans la gloire divine, et que nous verrons Dieu clairement, l'aimant et le possédant dans une fruition sans fin. Car au-dessus de toute chose notre récompense essentielle sera Dieu lui-même, en qui nous croyons et à qui nous nous confions par-dessus tout, et pour qui nous opérons toutes nos vertus. Et lorsque nous aurons acquis et que nous posséderons cette récompense, toutes choses seront consommées de la manière la plus haute et la plus noble. Car alors nous verrons Dieu éternellement, nous l'aimerons avec ardeur et nous lui rendrons grâces, le louant sans nous lasser jamais. Chaque saint aura sa récompense particulière, selon ses mérites et sa sainteté ; mais il aura aussi une récompense accidentelle, en relation avec la multitude des saints. Chacun, en effet, se réjouira de la béatitude de l'autre, comme de la sienne propre ; mais toutes les récompenses et les joies que chacun aura en lui-même et en tous les autres sont le secret de Dieu, qu'il ne révèle que selon son bon plaisir.

   Là nous posséderons sagesse, connaissant et sachant tout ce que nous voudrons. Là nous aurons toute puissance : car nous serons rois et enfants de Dieu, agissant en toute liberté. Notre richesse sera si grande, que nous en serons inondés et en aurons plus que nous ne pourrons en saisir ; beauté éternelle et impérissable, paix sans fin et inaltérable, richesses surabondantes, affluence de toute béatitude, de bonté et de jeunesse immortelle. Rien dès lors qui puisse donner tristesse, tout au contraire pour réjouir : allégresse et abondance de bonheur seront si grandes, si nombreuses et si profondes, qu'elles défieront tout calcul, toute mesure ou pensée, toute description ou manifestation quelconque. Ce sera au-delà de tout ce que nous pouvons penser ou souhaiter, dépassant tous désirs ou puissance d'imagination. C'est que Dieu lui-même, incompréhensible et infini veut être notre récompense, notre joie et notre allégresse Et il dit : « Bon et fidèle serviteur, entrez dans la joie de votre Seigneur (MATTH., XXV, 21.)». Nous serons, en effet, comblés et déborderons de la gloire divine, et ainsi nous entrerons dans la joie de Notre-Seigneur, qui est sans mesure et sans fond. Et là flous nous perdrons, et resterons essentiellement dans une fruition éternelle. Et nous demeurerons en nous-mêmes, chacun à sa place et à son rang. Et dans le Christ Jésus nous serons élevés vers notre Père céleste dans une révérence et une louange éternelles. Au-dessus de nous, nous aurons la beauté du ciel, de la terre et de tous les éléments, avec la splendeur que leur aura donnée le dernier jour. Auprès de nous, seront dans la gloire les anges et les saints qui, avec nous, aimeront et loueront Dieu sans fin. Et nous aurons dans notre corps glorieux une âme vivante, ornée de toutes les vertus. Nos corps eux-mêmes seront sept fois plus clairs que le soleil et transparents comme le cristal ou le verre, si impassibles que ni le feu d'enfer, ni tous les glaives tranchants ne sauraient en aucune manière nous blesser ou nous nuire. L'agilité et la légèreté de notre corps seront telles, que notre âme pourra, en un instant, le mener où elle voudra de même sera-t-il si subtil, qu'un mur de métal épais de cent milles pourrait être traversé par lui comme le verre par un rayon de soleil. De nos yeux de chair, nous contemplerons Notre-Seigneur Jésus-Christ et sa glorieuse Mère, avec tous les saints, dans la splendeur corporelle dont j'ai parlé plus haut tandis que de nos yeux intérieurs, nous fixerons le miroir de la Sagesse, où brilleront et resplendiront toutes choses, qui ont jamais été aptes à nous réjouir. L'oreille extérieure percevra les mélodies célestes et les chants suaves des anges et des saints louant Dieu éternellement : mais c'est à l'oreille intérieure que résonnera la Parole, née au sein du Père, nous transmettant toute science et toute vérité. Le parfum très noble de l'Esprit divin, plus suave que tout baume ou toutes herbes odoriférantes, s'exhalera devant nous et nous ravira hors de nous-mêmes jusqu'en l'amour éternel de Dieu. Sa bonté infinie, plus douce que le miel, nous remplira de suavité, nourrira et pénétrera notre âme et notre corps, et de cette bonté sans mesure nous aurons toujours faim et soif. Sentir cette faim et cette soif sera cause d'une permanence et d'un renouvellement continu du goût céleste et de la nourriture divine et c'est la vie éternelle.

   Par l'amour nous saisirons l'amour, et l'amour nous saisira. Possédant Dieu, nous serons possédés par lui en unité, et jouissant de lui, nous nous reposerons avec lui dans la béatitude. Cette fruition sans mode et ce repos superessentiel constituent le plus haut sommet de la béatitude. On y est englouti dans la satiété au-dessus de toute faim, qui n'y peut pénétrer, car il n'y a plus là qu'unité. Là tous les esprits aimants s'endormiront dans la ténèbre superessentielle, toujours vivants néanmoins et éveillés à la lumière de gloire, chacun en particulier, à sa place et à son rang, avec toute la beauté et l'activité glorieuse dont je viens de vous parler.

   Que personne donc ne vous trompe, en parlant de fausse oisiveté, car ce que je vous dis maintenant est attesté par notre foi et par la sainte Écriture c'est une vérité éternelle. Nous aimerons et nous jouirons, nous agirons et nous reposerons, nous nous exercerons et posséderons, tout cela en même temps dans un éternel présent sans avant ni après. Et si l'on vous dit le contraire, n'y ajoutez pas foi. Nous pourrions encore énumérer les récompenses spéciales et l'éminente dignité des martyrs, des vierges et des docteurs ; mais nous laisserons cela, en ayant assez dit.

   Telle est la vie éternelle, la part de ceux qui, au jugement divin, se trouveront à la droite et entendront du Christ ces paroles : « Venez les bénis de mon Père, possé-dez le royaume qui vous a été préparé depuis le commencement du monde (MATTH., XXV, 34.) » Puis se tournant à gauche, il dira à tous les infidèles et à ceux qui, depuis le commencement du monde jusqu'au dernier jour, seront morts en péché mortel : « Retirez-vous de moi, maudits, et allez au feu éternel, qui a été préparé pour le démon et pour ses anges (MATTH., XXV, 41.) », c'est-à-dire pour Lucifer et pour tous les pécheurs, ainsi que pour tous les démons ; car le pécheur est l'envoyé du diable et son propre esclave, et non seulement esclave du démon, mais aussi esclave du péché, comme le Seigneur le dit lui-même (Cf. JOA., VIII, 34.).

