jeudi 20 février 2014

LETTRE À DIOGNÈTE, EPISTLE TO DIOGNETUS, LETTERA A DIOGNETO



Lettre à Diognète

Tu veux donc savoir, illustre Diognète, quelle est la religion des chrétiens. Je te vois très préoccupé de ce désir. Tu leur demandes publiquement et avec le plus vif intérêt quel est le Dieu sur lequel ils fondent leur espoir, et quel est le culte qu'ils lui rendent ? Qui donc leur fait ainsi mépriser le monde et la mort, et leur inspire cet éloignement pour les fausses divinités des Grecs et pour les pratiques superstitieuses des Juifs ? D'où leur vient cet amour qu'ils ont les uns pour les autres ? Pourquoi ce nouveau culte, ces nouvelles mœurs n'ont-ils paru que de nos jours ?

J'approuve ton désir, Diognète, et je demande à Dieu, qui seul donne la parole et l'intelligence, de mettre dans ma bouche le langage le plus propre à changer ton cœur, et de te faire la grâce de m'écouter, de manière que celui qui te parle n'ait plus à s'affliger de ton sort.


Quand tu seras dégagé de tous les préjugés qui t'assiègent, et libéré du poids des habitudes qui t'égarent et présentent un obstacle à la vérité; enfin quand tu sera devenu un homme nouveau semblable à celui qui vient de naître, puisque de ton aveu la parole que tu vas entendre est nouvelle pour toi, considère des yeux de l'esprit et du corps quelle est la nature et la forme de ceux que tu appelles et que tu crois être des dieux.

 L'un n'est-il pas fait d'une pierre semblable à celles que tu foules aux pieds, l'autre d'un cuivre qui n'a pas plus de valeur que celui dont on fait des récipients pour toute sorte d'utilisations ; celui-ci d'un bois qui se pourrit, celui-là d'un argent qui réclame la surveillance de l'homme par peur des voleurs; quelques uns d'un fer rongé par la rouille, plusieurs d'un argile qui n'a rien de plus remarquable que l'argile qui, par sa forme, sert aux emplois les plus bas ? Enfin ne sont-ils pas tous d'une matière corruptible, façonnée à l'aide du fer et du feu, ou par un sculpteur ou par un forgeron ou par un orfèvre ou par un potier ? Aucun de ces dieux avait-il une forme, une figure, avant de les avoir reçues des mains de l'ouvrier ? Tous les vases faits de la même matière ne peuvent-ils pas à l'instant devenir des dieux, s'il se rencontrent des mains habiles qui leur rendent ce service ; comme aussi les dieux que vous adorez ne peuvent-ils pas à leur tour, s'il plaît à l'ouvrier, devenir des vases semblables à ceux dont nous nous servons tous les jours ? 

 Tous ces dieux ne sont-ils pas sourds, ne sont-ils pas aveugles, inanimés, insensibles, incapables de se mouvoir ? Ne les voit-on pas se pourrir, se corrompre ? Et tels sont les dieux que tu sers, les dieux que tu adores ! Et vous, leurs adorateurs, vous leur devenez entièrement semblables ! Les chrétiens ne vous sont odieux que parce qu'ils refusent de reconnaître de pareilles divinités ; mais vous, qui vous courbez devant elles, ne les traitez-vous pas avec plus de mépris que ne le font les Chrétiens ? Plus que nous vous les raillez, vous les outragez. Celles qui ne sont que d'argile ou de bois, vous vous contentez de les adorer, vous ne leur faites par l'injure de leur donner des gardes ; mais pour les dieux d'argent, vous avez bien soin de les enfermer pendant la nuit, et de les faire surveiller de l'œil pendant le jour, de peur qu'on ne les enlève. 

 Les honneurs que vous leur rendez sont un vrai supplice pour eux, s'ils sont doués de sentiment ; mais s'ils en sont tout à fait privés, vous le faites trop voir par cette odeur de sang et de graisse qui s'exhale dans les sacrifices que vous leur offrez. Qui de vous la supporterait et se laisserait ainsi suffoquer ? Non, certainement, personne, à moins d'y être condamné, n'endurerait ce supplice, parce tout homme est doué de sentiment et de raison. Mais la pierre le subit, parce qu'elle est insensible. Ainsi donc, vous ne voulez laisser aucun doute sur l'insensibilité de vos dieux et voilà une des raisons qui vous empêchent de ramper en esclaves à leurs pieds ! 

 J'en aurais bien d'autres à te donner, mais si celles-ci ne suffisent pas pour te convaincre, toutes celles que je pourrais ajouter deviendraient inutiles.


Je vais maintenant te dire en quoi notre culte diffère de celui des Juifs : c'est encore un point sur lequel tu désires ardemment t'instruire, si je ne me trompe.

 Les Juifs, il est vrai, n'adorent pas ces idoles stupides, ils ne reconnaissent qu'un Dieu, ils le regardent comme le maître, l'arbitre de l'univers. Si cependant ils lui rendent un culte semblable à celui dont nous venons de parler, n'est-il pas évident qu'ils sont dans l'erreur ? Car les offrandes que les Grecs font à leurs dieux sourds et insensibles, offrandes folles et absurdes, les juifs les présentent à ce Dieu unique, s'imaginant qu'il en a besoin. N'est-ce pas de leur part une extravagance plutôt qu'un hommage digne de la majesté divine ? Est-il croyable que celui qui a fait le ciel et la terre et tout ce qu'ils renferment ; que celui qui fournit à tous ce dont nous avons besoin [nos besoins], ait besoin lui-même de ce qu'il accorde à ceux qui ont la prétention de lui en faire une sorte d'aumône ? Or, ceux qui par ce sang, cette fumée des victimes et leurs holocaustes pompeux, s'imaginent offrirent à Dieu des sacrifices qui lui soient agréables et qui l'honorent, et venir au secours de celui qui n'a besoin de rien, en quoi voulez-vous que je les distingue de ceux dont la folie rend avec tant de soin de semblables honneurs à des statues insensibles, qui ne comprennent rien à ces honneurs. [donc la lettre a été écrite avant la destruction du temple, puisque après, les sacrifices sanglants ont cessé].


Te parlerais-je des précautions minutieuses que prennent les Juifs sur le choix des viandes, de leur superstition sur l'observance du sabbat, de leur jactance à cause de leur circoncision, de l'hypocrisie de leurs jeûnes et de leurs cérémonies au retour des nouvelles lunes ; tout cela est si absurde, si peu digne d'être raconté, que tu peux te dispenser de l'apprendre, et je crois pouvoir t'en faire grâce.

Dans cette multitude d'êtres que Dieu a faits pour l'usage de l'homme, admettre les uns comme portant le caractère de la sagesse de leur auteur, rejeter les autres comme inutiles et superflus, n'est-ce pas un crime ?

 Se glorifier de la circoncision comme du sceau de l'élection divine, comme d'un signe qui atteste de la part de Dieu une prédilection toute particulière, n'est-ce pas une folie des plus ridicules ? Que dirai-je de cette attention continuelle à suivre le cours de la lune et des astres pour observer les jours et les mois, arranger à sa manière les plans de la sagesse divine, les révolutions des saisons, distinguer des jours de joie, des jours de deuil ; est-ce faire preuve de piété et non pas de délire ? 

 Je t'en ai dit assez, je pense, pour vous montrer que c'est avec raison que les Chrétiens s'éloignent de l'imposture et de la vanité des idoles, de la superstition et de la jactance des Juifs ; mais le sublime mystère de leur culte tout divin, n'espérez pas l'apprendre d'une bouche mortelle.


Les Chrétiens ne sont distingués du reste des hommes ni par leurs pays, ni par leur langage, ni par leur manière de vivre ; ils n'ont pas d'autres villes que les vôtres, d'autre langage que celui que vous parlez ; rien de singulier dans leurs habitudes ; seulement ils ne se livrent pas à l'étude de vains systèmes, fruit de la curiosité des hommes, et ne s'attachent pas, comme plusieurs, à défendre des doctrines humaines. Répandus, selon qu'il a plu à la Providence, dans des villes grecques ou barbares, ils se conforment, pour le vêtement, pour la nourriture, pour la manière de vivre, aux usages qu'ils trouvent établis ; mais ils placent sous les yeux de tous l'étonnant spectacle de leur vie toute angélique et à peine croyable. 

 Ils habitent leur cités comme étrangers, ils prennent part à tout comme citoyens, ils souffrent tout comme voyageurs. Pour eux, toute région étrangère est une patrie, et toute patrie ici-bas est une région étrangère. Comme les autres, ils se marient, comme les autres, ils ont des enfants, seulement ils ne les abandonnent pas. Ils ont tous une même table, mais pas le même lit. Ils vivent dans la chair et non selon la chair. Ils habitent la terre et leur conversations est dans le ciel. Soumis aux lois établies, ils sont par leurs vies, supérieurs à ces lois. Ils aiment tous les hommes et tous les hommes les persécutent. Sans les connaître, on les condamne. Mis à mort, ils naissent à la vie. Pauvres, ils font des riches. Manquant de tout, ils surabondent. L'opprobre dont on les couvre devient pour eux une source de gloire ; la calomnie qui les déchire dévoile leur innocence. La bouche qui les outrage se voit forcée de les bénir, les injures appellent ensuite les éloges. Irréprochables, ils sont punis comme criminels et au milieu des tourments ils sont dans la joie comme des hommes qui vont à la vie. Les Juifs les regardent comme des étrangers et leur font la guerre. Les Grecs les persécutent, mais ces ennemis si acharnés ne pourraient dire la cause de leur haine.


Pour tout dire, en un mot, les chrétiens sont dans le monde ce que l'âme est dans le corps : l'âme est répandue dans toutes les parties du corps ; les chrétiens sont dans toutes les parties de la Terre ; l'âme habite le corps sans être du corps, les chrétiens sont dans le monde sans être du monde. L'âme, invisible par nature, est placée dans un corps visible qui est sa demeure. Vois les chrétiens pendant leur séjour sur la Terre, mais leur culte qui est tout divin, ne tombe pas sous les yeux. La chair, sans avoir reçue aucun outrage de l'esprit, le déteste et lui fait la guerre, parce qu'il est ennemi des voluptés. Ainsi le monde persécute les chrétiens, dont il n'a pas à se plaindre, parce qu'ils fuient les plaisirs. L'âme aime la chair qui la combat et les membres toujours soulevés contre elle. Ainsi les chrétiens n'ont que de l'amour pour ceux qui ne leur montrent que de la haine. L'âme, enfermée dans le corps, le conserve ; les chrétiens enfermés dans ce monde comme dans une prison, empêchent qu'il ne périsse. L'âme immortelle habite un tabernacle périssable ; les chrétiens, qui attendent la vie incorruptible des cieux, habitent comme des étrangers les demeures corruptibles d'ici-bas. L'âme se fortifie par les jeûnes, les chrétiens se multiplient par les persécutions : le poste que Dieu leur a confié est si glorieux, qu'ils regardent comme un crime de l'abandonner.


