EXHORTATION APOSTOLIQUE
GAUDETE ET EXSULTATE
1.
« Soyez dans la joie et l’allégresse » (Mt 5, 12), dit Jésus à ceux qui
sont persécutés ou humiliés à cause de lui. Le Seigneur demande tout ; et ce
qu’il offre est la vraie vie, le bonheur pour lequel nous avons été créés. Il
veut que nous soyons saints et il n’attend pas de nous que nous nous
contentions d’une existence médiocre, édulcorée, sans consistance. En réalité,
dès les premières pages de la Bible, il y a, sous diverses formes, l’appel à la
sainteté. Voici comment le Seigneur le proposait à Abraham : « Marche en ma
présence et sois parfait » (Gn 17, 1).
2.
Il ne faut pas s’attendre, ici, à un traité sur la sainteté, avec de nombreuses
définitions et distinctions qui pourraient enrichir cet important thème, ou
avec des analyses qu’on pourrait faire concernant les moyens de sanctification.
Mon humble objectif, c’est de faire résonner une fois de plus l’appel à la
sainteté, en essayant de l’insérer dans le contexte actuel, avec ses risques,
ses défis et ses opportunités. En effet, le Seigneur a élu chacun d’entre nous
pour que nous soyons « saints et immaculés en sa présence, dans l’amour » (Ep 1,
4).
Premier chapitre
L’APPEL À LA SAINTETÉ
Les saints qui nous
encouragent et nous accompagnent
3.
Dans la Lettre aux Hébreux, sont mentionnés divers témoignages qui nous
encouragent à « courir avec constance l’épreuve qui nous est proposée » (12,
1). On y parle d’Abraham, de Sara, de Moïse, de Gédéon et de plusieurs autres
(cf. 11, 1-12, 3) et surtout on nous invite à reconnaître que nous sommes
enveloppés « d’une si grande nuée de témoins » (12, 1) qui nous encouragent à
ne pas nous arrêter en chemin, qui nous incitent à continuer de marcher vers le
but. Et parmi eux, il peut y avoir notre propre mère, une grand-mère ou
d’autres personnes proches (cf. 2 Tm 1, 5). Peut-être leur vie
n’a-t-elle pas toujours été parfaite, mais, malgré des imperfections et des
chutes, ils sont allés de l’avant et ils ont plu au Seigneur.
4.
Les saints qui sont déjà parvenus en la présence de Dieu gardent avec nous des
liens d’amour et de communion. Le Livre de l’Apocalypse en témoigne quand il
parle des martyrs qui intercèdent : « Je vis sous l’autel les âmes de ceux qui
furent égorgés pour la Parole de Dieu et le témoignage qu'ils avaient rendu.
Ils crièrent d’une voix puissante : ‘‘Jusques à quand, Maître saint et vrai,
tarderas-tu à faire Justice ?’’ » (6, 9-10). Nous pouvons dire que « nous nous
savions entourés, conduits et guidés par les amis de Dieu […] Je ne dois pas
porter seul ce que, en réalité, je ne pourrais jamais porter seul. La troupe
des saints de Dieu me protège, me soutient et me porte »[1].
5.
Lors des procès de béatification et de canonisation, on prend en compte les
signes d’héroïcité dans l’exercice des vertus, le don de la vie chez le martyr
et également les cas du don de sa propre vie en faveur des autres, y compris
jusqu’à la mort. Ce don exprime une imitation exemplaire du Christ et est digne
d’admiration de la part des fidèles[2].
Souvenons-nous, par exemple, de la bienheureuse Maria Gabriela Sagheddu qui a
offert sa vie pour l’union des chrétiens.
Les saints de la porte
d’à côté
6.
Ne pensons pas uniquement à ceux qui sont déjà béatifiés ou canonisés. L’Esprit
Saint répand la sainteté partout, dans le saint peuple fidèle de Dieu, car « le
bon vouloir de Dieu a été que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et
le salut séparément, hors de tout lien mutuel ; il a voulu en faire un peuple
qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté »[3].
Le Seigneur, dans l’histoire du salut, a sauvé un peuple. Il n’y a pas
d’identité pleine sans l’appartenance à un peuple. C’est pourquoi personne
n’est sauvé seul, en tant qu’individu isolé, mais Dieu nous attire en prenant
en compte la trame complexe des relations interpersonnelles qui s’établissent
dans la communauté humaine : Dieu a voulu entrer dans une dynamique populaire,
dans la dynamique d’un peuple.
7.
J’aime voir la sainteté dans le patient peuple de Dieu : chez ces parents qui
éduquent avec tant d’amour leurs enfants, chez ces hommes et ces femmes qui
travaillent pour apporter le pain à la maison, chez les malades, chez les
religieuses âgées qui continuent de sourire. Dans cette constance à aller de
l’avant chaque jour, je vois la sainteté de l’Église militante. C’est cela, souvent,
la sainteté ‘‘de la porte d’à côté’’, de ceux qui vivent proches de nous et
sont un reflet de la présence de Dieu, ou, pour employer une autre expression,
‘‘la classe moyenne de la sainteté’’[4].
8.
Laissons-nous encourager par les signes de sainteté que le Seigneur nous offre
à travers les membres les plus humbles de ce peuple qui « participe aussi de la
fonction prophétique du Christ ; il répand son vivant témoignage avant tout par
une vie de foi et de charité »[5].
Pensons, comme nous le suggère sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, que par
l’intermédiaire de beaucoup d’entre eux se construit la vraie histoire : « Dans
la nuit la plus obscure surgissent les plus grandes figures de prophètes et de
saints. Mais le courant de la vie mystique qui façonne les âmes reste en grande
partie invisible. Certaines âmes dont aucun livre d’histoire ne fait mention,
ont une influence déterminante aux tournants décisifs de l’histoire
universelle. Ce n’est qu’au jour où tout ce qui est caché sera manifesté que
nous découvrirons aussi à quelles âmes nous sommes redevables des tournants
décisifs de notre vie personnelle »[6].
9.
La sainteté est le visage le plus beau de l’Église. Mais même en dehors de
l’Église catholique et dans des milieux très différents, l’Esprit suscite « des
signes de sa présence, qui aident les disciples mêmes du Christ »[7].
D’autre part, saint Jean-Paul II nous a rappelé que « le témoignage rendu au
Christ jusqu’au sang est devenu un patrimoine commun aux catholiques, aux
orthodoxes, aux anglicans et aux protestants »[8].
Lors de la belle commémoration œcuménique qu’il a voulu célébrer au Colisée à
l’occasion du Jubilé de l’an 2000, il a affirmé que les martyrs sont un «
héritage qui nous parle d’une voix plus forte que celle des fauteurs de
division »[9].
Le Seigneur appelle
10.
Tout cela est important. Cependant, ce que je voudrais rappeler par la présente
Exhortation, c’est surtout l’appel à la sainteté que le Seigneur adresse à chacun
d’entre nous, cet appel qu’il t’adresse à toi aussi : « Vous êtes devenus
saints car je suis saint » (Lv 11, 44 ; cf. 1 P 1, 16). Le
Concile Vatican II l’a souligné avec force : « Pourvus de moyens salutaires
d’une telle abondance et d’une telle grandeur, tous ceux qui croient au Christ,
quels que soient leur condition et leur état de vie, sont appelés par Dieu,
chacun dans sa route, à une sainteté dont la perfection est celle même du Père
»[10].
11.
« Chacun dans sa route » dit le Concile. Il ne faut donc pas se décourager
quand on contemple des modèles de sainteté qui semblent inaccessibles. Il y a
des témoins qui sont utiles pour nous encourager et pour nous motiver, mais non
pour que nous les copiions, car cela pourrait même nous éloigner de la route
unique et spécifique que le Seigneur veut pour nous. Ce qui importe, c’est que
chaque croyant discerne son propre chemin et mette en lumière le meilleur de
lui-même, ce que le Seigneur a déposé de vraiment personnel en lui (cf. 1
Co 12, 7) et qu’il ne s’épuise pas en cherchant à imiter quelque chose qui
n’a pas été pensé pour lui. Nous sommes tous appelés à être des témoins, mais
il y a de nombreuses formes existentielles de témoignage[11].
De fait, quand le grand mystique saint Jean de la Croix écrivait son Cantique
spirituel, il préférait éviter des règles fixes pour tout le monde et il
expliquait que ses vers étaient écrits pour que chacun en tire profit à sa
manière[12].
En effet, la vie divine se communique aux uns « d’une manière [et aux] autres
d’une autre »[13].
12.
Parmi les formes variées, je voudrais souligner que le ‘‘génie féminin’’ se
manifeste également dans des styles féminins de sainteté, indispensables pour
refléter la sainteté de Dieu en ce monde. Même à des époques où les femmes ont
été plus marginalisées, l’Esprit Saint a précisément suscité des saintes dont
le rayonnement a provoqué de nouveaux dynamismes spirituels et d’importantes
réformes dans l’Église. Nous pouvons mentionner sainte Hildegarde de Bingen,
sainte Brigitte, sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse d’Avila ou sainte
Thérèse de Lisieux. Mais je tiens à évoquer tant de femmes inconnues ou
oubliées qui, chacune à sa manière, ont soutenu et transformé des familles et
des communautés par la puissance de leur témoignage.
13.
Cela devrait enthousiasmer chacun et l’encourager à tout donner pour progresser
vers ce projet unique et inimitable que Dieu a voulu pour lui de toute éternité
: « Avant même de te former au ventre maternel, je t’ai connu; avant même que
tu sois sorti du sein, je t’ai consacré » (Jr 1, 5).
Pour toi aussi
14.
Pour être saint, il n’est pas nécessaire d’être évêque, prêtre, religieuse ou
religieux. Bien des fois, nous sommes tentés de penser que la sainteté n’est
réservée qu’à ceux qui ont la possibilité de prendre de la distance par rapport
aux occupations ordinaires, afin de consacrer beaucoup de temps à la prière. Il
n’en est pas ainsi. Nous sommes tous appelés à être des saints en vivant avec
amour et en offrant un témoignage personnel dans nos occupations quotidiennes,
là où chacun se trouve. Es-tu une consacrée ou un consacré ? Sois saint en
vivant avec joie ton engagement. Es-tu marié ? Sois saint en aimant et en
prenant soin de ton époux ou de ton épouse, comme le Christ l’a fait avec
l’Église. Es-tu un travailleur ? Sois saint en accomplissant honnêtement et
avec compétence ton travail au service de tes frères. Es-tu père, mère,
grand-père ou grand-mère ? Sois saint en enseignant avec patience aux enfants à
suivre Jésus. As-tu de l’autorité ? Sois saint en luttant pour le bien commun
et en renonçant à tes intérêts personnels[14].
15.
Laisse la grâce de ton baptême porter du fruit dans un cheminement de sainteté.
Permets que tout soit ouvert à Dieu et pour cela choisis-le, choisis Dieu sans
relâche. Ne te décourage pas, parce que tu as la force de l’Esprit Saint pour
que ce soit possible ; et la sainteté, au fond, c’est le fruit de l’Esprit
Saint dans ta vie (cf. Ga 5, 22-23). Quand tu sens la tentation de
t’enliser dans ta fragilité, lève les yeux vers le Crucifié et dis-lui :
‘‘Seigneur, je suis un pauvre, mais tu peux réaliser le miracle de me rendre
meilleur’’. Dans l’Église, sainte et composée de pécheurs, tu trouveras tout ce
dont tu as besoin pour progresser vers la sainteté. Le Seigneur l’a remplie de
dons par sa Parole, par les sacrements, les sanctuaires, la vie des
communautés, le témoignage de ses saints, et par une beauté multiforme qui
provient de l’amour du Seigneur, « comme la fiancée qui se pare de ses bijoux »
(Is 61, 10).
16.
Cette sainteté à laquelle le Seigneur t’appelle grandira par de petits gestes.
Par exemple : une dame va au marché pour faire des achats, elle rencontre une
voisine et commence à parler, et les critiques arrivent. Mais cette femme se
dit en elle-même : « Non, je ne dirai du mal de personne ». Voilà un pas dans
la sainteté ! Ensuite, à la maison, son enfant a besoin de parler de ses rêves,
et, bien qu’elle soit fatiguée, elle s’assoit à côté de lui et l’écoute avec
patience et affection. Voilà une autre offrande qui sanctifie ! Ensuite, elle
connaît un moment d’angoisse, mais elle se souvient de l’amour de la Vierge
Marie, prend le chapelet et prie avec foi. Voilà une autre voie de sainteté !
Elle sort après dans la rue, rencontre un pauvre et s’arrête pour échanger avec
lui avec affection. Voilà un autre pas !
17.
Parfois, la vie présente des défis importants et à travers eux le Seigneur nous
invite à de nouvelles conversions qui permettent à sa grâce de mieux se
manifester dans notre existence « afin de nous faire participer à sa sainteté »
(He 12, 10). D’autres fois il ne s’agit que de trouver une forme plus
parfaite de vivre ce que nous vivons déjà : « Il y a des inspirations qui
tendent seulement à une extraordinaire perfection des exercices ordinaires de
la vie chrétienne »[15].
Quand le Cardinal François-Xavier Nguyên Van Thuân était en prison, il avait
renoncé à s’évertuer à demander sa libération. Son choix était de vivre « le
moment présent en le comblant d’amour » ; et voilà la manière dont cela se
concrétisait : « Je saisis les occasions qui se présentent chaque jour, pour
accomplir les actes ordinaires de façon extraordinaire »[16].
18.
Ainsi, sous l’impulsion de la grâce divine, par de nombreux gestes, nous
construisons ce modèle de sainteté que Dieu a voulu, non pas en tant qu’êtres
autosuffisants mais « comme de bons intendants d’une multiple grâce de Dieu » (1
P 4, 10). Comme nous l’ont bien rappelé les Évêques de Nouvelle Zélande,
l’amour inconditionnel du Seigneur est possible parce que le Ressuscité partage
sa vie puissante avec nos vies fragiles : « Son amour n’a pas de limites et,
une fois donné, il ne recule jamais. Il a été inconditionnel et demeure fidèle.
Aimer ainsi n’est pas facile, car souvent nous sommes vraiment faibles. Mais
précisément pour que nous nous efforcions d’aimer comme le Christ nous a aimés,
le Christ partage sa propre vie ressuscitée avec nous. Ainsi, nos vies révèlent
son pouvoir en action, y compris au milieu de la faiblesse humaine »[17].
Ta mission dans le Christ
19.
Pour un chrétien, il n’est pas possible de penser à sa propre mission sur terre
sans la concevoir comme un chemin de sainteté, car « voici quelle est la
volonté de Dieu : c’est votre sanctification » (1 Th 4, 3). Chaque saint
est une mission ; il est un projet du Père pour refléter et incarner, à un
moment déterminé de l’histoire, un aspect de l’Évangile.
20.
Cette mission trouve son sens plénier dans le Christ et ne se comprend qu’à
partir de lui. Au fond, la sainteté, c’est vivre les mystères de sa vie en
union avec lui. Elle consiste à s’associer à la mort et à la résurrection du
Seigneur d’une manière unique et personnelle, à mourir et à ressusciter
constamment avec lui. Mais cela peut impliquer également de reproduire dans
l’existence personnelle divers aspects de la vie terrestre de Jésus : sa vie
cachée, sa vie communautaire, sa proximité avec les derniers, sa pauvreté et
d’autres manifestations du don de lui-même par amour. La contemplation de ces
mystères, comme le proposait saint Ignace de Loyola, nous amène à les faire
chair dans nos choix et dans nos attitudes[18].
Car « tout dans la vie de Jésus est signe de son mystère »,[19] «
toute la vie du Christ est Révélation du Père »[20],
« toute la vie du Christ est mystère de Rédemption »[21],
« toute la vie du Christ est mystère de Récapitulation »[22],
et « tout ce que le Christ a vécu, il fait que nous puissions le vivre en lui
et qu’il le vive en nous »[23].
21.
Le dessein du Père, c’est le Christ, et nous en lui. En dernière analyse, c’est
le Christ aimant en nous, car « la sainteté n’est rien d’autre que la charité
pleinement vécue »[24].
C’est pourquoi, « la mesure de la sainteté est donnée par la stature que le
Christ atteint en nous, par la mesure dans laquelle, avec la force de l’Esprit
Saint, nous modelons toute notre vie sur la sienne »[25].
Ainsi, chaque saint est un message que l’Esprit Saint puise dans la richesse de
Jésus-Christ et offre à son peuple.
22.
Pour reconnaître quelle est cette parole que le Seigneur veut dire à travers un
saint, il ne faut pas s’arrêter aux détails, car là aussi il peut y avoir des
erreurs et des chutes. Tout ce que dit un saint n’est pas forcément fidèle à
l’Évangile, tout ce qu’il fait n’est pas nécessairement authentique et parfait.
Ce qu’il faut considérer, c’est l’ensemble de sa vie, tout son cheminement de
sanctification, cette figure qui reflète quelque chose de Jésus-Christ et qui
se révèle quand on parvient à percevoir le sens de la totalité de sa personne[26].
23.
Pour nous tous, c’est un rappel fort. Toi aussi, tu as besoin de percevoir la
totalité de ta vie comme une mission. Essaie de le faire en écoutant Dieu dans
la prière et en reconnaissant les signes qu’il te donne. Demande toujours à
l’Esprit ce que Jésus attend de toi à chaque moment de ton existence et dans
chaque choix que tu dois faire, pour discerner la place que cela occupe dans ta
propre mission. Et permets-lui de forger en toi ce mystère personnel qui
reflète Jésus-Christ dans le monde d’aujourd’hui.
24.
Puisses-tu reconnaître quelle est cette parole, ce message de Jésus que Dieu
veut délivrer au monde par ta vie ! Laisse-toi transformer, laisse-toi
renouveler par l’Esprit pour que cela soit possible, et qu’ainsi ta belle
mission ne soit pas compromise. Le Seigneur l’accomplira même au milieu de tes
erreurs et de tes mauvaises passes, pourvu que tu n’abandonnes pas le chemin de
l’amour et que tu sois toujours ouvert à son action surnaturelle qui purifie et
illumine.
L’activité qui sanctifie
25.
Comme tu ne peux pas comprendre le Christ sans le Royaume qu’il est venu
apporter, ta propre mission est inséparable de la construction de ce Royaume :
« Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par
surcroît » (Mt 6, 33). Ton identification avec le Christ et avec ses
désirs implique l’engagement à construire, avec lui, ce Royaume d’amour, de
justice et de paix pour tout le monde. Le Christ lui-même veut le vivre avec
toi, dans tous les efforts ou les renoncements que cela implique, et également
dans les joies et dans la fécondité qu’il peut t’offrir. Par conséquent, tu ne
te sanctifieras pas sans te donner corps et âme pour offrir le meilleur de
toi-même dans cet engagement.
26.
Il n’est pas sain d’aimer le silence et de fuir la rencontre avec l’autre, de
souhaiter le repos et d’éviter l’activité, de chercher la prière et de mépriser
le service. Tout peut être accepté et être intégré comme faisant partie de
l’existence personnelle dans ce monde, et être incorporé au cheminement de
sanctification. Nous sommes appelés à vivre la contemplation également au sein
de l’action, et nous nous sanctifions dans l’exercice responsable et généreux
de notre propre mission.
27.
L’Esprit Saint peut-il nous inciter à accomplir une mission et en même temps
nous demander de la fuir, ou d’éviter de nous engager totalement pour préserver
la paix intérieure ? Cependant, nous sommes parfois tentés de reléguer au
second plan le dévouement pastoral ou l’engagement dans le monde, comme si
c’étaient des ‘‘distractions’’ sur le chemin de la sanctification et de la paix
intérieure. On oublie que « la vie n’a pas une mission, mais qu’elle est
mission »[27].
28.
Une tâche accomplie sous l’impulsion de l’anxiété, de l’orgueil, du besoin de
paraître et de dominer, ne sera sûrement pas sanctifiante. Le défi, c’est de
vivre son propre engagement de façon à ce que les efforts aient un sens
évangélique et nous identifient toujours davantage avec Jésus-Christ. C’est
pourquoi on a coutume de parler, par exemple, d’une spiritualité du catéchiste,
d’une spiritualité du clergé diocésain, d’une spiritualité du travail. C’est
pour la même raison que, dans Evangelii
gaudium, j’ai voulu conclure par une spiritualité de la mission, dans Laudato
si’, par une spiritualité écologique et, dans Amoris
laetitia, par une spiritualité de la vie familiale.
29.
Cela n’implique pas de déprécier les moments de quiétude, de solitude et de
silence devant Dieu. Bien au contraire ! Car les nouveautés constantes des
moyens technologiques, l’attraction des voyages, les innombrables offres de
consommation, ne laissent pas parfois d’espaces libres où la voix de Dieu
puisse résonner. Tout se remplit de paroles, de jouissances épidermiques et de
bruit à une vitesse toujours croissante. Il n’y règne pas la joie mais plutôt
l’insatisfaction de celui qui ne sait pas pourquoi il vit. Comment donc ne pas
reconnaître que nous avons besoin d’arrêter cette course fébrile pour retrouver
un espace personnel, parfois douloureux mais toujours fécond, où s’établit le
dialogue sincère avec Dieu ? À un certain moment, nous devrons regarder en face
notre propre vérité, pour la laisser envahir par le Seigneur, et on n’y
parvient pas toujours si « on ne se sent pas au bord de l’abîme de la tentation
la plus étouffante, si on ne sent pas le vertige du précipice de l’abandon le plus
désespéré, si on ne se trouve pas absolument seul, au faîte de la solitude la
plus radicale »[28].
C’est ainsi que nous trouvons les grandes motivations qui nous incitent à vivre
à fond les devoirs personnels.
30.
Les mêmes moyens de distraction qui envahissent la vie actuelle nous conduisent
aussi à absolutiser le temps libre au cours duquel nous pouvons utiliser sans
limites ces dispositifs qui nous offrent du divertissement ou des plaisirs
éphémères[29].
Par voie de conséquence, c’est la mission elle-même qui s’en ressent, c’est
l’engagement qui s’affaiblit, c’est le service généreux et disponible qui
commence à en pâtir. Cela dénature l’expérience spirituelle. Une ferveur
spirituelle peut-elle cohabiter avec une lassitude dans l’œuvre
d’évangélisation ou dans le service des autres ?
31.
Il nous faut un esprit de sainteté qui imprègne aussi bien la solitude que le
service, aussi bien l’intimité que l’œuvre d’évangélisation, en sorte que
chaque instant soit l’expression d’un amour dévoué sous le regard du Seigneur.
Ainsi, tous les moments seront des marches sur notre chemin de sanctification.
Plus vivants, plus frères
32.
N’aie pas peur de la sainteté. Elle ne t’enlèvera pas les forces, ni la vie ni
la joie. C’est tout le contraire, car tu arriveras à être ce que le Père a
pensé quand il t’a créé et tu seras fidèle à ton propre être. Dépendre de lui
nous libère des esclavages et nous conduit à reconnaître notre propre dignité.
Cela se reflète en sainte Joséphine Bakhita qui « enlevée et vendue en
esclavage à l’âge de 7 ans, […] endura de nombreuses souffrances entre les
mains de maîtres cruels. Mais elle comprit que la vérité profonde est que Dieu,
et non pas l’homme, est le véritable Maître de chaque être humain, de toute vie
humaine. L’expérience devint une source de profonde sagesse pour cette humble
fille d'Afrique »[30].
33.
Dans la mesure où il se sanctifie, chaque chrétien devient plus fécond pour le
monde. Les évêques de l’Afrique occidentale nous ont enseigné : « Nous sommes appelés
dans l’esprit de la Nouvelle Évangélisation à nous laisser évangéliser et à
évangéliser à travers les responsabilités confiées à tous les baptisés. Nous
devons jouer notre rôle en tant que sel de la terre et lumière du monde où que
nous nous trouvions »[31].
34.
N’aie pas peur de viser plus haut, de te laisser aimer et libérer par Dieu.
N’aie pas peur de te laisser guider par l’Esprit Saint. La sainteté ne te rend
pas moins humain, car c’est la rencontre de ta faiblesse avec la force de la
grâce. Au fond, comme disait Léon Bloy, dans la vie « il n’y a qu’une
tristesse, c’est de n’être pas des saints »[32].
Deuxième chapitre
DEUX ENNEMIS SUBTILS DE
LA SAINTETE
35.
Dans ce cadre, je voudrais attirer l’attention sur deux falsifications de la
sainteté qui pourraient nous faire dévier du chemin : le gnosticisme et le
pélagianisme. Ce sont deux hérésies apparues au cours des premiers siècles du
christianisme mais qui sont encore d’une préoccupante actualité. Même
aujourd’hui les cœurs de nombreux chrétiens, peut-être sans qu’ils s’en rendent
compte, se laissent séduire par ces propositions trompeuses. En elles s’exprime
un immanentisme anthropocentrique déguisé en vérité catholique[33].
Voyons ces deux formes de sécurité, doctrinale ou disciplinaire, qui donnent
lieu à « un élitisme narcissique et autoritaire, où, au lieu d’évangéliser, on
analyse et classifie les autres, et, au lieu de faciliter l’accès à la grâce,
les énergies s’usent dans le contrôle. Dans les deux cas, ni Jésus-Christ ni
les autres n’intéressent vraiment »[34].
Le gnosticisme actuel
36.
Le gnosticisme suppose « une foi renfermée dans le subjectivisme, où seule
compte une expérience déterminée ou une série de raisonnements et de
connaissances que l’on considère comme pouvant réconforter et éclairer, mais où
le sujet reste en définitive fermé dans l’immanence de sa propre raison ou de
ses sentiments »[35].
Un esprit sans Dieu et
sans chair
37.
Grâce à Dieu, tout au long de l’histoire de l’Église, il a toujours été très
clair que la perfection des personnes se mesure par leur degré de charité et
non par la quantité des données et des connaissances qu’elles accumulent. Les
‘‘gnostiques’’ font une confusion sur ce point et jugent les autres par leur
capacité à comprendre la profondeur de certaines doctrines. Ils conçoivent un
esprit sans incarnation, incapable de toucher la chair souffrante du Christ
dans les autres, corseté dans une encyclopédie d’abstractions. En désincarnant
le mystère, ils préfèrent finalement « un Dieu sans Christ, un Christ sans
Église, une Église sans peuple »[36].
38.
En définitive, il s’agit d’une superficialité vaniteuse : beaucoup de mouvement
à la surface de l’esprit, mais la profondeur de la pensée ne se meut ni ne
s’émeut. Cette superficialité arrive cependant à subjuguer certains par une
fascination trompeuse, car l’équilibre gnostique réside dans la forme et semble
aseptisé ; et il peut prendre l’aspect d’une certaine harmonie ou d’un ordre
qui englobent tout.
39.
Mais attention ! Je ne fais pas référence aux rationalistes ennemis de la foi
chrétienne. Cela peut se produire dans l’Église, tant chez les laïcs des
paroisses que chez ceux qui enseignent la philosophie ou la théologie dans les
centres de formation. Car c’est aussi le propre des gnostiques de croire que,
par leurs explications, ils peuvent rendre parfaitement compréhensibles toute
la foi et tout l’Evangile. Ils absolutisent leurs propres théories et obligent
les autres à se soumettre aux raisonnements qu’ils utilisent. Une chose est un
sain et humble usage de la raison pour réfléchir sur l’enseignement théologique
et moral de l’Evangile ; une autre est de prétendre réduire l’enseignement de
Jésus à une logique froide et dure qui cherche à tout dominer[37].
Une doctrine sans mystère
40.
Le gnosticisme est l’une des pires idéologies puisqu’en même temps qu’il exalte
indûment la connaissance ou une expérience déterminée, il considère que sa
propre vision de la réalité représente la perfection. Ainsi, peut-être sans
s’en rendre compte, cette idéologie se nourrit-elle elle-même et sombre-t-elle
d’autant plus dans la cécité. Elle devient parfois particulièrement trompeuse
quand elle se déguise en spiritualité désincarnée. Car le gnosticisme « de par
sa nature même veut apprivoiser le mystère »[38],
tant le mystère de Dieu et de sa grâce que le mystère de la vie des autres.
41.
Lorsque quelqu’un a réponse à toutes les questions, cela montre qu’il n’est pas
sur un chemin sain, et il est possible qu’il soit un faux prophète utilisant la
religion à son propre bénéfice, au service de ses élucubrations psychologiques
et mentales. Dieu nous dépasse infiniment, il est toujours une surprise et ce
n’est pas nous qui décidons dans quelle circonstance historique le rencontrer,
puisqu’il ne dépend pas de nous de déterminer le temps, le lieu et la modalité
de la rencontre. Celui qui veut que tout soit clair et certain prétend dominer
la transcendance de Dieu.
42.
On ne peut pas non plus prétendre définir là où Dieu ne se trouve pas, car il
est présent mystérieusement dans la vie de toute personne, il est dans la vie
de chacun comme il veut, et nous ne pouvons pas le nier par nos supposées
certitudes. Même quand l’existence d’une personne a été un désastre, même quand
nous la voyons détruite par les vices et les addictions, Dieu est dans sa vie.
Si nous nous laissons guider par l’Esprit plus que par nos raisonnements, nous
pouvons et nous devons chercher le Seigneur dans toute vie humaine. Cela fait
partie du mystère que les mentalités gnostiques finissent par rejeter, parce
qu’elles ne peuvent pas le contrôler.
Les limites de la raison
43.
Nous ne parvenons à comprendre que très pauvrement la vérité que nous recevons
du Seigneur. Plus difficilement encore nous parvenons à l’exprimer. Nous ne
pouvons donc pas prétendre que notre manière de la comprendre nous autorise à
exercer une supervision stricte sur la vie des autres. Je voudrais rappeler que
dans l’Église cohabitent à bon droit diverses manières d’interpréter de
nombreux aspects de la doctrine et de la vie chrétienne qui, dans leur variété,
« aident à mieux expliquer le très riche trésor de la Parole ». En réalité « à
ceux qui rêvent d’une doctrine monolithique défendue par tous sans nuances,
cela peut sembler une dispersion imparfaite »[39].
Précisément, certains courants gnostiques ont déprécié la simplicité si
concrète de l’Evangile et ont cherché à remplacer le Dieu trinitaire et incarné
par une Unité supérieure où disparaissait la riche multiplicité de notre
histoire.
44.
En réalité, la doctrine, ou mieux, notre compréhension et expression de
celle-ci, « n’est pas un système clos, privé de dynamiques capables d’engendrer
des questions, des doutes, des interrogations », et « les questions de notre
peuple, ses angoisses, ses combats, ses rêves, ses luttes, ses préoccupations,
possèdent une valeur herméneutique que nous ne pouvons ignorer si nous voulons
prendre au sérieux le principe de l’incarnation. Ses questions nous aident à
nous interroger, ses interrogations nous interrogent »[40].
45.
Il se produit fréquemment une dangereuse confusion : croire que parce que nous
savons quelque chose ou que nous pouvons l’expliquer selon une certaine
logique, nous sommes déjà saints, parfaits, meilleurs que la « masse ignorante
». Saint Jean-Paul II mettait en garde ceux qui dans l’Église ont la chance
d’une formation plus poussée contre la tentation de nourrir « un certain
sentiment de supériorité par rapport aux autres fidèles »[41].
Mais en réalité, ce que nous croyons savoir devrait être toujours un motif pour
mieux répondre à l’amour de Dieu, car « on apprend pour vivre : théologie et
sainteté sont un binôme inséparable »[42].
46.
Quand saint François d’Assise a vu que certains de ses disciples enseignaient
la doctrine, il a voulu éviter la tentation du gnosticisme. Il a donc écrit ceci
à saint Antoine de Padoue : « Il me plaît que tu lises la théologie sacrée aux
frères, pourvu que, dans l’étude de celle-ci, tu n’éteignes pas l’esprit de
sainte oraison et de dévotion »[43].
Il percevait la tentation de transformer l’expérience chrétienne en un ensemble
d’élucubrations mentales qui finissent par éloigner de la fraîcheur de
l’Evangile. Saint Bonaventure, d’autre part, faisait remarquer que la vraie
sagesse chrétienne ne doit pas être séparée de la miséricorde envers le
prochain : « La plus grande sagesse qui puisse exister consiste à diffuser fructueusement
ce qu’on a à offrir, ce qui a été précisément donné pour être offert […] C’est
pourquoi tout comme la miséricorde est amie de la sagesse, l’avarice est son
ennemi »[44].
« Il y a une activité qui, en s’unissant à la contemplation ne l’entrave pas,
mais la favorise ainsi que les œuvres de miséricorde et de piété »[45].
Le pélagianisme actuel
47.
Le gnosticisme a donné lieu à une autre vieille hérésie qui est également
présente aujourd’hui. A mesure que passait le temps, beaucoup ont commencé à
reconnaître que ce n’est pas la connaissance qui nous rend meilleurs ni saints,
mais la vie que nous menons. Le problème, c’est que cela a dégénéré
subtilement, de sorte que l’erreur même des gnostiques s’est simplement
transformée mais n’a pas été surmontée.
48.
Car le pouvoir que les gnostiques attribuaient à l’intelligence, certains
commencèrent à l’attribuer à la volonté humaine, à l’effort personnel. C’est
ainsi que sont apparus les pélagiens et les semi-pélagiens. Ce n’était plus
l’intelligence qui occupait la place du mystère et de la grâce, mais la
volonté. On oubliait qu’« il n’est pas question de l’homme qui veut ou qui
court, mais de Dieu qui fait miséricorde » (Rm 9, 16) et que « lui nous a
aimés le premier» (1Jn 4, 19).
Une volonté sans humilité
49.
Ceux qui épousent cette mentalité pélagienne ou semi-pélagienne, bien qu’ils parlent
de la grâce de Dieu dans des discours édulcorés, « en définitive font confiance
uniquement à leurs propres forces et se sentent supérieurs aux autres parce
qu’ils observent des normes déterminées ou parce qu’ils sont inébranlablement
fidèles à un certain style catholique »[46].
Quand certains d’entre eux s’adressent aux faibles en leur disant que tout est
possible avec la grâce de Dieu, au fond ils font d’habitude passer l’idée que
tout est possible par la volonté humaine, comme si celle-ci était quelque chose
de pur, de parfait, de tout-puissant, auquel s’ajoute la grâce. On cherche à
ignorer que ‘‘tous ne peuvent pas tout’’[47],
et qu’en cette vie les fragilités humaines ne sont pas complètement et
définitivement guéries par la grâce[48].
De toute manière, comme l’enseignait saint Augustin, Dieu t’invite à faire ce
que tu peux et à demander ce que tu ne peux pas [49];
ou bien à dire humblement au Seigneur : « Donne ce que tu commandes et commande
ce que tu veux »[50].
50.
Au fond, l’absence de la reconnaissance sincère, douloureuse et priante de nos
limites est ce qui empêche la grâce de mieux agir en nous, puisqu’on ne lui
laisse pas de place pour réaliser ce bien possible qui s’insère dans un
cheminement sincère et réel de croissance[51].
La grâce, justement parce qu’elle suppose notre nature, ne fait pas de nous,
d’un coup, des surhommes. Le prétendre serait placer trop de confiance en
nous-mêmes. Dans ce cas, derrière l’orthodoxie, nos attitudes pourraient ne pas
correspondre à ce que nous affirmons sur la nécessité de la grâce, et dans les
faits nous finissons par compter peu sur elle. Car si nous ne percevons pas
notre réalité concrète et limitée, nous ne pourrons pas voir non plus les pas
réels et possibles que le Seigneur nous demande à chaque instant, après nous
avoir rendus capables et nous avoir conquis par ses dons. La grâce agit
historiquement et, d’ordinaire, elle nous prend et nous transforme de manière
progressive[52].
C’est pourquoi si nous rejetons ce caractère historique et progressif, nous
pouvons, de fait, arriver à la nier et à la bloquer, bien que nous l’exaltions
par nos paroles.