   Alors le Christ montera avec ses anges et avec les justes dans la vie éternelle ; mais le démon avec les siens tombera dans le puits infernal, dans les tourments éternels de l'enfer. Et parce que les damnés ont péché dans leur vie contre un Dieu éternel et infini, et que leur volonté perverse avec la tache du péché demeure éternellement, la peine qui répond au péché est éternelle. Volontairement et sciemment ils ont repoussé d'eux la grâce divine, et ils ont préféré les choses temporelles aux choses éternelles. C'est parce qu'ils ont méprisé Dieu et ses grâces, qu'ils doivent être privés de lui pour toujours : car ce que l'homme vend volontairement et sciemment, et ce à quoi il renonce, il est juste qu'il en soit privé à jamais.

   La privation éternelle de Dieu et de toute béatitude constitue la peine du dam. Cette peine est spirituelle, et plus terrible qu'aucun mal qu'on puisse éprouver dans le corps. Les petits enfants qui meurent sans baptême avant d'être arrivés à l'âge de discernement, sont seulement privés de Dieu, à cause du péché originel, et ils n'ont pas d'autre peine. Pour ceux, au contraire, qui par leur propre volonté se détournent de Dieu, l'abandonnent et le méprisent, la privation éternelle de Dieu est la principale et la plus grande peine : mais puisqu'ils se sont tournés vers les créatures dans un amour désordonné contre l'honneur de Dieu, ils souffrent encore du feu éternel correspondant à cet amour désordonné. Que ce feu soit spirituel ou matériel, ou tous les deux (ce qui me semble plus probable), nous nous en remettons à Dieu : car Dieu est assez puissant pour faire brûler d'un feu matériel l'âme et le corps.

   Ensuite vient la troisième peine, qui est encore plus intérieure, et c'est le froid infernal sans fin. Car celui qui n'aime pas Dieu porte avec lui une grande froideur, et dans ce froid il doit éternellement périr. De même celui qui a un amour désordonné des créatures doit brûler, car il porte lui-même le feu qui est l'amour mauvais. Ceux qui viennent au jugement de Dieu, sans l'amour divin, auront l'intérieur de l'âme tremblant de froid infernal. Et ceux qui y apportent un amour désordonné et étranger brûleront dans l'âme et le corps d'un feu infernal. Ils auront des ténèbres intérieures à cause de leurs péchés, et ils seront privés de toute lumière extérieure en dehors de ce qu'il faut pour voir l'horrible aspect des démons et des corps en ce lieu immonde. Et le ver de la conscience ne mourra point, mais toujours il rongera et blâmera et témoignera qu'ils auraient pu mériter la vie éternelle, mais qu'à cause de leurs péchés et par leur propre faute, ils sont venus dans les tourments éternels. Dans leur grande angoisse ils gémiront et soupireront, non pas par regret ou par haine du péché, mais par l'horreur des peines éternelles. Sans cesse ils subiront la mort, et jamais ils ne mourront complètement : et de là vient que la peine infernale est appelée une mort éternelle : « et la mort les consumera », dit le prophète (PS. XLVIII, 15.). Car de même que la gloire de Dieu nourrit les saints de joie, de même la peine infernale consume les damnés dans une tristesse éternelle. Il y aura là un désespoir sans fin car ils seront sûrs que la peine ne se terminera jamais.

   Comme maintenant les péchés sont multiples et de différentes espèces, une peine spéciale répondra à chacun des péchés : Ainsi ceux qui sont maintenant arrogants et superbes seront alors les plus bas placés, comme un escabeau pour les diables et les damnés. Car l'enfer est un cachot où s'exerce la justice divine et où toute chose sera vengée selon un juste jugement. Le ladre avare aura le cœur traversé et rempli de flammes brûlantes, comme d'argent et d'or incandescents et de métal fondu. La mort sera désirée, mais ne viendra pas. La haine mutuelle et l'envie de l'un contre l'autre seront là plus grandes que jamais elles ne furent dans ce monde ; cependant les damnés devront rester éternellement ensemble, comme une masse compacte qui bout dans une marmite. L'insolence, la colère et le courroux y seront si grands, que les damnés seront comme des chiens enragés, prêts à se déchirer et à s'entre-dévorer.

   Ils seront saisis d'une telle torpeur d'âme et de corps, que jamais plus ils ne pourront ni ne souhaiteront faire œuvre vertueuse quelconque. Leurs corps seront plus lourds et pesants que des meules, et sembleront liés et attachés par des chaînes de fer.

Ceux qui se seront adonnés à la gourmandise et à l'intempérance, oublieux de Dieu et esclaves des plaisirs de la bouche, s'ils meurent en cet état, recevront en nourriture et en breuvage du soufre et de la poix bouillante, qui feront couler de leurs membres une sueur infernale. Une goutte de cette sueur, tombant sur une statue de métal, suffirait à la mettre en fusion.

   Que je vous conte, à ce propos, un fait qui s'est passé dans un monastère, situé près du Rhin. Là vivaient trois moines gourmands, qui, avides de bonne chère, la cherchaient souvent hors du cloître. Deux d'entre eux moururent subitement et à l'improviste, l'un étouffé et l'autre noyé au bain. Le survivant vit un de ces malheureux lui apparaître et lui déclarer qu'il était damné. Comme il lui demandait quelle était sa peine, celui-ci laissa tomber de sa main une goutte de sueur sur un chandelier de bronze, qui fondit aussitôt comme graisse ou cire au feu. Et après que le damné eut disparu, il laissa après lui puanteur si grande que les moines durent quitter le monastère pour trois jours. Celui à qui est arrivé ce fait abandonna son cloître, pour se faire frère mineur, et celui qui me l'a raconté est devenu frère prêcheur.

   Je pourrais vous dire encore un autre exemple, touchant le sort réservé à ceux qui vivent et meurent dans le désordre, sans avoir pu ni s'en repentir, ni s'en confesser. Mais il est mieux de taire ces choses peu édifiantes. Qu'il vous suffise de savoir, en toute certitude, que la mesure des tourments correspondra à celle des jouissances que l'on aura recherchées, en opposition avec la loi divine et les préceptes de la sainte Église. Les membres qui auront servi à rendre esclave du démon, seront plus particulièrement punis et tourmentés. Car c'est la main puissante de la justice divine, qui dirige les vengeances du feu infernal, et proportionne les châtiments aux crimes de chacun. Jamais ne s'éteindra ni ne diminuera ce feu éternel, les damnés étant incapables de faire, ni même de désirer aucune œuvre bonne.