Je l'ai déjà dit et je le répète, la parole qu'ils ont reçue n'est pas une invention de la terre. Elle n'est pas un mensonge des mortels la doctrine qu'ils se font un devoir de conserver avec soin. Enfin le mystère confié à leur foi n'a rien de commun avec ceux de la sagesse humaine. 

Dieu lui-même, le tout-puissant, le créateur de toutes choses, a fait descendre du ciel sur la Terre la vérité, c'est à dire son Verbe saint et incompréhensible. Il a voulu que le cœur de l'homme fût à jamais sa demeure. Ce n'est donc pas, comme quelques-uns pourraient le croire, un ministre du Très Haut qui nous a été envoyé, un ange, un archange, un des esprits qui veillent sur la conduite du monde, ou qui président au gouvernement des cieux. Celui qui est venu vers nous est l'auteur, le créateur du monde, par qui Dieu le Père a fait les cieux, a donné des limites à la mer; c'est lui à qui obéissent et le soleil, dont il a tracé la route dans les cieux avec ordre de la parcourir chaque jour sans sortir de la ligne tracée, et la Lune qui doit prêter son flambeau à la nuit, et les astres qui suivent son cours ; enfin c'est lui qui a tout disposé avec ordre et tout circonscrit dans de justes limites ; à qui tout est soumis, les cieux et tout ce qui est dans les cieux, le Terre et tout ce qui est sur la Terre, la mer et tout ce qui est au sein de la mer, le feu, l'air, les abîmes, les hauteurs du ciel, les profondeurs de la Terre, les régions placées entre la terre et les cieux ; voilà celui que Dieu nous a envoyé, non comme un conquérant chargé de semer la terreur et d'exercer partout un tyrannique empire, ainsi que quelques-uns pourraient le croire. Non, il l'a envoyé comme un roi envoie son fils, lui donnant pour cortège la douceur et la clémence ; il a envoyé ce fils comme étant Dieu lui-même ; il l'a envoyé comme à de faibles mortels ; il l'a envoyé en père qui veut les sauver, qui ne réclame que leur soumission, qui ne connaît pas la violence, la violence n'est pas en Dieu ; il l'a envoyé comme un ami qui appelle et non comme un persécuteur ; il l'a envoyé n'écoutant que l'amour ; il l'enverra comme juge et qui soutiendra cet avènement ?

Ne vois-tu pas que l'on jette les chrétiens aux bêtes féroces ? On voudrait en faire des apostats ; vois s'ils se laissent vaincre ! Plus on fait de martyres, plus on fait de chrétiens. Cette force ne vient pas de l'homme ; le doigt de Dieu est là ; tout ici proclame son avènement.

8 

qui des hommes savait ce que c'est que Dieu avant qu'il vînt lui-même nous l'apprendre ? Sont-ce tes philosophes ? Assurément, ils sont bien dignes de foi ! Approuves-tu leurs opinions si vaines et si ridicules ? Selon ceux-ci, Dieu, c'est le feu. Ils ont appelé Dieu ce feu qu'ils doivent retrouver après cette vie. Selon ceux-là, c'est l'eau, ou quelque autre des substances que Dieu a créées. Admets tous ces beaux systèmes et il te faudra dire de toute créature qu'elle est Dieu. Mais tout ce langage n'est que mensonge, et mensonge monstrueux, imposture de charlatans. Aucun mortel n'a vu Dieu, aucun mortel n'a donc pu le connaître. Il s'est manifesté lui-même ; il se manifeste encore par la foi ; à la foi seule est donnée le privilège de le voir. 

 Le maître, le créateur de toutes choses, le Dieu qui a tout fait et tout disposé avec tant d'ordre et de sagesse, est rempli pour les hommes, non seulement d'amour, mais de patience. Il a toujours été ce qu'il est et sera toujours, c'est à dire bon, miséricordieux, plein de douceur, fidèle en ses promesses, seul bon. Il a conçu de toute éternité un dessein aussi grand qu'ineffable, et ne l'a confié qu'à son fils ; tandis qu'il tenait caché sous un voile mystérieux ce conseil de sa sagesse, il semblait négliger les hommes et ne prendre aucun soin de sa créature ; mais quand il eut révélé et mis au grand jour, par son fils bien-aimé, le mystère qu'il avait préparé avant les siècles, alors tout s'est expliqué pour nous, et nous avons pu jouir de ses bienfaits, et voir ce qu'il était. Qui de nous se serait attendu à tant d'amour ? Ainsi donc tout était caché en Dieu, Dieu seul savait tout avec son fils, à la faveur de son infinie sagesse.


S'il a permis que l'homme, jusqu'à ces derniers temps, suivît à son gré ses désirs corrompus et se laissât emporter à travers tous les désordres, par les voluptés et par les passions, ce n'est pas qu'il approuvât le crime, seulement il le tolérait ; non, il n'approuvait pas ce règne de l'iniquité ; il préparait, au contraire, dans les cœurs, celui de la justice. Il voulait nous laisser le temps de nous convaincre, par nos propres œuvres, combien nous étions indignes de la vie avant que sa bonté daignât nous l'accorder. Il nous fallait en effet reconnaître que, par nous-mêmes, nous ne pouvions pas parvenir au royaume de Dieu avant que Dieu vînt nous en offrir les moyens. 

 Lors donc que notre malice fut montée à son comble, qu'il fut démontré que nous n'étions dignes que de châtiment, et que nous n'avions plus que la mort en perspective, arriva le temps que Dieu avait marqué pour signaler tout à la fois sa bonté et sa puissance, et montrer que son immense amour pour l'homme ne laissait aucune place à la haine ; qu'il était loin de nous avoir rejetés ; qu'ils ne se souvenait plus de nos iniquités ; qu'il les avait souffertes et supportées avec patience, alors qu'a-t-il fait ? Il a pris sur lui nos péchés ; il a fait de son propre fils le prix de notre rançon, substituant le saint, le juste, l'innocent, l'incorruptible, l'immortel, à la place de l'homme pécheur, inique, pervers, sujet à la corruption, dévoué à la mort. Qui pouvait couvrir nos crimes, sinon sa sainteté ? Par quel autre que par le fils de Dieu, l'homme injuste pouvait-il être justifié ? O doux échange ! O artifice impénétrable de la sagesse divine ! O bienfait qui surpasse toute attente ! L'iniquité de tous est ensevelie dans la justice d'un seul, et la justice d'un seul fait que tous sont justifiés ! 

Quand il eut, par les temps écoulés, convaincu notre nature de son impuissance pour s'élever à la vie, il nous a montré le Sauveur, qui seul peut préserver de la mort ce qui périssait sans lui. Par ce double exemple du passé et du présent, il a voulu que nous eussions foi en sa bonté et que désormais l'homme le regardât comme un père qui le nourrit, comme un maître qui le conseille, comme un médecin qui le guérit ; que dirai-je encore ! Comme son intelligence, sa lumière, son honneur, sa gloire, sa force, sa vie, et qu'il cessât de s'inquiéter du vêtement et de la nourriture.

10 

Si donc, ô Diognète, tu désires ardemment le don de la foi, tu l'obtiendra. D'abord, tu connaîtras Dieu le père : vois comme il a aimé l'homme ; c'est pour lui qu'il a créé le monde ; il a placé sous sa dépendance tout ce que le monde renferme ; il lui a donné l'intelligence et la raison. C'est à l'homme seul qu'il a permis de regarder le ciel ; il l'a formé à son image ; il lui a envoyé son fils unique ; il lui promet son royaume ; il le donnera à ceux qui lui rendront amour pour amour. O quelle joie sera la tienne quand tu le connaîtras ! Combien tu aimeras celui qui, le premier, t'a tant aimé ? Une fois touché de son amour, tu chercheras à l'imiter, à retracer sa bonté. Quoi ! L'homme pourrait imiter Dieu ! Quel langage ! Cesse de t'étonner, l'homme le peut, puisque Dieu le veut. 

Faire peser sur ses semblables le joug de la tyrannie, se croire d'une condition meilleure que ceux qu'on opprime, étaler le faste de l'opulence, écraser le faible, tout cela ne fait pas le bonheur ; aussi n'est-ce pas en cela que l'homme peut imiter son Dieu, car aucun de ces traits ne caractérise la majesté divine ; mais prendre sur soi le fardeau du malheureux, du lieu élevé où le ciel nous a placés, répandre des bienfaits sur ceux qui se trouvent au dessous de nous, regarder les richesses comme des dons que Dieu fait passer par nos mains pour arriver à l'indigent, c'est devenir le Dieu de ceux qu'on soulage, c'est imiter Dieu lui-même. Alors en passant sur la Terre, vous comprendrez qu'il est au ciel un Dieu qui tient les rênes du monde et qui le gouverne comme un empire. 

Les Mystères de Dieu se dévoileront à tes yeux, tu en parleras le langage, tu aimeras, tu admireras ces hommes que l'on opprime, parce qu'ils ne veulent pas renoncer à ce Dieu. Tu condamneras l'erreur et l'imposture du monde, lorsque tu auras appris à vivre pour le ciel, et à mépriser ce que l'on nomme la mort. Tu ne redouteras qu'une seule mort, la véritable mort, celle qui est réservée aux pécheurs condamnés à des feux éternels qui seront à jamais leur supplice. Oui, tu admireras ces hommes qui endurent ici-bas les tourments du feu pour la justice, et tu proclameras leur bonheur quand tu connaîtra ce feu éternel auquel ils ont échappé.

11 

Ce que je te dis est l'expression véritable de notre foi, c'est le langage même de la raison. Disciple des apôtres, je suis devenu le docteur des nations ; la parole de vérité que j'ai reçue, je la transmets à ceux qui se montrent dignes de la recevoir. Quel homme bien préparé par les premiers éléments de la foi ne s'empresse de s'instruire de toutes les vérités que le Verbe expliquait clairement lui-même aux disciples qui eurent l'avantage de le voir. Il parlait librement, s'inquiétant peu des incrédules qui ne le comprenaient pas ; mais les mêmes choses, il les développait ensuite à ses disciples ; et c'est ainsi que ceux qu'il jugeait fidèles connurent les secrets de son Père. Le Père envoya son Verbe pour qu'il fût connu des hommes ; rejeté par son peuple, il a été prêché par les apôtres et cru des nations. C'est lui qui était dès le commencement, et qui a paru dans les derniers temps, toujours nouveau, parce qu'il naît tous les jours dans le cœur des justes. Il est aujourd'hui ce qu'il a toujours été, le fils de Dieu ; par lui, l'Eglise ne cesse de s'enrichir ; sa grâce se répand, reçoit sans cesse par ses saints de nouveaux accroissements, communiquant partout l'intelligence, dévoilant les mystères, annonçant la fin des temps, heureuse de ceux qui sont fidèles, prompte à se donner à ceux qui cherchent, mais dont la curiosité ne force pas les barrières de la foi, et respecte les bornes qu'ont respectées nos pères.
La loi de crainte est abolie, la loi de grâce annoncée par les prophètes est connue, la foi des saints Evangiles est affermie, la tradition des apôtres conservée, et la grâce qui soutient l'Eglise triomphe. Ah ! Cette grâce qui vous parle, ne l'attriste pas, ô Diognète, et tu connaîtras la vérité que le Verbe communique aux hommes quand il veut et par les organes qu'il lui plait de choisir. Il nous ordonne, il nous presse de parler, sa voix réclame nos travaux, et l'amour nous porte à vous communiquer ce que nous avons reçu.