51.
Quand Dieu s’adresse à Abraham, il lui dit : « Je suis Dieu tout-puissant. Marche
en ma présence et sois parfait » (Gn 17, 1). Pour que nous soyons parfaits
comme il le désire, nous devons vivre humblement en sa présence, enveloppés de
sa gloire ; il nous faut marcher en union avec lui en reconnaissant son amour
constant dans nos vies. Il ne faut plus avoir peur de cette présence qui ne
peut que nous faire du bien. Il est le Père qui nous a donné la vie et qui nous
aime tant. Une fois que nous l’acceptons et que nous cessons de penser notre
vie sans lui, l’angoisse de la solitude disparaît (cf. Ps 139, 7). Et
si nous n’éloignons plus Dieu de nous et que nous vivons en sa présence, nous
pourrons lui permettre d’examiner nos cœurs pour qu’il voie s’ils sont sur le
bon chemin (cf. Ps 139, 23-24). Ainsi, nous connaîtrons la volonté du
Seigneur, ce qui lui plaît et ce qui est parfait (cf. Rm 12, 1-2) et
nous le laisserons nous modeler comme un potier (cf. Is 29, 16). Nous
avons souvent dit que Dieu habite en nous, mais il est mieux de dire que nous
habitons en lui, qu’il nous permet de vivre dans sa lumière et dans son amour.
Il est notre temple : « La chose que je cherche, c’est d’habiter la maison du
Seigneur tous les jours de ma vie » (cf. Ps 27, 4). « Mieux vaut un
jour dans tes parvis que mille à ma guise » (Ps 84, 11). C’est en lui que nous
sommes sanctifiés.
Un enseignement de
l’Église souvent oublié
52.
L’Église catholique a maintes fois enseigné que nous ne sommes pas justifiés
par nos œuvres ni par nos efforts mais par la grâce du Seigneur qui prend
l’initiative. Les Pères de l’Église, même avant saint Augustin, exprimaient
clairement cette conviction primordiale. Saint Jean Chrysostome disait que Dieu
verse en nous la source même de tous les dons avant même que nous n’entrions
dans le combat[53].
Saint Basile le Grand faisait remarquer que le fidèle se glorifie seulement en
Dieu, car il sait qu’il « est dépourvu de vraie justice et ne [trouve] sa
justice que dans la foi au Christ »[54].
53.
Le deuxième Synode d’Orange a enseigné avec grande autorité que nul homme peut
exiger, mériter ou acheter le don de la grâce divine et que toute coopération
avec elle est d’abord un don de la grâce elle-même : « Même notre volonté de
purification est un effet de l’infusion et de l’opération du Saint Esprit en
nous »[55].
Plus tard, même quand le Concile de Trente souligne l’importance de notre
coopération pour la croissance spirituelle, il réaffirme cet enseignement
dogmatique : on dit que nous sommes « justifiés gratuitement parce que rien de
ce qui précède la justification, que ce soit la foi ou les œuvres, ne mérite
cette grâce de la justification. En effet, si c’est une grâce, elle ne vient
pas des œuvres ; autrement, la grâce n’est plus la grâce (Rm 11, 6)»[56].
54.
Le Catéchisme de l’Église catholique aussi nous rappelle que le don de la grâce
« surpasse les capacités de l’intelligence et les forces de la volonté humaine
»[57],
et qu’« à l’égard de Dieu, il n’y a pas, au sens d’un droit strict, de mérite
de la part de l’homme. Entre Lui et nous l’inégalité est sans mesure »[58].
Son amitié nous dépasse infiniment, nous ne pouvons pas l’acheter par nos
œuvres et elle ne peut être qu’un don de son initiative d’amour. Cela nous
invite à vivre dans une joyeuse gratitude pour ce don que nous ne mériterons
jamais, puisque « quand [quelqu’un] possède déjà la grâce, il ne peut mériter
cette grâce déjà reçue »[59].
Les saints évitent de mettre leur confiance dans leurs propres actions : « Au
soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides, car je ne vous
demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres. Toutes nos justices ont des
taches à vos yeux »[60].
55.
C’est l’une des grandes convictions définitivement acquises par l’Église, et
cela est si clairement exprimé dans la Parole de Dieu que c’est hors de toute
discussion. Tout comme le commandement suprême de l’amour, cette vérité devrait
marquer notre style de vie, parce qu’elle s’abreuve au cœur de l’Evangile et elle
demande non seulement à être accueillie par notre esprit, mais aussi à être
transformée en une joie contagieuse. Cependant nous ne pourrons pas célébrer
avec gratitude le don gratuit de l’amitié avec le Seigneur si nous ne
reconnaissons pas que même notre existence terrestre et nos capacités
naturelles sont un don. Il nous faut « accepter joyeusement que notre être soit
un don, et accepter même notre liberté comme une grâce. C’est ce qui est
difficile aujourd’hui dans un monde qui croit avoir quelque chose par lui-même,
fruit de sa propre originalité ou de sa liberté »[61].
56.
C’est seulement à partir du don de Dieu, librement accueilli et humblement
reçu, que nous pouvons coopérer par nos efforts à nous laisser transformer de
plus en plus[62].
Il faut d’abord appartenir à Dieu. Il s’agit de nous offrir à celui qui nous
devance, de lui remettre nos capacités, notre engagement, notre lutte contre le
mal et notre créativité, pour que son don gratuit grandisse et se développe en
nous : « Je vous exhorte, frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos
personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu » (Rm 12, 1). D’autre
part, l’Église a toujours enseigné que seule la charité rend possible la
croissance dans la vie de la grâce car « si je n’ai pas la charité, je ne suis
rien » (1Co 13, 2).
Les nouveaux pélagiens
57.
Il y a encore des chrétiens qui s’emploient à suivre un autre chemin : celui de
la justification par leurs propres forces, celui de l’adoration de la volonté
humaine et de ses propres capacités, ce qui se traduit par une autosatisfaction
égocentrique et élitiste dépourvue de l’amour vrai. Cela se manifeste par de
nombreuses attitudes apparemment différentes : l’obsession pour la loi, la
fascination de pouvoir montrer des conquêtes sociales et politiques,
l’ostentation dans le soin de la liturgie, de la doctrine et du prestige de
l’Église, la vaine gloire liée à la gestion d’affaires pratiques,
l’enthousiasme pour les dynamiques d’autonomie et de réalisation
autoréférentielle. Certains chrétiens consacrent leurs énergies et leur temps à
cela, au lieu de se laisser porter par l’Esprit sur le chemin de l’amour, de
brûler du désir de communiquer la beauté et la joie de l’Evangile, et de
chercher ceux qui sont perdus parmi ces immenses multitudes assoiffées du
Christ[63].
58.
Souvent, contre l’impulsion de l’Esprit, la vie de l’Église se transforme en
pièce de musée ou devient la propriété d’un petit nombre. Cela se produit quand
certains groupes chrétiens accordent une importance excessive à
l’accomplissement de normes, de coutumes ou de styles déterminés. De cette
manière, on a l’habitude de réduire et de mettre l’Evangile dans un carcan en lui
retirant sa simplicité captivante et sa saveur. C’est peut-être une forme
subtile de pélagianisme, parce que cela semble soumettre la vie de la grâce à
quelques structures humaines. Cela touche des groupes, des mouvements et des
communautés, et c’est ce qui explique que, très souvent, ils commencent par une
vie intense dans l’Esprit mais finissent fossilisés… ou corrompus.
59.
Sans nous en rendre compte, en pensant que tout dépend de l’effort humain
canalisé par des normes et des structures ecclésiales, nous compliquons
l’Evangile et nous devenons esclaves d’un schéma qui laisse peu de place pour
que la grâce agisse. Saint Thomas d’Aquin nous rappelait que les préceptes
ajoutés à l’Evangile par l’Église doivent s’exiger avec modération « de peur
que la vie des fidèles en devienne pénible » et qu’ainsi notre religion ne se
transforme en « un fardeau asservissant »[64].
Le résumé de la Loi
60.
Pour éviter cela, il est bon de rappeler fréquemment qu’il y a une hiérarchie
des vertus qui nous invite à rechercher l’essentiel. Le primat revient aux vertus
théologales qui ont Dieu pour objet et cause. Et au centre se trouve la
charité. Saint Paul affirme que ce qui compte vraiment, c’est la « la foi
opérant par la charité » (Ga 5, 6). Nous sommes appelés à préserver plus
soigneusement la charité : « Celui qui aime autrui a de ce fait accompli la loi
[…]. La charité est donc la loi dans sa plénitude » (Rm 13, 8.10). « Car
une seule formule contient toute la Loi en sa plénitude : “Tu aimeras ton
prochain comme toi-même” » (Ga 5, 14).
61.
En d’autres termes : dans l’épaisse forêt de préceptes et de prescriptions,
Jésus ouvre une brèche qui permet de distinguer deux visages : celui du Père et
celui du frère. Il ne nous offre pas deux formules ou deux préceptes de plus.
Il nous offre deux visages, ou mieux, un seul, celui de Dieu qui se reflète
dans beaucoup d’autres. Car en chaque frère, spécialement le plus petit,
fragile, sans défense et en celui qui est dans le besoin, se trouve présente
l’image même de Dieu. En effet, avec cette humanité vulnérable considérée comme
déchet, à la fin des temps, le Seigneur façonnera sa dernière œuvre d’art. Car
« qu’est-ce qui reste, qu’est-ce qui a de la valeur dans la vie, quelles
richesses ne s’évanouissent pas ? Sûrement deux : le Seigneur et le prochain.
Ces deux richesses ne s’évanouissent pas »[65].
62.
Que le Seigneur délivre l’Église des nouvelles formes de gnosticisme et de
pélagianisme qui l’affublent et l’entravent sur le chemin de la sainteté ! Ces
déviations s’expriment de diverses manières, selon le tempérament et des
caractéristiques propres à chacun. C’est pourquoi j’exhorte chacun à se
demander et à discerner devant Dieu de quelle manière elles peuvent être en
train de se manifester dans sa vie.
Troisième chapitre
A LA LUMIERE DU MAÎTRE
63.
Il peut y avoir de nombreuses théories sur ce qu’est la sainteté, d’abondantes
explications et distinctions. Cette réflexion pourrait être utile, mais rien
n’est plus éclairant que de revenir aux paroles de Jésus et de recueillir sa
manière de transmettre la vérité. Jésus a expliqué avec grande simplicité ce
que veut dire être saint, et il l’a fait quand il nous a enseigné les
béatitudes (cf.Mt 5, 3-12 ; Lc 6, 20-23). Elles sont comme la
carte d’identité du chrétien. Donc, si quelqu’un d’entre nous se pose cette
question, “comment fait-on pour parvenir à être un bon chrétien ?”, la réponse
est simple : il faut mettre en œuvre, chacun à sa manière, ce que Jésus déclare
dans le sermon des béatitudes[66].
À travers celles-ci se dessine le visage du Maître que nous sommes appelés à
révéler dans le quotidien de nos vies.
64.
Le mot “heureux” ou “bienheureux”, devient synonyme de “saint”, parce qu’il
exprime le fait que la personne qui est fidèle à Dieu et qui vit sa Parole
atteint, dans le don de soi, le vrai bonheur.
À contrecourant
65.
Bien que les paroles de Jésus puissent nous sembler poétiques, elles vont
toutefois vraiment à contrecourant de ce qui est habituel, de ce qui se fait
dans la société ; et, bien que ce message de Jésus nous attire, en réalité le
monde nous mène vers un autre style de vie. Les béatitudes ne sont nullement
quelque chose de léger ou de superficiel, bien au contraire ; car nous ne
pouvons les vivre que si l’Esprit Saint nous envahit avec toute sa puissance et
nous libère de la faiblesse de l’égoïsme, du confort, de l’orgueil.
66.
Écoutons encore Jésus, avec tout l’amour et le respect que mérite le Maître.
Permettons-lui de nous choquer par ses paroles, de nous provoquer, de nous
interpeller en vue d’un changement réel de vie. Autrement, la sainteté ne sera
qu’un mot. Examinons à présent les différentes béatitudes dans la version de
l’Évangile selon Matthieu (cf. Mt 5, 3-12) [67]:
« Heureux les
pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux ».
67.
L’Évangile nous invite à reconnaître la vérité de notre cœur, pour savoir où
nous plaçons la sécurité de notre vie. En général, le riche se sent en sécurité
avec ses richesses, et il croit que lorsqu’elles sont menacées, tout le sens de
sa vie sur terre s’effondre. Jésus lui-même nous l’a dit dans la parabole du
riche insensé, en parlant de cet homme confiant qui, comme un insensé, ne
pensait pas qu’il pourrait mourir le jour même (cf. Lc 12, 16-21).
68.
Les richesses ne te garantissent rien. Qui plus est, quand le cœur se sent
riche, il est tellement satisfait de lui-même qu’il n’y a plus de place pour la
Parole de Dieu, pour aimer les frères ni pour jouir des choses les plus
importantes de la vie. Il se prive ainsi de plus grands biens. C’est pourquoi
Jésus déclare heureux les pauvres en esprit, ceux qui ont le cœur pauvre, où le
Seigneur peut entrer avec sa nouveauté constante.
69.
Cette pauvreté d’esprit est étroitement liée à la “sainte indifférence” que
saint Ignace de Loyola proposait, et par laquelle nous atteignons une
merveilleuse liberté intérieure : « Pour cela il est nécessaire de nous rendre
indifférents à toutes les choses créées, en tout ce qui est laissé à la liberté
de notre libre-arbitre et qui ne lui est pas défendu ; de telle manière que
nous ne voulions pas, pour notre part, davantage la santé que la maladie, la
richesse que la pauvreté, l’honneur que le déshonneur, une vie longue qu’une
vie courte et ainsi de suite pour tout le reste »[68].
70.
Luc ne parle pas d’une pauvreté en “esprit” mais d’être “pauvre” tout court
(cf. Lc 6, 20), et ainsi il nous invite également à une existence
austère et dépouillée. De cette façon, il nous appelle à partager la vie des
plus pauvres, la vie que les Apôtres ont menée, et en définitive à nous
configurer à Jésus qui, étant riche, « s’est fait pauvre » (2 Co 8, 9).
Être pauvre de cœur,
c’est cela la sainteté !
« Heureux les doux, car
ils possèderont la terre ».
71.
C’est une expression forte, dans ce monde qui depuis le commencement est un
lieu d’inimitié, où l’on se dispute partout, où, de tous côtés, il y a de la
haine, où constamment nous classons les autres en fonction de leurs idées, de
leurs mœurs, voire de leur manière de parler ou de s’habiller. En définitive,
c’est le règne de l’orgueil et de la vanité, où chacun croit avoir le droit de
s’élever au-dessus des autres. Néanmoins, bien que cela semble impossible,
Jésus propose un autre style : la douceur. C’est ce qu’il pratiquait avec ses
propres disciples et c’est ce que nous voyons au moment de son entrée à
Jérusalem : « Voici que ton Roi vient à toi ; modeste, il monte une ânesse »
(Mt 21, 5 ; cf. Zc 9, 9).
72. Jésus
a dit : « Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous
trouverez soulagement pour vos âmes » (Mt 11, 29). Si nous vivons tendus,
prétentieux face aux autres, nous finissons par être fatigués et épuisés. Mais
si nous regardons leurs limites et leurs défauts avec tendresse et douceur,
sans nous sentir meilleurs qu’eux, nous pouvons les aider et nous évitons
d’user nos énergies en lamentations inutiles. Pour sainte Thérèse de Lisieux, «
la charité parfaite consiste à supporter les défauts des autres, à ne point
s’étonner de leurs faiblesses »[69].
73.
Paul mentionne la douceur comme un fruit de l’Esprit Saint (cf. Ga 5,
23). Il propose que, si nous sommes parfois préoccupés par les mauvaises
actions du frère, nous nous approchions pour le corriger, mais « avec un esprit
de douceur » (Ga 6, 1), et il rappelle : « Tu pourrais bien toi aussi être
tenté » (ibid.). Même lorsque l’on défend sa foi et ses convictions, il faut le
faire « avec douceur » (1 P 3, 16), y compris avec les adversaires qui
doivent être traités « avec douceur » (2 Tm 2, 25). Dans l’Église, bien
des fois nous nous sommes trompés pour ne pas avoir accueilli cette requête de
la Parole de Dieu.
74.
La douceur est une autre expression de la pauvreté intérieure de celui qui
place sa confiance seulement en Dieu. En effet, dans la Bible on utilise
habituellement le même mot anawin pour désigner les pauvres et les
doux. Quelqu’un pourrait objecter : “Si je suis trop doux, on pensera que je suis
stupide, que je suis idiot ou faible”. C’est peut-être le cas, mais laissons
les autres penser cela. Il vaut mieux toujours être doux, et nos plus grands
désirs s’accompliront : les doux « possèderont la terre », autrement dit, ils
verront accomplies, dans leurs vies, les promesses de Dieu. En effet, les doux,
indépendamment des circonstances, espèrent dans le Seigneur, et les humbles
possèderont la terre et jouiront d’une grande paix (cf. Ps 37, 9.11).
En même temps, le Seigneur leur fait confiance : « Celui sur qui je porte les
yeux, c’est le pauvre et l’humilié, celui qui tremble à ma parole »
(Is 66, 2).
Réagir avec une humble douceur,
c’est cela la sainteté !
« Heureux les affligés,
car ils seront consolés »
75.
Le monde nous propose le contraire : le divertissement, la jouissance, le
loisir, la diversion, et il nous dit que c’est cela qui fait la bonne vie.
L’homme mondain ignore, détourne le regard quand il y a des problèmes de
maladie ou de souffrance dans sa famille ou autour de lui. Le monde ne veut pas
pleurer : il préfère ignorer les situations douloureuses, les dissimuler, les
cacher. Il s’ingénie à fuir les situations où il y a de la souffrance, croyant
qu’il est possible de masquer la réalité, où la croix ne peut jamais, jamais
manquer.
76.
La personne qui voit les choses comme elles sont réellement se laisse transpercer
par la douleur et pleure dans son cœur, elle est capable de toucher les
profondeurs de la vie et d’être authentiquement heureuse[70].
Cette personne est consolée, mais par le réconfort de Jésus et non par celui du
monde. Elle peut ainsi avoir le courage de partager la souffrance des autres et
elle cesse de fuir les situations douloureuses. De cette manière, elle trouve
que la vie a un sens, en aidant l’autre dans sa souffrance, en comprenant les
angoisses des autres, en soulageant les autres. Cette personne sent que l’autre
est la chair de sa chair, elle ne craint pas de s’en approcher jusqu’à toucher
sa blessure, elle compatit jusqu’à se rendre compte que les distances ont été
supprimées. Il devient ainsi possible d’accueillir cette exhortation de saint
Paul : « Pleurez avec qui pleure » (Rm 12, 15).
Savoir pleurer avec les autres,
c’est cela la sainteté !
« Heureux les
affamés et les assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés »
77.
‘‘Avoir faim et soif’’ sont des expériences très intenses, parce qu’elles
répondent à des besoins vitaux et sont liées à l’instinct de survie. Il y a des
gens qui avec cette même intensité aspirent à la justice et la recherchent avec
un désir vraiment ardent. Jésus dit qu’ils seront rassasiés, puisque, tôt ou
tard, la justice devient réalité, et nous, nous pouvons contribuer à ce que ce
soit possible, même si nous ne voyons pas toujours les résultats de cet
engagement.
78.
Mais la justice que Jésus propose n’est pas comme celle que le monde recherche
; une justice tant de fois entachée par des intérêts mesquins, manipulée d’un
côté ou de l’autre. La réalité nous montre combien il est facile d’entrer dans
les bandes organisées de la corruption, de participer à cette politique quotidienne
du “donnant-donnant”, où tout est affaire. Et que de personnes souffrent
d’injustices, combien sont contraintes à observer, impuissantes, comment les
autres se relaient pour se partager le gâteau de la vie. Certains renoncent à
lutter pour la vraie justice et choisissent de monter dans le train du
vainqueur. Cela n’a rien à voir avec la faim et la soif de justice dont Jésus
fait l’éloge.
79.
Une telle justice commence à devenir réalité dans la vie de chacun lorsque l’on
est juste dans ses propres décisions, et elle se manifeste ensuite, quand on
recherche la justice pour les pauvres et les faibles. Il est vrai que le mot
“justice” peut être synonyme de fidélité à la volonté de Dieu par toute notre
vie, mais si nous lui donnons un sens très général, nous oublions qu’elle se
révèle en particulier dans la justice envers les désemparés : « Recherchez le
droit, redressez le violent ! Faites droit à l’orphelin, plaidez pour la
veuve ! » (Is 1, 17).
Rechercher la justice
avec faim et soif, c’est cela la sainteté !
« Heureux les
miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde ».
80.
La miséricorde a deux aspects : elle consiste à donner, à aider, à servir les
autres, et aussi à pardonner, à comprendre. Matthieu le résume dans une règle
d’or : « Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous,
faites-le vous-mêmes pour eux » (7, 12). Le Catéchisme nous rappelle que
cette loi doit être appliquée « dans tous les cas »[71],
spécialement quand quelqu’un « est quelquefois affronté à des situations qui
rendent le jugement moral moins assuré et la décision difficile »[72].
81.
Donner et pardonner, c’est essayer de reproduire dans nos vies un petit reflet
de la perfection de Dieu qui donne et pardonne en surabondance. C’est pourquoi,
dans l’évangile de Luc, nous n’entendons plus le « soyez parfaits » (Mt 5,
48) mais : « Montrez-vous compatissants, comme votre Père est compatissant. Ne
jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas et vous ne serez pas
condamnés ; remettez, et il vous sera remis. Donnez et l’on vous donnera » (6,
36-38). Et puis Luc ajoute quelque chose que nous ne devrions pas ignorer : «
De la mesure dont vous mesurez on mesurera pour vous en retour » (6, 38). La
mesure que nous utilisons pour comprendre et pour pardonner nous sera appliquée
pour nous pardonner. La mesure que nous appliquons pour donner, nous sera
appliquée au ciel pour nous récompenser. Nous n’avons pas intérêt à l’oublier.
82.
Jésus ne dit pas : “Heureux ceux qui planifient la vengeance”, mais il appelle
heureux ceux qui pardonnent et qui le font « jusqu’à soixante-dix-sept fois »
(Mt 18, 22). Il faut savoir que tous, nous constituons une armée de gens
pardonnés. Nous tous, nous avons bénéficié de la compassion divine. Si nous
nous approchons sincèrement du Seigneur et si nous tendons l’oreille, nous
entendrons parfois probablement ce reproche : « Ne devais-tu pas, toi aussi,
avoir pitié de ton compagnon comme moi j’ai eu pitié de toi ? » (Mt 18,
33).
Regarder et agir avec
miséricorde, c’est cela la sainteté !
« Heureux les cœurs
purs, car ils verront Dieu ».
83.
Cette béatitude concerne les personnes qui ont un cœur simple, pur, sans
souillure, car un cœur qui sait aimer ne laisse pas entrer dans sa vie ce qui
porte atteinte à cet amour, ce qui le fragilise ou ce qui le met en danger.
Dans la Bible, le cœur, ce sont nos intentions véritables, ce que nous
cherchons vraiment et que nous désirons, au-delà de ce qui nous laissons
transparaître : « Car ils [les hommes] ne voient que les yeux, mais le Seigneur
voit le cœur » (1 S 16, 7). Il cherche à parler à notre cœur
(cf. Os 2, 16) et il désire y écrire sa Loi (cf. Jr. 31, 33). En
définitive, il veut nous donner un cœur nouveau (cf. Ez 36, 26).
84.
Plus que sur toute chose, il faut veiller sur le cœur (cf. Pr 4, 23).
S’il n’est en rien souillé par le mensonge, ce cœur a une valeur réelle pour le
Seigneur. Il « fuit la fourberie, il se retire devant des pensées sans
intelligence » (Sg 1, 5). Le Père, qui « voit dans le secret » (Mt 6,
6), reconnaît ce qui n’est pas pur, autrement dit, ce qui n’est pas sincère,
mais qui est seulement une coquille et une apparence, tout comme le Fils sait «
ce qu'il y [a] dans l'homme » (Jn 2, 25).
85.
Il est vrai qu’il n’y a pas d’amour sans des œuvres d’amour, mais cette
béatitude nous rappelle que le Seigneur demande un don de soi au frère qui
vienne du cœur, puisque « quand je distribuerais tous mes biens en aumône,
quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne me
sert de rien » (1 Co 13, 3). Dans l’Évangile selon Matthieu, nous voyons
aussi que ce qui procède du cœur, c’est cela qui souille l’homme (cf. 15, 18),
car de là proviennent, entre autres, les crimes, le vol, les faux témoignages.
(cf. Mt 15, 19). Les désirs et les décisions les plus profonds, qui
nous guident réellement, trouvent leur origine dans les intentions du cœur.
86.
Quand le cœur aime Dieu et le prochain (cf. Mt 22, 36-40), quand
telle est son intention véritable et non pas de vaines paroles, alors ce cœur
est pur et il peut voir Dieu. Saint Paul, dans son hymne à la charité, rappelle
que « nous voyons, à présent, dans un miroir, en énigme » (1 Co 13, 12),
mais dans la mesure où règne l’amour vrai, nous serons capables de voir « face
à face » (ibid.). Jésus promet que ceux qui ont un cœur pur ‘‘verront Dieu’’.
Garder le cœur pur de
tout ce qui souille l’amour, c’est cela la sainteté !
« Heureux les
artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ».
87.
Cette béatitude nous fait penser aux nombreuses situations de guerre qui se
répètent. En ce qui nous concerne, il est fréquent que nous soyons des
instigateurs de conflits ou au moins des causes de malentendus. Par exemple,
quand j’entends quelque chose de quelqu’un, que je vais voir une autre personne
et que je le lui répète ; et que j’en fais même une deuxième version un peu
plus étoffée et que je la propage. Et si je réussis à faire plus de mal, il
semble que cela me donne davantage de satisfaction. Le monde des ragots, fait
de gens qui s’emploient à critiquer et à détruire, ne construit pas la paix.
Ces gens sont au contraire des ennemis de la paix et aucunement bienheureux[73].
88.
Les pacifiques sont source de paix, ils bâtissent la paix et l’amitié sociales.
À ceux qui s’efforcent de semer la paix en tous lieux, Jésus a fait une
merveilleuse promesse : « Ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9). Il
a demandé à ses disciples de dire en entrant dans une maison : « Paix à cette
maison ! » (Lc 10, 5). La Parole de Dieu exhorte chaque croyant à
rechercher la paix ‘‘en union avec tous’’ (cf. 2 Tm 2, 22), car « un
fruit de justice est semé dans la paix pour ceux qui produisent la paix »
(Jc 3, 18). Et si parfois, dans notre communauté, nous avons des doutes
quant à ce que nous devons faire, « poursuivons donc ce qui favorise la
paix » (Rm 14, 19), parce que l’unité est supérieure au conflit[74].
89.
Il n’est pas facile de bâtir cette paix évangélique qui n’exclut personne mais
qui inclut également ceux qui sont un peu étranges, les personnes difficiles et
compliquées, ceux qui réclament de l’attention, ceux qui sont différents, ceux
qui sont malmenés par la vie, ceux qui ont d’autres intérêts. C’est dur et cela
requiert une grande ouverture d’esprit et de cœur, parce qu’il ne s’agit pas
d’« un consensus de bureau ou d’une paix éphémère, pour une minorité heureuse »[75] ni
d’un projet « de quelques-uns destiné à quelques-uns »[76].
Il ne s’agit pas non plus d’ignorer ou de dissimuler les conflits, mais «
d’accepter de supporter le conflit, de le résoudre et de le transformer en un
maillon d’un nouveau processus »[77].
Il s’agit d’être des artisans de paix, parce que bâtir la paix est un art qui
exige sérénité, créativité, sensibilité et dextérité.
Semer la paix autour de
nous, c’est cela la sainteté !
« Heureux les
persécutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux ».
90. Jésus
lui-même souligne que ce chemin va à contrecourant, au point de nous
transformer en sujets qui interpellent la société par leur vie, en personnes
qui dérangent. Jésus rappelle combien de personnes sont persécutées et ont été
persécutées simplement pour avoir lutté pour la justice, pour avoir vécu leurs
engagements envers Dieu et envers les autres. Si nous ne voulons pas sombrer
dans une obscure médiocrité, ne recherchons pas une vie confortable, car « qui
veut […] sauver sa vie la perdra » (Mt 16, 25).
91.
Pour vivre l’Évangile, on ne peut pas s’attendre à ce que tout autour de nous
soit favorable, parce que souvent les ambitions du pouvoir et les intérêts
mondains jouent contre nous. Saint Jean-Paul II disait qu’« une société est
aliénée quand, dans les formes de son organisation sociale, de la production et
de la consommation, elle rend plus difficile la réalisation [du] don [de soi]
et la constitution de [la] solidarité entre hommes »[78].
Dans une telle société aliénée, prise dans un enchevêtrement politique,
médiatique, économique, culturel et même religieux qui empêche un authentique
développement humain et social, il devient difficile de vivre les béatitudes,
et cela est même mal vu, suspecté, ridiculisé.
92.
La croix, en particulier les peines et les souffrances que nous supportons pour
suivre le commandement de l’amour et le chemin de la justice, est une source de
maturation et de sanctification. Rappelons-nous que, lorsque le Nouveau
Testament parle des souffrances qu’il faut supporter pour l’Évangile, il se
réfère précisément aux persécutions (cf. Ac 5, 41 ; Ph 1,
29 ; Col 1, 24 ; 2Tm 1, 12 ; 1 P 2, 20 ; 4, 14-16
; Ap 2, 10).
93.
Mais nous parlons des persécutions inévitables, non pas de celles que nous
pouvons causer nous-mêmes par une mauvaise façon de traiter les autres. Un
saint n’est pas quelqu’un de bizarre, de distant, qui se rend insupportable par
sa vanité, sa négativité et ses rancœurs. Les Apôtres du Christ n’étaient pas
ainsi. Le livre des Actes rapporte avec insistance que ceux-ci jouissaient de
la sympathie « de tout le peuple » (2, 47 ; cf. 4, 21.33 ; 5, 13), tandis que
certaines autorités les harcelaient et les persécutaient (cf. 4, 1-3 ; 5,
17-18).
94.
Les persécutions ne sont pas une réalité du passé, parce qu’aujourd’hui
également, nous en subissons, que ce soit d’une manière sanglante, comme tant
de martyrs contemporains, ou d’une façon plus subtile, à travers des calomnies
et des mensonges. Jésus dit d’être heureux quand « on dira faussement contre
vous toute sorte d’infamie » (Mt 5, 11). D’autres fois, il s’agit de
moqueries qui cherchent à défigurer notre foi et à nous faire passer pour des
êtres ridicules.
Accepter chaque jour le
chemin de l’Évangile même s’il nous crée des problèmes, c’est cela la sainteté
!
Le grand critère
95.
Dans le chapitre 25 de l’Évangile selon Matthieu (vv. 31-46), Jésus s’arrête de
nouveau sur l’une des béatitudes, celle qui déclare heureux les miséricordieux.
Si nous recherchons cette sainteté qui plaît aux yeux de Dieu, nous trouvons
précisément dans ce texte un critère sur la base duquel nous serons jugés : «
J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à
boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu,
malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir » (25,
35-36).
Par fidélité au Maître
96.
Donc, être saint ne signifie pas avoir le regard figé dans une prétendue
extase. Saint Jean-Paul II disait que « si nous sommes vraiment repartis de la
contemplation du Christ, nous devrons savoir le découvrir surtout dans le
visage de ceux auxquels il a voulu lui-même s’identifier »[79].
Le texte de Matthieu 25, 35-36 « n’est pas une simple invitation à la charité ;
c’est une page de christologie qui projette un rayon de lumière sur le mystère
du Christ »[80].
Dans cet appel à le reconnaître dans les pauvres et les souffrants, se révèle
le cœur même du Christ, ses sentiments et ses choix les plus profonds, auxquels
tout saint essaie de se conformer.
97.
Vu le caractère formel de ces requêtes de Jésus, il est de mon devoir de
supplier les chrétiens de les accepter et de les recevoir avec une ouverture
d’esprit sincère, “sine glossa”, autrement dit, sans commentaire, sans
élucubrations et sans des excuses qui les privent de leur force. Le Seigneur
nous a précisé que la sainteté ne peut pas être comprise ni être vécue en
dehors de ces exigences, parce que la miséricorde est « le cœur battant de
l’Évangile»[81].
98.
Quand je rencontre une personne dormant exposée aux intempéries, dans une nuit
froide, je peux considérer que ce fagot est un imprévu qui m’arrête, un
délinquant désœuvré, un obstacle sur mon chemin, un aiguillon gênant pour ma
conscience, un problème que doivent résoudre les hommes politiques, et
peut-être même un déchet qui pollue l’espace public. Ou bien je peux réagir à
partir de la foi et de la charité, et reconnaître en elle un être humain doté
de la même dignité que moi, une créature infiniment aimée par le Père, une
image de Dieu, un frère racheté par Jésus-Christ. C’est cela être chrétien ! Ou
bien peut-on comprendre la sainteté en dehors de cette reconnaissance vivante
de la dignité de tout être humain ?[82]
99.
Pour les chrétiens, cela implique une saine et permanente insatisfaction. Bien
que soulager une seule personne justifierait déjà tous nos efforts, cela ne nous
suffit pas. Les Evêques du Canada l’ont exprimé clairement en soulignant que,
dans les enseignements bibliques sur le Jubilé, par exemple, il ne s’agit pas
seulement d’accomplir quelques bonnes œuvres mais de rechercher un changement
social : « Pour que les générations futures soient également libérées, il est
clair que l’objectif doit être la restauration de systèmes sociaux et
économiques justes de manière que, désormais, il ne puisse plus y avoir
d’exclusion »[83].
Les idéologies qui
mutilent le cœur de l’Évangile
100.
Je regrette que parfois les idéologies nous conduisent à deux erreurs
nuisibles. D’une part, celle des chrétiens qui séparent ces exigences de
l’Évangile de leur relation personnelle avec le Seigneur, de l’union intérieure
avec lui, de la grâce. Ainsi, le christianisme devient une espèce d’ONG, privée
de cette mystique lumineuse qu’ont si bien vécue et manifestée saint François
d’Assise, saint Vincent de Paul, sainte Teresa de Calcutta, et beaucoup
d’autres. Chez ces grands saints, ni la prière, ni l’amour de Dieu, ni la
lecture de l’Évangile n’ont diminué la passion ou l’efficacité du don de soi au
prochain, mais bien au contraire.
101.
Est également préjudiciable et idéologique l’erreur de ceux qui vivent en
suspectant l’engagement social des autres, le considérant comme quelque chose
de superficiel, de mondain, de laïcisant, d’immanentiste, de communiste, de
populiste. Ou bien, ils le relativisent comme s’il y avait d’autres choses plus
importantes ou comme si les intéressait seulement une certaine éthique ou une
cause qu’eux-mêmes défendent. La défense de l’innocent qui n’est pas encore né,
par exemple, doit être sans équivoque, ferme et passionnée, parce que là est en
jeu la dignité de la vie humaine, toujours sacrée, et l’amour de chaque
personne indépendamment de son développement exige cela. Mais est également
sacrée la vie des pauvres qui sont déjà nés, de ceux qui se débattent dans la
misère, l’abandon, le mépris, la traite des personnes, l’euthanasie cachée des
malades et des personnes âgées privées d’attention, dans les nouvelles formes
d’esclavage, et dans tout genre de marginalisation[84].
Nous ne pouvons pas envisager un idéal de sainteté qui ignore l’injustice de ce
monde où certains festoient, dépensent allègrement et réduisent leur vie aux
nouveautés de la consommation, alors que, dans le même temps, d’autres
regardent seulement du dehors, pendant que leur vie s’écoule et finit
misérablement.