   C'est pourquoi Notre-Seigneur ordonne, dans l'Évangile de saint Matthieu (MATTH., XXII, 13.), pour celui qui vient au festin sans la robe nuptiale, c'est-à-dire qui se présente au jugement divin sans la charité, qu'on lui lie les mains et les pieds, et qu'on le jette dans les ténèbres extérieures, dans l'éternel oubli, loin de toute joie et de toute grâce. Là seront, dit le Seigneur, des pleurs et des grincements de dents, le chant infernal, qui doit durer éternellement. Rugissements et hurlements des démons et des damnés, spectacles horribles, telle peut être la vision de l'enfer, de ce puits de feu éternel, où il n'y aura que gémissements, tressaillements de douleur, grincements de dents, obscurité et fumée opaque, larmes et cris d'angoisse. La vue des démons et des visages ravagés par le feu, les injures, les mépris, la chaleur desséchante, la soif mortelle, tout cela s'unira à l'absolu dépouillement de tout bien, pour tourmenter, dans la prison d'enfer, les misérables damnés, liés de chaînes, suffoqués par les vapeurs de soufre et la puanteur, dévorés de crainte, de honte, et d'amère tristesse, rongés à jamais par le ver de la conscience, par la haine et l'envie, par la fureur et le regret sans remède d'être éternellement privés de la contemplation de la face divine.

   Telle est la peine infernale. Au jour du jugement, l'enfer engloutira tous les damnés, d'où qu'ils viennent, et avec eux toutes les immondices et toute la puanteur du monde. Puis il se fermera par en haut, pour que nul homme ni démon n'en puisse sortir. Ils seront là maintenus, comme par un couvercle de chaudière, et la justice de Dieu, ainsi que leur propre malice, les y fera bouillir et se consumer à jamais et sans fin.

   À vous tous donc, qui êtes encore dans le temps de la grâce, je dis de choisir et de vous approprier dès maintenant la société où vous voulez vivre et mourir. Si la gloire de Dieu ne suffit pas à vous attirer, qu'au moins la crainte de l'enfer vous fasse trembler, vous préserve du péché, et vous engage dans la vertu. Tout ce que je vous ai enseigné est de foi chrétienne, confirmé par les paroles et la doctrine des saints : c'est la vérité éternelle.

  Priez Dieu que nous gardions la foi chrétienne et que nous soyons si ornés de vertus, qu'au jugement divin nous puissions entendre les paroles du Christ : « Venez les bénis de mon Père, possédez le royaume, qui vous est préparé depuis le commencement du monde. » Puissions-nous le recevoir du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen.

SOURCE : http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Ruysbroek/Ruysbroeck/Tome5/foichr.html


Blessed John van Ruysbroeck

Also known as

John Ruysbroeck

Jan van Ruusbroec

Jan van Ruysbroek

John the Admirable Doctor

John the Divine Doctor

Ruysbroeck the Admirable

Memorial

2 December

Profile

Nothing is known of John’s father, but history remembers his mother as a very pious woman who eventually entered a convent. At age eleven John moved in with and was educated by his uncle, Father John Hinckaert at Saint Gudule’s, BrusselsBelgiumOrdained in 1317. Served as chaplain at Saint Gudule’s for 26 years.

In response to pamphlets teaching heresy, John began to write his own, primarily on false mysticism being taught. None of these writings have survived.

In 1343, John and his uncle retired to a hermitage in Groenendael. His reputation for wisdom and holiness began to spread, and the hermitage attracted like-minded men. The group founded a formal community of Augustinian canons regular on 13 March 1349 with John as prior. Many people came for spiritual guidance by the canons, and especially from John. He led a life of extreme austerity, became famous as a sublime contemplative and skilled director of souls. As the Spirit moved him, he resumed writing. Noted as the greatest of the Flemish mystical writers.

Born

1293 near BrusselsBelgium

Died

2 December 1381 at Groenendael of natural causes

relics translated to Saint Gudule’s, BrusselsBelgium in 1783, but were lost or destroyed during the French Revolution

Beatified

1 December 1908 by Pope Pius X

Representation

in canonical habit, seated in the forest with his writing tablet on his knee, rapt in ecstasy and enveloped in flames, which encircle without consuming the tree under which he is resting

Additional Information

Book of Saints, by the Monks of Ramsgate

Catholic Encyclopedia

New Catholic Dictionary

A Mediaeval Mystic, by Father Vincent Joseph Scully

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Ruysbroeck, by Evelyn Underhill

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The Adornment of the Spiritual Marriage, by Blessed John van Ruysbroeck

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The Book of Supreme Truth, by Blessed John van Ruysbroeck

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The Sparkling Stone, by Blessed John van Ruysbroeck

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Where I assert that we are one in God, I must be understood in this sense that we are one in love. – Blessed John

MLA Citation

“Blessed John van Ruysbroeck“. CatholicSaints.Info. 29 January 2021. Web. 2 December 2021. <https://catholicsaints.info/blessed-john-van-ruysbroeck/>

SOURCE : https://catholicsaints.info/blessed-john-van-ruysbroeck/

Blessed John Ruysbroeck

Surnamed the Admirable Doctor, and the Divine Doctor, undoubtedly the foremost of the Flemish mystics, b. at Ruysbroeck, near Brussels, 1293; d. at Groenendael, 2 Dec., 1381. He was blessed with a devout mother, who trained him from infancy in the ways of piety and holiness. Of his father we know nothing; John's only family name, van Ruysbroeck, is taken from his native hamlet. At the age of eleven he forsook his mother, departing without leave or warning, to place himself under the guidance and tuition of his uncle, John Hinckaert, a saintly priest and a canon of St. Gudule's, Brussels, who with a fellow-canon of like mind, Francis van Coudenberg, was following a manner of life modelled on the simplicity and fervour of Apostolic days. This uncle provided for Ruysbroeck's education with a view to the priesthood. In due course, Blessed John was presented with a prebend in St. Gudule's, and ordained in 1317. His mother had followed him to Brussels, entered a Béguinage there, and made a happy end shortly before his ordination. For twenty-six years Ruysbroeck continued to lead, together with his uncle Hinckaert and van Coudenberg, a life of extreme austerity and retirement. At that time the Brethren of the Free Spirit were causing considerable trouble in the Netherlands, and one of them, a woman named Bloemardinne, was particularly active in Brussels, propagating her false tenets chiefly by means of popular pamphlets. In defence of the Faith Ruysbroeck responded with pamphlets also written in the native tongue. Nothing of these treatises remains; but the effect of the controversy was so far permanent with Ruysbroeck that his later writings bear constant reference, direct and indirect, to the heresies, especially the false mysticism, of the day, and he composed always in the idiom of the country, chiefly with a view to counteracting the mischief of the heretical writings scattered broadcast among the people in their own tongue.