12 

Recueille soigneusement, médite avec attention ces vérités, et tu sauras de quels bien Dieu comble ceux qui l'aiment. Ton âme sera comme un paradis de délices, comme un arbre fécond qui se couvre d'un riche feuillage, qui porte toute sorte de fruits : ces fruits seront ta parure, tu les produira en toi-même. 

 Dans le paradis terrestre, furent plantés l'arbre de la science et l'arbre de la vie ; car ce n'est pas la science qui fait mourir, mais la désobéissance. Il n'y a pas d'obscurité dans ces paroles de l'Ecriture : "Dieu planta au commencement l'arbre de vie au milieu du paradis terrestre", nous montrant la science comme chemin de la vie. Nos premiers parents en furent dépouillés par l'imposture du serpent pour n'en avoir pas bien usé. Il n'y a pas de vie sans la science, et il n'y a pas de science certaine sans la vraie vie. Aussi ces deux arbres furent-ils placés près l'un de l'autre dans le paradis. L'apôtre l'avait bien compris, et voilà pourquoi, blâmant la science qui veut régler la vie sans la parole de vérité, il dit : "la science enfle, mais la charité édifie". En effet, celui qui croit savoir quelque chose sans la science véritable à laquelle la vie rend témoignage, celui-là s'abuse, il ne sait rien, le serpent le trompe, il n'aime pas la vie, mais celui qui fait marcher la crainte avec la science et cherche la vie, plante au sein de l'espérance et peut se promettre des fruits. Que cette science soit au fond de ton cœur, que la parole de vérité soit ta vie, tu seras un arbre fertile, tu ne cesseras de produire les fruits que demande le Seigneur, fruits heureux que n'atteint pas le souffle du serpent et que ne peut corrompre son imposture. 

 Une autre Eve n'a pas participé à la corruption ; vierge, elle a notre foi ; le salut du monde a paru, l'intelligence est donnée aux apôtres, la pâque du Seigneur s'accomplit, le chœur des élus se forme, l'ordre du monde se rétablit, le Verbe enfante des saints et triomphe ; par lui, Dieu le père est glorifié. Gloire lui soit rendue dans tous les siècles. 

     [Fin de la lettre à Diognète].


Traduction de M. de Genoude, éditée à Paris, chez SAPIA, libraire éditeur, rues de Sèvres 16,et du Doyenné 12. Traduction adaptée par JesusMarie.com. Fichier placé sous licence creative commons, Paris, 11 septembre 2010. 

col. 1366 début

DIOGNETE (Epître à).



I. TRADITION.


La célébrité, pour ne pas dire la popularité, de l’Epître à Diognète ne remonte pas au-delà de l’édition princeps qu’Henri Estienne en a donnée, Paris, 1592. 

Ni l’antiquité chrétienne ni le moyen âge n’ont parlé de l’Epître à Diognète. 

On ne l’a retrouvée que dans un seul et unique manuscrit, le Cod. Argentorat., 9. Manuscrit du XIIIe ou du XIVe siècle, qui probablement reproduisait un texte du VIIe et qui, passé des mains de Jean Reuchlin vers 1560 dans l’abbaye de Munster en Alsace, puis entre 1793 et 1975, dans la bibliothèque de Strasbourg, a péri du fait du bombardement de cette ville, le 24 août 1870. 

Il nous en reste présentement deux copies, prises sur l’original : 

l’une, en 1579, par M. Bern. Hausius, et qui se conserve à la bibliothèque de Tubingue, M. b. 17 ; 

l’autre, par Estienne lui-même, un peu à la hâte, en 1586, et que possède aujourd’hui la bibliothèque de Leyde, col.1366 fin/ col.1367 début Cod. Voss. Gr. 30. 

Une troisième copie plus exacte prise par Beurer entre 1587 et 1591, a malheureusement disparu. H. Kihn, Der Ursprung der Briefes an Diognet, Fribourg, 1882, p. 35 sq. ; Ad. Harnack, Geschichte der altchristl. Litt., t. I, 2, p. 757-758.




Un païen du nom de Diognète, grand personnage, a prié l’un de ses amis, un chrétien, de l’éclairer sur l’origine, sur le caractère particulier et l’efficacité du christianisme, sur la raison enfin de son avènement tardif parmi les hommes, c. I.

L’auteur de la lettre commence donc par prendre à partie tour à tour le paganisme et le judaïsme, par réfuter l’idolâtrie ou plutôt la forme la plus grossière de l’idolâtrie, le fétichisme, c. II, et les superstitions rabbiniques qui peu à peu ont dénaturé la loi de Moïse et institué un culte purement extérieur, indigne de Dieu, c. III-IV.

Après quoi, l’auteur, abordant la deuxième question de Diognète, sans avoir encore épuisé la première, trace un tableau exquis de la vie des chrétiens de son temps, c. V, et fait ressortir, dans une comparaison restée justement célèbre, le rôle de la religion nouvelle : "Ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde" c. VI.

Une fois l’effet constaté, notre auteur en montre la cause. 

L’intervention divine peut seule expliquer une si prodigieuse transformation des mœurs. Le christianisme n’est pas une invention humaine ; il est d’origine divine. 

Dieu a député son Fils vers les hommes, " comme un ministre de clémence et de douceur, " pour les sauver. La mort héroïque des martyrs et la rapide propagation du christianisme attestent une puissance surnaturelle, la présence du Fils de Dieu parmi nous, c. VII-VIII, 6.

Vient ici la réponse, une réponse incomplète toutefois, à la troisième question de Diognète : Pourquoi Dieu a-t-il différé si longtemps notre rédemption ? Pourquoi a-t-il laissé le genre humain plongé dans l’erreur et dans le vice tant de siècles durant ? C’est qu’il voulait nous faire sentir notre profonde misère et le besoin indispensable que nous avions de son secours, c. VIII, 7-IX.

Enfin, après avoir exhorté Diognète à embrasser la foi, l’auteur énumère les avantages spirituels qui en découleront pour lui, notamment la charité envers le prochain et la ressemblance avec Dieu même, c. X.

Dans les deux derniers chapitres par où se termine la lettre sous sa forme actuelle, l’auteur déclare à son ami qu’il n’a fait que lui transmettre l’enseignement des apôtres, dont lui-même a été le disciple.




Mais la plupart des critiques modernes ont signalé entre ces deux derniers chapitres et ce qui précède une différence assez forte pour qu’ils aient cru devoir les rejeter comme apocryphes.

Le sujet de la Lettre, tel que les premiers mots de l’auteur l’exposent et le limitent, est en effet épuisé avec le chapitre X. De là aux chapitres XI et XII, point de transition naturelle. Aussi le manuscrit de Strasbourg offrait-il à cet endroit même une lacune, et, non pas, selon toute apparence, une lacune de quelques mots. Ici et là d’ailleurs, style, cadre, idées, tout est contraste. La langue des chapitres I-X, énergique et vivante, ne laisse pas d’être à la fois simple et translucide ; les chapitres XI-XII respirent la recherche et l’afféterie, l’expression a quelque chose de vague et de pénible.

Notre Lettre, chapitres I-X, n’est qu’une réponse à des questions déterminées et précises ; l’auteur des chapitres XI-XII se donne pour " un disciple des apôtres et un docteur des gentils." 

Les chapitres I-X ne s’adressent qu’au seul Diognète et ne se servent en conséquence que du singulier ; les chapitres XI-XII, au contraire, s’adressent en général à tous ceux " qui veulent être disciples de la vérité ", et se servent, tantôt du singulier, chapitre XI, 7 ; chapitre XII, 7, 8, tantôt du pluriel, chapitre XI, 8 ; chapitres XII, 1. Les chapitres XI-XII portent avec eux une date plus rapprochée de nous. Témoins l’emploi à peu près exclusif du col.1367 fin / col.1368 début  terme de Logos ; tandis que les chapitres I-X, sauf néanmoins le chapitre VII, 2, parlent du Fils de Dieu ; l’attribution à saint Paul du titre d’apôtre par excellence, ? ?????????, une certaine couleur gnostique partout répandue ; le caractère semi-poétique du morceau, qui décèle un fragment d’homélie. 

Bardenhewer, Geschichte der altkirchl. Literatur, t. I, p. 295, etc.

Il paraît donc hors de doute que ces chapitres XI-XII ne dépendaient pas originairement de l’Epître à Diognète. M. Bunsen, Hippolytus und seine Zeit, Leipzig, 1852, t. I, p. 137, les avait attribués à saint Hippolyte ; de nos jours, M. Draeseke, Zeitschrit fur wissenschaft. Theologie, 1902, t. XLV, p. 275 sq., et Bonwetsch, Götting. Nachr. phil. hist. Klasse, 1902, p. 621-634, ont fait revivre les conclusions de Bunsen un peu oubliées ; M. Harnack y a souscrit, Die Chronologie, t. II, p. 232 sq. ; M. di Pauli enfin, Theol. Quartalschrift, 1906, t. LXXXVIII, p. 28-36, s’y rallie décidément et tient les chapitres XI-XII pour l’époque des Philosophumena, pour un épilogue écrit afin d’être prononcé.




Auteur.

l’Epître à Diognète, dans le Cod. Argentorat. 9, était annexé aux œuvres de saint Justin ou plutôt à quatre écrits pseudo-justiniens, et portait le nom du philosophe martyr. Sur la foi du manuscrit de Strasbourg, Henri Estienne, le premier éditeur de notre Epître, lui conserva le nom de saint Justin et ne trouva pas, un siècle durant, de contradicteurs. Le judicieux Tillemont, Mémoires, 2e édit. Paris, 1701, t. II, p. 372 ; cf. p. 494, rejeta le premier, en 1691, le témoignage du manuscrit. 

Et, de fait, sans parler de la différence de style qui est fort sensible, le saisissant contraste des idées de l’auteur de notre Epître avec les idées de Justin ne permet pas de les confondre ensemble. 

L’opinion qui voyait dans la Lettre à Diognète l’œuvre de saint Justin, est donc aujourd’hui abandonnée.

Mais, sur le nom du véritable auteur, nul accord entre les critiques, et nulle chance d’accord. Tandis que M. Bunsen, op. cit., et M. Draeseke, Der Brief an Diognet, Leipzig, 1881, pour avoir aperçu dans notre Lettre un reflet du gnosticisme, l’attribuent, celui-là à Marcion, celui-là au marcionite Apelles, concluant tous les deux, en dépit de la logique, a posse ad esse ; M. l’abbé Doulcet, Revue des questions historiques, 1880, t. XXVIII, p. 601-602 ; Annales de philosophie chrétienne, 1880, p. 477-480, 555-567, y reconnaît la main du philosophe Aristide. Conjecture assurément ingénieuse, que M. Kihn, Der Ursprung des Briefes an Diognet, Fribourg, 1882, et M. Krüger, Zeitschrift für wissenchaftt. Theologie, 1894, t. XXXVII, p. 206-223, ont accueillie l’un et l’autre, ce dernier toutefois sauf à se rétracter, Nachträge, p. 20 et qui, à défaut de preuves décisives, se recommande du moins de quelques analogies entre notre Epître et l’ouvrage du philosophe athénien. Ici, on ne sort pas en définitive du champ des hypothèses.