102.
On entend fréquemment que, face au relativisme et aux défaillances du monde
actuel, la situation des migrants, par exemple, serait un problème mineur.
Certains catholiques affirment que c’est un sujet secondaire à côté des
questions “sérieuses” de la bioéthique. Qu’un homme politique préoccupé par ses
succès dise une telle chose, on peut arriver à la comprendre ; mais pas un
chrétien, à qui ne sied que l’attitude de se mettre à la place de ce frère qui
risque sa vie pour donner un avenir à ses enfants. Pouvons-nous reconnaître là
précisément ce que Jésus-Christ nous demande quand il nous dit que nous l’accueillons
lui-même dans chaque étranger (cf. Mt 25, 35) ? Saint Benoît l’avait
accepté sans réserve et, bien que cela puisse “compliquer” la vie des moines,
il a disposé que tous les hôtes qui se présenteraient au monastère, on les
accueille « comme le Christ »[85] en
l’exprimant même par des gestes d’adoration[86],
et que les pauvres et les pèlerins soient traités « avec le plus grand soin et
sollicitude »[87].
103.
L’Ancien Testament ordonne quelque chose de semblable quand il dit : « Tu ne
molesteras pas l’étranger ni ne l’opprimeras, car vous-mêmes avez été étrangers
dans le pays d’Égypte » (Ex 22, 20). « L’étranger qui réside avec vous
sera pour vous comme un compatriote et tu l’aimeras comme toi-même, car vous
avez été des étrangers au pays d’Égypte » (Lv 19, 33-34). Par conséquent,
il ne s’agit pas d’une invention d’un Pape ou d’un délire passager. Nous aussi,
dans le contexte actuel, nous sommes appelés à parcourir le chemin de
l’illumination spirituelle que nous indiquait le prophète Isaïe quand il
s’interrogeait sur ce qui plaît à Dieu : « N’est-ce pas partager ton pain avec
l’affamé, héberger chez toi les pauvres sans abri, si tu vois un homme nu, le
vêtir, ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair ? Alors ta
lumière éclatera comme l’aurore » (58, 7-8).
Le culte qui lui plaît le
plus
104.
Nous pourrions penser que nous rendons gloire à Dieu seulement par le culte et
la prière, ou uniquement en respectant certaines normes éthiques – certes la
primauté revient à la relation avec Dieu – et nous oublions que le critère pour
évaluer notre vie est, avant tout, ce que nous avons fait pour les autres. La
prière a de la valeur si elle alimente un don de soi quotidien par amour. Notre
culte plaît à Dieu quand nous y mettons la volonté de vivre avec générosité et
quand nous laissons le don reçu de Dieu se traduire dans le don de nous-mêmes
aux frères.
105.
Pour la même raison, la meilleure façon de discerner si notre approche de la
prière est authentique sera de regarder dans quelle mesure notre vie est en
train de se transformer à la lumière de la miséricorde. En effet, « la
miséricorde n’est pas seulement l’agir du Père, mais elle devient le critère
pour comprendre qui sont ses véritables enfants »[88].
Elle « est le pilier qui soutient la vie de l’Église »[89].
Je voudrais souligner une fois de plus que, si la miséricorde n’exclut pas la
justice et la vérité, « avant tout, nous devons dire que la miséricorde est la
plénitude de la justice et la manifestation la plus lumineuse de la vérité de
Dieu »[90].
Elle « est la clef du ciel »[91].
106.
Je ne peux pas m’empêcher de rappeler cette question que se posait saint Thomas
d’Aquin quand il examinait quelles sont nos actions les plus grandes, quelles
sont les œuvres extérieures qui manifestent le mieux notre amour de Dieu. Il a
répondu sans hésiter que ce sont les œuvres de miséricorde envers le prochain[92].
plus que les actes de culte : « Les sacrifices et les offrandes qui font partie
du culte divin ne sont pas pour Dieu lui-même, mais pour nous et nos proches.
Lui-même n’en a nul besoin, et s’il les veut, c’est pour exercer notre dévotion
et pour aider le prochain. C’est pourquoi la miséricorde qui subvient aux
besoins des autres, lui agrée davantage, étant plus immédiatement utile au
prochain »[93].
107.
Celui qui veut vraiment rendre gloire à Dieu par sa vie, celui qui désire
réellement se sanctifier pour que son existence glorifie le Saint, est appelé à
se consacrer, à s’employer, et à s’évertuer à essayer de vivre les œuvres de
miséricorde. C’est ce qu’a parfaitement compris sainte Teresa de Calcutta : «
Oui, j’ai beaucoup de faiblesses humaines, beaucoup de misères humaines […]
Mais il s’abaisse et il se sert de nous, de vous et de moi, pour que nous
soyons son amour et sa compassion dans le monde, malgré nos péchés, malgré nos
misères et nos défauts. Il dépend de nous pour aimer le monde, et lui prouver à
quel point il l’aime. Si nous nous occupons trop de nous-mêmes, nous n’aurons
plus de temps pour les autres »[94].
108.
Le consumérisme hédoniste peut nous jouer un mauvais tour, parce qu’avec
l’obsession de passer du bon temps, nous finissons par être excessivement axés
sur nous-mêmes, sur nos droits et sur la hantise d’avoir du temps libre pour en
jouir. Il sera difficile pour nous de nous soucier de ceux qui se sentent mal
et de consacrer des énergies à les aider, si nous ne cultivons pas une certaine
austérité, si nous ne luttons pas contre cette fièvre que nous impose la
société de consommation pour nous vendre des choses, et qui finit par nous
transformer en pauvres insatisfaits qui veulent tout avoir et tout essayer. La
consommation de l’information superficielle et les formes de communication
rapide et virtuelle peuvent également être un facteur d’abrutissement qui nous
enlève tout notre temps et nous éloigne de la chair souffrante des frères. Au
milieu de ce tourbillon actuel, l’Évangile vient résonner de nouveau pour nous
offrir une vie différente, plus saine et plus heureuse.
***
109.
La force du témoignage des saints, c’est d’observer les béatitudes et le
critère du jugement dernier. Ce sont peu de paroles, simples mais pratiques et
valables pour tout le monde, parce que le christianisme est principalement fait
pour être pratiqué, et s’il est objet de réflexion, ceci n’est valable que
quand il nous aide à incarner l’Évangile dans la vie quotidienne. Je recommande
de nouveau de relire fréquemment ces grands textes bibliques, de se les
rappeler, de prier en s’en servant, d’essayer de les faire chair. Ils nous
feront du bien, ils nous rendront vraiment heureux.
Quatrième chapitre
QUELQUES
CARACTÉRISTIQUES
DE LA SAINTETÉ DANS LE
MONDE ACTUEL
110.
Dans le grand tableau de la sainteté que nous proposent les béatitudes
et Matthieu 25, 31-46, je voudrais recueillir certaines
caractéristiques ou expressions spirituelles qui, à mon avis, sont
indispensables pour comprendre le style de vie auquel Jésus nous appelle. Je ne
vais pas m’attarder à expliquer les moyens de sanctification que nous
connaissons déjà : les différentes méthodes de prière, les précieux sacrements
de l’Eucharistie et de la Réconciliation, l’offrande de sacrifices, les
diverses formes de dévotion, la direction spirituelle, et tant d’autres. Je me
référerai uniquement à quelques aspects de l’appel à la sainteté dont j’espère
qu’ils résonneront de manière spéciale.
111.
Ces caractéristiques que je voudrais souligner ne sont pas toutes celles qui
peuvent composer un modèle de sainteté, mais elles sont au nombre de cinq, les
grandes manifestations de l’amour envers Dieu et le prochain que je considère
d’une importance particulière, vu certains risques et certaines limites de la
culture d’aujourd’hui. Dans cette culture se manifestent : l’anxiété nerveuse et
violente qui nous disperse et nous affaiblit ; la négativité et la tristesse ;
l’acédie commode, consumériste et égoïste ; l’individualisme et de nombreuses
formes de fausse spiritualité sans rencontre avec Dieu qui règnent dans le
marché religieux actuel.
Endurance, patience et
douceur
112.
La première de ces grandes caractéristiques, c’est d’être centré, solidement
axé sur Dieu qui aime et qui soutient. Grâce à cette force intérieure, il est
possible d’endurer, de supporter les contrariétés, les vicissitudes de la vie,
et aussi les agressions de la part des autres, leurs infidélités et leurs
défauts : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8, 31). Voilà
la source de la paix qui s’exprime dans les attitudes d’un saint. Grâce à cette
force intérieure, le témoignage de sainteté, dans notre monde pressé, changeant
et agressif, est fait de patience et de constance dans le bien. C’est la
fidélité de l’amour, car celui qui s’appuie sur Dieu (pistis) peut également
être fidèle aux frères (pistós) ; il ne les abandonne pas dans les moments
difficiles, il ne se laisse pas mener par l’anxiété et reste aux côtés des
autres même lorsque cela ne lui donne pas de satisfactions immédiates.
113.
Saint Paul invitait les Romains à ne « rendre à personne le mal pour le mal »
(Rm 12, 17), à ne pas vouloir se « faire justice à [eux]-mêmes » (v. 19),
et à ne pas se laisser vaincre par le mal, mais à être vainqueurs « du mal par
le bien » (v. 21). Cette attitude n’est pas un signe de faiblesse mais de la
vraie force, car Dieu lui-même « est lent à la colère, mais grand par sa puissance
» (Na 1, 3). La Parole de Dieu nous met en garde : « Aigreur, emportement,
colère, clameurs, outrages, tout cela doit être extirpé de chez vous, avec la
malice sous toutes ses formes » (Ep 4, 31).
114.
Il nous faut lutter et être attentifs face à nos propres penchants agressifs et
égocentriques pour ne pas permettre qu’ils s’enracinent : « Emportez-vous, mais
ne commettez pas le péché : que le soleil ne se couche pas sur votre colère »
(Ep 4, 26). Quand des circonstances nous accablent, nous pouvons toujours
recourir à l’ancre de la supplication qui nous conduit à demeurer encore dans
les mains de Dieu et près de la source de la paix : « N’entretenez aucun souci
; mais en tout besoin recourez à l’oraison et à la prière, pénétrées d’action
de grâces, pour présenter vos requêtes à Dieu. Alors la paix de Dieu, qui
surpasse toute intelligence, prendra sous sa garde vos cœurs et vos pensées »
(Ph 4, 6-7).
115.
Les chrétiens aussi peuvent faire partie des réseaux de violence verbale sur
Internet et à travers les différents forums ou espaces d’échange digital. Même
dans des milieux catholiques, on peut dépasser les limites, on a coutume de
banaliser la diffamation et la calomnie, et toute éthique ainsi que tout
respect de la renommée d’autrui semblent évacués. Ainsi se produit un dangereux
dualisme, car sur ces réseaux on dit des choses qui ne seraient pas tolérables
dans la vie publique, et on cherche à compenser ses propres insatisfactions en
faisant déferler avec furie les désirs de vengeance. Il est significatif que
parfois, en prétendant défendre d’autres commandements, on ignore complètement
le huitième : ‘‘Ne pas porter de faux témoignage ni mentir’’, et on détruit
l’image de l’autre sans pitié. Là se manifeste sans contrôle le fait que la
langue est un « monde du mal » et « elle enflamme le cycle de la création,
enflammée qu’elle est par la Géhenne » (Jc 3, 6).
116.
La force intérieure qui est l’œuvre de la grâce nous préserve de la contagion
de la violence qui envahit la vie sociale, car la grâce apaise la vanité et
rend possible la douceur du cœur. Le saint ne consacre pas ses énergies à
déplorer les erreurs d’autrui ; il est capable de faire silence devant les
défauts de ses frères et il évite la violence verbale qui dévaste et maltraite,
parce qu’il ne se juge pas digne d’être dur envers les autres, mais il les
estime supérieurs à lui-même (cf. Ph 2, 3).
117.
Il n’est pas bon pour nous de regarder de haut, d’adopter la posture de juges
impitoyables, d’estimer les autres indignes et de prétendre donner des leçons
constamment. C’est là une forme subtile de violence[95].
Saint Jean de la Croix proposait autre chose : « Préfère être enseigné de tout
le monde que d’instruire le moindre de tous »[96].
Et il ajoutait un conseil pour tenir éloigné le démon : « [...| Te réjouir du
bien d’autrui comme du tien propre, [...] désirer que les autres te soient
préférés en toutes choses, le désirer, dis-je, très sincèrement. De cette
façon, tu surmonteras le mal par le bien, tu repousseras le démon loin de toi,
tu auras le cœur dans la joie. Et tout cela, tu chercheras à l’exercer envers
les personnes qui te reviendront le moins. Sache que si tu n’en viens là, tu
n’arriveras pas à la parfaite charité, et que même tu n’en approcheras point »[97].
118.
L’humilité ne peut s’enraciner dans le cœur qu’à travers les humiliations. Sans
elles, il n’y a ni humilité ni sainteté. Si tu n’es pas capable de supporter et
de souffrir quelques humiliations, tu n’es pas humble et tu n’es pas sur le
chemin de la sainteté. La sainteté que Dieu offre à son Église vient à travers
l’humiliation de son Fils. Voilà le chemin ! L’humiliation te conduit à
ressembler à Jésus, c’est une partie inéluctable de l’imitation de Jésus-Christ
: « Le Christ […] a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous
suiviez ses traces » (1 P 2, 21). Pour sa part, il exprime l’humilité du
Père qui s’humilie pour marcher avec son peuple, qui supporte ses infidélités
et ses murmures (cf. Ex 34, 6-9 ; Sg 11, 23-12, 2
; Lc 6, 36). C’est pourquoi les Apôtres, après l’humiliation, étaient
« tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom de
Jésus » (Ac 5, 41).
119.
Je ne me réfère pas uniquement aux situations cruelles de martyre, mais aux
humiliations quotidiennes de ceux qui se taisent pour sauver leur famille, ou
évitent de parler bien d’eux-mêmes et préfèrent louer les autres au lieu de se
glorifier, choisissent les tâches les moins gratifiantes, et même préfèrent
parfois supporter quelque chose d’injuste pour l’offrir au Seigneur : « Si,
faisant le bien, vous supportez la souffrance, c’est une grâce auprès de Dieu »
(1 P 2, 20). Il ne s’agit pas de marcher la tête basse, de parler peu ou
de fuir la société. Parfois précisément, parce que libéré de l’égocentrisme,
quelqu’un peut oser discuter gentiment, réclamer la justice ou défendre les
faibles face aux puissants, bien que cela lui attire des conséquences négatives
pour son image.
120.
Je ne dis pas que l’humiliation soit quelque chose d’agréable, car ce serait du
masochisme, mais je dis qu’il s’agit d’un chemin pour imiter Jésus et grandir
dans l’union avec lui. Cela ne va pas de soi et le monde se moque d’une
pareille proposition. C’est une grâce qu’il nous faut demander : ‘‘Seigneur, quand
arrivent les humiliations, aide-moi à sentir que je suis derrière toi, sur ton
chemin’’.
121.
Cette attitude suppose un cœur pacifié par le Christ, libéré de cette
agressivité qui jaillit d’un ego démesuré. La même pacification que réalise la
grâce nous permet de garder une assurance intérieure et de supporter, de
persévérer dans le bien même en traversant « un ravin de ténèbres »
(Ps 23, 4), ou même si une armée vient « camper contre moi » (Ps 27,
3). Fermes dans le Seigneur, le Rocher, nous pouvons chanter : « En paix, tout
aussitôt, je me couche et je dors : c’est toi, Seigneur, qui m’établis à part,
en sûreté » (Ps 4, 9). En définitive, le Christ « est notre paix »
(Ep 2, 14), il vient « guider nos pas dans le chemin de la paix »
(Lc 1, 79). Il a communiqué à sainte Faustine Kowalska : « L’humanité ne
trouvera pas la paix tant qu’elle ne se tournera pas avec confiance vers ma
miséricorde divine »[98].
Ne tombons donc pas dans la tentation de chercher l’assurance intérieure dans
le succès, dans les plaisirs vides, dans la possession, dans la domination des
autres ou dans l’image sociale : « Je vous laisse la paix ; c’est ma paix que
je vous donne ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne » (Jn 14,
27).
Joie et sens de l’humour
122.
Ce qui a été dit jusqu’à présent n’implique pas un esprit inhibé, triste,
aigri, mélancolique ou un profil bas amorphe. Le saint est capable de vivre
joyeux et avec le sens de l’humour. Sans perdre le réalisme, il éclaire les
autres avec un esprit positif et rempli d’espérance. Être chrétien est « joie
dans l’Esprit Saint » (Rm 14, 17), parce que « l’amour de charité entraîne
nécessairement la joie. Toujours celui qui aime se réjouit d’être uni à l’aimé
[…]. C’est pourquoi la joie est conséquence de la charité »[99].
Nous avons reçu la merveille de sa Parole et nous l’embrassons « parmi bien des
tribulations, avec la joie de l’Esprit Saint » (1 Th 1, 6). Si nous
laissons le Seigneur nous sortir de notre carapace et nous changer la vie,
alors nous pourrons réaliser ce que demandait saint Paul : « Réjouissez-vous
sans cesse dans le Seigneur, je le dis encore, réjouissez-vous » (Ph 4,
4).
123.
Les prophètes annonçaient le temps de Jésus que nous sommes en train de vivre
comme une révélation de la joie : « Pousse des cris de joie, des clameurs » (Is 12,
6). « Monte sur une haute montagne, messagère de Sion ; élève et force la voix,
messagère de Jérusalem » (Is 40, 9). « Que les montagnes poussent des
cris, car le Seigneur a consolé son peuple, il prend en pitié ses affligés »
(Is 49, 13). « Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de
Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble
» (Za 9, 9). Et n’oublions pas l’exhortation de Néhémie : « Ne vous
affligez point : la joie du Seigneur est votre forteresse ! » (8, 10).
124.
Marie, qui a su découvrir la nouveauté que Jésus apportait, chantait : « Mon
esprit tressaille de joie en Dieu mon sauveur » (Lc 1, 47) et Jésus
lui-même « tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint » (Lc 10,
21). Quand il passait, « la foule était dans la joie » (Lc 13, 17). Après
sa résurrection, là où arrivaient les disciples il y avait une « joie vive »
(Ac 8, 8). Jésus nous donne une assurance : « Vous serez tristes, mais
votre tristesse se changera en joie […]. Je vous verrai de nouveau et votre
cœur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous l’enlèvera » (Jn 16,
20.22). « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit
complète » (Jn 15, 11).
125.
Il y a des moments difficiles, des temps de croix, mais rien ne peut détruire
la joie surnaturelle qui « s’adapte et se transforme, et elle demeure toujours
au moins comme un rayon de lumière qui naît de la certitude personnelle d’être
infiniment aimé, au-delà de tout »[100].
C’est une assurance intérieure, une sérénité remplie d’espérance qui donne une
satisfaction spirituelle incompréhensible selon les critères du monde.
126.
Ordinairement, la joie chrétienne est accompagnée du sens de l’humour, si
remarquable, par exemple, chez saint Thomas More, chez saint Vincent de Paul ou
chez saint Philippe Néri. La mauvaise humeur n’est pas un signe de sainteté : «
Eloigne de ton cœur le chagrin » (Qo 11, 10). Ce que nous recevons du
Seigneur « afin d’en jouir » (1 Tm 6, 17) est tel que parfois la tristesse
frise l’ingratitude de notre part, frise le repli sur nous-mêmes au point que
nous sommes incapables de reconnaître les dons de Dieu[101].
127.
Son amour paternel nous invite : « Mon fils, traite-toi bien […]. Ne te refuse
pas le bonheur présent » (Si 14, 11.14). Il nous veut positifs,
reconnaissants et pas trop compliqués : « Au jour du bonheur, sois heureux […].
Dieu a fait l’homme tout droit, et lui, cherche bien des calculs » (Qo 7,
14.29). En toute circonstance, il faut garder un esprit souple, et faire comme
saint Paul : « J’ai appris en effet à me suffire en toute occasion »
(Ph 4, 11). C’est ce que vivait saint François d’Assise, capable d’être
ému de gratitude devant un morceau de pain dur, ou bien, heureux de louer Dieu
uniquement pour la brise qui caressait son visage.
128.
Je ne parle pas de la joie consumériste et individualiste si répandue dans
certaines expériences culturelles d’aujourd’hui. Car le consumérisme ne fait
que surcharger le cœur ; il peut offrir des plaisirs occasionnels et éphémères,
mais pas la joie. Je me réfère plutôt à cette joie qui se vit en communion, qui
se partage et se distribue, car « il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir
» (Ac 20, 35) et « Dieu aime celui qui donne avec joie » (2 Co 9, 7).
L’amour fraternel accroît notre capacité de joie, puisqu’il nous rend capables
de jouir du bien des autres : « Réjouissez-vous avec qui est dans la joie »
(Rm 12, 15). « Nous nous réjouissons, quand nous sommes faibles et que
vous êtes forts » (2 Co 13, 9). En revanche, « si nous nous concentrons
sur nos propres besoins, nous nous condamnons à vivre avec peu de joie »[102].
Audace et ferveur
129.
En même temps, la sainteté est parresía : elle est audace, elle est une
incitation à l’évangélisation qui laisse une marque dans ce monde. Pour que
cela soit possible, Jésus lui-même vient à notre rencontre et nous répète avec
sérénité et fermeté : « Soyez sans crainte » (Mc 6, 50). « Et voici que je
suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). Ces
paroles nous permettent de marcher et de servir dans cette attitude pleine de
courage que suscitait l’Esprit Saint chez les Apôtres et qui les conduisait à
annoncer Jésus-Christ. Audace, enthousiasme, parler en toute liberté, ferveur
apostolique, tout cela est compris dans le vocable parresía, terme par lequel
la Bible désigne également la liberté d’une existence qui est ouverte, parce
qu’elle se trouve disponible à Dieu et aux autres (cf. Ac 4, 29 ; 9,
28 ; 28, 31 ; 2 Co 3, 12 ; Ep 3, 12 ; He 3, 6 ; 10, 19).
130.
Le bienheureux Paul
VI mentionnait parmi les obstacles à l’évangélisation précisément le
manque de parresía : « Le manque de ferveur […] est d’autant plus
grave qu’il vient du dedans »[103].
Que de fois nous nous sentons engourdis par le confort de la rive ! Mais le
Seigneur nous appelle à naviguer au large et à jeter les filets dans des eaux
plus profondes (cf. Lc 5, 4). Il nous invite à consacrer notre vie à
son service. Attachés à lui, nous avons le courage de mettre tous nos charismes
au service des autres. Puissions-nous nous sentir récompensés par son amour
(cf. 2 Co 5, 14) et puissions-nous dire avec saint Paul : « Malheur à
moi si je n'annonçais pas l’Evangile ! » (1 Co 9, 16).
131.
Regardons Jésus : sa compassion profonde n’était pas quelque chose qui
l’isolait, ce n’était pas une compassion paralysante, timide ou honteuse comme
bien des fois cela nous arrive, bien au contraire ! C’était une compassion qui
l’incitait à sortir de lui-même avec vigueur pour annoncer, pour envoyer en
mission, pour envoyer guérir et libérer. Reconnaissons notre fragilité mais
laissons Jésus la saisir de ses mains et nous envoyer en mission. Nous sommes
fragiles mais porteurs d’un trésor qui nous grandit et qui peut rendre
meilleurs et plus heureux ceux qui le reçoivent. L’audace et le courage apostoliques
sont des caractéristiques de la mission.
132.
La parresía est un sceau de l’Esprit, une marque de l’authenticité de
l’annonce. Elle est l’assurance heureuse qui nous conduit à trouver notre
gloire dans l’Évangile que nous annonçons, elle est confiance inébranlable dans
la fidélité du Témoin fidèle qui nous donne l’assurance que rien « ne pourra
nous séparer de l’amour de Dieu » (Rm 8, 39).
133.
Nous avons besoin de l’impulsion de l’Esprit pour ne pas être paralysés par la
peur et par le calcul, pour ne pas nous habituer à ne marcher que dans des
périmètres sûrs. Souvenons-nous que ce qui est renfermé finit par sentir
l’humidité et par nous rendre malades. Quand les Apôtres ont senti la tentation
de se laisser paralyser par les craintes et les dangers, ils se sont mis à
prier ensemble en demandant la parresía : « À présent donc, Seigneur,
considère leurs menaces et [permets] à tes serviteurs d’annoncer ta parole en
toute assurance » (Ac 4, 29). Et la réponse a été que « tandis qu’ils
priaient, l’endroit où ils se trouvaient réunis trembla ; tous furent alors remplis
du Saint Esprit et se mirent à annoncer la parole de Dieu avec assurance »
(Ac 4, 31).
134.
Comme le prophète Jonas, nous avons en nous la tentation latente de fuir vers
un endroit sûr qui peut avoir beaucoup de noms : individualisme, spiritualisme,
repli dans de petits cercles, dépendance, routine, répétition de schémas
préfixés, dogmatisme, nostalgie, pessimisme, refuge dans les normes. Peut-être
refusons-nous de sortir d’un territoire qui nous était connu et commode.
Toutefois, les difficultés peuvent être comme la tempête, la baleine, le ver
qui a fait sécher le ricin de Jonas, ou le vent et le soleil qui l’ont brûlé à
la tête ; et comme dans son cas, ils peuvent servir à nous faire retourner à ce
Dieu qui est tendresse et qui veut nous conduire dans un cheminement continu et
rénovateur.
135.
Dieu est toujours une nouveauté, qui nous pousse à partir sans relâche et à
nous déplacer pour aller au-delà de ce qui est connu, vers les périphéries et
les frontières. Il nous conduit là où l’humanité est la plus blessée et là où
les êtres humains, sous l’apparence de la superficialité et du conformisme,
continuent à chercher la réponse à la question du sens de la vie. Dieu n’a pas
peur ! Il n’a pas peur ! Il va toujours au-delà de nos schémas et ne craint pas
les périphéries. Lui-même s’est fait périphérie (cf. Ph2, 6-8 ; Jn 1,
14). C’est pourquoi, si nous osons aller aux périphéries, nous l’y trouverons,
il y sera. Jésus nous devance dans le cœur de ce frère, dans sa chair blessée,
dans sa vie opprimée, dans son âme obscurcie. Il y est déjà.
136.
Il faut, certes, ouvrir la porte du cœur à Jésus-Christ, car il frappe et
appelle (cf. Ap 3, 20). Mais parfois, je me demande si, à cause de
l’air irrespirable de notre auto-référentialité, Jésus n’était pas déjà en
nous, frappant pour que nous le laissions sortir. Dans l’Évangile, nous voyons
comment Jésus « cheminait à travers villes et villages, prêchant et annonçant
la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu » (Lc 8, 1). De même, après la résurrection,
quand les disciples sont allés partout, le Seigneur œuvrait avec eux
(cf. Mc 16, 20). Voilà la dynamique qui jaillit de la vraie rencontre
!
137.
L’accoutumance nous séduit et nous dit que chercher à changer quelque chose n’a
pas de sens, que nous ne pouvons rien faire face à cette situation, qu’il en a
toujours été ainsi et que nous avons survécu malgré cela. À cause de
l’accoutumance, nous n’affrontons plus le mal et nous permettons que les choses
‘‘soient ce qu’elles sont’’, ou ce que certains ont décidé qu’elles soient.
Mais laissons le Seigneur venir nous réveiller, nous secouer dans notre
sommeil, nous libérer de l’inertie. Affrontons l’accoutumance, ouvrons bien les
yeux et les oreilles, et surtout le cœur, pour nous laisser émouvoir par ce qui
se passe autour de nous et par le cri de la Parole vivante et efficace du
Ressuscité.
138.
L’exemple de nombreux prêtres, religieuses, religieux et laïcs qui se
consacrent à évangéliser et à servir avec grande fidélité, bien des fois en
risquant leurs vies et sûrement au prix de leur confort, nous galvanise. Leur
témoignage nous rappelle que l’Église n’a pas tant besoin de bureaucrates et de
fonctionnaires, que de missionnaires passionnés, dévorés par l’enthousiasme de
transmettre la vraie vie. Les saints surprennent, dérangent, parce que leurs
vies nous invitent à sortir de la médiocrité tranquille et anesthésiante.
139.
Demandons au Seigneur la grâce de ne pas vaciller quand l’Esprit nous demande
de faire un pas en avant ; demandons le courage apostolique d’annoncer
l’Évangile aux autres et de renoncer à faire de notre vie chrétienne un musée
de souvenirs. De toute manière, laissons l’Esprit Saint nous faire contempler
l’histoire sous l’angle de Jésus ressuscité. Ainsi, l’Église, au lieu de
stagner, pourra aller de l’avant en accueillant les surprises du Seigneur.
En communauté
140.
Il est très difficile de lutter contre notre propre concupiscence ainsi que
contre les embûches et les tentations du démon et du monde égoïste, si nous
sommes trop isolés. Le bombardement qui nous séduit est tel que, si nous sommes
trop seuls, nous perdons facilement le sens de la réalité, la clairvoyance intérieure,
et nous succombons.
141.
La sanctification est un cheminement communautaire, à faire deux à deux. C’est
ainsi que le reflètent certaines communautés saintes. En diverses occasions,
l’Église a canonisé des communautés entières qui ont vécu héroïquement
l’Évangile ou qui ont offert à Dieu la vie de tous leurs membres. Pensons, à
titre d’exemple, aux sept saints fondateurs de l’Ordre des Servites de Marie,
aux sept religieuses bienheureuses du premier monastère de la Visitation de
Madrid, à saint Paul Miki et ses compagnons martyrs au Japon, à saint André Kim
Taegon et ses compagnons martyrs en Corée, à saint Roque González, saint
Alphonse Rodríguez et leurs compagnons martyrs en Amérique du Sud.
Souvenons-nous également du récent témoignage des moines trappistes de
Tibhirine (Algérie), qui se sont préparés ensemble au martyre. Il y a, de même,
beaucoup de couples saints au sein desquels chacun a été un instrument du
Christ pour la sanctification de l’autre époux. Vivre ou travailler avec
d’autres, c’est sans aucun doute un chemin de développement spirituel. Saint
Jean de la Croix disait à un disciple : tu ne vis avec d’autres « que pour être
travaillé, exercé par tous […] »[104].
142.
La communauté est appelée à créer ce « lieu théologal où l’on peut faire
l’expérience de la présence mystique du Seigneur ressuscité »[105].
Partager la Parole et célébrer ensemble l’Eucharistie fait davantage de nous
des frères et nous convertit progressivement en communauté sainte et
missionnaire. Cela donne lieu aussi à d’authentiques expériences mystiques
vécues en communauté, comme ce fut le cas de saint Benoît et de sainte Scholastique,
ou lors de cette sublime rencontre spirituelle qu’ont vécue ensemble saint
Augustin et sa mère sainte Monique : « Or, le jour était imminent où elle
allait quitter cette vie, jour que tu connaissais, toi, mais que nous, nous
ignorions. Il se trouva, par tes soins j’en suis sûr, par tes secrètes
dispositions, que nous étions seuls, elle et moi, debout, accoudés à une
fenêtre ; de là le jardin intérieur […]. Nous tenions grande ouverte la bouche
de notre cœur vers les eaux qui ruissellent d’en haut de ta source, de la
source de vie qui est près de toi […]. Et pendant que nous parlons et aspirons
à elle [la sagesse éternelle], voici que nous la touchons, à peine, d’une
poussée rapide et totale du cœur. […] [Comme si] la vie éternelle fût telle
qu’a été cet instant d’intelligence après lequel nous avions soupiré… »[106].
143.
Mais ces expériences ne sont pas ce qu’il y a de plus fréquent, ni de plus
important. La vie communautaire, soit en famille, en paroisse, en communauté
religieuse ou en quelque autre communauté, est faite de beaucoup de petits
détails quotidiens. Il en était ainsi dans la sainte communauté qu’ont formée
Jésus, Marie et Joseph, où s’est reflétée de manière exemplaire la beauté de la
communion trinitaire. C’est également ce qui se passait dans la vie
communautaire menée par Jésus avec ses disciples et avec les gens simples.
144.
Rappelons comment Jésus invitait ses disciples à prêter attention aux détails.
Le petit détail du vin
qui était en train de manquer lors d’une fête.
Le petit détail d’une
brebis qui manquait.
Le petit détail de la
veuve qui offrait ses deux piécettes.
Le petit détail d’avoir
de l’huile en réserve pour les lampes au cas où tarderait le fiancé.
Le petit détail de
demander à ses disciples de vérifier combien de pains ils avaient.
Le petit détail d’avoir
allumé un feu de braise avec du poisson posé dessus tandis qu’il attendait les
disciples à l’aube.
145.
La communauté qui préserve les petits détails de l’amour[107],
où les membres se protègent les uns les autres et créent un lieu ouvert et
d’évangélisation, est le lieu de la présence du Ressuscité qui la sanctifie
selon le projet du Père. Parfois, par un don de l’amour du Seigneur, au milieu
de ces petits détails, s’offrent à nous des expériences consolantes de Dieu : «
Un soir d’hiver j’accomplissais comme d’habitude mon petit office… tout à coup
j’entendis dans le lointain le son harmonique d’un instrument de musique, alors
je me représentai un salon bien éclairé, tout brillant de dorures, des jeunes
filles élégamment vêtues se faisant mutuellement des compliments et des
politesses mondaines ; puis mon regard se porta sur la pauvre malade que je
soutenais ; au lieu d’une mélodie j’entendais de temps en temps ses
gémissements plaintifs […]. Je ne puis exprimer ce qui se passa dans mon âme,
ce que je sais c’est que le Seigneur l’illumina des rayons de la vérité qui
surpassèrent tellement l’éclat ténébreux des fêtes de la terre, que je ne
pouvais croire à mon bonheur »[108].
146.
À l’opposé de la tendance à l’individualisme consumériste qui finit par nous
isoler dans la quête du bien-être en marge des autres, notre chemin de
sanctification ne peut se lasser de nous identifier à ce désir de Jésus : « Que
tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi » (Jn 17, 21).
En prière constante
147.
Finalement, même si cela semble évident, souvenons-nous que la sainteté est
faite d’une ouverture habituelle à la transcendance, qui s’exprime dans la
prière et dans l’adoration. Le saint est une personne dotée d’un esprit de
prière, qui a besoin de communiquer avec Dieu. C’est quelqu’un qui ne supporte
pas d’être asphyxié dans l’immanence close de ce monde, et au milieu de ses
efforts et de ses engagements, il soupire vers Dieu, il sort de lui-même dans
la louange et élargit ses limites dans la contemplation du Seigneur. Je ne
crois pas dans la sainteté sans prière, bien qu’il ne s’agisse pas
nécessairement de longs moments ou de sentiments intenses.
148.
Saint Jean de la Croix recommandait de « s’efforcer de vivre toujours en la
présence de Dieu, soit réelle, soit imaginaire, soit unitive, selon que les
actions commandées le permettent »[109].
Au fond, c’est le désir de Dieu qui ne peut se lasser de se manifester de
quelque manière dans notre vie quotidienne : « Efforcez-vous de vivre dans une
oraison continuelle, sans l’abandonner au milieu des exercices corporels. Que
vous mangiez, que vous buviez [...], que vous parliez, que vous traitiez avec
les séculiers, ou que vous fassiez toute autre chose, entretenez constamment en
vous le désir de Dieu, élevez vers lui vos affections »[110].
149.
Cependant, pour que cela soit possible, il faut aussi quelques moments
uniquement pour Dieu, dans la solitude avec lui. Pour sainte Thérèse d’Avila,
la prière, c’est « un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent
seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé »[111].
Je voudrais insister sur le fait que ce n’est pas seulement pour quelques
privilégiés, mais pour tous, car « nous avons tous besoin de ce silence chargé
de présence adorée »[112].