The desire for a more retired life, and possibly also the persecution which followed Ruysbroeck's attack on Bloemardinne, induced the three friends to quit Brussels in 1343, for the hermitage of Groenendael, in the neighbouring forest of Soignes, which was made over to them by John III, Duke of Brabant. But here so many disciples joined the little company that it was found expedient to organize into a duly-authorized religious body. The hermitage was erected into a community of canons regular, 13 March, 1349, and eventually it became the motherhouse of a congregation, which bore its name of Groenendael. Francis van Coudenberg was appointed first provost, and Blessed John Ruysbroeck prior. John Hinckaert refrained from making the canonical profession lest the discipline of the house should suffer from the exemptions required by the infirmities of his old age; he dwelt, therefore, in a cell outside the cloister, and there a few years later happily passed away. This period, from his religious profession (1349) to his death (1381), was the most active and fruitful of Ruysbroeck's career. To his own community his life and words were a constant source of inspiration and encouragement. His fame as a man of God, as a sublime contemplative and a skilled director of souls, spread beyond the bounds of Flanders and Brabant to HollandGermany, and France. All sorts and conditions of men sought his aid and counsel. His writings were eagerly caught up and rapidly multiplied, especially in the cloisters of the Netherlands and Germany; early in the fifteenth century they are to be found also in England. Among the more famous visitors to Groenendael mention is made of Tauler, but though the German preacher certainly knew and appreciated his writings, it is not established that he ever actually saw Ruysbroeck. Gerard Groote in particular venerated him as a father and loved him as a friend. And through Groote, Ruysbroeck's influence helped to mould the spirit of the Windesheim School, which in the next generation found its most famous exponent in Thomas à Kempis. Just now strenuous efforts are being made to discover authentic Flemish manuscripts of Blessed John Ruysbroeck's works; but up to the present the standard edition is the Latin version of Surius, all imperfect and probably incomplete as this is. Of the various treatises here preserved, the best-known and the most characteristic is that entitled "The Spiritual Espousals". It is divided into three books, treating respectively of the active, the interior, and the contemplative life; and each book is subdivided into four parts working out the text; Ecce Sponsus venit, exite obviam ei, as follows: (1) Ecce, the work of the vision, man must turn his eyes to God; (2) Sponsus venit, the divers comings of the Bridegroom; (3) exite, the soul going forth along the paths of virtue; and finally (4) the embrace of the soul and the heavenly Spouse.

Literally, Ruysbroeck wrote as the spirit moved him. He loved to wander and meditate in the solitude of the forest adjoining the cloister; he was accustomed to carry a tablet with him, and on this to jot down his thoughts as he felt inspired so to do. Late in life he was able to declare that he had never committed aught to writing save by the motion of the Holy Ghost. In no one of his treatises do we find anything like a complete or detailed account of his system; perhaps, it would be correct to say that he himself was not conscious of elaborating any system. In his dogmatic writings he is emphatically a faithful son of the Catholic Church, explaining, illustrating, and enforcing her traditional teachings with remarkable force and lucidity; this fact alone is quite sufficient to dispose of the contention, still cherished in certain quarters, that Ruysbroeck was a forerunner of the Reformation, etc. In his ascetic works, his favourite virtues are detachment, humility, and charity; he loves to dwell on such themes as flight from the world, meditation upon the Life, especially the Passion of Christ, abandonment to the Divine Will, and an intense personal love of God. But naturally it is in his mystical writings that the peculiar genius of Ruysbroeck shines forth. Yet here again it is the manner rather than the matter that is new, and it is especially in the freshness, originality, boldness, variety, detail, and truth of his imagery and comparisons that the individuality of Ruysbroeck stands out. Students of mysticism from the pages of the Areopagite onwards will scarcely discover anything for which they cannot recall a parallel elsewhere. But there are many who maintain that Blessed John stands alone, unrivalled, in his grasp of what we may term the metaphysics of mysticism, in the delicateness and sureness of his touch when describing the phenomena and progress of the mystic union, and in the combined beauty, simplicity, and loftiness of his language and style.

In common with most of the German mystics Ruysbroeck starts from God and comes down to man, and thence rises again to God, showing how the two are so closely united as to become one. But here he is careful to protest: "There where I assert that we are one in God, I must be understood in this sense that we are one in love, not in essence and nature." Despite this declaration, however, and other similar saving clauses scattered over his pages, some of Ruysbroeck's expressions are certainly rather unusual and startling. The sublimity of his subject-matter was such that it could scarcely be otherwise. His devoted friend, Gerard Groote, a trained theologian, confessed to a feeling of uneasiness over certain of his phrases and passages, and begged him to change or modify them for the sake at least of the weak. Later on, Jean Gerson and then Bossuet both professed to find traces of unconscious pantheism in his works. But as an offset to these we may mention the enthusiastic commendations of his contemporaries, GrooteTaulerà Kempis, Scoenhoven, and in subsequent times of the Franciscan van Herp, the Carthusians Denys and Surius, the Carmelite Thomas of Jesus, the Benedictine Louis de Blois, and the Jesuit Lessius. In our own days Ernest Hello and especially Maeterlinck have done much to make his writings known and even popular. And at present, particularly since his beatification, there is a strong revival of interest in all that concerns Ruysbroeck in his native Belgium.

A word of warning is needed against the assumption of some writers who would exalt the genius of Ruysbroeck by dwelling on what they term his illiteracy and ignorance. As a matter of fact the works of Blessed John manifest a mastery of the sacred sciences, and a considerable acquaintance even with the natural science of his day. His adaptation of the slender resources of his native tongue to the exact expression of his own unusual experiences and ideas is admirable beyond praise; and though his verse is not of the best, his prose writings are vigorous and chaste, and evidence not only the intellect of a metaphysician, but the soul also of a true and tender poet.

Blessed John's relics were carefully preserved and his memory honoured as that of a saint. When Groenendael Priory was suppressed by Joseph II in 1783, his relics were transferred to St. Gudule's, Brussels, where, however, they were lost during the French Revolution. A long and oft-interrupted series of attempts to secure official acknowledgement of his heroic virtues from Rome was crowned at length by a Decree, 1 Dec., 1908, confirming to him under the title of "Blessed" his cultus ab immemorabili tempore. And the Office of the Beatus has been granted to the clergy of Mechlin and to the Canons Regular of the Lateran. No authentic portrait of Ruysbroeck is known to exist; but the traditional picture represents him in the canonical habit, seated in the forest with his writing tablet on his knee, as he was in fact found one day by the brethren—rapt in ecstasy and enveloped in flames, which encircle without consuming the tree under which he is resting.