Destinataire.

Pas plus que le nom de l’auteur, celui du destinataire de la Lettre n’est encore découvert, et ne le sera très probablement jamais. Il se peut que le destinataire soit, comme Bunsen l’a pensé après le P. Halloix (1631), le philosophe stoïcien Diognète, un des précepteurs de Marc-Aurèle ; ou bien, selon Kihn, qui fait du nom de Diognète un titre d’honneur, l’empereur Adrien lui-même. Mais rien de plus, que des peut-être.

Date entre l'an 150 et l'an 200 après JC.

La critique est unanime à repousser l’étrange fantaisie de M. Donaldson, A critical history of Christian Litterature, 1866, t. II, p. 126 sq., qui tient notre Lettre pour une œuvre de la Renaissance, comme aussi la thèse de M. Overbeck, Ueber den pseudojustin. Brief an Diognet, 1872, dans Studien zur Geschichte der alten Kirche, 1875, t. I, p. 1-92, qui assigne à notre Lettre une date postérieure à Constantin. Tillemont, qui en recule la composition avant la ruine du temple de Jérusalem en l’année 70, ne trouve plus de partisans. Il est donc sans conteste aujourd’hui que l’auteur a vécu dans le IIe ou le IIIe siècle. Mais, dans ces limites, faute de critères extrinsèques et décisifs, il y a toujours divergence d’opinions. D’après M. Harnack, Die Chronologie der altchristl. Literatur, 1897, t. I, p. 514-515, notre Epître daterait du IIIe siècle, peut-être de la fin du IIe. M. Kihn, Theol. Quartalschrift, 1902, t. XXXIV, p. 495-498, fait ressortir le parallélisme du c. X, 3-6 de l’Epître et du dernier chapitre des Philosophumena, P. G., t. XVI, col. 3454, pour remonter aux environs de l’an 230. Selon M. Bardenhewer, Geschichte der atkirchl. Literatur, t. I, p. 157, c’est bien également un travail du IIe siècle que dénotent la " nouveauté " du christianisme et la description de la vie des chrétiens entre les violences des païens et la haine perfide des Juifs.




L’Epître à Diognète, avec la simplicité et la précision de son style, la netteté de son exposition, sa méthode dans la structure du discours et l’arrangement des matières, se rattache visiblement au genre apologétique. Elle va d’abord à réfuter tour à tour, au nom du sens commun, le paganisme ou plutôt le fétichisme et les superpositions du rabbinisme judaïque ; puis, des croyances et des mœurs des chrétiens elle fait ressortir la divinité du christianisme. L’intention apologétique en est donc l’essentiel. Mais nul recours aux miracles, sauf toutefois celui de la transformation des mœurs par la vraie religion et celui de la constance des martyrs ; nul recours aux prophéties.

C’est à la supériorité de la morale évangélique et à son rôle dans le monde, que l’auteur en appelle ; c’est de l’antithèse entre la vie chrétienne et la vie païenne que la grande preuve de la divinité du christianisme jaillit.

L’auteur en même temps reconnaît et relève l’importance voire la nécessité, d’une bonne disposition de l’âme en fait d’apologétique ; impossible, sans être devenu d’abord un homme nouveau, d’apprécier l’excellence du christianisme, chapitres I et II.

On retrouve sous la plume de l’auteur inconnu, sinon à coup sûr tous les articles de son symbole, du plusieurs vérités capitales de l’ordre surnaturel et chrétien.

Notre Lettre atteste, entre autres : 

la nécessité de la révélation et de la foi pour connaître Dieu, c. V et VIII et IX, 

ceux de l’éternité des peines de l’enfer, c. X, 7, 8, et de la justification ; 

bien que deux ou trois expressions, c. IX, 4, 5, semblent indiquer une justice imputative, on ne saurait douter que l’Epître n’enseigne une justice intérieure et réelle, c. VII, 2 ; X, 2-6. 

L’auteur admet aussi, contrairement à saint Justin l’immortalité naturelle de l’âme, c. VI, 2-9 ; X, 2.



Dans la collection Sources Chrétiennes (éditions du Cerf, Paris) le volume N°33 bis, est consacré à la lettre à Diognète. La lettre elle-même ne fait que 13 pages [elle faisait 11 pages dans la traductionde l'abbé de Genoude au XIXème siècle, le volume vendu par les éditions du Cerf comporte 302 pages.

P. G., t. II, col. 1167-1186 ; 

von Gebhardt et Harnack, Patrum apostolicorum Opera, Leipzig, 1878, t. I, 2, p. 142-164 ; 

Funk, Patres apostolici, Tubingue, 1901, t. I, p. 390-413.

H. Doulcet, dans la Revue des questions historiques, 1880, t. XXVIII, p. 601-612, et dans le Bulletin critique, 15 décembre 1882 ; 

J. Draeseke, Der Brief an Diognetos, Leipzig, 1881 ; 

H. Kihn, Der Ursprung des Briefes an Diognet, Fribourg, 1882 ; 

G. Krueger, dans Zeitschrift für wissench. Theologie, 1894, t. XXXVII, p. 206-223 ; Geschichte der altchristl. Litteratur, Nachträge, Fribourg, 1897, p. 20 ; 

R. Seeberg, dans Forschungen, de Zahn, 1893, t. V, p. 240 sq. ; 

Bardenhewer, Geschichte der altkirchl. Litteratur, t. I, p. 290-299 ; Les Pères de L’Eglise, nouv. édit. franç., Paris, 1905, t. I, p. 151-158 ; 

Harnack, Geschichte der altchr. Litteratur, t. II, p. 757-758 ; Die Chronologie, p. 513-515 ; 

Funk, Patres apostolici, p. CXIII-CXXII.

P. GODET.


Retour à Diognète

Échos de l’agora D’Antoine Courban

La Lettre à Diognète est un des documents les plus étonnants de la littérature chrétienne du IIe siècle de notre ère. Ce texte, dont on connaissait de rares extraits, fut découvert par hasard au XVIe siècle. La critique la plus sévère a démontré son authenticité et contribué largement à étendre sa popularité. Ce document fut probablement écrit par un chrétien anonyme de Syrie à l’adresse d’un correspondant païen désireux de s’informer sur cette « nouvelle superstition », comme on disait à l’époque.


Il serait bon, dans cet Orient agité par la propagande sur la « protection des minorités » et les « droits des minorités », de revenir deux mille ans en arrière pour essayer de comprendre comment la « minorité » des temps apostoliques se percevait elle-même quant à son échelle des valeurs, ses traits distinctifs ; mais surtout quant au sens de sa présence au milieu d’une « majorité » ignorante de cette nouvelle religion et qui, par ailleurs, lui était hostile. On rappellera que les premiers siècles du christianisme, du moins jusqu’à Constantin Ier, furent ceux des pires persécutions. 

La Lettre est rédigée dans un style fluide, avec une grande aisance. Elle reflète, à chaque ligne, l’absence de peur, un esprit vif, libre et critique, ayant une grande confiance en soi. À l’époque, les chrétiens ne bénéficiaient pas de la protection d’un puissant dictateur et ne se voyaient pas comme des privilégiés à l’ombre protectrice d’un empire ennemi de Rome. Ce citoyen chrétien se moque, dans des tournures exquises et pleines de bons sens, de l’idolâtrie et du fétichisme du paganisme ambiant ainsi que des observances pharisaïques du judaïsme de son temps. Parlant des offrandes faites aux idoles ou au Dieu unique, il écrit : « Est-il croyable (...) que celui qui fournit à tous ce dont ils ont besoin ait besoin lui-même de ce qu’il accorde à ceux qui ont la prétention de lui en faire une sorte d’aumône ? » 

Évoquant les interdits alimentaires, il prend à témoin Diognète : « Dans cette multitude d’êtres que Dieu a faits pour l’usage de l’homme, admettre les uns comme portant le caractère de la sagesse de leur auteur, rejeter les autres comme inutiles et superflus, n’est-ce pas un crime ? » 

Il rejette catégoriquement tout signe extérieur distinctif, comme la circoncision, qui attesterait de la part de Dieu « une prédilection particulière » et serait « comme un sceau de l’élection divine ». « N’est-ce pas une folie des plus ridicules ? » demande-t-il. Usant d’une image demeurée célèbre, il fait ressortir la raison d’être des chrétiens dans leurs sociétés respectives : « Ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. » Une telle affirmation, dans le contexte de son temps, est une démarche téméraire. Et, pourtant, l’auteur dit ce qu’il pense en toute liberté, confiance et sérénité.

C’est alors que ce chrétien anonyme, vivant au milieu d’une majorité hostile, livre le fond de sa pensée à son interlocuteur païen. « Les chrétiens ne sont distingués du reste des hommes ni par leurs pays, ni par leur langage, ni par leur manière de vivre ; ils n’ont pas d’autres villes que les vôtres, d’autre langage que celui que vous parlez ; rien de singulier dans leurs habitudes. » Indifférents aux narcissismes des petites différences, selon l’expression de Freud, ces chrétiens de la Lettre sont « répandus ... dans des villes grecques ou barbares ». Où qu’ils demeurent, « ils se conforment, pour le vêtement, la nourriture, la manière de vivre, aux usages qu’ils trouvent établis ; mais ils placent sous les yeux de tous l’étonnant spectacle de leur vie à peine croyable ». Par là, l’auteur entend l’exigence éthique qui fait qu’une certaine échelle de valeurs, fondée sur le sens de l’assemblée et la solidarité de tous, confère au groupe chrétien son originalité. « Ils habitent leur cités comme étrangers, ils prennent part à tout comme citoyens ... Comme les autres, ils se marient, comme les autres, ils ont des enfants, seulement ils ne les abandonnent pas. Ils ont tous une même table, mais pas le même lit. Ils vivent dans la chair et non selon la chair. Soumis aux lois établies, ils sont, par leurs vies, supérieurs à ces lois. Ils aiment tous les hommes et tous les hommes les persécutent... L’opprobre dont on les couvre devient pour eux une source de gloire... La bouche qui les outrage se voit forcée de les bénir. » 

Avec une grande sérénité, l’auteur évoque les persécutions : « Ne vois-tu pas que l’on jette les chrétiens aux bêtes féroces ?... Plus on fait de martyrs, plus on fait de chrétiens. » Certes, on ne peut pas exiger de tout un chacun, aujourd’hui, de faire preuve de la même ténacité dans le courage, mais le texte de la Lettre nous révèle la quintessence de la présence chrétienne au sein d’un monde hostile. Le christianisme que révèle la Lettre est d’abord une disposition morale ouverte sur l’autre, sur tous les autres. Le groupe chrétien, en ces temps reculés, n’est pas une minorité hallucinée par l’obsession identitaire et uniquement préoccupée par les miettes de pouvoir que les puissants de la majorité pourraient accorder. De plus, le fait d’être persécutés n’amène pas les chrétiens à se recroqueviller sur eux-mêmes en tremblant de peur. Si les chrétiens sont, comme le dit la Lettre, l’âme de leur société, alors leur unique préoccupation est de maintenir la cohésion du corps en question, de tout mettre en œuvre pour que toutes ses composantes s’articulent harmonieusement pour le bien commun.