La prière confiante est une réaction du cœur qui s’ouvre à Dieu face à face, où
on fait taire tous les bruits pour écouter la voix suave du Seigneur qui
résonne dans le silence.
150.
Dans le silence, il est possible de discerner, à la lumière de l’Esprit, les
chemins de sainteté que le Seigneur nous propose. Autrement, toutes nos
décisions ne pourront être que des ‘‘décorations’’ qui, au lieu d’exalter
l’Évangile dans nos vies, le recouvriront ou l’étoufferont. Pour tout disciple,
il est indispensable d’être avec le Maître, de l’écouter, d’apprendre de lui,
d’apprendre toujours. Si nous n’écoutons pas, toutes nos paroles ne seront que
du bruit qui ne sert à rien.
151.
Souvenons-nous que « c’est la contemplation du visage de Jésus mort et
ressuscité qui recompose notre humanité, même celle qui est fragmentée par les
vicissitudes de la vie, ou celle qui est marquée par le péché. Nous ne devons
pas apprivoiser la puissance du visage du Christ »[113].
J’ose donc te demander : Y a-t-il des moments où tu te mets en sa présence en
silence, où tu restes avec lui sans hâte, et tu te laisses regarder par lui ?
Est-ce que tu laisses son feu embraser ton cœur ? Si tu ne lui permets pas
d’alimenter la chaleur de son amour et de sa tendresse, tu n’auras pas de feu,
et ainsi comment pourras-tu enflammer le cœur des autres par ton témoignage et
par tes paroles ? Et si devant le visage du Christ tu ne parviens pas à te
laisser guérir et transformer, pénètre donc les entrailles du Seigneur, entre
dans ses plaies, car c’est là que la miséricorde divine a son siège[114].
152.
Mais je prie pour que nous ne considérions pas le silence priant comme une
évasion niant le monde qui nous entoure. Le ‘‘pèlerin russe’’, qui marchait
dans une prière continue, raconte que cette prière ne le séparait pas de la
réalité extérieure : « Lorsqu’il m’arrivait de rencontrer des gens, ils me
semblaient aussi aimables que s’ils avaient été de ma famille [...] Ce bonheur
n’illuminait pas seulement l’intérieur de mon âme ; le monde extérieur aussi
m’apparaissait sous un aspect ravissant »[115].
153.
L’histoire ne disparaît pas non plus. La prière, précisément parce qu’elle
s’alimente du don de Dieu qui se répand dans notre vie, devrait toujours faire
mémoire. La mémoire des actions de Dieu se trouve à la base de l’expérience de
l’alliance entre Dieu et son peuple. Puisque Dieu a voulu entrer dans
l’histoire, la prière est tissée de souvenirs. Non seulement du souvenir de la
Parole révélée, mais aussi de la vie personnelle, de la vie des autres, de ce
que le Seigneur a fait dans son Église. C’est la mémoire reconnaissante dont
parle également saint Ignace de Loyola dans sa ‘‘Contemplation pour parvenir à
l’amour’’[116],
quand il nous demande de ramener à la mémoire tous les bénéfices que nous avons
reçus du Seigneur. Regarde ton histoire quand tu pries et tu y trouveras
beaucoup de miséricorde. En même temps, cela alimentera ta conscience du fait
que le Seigneur te garde dans sa mémoire et ne t’oublie jamais. Cela a donc un
sens de lui demander d’éclairer encore les petits détails de ton existence, qui
ne lui échappent pas.
154.
La supplication est l’expression d’un cœur confiant en Dieu, qui sait que seul
il est impuissant. Dans la vie du peuple fidèle de Dieu, nous trouvons beaucoup
de supplications débordantes d’une tendresse croyante et d’une confiance
profonde. N’ôtons pas de la valeur à la prière de demande, qui bien des fois
donne de la sérénité à notre cœur et nous aide à continuer de lutter avec
espérance. La supplication d’intercession a une valeur particulière, car c’est
un acte de confiance en Dieu et en même temps une expression d’amour du
prochain. Certains, par préjugés spiritualistes, croient que la prière devrait
être une pure contemplation de Dieu, sans distractions, comme si les noms et
les visages des frères étaient une perturbation à éviter. Au contraire, la
réalité, c’est que la prière sera plus agréable à Dieu et plus sanctifiante si,
à travers elle, par l’intercession, nous essayons de vivre le double
commandement que Jésus nous a donné. L’intercession exprime l’engagement
fraternel envers les autres quand grâce à elle nous sommes capables d’intégrer
la vie des autres, leurs plus pressantes angoisses et leurs plus grands rêves.
Recourant aux paroles bibliques, on peut dire de celui qui se dévoue
généreusement à intercéder : « Celui-ci est l’ami de ses frères, qui prie
beaucoup pour le peuple » (2 M 15, 14).
155.
Si nous reconnaissons vraiment que Dieu existe, nous ne pouvons pas nous lasser
de l’adorer, parfois dans un silence débordant d’admiration, ou de le chanter
dans une louange festive. Nous exprimons ainsi ce que vivait le bienheureux
Charles de Foucauld quand il disait : « Aussitôt que je crus qu’il y avait un
Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour Lui
»[117].
Il y a aussi, dans la vie du peuple pèlerin, de nombreux gestes simples de pure
adoration, comme par exemple lorsque « le regard du pèlerin se fixe sur une
image qui symbolise la tendresse et la proximité de Dieu. L’amour s’arrête,
contemple le mystère, le savoure dans le silence »[118].
156.
La lecture priante de la Parole de Dieu, « plus douce que le miel »
(Ps 119, 103) et « plus incisive qu’aucun glaive à deux tranchants »
(He 4, 12) nous permet de nous arrêter pour écouter le Maître afin qu’il
soit lampe sur nos pas, lumière sur notre route (cf. Ps 119, 105).
Comme les Évêques de l’Inde l’ont bien rappelé : « La Parole de Dieu n’est pas
seulement une dévotion parmi tant d’autres, certes belle mais optionnelle ;
elle appartient au cœur et à l’identité même de la vie chrétienne. La Parole a
en elle-même le pouvoir de transformer les vies »[119].
157.
La rencontre avec Jésus dans les Écritures nous conduit à l’Eucharistie, où
cette même Parole atteint son efficacité maximale, car elle est présence réelle
de celui qui est la Parole vivante. Là, l’unique Absolu reçoit la plus grande
adoration que puisse lui rendre cette terre, car c’est le Christ qui s’offre.
Et quand nous le recevons dans la communion, nous renouvelons notre alliance
avec lui et nous lui permettons de réaliser toujours davantage son œuvre de
transformation.
Cinquième chapitre
COMBAT, VIGILANCE ET
DISCERNEMENT
158.
La vie chrétienne est un combat permanent. Il faut de la force et du courage
pour résister aux tentations du diable et annoncer l’Evangile. Cette lutte est
très belle, car elle nous permet de célébrer chaque fois le Seigneur vainqueur
dans notre vie.
Le combat et la vigilance
159.
Il ne s’agit pas seulement d’un combat contre le monde et la mentalité mondaine
qui nous trompe, nous abrutit et fait de nous des médiocres dépourvus
d’engagement et sans joie. Il ne se réduit pas non plus à une lutte contre sa
propre fragilité et contre ses propres inclinations (chacun a la sienne : la
paresse, la luxure, l’envie, la jalousie, entre autres). C’est aussi une lutte
permanente contre le diable qui est le prince du mal. Jésus lui-même fête nos
victoires. Il se réjouissait quand ses disciples arrivaient à progresser dans
l’annonce de l’Evangile, en surmontant les obstacles du Malin, et il s’exclamait
: « Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair » (Lc 10, 18).
Plus qu’un mythe
160.
Nous n’admettrons pas l’existence du diable si nous nous évertuons à regarder
la vie seulement avec des critères empiriques et sans le sens du surnaturel.
Précisément, la conviction que ce pouvoir malin est parmi nous est ce qui nous
permet de comprendre pourquoi le mal a parfois tant de force destructrice. Les
auteurs bibliques avaient certes un bagage conceptuel limité pour exprimer
certaines réalités et au temps de Jésus, on pouvait confondre, par exemple, une
épilepsie avec la possession du démon. Cependant cela ne doit pas nous porter à
trop simplifier la réalité en disant que tous les cas rapportés dans les
Evangiles étaient des maladies psychiques et qu’en définitive le démon n’existe
pas ou n’agit pas. Sa présence se trouve à la première page des Ecritures, qui
se concluent avec la victoire de Dieu sur le démon[120].
De fait, quand Jésus nous a enseigné le Notre Père, il a demandé que nous
terminions en demandant au Père de nous délivrer du Mal. Le terme utilisé ici ne
se réfère pas au mal abstrait et sa traduction plus précise est “le Malin”. Il
désigne un être personnel qui nous harcèle. Jésus nous a enseigné à demander
tous les jours cette délivrance pour que son pouvoir ne nous domine pas.
161.
Ne pensons donc pas que c’est un mythe, une représentation, un symbole, une
figure ou une idée[121].
Cette erreur nous conduit à baisser les bras, à relâcher l’attention et à être
plus exposés. Il n’a pas besoin de nous posséder. Il nous empoisonne par la
haine, par la tristesse, par l’envie, par les vices. Et ainsi, alors que nous baissons
la garde, il en profite pour détruire notre vie, nos familles et nos
communautés, car il rôde « comme un lion rugissant cherchant qui dévorer »
(1P 5, 8).
Eveillés et confiants
162.
La Parole de Dieu nous invite clairement à « résister aux manœuvres du diable »
(Ep 6, 11) et à éteindre « tous les traits enflammés du Mauvais »
(Ep 6, 16). Ce ne sont pas des paroles romantiques, car notre chemin vers
la sainteté est aussi une lutte constante. Celui qui ne veut pas le reconnaître
se trouvera exposé à l’échec ou à la médiocrité. Nous avons pour le combat les
armes puissantes que le Seigneur nous donne : la foi qui s’exprime dans la
prière, la méditation de la parole de Dieu, la célébration de la Messe,
l’adoration eucharistique, la réconciliation sacramentelle, les œuvres de
charité, la vie communautaire et l’engagement missionnaire. Si nous nous
négligeons, les fausses promesses du mal nous séduiront facilement, car comme
le disait le saint prêtre Brochero : « Qu’importe que Lucifer nous promette de
nous libérer et même nous comble de tous ses biens, si ce sont des biens
trompeurs, si ce sont des biens envenimés ? »[122].
163.
Sur ce chemin, le progrès du bien, la maturation spirituelle et la croissance
de l’amour sont les meilleurs contrepoids au mal. Personne ne résiste s’il
reste au point mort, s’il se contente de peu, s’il cesse de rêver de faire au
Seigneur un don de soi plus généreux. Encore moins, s’il tombe dans un esprit
de défaite, car « celui qui commence sans confiance a perdu d’avance la moitié
de la bataille et enfouit ses talents […] le triomphe chrétien est toujours une
croix, mais une croix qui en même temps est un étendard de victoire, qu’on
porte avec une tendresse combative contre les assauts du mal »[123].
La corruption spirituelle
164.
Le chemin de la sainteté est une source de paix et de joie que nous offre
l’Esprit, mais en même temps il demande que nous soyons avec « les lampes
allumées » (Lc 12, 35) et que nous restions attentifs : « Gardez-vous de
toute espèce de mal » (1Th 5, 22). « Veillez donc » (Mt 24, 42
; Mc 13, 35). « Ne nous endormons pas » (1Th 5, 6). Car ceux qui
ont le sentiment qu’ils ne commettent pas de fautes graves contre la Loi de
Dieu peuvent tomber dans une sorte d’étourdissement ou de torpeur. Comme ils ne
trouvent rien de grave à se reprocher, ils ne perçoivent pas cette tiédeur qui
peu à peu s’empare de leur vie spirituelle et ils finissent par se débiliter et
se corrompre.
165.
La corruption spirituelle est pire que la chute d’un pécheur, car il s’agit
d’un aveuglement confortable et autosuffisant où tout finit par sembler licite
: la tromperie, la calomnie, l’égoïsme et d’autres formes subtiles
d’autoréférentialité, puisque « Satan lui-même se déguise en ange de lumière »
(2Co 11, 14). C’est ainsi que Salomon a fini ses jours, alors que le grand
pécheur David sut se relever de sa misère. Dans un épisode, Jésus nous met en
garde contre cette tentation trompeuse qui nous fait glisser vers la corruption
: il parle d’une personne libérée du démon qui, pensant que sa vie est pure,
finit par être possédée par sept autres esprits malins (cf. Lc 11,
24-26). Un autre texte biblique utilise une image forte : « Le chien est
retourné à son propre vomissement » (2P 2, 22 ; cf. Pr 26, 11).
Le discernement
166.
Comment savoir si une chose vient de l’Esprit Saint ou si elle a son origine
dans l’esprit du monde ou dans l’esprit du diable ? Le seul moyen, c’est le
discernement qui ne requiert pas seulement une bonne capacité à raisonner ou le
sens commun. C’est aussi un don qu’il faut demander. Si nous le demandons avec
confiance au Saint Esprit, et que nous nous efforçons en même temps de le
développer par la prière, la réflexion, la lecture et le bon conseil, nous
pourrons sûrement grandir dans cette capacité spirituelle.
Une nécessité impérieuse
167.
Aujourd’hui, l’aptitude au discernement est redevenue particulièrement
nécessaire. En effet, la vie actuelle offre d’énormes possibilités d’actions et
de distractions et le monde les présente comme si elles étaient toutes valables
et bonnes. Tout le monde, mais spécialement les jeunes, est exposé à
un zapping constant. Il est possible de naviguer sur deux ou trois
écrans simultanément et d’interagir en même temps sur différents lieux
virtuels. Sans la sagesse du discernement, nous pouvons devenir facilement des
marionnettes à la merci des tendances du moment.
168.
Cela devient particulièrement important quand apparaît une nouveauté dans notre
vie et qu’il faudrait alors discerner pour savoir s’il s’agit du vin nouveau de
Dieu ou bien d’une nouveauté trompeuse de l’esprit du monde ou de l’esprit du
diable. En d’autres occasions, il arrive le contraire, parce que les forces du
mal nous induisent à ne pas changer, à laisser les choses comme elles sont, à
choisir l’immobilisme et la rigidité. Nous empêchons donc le souffle de
l’Esprit d’agir. Nous sommes libres, de la liberté de Jésus-Christ, mais il
nous appelle à examiner ce qu’il y a en nous – désirs, angoisses, craintes,
aspirations – et ce qui se passe en dehors de nous – “les signes des temps” –
pour reconnaître les chemins de la pleine liberté : « Vérifiez tout. Ce qui est
bon retenez-le » (1Th 5, 21).
Toujours à la lumière du
Seigneur
169.
Le discernement n’est pas seulement nécessaire pour les moments
extraordinaires, ou quand il faut résoudre de graves problèmes, ou quand il
faut prendre une décision cruciale. C’est un instrument de lutte pour mieux
suivre le Seigneur. Nous en avons toujours besoin pour être disposés à
reconnaître les temps de Dieu et de sa grâce, pour ne pas gaspiller les
inspirations du Seigneur, pour ne pas laisser passer son invitation à grandir.
Souvent cela se joue dans les petites choses, dans ce qui paraît négligeable,
parce que la grandeur se montre dans ce qui est simple et quotidien[124].
Il s’agit de ne pas avoir de limites pour ce qui est grand, pour ce qu’il y a
de mieux et de plus beau, mais en même temps d’être attentif à ce qui est
petit, au don de soi d’aujourd’hui. Je demande donc à tous les chrétiens de
faire chaque jour, en dialogue avec le Seigneur qui nous aime, un sincère
“examen de conscience”. En même temps, le discernement nous conduit à
reconnaître les moyens concrets que le Seigneur prédispose dans son mystérieux
plan d’amour, pour que nous n’en restions pas seulement à de bonnes intentions.
Un don surnaturel
170.
Il est vrai que le discernement spirituel n’exclut pas les apports des
connaissances humaines, existentielles, psychologiques, sociologiques ou
morales. Mais il les transcende. Même les sages normes de l’Église n’y
suffisent pas. Rappelons-nous toujours que le discernement est une grâce. Bien
qu’il inclue la raison et la prudence, il les dépasse parce qu’il s’agit
d’entrevoir le mystère du projet unique et inimitable que Dieu a pour chacun,
et qui se réalise dans des contextes et des limites les plus variés. Ne sont
pas seulement en jeu un bien-être temporel ni la satisfaction de faire quelque
chose d’utile, ni le désir d’avoir la conscience tranquille non plus. Ce qui
est en jeu, c’est le sens de ma vie devant le Père qui me connaît et qui
m’aime, le vrai sens de mon existence que personne ne connaît mieux que lui. Le
discernement, en définitive, conduit à la source même de la vie qui ne meurt
pas, c’est-à-dire connaître le Père, le seul vrai Dieu, et celui qu’il a
envoyé, Jésus-Christ (cf. Jn 17, 3). Il ne requiert pas de capacités
spéciales ni n’est réservé aux plus intelligents ou aux plus instruits, et le
Père se révèle volontiers aux humbles (cf. Mt 11, 25).
171.
Même si le Seigneur nous parle de manières variées, dans notre travail, à travers
les autres et à tout moment, il n’est pas possible de se passer du silence de
la prière attentive pour mieux percevoir ce langage, pour interpréter la
signification réelle des inspirations que nous croyons recevoir, pour apaiser
les angoisses et recomposer l’ensemble de l’existence personnelle à la lumière
de Dieu. Nous pouvons ainsi laisser naître cette nouvelle synthèse qui jaillit
de la vie illuminée par l’Esprit.
Parle, Seigneur
172.
Cependant, il pourrait arriver que dans la prière même nous évitions de nous
laisser interpeller par la liberté de l’Esprit qui agit comme il veut. Il faut
rappeler que le discernement priant doit trouver son origine dans la disponibilité
à écouter le Seigneur, les autres, la réalité même qui nous interpelle toujours
de manière nouvelle. Seul celui qui est disposé à écouter possède la liberté
pour renoncer à son propre point de vue partiel ou insuffisant, à ses
habitudes, à ses schémas. De la sorte, il est vraiment disponible pour
accueillir un appel qui brise ses sécurités mais qui le conduit à une vie
meilleure, car il ne suffit pas que tout aille bien, que tout soit tranquille.
Dieu pourrait être en train de nous offrir quelque chose de plus, et à cause de
notre distraction dans la commodité, nous ne nous en rendons pas compte.
173.
Une telle attitude d’écoute implique, c’est certain, l’obéissance à l’Evangile
comme ultime critère, mais aussi au Magistère qui le garde, en cherchant à
trouver dans le trésor de l’Église ce qui est le plus fécond pour l’aujourd’hui
du salut. Il ne s’agit pas d’appliquer des recettes ni de répéter le passé,
puisque les mêmes solutions ne sont pas valables en toutes circonstances, et ce
qui sera utile dans un certain contexte peut ne pas l’être dans un autre. Le
discernement des esprits nous libère de la rigidité qui n’est pas de mise
devant l’éternel aujourd’hui du Ressuscité. Seul l’Esprit sait pénétrer dans
les replis les plus sombres de la réalité et prendre en compte toutes ses
nuances, pour que, sous un nouveau jour, émerge la nouveauté de l’Evangile.
La logique du don et de
la croix
174.
Une condition essentielle au progrès dans le discernement, c’est de s’éduquer à
la patience de Dieu et à ses temps qui ne sont jamais les nôtres. Il ne fait
pas tomber le feu sur les infidèles (cf. Lc 9, 54) ni ne permet
d’‘‘arracher l’ivraie” qui grandit avec le blé (cf. Mt 13, 29). Il
faut aussi de la générosité parce qu’« il y a plus de bonheur à donner qu’à
recevoir » (Ac 20, 35). Nous ne discernons pas pour découvrir ce que nous
pouvons tirer davantage de cette vie, mais pour reconnaître comment nous
pouvons mieux accomplir cette mission qui nous a été confiée dans le Baptême,
et cela implique que nous soyons disposés à des renoncements jusqu’à tout
donner. En effet, le bonheur est paradoxal et nous offre les meilleures
expériences quand nous acceptons cette logique mystérieuse qui n’est pas de ce
monde. Comme l’affirmait saint Bonaventure en parlant de la croix : « Telle est
notre logique »[125].
Si quelqu’un entre dans cette dynamique, alors il ne laisse pas sa conscience
s’anesthésier et il s’ouvre généreusement au discernement.
175.
Quand nous scrutons devant Dieu les chemins de la vie, il n’y a pas de domaines
qui soient exclus. Sur tous les plans de notre vie, nous pouvons continuer à
grandir et offrir quelque chose de plus à Dieu, y compris sur les plans où nous
faisons l’expérience des difficultés les plus fortes. Mais il faut demander à
l’Esprit Saint de nous délivrer et d’expulser cette peur qui nous porte à lui
interdire d’entrer dans certains domaines de notre vie. Lui qui demande tout
donne également tout, et il ne veut pas entrer en nous pour mutiler ou
affaiblir mais pour porter à la plénitude. Cela nous fait voir que le
discernement n’est pas une autoanalyse intimiste, une introspection égoïste,
mais une véritable sortie de nous-mêmes vers le mystère de Dieu qui nous aide à
vivre la mission à laquelle il nous a appelés pour le bien de nos frères.
***
176.
Je voudrais que la Vierge Marie couronne ces réflexions, car elle a vécu comme
personne les béatitudes de Jésus. Elle est celle qui tressaillait de joie en la
présence de Dieu, celle qui gardait tout dans son cœur et qui s’est laissée
traverser par le glaive. Elle est la sainte parmi les saints, la plus bénie,
celle qui nous montre le chemin de la sainteté et qui nous accompagne. Elle
n’accepte pas que nous restions à terre et parfois elle nous porte dans ses
bras sans nous juger. Parler avec elle nous console, nous libère et nous
sanctifie. La Mère n’a pas besoin de beaucoup de paroles, elle n’a pas besoin
que nous fassions trop d’efforts pour lui expliquer ce qui nous arrive. Il
suffit de chuchoter encore et encore : “Je vous salue Marie…’’.
177.
J’espère que ces pages seront utiles pour que toute l’Église se consacre à
promouvoir le désir de la sainteté. Demandons à l’Esprit Saint d’infuser en
nous un intense désir d’être saint pour la plus grande gloire de Dieu et
aidons-nous les uns les autres dans cet effort. Ainsi, nous partagerons un
bonheur que le monde ne pourra nous enlever.
Donné à Rome, près de
Saint-Pierre, le 19 mars, Solennité de Saint Joseph, de l’an 2018, sixième
année de mon Pontificat.
François
[1] Benoît
XVI, Homélie
lors de l’inauguration solennelle du ministère pétrinien (24 avril 2005) : AAS 97
(2005), p. 708.
[2] Cela
suppose qu’il y ait, de toute façon, la réputation de sainteté et l’exercice,
au moins à un niveau ordinaire, des vertus chrétiennes : Cf. Lettre Apostolique
sous forme de Motu proprio Maiorem
hac dilectionem (11 juillet 2017), art. 2c : L’Osservatore
Romano, éd. en langue française (13 juillet 2017), p. 12.
[3] Conc.
œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen
gentium, sur l’Église, n. 9.
[4] Cf.
Joseph Malègue, Pierres noires. Les classes moyennes du Salut, Paris 1958.
[5] Conc.
œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen
gentium, sur l’Église, n. 12.
[6] Vie
cachée et épiphanie, Source cachée (Œuvres spirituelles, Paris 1998,
pp. 241-247).
[7] Jean-Paul
II, Lett. ap. Novo
millennio ineunte (6 janvier 2001), n. 56 : AAS 93 (2001),
p. 307.
[8] Lett.
ap. Tertio
millennio adveniente (10 novembre 1994), n. 37 : AAS 87
(1995), p. 29.
[9] Homélie
lors de la Commémoration œcuménique des témoins de la foi du 20ème siècle (7
mai 2000) : AAS 92 (2000), n. 5 : pp.680-681.
[10] Const.
dogm. Lumen
gentium, sur l’Église, n. 11.
[11] Cf.
Hans U. Von Balthasar, Teología y santidad, in Communio 6
(1987), p. 489.
[12] Cantique
Spirituel B, Prologue 2, (Œuvres complètes, Paris 1990, p. 1196).
[13] Ibid.,
14, 2, (Op. cit. p. 1285).
[14] Cf. Catéchèse
de l’Audience générale (19 novembre 2014) : L’Osservatore Romano,
éd. en langue française (20 novembre 2014), p. 2.
[15] François
de Sales, Traité de l’amour de Dieu, VIII, 11, (Œuvres complètes, Paris
1969, p. 743).
[16] J’ai
suivi Jésus : Un évêque témoigne, Paris 1997, p. 17.
[17] Conférence
des Évêques catholiques de Nouvelle Zélande, Healing
love (1er janvier 1988).
[18] Cf. Exercices
spirituels, Paris 1986/2008, nn. 102-312.
[19] Catéchisme
de l’Église catholique, n. 515.
[20] Ibid.,
n. 516.
[21] Ibid.,
n. 517.
[22] Ibid.,
n. 518.
[23] Ibid.,
n. 521.
[24] Benoît
XVI, Audience
générale (13 avril 2011), in : L’Osservatore Romano, éd. en
langue française (14 avril 2011), n. 15, p 2.
[25] Ibid.
[26] Cf.
Hans U. Von Balthasar, Teología y santidad, in Communio 6
(1987), pp. 486-493.
[27] Xavier
Zubiri, Naturaleza, historia, Dios, Madrid 19993, p. 427.
[28] Carlo
M. Martini, Le confesioni di Pietro, Cinisello Balsamo 2017, p. 69.
[29] Il
faut distinguer ce divertissement superficiel d’une saine culture du loisir,
qui nous ouvre à l’autre et à la réalité avec un esprit détendu et
contemplatif.
[30] Jean-Paul
II, Homélie
lors de la Messe de canonisation (1er octobre 2000), n. 5
: AAS 92 (2000), p. 852.
[31] Conférence
Episcopale Régionale de l’Afrique Occidentale, Message pastoral à la fin
de la 2ème Assemblée plénière (29 février 2016), n. 2.
[32] Léon
Bloy, La femme pauvre, II, 27, Paris 1897, p. 388.
[33] Cf.
Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lett. Placuit
Deo sur certains aspects du salut chrétien (22 février 2018), n. 4
:L’Osservatore Romano (2 mars 2018), pp.4-5 : « L’individualisme
néo-pélagien et le mépris néo-gnostique du corps défigurent la confession de
foi au Christ, Sauveur unique et universel ». Dans ce document, se trouvent les
bases doctrinales pour la compréhension du salut chrétien en référence aux
dérives néo-gnostiques et néo-pélagiennes actuelles.
[34] Exhort.
ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), n. 94 : AAS 105 (2013), p.
1060.
[35] Ibid : AAS 105
(2013), p. 1059.
[36] Homélie
lors de la Messe à la Résidence Sainte-Marthe (11
novembre 2016) : L’Osservatore Romano, éd. en langue française
(1er décembre 2016), p. 8.
[37] Comme
l’enseigne saint Bonaventure, on doit « laisser en arrière toutes les opérations
de l’intelligence, puis transporter et transformer en Dieu le foyer de toutes
nos affections […] Il faut accorder peu à la recherche et beaucoup à l’onction
; peu à la langue et le plus possible à la joie intérieure ; peu aux discours
et aux livres, et tout au don de Dieu, c’est-à-dire au saint Esprit ; peu ou
rien à la créature et tout à l’Être créateur : Père, Fils et saint Esprit »
(Itinerarium mentis in Deum, VII, 4-5 [Texte latin de Quaracchi traduit par H.
Dumery], Paris 2001, pp. 103.105).
[38] Lettre
au Grand Chancelier de l’Université Pontificale Catholique d’Argentine pour le
centenaire de la Faculté de théologie (3 mars 2015) : L’Osservatore
Romano (9-10 mars 2015), p. 6.
[39] Exhort.
ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), n. 40 : AAS 105 (2013), p.
1037.
[40] Vidéo-message
au congrès international de théologie de l’Université Pontificale Catholique
d’Argentine (1-3
septembre 2015) :AAS 107 (2015), p. 980.
[41] Exhort.
ap. post-synodale Vita
consecrata (25 mars 1996), n. 38 : AAS 88 (1996), p. 412.
[42] Lettre
au Grand Chancelier de l’Université Pontificale Catholique d’Argentine pour le
centenaire de la Faculté de théologie (3 mars 2015) : L’Osservatore
Romano (9-10 mars 2015), p. 6.
[43] Lettre
à Frère Antoine, 2 (Ecrits, vies, témoignages, Ed. du 8ème centenaire
vol. 1, Paris 2010, p. 383).
[44] Les
sept dons de l’Esprit Saint, 9, 15.
[45] Id, Commentaire
sur le Livre IV des Sentences 37, 1, 3, ad 6.
[46] Exhort.
ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), n. 94 : AAS 105 (2013), p.
1059.
[47] Cf.
Bonaventure de Bagnoregio, De sex alis Seraphim 3, 8 : « Non
omnes omnia possunt ». Il faut le comprendre dans la ligne
du Catéchisme de l’Église catholique, n. 1735.
[48] Cf.
Thomas d’Aquin, Somme Théologique I-II, q. 109, a. 9, ad 1. « La
grâce est de quelque manière imparfaite en ce qu’elle ne guérit pas totalement
l’homme ».
[49] Cf. La
nature et la grâce XLIII, 50 : PL 44, p. 271.
[50] Confessions X,
XXIX, 40 (Paris 1962, Livres VIII-XIII, p. 213).
[51] Cf.
Exhort. ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), n. 44 : AAS 105 (2013), p.
1038.
[52] Dans
la compréhension de la foi chrétienne, la grâce est prévenante, concomitante et
subséquente à tout notre agir. (Cf. Conc. œcum. de Trente, Sess. VI,
Decr. de iustificatione, ch. 5, in DH, n. 1525).
[53] Cf. Homélie
sur la Lettre aux Romains IX, 11 : PG 60, p. 470.
[54] Homélie
sur l’humilité : PG 31, p. 530.
[55] Canon
4, DH 374 (H. Denziger, Symboles et définitions de la foi catholique, Paris
2010, p. 137).
[56] Ses.
6ème, Decretum de iustificatione, chap. 8, DH 1532 (H.
Denziger, Symboles et définitions de la foi catholique, Paris 2010,
p. 422).
[57] N.
1998.
[58] Ibid.,
n. 2007.
[59] Thomas
d’Aquin, Somme Théologique I-II, q. 114, art. 5.
[60] Thérèse
de Lisieux, ‘‘Acte d’offrande à l’Amour miséricordieux’’ (Prières, 6), (Œuvres complètes,
Paris 1996, p. 963).
[61] Liucio
Gera, Sobre el misterio del pobre, dans P. Grelot- L. Gera-A.
Dumas, El Pobre, Buenos Aires 1962, p. 103.
[62] C’est,
en définitive, la doctrine catholique du “mérite” postérieur à la
justification. Il s’agit de la coopération du justifié à l’accroissement de la
vie de la grâce (cf. Catéchisme de l’Église Catholique, n. 2010). Mais
cette coopération ne fait en aucune manière que la justification elle-même et
l’amitié de Dieu deviennent l’objet d’un mérite humain.
[63] Cf.
Exhort. ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), n. 95 : AAS 105 (2013), p.
1060.
[64] Somme
Théologique I-II, q. 107, art. 4.
[65] Homélie
de la Sainte Messe à l’occasion du Jubilé des personnes socialement
exclues (13 novembre 2016) : L’Osservatore Romano, éd. en
langue française (17 novembre 2016), p. 7.
[66] Cf. Homélie
lors de la Messe à la Résidence Sainte-Marthe (9 juin 2014) : L’Osservatore
Romano, éd. en langue française (26 juin 2014), p. 6.
[67] L’ordre
entre la deuxième et la troisième béatitude varie selon les diverses traditions
textuelles.
[68] Exercices
spirituels, n. 23 (Paris 1986/2008, p. 44).
[69] Manuscrit
C, 12r. (Œuvres complètes, Paris 1996, p. 250).
[70] Depuis
les temps patristiques, l’Église apprécie le don des larmes, comme en témoigne
aussi la belle prière Ad petendam compunctionem cordis : « O
Dieu tout puissant et très compatissant, qui pour le peuple assoiffé a fait
surgir du rocher une source d’eau vive, fais jaillir de nos cœurs endurcis des
larmes de contrition, pour que, pleurant nos péchés, nous obtenions par ta
miséricorde le pardon » (Missale Romanum, ed. typ. 1962, p. [110]).
[71] Catéchisme
de l’Église catholique, n. 1789, cf. n. 1970.
[72] Ibid.,
n. 1787.
[73] La
diffamation et la calomnie sont comme un acte terroriste : on jette la bombe,
on détruit, et l’agresseur reste heureux et tranquille. C’est très différent de
la grandeur d’âme de celui qui s’approche pour discuter face à face, avec une
sincérité sereine, en pensant au bien de l’autre.
[74] À
certaines occasions, il peut être nécessaire de discuter à propos des
difficultés d’un frère. Dans ces cas, il peut arriver que se transmette une
reconstruction au lieu d’un fait objectif. La passion déforme la réalité
concrète du fait, le transforme en une reconstruction et finit par transmettre
cette reconstruction chargée de subjectivité. On détruit ainsi la réalité et on
ne respecte pas la vérité de l’autre.
[75] Exhort.
ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), n. 218 : AAS 105 (2013), p.
1110.
[76] Ibid.,
n. 239, p. 1116.
[77] Ibid.,
n. 227, p. 1112.
[78] Lett.
enc. Centesimus
annus (1er mai 1991), n. 41c : AAS 83 (1991), pp.
844-845.
[79] Lett.
ap. Novo
millennio ineunte (6 janvier 2001), n. 49 : AAS 93 (2001),
p. 302.
[80] Ibid.
: AAS 93 (2001), p. 302.
[81] Bulle Misericordiae
Vultus (11
avril 2015), n. 12 : AAS 107 (2015), p. 407.
[82] Rappelons-nous
la réaction du bon samaritain face à l’homme que les brigands avaient laissé à
demi-mort au bord du chemin (cf. Lc 10, 30-37).
[83] Conférence
Canadienne des Évêques catholiques : Commission des Affaires Sociales, Lettre
ouverte aux membres du Parlement, Le bien commun ou l’exclusion, un choix
pour les canadiens (1er février 2001), n. 9.
[84] Suivant
le magistère constant de l’Église, la 5ème Conférence générale de
l’Épiscopat latino-américain et des Caraïbes a enseigné que l’être humain « est
toujours sacré, depuis sa conception, dans toutes les étapes de son existence,
jusqu’à sa mort naturelle et après la mort », et que sa vie doit être protégée
« depuis la conception, à toutes les étapes, et jusqu’à la mort naturelle
» (Document d’Aparecida (29 juin 2007), nn. 388.464).
[85] Règle,
53, 1 : PL 66, p. 749.
[86] Cf. Ibid.,
53, 7 : PL 66, p. 750.
[87] Ibid. 53,
15 : PL 66, p. 751.
[88] Bulle Misericordiae
Vultus (11 avril 2015), n. 9 : AAS 107 (2015), p. 405.
[89] Ibid.,
n. 10 : AAS 107 (2015), p. 406.
[90] Exhort.
ap. post-synodale Amoris
laetitia (19 mars 2016), n. 311 : AAS 108 (2016), p. 439.
[91] Exhort.
ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), n. 197 : AAS 105 (2013), p.
1103.
[92] Cf. Somme
Théologique, II-II, 30, a. 4.
[93] Ibid. ad.
1
[94] Cristo
en los pobres, Madrid, 1981, p. 37-38.
[95] Il
y a de nombreuses formes de harcèlement qui, bien qu’elles semblent élégantes
ou respectueuses, voire spirituelles, provoquent beaucoup de souffrance dans
l’estime de soi des autres.