Sources

ARTHUR, The Founders of the New Devotion (London, 1905); BAILLIE, Reflections from the Mirror of a Mystic (London, 1905); SCULLY, Life of Bl. John Ruysbroeck (London, 1910); STODDART, Ruysbroeck and the Mystics by Maurice Maeterlinck (London, 1894); UNDERHILL, Mysticism (London, 1911); AUGER, Etudes sur les Mystiques des Pays-Bas au moyen age in Acad. Roy. de Belg., tom. xlvi; AUGER, De doctrina et meritis Joannis van Ruysbroeck (Louvain, 1892); BOURGIGNON, Le b. Jean Rusbrok (Liege, 1910); ENGELHARDT, Richard von St. Victor und Joannes Rusbroek (Erlangen, 1838); FOFI, Vita e Dottrine del B. G. Rusbrochio (Rome, 1909); GERSON, Opera (Antwerp, 1708); GRUBE, Gerhard Groot und seine Stiftungen (Cologne, 1883); HELLO, Ruysbroeck l'Admirable (Paris, 1902); MAETERLINCK, L'ornement des noces spirituelles de Ruysbroeck l'Admirable (Brussels, 1908); MIERLO, articles in Dietsche Warande en Belfort, Feb.-Nov. (Antwerp, 1910); MULLER, Jan van Ruysbroeck, Van den VII Trappen (Brussels, 1911); PENNOTTUS, Ordinis canonicorum historia tripartita (Cologne, 1630); POMERIUS, in Bollandists, tom. IV; SURIUS, Opera (Cologne, 1692); THOMAS A KEMPIS, Opera (Freiburg, 1901); ULLMANN, Reformatoren vor der Reformation (Hamburg, 1842); VREESE, Jean de Ruysbroeck (Brussels, 1909); Processus, anno 1624. . .de vita et miraculis Ruysbrochii, in Mechlin archives; Decretum Mechlin confirmationis cultus (Rome, 1909).

Scully, Vincent. "Blessed John Ruysbroeck." The Catholic Encyclopedia. Vol. 13. New York: Robert Appleton Company, 1912. 1 Dec. 2021 <http://www.newadvent.org/cathen/13280c.htm>.

Transcription. This article was transcribed for New Advent by Herman F. Holbrook. O Blessed John, and all ye holy Doctors, pray for us.

Ecclesiastical approbation. Nihil Obstat. February 1, 1912. Remy Lafort, D.D., Censor. Imprimatur. +John Cardinal Farley, Archbishop of New York.

SOURCE : https://www.newadvent.org/cathen/13280c.htm



Beato Giovanni di Ruysbroeck Canonico Regolare

2 dicembre

Ruysbroeck, Belgio, 1293 – Groenendael, Belgio, 2 dicembre 1381

Nato nel 1293 a Ruysbroeck, nei pressi di Bruxelles, Giovanni è uno dei maggiori mistici fiamminghi. Ordinato prete nel 1317, fu cappellano di Santa Gudula a Bruxelles. Nel 1343 si ritirò con due compagni nel bosco di Groenendael, vicino Waterloo. Molti si unirono e dal romitaggio sorse una comunità di canonici regolari, di cui Giovanni fu priore. Morì nel 1381 ed è beato dal 1903. Le sue opere furono così note, da meritargli i soprannomi "doctor divinus" e "secondo Dionigi".

Martirologio Romano: Nel monastero di Groenendaal nei pressi di Bruxelles in Belgio, beato Giovanni Ruysbroeck, sacerdote e canonico regolare, che espose insegnamenti mirabili sui vari gradi della vita spirituale.

La dottrina ascetico-mistica del Beato Giovanni di Ruysbroeck è assai più conosciuta rispetto alla sua vita. I suoi undici libri o trattati e le sue lettere sono stati infatti tramandati in numerosi manoscritti, oltre duecento, anche se non tutti della medesima qualità. Sulla sua vita, invece, assai poco è il materiale biografico storicamente attendibile: nessun diario, nessuna autobiografia, ma solamente tre testimonianze contemporanee ed una Vita scritta in latino verso il 1420 dal canonico Henricus Pomerius. Questi compose la vita del primo priore di Groenendael per inserirla nella sua opera “De origine monasterii Viridisvallis”, databile tra il 1414 e il 1421, senza però intendere presentarne un profilo storico. Il suo lavoro infatti seguì lo stile agiografico medievale usato per raccontare la vita dei santi, in cui il protagonista è l’uomo perfetto sin dall’infanzia. In giovane età si ritira dal mondo e passa le sue giornate immerso nella contemplazione divina. Non avendo però conosciuto di persona il santo priore, non gli restò che servirsi del materiale fornitogli da due anziani confratelli.L’opera agiografica di Pomerius contribuì a diffondere l’immagine di un santo “estatico”, autore di libri con una dottrina esposta sotto l’illuminazione dello Spirito Santo, che raggiunge talvolta punte di sublimità, con pagine che riecheggiano esperienze di intima vita con Dio Trinità, con Cristo Incarnato e presente nell’Eucaristia.

Giovanni nacque nel 1293 a Ruysbroeck, paesino nella valle della Senna, a sud di Bruxelles. Nulla sappiamo del padre, le fonti antiche parlano soltanto della madre e di uno zio, Giovanni Hinckaert, ricco cappellano della chiesa principale di Bruxelles, dedicata a Santa Gudula. Questi nel 1304 accolse il nipote per fargli frequentare la scuola capitolare, ove Giovanni apprese la lingua latina e studiò per quattro anni grammatica, retorica e dialettica. Appena sedicenne, Giovanni si sarebbe subito consacrato al Signore con la sola ricerca della scienza divina. Ma forse questa informazione non va presa letteralmente, in quanto il biografo intende presentare il santo come colui che non necessita di una lunga formazione umana. Non va perciò escluso anche per Giovanni l’impegno di altri anni di studio, per giungere ad una buona formazione teologica, culturale ed umana. In effetti, però, non risulta che egli abbia frequentato l’Università di Parigi o di Colonia, come molti altri suoi contemporanei, e di conseguenza non conseguì alcun titolo accademico superiore. Egli ostentò comunque un elevato livello culturale: nelle sue opere figurano lunghe traduzioni di testi latini, impensabili senza un’approfondita conoscenza della lingua, forse frutto di studi privati. Probabilmente la stessa scuola capitolare di Bruxelles, in conformità alle disposizioni del III Concilio Lateranense del 1179, si era dotata di un “magister” per la formazione degli aspiranti al sacerdozio.