Le retour à Diognète signifie alors, dans l’Orient d’aujourd’hui, que la présence chrétienne est avant tout un message courageux du bon sens, d’une culture de paix et du « vivre-ensemble » comme individus, citoyens de différentes patries, et non comme groupes identitaires. La Lettre à Diognète est probablement aujourd’hui le meilleur texte que les chrétientés orientales pourraient méditer.

SOURCE : http://www.lorientlejour.com/article/813712/retour-a-diognete.html

The Epistle of Mathetes to Diognetus

Chapter 1. Occasion of the epistle

Most excellent Diognetus: I can see that you deeply desire to learn how Christians worship their God. You have so carefully and earnestly asked your questions about them: What is it about the God they believe in, and the form of religion they observe, that lets them look down upon the world and despise death? Why do they reject the Greek gods and the Jewish superstitions alike? What about the affection they all have for each other? And why has this new group and their practices come to life only now, and not long ago?

I cordially welcome this desire of yours, and I implore God, who enables us both to speak and to hear, to grant to me so to speak, that, above all, I may hear you have been edified, and to you so to hear, that I who speak may have no cause of regret for having done so.

Chapter 2. The vanity of idols

Come, then, after you have freed yourself from all prejudices possessing your mind, and laid aside what you have been accustomed to, as something apt to deceive you, and being made, as if from the beginning, a new man, inasmuch as, according to your own confession, you are to be the hearer of a new [system of] doctrine; come and contemplate, not with your eyes only, but with your understanding, the substance and the form of those whom you declare and deem to be gods.

Is not one of them a stone similar to that on which we tread? Is not a second brass, in no way superior to those vessels which are constructed for our ordinary use? Is not a third wood, and that already rotten? Is not a fourth silver, which needs a man to watch it, lest it be stolen? Is not a fifth iron, consumed by rust? Is not a sixth earthenware, in no degree more valuable than that which is formed for the humblest purposes?

Are not all these of corruptible matter? Are they not fabricated by means of iron and fire? Did not the sculptor fashion one of them, the brazier a second, the silversmith a third, and the potter a fourth? Was not every one of them, before they were formed by the arts of these [workmen] into the shape of these [gods], each in its own way subject to change? Would not those things which are now vessels, formed of the same materials, become like to such, if they met with the same artificers? Might not these, which are now worshipped by you, again be made by men vessels similar to others? Are they not all deaf? Are they not blind? Are they not without life? Are they not destitute of feeling? Are they not incapable of motion? Are they not all prone to decay? Are they not all corruptible?

These things you call gods; these you serve; these you worship; and you become altogether like them. For this reason you hate the Christians, because they do not deem these to be gods. But do not you yourselves, who now think and suppose [such to be gods], much more cast contempt upon them than they [the Christians do]? Do you not much more mock and insult them, when you worship those that are made of stone and earthenware, without appointing any persons to guard them; but those made of silver and gold you shut up by night, and appoint watchers to look after them by day, lest they be stolen? And by those gifts which you mean to present to them, do you not, if they are possessed of sense, rather punish [than honour] them? But if, on the other hand, they are destitute of sense, you convict them of this fact, while you worship them with blood and the smoke of sacrifices. Let any one of you suffer such indignities! Let any one of you endure to have such things done to himself! But not a single human being will, unless compelled to it, endure such treatment, since he is endowed with sense and reason. A stone, however, readily bears it, seeing it is insensible. Certainly you do not show [by your conduct] that he [your God] is possessed of sense. And as to the fact that Christians are not accustomed to serve such gods, I might easily find many other things to say; but if even what has been said does not seem to any one sufficient, I deem it idle to say anything further.

Chapter 3. Superstitions of the Jews

And next, I imagine that you are most desirous of hearing something on this point, that the Christians do not observe the same forms of divine worship as do the Jews. The Jews, then, if they abstain from the kind of service above described, and deem it proper to worship one God as being Lord of all, [are right]; but if they offer Him worship in the way which we have described, they greatly err. For while the Gentiles, by offering such things to those that are destitute of sense and hearing, furnish an example of madness; they, on the other hand by thinking to offer these things to God as if He needed them, might justly reckon it rather an act of folly than of divine worship. For He that made heaven and earth, and all that is therein, and gives to us all the things of which we stand in need, certainly requires none of those things which He Himself bestows on such as think of furnishing them to Him. But those who imagine that, by means of blood, and the smoke of sacrifices and burnt-offerings, they offer sacrifices [acceptable] to Him, and that by such honours they show Him respect, — these, by supposing that they can give anything to Him who needs nothing, appear to me in no respect to differ from those who studiously confer the same honour on things destitute of sense, and which therefore are unable to enjoy such honours.

Chapter 4. The other observances of the Jews

But as to their scrupulosity concerning food, and their superstition as respects the Sabbaths, and their boasting about circumcision, and their fancies about fasting and the new moons, which are utterly ridiculous and unworthy of notice — I do not think that you require to learn anything from me. For, to accept some of those things which have been formed by God for the use of men as properly formed, and to reject others as useless and redundant — how can this be lawful? And to speak falsely of God, as if He forbade us to do what is good on the Sabbath-days — how is not this impious? And to glory in the circumcision of the flesh as a proof of election, and as if, on account of it, they were specially beloved by God — how is it not a subject of ridicule? And as to their observing months and days, Galatians 4:10 as if waiting upon the stars and the moon, and their distributing, according to their own tendencies, the appointments of God, and the vicissitudes of the seasons, some for festivities, and others for mourning — who would deem this a part of divine worship, and not much rather a manifestation of folly? I suppose, then, you are sufficiently convinced that the Christians properly abstain from the vanity and error common [to both Jews and Gentiles], and from the busybody spirit and vain boasting of the Jews; but you must not hope to learn the mystery of their peculiar mode of worshipping God from any mortal.

Chapter 5. The manners of the Christians

For the Christians are distinguished from other men neither by country, nor language, nor the customs which they observe. For they neither inhabit cities of their own, nor employ a peculiar form of speech, nor lead a life which is marked out by any singularity. The course of conduct which they follow has not been devised by any speculation or deliberation of inquisitive men; nor do they, like some, proclaim themselves the advocates of any merely human doctrines. But, inhabiting Greek as well as barbarian cities, according as the lot of each of them has determined, and following the customs of the natives in respect to clothing, food, and the rest of their ordinary conduct, they display to us their wonderful and confessedly striking method of life. They dwell in their own countries, but simply as sojourners. As citizens, they share in all things with others, and yet endure all things as if foreigners. Every foreign land is to them as their native country, and every land of their birth as a land of strangers. They marry, as do all [others]; they beget children; but they do not destroy their offspring. They have a common table, but not a common bed. They are in the flesh, but they do not live after the flesh. 2 Corinthians 10:3 They pass their days on earth, but they are citizens of heaven. Philippians 3:20 They obey the prescribed laws, and at the same time surpass the laws by their lives. They love all men, and are persecuted by all. They are unknown and condemned; they are put to death, and restored to life. 2 Corinthians 6:9 They are poor, yet make many rich; 2 Corinthians 6:10 they are in lack of all things, and yet abound in all; they are dishonoured, and yet in their very dishonour are glorified. They are evil spoken of, and yet are justified; they are reviled, and bless; 2 Corinthians 4:12 they are insulted, and repay the insult with honour; they do good, yet are punished as evil-doers. When punished, they rejoice as if quickened into life; they are assailed by the Jews as foreigners, and are persecuted by the Greeks; yet those who hate them are unable to assign any reason for their hatred.

Chapter 6. The relation of Christians to the world

To sum up all in one word — what the soul is in the body, Christians are in the world. The soul is dispersed through all the members of the body, and Christians are scattered through all the cities of the world. The soul dwells in the body, yet is not of the body; and Christians dwell in the world, yet are not of the world. The invisible soul is guarded by the visible body, and Christians are known indeed to be in the world, but their godliness remains invisible. The flesh hates the soul, and wars against it, 1 Peter 2:11 though itself suffering no injury, because it is prevented from enjoying pleasures; the world also hates the Christians, though in nowise injured, because they abjure pleasures. The soul loves the flesh that hates it, and [loves also] the members; Christians likewise love those that hate them. The soul is imprisoned in the body, yet keeps together that very body; and Christians are confined in the world as in a prison, and yet they keep together the world. The immortal soul dwells in a mortal tabernacle; and Christians dwell as sojourners in corruptible [bodies], looking for an incorruptible dwelling in the heavens. The soul, when but ill-provided with food and drink, becomes better; in like manner, the Christians, though subjected day by day to punishment, increase the more in number. God has assigned them this illustrious position, which it were unlawful for them to forsake.

Chapter 7. The manifestation of Christ

For, as I said, this was no mere earthly invention which was delivered to them, nor is it a mere human system of opinion, which they judge it right to preserve so carefully, nor has a dispensation of mere human mysteries been committed to them, but truly God Himself, who is almighty, the Creator of all things, and invisible, has sent from heaven, and placed among men, [Him who is] the truth, and the holy and incomprehensible Word, and has firmly established Him in their hearts. He did not, as one might have imagined, send to men any servant, or angel, or ruler, or any one of those who bear sway over earthly things, or one of those to whom the government of things in the heavens has been entrusted, but the very Creator and Fashioner of all things — by whom He made the heavens — by whom he enclosed the sea within its proper bounds — whose ordinances all the stars faithfully observe — from whom the sun has received the measure of his daily course to be observed — whom the moon obeys, being commanded to shine in the night, and whom the stars also obey, following the moon in her course; by whom all things have been arranged, and placed within their proper limits, and to whom all are subject — the heavens and the things that are therein, the earth and the things that are therein, the sea and the things that are therein — fire, air, and the abyss — the things which are in the heights, the things which are in the depths, and the things which lie between. This [messenger] He sent to them. Was it then, as one might conceive, for the purpose of exercising tyranny, or of inspiring fear and terror? By no means, but under the influence of clemency and meekness. As a king sends his son, who is also a king, so sent He Him; as God He sent Him; as to men He sent Him; as a Saviour He sent Him, and as seeking to persuade, not to compel us; for violence has no place in the character of God. As calling us He sent Him, not as vengefully pursuing us; as loving us He sent Him, not as judging us. For He will yet send Him to judge us, and who shall endure His appearing? Malachi 3:2

A considerable gap here occurs in the manuscripts.

Do you not see them exposed to wild beasts, that they may be persuaded to deny the Lord, and yet not overcome? Do you not see that the more of them are punished, the greater becomes the number of the rest? This does not seem to be the work of man: this is the power of God; these are the evidences of His manifestation.