[96] Précautions, 13
b (Œuvres complètes, Paris 1990, p. 304).
[97] Ibid,
13 a (Op. cit., p. 304).
[98] Petit
Journal : la miséricorde divine dans mon âme, n. 300 (Paris 20106, p. 148).
[99] Thomas
d’Aquin, Somme Théologique, I-II, 70, a. 3.
[100] Exhort.
ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), n. 6 : AAS 105 (2013), p.
1221.
[101] Je
recommande de dire la prière attribuée à saint Thomas More : « Donne-moi une
bonne digestion, Seigneur, et aussi quelque chose à digérer. Donne-moi la santé
du corps avec le sens de la garder au mieux. Donne-moi une âme sainte,
Seigneur, qui ait les yeux sur la beauté et la pureté, afin qu’elle ne
s’épouvante pas en voyant le péché, mais sache redresser la situation.
Donne-moi une âme qui ignore l’ennui, le gémissement et le soupir. Ne permets
pas que je me fasse trop de souci pour cette chose encombrante que j’appelle
‘‘moi’’. Seigneur, donne-moi l’humour pour que je tire quelque bonheur de cette
vie et en fasse profiter les autres. Ainsi soit-il ».
[102] Exhort.
ap. post-synodale Amoris
laetitia (19 mars 2016), n. 110 : AAS 108 (2016), p. 354.
[103] Exhort.
ap. Evangelii
nuntiandi (8 décembre 1975), n. 80 : AAS 68 (1976), p. 73.
Il est intéressant de noter que dans ce texte, le bienheureux Paul VI lie intimement
la joie à la parresía. De même qu’il déplore “surtout le manque de joie et
d’espérance”, exalte la “douce et réconfortante joie d’évangéliser” qui est
unie à “un élan intérieur que personne ni rien ne saurait éteindre”, pour que
le monde ne reçoive pas l’Évangile “d’évangélisateurs tristes et découragés ”.
À l’occasion de l’Année Sainte 1975, le même Paul VI a consacré à la joie
l’Exhortation apostolique Gaudete
in Domino (9 mai 1975) : AAS 67 (1075), pp. 289-322.
[104] Précautions,
n. 15 (Œuvres complètes, Paris 1990, p. 304).
[105] Jean
Paul-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Vita
consecrata (25 mars 1996), n. 42 : AAS 88 (1996), p. 416.
[106] Confessions,
IX, 10, 23-25 : PL 32, p. 773-775 (Paris 1962, Livres VIII-XIII, pp.
115-121).
[107] Spécialement,
je rappelle les trois mots-clefs ‘‘s’il te plaît, merci, pardon’’, car « dits
au bon moment, [ils] protègent et alimentent l’amour, jour après jour » :
Exhort. ap. post-synodale Amoris
laetitia (19 mars 2016), n. 133 : AAS 108 (2016), p. 363.
[108] Thérèse
de Lisieux, Manuscrit C, 29vo-30ro (Œuvres Complètes, Paris 1996, pp.
274-275).
[109] Degrés
de perfection, 2 (Œuvres complètes, Paris 1990, p. 313).
[110] Id., Avis
à un religieux pour atteindre la perfection, 9b (Op. cit., p. 311).
[111] Livre
de la Vie 8, 5 (Œuvres complètes, Paris 1949, p. 82).
[112] Jean-Paul
II, Lett. ap. Orientale
lumen (2 mai 1995), n. 16 : AAS 87 (1995), p. 762.
[113] Discours
lors de la rencontre avec les participants au Vème Congrès de l’Église
italienne,
Florence (10 novembre 2015) : AAS107 (2015), p. 1284.
[114] Cf.
Bernard de Clairvaux, Sermon sur le cantique des cantiques 61, 3-5
: PL 183, pp. 1071-1073.
[115] Récits
d’un pèlerin russe, (Traduits par Jean Laloy, Baconnière/Paris 1966,
pp-37-38.149).
[116] Cf. Exercices
spirituels, Paris 1986/2008, nn. 230-237.
[117] Lettre
à Henry de Castries, Notre-Dame des Neiges, 14 août 1901.
[118] Vème Conférence
Générale de L’Episcopat Latino-américain et des Caraïbes, Document
d’Aparecida (29 juin 2007), n. 259.
[119] Conférence
des Évêques catholiques de l’Inde, Déclaration finale de la
21ème Assemblée plénière (18 février 2009), n. 3.2.
[120] Cf. Homélie
lors de la Messe à la Résidence Sainte-Marthe (11 octobre 2013) : L’Osservatore
Romano, éd. en langue française (17 octobre 2013), p. 7.
[121] Cf.
Paul VI, Catéchèse (15 novembre 1972) : Insegnamenti X [1972],
pp. 1168-1170 : « Un des besoins principaux est la défense contre ce mal que
nous appelons Démon […] Le mal n’est pas seulement une déficience mais une
efficience, un être vivant, spirituel, perverti et pervertisseur. Réalité
terrible, mystérieuse et effrayante. Celui qui se refuse à la reconnaître comme
existante sort du cadre de l’enseignement biblique et ecclésiastique ; ou bien
celui qui en fait un principe se tenant par lui-même, n’ayant pas lui-même,
comme toute créature, son origine en Dieu ; ou qui l’explique comme
pseudo-réalité, une personnification conceptuelle et fantastique des causes
ignorées de nos infirmités ».
[122] José
Gabriel del Rosario Brochero, Plática de las banderas, in : Conférence
épiscopale d’Argentine, El Cura Brochero. Cartas y sermones, Buenos Aires
1999, p. 71.
[123] Exhort.
ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), n. 85 : AAS 105 (2013), p.
1056.
[124] On
trouve sur la tombe de saint Ignace de Loyola ce sage épitaphe : “Non coerceri
a maximo, contineri tamen a minimo divinum est” (Il est divin de ne pas avoir
peur des grandes choses et en même temps d’être attentif aux plus petites).
[125] Collationes
in Hexaemeron, 1, 30.
© Copyright - Libreria
Editrice Vaticana
ESORTAZIONE APOSTOLICA
GAUDETE ET EXSULTATE
INDICE
« Rallegratevi
ed esultate » [1-2]
I santi che ci incoraggiano e ci accompagnano [3-5]
I santi della porta accanto [6-9]
Il Signore chiama [10-13]
Anche per te [14-18]
La tua missione in Cristo [19-24]
L’attività che santifica [25-31]
Più
vivi, più umani [32-34]
DUE
SOTTILI NEMICI DELLA SANTITÀ
Una mente senza Dio e senza carne [37-39]
Una dottrina senza mistero [40-42]
I
limiti della ragione [43-46]
Il
Pelagianesimo attuale [47-48]
Una volontà senza umiltà [49-51]
Un insegnamento della Chiesa spesso dimenticato [52-56]
I nuovi pelagiani [57-59]
Il
riassunto della Legge [60-62]
Controcorrente [65-66]
« Beati i poveri in spirito, perché di essi è il regno dei cieli » [67-70]
« Beati i miti, perché avranno in eredità la terra » [71-74]
« Beati quelli che sono nel pianto, perché saranno consolati » [75-76]
« Beati quelli che hanno fame e sete della giustizia, perché saranno saziati » [77-79]
« Beati i misericordiosi, perché troveranno misericordia » [80-82]
« Beati i puri di cuore, perché vedranno Dio » [83-86]
« Beati gli operatori di pace, perché saranno chiamati figli di Dio » [87-89]
« Beati
i perseguitati per la giustizia, perché di essi è il regno dei cieli » [90-94]
La
grande regola di comportamento [95]
Per fedeltà al Maestro [96-99]
Le ideologie che mutilano il cuore del Vangelo [100-103]
Il
culto che Lui più gradisce [104-109]
ALCUNE
CARATTERISTICHE DELLA SANTITÀ NEL MONDO ATTUALE
Sopportazione, pazienza e mitezza [112-121]
Gioia e senso dell’umorismo [122-128]
Audacia e fervore [129-139]
In comunità [140-146]
In
preghiera costante [147-157]
COMBATTIMENTO,
VIGILANZA E DISCERNIMENTO
Il
combattimento e la vigilanza [159]
Qualcosa di più di un mito [160-161]
Svegli e fiduciosi [162-163]
La
corruzione spirituale [164-165]
Il
discernimento [166]
Un bisogno urgente [167-168]
Sempre alla luce del Signore [169]
Un dono soprannaturale [170-171]
Parla, Signore [172-173]
La
logica del dono e della croce [174-177]
1. «Rallegratevi
ed esultate» (Mt 5,12), dice Gesù a coloro che sono perseguitati o
umiliati per causa sua. Il Signore chiede tutto, e quello che offre è la vera
vita, la felicità per la quale siamo stati creati. Egli ci vuole santi e non si
aspetta che ci accontentiamo di un’esistenza mediocre, annacquata,
inconsistente. In realtà, fin dalle prime pagine della Bibbia è presente, in
diversi modi, la chiamata alla santità. Così il Signore la proponeva ad Abramo:
«Cammina davanti a me e sii integro» (Gen 17,1).
2. Non ci si deve
aspettare qui un trattato sulla santità, con tante definizioni e distinzioni
che potrebbero arricchire questo importante tema, o con analisi che si
potrebbero fare circa i mezzi di santificazione. Il mio umile obiettivo è far
risuonare ancora una volta la chiamata alla santità, cercando di incarnarla nel
contesto attuale, con i suoi rischi, le sue sfide e le sue opportunità. Perché
il Signore ha scelto ciascuno di noi «per essere santi e immacolati di fronte a
Lui nella carità» (Ef 1,4).
I
santi che ci incoraggiano e ci accompagnano
3.
Nella Lettera agli Ebrei si menzionano diversi testimoni che ci incoraggiano a
«[correre] con perseveranza nella corsa che ci sta davanti» (12,1). Lì si parla
di Abramo, di Sara, di Mosè, di Gedeone e di altri ancora (cfr 11,1-12,3) e
soprattutto siamo invitati a riconoscere che siamo «circondati da una
moltitudine di testimoni» (12,1) che ci spronano a non fermarci lungo la
strada, ci stimolano a continuare a camminare verso la meta. E tra di loro può
esserci la nostra stessa madre, una nonna o altre persone vicine (cfr 2 Tm 1,5).
Forse la loro vita non è stata sempre perfetta, però, anche in mezzo a
imperfezioni e cadute, hanno continuato ad andare avanti e sono piaciute al
Signore.
4.
I santi che già sono giunti alla presenza di Dio mantengono con noi legami
d’amore e di comunione. Lo attesta il libro dell’Apocalisse quando parla dei
martiri che intercedono: «Vidi sotto l’altare le anime di coloro che furono immolati
a causa della parola di Dio e della testimonianza che gli avevano reso. E
gridarono a gran voce: “Fino a quando, Sovrano, tu che sei santo e veritiero,
non farai giustizia?”» (6,9-10). Possiamo dire che «siamo circondati,
condotti e guidati dagli amici di Dio. […] Non devo portare da solo ciò che in
realtà non potrei mai portare da solo. La schiera dei santi di Dio mi protegge,
mi sostiene e mi porta».[1]
5.
Nei processi di beatificazione e canonizzazione si prendono in considerazione i
segni di eroicità nell’esercizio delle virtù, il sacrificio della vita nel
martirio e anche i casi nei quali si sia verificata un’offerta della propria
vita per gli altri, mantenuta fino alla morte. Questa donazione esprime
un’imitazione esemplare di Cristo, ed è degna dell’ammirazione dei fedeli.[2] Ricordiamo,
ad esempio, la beata Maria Gabriella Sagheddu, che ha offerto la sua vita per
l’unità dei cristiani.
6.
Non pensiamo solo a quelli già beatificati o canonizzati. Lo Spirito Santo
riversa santità dappertutto nel santo popolo fedele di Dio, perché «Dio volle
santificare e salvare gli uomini non individualmente e senza alcun legame tra
loro, ma volle costituire di loro un popolo, che lo riconoscesse secondo la
verità e lo servisse nella santità».[3] Il
Signore, nella storia della salvezza, ha salvato un popolo. Non esiste piena
identità senza appartenenza a un popolo. Perciò nessuno si salva da solo, come
individuo isolato, ma Dio ci attrae tenendo conto della complessa trama di
relazioni interpersonali che si stabiliscono nella comunità umana: Dio ha
voluto entrare in una dinamica popolare, nella dinamica di un popolo.
7.
Mi piace vedere la santità nel popolo di Dio paziente: nei genitori che
crescono con tanto amore i loro figli, negli uomini e nelle donne che lavorano
per portare il pane a casa, nei malati, nelle religiose anziane che continuano
a sorridere. In questa costanza per andare avanti giorno dopo giorno vedo la
santità della Chiesa militante. Questa è tante volte la santità “della porta
accanto”, di quelli che vivono vicino a noi e sono un riflesso della presenza
di Dio, o, per usare un’altra espressione, “la classe media della santità”.[4]
8.
Lasciamoci stimolare dai segni di santità che il Signore ci presenta attraverso
i più umili membri di quel popolo che «partecipa pure dell’ufficio profetico di
Cristo col diffondere dovunque la viva testimonianza di Lui, soprattutto per
mezzo di una vita di fede e di carità».[5] Pensiamo,
come ci suggerisce santa Teresa Benedetta della Croce, che mediante molti di
loro si costruisce la vera storia: «Nella notte più oscura sorgono i più grandi
profeti e i santi. Tuttavia, la corrente vivificante della vita mistica rimane
invisibile. Sicuramente gli avvenimenti decisivi della storia del mondo sono
stati essenzialmente influenzati da anime sulle quali nulla viene detto nei
libri di storia. E quali siano le anime che dobbiamo ringraziare per gli
avvenimenti decisivi della nostra vita personale, è qualcosa che sapremo
soltanto nel giorno in cui tutto ciò che è nascosto sarà svelato».[6]
9.
La santità è il volto più bello della Chiesa. Ma anche fuori della Chiesa
Cattolica e in ambiti molto differenti, lo Spirito suscita «segni della sua
presenza, che aiutano gli stessi discepoli di Cristo».[7] D’altra
parte, san Giovanni
Paolo II ci ha ricordato che «la testimonianza resa a Cristo sino allo
spargimento del sangue è divenuta patrimonio comune di cattolici, ortodossi,
anglicani e protestanti».[8] Nella
bella commemorazione
ecumenica che egli volle celebrare al Colosseo durante il Giubileo del 2000,
sostenne che i martiri sono «un’eredità che parla con una voce più alta dei
fattori di divisione».[9]
10.
Tutto questo è importante. Tuttavia, quello che vorrei ricordare con questa
Esortazione è soprattutto la chiamata alla santità che il Signore fa a ciascuno
di noi, quella chiamata che rivolge anche a te: «Siate santi, perché io sono
santo» (Lv 11,44; 1 Pt1,16). Il Concilio
Vaticano II lo ha messo in risalto con forza: «Muniti di salutari
mezzi di una tale abbondanza e di una tale grandezza, tutti i fedeli di ogni
stato e condizione sono chiamati dal Signore, ognuno per la sua via, a una
santità la cui perfezione è quella stessa del Padre celeste».[10]
11.
«Ognuno per la sua via», dice il Concilio.
Dunque, non è il caso di scoraggiarsi quando si contemplano modelli di santità
che appaiono irraggiungibili. Ci sono testimonianze che sono utili per
stimolarci e motivarci, ma non perché cerchiamo di copiarle, in quanto ciò
potrebbe perfino allontanarci dalla via unica e specifica che il Signore ha in
serbo per noi. Quello che conta è che ciascun credente discerna la propria
strada e faccia emergere il meglio di sé, quanto di così personale Dio ha posto
in lui (cfr 1 Cor12,7) e non che si esaurisca cercando di imitare qualcosa
che non è stato pensato per lui. Tutti siamo chiamati ad essere testimoni, però
esistono molte forme esistenziali di testimonianza.[11] Di
fatto, quando il grande mistico san Giovanni della Croce scriveva il suo Cantico
spirituale, preferiva evitare regole fisse per tutti e spiegava che i suoi
versi erano scritti perché ciascuno se ne giovasse «a modo suo».[12] Perché
la vita divina si comunica ad alcuni in un modo e ad altri in un altro.[13]
12.
Tra le diverse forme, voglio sottolineare che anche il “genio femminile” si
manifesta in stili femminili di santità, indispensabili per riflettere la
santità di Dio in questo mondo. E proprio anche in epoche nelle quali le donne
furono maggiormente escluse, lo Spirito Santo ha suscitato sante il cui fascino
ha provocato nuovi dinamismi spirituali e importanti riforme nella Chiesa.
Possiamo menzionare santa Ildegarda di Bingen, santa Brigida, santa Caterina da
Siena, santa Teresa d’Avila o Santa Teresa di Lisieux. Ma mi preme ricordare
tante donne sconosciute o dimenticate le quali, ciascuna a modo suo, hanno
sostenuto e trasformato famiglie e comunità con la forza della loro
testimonianza.
13.
Questo dovrebbe entusiasmare e incoraggiare ciascuno a dare tutto sé stesso,
per crescere verso quel progetto unico e irripetibile che Dio ha voluto per lui
o per lei da tutta l’eternità: «Prima di formarti nel grembo materno, ti ho
conosciuto, prima che tu uscissi alla luce, ti ho consacrato» (Ger 1,5).
14.
Per essere santi non è necessario essere vescovi, sacerdoti, religiose o
religiosi. Molte volte abbiamo la tentazione di pensare che la santità sia
riservata a coloro che hanno la possibilità di mantenere le distanze dalle
occupazioni ordinarie, per dedicare molto tempo alla preghiera. Non è così.
Tutti siamo chiamati ad essere santi vivendo con amore e offrendo ciascuno la
propria testimonianza nelle occupazioni di ogni giorno, lì dove si trova. Sei
una consacrata o un consacrato? Sii santo vivendo con gioia la tua donazione.
Sei sposato? Sii santo amando e prendendoti cura di tuo marito o di tua moglie,
come Cristo ha fatto con la Chiesa. Sei un lavoratore? Sii santo compiendo con
onestà e competenza il tuo lavoro al servizio dei fratelli. Sei genitore o
nonna o nonno? Sii santo insegnando con pazienza ai bambini a seguire Gesù. Hai
autorità? Sii santo lottando a favore del bene comune e rinunciando ai tuoi
interessi personali.[14]
15.
Lascia che la grazia del tuo Battesimo fruttifichi in un cammino di santità.
Lascia che tutto sia aperto a Dio e a tal fine scegli Lui, scegli Dio sempre di
nuovo. Non ti scoraggiare, perché hai la forza dello Spirito Santo affinché sia
possibile, e la santità, in fondo, è il frutto dello Spirito Santo nella tua
vita (cfr Gal 5,22-23). Quando senti la tentazione di invischiarti
nella tua debolezza, alza gli occhi al Crocifisso e digli: “Signore, io sono un
poveretto, ma tu puoi compiere il miracolo di rendermi un poco migliore”. Nella
Chiesa, santa e composta da peccatori, troverai tutto ciò di cui hai bisogno
per crescere verso la santità. Il Signore l’ha colmata di doni con la Parola, i
Sacramenti, i santuari, la vita delle comunità, la testimonianza dei santi, e
una multiforme bellezza che procede dall’amore del Signore, «come una sposa si
adorna di gioielli» (Is 61,10).
16.
Questa santità a cui il Signore ti chiama andrà crescendo mediante piccoli
gesti. Per esempio: una signora va al mercato a fare la spesa, incontra una
vicina e inizia a parlare, e vengono le critiche. Ma questa donna dice dentro
di sé: “No, non parlerò male di nessuno”. Questo è un passo verso la santità.
Poi, a casa, suo figlio le chiede di parlare delle sue fantasie e, anche se è
stanca, si siede accanto a lui e ascolta con pazienza e affetto. Ecco un’altra
offerta che santifica. Quindi sperimenta un momento di angoscia, ma ricorda
l’amore della Vergine Maria, prende il rosario e prega con fede. Questa è
un’altra via di santità. Poi esce per strada, incontra un povero e si ferma a
conversare con lui con affetto. Anche questo è un passo avanti.
17.
A volte la vita presenta sfide più grandi e attraverso queste il Signore ci
invita a nuove conversioni che permettono alla sua grazia di manifestarsi
meglio nella nostra esistenza «allo scopo di farci partecipi della sua santità»
(Eb 12,10). Altre volte si tratta soltanto di trovare un modo più perfetto
di vivere quello che già facciamo: «Ci sono delle ispirazioni che tendono
soltanto ad una straordinaria perfezione degli esercizi ordinari della vita
cristiana».[15] Quando
il Cardinale Francesco Saverio Nguyên Van Thuân era in carcere, rinunciò a
consumarsi aspettando la liberazione. La sua scelta fu: «vivo il momento
presente, colmandolo di amore»; e il modo con il quale si concretizzava questo
era: «afferro le occasioni che si presentano ogni giorno, per compiere azioni
ordinarie in un modo straordinario».[16]
18.
Così, sotto l’impulso della grazia divina, con tanti gesti andiamo costruendo
quella figura di santità che Dio ha voluto per noi, ma non come esseri
autosufficienti bensì «come buoni amministratori della multiforme grazia di
Dio» (1 Pt 4,10). Bene hanno insegnato i Vescovi della Nuova Zelanda che è
possibile amare con l’amore incondizionato del Signore perché il Risorto
condivide la sua vita potente con le nostre fragili vite: «Il suo amore non ha
limiti e una volta donato non si è mai tirato indietro. E’ stato incondizionato
ed è rimasto fedele. Amare così non è facile perché molte volte siamo tanto
deboli. Però, proprio affinché possiamo amare come Lui ci ha amato, Cristo
condivide la sua stessa vita risorta con noi. In questo modo, la nostra vita
dimostra la sua potenza in azione, anche in mezzo alla debolezza umana».[17]
19.
Per un cristiano non è possibile pensare alla propria missione sulla terra
senza concepirla come un cammino di santità, perché «questa infatti è volontà
di Dio, la vostra santificazione» (1 Ts 4,3). Ogni santo è una missione; è
un progetto del Padre per riflettere e incarnare, in un momento determinato
della storia, un aspetto del Vangelo.
20.
Tale missione trova pienezza di senso in Cristo e si può comprendere solo a
partire da Lui. In fondo, la santità è vivere in unione con Lui i misteri della
sua vita. Consiste nell’unirsi alla morte e risurrezione del Signore in modo
unico e personale, nel morire e risorgere continuamente con Lui. Ma può anche
implicare di riprodurre nella propria esistenza diversi aspetti della vita
terrena di Gesù: la vita nascosta, la vita comunitaria, la vicinanza agli
ultimi, la povertà e altre manifestazioni del suo donarsi per amore. La
contemplazione di questi misteri, come proponeva sant’Ignazio di Loyola, ci
orienta a renderli carne nelle nostre scelte e nei nostri atteggiamenti.[18] Perché
«tutto nella vita di Gesù è segno del suo mistero»,[19] «tutta
la vita di Cristo è Rivelazione del Padre»,[20] «tutta
la vita di Cristo è mistero di Redenzione»,[21] «tutta
la vita di Cristo è mistero di ricapitolazione»,[22] e
«tutto ciò che Cristo ha vissuto fa sì che noi possiamo viverlo in Lui e che
Egli lo viva in noi».[23]
21.
Il disegno del Padre è Cristo, e noi in Lui. In definitiva, è Cristo che ama in
noi, perché «la santità non è altro che la carità pienamente vissuta».[24] Pertanto,
«la misura della santità è data dalla statura che Cristo raggiunge in noi, da
quanto, con la forza dello Spirito Santo, modelliamo tutta la nostra vita sulla
sua».[25] Così,
ciascun santo è un messaggio che lo Spirito Santo trae dalla ricchezza di Gesù
Cristo e dona al suo popolo.
22.
Per riconoscere quale sia quella parola che il Signore vuole dire mediante un
santo, non conviene soffermarsi sui particolari, perché lì possono esserci
anche errori e cadute. Non tutto quello che dice un santo è pienamente fedele
al Vangelo, non tutto quello che fa è autentico e perfetto. Ciò che bisogna
contemplare è l’insieme della sua vita, il suo intero cammino di
santificazione, quella figura che riflette qualcosa di Gesù Cristo e che emerge
quando si riesce a comporre il senso della totalità della sua persona.[26]
23.
Questo è un forte richiamo per tutti noi. Anche tu hai bisogno di concepire la
totalità della tua vita come una missione. Prova a farlo ascoltando Dio nella
preghiera e riconoscendo i segni che Egli ti offre. Chiedi sempre allo Spirito
che cosa Gesù si attende da te in ogni momento della tua esistenza e in ogni
scelta che devi fare, per discernere il posto che ciò occupa nella tua
missione. E permettigli di plasmare in te quel mistero personale che possa
riflettere Gesù Cristo nel mondo di oggi.
24.
Voglia il Cielo che tu possa riconoscere qual è quella parola, quel messaggio
di Gesù che Dio desidera dire al mondo con la tua vita. Lasciati trasformare, lasciati
rinnovare dallo Spirito, affinché ciò sia possibile, e così la tua preziosa
missione non andrà perduta. Il Signore la porterà a compimento anche in mezzo
ai tuoi errori e ai tuoi momenti negativi, purché tu non abbandoni la via
dell’amore e rimanga sempre aperto alla sua azione soprannaturale che purifica
e illumina.
25.
Poiché non si può capire Cristo senza il Regno che Egli è venuto a portare, la
tua stessa missione è inseparabile dalla costruzione del Regno: «Cercate
innanzitutto il Regno di Dio e la sua giustizia» (Mt 6,33). La tua
identificazione con Cristo e i suoi desideri implica l’impegno a costruire, con
Lui, questo Regno di amore, di giustizia e di pace per tutti. Cristo stesso
vuole viverlo con te, in tutti gli sforzi e le rinunce necessari, e anche nelle
gioie e nella fecondità che ti potrà offrire. Pertanto non ti santificherai
senza consegnarti corpo e anima per dare il meglio di te in tale impegno.
26. Non è sano amare il silenzio ed evitare l’incontro con l’altro, desiderare il riposo e respingere l’attività, ricercare la preghiera e sottovalutare il servizio. Tutto può essere accettato e integrato come parte della propria esistenza in questo mondo, ed entra a far parte del cammino di santificazione. Siamo chiamati a vivere la contemplazione anche in mezzo all’azione, e ci santifichiamo nell’esercizio responsabile e generoso della nostra missione.
27.
Forse che lo Spirito Santo può inviarci a compiere una missione e nello stesso
tempo chiederci di fuggire da essa, o che evitiamo di donarci totalmente per
preservare la pace interiore? Tuttavia, a volte abbiamo la tentazione di
relegare la dedizione pastorale e l’impegno nel mondo a un posto secondario,
come se fossero “distrazioni” nel cammino della santificazione e della pace
interiore. Si dimentica che «non è che la vita abbia una missione, ma che
è missione».[27]
28.
Un impegno mosso dall’ansietà, dall’orgoglio, dalla necessità di apparire e di
dominare, certamente non sarà santificante. La sfida è vivere la propria
donazione in maniera tale che gli sforzi abbiano un senso evangelico e ci
identifichino sempre più con Gesù Cristo. Da qui il fatto che si parli spesso,
ad esempio, di una spiritualità del catechista, di una spiritualità del clero
diocesano, di una spiritualità del lavoro. Per la stessa ragione, in Evangelii
gaudium ho voluto concludere con una spiritualità della missione, inLaudato
si’ con una spiritualità ecologica e in Amoris
laetitia, con una spiritualità della vita familiare.
29.
Questo non implica disprezzare i momenti di quiete, solitudine e silenzio
davanti a Dio. Al contrario. Perché le continue novità degli strumenti
tecnologici, l’attrattiva dei viaggi, le innumerevoli offerte di consumo, a
volte non lasciano spazi vuoti in cui risuoni la voce di Dio. Tutto si riempie
di parole, di piaceri epidermici e di rumori ad una velocità sempre crescente.
Lì non regna la gioia ma l’insoddisfazione di chi non sa per che cosa vive.
Come dunque non riconoscere che abbiamo bisogno di fermare questa corsa
febbrile per recuperare uno spazio personale, a volte doloroso ma sempre
fecondo, in cui si intavola il dialogo sincero con Dio? In qualche momento
dovremo guardare in faccia la verità di noi stessi, per lasciarla invadere dal
Signore, e non sempre si ottiene questo se uno «non viene a trovarsi sull’orlo
dell’abisso, della tentazione più grave, sulla scogliera dell’abbandono, sulla
cima solitaria dove si ha l’impressione di rimanere totalmente soli».[28] In
questo modo troviamo le grandi motivazioni che ci spingono a vivere fino in
fondo i nostri compiti.
30.
Gli stessi strumenti di svago che invadono la vita attuale ci portano anche ad
assolutizzare il tempo libero, nel quale possiamo utilizzare senza limiti quei
dispositivi che ci offrono divertimento e piaceri effimeri.[29] Come
conseguenza, è la propria missione che ne risente, è l’impegno che si
indebolisce, è il servizio generoso e disponibile che inizia a ridursi. Questo
snatura l’esperienza spirituale. Può essere sano un fervore spirituale che
conviva con l’accidia nell’azione evangelizzatrice o nel servizio agli altri?
31.
Ci occorre uno spirito di santità che impregni tanto la solitudine quanto il
servizio, tanto l’intimità quanto l’impegno evangelizzatore, così che ogni
istante sia espressione di amore donato sotto lo sguardo del Signore. In questo
modo, tutti i momenti saranno scalini nella nostra via di santificazione.
32.
Non avere paura della santità. Non ti toglierà forze, vita e gioia. Tutto il
contrario, perché arriverai ad essere quello che il Padre ha pensato quando ti
ha creato e sarai fedele al tuo stesso essere. Dipendere da Lui ci libera dalle
schiavitù e ci porta a riconoscere la nostra dignità. Questa realtà si riflette
in santa Giuseppina Bakhita, che fu «resa schiava e venduta come tale alla
tenera età di sette anni, soffrì molto nelle mani di padroni crudeli. Tuttavia
comprese la verità profonda che Dio, e non l’uomo, è il vero padrone di ogni
essere umano, di ogni vita umana. Questa esperienza divenne fonte di grande
saggezza per questa umile figlia d’Africa».[30]
33.
Ogni cristiano, nella misura in cui si santifica, diventa più fecondo per il
mondo. I Vescovi dell’Africa Occidentale ci hanno insegnato: «Siamo chiamati,
nello spirito della nuova evangelizzazione, ad essere evangelizzati e a
evangelizzare mediante la promozione di tutti i battezzati, affinché assumiate
i vostri ruoli come sale della terra e luce del mondo dovunque vi troviate».[31]
34.
Non avere paura di puntare più in alto, di lasciarti amare e liberare da Dio.
Non avere paura di lasciarti guidare dallo Spirito Santo. La santità non ti
rende meno umano, perché è l’incontro della tua debolezza con la forza della
grazia. In fondo, come diceva León Bloy, nella vita «non c’è che una tristezza,
[…] quella di non essere santi».[32]
DUE
SOTTILI NEMICI DELLA SANTITÀ
35.
In questo quadro, desidero richiamare l’attenzione su due falsificazioni della
santità che potrebbero farci sbagliare strada: lo gnosticismo e il
pelagianesimo. Sono due eresie sorte nei primi secoli cristiani, ma che
continuano ad avere un’allarmante attualità. Anche oggi i cuori di molti
cristiani, forse senza esserne consapevoli, si lasciano sedurre da queste
proposte ingannevoli. In esse si esprime un immanentismo antropocentrico
travestito da verità cattolica.[33] Vediamo
queste due forme di sicurezza dottrinale o disciplinare che danno luogo «ad un
elitarismo narcisista e autoritario dove, invece di evangelizzare, si
analizzano e si classificano gli altri, e invece di facilitare l’accesso alla
grazia si consumano le energie nel controllare. In entrambi i casi, né Gesù
Cristo né gli altri interessano veramente».[34]
36.
Lo gnosticismo suppone «una fede rinchiusa nel soggettivismo, dove interessa
unicamente una determinata esperienza o una serie di ragionamenti e conoscenze
che si ritiene possano confortare e illuminare, ma dove il soggetto in
definitiva rimane chiuso nell’immanenza della sua propria ragione o dei suoi
sentimenti».[35]
Una
mente senza Dio e senza carne
37.
Grazie a Dio, lungo la storia della Chiesa è risultato molto chiaro che ciò che
misura la perfezione delle persone è il loro grado di carità, non la quantità
di dati e conoscenze che possono accumulare. Gli “gnostici” fanno confusione su
questo punto e giudicano gli altri sulla base della verifica della loro
capacità di comprendere la profondità di determinate dottrine. Concepiscono una
mente senza incarnazione, incapace di toccare la carne sofferente di Cristo
negli altri, ingessata in un’enciclopedia di astrazioni. Alla fine, disincarnando
il mistero, preferiscono «un Dio senza Cristo, un Cristo senza Chiesa, una
Chiesa senza popolo».[36]
38.
In definitiva, si tratta di una vanitosa superficialità: molto movimento alla
superficie della mente, però non si muove né si commuove la profondità del
pensiero. Tuttavia, riesce a soggiogare alcuni con un fascino ingannevole,
perché l’equilibrio gnostico è formale e presume di essere asettico, e può
assumere l’aspetto di una certa armonia o di un ordine che ingloba tutto.
39.
Facciamo però attenzione. Non mi riferisco ai razionalisti nemici della fede
cristiana. Questo può accadere dentro la Chiesa, tanto tra i laici delle
parrocchie quanto tra coloro che insegnano filosofia o teologia in centri di
formazione. Perché è anche tipico degli gnostici credere che con le loro
spiegazioni possono rendere perfettamente comprensibili tutta la fede e tutto
il Vangelo. Assolutizzano le proprie teorie e obbligano gli altri a
sottomettersi ai propri ragionamenti. Una cosa è un sano e umile uso della
ragione per riflettere sull’insegnamento teologico e morale del Vangelo; altra
cosa è pretendere di ridurre l’insegnamento di Gesù a una logica fredda e dura
che cerca di dominare tutto.[37]
40.
Lo gnosticismo è una delle peggiori ideologie, poiché, mentre esalta
indebitamente la conoscenza o una determinata esperienza, considera che la
propria visione della realtà sia la perfezione. In tal modo, forse senza
accorgersene, questa ideologia si autoalimenta e diventa ancora più cieca. A
volte diventa particolarmente ingannevole quando si traveste da spiritualità
disincarnata. Infatti, lo gnosticismo «per sua propria natura vuole
addomesticare il mistero»,[38] sia
il mistero di Dio e della sua grazia, sia il mistero della vita degli altri.
41.
Quando qualcuno ha risposte per tutte le domande, dimostra di trovarsi su una
strada non buona ed è possibile che sia un falso profeta, che usa la religione
a proprio vantaggio, al servizio delle proprie elucubrazioni psicologiche e
mentali. Dio ci supera infinitamente, è sempre una sorpresa e non siamo noi a
determinare in quale circostanza storica trovarlo, dal momento che non
dipendono da noi il tempo e il luogo e la modalità dell’incontro. Chi vuole
tutto chiaro e sicuro pretende di dominare la trascendenza di Dio.
42.
Neppure si può pretendere di definire dove Dio non si trova, perché Egli è
misteriosamente presente nella vita di ogni persona, nella vita di ciascuno
così come Egli desidera, e non possiamo negarlo con le nostre presunte
certezze. Anche qualora l’esistenza di qualcuno sia stata un disastro, anche
quando lo vediamo distrutto dai vizi o dalle dipendenze, Dio è presente nella
sua vita. Se ci lasciamo guidare dallo Spirito più che dai nostri ragionamenti,
possiamo e dobbiamo cercare il Signore in ogni vita umana. Questo fa parte del
mistero che le mentalità gnostiche finiscono per rifiutare, perché non lo
possono controllare.
43.