Il Ruysbroeck ricevette l’ordinazione presbiterale nel 1317, ormai orfano, ma continuava a sentire la madre spiritualmente presente e sua guida nella missione sacerdotale. Per ben venticinque anni fu cappellano a Santa Gudula, ove quotidianamente celebrava l’Eucaristia, partecipava all’Ufficio corale, predicava, catechizzava, si prendeva cura delle persone bisognose di consiglio. Nei Paesi Bassi dilagavano le idee eretiche dei movimenti del “Libero spirito”, dalle quali occorreva porre in guardia gli ignari fedeli che rischiavano di cadere in preda allla confusione ed al disorientamento. Nacquero così nei suoi scritti spirituali importanti passi per controbattere le teorie dei “falsi mistici”, forse anche su richiesta di alcuni suoi amici e figli spirituali.

Queste nuove dottrine da combattere erano contenute negli scritti di una beghina di Bruxelles, Heilwtg Bloemaerts, meglio conosciuta come Bloemardina, ma purtroppo nessuna fonte ha tramandato nulla di certo circa tali scritti. Forse però questi non sono mai esistiti, in quanto Giovanni mai citò la Bloemardina nei suoi libri, neppure indirettamente. Pare dunque probabile che Pomerius si sia confuso con Margarete Porete, morta sul rogo nel 1310: del suo scritto “Speculum simplicium animarum” (Specchio delle anime semplici) circolavano infatti copie nei beghinaggi e la sua peregrina dottrina era assai stimata negli ambienti del “Libero spirito”. Giovanni, che frequentava il beghinaggio di Bruxelles, sembra aver conosciuto e anche letto lo “Speculum della Porete”. Infatti nel suo “Splendore delle Nozze spirituali” si trovano tre capitoli in cui egli espone gli errori, prendendo dura posizione contro chi sosteneva una vita spirituale in assoluta passività: “Costoro credono di essere dei contemplativi; anzi i più santi che ci sono al mondo, invece la via che seguono è totalmente contraria a Dio, ai santi e a tutti i buoni”.

Nei venticinque anni di fedele servizio alla chiesa di Santa Gudula, Giovanni fu sempre semplice cappellano, vivendo ritirato, dedicandosi all’apostolato sacerdotale e componendo ben cinque trattati spirituali. Lo zio, prete mondano ed immerso in molte faccende, nel 1327 si convertì in seguito a una grazia interiore. Si ritirò nella sua casa insieme con Giovanni ed una altro canonico di Santa Gudula, Franco van Coudenberghe. Il rimanere a Bruxelles comportava però per loro il rischio di non poter svincolarsi del tutto da una società clericale di cui vedevano e comprendevano in pieno i difetti e la decadenza morale. Con la testimonianza della vita, con la predicazione, e Giovanni anche con gli scritti, essi avevano accusato il clero della loro Chiesa locale, criticando l’insoddisfacente situazione della diocesi ed auspicando un rinnovamento morale e sociale. Ciò senza dubbio creò loro nemici ed oppositori, quindi dovettero abbandonare Santa Gudula e cercare un altro posto.

La scelta di Groenendael pare fu dovuta ai buoni rapporti di Franco van Coudenberghe con il duca Giovanni III di Brabante. Sin dal 1304 vi esisteva un eremitaggio, poi abbandonato. Il 16 aprile 1343 i tre sacerdoti presero possesso della nuova abitazione ed del terreno circostante. Il duca Giovanni III aveva posto quale condizione di costruirvi una casa per almeno cinque persone, tra cui dei sacerdoti, che s’impegnassero a “celebrare l’Ufficio divino per la lode, la gloria e l’onore dell?onnipotente Dio, della gloriosa Vergine e di tutti i santi”. In tal modo il duca voleva assicurarsi i suffragi per l’anima della sua sposa, Maria d’Evreux, morta nel 1335. L’impegno di celebrare la lode divina corrispondeva pienamente alle intenzioni dei tre preti. Questi non si proponevano una fondazione di tipo monastico, non sentendo il bisogno di avere un superiore, una Regola ed obblighi fissi sigillati con i voti religiosi. Bastava invece loro costruire una cappella, che nel 1345 venne benedetta dal vescovo ausiliare di Cambrat. Franco van Coudenberghe fu nominato parroco. Passarono in tal modo i primi anni e la piccola comunità continuò a vivere con maggiore intensità la vita liturgica iniziata a Bruxelles.

Il loro singolare rifiuto di una forma di consacrazione già determinata dalla Chiesa, era determinato principalmente dal loro desiderio di restare “canonici”, sacerdoti e cantori della lode di Dio. Per mettere a tacere le mormorazioni contro di loro, Franco van Coudenberghe si recò a Cambrai per sottoporre la situazione al giudizio del vescovo. Questi volle fare una visita pastorale a Groenendael, ove decise di trasformare il gruppo in Ordine religioso, sotto la Regola di Sant’Agostino. Il 10 marzo 1350, infatti, Franco e Giovanni ricevettero l’abito dei Canonici Regolari dalle mani del vescovo, con l’obbligo di professare la Regola agostiniana. L’anziano Giovanni Hinckaert, zio del beato, fu esentato, in quanto la sua fragile salute e l’età avanzata non gli avrebbero permesso di condurre la vita austera del religioso. Dopo la vestizione dei fondatori, il vescovo nominò Franco prevosto della comunità, con la piena autorizzazione di ricevere candidati e nuovi confratelli, e Giovanni quale priore.

L’aver accettato sotto ispirazione divina lo stato religioso garantì la sopravvivenza della comunità dopo la morte dei fondatori, infatti da subito si accolsero nuovi aspiranti, ed inoltre permise di erigere a Groenendael un Capitolo di Canonici Regolari, potenziale tessitore di rapporti di reciproca stima con il Capitolo secolare dei canonici di Santa Gudula, facendo così tacere ogni mormorazione. Inoltre, nel 1360 nacque la tradizione che i canonici del Capitolo minore di Bruxelles, di cui Franco van Coudenberghe aveva fatto parte, si recassero ogni anno a Groenendael per cantare insieme la messa e trovarsi poi nel refettorio del monastero per l’agape fraterna.

A Groenendael Giovanni proseguì la sua attività letteraria, scrivendo “sotto l’ispirazione dello Spirito Santo”, come fu convinzione dei contemporanei e confratelli che lo circondavano di sincera ammirazione. L’immagine rimasta impressa nella loro memoria fu incentrata infatti su due qualità: “sanctus”, per il carattere vissuto della sua dottrina mistica di incomparabile sublimità, ed “inspiratus”, per l’influsso divino con il quale si cercò di spiegare il suo insegnamento difficile, per molti addirittura “oscuro”. Per quasi quarant’anni Giovanni fu direttore spirituale, educatore e guida dei confratelli più giovani. Anche i certosini di Hérinnes subirono l’influsso del “santo priore” di Groenendael, ma egli rifiutò la proposta di aderire al loro Ordine per rimanere fedele ai suoi impegni di Canonico Regolare.