Chapter 8. The miserable state of men before the coming of the Word

For, who of men at all understood before His coming what God is? Do you accept of the vain and silly doctrines of those who are deemed trustworthy philosophers? Of whom some said that fire was God, calling that God to which they themselves were by and by to come; and some water; and others some other of the elements formed by God. But if any one of these theories be worthy of approbation, every one of the rest of created things might also be declared to be God. But such declarations are simply the startling and erroneous utterances of deceivers; and no man has either seen Him, or made Him known, but He has revealed Himself. And He has manifested Himself through faith, to which alone it is given to behold God. For God, the Lord and Fashioner of all things, who made all things, and assigned them their several positions, proved Himself not merely a friend of mankind, but also long-suffering [in His dealings with them]. Yea, He was always of such a character, and still is, and will ever be, kind and good, and free from wrath, and true, and the only one who is [absolutely] good; Matthew 19:17 and He formed in His mind a great and unspeakable conception, which He communicated to His Son alone. As long, then, as He held and preserved His own wise counsel in concealment, He appeared to neglect us, and to have no care over us. But after He revealed and laid open, through His beloved Son, the things which had been prepared from the beginning, He conferred every blessing all at once upon us, so that we should both share in His benefits, and see and be active [in His service]. Who of us would ever have expected these things? He was aware, then, of all things in His own mind, along with His Son, according to the relation subsisting between them.

Chapter 9. Why the Son was sent so late

As long then as the former time endured, He permitted us to be borne along by unruly impulses, being drawn away by the desire of pleasure and various lusts. This was not that He at all delighted in our sins, but that He simply endured them; nor that He approved the time of working iniquity which then was, but that He sought to form a mind conscious of righteousness, so that being convinced in that time of our unworthiness of attaining life through our own works, it should now, through the kindness of God, be vouchsafed to us; and having made it manifest that in ourselves we were unable to enter into the kingdom of God, we might through the power of God be made able. But when our wickedness had reached its height, and it had been clearly shown that its reward, punishment and death, was impending over us; and when the time had come which God had before appointed for manifesting His own kindness and power, how the one love of God, through exceeding regard for men, did not regard us with hatred, nor thrust us away, nor remember our iniquity against us, but showed great long-suffering, and bore with us, He Himself took on Him the burden of our iniquities, He gave His own Son as a ransom for us, the holy One for transgressors, the blameless One for the wicked, the righteous One for the unrighteous, the incorruptible One for the corruptible, the immortal One for those who are mortal. For what other thing was capable of covering our sins than His righteousness? By what other one was it possible that we, the wicked and ungodly, could be justified, than by the only Son of God? O sweet exchange! O unsearchable operation! O benefits surpassing all expectation! That the wickedness of many should be hid in a single righteous One, and that the righteousness of One should justify many transgressors! Having therefore convinced us in the former time that our nature was unable to attain to life, and having now revealed the Saviour who is able to save even those things which it was [formerly] impossible to save, by both these facts He desired to lead us to trust in His kindness, to esteem Him our Nourisher, Father, Teacher, Counsellor, Healer, our Wisdom, Light, Honour, Glory, Power, and Life, so that we should not be anxious concerning clothing and food.

Chapter 10. The blessings that will flow from faith

If you also desire [to possess] this faith, you likewise shall receive first of all the knowledge of the Father. For God has loved mankind, on whose account He made the world, to whom He rendered subject all the things that are in it, to whom He gave reason and understanding, to whom alone He imparted the privilege of looking upwards to Himself, whom He formed after His own image, to whom He sent His only-begotten Son, to whom He has promised a kingdom in heaven, and will give it to those who have loved Him. And when you have attained this knowledge, with what joy do you think you will be filled? Or, how will you love Him who has first so loved you? And if you love Him, you will be an imitator of His kindness. And do not wonder that a man may become an imitator of God. He can, if he is willing. For it is not by ruling over his neighbours, or by seeking to hold the supremacy over those that are weaker, or by being rich, and showing violence towards those that are inferior, that happiness is found; nor can any one by these things become an imitator of God. But these things do not at all constitute His majesty. On the contrary he who takes upon himself the burden of his neighbour; he who, in whatsoever respect he may be superior, is ready to benefit another who is deficient; he who, whatsoever things he has received from God, by distributing these to the needy, becomes a god to those who receive [his benefits]: he is an imitator of God. Then you shall see, while still on earth, that God in the heavens rules over [the universe]; then you shall begin to speak the mysteries of God; then shall you both love and admire those that suffer punishment because they will not deny God; then shall you condemn the deceit and error of the world when you shall know what it is to live truly in heaven, when you shall despise that which is here esteemed to be death, when you shall fear what is truly death, which is reserved for those who shall be condemned to the eternal fire, which shall afflict those even to the end that are committed to it. Then shall you admire those who for righteousness' sake endure the fire that is but for a moment, and shall count them happy when you shall know [the nature of] that fire.

Chapter 11. These things are worthy to be known and believed

I do not speak of things strange to me, nor do I aim at anything inconsistent with right reason; but having been a disciple of the Apostles, I have become a teacher of the Gentiles. I minister the things delivered to me to those that are disciples worthy of the truth. For who that is rightly taught and begotten by the loving Word, would not seek to learn accurately the things which have been clearly shown by the Word to His disciples, to whom the Word being manifested has revealed them, speaking plainly [to them], not understood indeed by the unbelieving, but conversing with the disciples, who, being esteemed faithful by Him, acquired a knowledge of the mysteries of the Father? For which reason He sent the Word, that He might be manifested to the world; and He, being despised by the people [of the Jews], was, when preached by the Apostles, believed on by the Gentiles. This is He who was from the beginning, who appeared as if new, and was found old, and yet who is ever born afresh in the hearts of the saints. This is He who, being from everlasting, is today called the Son; through whom the Church is enriched, and grace, widely spread, increases in the saints, furnishing understanding, revealing mysteries, announcing times, rejoicing over the faithful, giving to those that seek, by whom the limits of faith are not broken through, nor the boundaries set by the fathers passed over. Then the fear of the law is chanted, and the grace of the prophets is known, and the faith of the gospels is established, and the tradition of the Apostles is preserved, and the grace of the Church exults; which grace if you grieve not, you shall know those things which the Word teaches, by whom He wills, and when He pleases. For whatever things we are moved to utter by the will of the Word commanding us, we communicate to you with pains, and from a love of the things that have been revealed to us.

Chapter 12. The importance of knowledge to true spiritual life

When you have read and carefully listened to these things, you shall know what God bestows on such as rightly love Him, being made [as you are] a paradise of delight, presenting in yourselves a tree bearing all kinds of produce and flourishing well, being adorned with various fruits. For in this place the tree of knowledge and the tree of life have been planted; but it is not the tree of knowledge that destroys — it is disobedience that proves destructive. Nor truly are those words without significance which are written, how God from the beginning planted the tree of life in the midst of paradise, revealing through knowledge the way to life, and when those who were first formed did not use this [knowledge] properly, they were, through the fraud of the Serpent, stripped naked. For neither can life exist without knowledge, nor is knowledge secure without life. Wherefore both were planted close together. The Apostle, perceiving the force [of this conjunction], and blaming that knowledge which, without true doctrine, is admitted to influence life, declares, Knowledge puffs up, but love edifies. For he who thinks he knows anything without true knowledge, and such as is witnessed to by life, knows nothing, but is deceived by the Serpent, as not loving life. But he who combines knowledge with fear, and seeks after life, plants in hope, looking for fruit. Let your heart be your wisdom; and let your life be true knowledge inwardly received. Bearing this tree and displaying its fruit, you shall always gather in those things which are desired by God, which the Serpent cannot reach, and to which deception does not approach; nor is Eve then corrupted, but is trusted as a virgin; and salvation is manifested, and the Apostles are filled with understanding, and the Passover of the Lord advances, and the choirs are gathered together, and are arranged in proper order, and the Word rejoices in teaching the saints — by whom the Father is glorified: to whom be glory forever. Amen.

Source. Translated by Alexander Roberts and James Donaldson. From Ante-Nicene Fathers, Vol. 1. Edited by Alexander Roberts, James Donaldson, and A. Cleveland Coxe. (Buffalo, NY: Christian Literature Publishing Co., 1885.) Revised and edited for New Advent by Kevin Knight. <http://www.newadvent.org/fathers/0101.htm>.

Copyright © 2020 by Kevin Knight. Dedicated to the Immaculate Heart of Mary.

SOURCE : https://www.newadvent.org/fathers/0101.htm

Epistle to Diognetus

(EPISTOLA AD DIOGNETUM).

This beautiful little apology for Christianity is cited by no ancient or medieval writer, and came down to us in a single manuscript which perished in the siege of Strasburg (1870). The identification of Diognetus with the teacher of Marcus Aurelius, who bore the same name, is at most plausible. The author's name is unknown, and the date is anywhere between the Apostles and the age of Constantine. It was clearly composed during a severe persecution. The manuscript attributed it with other writings to Justin Martyr; but that earnest philosopher and hasty writer was quite incapable of the restrained eloquence, the smooth flow of thought, the limpid clearness of expression, which mark this epistle as one of the most perfect compositions of antiquity. The last two chapters (xi, xii) are florid and obscure, and bear no relation to the rest of the letter. They seem to be a fragment of a homily of later date. The writer of this addition describes himself as a "disciple of the Apostles", and through a misunderstanding of these words the epistle has, since the eighteenth century, been classed with the writings of the Apostolic Fathers. The letter breaks off at the end of chapter x; it may have originally been much longer.

The writer addresses the "most excellent Diognetus", a well-disposed pagan, who desires to know what is the religion of Christians. Idol-worship is ridiculed, and it is shown that Jewish sacrifices and ceremonies cannot cause any pleasure to the only God and creator of all. Christians are not a nation nor a sect, but are diffused throughout the world, though they are not of the world but citizens of heaven; yet they are the soul of the world. God, the invisible Creator, has sent His Child, by whom He made all things, to save man, after He has allowed man to find out his own weakness and proneness to sin and his incapacity to save himself. The last chapter is an exposition, "first" of the love of the Father, evidently to be followed "secondly" by another on the Son, but this is lost. The style is harmonious and simple. The writer is a practiced master of classical eloquence, and a fervent Christian. There is no resemblance to the public apologies of the second century. A closer affinity is with the "Ad Donatum" of St. Cyprian, which is similarly addressed to an inquiring pagan. The writer does not refer to Holy Scripture, but he uses the Gospels, I Peter, and I John, and is saturated with the Epistles of St. Paul. Harnack seems to be right in refusing to place the author earlier than Irenaeus. One might well look for him much later, in the persecutions of Valerian or of Diocletian. He cannot be an obscure person, but must be a writer otherwise illustrious; and yet he is certainly not one of those writers whose works have come down to us from the second or third centuries. The name of Lucian the Martyr would perhaps satisfy the conditions of the problem; and the loss of that part of the letter where it spoke more in detail of the Son of God would be explained, as it would have been suspected or convicted of the Arianism of which Lucian is the reputed father. The so-called letter may be in reality the apology presented to a Judge.