Noi arriviamo a comprendere in maniera molto povera la verità che riceviamo dal
Signore. E con difficoltà ancora maggiore riusciamo ad esprimerla. Perciò non
possiamo pretendere che il nostro modo di intenderla ci autorizzi a esercitare
un controllo stretto sulla vita degli altri. Voglio ricordare che nella Chiesa
convivono legittimamente modi diversi di interpretare molti aspetti della
dottrina e della vita cristiana che, nella loro varietà, «aiutano ad
esplicitare meglio il ricchissimo tesoro della Parola». Certo, «a quanti
sognano una dottrina monolitica difesa da tutti senza sfumature, ciò può
sembrare un’imperfetta dispersione».[39] Per
l’appunto, alcune correnti gnostiche hanno disprezzato la semplicità così concreta
del Vangelo e hanno tentato di sostituire il Dio trinitario e incarnato con una
Unità superiore in cui scompariva la ricca molteplicità della nostra storia.
44.
In realtà, la dottrina, o meglio, la nostra comprensione ed espressione di
essa, «non è un sistema chiuso, privo di dinamiche capaci di generare domande,
dubbi, interrogativi», e «le domande del nostro popolo, le sue pene, le sue
battaglie, i suoi sogni, le sue lotte, le sue preoccupazioni, possiedono un
valore ermeneutico che non possiamo ignorare se vogliamo prendere sul serio il
principio dell’incarnazione. Le sue domande ci aiutano a domandarci, i suoi
interrogativi ci interrogano».[40]
45.
Frequentemente si verifica una pericolosa confusione: credere che, poiché
sappiamo qualcosa o possiamo spiegarlo con una certa logica, già siamo santi,
perfetti, migliori della “massa ignorante”. San Giovanni
Paolo II metteva in guardia quanti nella Chiesa hanno la possibilità
di una formazione più elevata dalla tentazione di sviluppare «un certo
sentimento di superiorità rispetto agli altri fedeli».[41] In
realtà, però, quello che crediamo di sapere dovrebbe sempre costituire una
motivazione per meglio rispondere all’amore di Dio, perché «si impara per
vivere: teologia e santità sono un binomio inscindibile».[42]
46.
Quando san Francesco d’Assisi vedeva che alcuni dei suoi discepoli insegnavano
la dottrina, volle evitare la tentazione dello gnosticismo. Quindi scrisse così
a Sant’Antonio di Padova: «Ho piacere che tu insegni la sacra teologia ai
frati, purché, in tale occupazione, tu non estingua lo spirito di orazione e di
devozione».[43] Egli
riconosceva la tentazione di trasformare l’esperienza cristiana in un insieme
di elucubrazioni mentali che finiscono per allontanarci dalla freschezza del
Vangelo. San Bonaventura, da parte sua, avvertiva che la vera saggezza
cristiana non deve separarsi dalla misericordia verso il prossimo: «La più
grande saggezza che possa esistere consiste nel dispensare fruttuosamente ciò
che si possiede, e che si è ricevuto proprio perché fosse dispensato. [...] Per
questo, come la misericordia è amica della saggezza, così l’avarizia le è
nemica».[44] «Vi
sono attività che, unendosi alla contemplazione, non la impediscono, bensì la
favoriscono, come le opere di misericordia e di pietà».[45]
47.
Lo gnosticismo ha dato luogo ad un’altra vecchia eresia, anch’essa oggi
presente. Col passare del tempo, molti iniziarono a riconoscere che non è
la conoscenza a renderci migliori o santi, ma la vita che conduciamo. Il
problema è che questo degenerò sottilmente, in maniera tale che il medesimo
errore degli gnostici semplicemente si trasformò, ma non venne superato.
48.
Infatti, il potere che gli gnostici attribuivano all’intelligenza, alcuni
cominciarono ad attribuirlo alla volontà umana, allo sforzo personale. Così
sorsero i pelagiani e i semipelagiani. Non era più l’intelligenza ad occupare
il posto del mistero e della grazia, ma la volontà. Si dimenticava che tutto
«dipende [non] dalla volontà né dagli sforzi dell’uomo, ma da Dio che ha
misericordia» (Rm 9,16) e che Egli «ci ha amati per primo» (1
Gv 4,19).
49.
Quelli che rispondono a questa mentalità pelagiana o semipelagiana, benché
parlino della grazia di Dio con discorsi edulcorati, «in definitiva fanno
affidamento unicamente sulle proprie forze e si sentono superiori agli altri
perché osservano determinate norme o perché sono irremovibilmente fedeli ad un
certo stile cattolico».[46] Quando
alcuni di loro si rivolgono ai deboli dicendo che con la grazia di Dio tutto è
possibile, in fondo sono soliti trasmettere l’idea che tutto si può fare con la
volontà umana, come se essa fosse qualcosa di puro, perfetto, onnipotente, a
cui si aggiunge la grazia. Si pretende di ignorare che «non tutti possono
tutto»[47]e
che in questa vita le fragilità umane non sono guarite completamente e una
volta per tutte dalla grazia.[48] In
qualsiasi caso, come insegnava sant’Agostino, Dio ti invita a fare quello che
puoi e «a chiedere quello che non puoi»;[49] o
a dire umilmente al Signore: «Dammi quello che comandi e comandami quello che
vuoi».[50]
50.
In ultima analisi, la mancanza di un riconoscimento sincero, sofferto e orante
dei nostri limiti è ciò che impedisce alla grazia di agire meglio in noi,
poiché non le lascia spazio per provocare quel bene possibile che si integra in
un cammino sincero e reale di crescita.[51] La
grazia, proprio perché suppone la nostra natura, non ci rende di colpo
superuomini. Pretenderlo sarebbe confidare troppo in noi stessi. In questo
caso, dietro l’ortodossia, i nostri atteggiamenti possono non corrispondere a
quello che affermiamo sulla necessità della grazia, e nei fatti finiamo per
fidarci poco di essa. Infatti, se non riconosciamo la nostra realtà concreta e
limitata, neppure potremo vedere i passi reali e possibili che il Signore ci
chiede in ogni momento, dopo averci attratti e resi idonei col suo dono. La
grazia agisce storicamente e, ordinariamente, ci prende e ci trasforma in modo
progressivo.[52] Perciò,
se rifiutiamo questa modalità storica e progressiva, di fatto possiamo arrivare
a negarla e bloccarla, anche se con le nostre parole la esaltiamo.
51.
Quando Dio si rivolge ad Abramo gli dice: «Io sono Dio l’Onnipotente: cammina
davanti a me e sii integro» (Gen 17,1). Per poter essere perfetti, come a
Lui piace, abbiamo bisogno di vivere umilmente alla sua presenza, avvolti nella
sua gloria; abbiamo bisogno di camminare in unione con Lui riconoscendo il suo
amore costante nella nostra vita. Occorre abbandonare la paura di questa
presenza che ci può fare solo bene. E’ il Padre che ci ha dato la vita e ci ama
tanto. Una volta che lo accettiamo e smettiamo di pensare la nostra esistenza
senza di Lui, scompare l’angoscia della solitudine (cfr Sal 139,7). E
se non poniamo più distanze tra noi e Dio e viviamo alla sua presenza, potremo
permettergli di esaminare i nostri cuori per vedere se vanno per la retta via
(cfr Sal 139,23-24). Così conosceremo la volontà amabile e perfetta
del Signore (cfr Rm 12,1-2) e lasceremo che Lui ci plasmi come un
vasaio (cfr Is 29,16). Abbiamo detto tante volte che Dio abita in
noi, ma è meglio dire che noi abitiamo in Lui, che Egli ci permette di vivere
nella sua luce e nel suo amore. Egli è il nostro tempio: «Una cosa ho chiesto
al Signore, questa sola io cerco: abitare nella casa del Signore tutti i giorni
della mia vita» (Sal 27,4). «E’ meglio un giorno nei tuoi atri che mille
nella mia casa» (Sal 84,11). In Lui veniamo santificati.
Un
insegnamento della Chiesa spesso dimenticato
52.
La Chiesa ha insegnato numerose volte che non siamo giustificati dalle nostre
opere o dai nostri sforzi, ma dalla grazia del Signore che prende l’iniziativa.
I Padri della Chiesa, anche prima di sant’Agostino, hanno espresso con
chiarezza questa convinzione primaria. San Giovanni Crisostomo affermava che
Dio versa in noi la fonte stessa di tutti i doni «prima che noi siamo entrati
nel combattimento».[53] San
Basilio Magno rimarcava che il fedele si gloria solo in Dio, perché «riconosce
di essere privo della vera giustizia e giustificato unicamente mediante la fede
in Cristo».[54]
53.
Il secondo Sinodo di Orange ha insegnato con ferma autorità che nessun essere
umano può esigere, meritare o comprare il dono della grazia divina, e che tutto
ciò che può cooperare con essa è previamente dono della medesima grazia:
«Persino il desiderare di essere puri si attua in noi per infusione e
operazione su di noi dello Spirito Santo».[55] Successivamente
il Concilio di Trento, anche quando sottolineò l’importanza della nostra
cooperazione per la crescita spirituale, riaffermò quell’insegnamento
dogmatico: «Si afferma che siamo giustificati gratuitamente, perché nulla di
quanto precede la giustificazione, sia la fede, siano le opere, merita la
grazia stessa della giustificazione; perché se è grazia, allora non è per le
opere; altrimenti la grazia non sarebbe più grazia (Rm 11,6)».[56]
54.
Anche il Catechismo
della Chiesa Cattolica ci ricorda che il dono della grazia «supera le
capacità dell’intelligenza e le forze della volontà dell’uomo»,[57] e
che «nei confronti di Dio in senso strettamente giuridico non c’è merito da
parte dell’uomo. Tra Lui e noi la disuguaglianza è smisurata».[58] La
sua amicizia ci supera infinitamente, non può essere comprata da noi con le
nostre opere e può solo essere un dono della sua iniziativa d’amore. Questo ci
invita a vivere con gioiosa gratitudine per tale dono che mai meriteremo, dal
momento che «quando uno è in grazia, la grazia che ha già ricevuto non può
essere meritata».[59] I
santi evitano di porre la fiducia nelle loro azioni: «Alla sera di questa vita,
comparirò davanti a te a mani vuote, perché non ti chiedo, Signore, di contare
le mie opere. Ogni nostra giustizia è imperfetta ai tuoi occhi».[60]
55.
Questa è una delle grandi convinzioni definitivamente acquisite dalla Chiesa,
ed è tanto chiaramente espressa nella Parola di Dio che rimane fuori da ogni discussione.
Così come il supremo comandamento dell’amore, questa verità dovrebbe
contrassegnare il nostro stile di vita, perché attinge al cuore del Vangelo e
ci chiama non solo ad accettarla con la mente, ma a trasformarla in una gioia
contagiosa. Non potremo però celebrare con gratitudine il dono gratuito
dell’amicizia con il Signore, se non riconosciamo che anche la nostra esistenza
terrena e le nostre capacità naturali sono un dono. Abbiamo bisogno di
«riconoscere gioiosamente che la nostra realtà è frutto di un dono, e accettare
anche la nostra libertà come grazia. Questa è la cosa difficile oggi, in un
mondo che crede di possedere qualcosa da sé stesso, frutto della propria
originalità e libertà».[61]
56.
Solo a partire dal dono di Dio, liberamente accolto e umilmente ricevuto,
possiamo cooperare con i nostri sforzi per lasciarci trasformare sempre di più.[62] La
prima cosa è appartenere a Dio. Si tratta di offrirci a Lui che ci anticipa, di
offrirgli le nostre capacità, il nostro impegno, la nostra lotta contro il male
e la nostra creatività, affinché il suo dono gratuito cresca e si sviluppi in
noi: «Vi esorto dunque, fratelli, per la misericordia di Dio, a offrire i
vostri corpi come sacrificio vivente, santo e gradito a Dio» (Rm12,1). Del
resto, la Chiesa ha sempre insegnato che solo la carità rende possibile la
crescita nella vita di grazia, perché «se non avessi la carità, non sarei
nulla» (1 Cor 13,2).
57.
Ci sono ancora dei cristiani che si impegnano nel seguire un’altra strada:
quella della giustificazione mediante le proprie forze, quella dell’adorazione
della volontà umana e della propria capacità, che si traduce in un
autocompiacimento egocentrico ed elitario privo del vero amore. Si manifesta in
molti atteggiamenti apparentemente diversi tra loro: l’ossessione per la legge,
il fascino di esibire conquiste sociali e politiche, l’ostentazione nella cura
della liturgia, della dottrina e del prestigio della Chiesa, la vanagloria
legata alla gestione di faccende pratiche, l’attrazione per le dinamiche di auto-aiuto
e di realizzazione autoreferenziale. In questo alcuni cristiani spendono le
loro energie e il loro tempo, invece di lasciarsi condurre dallo Spirito sulla
via dell’amore, invece di appassionarsi per comunicare la bellezza e la gioia
del Vangelo e di cercare i lontani nelle immense moltitudini assetate di
Cristo.[63]
58.
Molte volte, contro l’impulso dello Spirito, la vita della Chiesa si trasforma
in un pezzo da museo o in un possesso di pochi. Questo accade quando alcuni
gruppi cristiani danno eccessiva importanza all’osservanza di determinate norme
proprie, di costumi o stili. In questo modo, spesso si riduce e si reprime il
Vangelo, togliendogli la sua affascinante semplicità e il suo sapore. E’ forse
una forma sottile di pelagianesimo, perché sembra sottomettere la vita della
grazia a certe strutture umane. Questo riguarda gruppi, movimenti e comunità,
ed è ciò che spiega perché tante volte iniziano con un’intensa vita nello
Spirito, ma poi finiscono fossilizzati... o corrotti.
59.
Senza renderci conto, per il fatto di pensare che tutto dipende dallo sforzo
umano incanalato attraverso norme e strutture ecclesiali, complichiamo il
Vangelo e diventiamo schiavi di uno schema che lascia pochi spiragli perché la
grazia agisca. San Tommaso d’Aquino ci ricordava che i precetti aggiunti al
Vangelo da parte della Chiesa devono esigersi con moderazione «per non rendere
gravosa la vita ai fedeli», perché così si muterebbe la nostra religione in una
schiavitù.[64]
60.
Al fine di evitare questo, è bene ricordare spesso che esiste una gerarchia
delle virtù, che ci invita a cercare l’essenziale. Il primato appartiene alle
virtù teologali, che hanno Dio come oggetto e motivo. E al centro c’è la
carità. San Paolo dice che ciò che conta veramente è «la fede che si rende
operosa per mezzo della carità» (Gal 5,6). Siamo chiamati a curare
attentamente la carità: «Chi ama l’altro ha adempiuto la Legge [...] pienezza
della Legge infatti è la carità» (Rm 13,8.10). Perché «tutta la Legge
infatti trova la sua pienezza in un solo precetto: Amerai il tuo prossimo
come te stesso» (Gal 5,14).
61.
Detto in altre parole: in mezzo alla fitta selva di precetti e prescrizioni,
Gesù apre una breccia che permette di distinguere due volti, quello del Padre e
quello del fratello. Non ci consegna due formule o due precetti in più. Ci
consegna due volti, o meglio, uno solo, quello di Dio che si riflette in molti.
Perché in ogni fratello, specialmente nel più piccolo, fragile, indifeso e
bisognoso, è presente l’immagine stessa di Dio. Infatti, con gli scarti di
questa umanità vulnerabile, alla fine del tempo, il Signore plasmerà la sua
ultima opera d’arte. Poiché «che cosa resta, che cosa ha valore nella vita,
quali ricchezze non svaniscono? Sicuramente due: il Signore e il prossimo.
Queste due ricchezze non svaniscono!».[65]
62.
Che il Signore liberi la Chiesa dalle nuove forme di gnosticismo e di
pelagianesimo che la complicano e la fermano nel suo cammino verso la santità!
Queste deviazioni si esprimono in forme diverse, secondo il proprio
temperamento e le proprie caratteristiche. Per questo esorto ciascuno a
domandarsi e a discernere davanti a Dio in che modo si possano rendere
manifeste nella sua vita.
63.
Ci possono essere molte teorie su cosa sia la santità, abbondanti spiegazioni e
distinzioni. Tale riflessione potrebbe essere utile, ma nulla è più illuminante
che ritornare alle parole di Gesù e raccogliere il suo modo di trasmettere la
verità. Gesù ha spiegato con tutta semplicità che cos’è essere santi, e lo ha
fatto quando ci ha lasciato le Beatitudini (cfr Mt 5,3-12; Lc 6,20-23).
Esse sono come la carta d’identità del cristiano. Così, se qualcuno di noi si
pone la domanda: “Come si fa per arrivare ad essere un buon cristiano?”, la
risposta è semplice: è necessario fare, ognuno a suo modo, quello che dice Gesù
nel discorso delle Beatitudini.[66] In
esse si delinea il volto del Maestro, che siamo chiamati a far trasparire nella
quotidianità della nostra vita.
64.
La parola “felice” o “beato” diventa sinonimo di “santo”, perché esprime che la
persona fedele a Dio e che vive la sua Parola raggiunge, nel dono di sé, la
vera beatitudine.
65.
Nonostante le parole di Gesù possano sembrarci poetiche, tuttavia vanno molto
controcorrente rispetto a quanto è abituale, a quanto si fa nella società; e,
anche se questo messaggio di Gesù ci attrae, in realtà il mondo ci porta verso
un altro stile di vita. Le Beatitudini in nessun modo sono qualcosa di leggero
o di superficiale; al contrario, possiamo viverle solamente se lo Spirito Santo
ci pervade con tutta la sua potenza e ci libera dalla debolezza dell’egoismo,
della pigrizia, dell’orgoglio.
66.
Torniamo ad ascoltare Gesù, con tutto l’amore e il rispetto che merita il
Maestro. Permettiamogli di colpirci con le sue parole, di provocarci, di
richiamarci a un reale cambiamento di vita. Altrimenti la santità sarà solo
parole. Ricordiamo ora le singole Beatitudini nella versione del vangelo di
Matteo (cfr 5,3-12).[67]
«Beati
i poveri in spirito, perché di essi è il regno dei cieli».
67.
Il Vangelo ci invita a riconoscere la verità del nostro cuore, per vedere dove
riponiamo la sicurezza della nostra vita. Normalmente il ricco si sente sicuro
con le sue ricchezze, e pensa che quando esse sono in pericolo, tutto il senso
della sua vita sulla terra si sgretola. Gesù stesso ce l’ha detto nella parabola
del ricco stolto, parlando di quell’uomo sicuro di sé che, come uno sciocco,
non pensava che poteva morire quello stesso giorno (cfr Lc 12,16-21).
68.
Le ricchezze non ti assicurano nulla. Anzi, quando il cuore si sente ricco, è
talmente soddisfatto di sé stesso che non ha spazio per la Parola di Dio, per
amare i fratelli, né per godere delle cose più importanti della vita. Così si
priva dei beni più grandi. Per questo Gesù chiama beati i poveri in spirito,
che hanno il cuore povero, in cui può entrare il Signore con la sua costante
novità.
69.
Questa povertà di spirito è molto legata con quella “santa indifferenza” che
proponeva sant’Ignazio di Loyola, nella quale raggiungiamo una bella libertà
interiore: «Per questa ragione è necessario renderci indifferenti verso tutte
le cose create (in tutto quello che è permesso alla libertà del nostro libero
arbitrio e non le è proibito), in modo da non desiderare da parte nostra più la
salute che la malattia, più la ricchezza che la povertà, più l’onore che il
disonore, più la vita lunga piuttosto che quella breve, e così in tutto il
resto».[68]
70.
Luca non parla di una povertà “di spirito” ma di essere «poveri» e basta
(cfr Lc 6,20), e così ci invita anche a un’esistenza austera e
spoglia. In questo modo, ci chiama a condividere la vita dei più bisognosi, la
vita che hanno condotto gli Apostoli e in definitiva a conformarci a Gesù, che «da
ricco che era, si è fatto povero» (2 Cor 8,9).
Essere poveri nel cuore,
questo è santità.
«Beati
i miti, perché avranno in eredità la terra».
71.
È un’espressione forte, in questo mondo che fin dall’inizio è un luogo di
inimicizia, dove si litiga ovunque, dove da tutte le parti c’è odio, dove
continuamente classifichiamo gli altri per le loro idee, le loro abitudini, e
perfino per il loro modo di parlare e di vestire. Insomma, è il regno
dell’orgoglio e della vanità, dove ognuno crede di avere il diritto di
innalzarsi al di sopra degli altri. Tuttavia, nonostante sembri impossibile,
Gesù propone un altro stile: la mitezza. È quello che Lui praticava con i suoi
discepoli e che contempliamo nel suo ingresso in Gerusalemme: «Ecco, a te viene
il tuo re, mite, seduto su un’asina e su un puledro» (Mt21,5; cfr Zc 9,9).
72.
Egli disse: «Imparate da me che sono mite e umile di cuore, e troverete ristoro
per la vostra vita» (Mt 11,29). Se viviamo agitati, arroganti di fronte
agli altri, finiamo stanchi e spossati. Ma quando vediamo i loro limiti e i
loro difetti con tenerezza e mitezza, senza sentirci superiori, possiamo dar
loro una mano ed evitiamo di sprecare energie in lamenti inutili. Per santa
Teresa di Lisieux «la carità perfetta consiste nel sopportare i difetti altrui,
non stupirsi assolutamente delle loro debolezze».[69]
73.
Paolo menziona la mitezza come un frutto dello Spirito Santo
(cfr Gal 5,23). Propone che, se qualche volta ci preoccupano le
cattive azioni del fratello, ci avviciniamo per correggerle, ma «con spirito di
dolcezza» (Gal 6,1), e ricorda: «e tu vigila su te stesso, per non essere
tentato anche tu» (ibid.). Anche quando si difende la propria fede e le proprie
convinzioni, bisogna farlo con mitezza (cfr 1 Pt 3,16), e persino gli
avversari devono essere trattati con mitezza (cfr 2 Tm 2,25). Nella
Chiesa tante volte abbiamo sbagliato per non aver accolto questo appello della
Parola divina.
74.
La mitezza è un’altra espressione della povertà interiore, di chi ripone la
propria fiducia solamente in Dio. Di fatto nella Bibbia si usa spesso la
medesima parola anawim per riferirsi ai poveri e ai miti. Qualcuno
potrebbe obiettare: “Se sono troppo mite, penseranno che sono uno sciocco, che
sono stupido o debole”. Forse sarà così, ma lasciamo che gli altri lo pensino.
E’ meglio essere sempre miti, e si realizzeranno le nostre più grandi
aspirazioni: i miti «avranno in eredità la terra», ovvero, vedranno compiute
nella loro vita le promesse di Dio. Perché i miti, al di là di ciò che dicono
le circostanze, sperano nel Signore e quelli che sperano nel Signore
possederanno la terra e godranno di grande pace (cfr Sal 37,9.11).
Nello stesso tempo, il Signore confida in loro: «Su chi volgerò lo sguardo?
Sull’umile e su chi ha lo spirito contrito e su chi trema alla mia parola»
(Is 66,2).
Reagire con umile
mitezza, questo è santità.
«Beati
quelli che sono nel pianto, perché saranno consolati».
75.
Il mondo ci propone il contrario: il divertimento, il godimento, la
distrazione, lo svago, e ci dice che questo è ciò che rende buona la vita. Il
mondano ignora, guarda dall’altra parte quando ci sono problemi di malattia o
di dolore in famiglia o intorno a lui. Il mondo non vuole piangere: preferisce
ignorare le situazioni dolorose, coprirle, nasconderle. Si spendono molte
energie per scappare dalle situazioni in cui si fa presente la sofferenza,
credendo che sia possibile dissimulare la realtà, dove mai, mai può mancare la
croce.
76.
La persona che vede le cose come sono realmente, si lascia trafiggere dal
dolore e piange nel suo cuore è capace di raggiungere le profondità della vita
e di essere veramente felice.[70] Quella
persona è consolata, ma con la consolazione di Gesù e non con quella del mondo.
Così può avere il coraggio di condividere la sofferenza altrui e smette di
fuggire dalle situazioni dolorose. In tal modo scopre che la vita ha senso nel
soccorrere un altro nel suo dolore, nel comprendere l’angoscia altrui, nel dare
sollievo agli altri. Questa persona sente che l’altro è carne della sua carne,
non teme di avvicinarsi fino a toccare la sua ferita, ha compassione fino a
sperimentare che le distanze si annullano. Così è possibile accogliere
quell’esortazione di san Paolo: «Piangete con quelli che sono nel pianto»
(Rm 12,15).
Saper piangere con gli
altri, questo è santità.
«Beati
quelli che hanno fame e sete della giustizia, perché saranno saziati».
77.
«Fame e sete» sono esperienze molto intense, perché rispondono a bisogni
primari e sono legate all’istinto di sopravvivenza. Ci sono persone che con
tale intensità aspirano alla giustizia e la cercano con un desiderio molto
forte. Gesù dice che costoro saranno saziati, giacché presto o tardi la
giustizia arriva, e noi possiamo collaborare perché sia possibile, anche se non
sempre vediamo i risultati di questo impegno.
78.
Ma la giustizia che propone Gesù non è come quella che cerca il mondo, molte
volte macchiata da interessi meschini, manipolata da un lato o dall’altro. La
realtà ci mostra quanto sia facile entrare nelle combriccole della corruzione,
far parte di quella politica quotidiana del “do perché mi diano”, in cui tutto
è commercio. E quanta gente soffre per le ingiustizie, quanti restano ad
osservare impotenti come gli altri si danno il cambio a spartirsi la torta
della vita. Alcuni rinunciano a lottare per la vera giustizia e scelgono di salire
sul carro del vincitore. Questo non ha nulla a che vedere con la fame e la sete
di giustizia che Gesù elogia.
79.
Tale giustizia incomincia a realizzarsi nella vita di ciascuno quando si è
giusti nelle proprie decisioni, e si esprime poi nel cercare la giustizia per i
poveri e i deboli. Certo la parola “giustizia” può essere sinonimo di fedeltà
alla volontà di Dio con tutta la nostra vita, ma se le diamo un senso molto
generale dimentichiamo che si manifesta specialmente nella giustizia con gli
indifesi: «Cercate la giustizia, soccorrete l’oppresso, rendete giustizia
all’orfano, difendete la causa della vedova» (Is 1,17).
Cercare la giustizia con
fame e sete, questo è santità.
«Beati
i misericordiosi, perché troveranno misericordia».
80.
La misericordia ha due aspetti: è dare, aiutare, servire gli altri e anche
perdonare, comprendere. Matteo riassume questo in una regola d’oro: «Tutto
quanto vorrete che gli uomini facciano a voi, anche voi fatelo a loro»
(7,12). Il Catechismo ci
ricorda che questa legge si deve applicare «in ogni caso»,[71] in
modo speciale quando qualcuno «talvolta si trova ad affrontare situazioni
difficili che rendono incerto il giudizio morale».[72]
81.
Dare e perdonare è tentare di riprodurre nella nostra vita un piccolo riflesso
della perfezione di Dio, che dona e perdona in modo sovrabbondante. Per questo
motivo nel vangelo di Luca non troviamo «siate perfetti» (Mt 5,48), ma
«siate misericordiosi, come il Padre vostro è misericordioso. Non giudicate e
non sarete giudicati; non condannate e non sarete condannati; perdonate e
sarete perdonati; date e vi sarà dato» (6,36-38). E dopo Luca aggiunge qualcosa
che non dovremmo trascurare: «Con la misura con la quale misurate, sarà
misurato a voi in cambio» (6,38). La misura che usiamo per comprendere e
perdonare verrà applicata a noi per perdonarci. La misura che applichiamo per
dare, sarà applicata a noi nel cielo per ricompensarci. Non ci conviene
dimenticarlo.
82.
Gesù non dice “Beati quelli che programmano vendetta”, ma chiama beati coloro
che perdonano e lo fanno «settanta volte sette» (Mt 18,22). Occorre
pensare che tutti noi siamo un esercito di perdonati. Tutti noi siamo stati
guardati con compassione divina. Se ci accostiamo sinceramente al Signore e
affiniamo l’udito, probabilmente sentiremo qualche volta questo rimprovero:
«Non dovevi anche tu aver pietà del tuo compagno, così come io ho avuto pietà
di te?» (Mt 18,33).
Guardare e agire con
misericordia, questo è santità.
«Beati
i puri di cuore, perché vedranno Dio».
83.
Questa beatitudine si riferisce a chi ha un cuore semplice, puro, senza sporcizia,
perché un cuore che sa amare non lascia entrare nella propria vita alcuna cosa
che minacci quell’amore, che lo indebolisca o che lo ponga in pericolo. Nella
Bibbia, il cuore sono le nostre vere intenzioni, ciò che realmente cerchiamo e
desideriamo, al di là di quanto manifestiamo: «L’uomo vede l’apparenza, ma il
Signore vede il cuore» (1 Sam 16,7). Egli cerca di parlarci nel cuore
(cfr Os 2,16) e lì desidera scrivere la sua Legge
(cfr Ger 31,33). In definitiva, vuole darci un cuore nuovo
(cfr Ez 36,26).
84.
«Più di ogni cosa degna di cura custodisci il tuo cuore» (Pr 4,23). Nulla
di macchiato dalla falsità ha valore reale per il Signore. Egli «fugge ogni
inganno, si tiene lontano dai discorsi insensati» (Sap 1,5). Il Padre, che
«vede nel segreto» (Mt 6,6), riconosce ciò che non è pulito, vale a dire
ciò che non è sincero, ma solo scorza e apparenza, come pure il Figlio sa
«quello che c’è nell’uomo» (Gv 2,25).
85.
È vero che non c’è amore senza opere d’amore, ma questa beatitudine ci ricorda
che il Signore si aspetta una dedizione al fratello che sgorghi dal cuore,
poiché «se anche dessi in cibo tutti i miei beni e consegnassi il mio corpo per
averne vanto, ma non avessi la carità, a nulla mi servirebbe» (1
Cor 13,3). Nel vangelo di Matteo vediamo pure che quanto viene dal cuore è
ciò che rende impuro l’uomo (cfr 15,18), perché da lì procedono gli omicidi, i
furti, le false testimonianze, e così via (cfr 15,19). Nelle intenzioni del
cuore hanno origine i desideri e le decisioni più profondi che realmente ci
muovono.
86.
Quando il cuore ama Dio e il prossimo (cfr Mt 22,36-40), quando
questo è la sua vera intenzione e non parole vuote, allora quel cuore è puro e
può vedere Dio. San Paolo, nel suo inno alla carità, ricorda che «adesso
noi vediamo come in uno specchio, in modo confuso» (1 Cor 13,12), ma nella
misura in cui regna veramente l’amore, diventeremo capaci di vedere «faccia a
faccia» (ibid.). Gesù promette che quelli che hanno un cuore puro
«vedranno Dio».
Mantenere il cuore pulito
da tutto ciò che sporca l’amore, questo è santità.
«Beati
gli operatori di pace, perché saranno chiamati figli di Dio».
87.
Questa beatitudine ci fa pensare alle numerose situazioni di guerra che si
ripetono. Per noi è molto comune essere causa di conflitti o almeno di
incomprensioni. Per esempio, quando sento qualcosa su qualcuno e vado da un
altro e glielo dico; e magari faccio una seconda versione un po’ più ampia e la
diffondo. E se riesco a fare più danno, sembra che mi procuri più
soddisfazione. Il mondo delle dicerie, fatto da gente che si dedica a criticare
e a distruggere, non costruisce la pace. Questa gente è piuttosto nemica della
pace e in nessun modo beata.[73]
88.
I pacifici sono fonte di pace, costruiscono pace e amicizia sociale. A coloro
che si impegnano a seminare pace dovunque, Gesù fa una meravigliosa promessa:
«Saranno chiamati figli di Dio» (Mt 5,9). Egli chiedeva ai discepoli che
quando fossero giunti in una casa dicessero: «Pace a questa casa!»
(Lc 10,5). La Parola di Dio sollecita ogni credente a cercare la pace
insieme agli altri (cfr 2 Tm 2,22), perché «per coloro che fanno opera
di pace viene seminato nella pace un frutto di giustizia» (Gc 3,18). E se
in qualche caso nella nostra comunità abbiamo dubbi su che cosa si debba fare,
«cerchiamo ciò che porta alla pace» (Rm 14,19), perché l’unità è superiore
al conflitto.[74]
89.
Non è facile costruire questa pace evangelica che non esclude nessuno, ma che
integra anche quelli che sono un po’ strani, le persone difficili e complicate,
quelli che chiedono attenzione, quelli che sono diversi, chi è molto colpito
dalla vita, chi ha altri interessi. È duro e richiede una grande apertura della
mente e del cuore, poiché non si tratta di «un consenso a tavolino o [di]
un’effimera pace per una minoranza felice»[75],
né di un progetto «di pochi indirizzato a pochi».[76] Nemmeno
cerca di ignorare o dissimulare i conflitti, ma di «accettare di sopportare il
conflitto, risolverlo e trasformarlo in un anello di collegamento di un nuovo
processo».[77] Si
tratta di essere artigiani della pace, perché costruire la pace è un’arte che
richiede serenità, creatività, sensibilità e destrezza.
Seminare pace intorno a
noi, questo è santità.
«Beati
i perseguitati per la giustizia, perché di essi è il regno dei cieli».
90.
Gesù stesso sottolinea che questo cammino va controcorrente fino al punto da
farci diventare persone che con la propria vita mettono in discussione la
società, persone che danno fastidio. Gesù ricorda quanta gente è perseguitata
ed è stata perseguitata semplicemente per aver lottato per la giustizia, per
aver vissuto i propri impegni con Dio e con gli altri. Se non vogliamo
sprofondare in una oscura mediocrità, non pretendiamo una vita comoda, perché
«chi vuol salvare la propria vita, la perderà» (Mt16,25).
91.
Non si può aspettare, per vivere il Vangelo, che tutto intorno a noi sia
favorevole, perché molte volte le ambizioni del potere e gli interessi mondani
giocano contro di noi. San Giovanni
Paolo II diceva che «è alienata la società che, nelle sue forme di
organizzazione sociale, di produzione e di consumo, rende più difficile la
realizzazione [del] dono [di sé] e il costituirsi [della] solidarietà
interumana»[78].
In una tale società alienata, intrappolata in una trama politica, mediatica,
economica, culturale e persino religiosa che ostacola l’autentico sviluppo
umano e sociale, vivere le Beatitudini diventa difficile e può essere
addirittura una cosa malvista, sospetta, ridicolizzata.
92.
La croce, soprattutto le stanchezze e i patimenti che sopportiamo per vivere il
comandamento dell’amore e il cammino della giustizia, è fonte di maturazione e
di santificazione. Ricordiamo che, quando il Nuovo Testamento parla delle
sofferenze che bisogna sopportare per il Vangelo, si riferisce precisamente
alle persecuzioni (cfr At 5,41; Fil 1,29; Col 1,24; 2
Tm 1,12; 1 Pt 2,20; 4,14-16; Ap 2,10).
93.
Parliamo però delle persecuzioni inevitabili, non di quelle che ci potremmo
procurare noi stessi con un modo sbagliato di trattare gli altri. Un santo non
è una persona eccentrica, distaccata, che si rende insopportabile per la sua
vanità, la sua negatività e i suoi risentimenti. Non erano così gli Apostoli di
Cristo. Il libro degli Atti racconta insistentemente che essi godevano della
simpatia «di tutto il popolo» (2,47; cfr 4,21.33; 5,13), mentre alcune autorità
li ricercavano e li perseguitavano (cfr 4,1-3; 5,17-18).
94.
Le persecuzioni non sono una realtà del passato, perché anche oggi le
soffriamo, sia in maniera cruenta, come tanti martiri contemporanei, sia in un
modo più sottile, attraverso calunnie e falsità. Gesù dice che ci sarà
beatitudine quando «mentendo, diranno ogni sorta di male contro di voi per
causa mia» (Mt 5,11). Altre volte si tratta di scherni che tentano di
sfigurare la nostra fede e di farci passare per persone ridicole.