Gli ultimi anni di Giovanni trascorsero tranquilli, con una profonda vita di preghiera contemplativa. La sua profonda devozione eucaristica lo portava a celebrare la messa con grande raccoglimento, quasi estaticamente. Ciò fu segnalato al prevosto, con il suggerimento di proibirgli la celebrazione della messa. Ma tutta la sua gioia, tutta la sua felicità, tutta la forza della sua lunga vita era sempre stata l’Eucaristia, ed egli spiegava così i lunghi periodi di raccoglimento in cui talvolta cadeva: “Dio si ricorda di me. Nostro Signore, egli stesso è venuto e si è manifestato a me”. Implorò dunque il superiore di non proibirgli “la celebrazione della messa, nella quale Nostro Signore viene e si fa vedere a me, riempie il mio cuore di gioia e di allegrezza. No, il non dire messa sarebbe troppo penoso per me”.

Giovanni di Ruysbroeck morì il 2 dicembre 1381, dopo circa due settimane di grave malattia, assistito sino all’ultimo momento dai confratelli e dai discepoli, tra i quali un sacerdote amico esperto di medicina. Giovanni aveva 89 anni di età e ben 64 di sacerdozio. La sua beatificazione giunse solo nel 1903 e, nonostante le sue opere gli abbiano meritato i soprannomi di “doctor divinus” e “secondo Dionigi”, è ancor oggi in attesa di canonizzazione.

Autore: Fabio Arduino

SOURCE : http://www.santiebeati.it/dettaglio/91898

Katholische Pfarrkirche St. Johannes der Täufer, ehemalige Kirche des Augustiner-Chorherrenstiftes Kloster Rebdorf, in Rebdorf, einem Stadtteil von Eichstätt (Oberbayern), Wandmalerei von Joseph Dietrich (1696—1745), Darstellung: Jan van Ruysbroek


Den salige Johannes Ruysbroeck (1293-1381)

Minnedag: 2. desember

Den salige Johannes Ruysbroeck (nl: Jan van Ruysbroeck; lat: Ioannes Rusbruochius) [Ruusbroec, Rusbrochius] ble født i 1293 i Ruysbroeck nær Brussel i Brabant i det nåværende Belgia. Det var den gangen en liten landsby og Johannes kom fra beskjedne kår. Ingenting er kjent om hans far, og om moren vet vi bare om hennes godhet og hennes kjærlighet til sønnen.

Den viktigste personen i Johannes' barndom var ikke noen av foreldrene, men hans onkel Johannes Hinckaert, som var sekulær kannik ved kollegiatskirken Sainte-Gudule (St. Gudula) i Brussel. (En kollegiatskirke er en kirke som har kapittel uten å være domkirke). Fra han var elleve år bodde Johannes hos sin onkel og gikk på skole i Brussel. Noen år senere kom hans mor og sluttet seg til dem. Hun ble beginer (béguine) og levde i et béguinage. Beginene var kommuniteter av legkvinner som avla tidsbegrensede løfter.

Kort etter morens død ble den 24-årige Johannes presteviet i 1317. Han ble selv utnevnt til kannik ved Sainte-Gudule. En tid senere ble hans onkel Johannes dypt imponert over en preken han hørte i Sainte-Gudule. Han ga bort alt han ikke trengte og bestemte seg for å leve et liv i kontemplasjon så langt det var forenelig med sine kirkelige plikter. Han fikk følge av en yngre kannik, Franco van Coudenberg, og av Johannes.

De neste 26 årene levde de tre mennene et liv i ekstrem askese, tilbaketrukkethet og kontemplasjon. I denne tiden bekjempet Johannes aktivt kjetteriene og den falske mystisismen til «Brødrene av den frie ånd», og han skrev flere pamfletter hvor han angrep deres lære. Men de følte seg kalt til å vie seg fullstedig til Gud i kontemplasjon, og dette var umulig i byen. Mange av prestene der var forsimplet og verdslige, Johannes hadde fått fiender på grunn av sin kamp mot kjetteriet og Franco hadde vært i konflikt med hertug Johannes III av Brabant.

Med hertugens tillatelse forlot de tre prestene våren 1343 Brussel og trakk seg tilbake til den avsidesliggende eneboerhytten Groenendaal («Den grønne dalen») ved Waterloo sør for Brussel for å leve som eremitter. Hertugen av Brabant ga dem stedet på den betingelse at de ba for hans elskede avdøde hustru. Der bygde de et større kapell og etablerte seg. Men livet var ikke fredelig der heller. De tre tilhørte ingen orden, så de hadde ikke noen beskyttelse mot kritikken fra munker i nærheten og fra kapitlet i Sainte-Gudule. Det var også vanskelig å forholde seg til hertugens jakt og følge, som ofte krevde gjestfrihet fra dem. Men i 1349, da to kanniker til hadde sluttet seg til dem, opprettet Johannes en kommunitet av kontemplative augustinske regelbundne kanniker eller augustinerkorherrer (Ordo Canonicorum Regularium Sancti Augustini – CRSA; konføderasjon fra 1959).

De avla sine løfter til biskopen av Cambrai. Året etter døde kannik Hinckaert. Franco van Coudenberg ble prost for klosteret, mens Johannes ble den første prioren i kommuniteten. Dette var et godt partnerskap, for Franco hadde de administrative evnene til å bygge opp livet i klosteret, mens Johannes hadde en dyp spiritualitet. Han var rolig, tålmodig, lydig og glad i manuelt arbeid, men var temmelig klossete og kanskje en bedre underordnet enn leder.

Johannes pleide å tilbringe timer i skogen som omga klosteret, hvor ingen menneskelig forstyrrelse kom mellom hans øre og Guds stemme. Han gjorde notater på voksede plater og skrev dem ut detaljert og arrangerte dem i sin celle. Han skrev på den lokale Brabant-dialekten av flamsk slik at hans verker både kunne leses av prester og legfolk, og mens noen av skriftene ble oversatt til latin mens han selv levde, synes de å ha sirkulert langsomt. Det var ikke før hundre år senere at hans komplette arbeid ble oversatt av karteusermunken Laurentius Surius og utgitt i Köln.