The editio princeps is that of Stephanus (Paris, 1592), and the epistle was included among the works of St. Justin by Sylburg (Heidelberg, 1593) and subsequent editors, the best of such editions is in Otto, "Corpus Apologetarum Christ." (3d ed., Jena, 1879), III. Tillemont followed a friend's suggestion in attributing it to an earlier date, and Gallandi included it in his "Bibl. Vett. PP.", I, as the work of an anonymous Apostolic Father. It has been given since then in the editions of the Apostolic Fathers, especially those of Hefele, Funk (2d ed., 1901), Gebhardt, Harnack, and Zahn (1878), Lightfoot and Harmer (London, 1891, with English tr.). Many separate editions have appeared in Germany. There is an English translation in the Ante-Nicene Library (London, 1892), I. The dissertations on this treatise are too numerous to catalogue; they are not as a rule of much value. Baratier and Gallandi attributed the letter to Clement of Rome, Bohl to an Apostolic Father, and he was followed by the Catholic editors or critics, Möhler, Hefele, PermanederAlzog; whereas Grossheim, Tzsehirner, Semisch, placed it in the time of Justin; Dorner referred it to Marcion; Zeller to the end of the second century, while Ceillier, Hoffmann, Otto, defended the manuscript attribution to JustinFessler held for the first or second century. These definite views are now abandoned, likewise the suggestions of Kruger that Aristides was the author, of Draseke that it is by Apelles, of Overbeck that it is post-Constantinian, and of Donaldson that it is a fifteenth-century rhetorical exercise (the manuscript was thirteenth- or fourteenth-century). Zahn has sensibly suggested 250-310. Harnack gives 170-300.

Chapman, John. "Epistle to Diognetus." The Catholic Encyclopedia. Vol. 5. New York: Robert Appleton Company, 1909. 20 Feb. 2021 <http://www.newadvent.org/cathen/05008b.htm>.

Transcription. This article was transcribed for New Advent by Joseph P. Thomas.

Ecclesiastical approbation. Nihil Obstat. May 1, 1909. Remy Lafort, Censor. Imprimatur. +John M. Farley, Archbishop of New York.

Copyright © 2020 by Kevin Knight. Dedicated to the Immaculate Heart of Mary.

SOURCE : https://www.newadvent.org/cathen/05008b.htm

A DIOGNETO

LETTERA A DIOGNETO

estratto da "Didachè-Prima lettera di Clemente ai Corinzi-A Diogneto" - Città Nuova - 2008

(Link al file in formato PDF)

Esordio

I. 1. Vedo, ottimo Diogneto, che tu ti accingi ad apprendere la religione dei cristiani e con molta saggezza e cura cerchi di sapere di loro. A quale Dio essi credono e come lo venerano, perché tutti disdegnano il mondo e disprezzano la morte, non considerano quelli che i greci ritengono dèi, non osservano la superstizione degli ebrei, quale amore si portano tra loro, e perché questa nuova stirpe e maniera di vivere siano comparsi al mondo ora e non prima. 2. Comprendo questo tuo desiderio e chiedo a Dio, che ci fa parlare e ascoltare, che sia concesso a me di parlarti perché tu ascoltando divenga migliore, e a te di ascoltare perché chi ti parla non abbia a pentirsi.

L'idolatria

II. 1. Purìficati da ogni pregiudizio che ha ingombrato la tua mente e spògliati dell'abitudine ingannatrice e fatti come un uomo nuovo da principio, per essere discepolo di una dottrina anche nuova come tu stesso hai ammesso. Non solo con gli occhi, ma anche con la mente considera di quale sostanza e di quale forma siano quelli che voi chiamate e ritenete dèi. 2. Non (sono essi) pietra come quella che si calpesta, bronzo non migliore degli utensili fusi per l'uso, legno già marcio, argento che ha bisogno di un uomo che lo guardi perché non venga rubato, ferro consunto dalla ruggine, argilla non più scelta di quella preparata a vile servizio? 3. Non (sono) tutti questi (idoli) di materia corruttibile? Non sono fatti con il ferro e con il fuoco? Non li foggiò lo scalpellino, il fabbro, l'argentiere o il vasaio? Prima che con le loro arti li foggiassero, ciascuno di questi (idoli) non era trasformabile, e non lo può (essere) anche ora? E quelli che ora sono gli utensili della stessa materia non potrebbero forse diventare simili ad essi se trovassero gli stessi artigiani? 4. E per l'opposto, questi da voi adorati non potrebbero diventare, ad opera degli uomini, suppellettili uguali alle altre? Non sono cose sorde, cieche, inanimate, insensibili, immobili? Non tutte corruttibili? Non tutte distruttibili? 5. Queste cose chiamate dèi, a queste servite, a queste supplicate, infine ad esse vi assimilate. 6. Perciò odiate i cristiani perché non le credono dèi. 7. Ma voi che li pensate e li immaginate tali non li disprezzate più di loro? Non li deridete e li oltraggiate più voi che venerate quelli di pietra e di creta senza custodi, mentre chiudete a chiave di notte quelli di argento e di oro, e di giorno mettete le guardie perché non vengano rubati? 8. Con gli onori che credete di rendere loro, se hanno sensibilità, siete piuttosto a punirli. Se non hanno i sensi siete voi a svergognarli con sacrificio di sangue e di grassi fumanti. 9. Provi qualcuno di voi queste cose, permetta che gli vengano fatte. Ma l'uomo di propria volontà non sopporterebbe tale supplizio perché ha sensibilità e intelligenza; ma la pietra lo tollera perché non sente. 10. Molte altre cose potrei dirti perché i cristiani non servono questi dèi. Se a qualcuno ciò non sembra sufficiente, credo inutile parlare anche di più.

Il culto giudaico

III. 1. Inoltre, credo che tu piuttosto desideri sapere perché essi non adorano Dio secondo gli ebrei. 2. Gli ebrei hanno ragione quando rigettano l'idolatria, di cui abbiamo parlato, e venerano un solo Dio e lo ritengono padrone di tutte le cose. Ma sbagliano se gli tributano un culto simile a quello dei pagani. 3. Come i greci, sacrificando a cose insensibili e sorde dimostrano stoltezza, così essi, pensando di offrire a Dio come ne avesse bisogno, compiono qualche cosa che è simile alla follia, non un atto di culto. 4. «Chi ha fatto il cielo e la terra e tutto ciò che è in essi», e provvede tutti noi delle cose che occorrono, non ha bisogno di quei beni. Egli stesso li fornisce a coloro che credono di offrirli a lui. 5. Quelli che con sangue, grasso e olocausti credono di fargli sacrifici e con questi atti venerarlo, non mi pare che differiscano da coloro che tributano riverenza ad oggetti sordi che non possono partecipare al culto. Immaginarsi poi di fare le offerte a chi non ha bisogno di nulla!

Il ritualismo giudaico

IV. 1. Non penso che tu abbia bisogno di sapere da me intorno ai loro scrupoli per certi cibi, alla superstizione per il sabato, al vanto per la circoncisione, e alla osservanza del digiuno e del novilunio: tutte cose ridicole, non meritevoli di discorso alcuno. 2. Non è ingiusto accettare alcuna delle cose create da Dio ad uso degli uomini, come bellamente create e ricusarne altre come inutili e superflue? 3. Non è empietà mentire intorno a Dio come di chi impedisce di fare il bene di sabato? 4. Non è degno di scherno vantarsi della mutilazione del corpo, come si fosse particolarmente amati da Dio? 5. Chi non crederebbe prova di follia e non di devozione inseguire le stelle e la luna per calcolare i mesi e gli anni, per distinguere le disposizioni divine e dividere i cambiamenti delle stagioni secondo i desideri, alcuni per le feste, altri per il dolore? 6. Penso che ora tu abbia abbastanza capito perché i cristiani a ragione si astengono dalla vanità, dall'impostura, dal formalismo e dalla vanteria dei giudei. Non credere di poter imparare dall'uomo il mistero della loro particolare religione.

Il mistero cristiano

V. 1. I cristiani né per regione, né per voce, né per costumi sono da distinguere dagli altri uomini. 2. Infatti, non abitano città proprie, né usano un gergo che si differenzia, né conducono un genere di vita speciale. 3. La loro dottrina non è nella scoperta del pensiero di uomini multiformi, né essi aderiscono ad una corrente filosofica umana, come fanno gli altri. 4. Vivendo in città greche e barbare, come a ciascuno è capitato, e adeguandosi ai costumi del luogo nel vestito, nel cibo e nel resto, testimoniano un metodo di vita sociale mirabile e indubbiamente paradossale. 5. Vivono nella loro patria, ma come forestieri; partecipano a tutto come cittadini e da tutto sono distaccati come stranieri. Ogni patria straniera è patria loro, e ogni patria è straniera. 6. Si sposano come tutti e generano figli, ma non gettano i neonati. 7. Mettono in comune la mensa, ma non il letto. 8. Sono nella carne, ma non vivono secondo la carne. 9. Dimorano nella terra, ma hanno la loro cittadinanza nel cielo. 10. Obbediscono alle leggi stabilite, e con la loro vita superano le leggi. 11. Amano tutti, e da tutti vengono perseguitati. 12. Non sono conosciuti, e vengono condannati. Sono uccisi, e riprendono a vivere. 13. Sono poveri, e fanno ricchi molti; mancano di tutto, e di tutto abbondano. 14. Sono disprezzati, e nei disprezzi hanno gloria. Sono oltraggiati e proclamati giusti. 15. Sono ingiuriati e benedicono; sono maltrattati ed onorano. 16. Facendo del bene vengono puniti come malfattori; condannati gioiscono come se ricevessero la vita. 17. Dai giudei sono combattuti come stranieri, e dai greci perseguitati, e coloro che li odiano non saprebbero dire il motivo dell'odio.

L'anima del mondo

VI. 1. A dirla in breve, come è l'anima nel corpo, così nel mondo sono i cristiani. 2. L'anima è diffusa in tutte le parti del corpo e i cristiani nelle città della terra. 3. L'anima abita nel corpo, ma non è del corpo; i cristiani abitano nel mondo, ma non sono del mondo. L'anima invisibile è racchiusa in un corpo visibile; i cristiani si vedono nel mondo, ma la loro religione è invisibile. 5. La carne odia l'anima e la combatte pur non avendo ricevuto ingiuria, perché impedisce di prendersi dei piaceri; il mondo che pur non ha avuto ingiustizia dai cristiani li odia perché si oppongono ai piaceri. 6. L'anima ama la carne che la odia e le membra; anche i cristiani amano coloro che li odiano. 7. L'anima è racchiusa nel corpo, ma essa sostiene il corpo; anche i cristiani sono nel mondo come in una prigione, ma essi sostengono il mondo. 8. L'anima immortale abita in una dimora mortale; anche i cristiani vivono come stranieri tra le cose che si corrompono, aspettando l'incorruttibilità nei cieli. 9. Maltrattata nei cibi e nelle bevande l'anima si raffina; anche i cristiani maltrattati, ogni giorno più si moltiplicano. 10. Dio li ha messi in un posto tale che ad essi non è lecito abbandonare.