Accettare ogni giorno la
via del Vangelo nonostante ci procuri problemi, questo è santità.
La
grande regola di comportamento
95.
Nel capitolo 25 del vangelo di Matteo (vv. 31-46), Gesù torna a soffermarsi su
una di queste beatitudini, quella che dichiara beati i misericordiosi. Se
cerchiamo quella santità che è gradita agli occhi di Dio, in questo testo
troviamo proprio una regola di comportamento in base alla quale saremo
giudicati: «Ho avuto fame e mi avete dato da mangiare, ho avuto sete e mi avete
dato da bere, ero straniero e mi avete accolto, nudo e mi avete vestito, malato
e mi avete visitato, ero in carcere e siete venuti a trovarmi» (25,35-36).
96.
Essere santi non significa, pertanto, lustrarsi gli occhi in una presunta
estasi. Diceva san Giovanni
Paolo II che «se siamo ripartiti davvero dalla contemplazione di
Cristo, dovremo saperlo scorgere soprattutto nel volto di coloro con i quali
egli stesso ha voluto identificarsi».[79] Il
testo di Matteo 25,35-36 «non è un semplice invito alla carità: è una
pagina di cristologia, che proietta un fascio di luce sul mistero di Cristo».[80] In
questo richiamo a riconoscerlo nei poveri e nei sofferenti si rivela il cuore stesso
di Cristo, i suoi sentimenti e le sue scelte più profonde, alle quali ogni
santo cerca di conformarsi.
97.
Davanti alla forza di queste richieste di Gesù è mio dovere pregare i cristiani
di accettarle e di accoglierle con sincera apertura, “sine glossa”, vale a dire
senza commenti, senza elucubrazioni e scuse che tolgano ad esse forza. Il
Signore ci ha lasciato ben chiaro che la santità non si può capire né vivere
prescindendo da queste sue esigenze, perché la misericordia è il «cuore
pulsante del Vangelo».[81]
98.
Quando incontro una persona che dorme alle intemperie, in una notte fredda,
posso sentire che questo fagotto è un imprevisto che mi intralcia, un
delinquente ozioso, un ostacolo sul mio cammino, un pungiglione molesto per la
mia coscienza, un problema che devono risolvere i politici, e forse anche
un’immondizia che sporca lo spazio pubblico. Oppure posso reagire a partire
dalla fede e dalla carità e riconoscere in lui un essere umano con la mia
stessa dignità, una creatura infinitamente amata dal Padre, un’immagine di Dio,
un fratello redento da Cristo. Questo è essere cristiani! O si può forse
intendere la santità prescindendo da questo riconoscimento vivo della dignità
di ogni essere umano?[82]
99.
Questo implica per i cristiani una sana e permanente insoddisfazione. Anche se
dare sollievo a una sola persona già giustificherebbe tutti i nostri sforzi,
ciò non ci basta. I Vescovi del Canada lo hanno affermato chiaramente mostrando
che, negli insegnamenti biblici riguardo al Giubileo, per esempio, non si
tratta solo di realizzare alcune buone azioni, bensì di cercare un cambiamento
sociale: «Affinché anche le generazioni a venire fossero liberate,
evidentemente l’obiettivo doveva essere il ripristino di sistemi sociali ed
economici giusti perché non potesse più esserci esclusione».[83]
Le
ideologie che mutilano il cuore del Vangelo
100.
Purtroppo a volte le ideologie ci portano a due errori nocivi. Da una parte,
quello dei cristiani che separano queste esigenze del Vangelo dalla propria
relazione personale con il Signore, dall’unione interiore con Lui, dalla
grazia. Così si trasforma il cristianesimo in una sorta di ONG, privandolo di
quella luminosa spiritualità che così bene hanno vissuto e manifestato san
Francesco d’Assisi, san Vincenzo de Paoli, santa Teresa di Calcutta e molti
altri. A questi grandi santi né la preghiera, né l’amore di Dio, né la lettura
del Vangelo diminuirono la passione e l’efficacia della loro dedizione al
prossimo, ma tutto il contrario.
101.
Nocivo e ideologico è anche l’errore di quanti vivono diffidando dell’impegno
sociale degli altri, considerandolo qualcosa di superficiale, mondano,
secolarizzato, immanentista, comunista, populista. O lo relativizzano come se
ci fossero altre cose più importanti o come se interessasse solo una
determinata etica o una ragione che essi difendono. La difesa dell’innocente
che non è nato, per esempio, deve essere chiara, ferma e appassionata, perché
lì è in gioco la dignità della vita umana, sempre sacra, e lo esige l’amore per
ogni persona al di là del suo sviluppo. Ma ugualmente sacra è la vita dei
poveri che sono già nati, che si dibattono nella miseria, nell’abbandono,
nell’esclusione, nella tratta di persone, nell’eutanasia nascosta dei malati e
degli anziani privati di cura, nelle nuove forme di schiavitù, e in ogni forma
di scarto.[84] Non
possiamo proporci un ideale di santità che ignori l’ingiustizia di questo
mondo, dove alcuni festeggiano, spendono allegramente e riducono la propria
vita alle novità del consumo, mentre altri guardano solo da fuori e intanto la
loro vita passa e finisce miseramente.
102.
Spesso si sente dire che, di fronte al relativismo e ai limiti del mondo
attuale, sarebbe un tema marginale, per esempio, la situazione dei migranti.
Alcuni cattolici affermano che è un tema secondario rispetto ai temi “seri”
della bioetica. Che dica cose simili un politico preoccupato per i suoi
successi si può comprendere, ma non un cristiano, a cui si addice solo
l’atteggiamento di mettersi nei panni di quel fratello che rischia la vita per
dare un futuro ai suoi figli. Possiamo riconoscere che è precisamente quello
che ci chiede Gesù quando ci dice che accogliamo Lui stesso in ogni forestiero
(cfr Mt 25,35)? San Benedetto lo aveva accettato senza riserve e,
anche se ciò avrebbe potuto “complicare” la vita dei monaci, stabilì che tutti
gli ospiti che si presentassero al monastero li si accogliesse «come Cristo»,[85] esprimendolo
perfino con gesti di adorazione,[86] e
che i poveri pellegrini li si trattasse «con la massima cura e sollecitudine».[87]
103.
Qualcosa di simile prospetta l’Antico Testamento quando dice: «Non molesterai
il forestiero né lo opprimerai, perché voi siete stati forestieri in terra
d’Egitto» (Es 22,20). «Il forestiero dimorante fra voi lo tratterete come
colui che è nato fra voi; tu l’amerai come te stesso, perché anche voi siete
stati forestieri in terra d’Egitto» (Lv 19,33-34). Pertanto, non si tratta
dell’invenzione di un Papa o di un delirio passeggero. Anche noi, nel contesto
attuale, siamo chiamati a vivere il cammino di illuminazione spirituale che ci
presentava il profeta Isaia quando si domandava che cosa è gradito a Dio: «Non
consiste forse nel dividere il pane con l’affamato, nell’introdurre in casa i
miseri, senza tetto, nel vestire uno che vedi nudo, senza trascurare i tuoi
parenti? Allora la tua luce sorgerà come l’aurora» (58,7-8).
104.
Potremmo pensare che diamo gloria a Dio solo con il culto e la preghiera, o
unicamente osservando alcune norme etiche – è vero che il primato spetta alla
relazione con Dio –, e dimentichiamo che il criterio per valutare la nostra
vita è anzitutto ciò che abbiamo fatto agli altri. La preghiera è preziosa se
alimenta una donazione quotidiana d’amore. Il nostro culto è gradito a Dio
quando vi portiamo i propositi di vivere con generosità e quando lasciamo che
il dono di Dio che in esso riceviamo si manifesti nella dedizione ai fratelli.
105.
Per la stessa ragione, il modo migliore per discernere se il nostro cammino di
preghiera è autentico sarà osservare in che misura la nostra vita si va
trasformando alla luce della misericordia. Perché «la misericordia non è solo
l’agire del Padre, ma diventa il criterio per capire chi sono i suoi veri
figli».[88] Essa
è «l’architrave che sorregge la vita della Chiesa».[89] Desidero
sottolineare ancora una volta che, benché la misericordia non escluda la
giustizia e la verità, «anzitutto dobbiamo dire che la misericordia è la
pienezza della giustizia e la manifestazione più luminosa della verità di Dio».[90] Essa
«è la chiave del cielo».[91]
106.
Non posso tralasciare di ricordare quell’interrogativo che si poneva san
Tommaso d’Aquino quando si domandava quali sono le nostre azioni più grandi,
quali sono le opere esterne che meglio manifestano il nostro amore per Dio.
Egli rispose senza dubitare che sono le opere di misericordia verso il
prossimo,[92] più
che gli atti di culto: «Noi non esercitiamo il culto verso Dio con sacrifici e
con offerte esteriori a vantaggio suo, ma a vantaggio nostro e del prossimo:
Egli infatti non ha bisogno dei nostri sacrifici, ma vuole che essi gli vengano
offerti per la nostra devozione e a vantaggio del prossimo. Perciò la
misericordia con la quale si soccorre la miseria altrui è un sacrificio a lui
più accetto, assicurando esso più da vicino il bene del prossimo».[93]
107.
Chi desidera veramente dare gloria a Dio con la propria vita, chi realmente
anela a santificarsi perché la sua esistenza glorifichi il Santo, è chiamato a
tormentarsi, spendersi e stancarsi cercando di vivere le opere di misericordia.
È ciò che aveva capito molto bene santa Teresa di Calcutta: «Sì, ho molte
debolezze umane, molte miserie umane. […] Ma Lui si abbassa e si serve di noi,
di te e di me, per essere suo amore e sua compassione nel mondo, nonostante i
nostri peccati, nonostante le nostre miserie e i nostri difetti. Lui dipende da
noi per amare il mondo e dimostrargli quanto lo ama. Se ci occupiamo troppo di
noi stessi, non ci resterà tempo per gli altri».[94]
108.
Il consumismo edonista può giocarci un brutto tiro, perché nell’ossessione di
divertirsi finiamo con l’essere eccessivamente concentrati su noi stessi, sui
nostri diritti e nell’esasperazione di avere tempo libero per godersi la vita.
Sarà difficile che ci impegniamo e dedichiamo energie a dare una mano a chi sta
male se non coltiviamo una certa austerità, se non lottiamo contro questa
febbre che ci impone la società dei consumi per venderci cose, e che alla fine
ci trasforma in poveri insoddisfatti che vogliono avere tutto e provare tutto.
Anche il consumo di informazione superficiale e le forme di comunicazione
rapida e virtuale possono essere un fattore di stordimento che si porta via
tutto il nostro tempo e ci allontana dalla carne sofferente dei fratelli. In
mezzo a questa voragine attuale, il Vangelo risuona nuovamente per offrirci una
vita diversa, più sana e più felice.
* * *
109.
La forza della testimonianza dei santi sta nel vivere le Beatitudini e la
regola di comportamento del giudizio finale. Sono poche parole, semplici, ma
pratiche e valide per tutti, perché il cristianesimo è fatto soprattutto per
essere praticato, e se è anche oggetto di riflessione, ciò ha valore solo
quando ci aiuta a vivere il Vangelo nella vita quotidiana. Raccomando vivamente
di rileggere spesso questi grandi testi biblici, di ricordarli, di pregare con
essi e tentare di incarnarli. Ci faranno bene, ci renderanno genuinamente
felici.
ALCUNE
CARATTERISTICHE DELLA SANTITÀ
NEL MONDO ATTUALE
110.
All’interno del grande quadro della santità che ci propongono le Beatitudini
e Matteo 25,31-46, vorrei raccogliere alcune caratteristiche o
espressioni spirituali che, a mio giudizio, sono indispensabili per comprendere
lo stile di vita a cui il Signore ci chiama. Non mi fermerò a spiegare i mezzi
di santificazione che già conosciamo: i diversi metodi di preghiera, i preziosi
sacramenti dell’Eucaristia e della Riconciliazione, l’offerta dei sacrifici, le
varie forme di devozione, la direzione spirituale, e tanti altri. Mi riferirò
solo ad alcuni aspetti della chiamata alla santità che spero risuonino in
maniera speciale.
111.
Queste caratteristiche che voglio evidenziare non sono tutte quelle che possono
costituire un modello di santità, ma sono cinque grandi manifestazioni
dell’amore per Dio e per il prossimo che considero di particolare importanza a
motivo di alcuni rischi e limiti della cultura di oggi. In essa si manifestano:
l’ansietà nervosa e violenta che ci disperde e debilita; la negatività e la
tristezza; l’accidia comoda, consumista ed egoista; l’individualismo, e tante
forme di falsa spiritualità senza incontro con Dio che dominano nel mercato
religioso attuale.
Sopportazione,
pazienza e mitezza
112.
La prima di queste grandi caratteristiche è rimanere centrati, saldi in Dio che
ama e sostiene. A partire da questa fermezza interiore è possibile sopportare,
sostenere le contrarietà, le vicissitudini della vita, e anche le aggressioni
degli altri, le loro infedeltà e i loro difetti: «Se Dio è con noi, chi sarà
contro di noi?» (Rm 8,31). Questo è fonte di pace che si esprime negli
atteggiamenti di un santo. Sulla base di tale solidità interiore, la
testimonianza di santità, nel nostro mondo accelerato, volubile e aggressivo, è
fatta di pazienza e costanza nel bene. E’ la fedeltà dell’amore, perché chi si
appoggia su Dio (pistis) può anche essere fedele davanti ai fratelli (pistós),
non li abbandona nei momenti difficili, non si lascia trascinare dall’ansietà e
rimane accanto agli altri anche quando questo non gli procura soddisfazioni
immediate.
113.
San Paolo invitava i cristiani di Roma a non rendere «a nessuno male per male»
(Rm 12,17), a non voler farsi giustizia da sé stessi (cfr v. 19) e a non
lasciarsi vincere dal male, ma a vincere il male con il bene (cfr v. 21).
Questo atteggiamento non è segno di debolezza ma della vera forza, perché Dio
stesso «è lento all’ira, ma grande nella potenza» (Na 1,3). La Parola di
Dio ci ammonisce: «Scompaiano da voi ogni asprezza, sdegno, ira, grida e
maldicenze con ogni sorta di malignità» (Ef 4,31).
114.
E’ necessario lottare e stare in guardia davanti alle nostre inclinazioni
aggressive ed egocentriche per non permettere che mettano radici: «Adiratevi,
ma non peccate; non tramonti il sole sopra la vostra ira» (Ef 4,26).
Quando ci sono circostanze che ci opprimono, possiamo sempre ricorrere
all’ancora della supplica, che ci conduce a stare nuovamente nelle mani di Dio
e vicino alla fonte della pace: «Non angustiatevi per nulla, ma in ogni
circostanza fate presenti a Dio le vostre richieste con preghiere, suppliche e
ringraziamenti. E la pace di Dio, che supera ogni intelligenza, custodirà i
vostri cuori» (Fil 4,6-7).
115.
Anche i cristiani possono partecipare a reti di violenza verbale mediante
internet e i diversi ambiti o spazi di interscambio digitale. Persino
nei media cattolici si possono eccedere i limiti, si tollerano la
diffamazione e la calunnia, e sembrano esclusi ogni etica e ogni rispetto per
il buon nome altrui. Così si verifica un pericoloso dualismo, perché in queste
reti si dicono cose che non sarebbero tollerabili nella vita pubblica, e si
cerca di compensare le proprie insoddisfazioni scaricando con rabbia i desideri
di vendetta. E’ significativo che a volte, pretendendo di difendere altri
comandamenti, si passi sopra completamente all’ottavo: «Non dire falsa
testimonianza», e si distrugga l’immagine altrui senza pietà. Lì si manifesta
senza alcun controllo che la lingua è «il mondo del male» e «incendia tutta la
nostra vita, traendo la sua fiamma dalla Geenna» (Gc 3,6).
116.
La fermezza interiore, che è opera della grazia, ci preserva dal lasciarci trascinare
dalla violenza che invade la vita sociale, perché la grazia smorza la vanità e
rende possibile la mitezza del cuore. Il santo non spreca le sue energie
lamentandosi degli errori altrui, è capace di fare silenzio davanti ai difetti
dei fratelli ed evita la violenza verbale che distrugge e maltratta, perché non
si ritiene degno di essere duro con gli altri, ma piuttosto li considera
«superiori a sé stesso» (Fil 2,3).
117.
Non ci fa bene guardare dall’alto in basso, assumere il ruolo di giudici
spietati, considerare gli altri come indegni e pretendere continuamente di dare
lezioni. Questa è una sottile forma di violenza.[95] San
Giovanni della Croce proponeva un’altra cosa: «Sii più inclinato ad essere
ammaestrato da tutti che a volere ammaestrare chi è inferiore a tutti».[96] E
aggiungeva un consiglio per tenere lontano il demonio: «Rallegrandoti del bene
degli altri come se fosse tuo e cercando sinceramente che questi siano
preferiti a te in tutte le cose. In tal modo vincerai il male con il bene,
caccerai lontano da te il demonio e ne ricaverai gioia di spirito. Cerca di
fare ciò specialmente con coloro i quali meno ti sono simpatici. Sappi che se
non ti eserciterai in questo campo, non giungerai alla vera carità né farai
profitto in essa».[97]
118.
L’umiltà può radicarsi nel cuore solamente attraverso le umiliazioni. Senza di
esse non c’è umiltà né santità. Se tu non sei capace di sopportare e offrire
alcune umiliazioni non sei umile e non sei sulla via della santità. La santità
che Dio dona alla sua Chiesa viene mediante l’umiliazione del suo Figlio:
questa è la via. L’umiliazione ti porta ad assomigliare a Gesù, è parte
ineludibile dell’imitazione di Cristo: «Cristo patì per voi, lasciandovi un
esempio, perché ne seguiate le orme» (1 Pt 2,21). Egli a sua volta manifesta
l’umiltà del Padre, che si umilia per camminare con il suo popolo, che sopporta
le sue infedeltà e mormorazioni
(cfr Es34,6-9; Sap 11,23-12,2; Lc 6,36). Per questa
ragione gli Apostoli, dopo l’umiliazione, erano «lieti di essere stati
giudicati degni di subire oltraggi per il nome di Gesù» (At 5,41).
119.
Non mi riferisco solo alle situazioni violente di martirio, ma alle umiliazioni
quotidiane di coloro che sopportano per salvare la propria famiglia, o evitano
di parlare bene di sé stessi e preferiscono lodare gli altri invece di
gloriarsi, scelgono gli incarichi meno brillanti, e a volte preferiscono
addirittura sopportare qualcosa di ingiusto per offrirlo al Signore: «Se,
facendo il bene, sopporterete con pazienza la sofferenza, ciò sarà gradito
davanti a Dio» (1 Pt 2,20). Non è camminare a capo chino, parlare poco o
sfuggire dalla società. A volte, proprio perché è libero dall’egocentrismo,
qualcuno può avere il coraggio di discutere amabilmente, di reclamare giustizia
o di difendere i deboli davanti ai potenti, benché questo gli procuri
conseguenze negative per la sua immagine.
120.
Non dico che l’umiliazione sia qualcosa di gradevole, perché questo sarebbe
masochismo, ma che si tratta di una via per imitare Gesù e crescere nell’unione
con Lui. Questo non è comprensibile sul piano naturale e il mondo ridicolizza
una simile proposta. E’ una grazia che abbiamo bisogno di supplicare: “Signore,
quando vengono le umiliazioni, aiutami a sentire che mi trovo dietro di te,
sulla tua via”.
121.
Tale atteggiamento presuppone un cuore pacificato da Cristo, libero da
quell’aggressività che scaturisce da un io troppo grande. La stessa
pacificazione, operata dalla grazia, ci permette di mantenere una sicurezza
interiore e resistere, perseverare nel bene «anche se vado per una valle
oscura» (Sal 23,4) o anche «se contro di me si accampa un esercito»
(Sal 27,3). Saldi nel Signore, la Roccia, possiamo cantare: «In pace mi
corico e subito mi addormento, perché tu solo, Signore, fiducioso mi fai
riposare» (Sal 4,9). In definitiva, Cristo «è la nostra pace»
(Ef 2,14) ed è venuto a «dirigere i nostri passi sulla via della pace»
(Lc 1,79). Egli comunicò a santa Faustina Kowalska che «l’umanità non
troverà pace, finché non si rivolgerà con fiducia alla Mia Misericordia».[98]Non
cadiamo dunque nella tentazione di cercare la sicurezza interiore nei successi,
nei piaceri vuoti, nel possedere, nel dominio sugli altri o nell’immagine
sociale: «Vi do la mia pace», ma «non come la dà il mondo» (Gv 14,27).
122.
Quanto detto finora non implica uno spirito inibito, triste, acido,
malinconico, o un basso profilo senza energia. Il santo è capace di vivere con
gioia e senso dell’umorismo. Senza perdere il realismo, illumina gli altri con
uno spirito positivo e ricco di speranza. Essere cristiani è «gioia nello
Spirito Santo» (Rm 14,17), perché «all’amore di carità segue
necessariamente la gioia. Poiché chi ama gode sempre dell’unione con l’amato […]
Per cui alla carità segue la gioia».[99] Abbiamo
ricevuto la bellezza della sua Parola e la accogliamo «in mezzo a grandi prove,
con la gioia dello Spirito Santo» (1 Ts 1,6). Se lasciamo che il Signore
ci faccia uscire dal nostro guscio e ci cambi la vita, allora potremo
realizzare ciò che chiedeva san Paolo: «Siate sempre lieti nel Signore, ve lo
ripeto: siate lieti» (Fil 4,4).
123.
I profeti annunciavano il tempo di Gesù, che noi stiamo vivendo, come una
rivelazione della gioia: «Canta ed esulta!» (Is12,6); «Sali su un alto monte,
tu che annunci liete notizie a Sion! Alza la tua voce con forza, tu che annunci
liete notizie a Gerusalemme» (Is 40,9); «Gridate di gioia, o monti, perché
il Signore consola il suo popolo e ha misericordia dei suoi poveri» (Is49,13);
«Esulta grandemente, figlia di Sion, giubila, figlia di Gerusalemme! Ecco, a te
viene il tuo re. Egli è giusto e vittorioso» (Zc9,9). E non dimentichiamo
l’esortazione di Neemia: «Non vi rattristate, perché la gioia del Signore è la
vostra forza» (8,10).
124.
Maria, che ha saputo scoprire la novità portata da Gesù, cantava: «Il mio
spirito esulta» (Lc 1,47) e Gesù stesso «esultò di gioia nello Spirito
Santo» (Lc 10,21). Quando Lui passava, «la folla intera esultava»
(Lc 13,17). Dopo la sua risurrezione, dove giungevano i discepoli si
riscontrava «una grande gioia» (At 8,8). A noi Gesù dà una sicurezza: «Voi
sarete nella tristezza, ma la vostra tristezza si cambierà in gioia. […] Vi
vedrò di nuovo e il vostro cuore si rallegrerà e nessuno potrà togliervi la
vostra gioia» (Gv 16,20.22). «Vi ho detto queste cose perché la mia gioia
sia in voi e la vostra gioia sia piena» (Gv 15,11).
125.
Ci sono momenti duri, tempi di croce, ma niente può distruggere la gioia
soprannaturale, che «si adatta e si trasforma, e sempre rimane almeno come uno
spiraglio di luce che nasce dalla certezza personale di essere infinitamente
amato, al di là di tutto».[100] E’
una sicurezza interiore, una serenità piena di speranza che offre una
soddisfazione spirituale incomprensibile secondo i criteri mondani.
126.
Ordinariamente la gioia cristiana è accompagnata dal senso dell’umorismo, così
evidente, ad esempio, in san Tommaso Moro, in san Vincenzo de Paoli o in san
Filippo Neri. Il malumore non è un segno di santità: «Caccia la malinconia
dal tuo cuore» (Qo11,10). E’ così tanto quello che riceviamo dal Signore
«perché possiamo goderne» (1 Tm 6,17), che a volte la tristezza è legata
all’ingratitudine, con lo stare talmente chiusi in sé stessi da diventare
incapaci di riconoscere i doni di Dio.[101]
127.
Il suo amore paterno ci invita: «Figlio, […] trattati bene […]. Non privarti di
un giorno felice» (Sir 14,11.14). Ci vuole positivi, grati e non troppo
complicati: «Nel giorno lieto sta’ allegro […]. Dio ha creato gli esseri umani retti,
ma essi vanno in cerca di infinite complicazioni» (Qo 7,14.29). In
ogni situazione, occorre mantenere uno spirito flessibile, e fare come san
Paolo: «Ho imparato a bastare a me stesso in ogni occasione»
(Fil 4,11). E’ quello che viveva san Francesco d’Assisi, capace di
commuoversi di gratitudine davanti a un pezzo di pane duro, o di lodare felice
Dio solo per la brezza che accarezzava il suo volto.
128.
Non sto parlando della gioia consumista e individualista così presente in
alcune esperienze culturali di oggi. Il consumismo infatti non fa che
appesantire il cuore; può offrire piaceri occasionali e passeggeri, ma non
gioia. Mi riferisco piuttosto a quella gioia che si vive in comunione, che si
condivide e si partecipa, perché «si è più beati nel dare che nel ricevere»
(At 20,35) e «Dio ama chi dona con gioia» (2 Cor 9,7). L’amore
fraterno moltiplica la nostra capacità di gioia, poiché ci rende capaci di gioire
del bene degli altri: «Rallegratevi con quelli che sono nella gioia»
(Rm 12,15). «Ci rallegriamo quando noi siamo deboli e voi siete forti» (2
Cor 13,9). Invece, se «ci concentriamo soprattutto sulle nostre necessità,
ci condanniamo a vivere con poca gioia».[102]
129.
Nello stesso tempo, la santità è parresia: è audacia, è slancio
evangelizzatore che lascia un segno in questo mondo. Perché ciò sia possibile,
Gesù stesso ci viene incontro e ci ripete con serenità e fermezza: «Non abbiate
paura» (Mc 6,50). «Io sono con voi tutti i giorni, fino alla fine del
mondo» (Mt 28,20). Queste parole ci permettono di camminare e servire con
quell’atteggiamento pieno di coraggio che lo Spirito Santo suscitava negli Apostoli
spingendoli ad annunciare Gesù Cristo. Audacia, entusiasmo, parlare con
libertà, fervore apostolico, tutto questo è compreso nel
vocabolo parresia, parola con cui la Bibbia esprime anche la libertà di
un’esistenza che è aperta, perché si trova disponibile per Dio e per i fratelli
(cfr At 4,29; 9,28; 28,31; 2
Cor 3,12; Ef 3,12; Eb 3,6; 10,19).
130.
Il beato Paolo
VI menzionava tra gli ostacoli dell’evangelizzazione proprio la
carenza di parresia: «la mancanza di fervore, tanto più grave perché nasce
dal di dentro».[103] Quante
volte ci sentiamo strattonati per fermarci sulla comoda riva! Ma il Signore ci
chiama a navigare al largo e a gettare le reti in acque più profonde
(cfr Lc 5,4). Ci invita a spendere la nostra vita al suo servizio.
Aggrappati a Lui abbiamo il coraggio di mettere tutti i nostri carismi al
servizio degli altri. Potessimo sentirci spinti dal suo amore (cfr 2
Cor 5,14) e dire con san Paolo: «Guai a me se non annuncio il Vangelo!» (1
Cor 9,16).
131.
Guardiamo a Gesù: la sua compassione profonda non era qualcosa che lo
concentrasse su di sé, non era una compassione paralizzante, timida o piena di
vergogna come molte volte succede a noi, ma tutto il contrario. Era una
compassione che lo spingeva a uscire da sé con forza per annunciare, per
inviare in missione, per inviare a guarire e a liberare. Riconosciamo la
nostra fragilità ma lasciamo che Gesù la prenda nelle sue mani e ci lanci in
missione. Siamo fragili, ma portatori di un tesoro che ci rende grandi e che
può rendere più buoni e felici quelli che lo accolgono. L’audacia e il coraggio
apostolico sono costitutivi della missione.
132.
La parresia è sigillo dello Spirito, testimonianza dell’autenticità
dell’annuncio. E’ felice sicurezza che ci porta a gloriarci del Vangelo che
annunciamo, è fiducia irremovibile nella fedeltà del Testimone fedele, che ci
dà la certezza che nulla «potrà mai separarci dall’amore di Dio»
(Rm 8,39).
133. Abbiamo bisogno
della spinta dello Spirito per non essere paralizzati dalla paura e dal
calcolo, per non abituarci a camminare soltanto entro confini sicuri.
Ricordiamoci che ciò che rimane chiuso alla fine ha odore di umidità e ci fa
ammalare. Quando gli Apostoli provarono la tentazione di lasciarsi paralizzare
dai timori e dai pericoli, si misero a pregare insieme chiedendo la parresia:
«E ora, Signore, volgi lo sguardo alle loro minacce e concedi ai tuoi servi di
proclamare con tutta franchezza la tua parola» (At4,29). E la risposta fu che
«quand’ebbero terminato la preghiera, il luogo in cui erano radunati tremò e
tutti furono colmati di Spirito Santo e proclamavano la parola di Dio con
franchezza» (At 4,31).
134.
Come il profeta Giona, sempre portiamo latente in noi la tentazione di fuggire
in un luogo sicuro che può avere molti nomi: individualismo, spiritualismo,
chiusura in piccoli mondi, dipendenza, sistemazione, ripetizione di schemi
prefissati, dogmatismo, nostalgia, pessimismo, rifugio nelle norme. Talvolta
facciamo fatica ad uscire da un territorio che ci era conosciuto e a portata di
mano. Tuttavia, le difficoltà possono essere come la tempesta, la balena, il
verme che fece seccare il ricino di Giona, o il vento e il sole che gli
scottarono la testa; e come fu per lui, possono avere la funzione di farci
tornare a quel Dio che è tenerezza e che vuole condurci a un’itineranza
costante e rinnovatrice.
135.
Dio è sempre novità, che ci spinge continuamente a ripartire e a cambiare posto
per andare oltre il conosciuto, verso le periferie e le frontiere. Ci conduce
là dove si trova l’umanità più ferita e dove gli esseri umani, al di sotto
dell’apparenza della superficialità e del conformismo, continuano a cercare la
risposta alla domanda sul senso della vita. Dio non ha paura! Non ha paura! Va
sempre al di là dei nostri schemi e non teme le periferie. Egli stesso si è
fatto periferia (cfr Fil 2,6-8; Gv 1,14). Per questo, se
oseremo andare nelle periferie, là lo troveremo: Lui sarà già lì. Gesù ci
precede nel cuore di quel fratello, nella sua carne ferita, nella sua vita
oppressa, nella sua anima ottenebrata. Lui è già lì.
136.
E’ vero che bisogna aprire la porta a Gesù Cristo, perché Lui bussa e chiama
(cfr Ap 3,20). Ma a volte mi domando se, a causa dell’aria
irrespirabile della nostra autoreferenzialità, Gesù non starà bussando dentro
di noi perché lo lasciamo uscire. Nel Vangelo vediamo come Gesù «andava
per città e villaggi, predicando e annunciando la buona notizia del regno di
Dio» (Lc 8,1). Anche dopo la risurrezione, quando i discepoli
partirono in ogni direzione, «il Signore agiva insieme con loro» (Mc 16,20).
Questa è la dinamica che scaturisce dal vero incontro.
137.
L’abitudine ci seduce e ci dice che non ha senso cercare di cambiare le cose,
che non possiamo far nulla di fronte a questa situazione, che è sempre stato
così e che tuttavia siamo andati avanti. Per l’abitudine noi non affrontiamo
più il male e permettiamo che le cose “vadano come vanno”, o come alcuni hanno
deciso che debbano andare. Ma dunque lasciamo che il Signore venga a
risvegliarci, a dare uno scossone al nostro torpore, a liberarci dall’inerzia.
Sfidiamo l’abitudinarietà, apriamo bene gli occhi e gli orecchi, e soprattutto
il cuore, per lasciarci smuovere da ciò che succede intorno a noi e dal grido
della Parola viva ed efficace del Risorto.
138.
Ci mette in moto l’esempio di tanti sacerdoti, religiose, religiosi e laici che
si dedicano ad annunciare e servire con grande fedeltà, molte volte rischiando
la vita e certamente a prezzo della loro comodità. La loro testimonianza ci
ricorda che la Chiesa non ha bisogno di tanti burocrati e funzionari, ma di
missionari appassionati, divorati dall’entusiasmo di comunicare la vera vita. I
santi sorprendono, spiazzano, perché la loro vita ci chiama a uscire dalla
mediocrità tranquilla e anestetizzante.
139.
Chiediamo al Signore la grazia di non esitare quando lo Spirito esige da noi
che facciamo un passo avanti; chiediamo il coraggio apostolico di comunicare il
Vangelo agli altri e di rinunciare a fare della nostra vita un museo di
ricordi. In ogni situazione, lasciamo che lo Spirito Santo ci faccia
contemplare la storia nella prospettiva di Gesù risorto. In tal modo la Chiesa,
invece di stancarsi, potrà andare avanti accogliendo le sorprese del Signore.
140.
E’ molto difficile lottare contro la propria concupiscenza e contro le insidie
e tentazioni del demonio e del mondo egoista se siamo isolati. E’ tale il
bombardamento che ci seduce che, se siamo troppo soli, facilmente perdiamo il
senso della realtà, la chiarezza interiore, e soccombiamo.
141.
La santificazione è un cammino comunitario, da fare a due a due. Così lo
rispecchiano alcune comunità sante. In varie occasioni la Chiesa ha canonizzato
intere comunità che hanno vissuto eroicamente il Vangelo o che hanno offerto a
Dio la vita di tutti i loro membri. Pensiamo, ad esempio, ai sette santi
fondatori dell’Ordine dei Servi di Maria, alle sette beate religiose del primo
monastero della Visitazione di Madrid, a san Paolo Miki e compagni martiri in
Giappone, a sant’Andrea Taegon e compagni martiri in Corea, ai santi Rocco
Gonzáles e Alfonso Rodríguez e compagni martiri in Sud America. Ricordiamo
anche la recente testimonianza dei monaci trappisti di Tibhirine (Algeria), che
si sono preparati insieme al martirio. Allo stesso modo ci sono molte coppie di
sposi sante, in cui ognuno dei coniugi è stato strumento per la santificazione
dell’altro. Vivere e lavorare con altri è senza dubbio una via di crescita
spirituale. San Giovanni della Croce diceva a un discepolo: stai vivendo con altri
«perché ti lavorino e ti esercitino nella virtù».[104]
142.
La comunità è chiamata a creare quello «spazio teologale in cui si può
sperimentare la mistica presenza del Signore risorto».[105] Condividere
la Parola e celebrare insieme l’Eucaristia ci rende più fratelli e ci trasforma
via via in comunità santa e missionaria. Questo dà luogo anche ad autentiche
esperienze mistiche vissute in comunità, come fu il caso di san Benedetto e
santa Scolastica, o di quel sublime incontro spirituale che vissero insieme
sant’Agostino e sua madre santa Monica: «All’avvicinarsi del giorno in cui
doveva uscire di questa vita, giorno a te noto, ignoto a noi, accadde, per
opera tua, io credo, secondo i tuoi misteriosi ordinamenti, che ci trovassimo
lei ed io soli, appoggiati a una finestra prospiciente il giardino della casa
che ci ospitava […]. Aprivamo avidamente la bocca del cuore al getto superno
della tua fonte, la fonte della vita, che è presso di te […]. E mentre
parlavamo e anelavamo verso di lei [la Sapienza], la cogliemmo un poco con lo
slancio totale della mente [… così che] la vita eterna [somiglierebbe] a quel
momento d’intuizione che ci fece sospirare».[106]
143.