Johannes' verker er vanskelige å klassifisere. De fleste av hans større verker er udaterte, og det har vært en betydelig debatt blant forskere om når spesielle verker ble skrevet. Han ga ikke bøkene sine noen tittel, så titler som «Boken om elskerne av Guds rike», «Boken om den sprudlende steinen» og «De syv gradene av kjærlighetens stige» er bare oversettelser av titler som opprinnelig ble brukt av tidlige kommentatorer på Brabant-flamsk eller latin.

Johannes var den fremste flamske mystikeren og en av de fremste og mest berømte forfattere av kristen mystikk, alt skrevet på flamsk. Allerede som kannik i Brussel hadde han begynt å skrive mystiske verker, og han utøvde en stor innflytelse på sin samtid, blant annet med «Boken om det åndelige tabernakel» og hovedverket «Det åndelige ekteskaps pryd» (Die Chierheit der gheesteleker brulocht). Han fikk tilnavnene «Doctor divinus»og «den andre Dionysius».

Johannes Ruysbroecks skrifter uttrykker en himmelstrebende tro, ofte i en poetisk form. I likhet med andre mystikere fra samme periode, som Richard Rolle eller Thomas à Kempis, går han i inspirasjon fra vanlig prosa til rytmisk tonefall og noen ganger til rim eller bokstavrim. Likevel skriver han enkelt og ofte på en hverdagslig måte om de store kristne sannheter. Han skriver direkte ut av sin egen erfaring som kontemplativ, uten konsesjoner til akademisk formulering eller litterær presentasjon.

Hans skrifter om Guds absolutte natur, i hvem han så forsonet antitesene evighet og tid, å være og å bli, av konstant bevegelse og fullstendig ro, og om Den hellige Treenighet, var svært forskjellig fra teologien hos de skolerte på 1300-tallet, men de har et klart slektskap med arbeidene til andre mystikere fra samme tid, Richard Rolle, Dame Julian av Norwich og Mester Eckhart.

På grunn av at han ikke brydde seg om akademiske formuleringer, og kanskje fordi han skrev på sin egen dialekt, har noen kommentatorer spekulert i at Johannes var analfabet eller at han ikke kunne latin. Men det finnes beviser i hans skrifter på at han var en kompetent filosof og teolog, godt kjent både med verkene til de samtidige skolastikerne og til dem fra tidligere generasjoner.

Johannes' ry spredte seg, og han fikk besøkende fra hele Europa. Groenendaal ble en skole i hellighet, og hans Devotio moderna skulle øve dyp innflytelse på «Brødrene av det felles liv» og deres grunnlegger Gerard Groote, og gjennom ham nådde innflytelsen De regelbundne kannikene av Windesheim, fremtredende blant dem var Thomas à Kempis og Dionysius Karteuseren. Det er signifikant at Windesheim ikke ble karteusisk eller cisterciensisk, men augustinsk. Senere sluttet Groenendaal-kongregasjonen seg til Windesheim.

I de siste årene av sitt liv var ikke Johannes i stand til å forlate den cellen han delte med prost Franco, som var enda eldre enn ham selv. Han var fysisk svak og nesten blind, men hans åndelige visjon var fortsatt klar. En natt drømte han at hans mor kom til ham og sa at Gud ville kalle ham til seg før advent. Neste dag ba han om å bli brakt til den vanlige sykestuen, hvor han med høy feber forberedte seg på døden med hengivenhet og en urokkelig ånd.

Han døde den 2. desember 1381 i Groenendaal og ble gravlagt der. Snart etter hans død ga de troende ham tilnavnet «den vidunderlige». En gang i året, på den andre søndagen etter pinse, pleide kapitlet i Sainte-Gudule å gå i prosesjon til Groenendaal til ære for Johannes Ruysbroeck. Da klosteret ble nedlagt av Josef II i 1783, ble hans relikvier brakt til Sainte-Gudule i Brussel, bare for å gå tapt i Den franske revolusjon.

Det ble gjort mange forsøk på å få ham saligkåret. Dette kunne ha godt fortere hvis han hadde levd mer i sentrum av den katolske tradisjon og hvis han hadde skrevet på latin i stedet for på sitt morsmål flamsk. Han ble saligkåret først den 9. desember 1908 ved at hans kult ble stadfestet av den hellige pave Pius X (1903-14). Hans minnedag er dødsdagen 2. desember.

Kilder: Attwater/Cumming, Butler (XII), Benedictines, Delaney, Schauber/Schindler, Index99, CE, CSO, Patron Saints SQPN, Infocatho, Bautz, Heiligenlexikon, santiebeati.it, augustiniancanons.org - Kompilasjon og oversettelse: p. Per Einar Odden - Opprettet: 2000-09-01 00:01 - Sist oppdatert: 2006-07-06 11:35

SOURCE : http://www.katolsk.no/biografier/historisk/rusbroch

Oeuvres de RUYSBROECK  l'Admirable. Les six volumes de la traduction du Flamand par les
Bénédictins de Saint-Paul de Wisques. TOME 1 :- Introduction générale aux œuvres de RuysboeckLe miroir du Salut éternelLe livre des sept clôturesLes sept degrés de l'échelle d'amour spirituel. TOME 2 :- Le livre du Royaume des Amants de Dieu, Introduction du tome 2, Chapitres   1 à 12, Chapitres 13 à 24, Chapitres 25 à 36, Chapitres 37 à 43 - Le Livre de la plus haute Vérité. TOME 3 : - L'ornement des noces spirituelles, Introduction. Livre 1Chapitres : 1 à 26. Livre 2 Chapitres : 1 à 20, Chapitres : 21 à 40, Chapitres : 41 à 60, Chapitres : 61 à 77. Livre 3 - La Vie contemplative Chapitres : 1 à 6 - L'anneau ou la pierre brillante Introduction, Chapitres : 1 à 7, Chapitres : 8 à 14. TOME 4 : Le livre du Tabernacle spirituel (1ère partie) Introduction - prologuechapitres 1 à 5chapitres 6 à 10chapitres 11 à 12chapitres 13 à 19chapitres 20 à 29chapitres 30 à 39 - chapitres 40 à 49chapitres 50 à 56. TOME 5 : - Le livre du Tabernacle spirituel (2ème partie). Introduction, Chapitres 57 à 84 - Chapitres 85 à 108 - Chapitres 109 à 117 - Chapitres 118 à 123- Chapitres 124 à 128La Foi chrétienne. TOME 6 :- Le livre des douze béguines. Introduction - Chapitres de 1 à 16- Chapitres de 17 à 28- Chapitres de 29 à 44- Chapitres de 45 à 59 - Chapitres de 60 à 71 - Chapitres de 72 à 78 - Chapitres de 79 à 84 - - Le livre des quatre tentations - - La vie et les miracles du Frère Jean Ruysbroeck :