Dio e il Verbo

VII. 1. Infatti, come ebbi a dire, non è una scoperta terrena da loro tramandata, né stimano di custodire con tanta cura un pensiero terreno né credono all'economia dei misteri umani. 2. Ma quello che è veramente signore e creatore di tutto e Dio invisibile, egli stesso fece scendere dal cielo, tra gli uomini, la verità, la parola santa e incomprensibile e l'ha riposta nei loro cuori. Non già mandando, come qualcuno potrebbe pensare, qualche suo servo o angelo o principe o uno di coloro che sono preposti alle cose terrene o abitano nei cieli, ma mandando lo stesso artefice e fattore di tutte le cose, per cui creò i cieli e chiuse il mare nelle sue sponde e per cui tutti gli elementi fedelmente custodiscono i misteri. Da lui il sole ebbe da osservare la misura del suo corso quotidiano, a lui obbediscono la luna che splende nella notte e le stelle che seguono il giro della luna; da lui tutto fu ordinato, delimitato e disposto, i cieli e le cose nei cieli, la terra e le cose nella terra, il mare e le cose nel mare, il fuoco, l'aria, l'abisso, quello che sta in alto, quello che sta nel profondo, quello che sta nel mezzo; lui Dio mandò ad essi. 3. Forse, come qualcuno potrebbe pensare, lo inviò per la tirannide, il timore e la prostrazione? 4. No certo. Ma nella mitezza e nella bontà come un re manda suo figlio, lo inviò come Dio e come uomo per gli uomini; lo mandò come chi salva, per persuadere, non per far violenza. A Dio non si addice la violenza. 5. Lo mandò per chiamare non per perseguitare; lo mandò per amore non per giudicare. 6. Lo manderà a giudicare, e chi potrà sostenere la sua presenza? 7. Non vedi (i cristiani) che gettati alle fiere perché rinneghino il Signore, non si lasciano vincere? 8. Non vedi, quanto più sono puniti, tanto più crescono gli altri? 9. Questo non pare opera dell'uomo, ma è potenza di Dio, prova della sua presenza.

L'incarnazione

VIII. 1. Chi fra tutti gli uomini sapeva perfettamente che cosa è Dio, prima che egli venisse? 2. Vorrai accettare i discorsi vuoti e sciocchi dei filosofi degni di fede? Alcuni affermavano che Dio è il fuoco, ove andranno essi chiamandolo Dio, altri dicevano che è l'acqua, altri che è uno degli elementi da Dio creati. 3. Certo, se qualche loro affermazione è da accettare si potrebbe anche asserire che ciascuna di tutte le creature ugualmente manifesta Dio. 4. Ma tutte queste cose sono ciarle e favole da ciarlatani. 5. Nessun uomo lo vide e lo conobbe, ma egli stesso si rivelò a noi. 6. Si rivelò mediante la fede, con la quale solo è concesso vedere Dio. 7. Dio, signore e creatore dell'universo, che ha fatto tutte le cose e le ha stabilite in ordine, non solo si mostrò amico degli uomini, ma anche magnanimo. 8. Tale fu sempre, è e sarà: eccellente, buono, mite e veritiero, il solo buono. 9. Avendo pensato un piano grande e ineffabile lo comunicò solo al Figlio. 10. Finché lo teneva nel mistero e custodiva il suo saggio volere, pareva che non si curasse e non pensasse a noi. 11. Dopo che per mezzo del suo Figlio diletto rivelò e manifestò ciò che aveva stabilito sin dall'inizio, ci concesse insieme ogni cosa, cioè di partecipare ai suoi benefici, di vederli e di comprenderli. Chi di noi se lo sarebbe aspettato?

L'economia divina

IX. 1. (Dio) dunque avendo da sé tutto disposto con il Figlio, permise che noi fino all'ultimo, trascinati dai piaceri e dalle brame come volevamo, fossimo travolti dai piaceri e dalle passioni. Non si compiaceva affatto dei nostri peccati, ma ci sopportava e non approvava quel tempo di ingiustizia. Invece, preparava il tempo della giustizia perché noi fossimo convinti che in quel periodo, per le nostre opere, eravamo indegni della vita, e ora solo per bontà di Dio ne siamo degni, e dimostrassimo, per quanto fosse in noi, che era impossibile entrare nel regno di Dio e che solo per sua potenza ne diventiamo capaci. 2. Dopo che la nostra ingiustizia giunse al colmo e fu dimostrato chiaramente che come suo guadagno spettava il castigo e la morte, venne il tempo che Dio aveva stabilito per manifestare la sua bontà e la sua potenza. O immensa bontà e amore di Dio. Non ci odiò, non ci respinse e non si vendicò, ma fu magnanimo e ci sopportò e con misericordia si addossò i nostri peccati e mandò suo Figlio per il nostro riscatto; il santo per gli empi, l'innocente per i malvagi, il giusto per gli ingiusti, l'incorruttibile per i corrotti, l'immortale per i mortali. 3. Quale altra cosa poteva coprire i nostri peccati se non la sua giustizia? 4. In chi avremmo potuto essere giustificati noi, ingiusti ed empi, se non nel solo Figlio di Dio? 5. Dolce sostituzione, opera inscrutabile, benefici insospettati! L'ingiustizia di molti viene riparata da un solo giusto e la giustizia di uno solo rende giusti molti. 6. Egli, che prima ci convinse dell'impotenza della nostra natura per avere la vita, ora ci mostra il salvatore capace di salvare anche l'impossibile. Con queste due cose ha voluto che ci fidiamo della sua bontà e lo consideriamo nostro sostentatore, padre, maestro, consigliere, medico, mente, luce, onore, gloria, forza, vita, senza preoccuparsi del vestito e del cibo.

La carità

1. Se anche tu desideri questa fede, per prima otterrai la conoscenza del Padre. 2. Dio, infatti, ha amato gli uomini. Per loro creò il mondo, a loro sottomise tutte le cose che sono sulla terra, a loro diede la parola e la ragione, solo a loro concesse di guardarlo, lo plasmò secondo la sua immagine, per loro mandò suo figlio unigenito, loro annunziò il Regno nel cielo e lo darà a quelli che l'hanno amato. 3. Una volta conosciutolo, hai idea di qual gioia sarai colmato? Come non amerai colui che tanto ti ha amato? 4. Ad amarlo diventerai imitatore della sua bontà, e non ti meravigliare se un uomo può diventare imitatore di Dio: lo può volendolo lui (l'uomo). 5. Non si è felici nell'opprimere il prossimo, nel voler ottenere più dei deboli, arricchirsi e tiranneggiare gli inferiori. In questo nessuno può imitare Dio, sono cose lontane dalla Sua grandezza! 6. Ma chi prende su di sé il peso del prossimo e in ciò che è superiore cerca di beneficare l'inferiore; chi, dando ai bisognosi ciò che ha ricevuto da Dio, è come un Dio per i beneficati, egli è imitatore di Dio. 7. Allora stando sulla terra contemplerai perché Dio regna nei cieli, allora incomincerai a parlare dei misteri di Dio, allora amerai e ammirerai quelli che sono puniti per non voler rinnegare Dio. Condannerai l'inganno e l'errore del mondo quando conoscerai veramente la vita nel cielo, quando disprezzerai quella che qui pare morte e temerai la morte vera, riservata ai dannati al fuoco eterno che tormenta sino alla fine coloro che gli saranno consegnati. 8. Se conoscerai quel fuoco ammirerai e chiamerai beati quelli che sopportarono per la giustizia il fuoco temporaneo.

Il loro maestro

XI. 1. Non dico stranezze né cerco il falso, ma, divenuto discepolo degli apostoli, divento maestro delle genti e trasmetto in maniera degna le cose tramandate a quelli che si son fatti discepoli della verità. 2. Chi infatti, rettamente istruito e fattosi amico del Verbo, non cerca di imparare saggiamente le cose che dal Verbo furono chiaramente mostrate ai discepoli? Non apparve ad essi il Verbo, manifestandosi e parlando liberamente, quando dagli increduli non fu compreso, ma guidando i discepoli che, da lui ritenuti fedeli, conobbero i misteri del Padre? 3. Egli mandò il Verbo come sua grazia, perché si manifestasse al mondo. Disprezzato dal popolo, annunziato dagli apostoli, fu creduto dai pagani. 4. Egli fin dal principio apparve nuovo ed era antico, e ognora diviene nuovo nei cuori dei fedeli. 5. Egli eterno, in eterno viene considerato figlio. Per mezzo suo la Chiesa si arricchisce e la grazia diffondendosi nei fedeli si moltiplica. Essa ispira saggezza, svela i misteri, preannuncia i tempi, si rallegra per i fedeli, si dona a quelli che la cercano, senza infrangere i giuramenti della fede né oltrepassare i limiti dei padri. 6. Si celebra poi il timore della legge, si riconosce la grazia dei profeti, si conserva la fede dei Vangeli, si conserva la tradizione degli apostoli e la grazia della Chiesa esulta. 7. Non contristando tale grazia, saprai ciò che il Verbo dice per mezzo di quelli che vuole, quando vuole. 8. Per amore delle cose rivelateci vi facciamo partecipi di tutto quanto; per la volontà del Verbo che lo ordina, fummo spinti a parlare con zelo.

La vera scienza

XII. 1. Attendendo e ascoltando con cura, conoscerete quali cose Dio prepara a quelli che lo amano rettamente. Diventano un paradiso di delizie e producono in se stessi, ornati di frutti vari, un albero fruttuoso e rigoglioso. 2. In questo luogo, infatti, fu piantato l'albero della scienza e l'albero della vita; non l'albero della scienza, ma la disubbidienza uccide. 3. Non è oscuro ciò che fu scritto: che Dio da principio piantò in mezzo al paradiso l'albero della scienza e l'albero della vita, indicando la vita con la scienza. Quelli che da principio non la usarono con chiarezza, per l'inganno del serpente furono denudati. 4. Non si ha vita senza scienza, né scienza sicura senza vita vera, perciò i due alberi furono piantati vicino. 5. L'apostolo, comprendendo questa forza e biasimando la scienza che si esercita sulla vita senza la norma della verità, dice: «La scienza gonfia, la carità, invece, edifica». 6. Chi crede di sapere qualche cosa, senza la vera scienza testimoniata dalla vita, non sa: viene ingannato dal serpente, non avendo amato la vita. Lui, invece, con timore conosce e cerca la vita, pianta nella speranza aspettando il frutto. 7. La scienza sia il tuo cuore e la vita la parola vera recepita. 8. Portandone l'albero e cogliendone il frutto abbonderai sempre delle cose che si desiderano davanti a Dio, che il serpente non tocca e l'inganno non avvince; Eva non è corrotta ma è riconosciuta vergine. Si addita la salvezza, gli apostoli sono compresi, la Pasqua del Signore si avvicina, si compiono i tempi e si dispongono in ordine, e il Verbo che ammaestra i santi si rallegra. Per lui il Padre è glorificato; a lui la gloria nei secoli. Amen.

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21 giugno 2014                a cura di Alberto "da Cormano"              alberto@ora-et-labora.net

SOURCE : https://www.ora-et-labora.net/diogneto.html


Jacques Schwartz. « L'Épître à Diognète ». Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses  Année 1968  48-1  pp. 46-53 : https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1968_num_48_1_3907