Ma queste esperienze non sono la cosa più frequente, né la più importante. La
vita comunitaria, in famiglia, in parrocchia, nella comunità religiosa o in
qualunque altra, è fatta di tanti piccoli dettagli quotidiani. Questo capitava
nella comunità santa che formarono Gesù, Maria e Giuseppe, dove si è
rispecchiata in modo paradigmatico la bellezza della comunione trinitaria. Ed è
anche ciò che succedeva nella vita comunitaria che Gesù condusse con i suoi
discepoli e con la gente semplice del popolo.
144.
Ricordiamo come Gesù invitava i suoi discepoli a fare attenzione ai
particolari.
Il piccolo particolare che si stava esaurendo il vino in una festa.
Il piccolo particolare che mancava una pecora.
Il piccolo particolare della vedova che offrì le sue due monetine.
Il piccolo particolare di avere olio di riserva per le lampade se lo sposo ritarda.
Il piccolo particolare di chiedere ai discepoli di vedere quanti pani avevano.
Il piccolo particolare di avere un fuocherello pronto e del pesce sulla griglia
mentre aspettava i discepoli all’alba.
145.
La comunità che custodisce i piccoli particolari dell’amore,[107] dove
i membri si prendono cura gli uni degli altri e costituiscono uno spazio aperto
ed evangelizzatore, è luogo della presenza del Risorto che la va santificando
secondo il progetto del Padre. A volte, per un dono dell’amore del Signore, in
mezzo a questi piccoli particolari ci vengono regalate consolanti esperienze di
Dio: «Una sera d’inverno compivo come al solito il mio piccolo servizio, […] a
un tratto udii in lontananza il suono armonioso di uno strumento musicale:
allora mi immaginai un salone ben illuminato tutto splendente di ori, ragazze
elegantemente vestite che si facevano a vicenda complimenti e convenevoli
mondani; poi il mio sguardo cadde sulla povera malata che sostenevo; invece di
una melodia udivo ogni tanto i suoi gemiti lamentosi […]. Non posso esprimere
ciò che accadde nella mia anima, quello che so è che il Signore la illuminò con
i raggi della verità che superano talmente lo splendore tenebroso delle feste
della terra, che non potevo credere alla mia felicità».[108]
146.
Contro la tendenza all’individualismo consumista che finisce per isolarci nella
ricerca del benessere appartato dagli altri, il nostro cammino di
santificazione non può cessare di identificarci con quel desiderio di Gesù: che
«tutti siano una sola cosa; come tu, Padre, sei in me e io in te»
(Gv 17,21).
147.
Infine, malgrado sembri ovvio, ricordiamo che la santità è fatta di apertura
abituale alla trascendenza, che si esprime nella preghiera e nell’adorazione.
Il santo è una persona dallo spirito orante, che ha bisogno di comunicare con
Dio. E’ uno che non sopporta di soffocare nell’immanenza chiusa di questo
mondo, e in mezzo ai suoi sforzi e al suo donarsi sospira per Dio, esce da sé
nella lode e allarga i propri confini nella contemplazione del Signore. Non
credo nella santità senza preghiera, anche se non si tratta necessariamente di
lunghi momenti o di sentimenti intensi.
148.
San Giovanni della Croce raccomandava di «procurare di stare sempre alla
presenza di Dio, sia essa reale o immaginaria o unitiva, per quanto lo comporti
l’attività».[109] In
fondo è il desiderio di Dio che non può fare a meno di manifestarsi in qualche
modo attraverso la nostra vita quotidiana: «Sia assiduo all’orazione senza
tralasciarla neppure in mezzo alle occupazioni esteriori. Sia che mangi o beva,
sia che parli o tratti con i secolari o faccia qualche altra cosa, desideri
sempre Dio tenendo in Lui l’affetto del cuore».[110]
149.
Ciò nonostante, perché questo sia possibile, sono necessari anche alcuni
momenti dedicati solo a Dio, in solitudine con Lui. Per santa Teresa d’Avila la
preghiera è «un intimo rapporto di amicizia, un frequente trattenimento da solo
a solo con Colui da cui sappiamo d’essere amati».[111] Vorrei
insistere sul fatto che questo non è solo per pochi privilegiati, ma per tutti,
perché «abbiamo tutti bisogno di questo silenzio carico di presenza adorata».[112] La
preghiera fiduciosa è una risposta del cuore che si apre a Dio a tu per tu,
dove si fanno tacere tutte le voci per ascoltare la soave voce del Signore che
risuona nel silenzio.
150.
In tale silenzio è possibile discernere, alla luce dello Spirito, le vie di
santità che il Signore ci propone. Diversamente, tutte le nostre decisioni
potranno essere soltanto “decorazioni” che, invece di esaltare il Vangelo nella
nostra vita, lo ricopriranno e lo soffocheranno. Per ogni discepolo è
indispensabile stare con il Maestro, ascoltarlo, imparare da Lui, imparare
sempre. Se non ascoltiamo, tutte le nostre parole saranno unicamente rumori che
non servono a niente.
151.
Ricordiamo che «è la contemplazione del volto di Gesù morto e risorto che
ricompone la nostra umanità, anche quella frammentata per le fatiche della
vita, o segnata dal peccato. Non dobbiamo addomesticare la potenza del volto di
Cristo».[113]mDunque
mi permetto di chiederti: ci sono momenti in cui ti poni alla sua presenza in
silenzio, rimani con Lui senza fretta, e ti lasci guardare da Lui? Lasci che il
suo fuoco infiammi il tuo cuore? Se non permetti che Lui alimenti in esso il
calore dell’amore e della tenerezza, non avrai fuoco, e così come potrai
infiammare il cuore degli altri con la tua testimonianza e le tue parole? E se
davanti al volto di Cristo ancora non riesci a lasciarti guarire e trasformare,
allora penetra nelle viscere del Signore, entra nelle sue piaghe, perché lì ha
sede la misericordia divina.[114]
152.
Prego tuttavia che non intendiamo il silenzio orante come un’evasione che nega
il mondo intorno a noi. Il “pellegrino russo”, che camminava in preghiera
continua, racconta che quella preghiera non lo separava dalla realtà esterna:
«Se mi capitava di incontrare qualcuno, tutte quelle persone senza distinzione
mi parevano altrettanto amabili che se fossero state della mia famiglia. […]
Non solo sentivo questa luce dentro la mia anima, ma anche il mondo esterno mi
appariva bellissimo e incantevole».[115]
153.
Nemmeno la storia scompare. La preghiera, proprio perché si nutre del dono di
Dio che si riversa nella nostra vita, dovrebbe essere sempre ricca di memoria.
La memoria delle opere di Dio è alla base dell’esperienza dell’alleanza tra Dio
e il suo popolo. Se Dio ha voluto entrare nella storia, la preghiera è
intessuta di ricordi. Non solo del ricordo della Parola rivelata, bensì anche
della propria vita, della vita degli altri, di ciò che il Signore ha fatto
nella sua Chiesa. E’ la memoria grata di cui pure parla sant’Ignazio di Loyola
nella sua «Contemplazione per raggiungere l’amore»,[116] quando
ci chiede di riportare alla memoria tutti i benefici che abbiamo ricevuto dal
Signore. Guarda la tua storia quando preghi e in essa troverai tanta
misericordia. Nello stesso tempo questo alimenterà la tua consapevolezza del
fatto che il Signore ti tiene nella sua memoria e non ti dimentica mai. Di
conseguenza ha senso chiedergli di illuminare persino i piccoli dettagli della
tua esistenza, che a Lui non sfuggono.
154.
La supplica è espressione del cuore che confida in Dio, che sa che non può
farcela da solo. Nella vita del popolo fedele di Dio troviamo molte suppliche
piene di tenerezza credente e di profonda fiducia. Non togliamo valore alla
preghiera di domanda, che tante volte ci rasserena il cuore e ci aiuta ad
andare avanti lottando con speranza. La supplica di intercessione ha un valore
particolare, perché è un atto di fiducia in Dio e insieme un’espressione di
amore al prossimo. Alcuni, per pregiudizi spiritualisti, pensano che la
preghiera dovrebbe essere una pura contemplazione di Dio, senza distrazioni,
come se i nomi e i volti dei fratelli fossero un disturbo da evitare. Al
contrario, la realtà è che la preghiera sarà più gradita a Dio e più
santificatrice se in essa, con l’intercessione, cerchiamo di vivere il duplice
comandamento che ci ha lasciato Gesù. L’intercessione esprime l’impegno
fraterno con gli altri quando in essa siamo capaci di includere la vita degli
altri, le loro angosce più sconvolgenti e i loro sogni più belli. Di chi si
dedica generosamente a intercedere si può dire con le parole bibliche: «Questi
è l’amico dei suoi fratelli, che prega molto per il popolo» (2 Mac 15,14).
155.
Se veramente riconosciamo che Dio esiste, non possiamo fare a meno di adorarlo,
a volte in un silenzio colmo di ammirazione, o di cantare a Lui con lode
festosa. Così esprimiamo ciò che viveva il beato Charles de Foucauld quando
disse: «Appena credetti che c’era un Dio, compresi che non potevo fare
altrimenti che vivere solo per Lui».[117] Anche
nella vita del popolo pellegrinante ci sono molti gesti semplici di pura
adorazione, come ad esempio quando «lo sguardo del pellegrino si posa su
un’immagine che simboleggia la tenerezza e la vicinanza di Dio. L’amore si
ferma, contempla il mistero, lo gusta in silenzio».[118]
156.
La lettura orante della Parola di Dio, più dolce del miele
(cfr Sal 119,103) e «spada a doppio taglio» (Eb 4,12), ci
permette di rimanere in ascolto del Maestro affinché sia lampada per i nostri
passi, luce sul nostro cammino (cfr Sal 119,105). Come ci hanno ben
ricordato i Vescovi dell’India, «la devozione alla Parola di Dio non è solo una
delle tante devozioni, una cosa bella ma facoltativa. Appartiene al cuore e
all’identità stessa della vita cristiana. La Parola ha in sé la forza per
trasformare la vita».[119]
157. L’incontro con Gesù nelle Scritture ci conduce all’Eucaristia, dove la stessa Parola raggiunge la sua massima efficacia, perché è presenza reale di Colui che è Parola vivente. Lì l’unico Assoluto riceve la più grande adorazione che si possa dargli in questo mondo, perché è Cristo stesso che si offre. E quando lo riceviamo nella comunione, rinnoviamo la nostra alleanza con Lui e gli permettiamo di realizzare sempre più la sua azione trasformante.
COMBATTIMENTO,
VIGILANZA E DISCERNIMENTO
158.
La vita cristiana è un combattimento permanente. Si richiedono forza e coraggio
per resistere alle tentazioni del diavolo e annunciare il Vangelo. Questa lotta
è molto bella, perché ci permette di fare festa ogni volta che il Signore vince
nella nostra vita.
Il
combattimento e la vigilanza
159.
Non si tratta solamente di un combattimento contro il mondo e la mentalità
mondana, che ci inganna, ci intontisce e ci rende mediocri, senza impegno e
senza gioia. Nemmeno si riduce a una lotta contro la propria fragilità e le
proprie inclinazioni (ognuno ha la sua: la pigrizia, la lussuria, l’invidia, le
gelosie, e così via). È anche una lotta costante contro il diavolo, che è il
principe del male. Gesù stesso festeggia le nostre vittorie. Si rallegrava quando
i suoi discepoli riuscivano a progredire nell’annuncio del Vangelo, superando
l’opposizione del Maligno, ed esultava: «Vedevo Satana cadere dal cielo come
una folgore» (Lc 10,18).
160.
Non ammetteremo l’esistenza del diavolo se ci ostiniamo a guardare la vita solo
con criteri empirici e senza una prospettiva soprannaturale. Proprio la
convinzione che questo potere maligno è in mezzo a noi, è ciò che ci permette
di capire perché a volte il male ha tanta forza distruttiva. È vero che gli
autori biblici avevano un bagaglio concettuale limitato per esprimere alcune
realtà e che ai tempi di Gesù si poteva confondere, ad esempio, un’epilessia
con la possessione demoniaca. Tuttavia, questo non deve portarci a semplificare
troppo la realtà affermando che tutti i casi narrati nei vangeli erano malattie
psichiche e che in definitiva il demonio non esiste o non agisce. La sua
presenza si trova nella prima pagina delle Scritture, che terminano con la
vittoria di Dio sul demonio.[120] Di
fatto, quando Gesù ci ha lasciato il “Padre Nostro” ha voluto che terminiamo
chiedendo al Padre che ci liberi dal Maligno. L’espressione che lì si utilizza
non si riferisce al male in astratto e la sua traduzione più precisa è «il
Maligno». Indica un essere personale che ci tormenta. Gesù ci ha insegnato a
chiedere ogni giorno questa liberazione perché il suo potere non ci domini.
161.
Non pensiamo dunque che sia un mito, una rappresentazione, un simbolo, una
figura o un’idea.[121] Tale
inganno ci porta ad abbassare la guardia, a trascurarci e a rimanere più
esposti. Lui non ha bisogno di possederci. Ci avvelena con l’odio, con la
tristezza, con l’invidia, con i vizi. E così, mentre riduciamo le difese, lui
ne approfitta per distruggere la nostra vita, le nostre famiglie e le nostre
comunità, perché «come leone ruggente va in giro cercando chi divorare» (1
Pt 5,8).
162.
La Parola di Dio ci invita esplicitamente a «resistere alle insidie del
diavolo» (Ef 6,11) e a fermare «tutte le frecce infuocate del maligno»
(Ef 6,16). Non sono parole poetiche, perché anche il nostro cammino verso
la santità è una lotta costante. Chi non voglia riconoscerlo si vedrà esposto
al fallimento o alla mediocrità. Per il combattimento abbiamo le potenti armi
che il Signore ci dà: la fede che si esprime nella preghiera, la meditazione
della Parola di Dio, la celebrazione della Messa, l’adorazione eucaristica, la
Riconciliazione sacramentale, le opere di carità, la vita comunitaria,
l’impegno missionario. Se ci trascuriamo ci sedurranno facilmente le false
promesse del male, perché, come diceva il santo sacerdote Brochero: «Che
importa che Lucifero prometta di liberarvi e anzi vi getti in mezzo a tutti i
suoi beni, se sono beni ingannevoli, se sono beni avvelenati?».[122]
163.
In questo cammino, lo sviluppo del bene, la maturazione spirituale e la
crescita dell’amore sono il miglior contrappeso nei confronti del male. Nessuno
resiste se sceglie di indugiare in un punto morto, se si accontenta di poco, se
smette di sognare di offrire al Signore una dedizione più bella. Peggio ancora
se cade in un senso di sconfitta, perché «chi comincia senza fiducia ha perso
in anticipo metà della battaglia e sotterra i propri talenti. […] Il trionfo
cristiano è sempre una croce, ma una croce che al tempo stesso è vessillo di
vittoria, che si porta con una tenerezza combattiva contro gli assalti del
male».[123]
164.
Il cammino della santità è una fonte di pace e di gioia che lo Spirito ci dona,
ma nello stesso tempo richiede che stiamo con “le lampade accese”
(cfr Lc 12,35) e rimaniamo attenti: «Astenetevi da ogni specie di male»
(1 Ts 5,22); «vegliate» (cfr Mc 13,35;Mt 24,42); non
addormentiamoci (cfr 1 Ts 5,6). Perché coloro che non si accorgono di
commettere gravi mancanze contro la Legge di Dio possono lasciarsi andare ad
una specie di stordimento o torpore. Dato che non trovano niente di grave da
rimproverarsi, non avvertono quella tiepidezza che a poco a poco si va
impossessando della loro vita spirituale e finiscono per logorarsi e
corrompersi.
165.
La corruzione spirituale è peggiore della caduta di un peccatore, perché si
tratta di una cecità comoda e autosufficiente dove alla fine tutto sembra
lecito: l’inganno, la calunnia, l’egoismo e tante sottili forme di
autoreferenzialità, poiché «anche Satana si maschera da angelo della luce» (2
Cor 11,14). Così terminò i suoi giorni Salomone, mentre il gran peccatore
Davide seppe superare la sua miseria. In un passo Gesù ci ha avvertito circa
questa tentazione insidiosa che ci fa scivolare verso la corruzione: parla di
una persona liberata dal demonio che, pensando che la sua vita fosse ormai
pulita, finì posseduta da altri sette spiriti maligni (cfrLc 11,24-26). Un
altro testo biblico usa un’immagine forte: «Il cane è tornato al suo vomito» (2
Pt 2,22; cfr Pro 26,11).
166.
Come sapere se una cosa viene dallo Spirito Santo o se deriva dallo spirito del
mondo o dallo spirito del diavolo? L’unico modo è il discernimento, che
non richiede solo una buona capacità di ragionare e di senso comune, è anche un
dono che bisogna chiedere. Se lo chiediamo con fiducia allo Spirito Santo, e
allo stesso tempo ci sforziamo di coltivarlo con la preghiera, la riflessione,
la lettura e il buon consiglio, sicuramente potremo crescere in questa capacità
spirituale.
167.
Al giorno d’oggi l’attitudine al discernimento è diventata particolarmente
necessaria. Infatti la vita attuale offre enormi possibilità di azione e di
distrazione e il mondo le presenta come se fossero tutte valide e buone. Tutti,
ma specialmente i giovani, sono esposti a uno zapping costante. È
possibile navigare su due o tre schermi simultaneamente e interagire nello
stesso tempo in diversi scenari virtuali. Senza la sapienza del discernimento
possiamo trasformarci facilmente in burattini alla mercé delle tendenze del
momento.
168.
Questo risulta particolarmente importante quando compare una novità nella
propria vita, e dunque bisogna discernere se sia il vino nuovo che viene da Dio
o una novità ingannatrice dello spirito del mondo o dello spirito del diavolo.
In altre occasioni succede il contrario, perché le forze del male ci inducono a
non cambiare, a lasciare le cose come stanno, a scegliere l’immobilismo e la
rigidità, e allora impediamo che agisca il soffio dello Spirito. Siamo liberi,
con la libertà di Gesù, ma Egli ci chiama a esaminare quello che c’è dentro di
noi – desideri, angustie, timori, attese – e quello che accade fuori di noi – i
“segni dei tempi” – per riconoscere le vie della libertà piena: «Vagliate ogni
cosa e tenete ciò che è buono» (1 Ts 5,21).
169.
Il discernimento è necessario non solo in momenti straordinari, o quando
bisogna risolvere problemi gravi, oppure quando si deve prendere una decisione
cruciale. È uno strumento di lotta per seguire meglio il Signore. Ci serve
sempre: per essere capaci di riconoscere i tempi di Dio e la sua grazia, per
non sprecare le ispirazioni del Signore, per non lasciar cadere il suo invito a
crescere. Molte volte questo si gioca nelle piccole cose, in ciò che
sembra irrilevante, perché la magnanimità si rivela nelle cose semplici e
quotidiane.[124] Si
tratta di non avere limiti per la grandezza, per il meglio e il più bello, ma
nello stesso tempo di concentrarsi sul piccolo, sull’impegno di oggi. Pertanto
chiedo a tutti i cristiani di non tralasciare di fare ogni giorno, in dialogo
con il Signore che ci ama, un sincero esame di coscienza. Al tempo stesso, il
discernimento ci conduce a riconoscere i mezzi concreti che il Signore predispone
nel suo misterioso piano di amore, perché non ci fermiamo solo alle buone
intenzioni.
170.
È vero che il discernimento spirituale non esclude gli apporti delle sapienze
umane, esistenziali, psicologiche, sociologiche o morali. Però le trascende. E
neppure gli bastano le sagge norme della Chiesa. Ricordiamo sempre che il
discernimento è una grazia. Anche se include la ragione e la prudenza, le
supera, perché si tratta di intravedere il mistero del progetto unico e
irripetibile che Dio ha per ciascuno e che si realizza in mezzo ai più svariati
contesti e limiti. Non è in gioco solo un benessere temporale, né la
soddisfazione di fare qualcosa di utile, e nemmeno il desiderio di avere la
coscienza tranquilla. È in gioco il senso della mia vita davanti al Padre che
mi conosce e mi ama, quello vero, per il quale io possa dare la mia esistenza,
e che nessuno conosce meglio di Lui. Il discernimento, insomma, conduce alla
fonte stessa della vita che non muore, cioè «che conoscano te, l’unico vero
Dio, e colui che hai mandato, Gesù Cristo» (Gv 17,3). Non richiede
capacità speciali né è riservato ai più intelligenti e istruiti, e il Padre si
manifesta con piacere agli umili (cfr Mt 11,25).
171.
Anche se il Signore ci parla in modi assai diversi durante il nostro lavoro,
attraverso gli altri e in ogni momento, non è possibile prescindere dal
silenzio della preghiera prolungata per percepire meglio quel linguaggio, per
interpretare il significato reale delle ispirazioni che pensiamo di aver
ricevuto, per calmare le ansie e ricomporre l’insieme della propria esistenza
alla luce di Dio. Così possiamo permettere la nascita di quella nuova sintesi
che scaturisce dalla vita illuminata dallo Spirito.
172.
Tuttavia potrebbe capitare che nella preghiera stessa evitiamo di disporci al
confronto con la libertà dello Spirito, che agisce come vuole. Occorre
ricordare che il discernimento orante richiede di partire da una disposizione
ad ascoltare: il Signore, gli altri, la realtà stessa che sempre ci interpella
in nuovi modi. Solamente chi è disposto ad ascoltare ha la libertà di
rinunciare al proprio punto di vista parziale e insufficiente, alle proprie
abitudini, ai propri schemi. Così è realmente disponibile ad accogliere una
chiamata che rompe le sue sicurezze ma che lo porta a una vita migliore, perché
non basta che tutto vada bene, che tutto sia tranquillo. Può essere che Dio ci
stia offrendo qualcosa di più, e nella nostra pigra distrazione non lo
riconosciamo.
173.
Tale atteggiamento di ascolto implica, naturalmente, obbedienza al Vangelo come
ultimo criterio, ma anche al Magistero che lo custodisce, cercando di trovare
nel tesoro della Chiesa ciò che può essere più fecondo per l’oggi della
salvezza. Non si tratta di applicare ricette o di ripetere il passato, poiché
le medesime soluzioni non sono valide in tutte le circostanze e quello che era
utile in un contesto può non esserlo in un altro. Il discernimento degli
spiriti ci libera dalla rigidità, che non ha spazio davanti al perenne oggi del
Risorto. Unicamente lo Spirito sa penetrare nelle pieghe più oscure della
realtà e tenere conto di tutte le sue sfumature, perché emerga con altra luce
la novità del Vangelo.
La
logica del dono e della croce
174.
Una condizione essenziale per il progresso nel discernimento è educarsi alla
pazienza di Dio e ai suoi tempi, che non sono mai i nostri. Lui non fa
“scendere fuoco sopra gli infedeli” (cfr Lc 9,54), né permette agli
zelanti di “raccogliere la zizzania” che cresce insieme al grano (cfr Mt 13,29).
Inoltre si richiede generosità, perché «si è più beati nel dare che nel
ricevere» (At 20,35). Non si fa discernimento per scoprire cos’altro
possiamo ricavare da questa vita, ma per riconoscere come possiamo compiere
meglio la missione che ci è stata affidata nel Battesimo, e ciò implica essere
disposti a rinunce fino a dare tutto. Infatti, la felicità è paradossale e ci
regala le migliori esperienze quando accettiamo quella logica misteriosa che
non è di questo mondo. Come diceva san Bonaventura riferendosi alla croce:
«Questa è la nostra logica».[125] Se
uno assume questa dinamica, allora non lascia anestetizzare la propria
coscienza e si apre generosamente al discernimento.
175.
Quando scrutiamo davanti a Dio le strade della vita, non ci sono spazi che
restino esclusi. In tutti gli aspetti dell’esistenza possiamo continuare a
crescere e offrire a Dio qualcosa di più, perfino in quelli nei quali
sperimentiamo le difficoltà più forti. Ma occorre chiedere allo Spirito Santo
che ci liberi e che scacci quella paura che ci porta a vietargli l’ingresso in
alcuni aspetti della nostra vita. Colui che chiede tutto dà anche tutto, e non
vuole entrare in noi per mutilare o indebolire, ma per dare pienezza. Questo ci
fa vedere che il discernimento non è un’autoanalisi presuntuosa, una
introspezione egoista, ma una vera uscita da noi stessi verso il mistero di
Dio, che ci aiuta a vivere la missione alla quale ci ha chiamato per il bene
dei fratelli.
* * *
176.
Desidero che Maria coroni queste riflessioni, perché lei ha vissuto come nessun
altro le Beatitudini di Gesù. Ella è colei che trasaliva di gioia alla presenza
di Dio, colei che conservava tutto nel suo cuore e che si è lasciata
attraversare dalla spada. È la santa tra i santi, la più benedetta, colei che
ci mostra la via della santità e ci accompagna. Lei non accetta che quando
cadiamo rimaniamo a terra e a volte ci porta in braccio senza giudicarci.
Conversare con lei ci consola, ci libera e ci santifica. La Madre non ha
bisogno di tante parole, non le serve che ci sforziamo troppo per spiegarle
quello che ci succede. Basta sussurrare ancora e ancora: «Ave o Maria…».
177.
Spero che queste pagine siano utili perché tutta la Chiesa si dedichi a
promuovere il desiderio della santità. Chiediamo che lo Spirito Santo infonda
in noi un intenso desiderio di essere santi per la maggior gloria di Dio e
incoraggiamoci a vicenda in questo proposito. Così condivideremo una felicità
che il mondo non ci potrà togliere.
Dato a Roma, presso San
Pietro, il 19 marzo, Solennità di San Giuseppe, dell’anno 2018, sesto del mio
Pontificato.
Francesco
[1] Benedetto
XVI, Omelia
per il solenne inizio del ministero petrino (24 aprile
2005): AAS 97 (2005), 708.
[2] In
ogni caso suppone che vi sia fama di santità e un esercizio, almeno in grado
ordinario, delle virtù cristiane: cfr Lett. ap. in forma di Motu proprio Maiorem
hac dilectionem (11 luglio 2017), art. 2c: L’Osservatore Romano,
12 luglio 2017, p. 8.
[3] Conc.
Ecum. Vat. II, Cost. dogm. Lumen
gentium, 9.
[4] Cfr
Joseph Malègue, Pierres noires. Les classes moyennes du Salut, Paris 1958.
[5] Conc.
Ecum. Vat. II, Cost. dogm. Lumen
gentium, 12.
[6] Verborgenes
Leben und Epiphanie: GW XI, 145.
[7] S.
Giovanni Paolo II, Lett. ap. Novo
millennio ineunte (6 gennaio 2001), 56: AAS 93 (2001), 307.
[8] Lett.
ap. Tertio
millennio adveniente (10 novembre 1994), 37: AAS 87 (1995),
29.
[9] Omelia
nella Commemorazione ecumenica dei testimoni della fede del secolo XX (7
maggio 2000), 5: AAS 92 (2000), 680-681.
[10] Cost.
dogm. Lumen
gentium, 11.
[11] Cfr
Hans U. Von Balthasar, “Teología y santidad”, Communio VI/87, 489.
[12] Cantico
spirituale B, Prologo, 2: Opere, Roma 1979, 490.
[13] Cfr ibid.,
14, 2: p. 575.
[14] Cfr Catechesi nell’Udienza
generale del 19 novembre 2014: Insegnamenti II, 2 (2014), 555.
[15] S.
Francesco di Sales, Trattato dell’amore di Dio, VIII, 11: Opere
complete di Francesco di Sales, IV, Roma 2011, 468.
[16] Cinque
pani e due pesci. Dalla sofferenza del carcere una gioiosa testimonianza di
fede, Milano 2014, 20.
[17] Conferenza
dei Vescovi cattolici della Nuova Zelanda, Healing love, 1 gennaio 1988.
[18] Cfr Esercizi
spirituali, 102-312.
[19] Catechismo
della Chiesa Cattolica, 515.
[24] Benedetto
XVI, Catechesi nell’Udienza
generale del 13 aprile 2011: Insegnamenti VII (2011), 451.
[26] Cfr
Hans U. Von Balthasar, “Teología y santidad”, Communio VI/87,
486-493.
[27] Xavier
Zubiri, Naturaleza, historia, Dios, Madrid 19993, 427.
[28] Carlo
M. Martini, Le confessioni di Pietro, Cinisello Balsamo 2017, 69.
[29] Bisogna
distinguere questo svago superficiale da una sana cultura dell’ozio, che ci
apre all’altro e alla realtà con uno spirito disponibile e contemplativo.
[30] S.
Giovanni Paolo II, Omelia
nella Messa di canonizzazione (1 ottobre 2000), 5: AAS 92
(2000), 852.
[31] Conferenza
Episcopale Regionale dell’Africa Occidentale, Messaggio pastorale al
termine della II Assemblea plenaria, 29 febbraio 2016, 2.
[32] La
donna povera, Reggio Emilia 1978, 375.
[33] Cfr Congregazione
per la Dottrina della Fede, Lett. Placuit
Deo ai Vescovi della Chiesa Cattolica su alcuni aspetti della salvezza
cristiana (22 febbraio 2018), 4: L’Osservatore Romano, 2 marzo
2018, pp. 4-5: «Sia l’individualismo neo-pelagiano che il disprezzo
neo-gnostico del corpo sfigurano la confessione di fede in Cristo, Salvatore
unico e universale». In questo documento si trovano le basi dottrinali per la
comprensione della salvezza cristiana in riferimento alle derive neo-gnostiche
e neo-pelagiane odierne.
[34] Esort.
ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), 94: AAS 105 (2013), 1060.
[35] Ibid.: AAS 105
(2013), 1059.
[36] Omelia
nella Messa a Casa S. Marta, 11 novembre 2016: L’Osservatore Romano,
12 novembre 2016, p. 8.
[37] Come
insegna san Bonaventura, «è necessario che si abbandonino tutte le operazioni
dell’intelletto, e che l’apice dell’affetto sia per intero trasportato e
trasformato in Dio. […] Siccome ad ottenere questo, nulla può la natura e poco
la scienza, bisogna dare poco peso all’indagine e molto all’unzione spirituale;
poco alla lingua e moltissimo alla gioia interiore; poco alle parole e ai
libri, e tutto al dono di Dio, cioè allo Spirito Santo; poco o niente alla
creatura, e tutto all’essenza creatrice, al Padre, al Figlio e allo Spirito
Santo» (Itinerario della mente in Dio, VII, 4-5).
[38] Lettera
al Gran Cancelliere della Pontificia Università Cattolica Argentina per il
centenario della Facoltà di Teologia (3 marzo
2015): L’Osservatore Romano, 9-10 marzo 2015, p. 6.
[39] Esort.
ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), 40: AAS 105 (2013), 1037.
[40] Videomessaggio
al congresso internazionale di Teologia della Pontificia Università Cattolica
Argentina (1-3
settembre 2015):AAS 107 (2015), 980.
[41] Esort.
ap. postsin. Vita
consecrata (25 marzo 1996), 38: AAS 88 (1996), 412.
[42] Lettera
al Gran Cancelliere della Pontificia Università Cattolica Argentina per il
centenario della Facoltà di Teologia (3 marzo
2015): L’Osservatore Romano, 9-10 marzo 2015, p. 6.
[43] Lettera
a Frate Antonio, 2: FF 251.
[44] Sui
sette doni dello Spirito Santo, 9, 15.
[45] Id., Commento
al Libro IV delle Sentenze, 37, 1, 3, ad 6.
[46] Esort.
ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), 94: AAS 105 (2013), 1059.
[47] Cfr
S. Bonaventura, Le sei ali dei Serafini, 3, 8: «Non omnes omnia possunt».
Va inteso nella linea del Catechismo della Chiesa Cattolica, 1735.
[48] Cfr
S. Tommaso d’Aquino, Summa Theologiae, I-II, 109, 9, ad 1: «Adesso,
tuttavia, la grazia è in certo qual modo imperfetta perché – come si è detto –
non risana l’uomo totalmente».
[49] La
natura e la grazia, 43, 50: PL 44, 271.
[50] Le
confessioni, 10, 29, 40: PL 32, 796.
[51] Cfr
Esort. ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), 44: AAS 105 (2013), 1038.
[52] Nella
comprensione della fede cristiana, la grazia è preveniente, concomitante e
susseguente ogni nostro agire (cfr Conc. Ecum. di Trento, Sess. VI, Decr.
de iustificatione, cap. 5: DH, 1525).
[53] Omelie
sulla Lettera ai Romani, 9, 11: PG 60, 470.
[54] Omelia
sull’umiltà: PG 31, 530.
[55] Canone
4: DH 374.
[56] Sess.
VI, Decretum de iustificatione, cap. 8: DH 1532.
[57] N.
1998.
[58] Ibid.,
2007.
[59] S.
Tommaso d’Aquino, Summa Theologiae, I-II, 114, 5.
[60] S.
Teresa di Gesù Bambino, “Offerta di me stessa come Vittima d’Olocausto
all’Amore Misericordioso del Buon Dio” (Preghiere, 6): Opere complete,
Roma 1997, 943.
[61] Lucio
Gera, “Sobre el misterio del pobre”, in P. Grelot-L. Gera-A. Dumas, El
Pobre, Buenos Aires 1962, 103.
[62] Questa
è, in definitiva, la dottrina cattolica circa il “merito” successivo alla
giustificazione: si tratta della cooperazione del giustificato per la crescita
della vita di grazia (cfr Catechismo
della Chiesa Cattolica, 2010). Ma questa cooperazione in nessun modo fa sì
che la giustificazione stessa e l’amicizia con Dio diventino oggetto di un
merito umano.
[63] Cfr
Esort. ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), 95: AAS 105 (2013), 1060.
[64] Cfr Summa
Theologiae, I-II, q. 107, art. 4.
[65] Omelia
nella Messa in occasione del Giubileo delle persone socialmente escluse, 13
novembre 2016: L’Osservatore Romano, 14-15 novembre 2016, p. 8.
[66] Cfr Omelia
nella Messa a Casa S. Marta, 9 giugno 2014: L’Osservatore Romano, 10
giugno 2014, p. 8.
[67] L’ordine
tra la seconda e la terza beatitudine varia nelle diverse tradizioni testuali.
[68] Esercizi
spirituali, 23d: Roma 19846, 58-59.
[69] Manoscritto
C, 12r: Opere complete, Roma 1997, 247.
[70] Dai
tempi patristici la Chiesa apprezza il dono delle lacrime, come si riscontra
anche nella bella preghiera “Ad petendam compunctionem cordis”: «O Dio
onnipotente e mitissimo, che hai fatto scaturire dalla roccia una fonte d’acqua
viva per il popolo assetato, fa’ sgorgare dalla durezza del nostro cuore
lacrime di pentimento, affinché possiamo piangere i nostri peccati e meritare,
per tua misericordia, la loro remissione» (Missale Romanum, ed. typ. 1962, p.
[110]).
[71] Catechismo
della Chiesa Cattolica, 1789; cfr 1970.
[73] La
diffamazione e la calunnia sono come un atto terroristico: si lancia la bomba,
si distrugge, e l’attentatore se ne va felice e tranquillo. Questo è molto
diverso dalla nobiltà di chi si avvicina per parlare faccia a faccia, con
serena sincerità, pensando al bene dell’altro.
[74] In
certe occasioni può essere necessario parlare delle difficoltà di qualche
fratello. In questi casi può succedere che si trasmetta un’interpretazione
invece di un fatto obiettivo. La passione deforma la realtà concreta del fatto,
lo trasforma in interpretazione e alla fine la trasmette carica di
soggettività. Così si distrugge la realtà e non si rispetta la verità
dell’altro.
[75] Esort.
ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), 218: AAS 105
(2013), 1110.
[76] Ibid.,
239: 1116.
[78] Lett.
enc. Centesimus
annus (1 maggio 1991), 41c: AAS 83 (1991), 844-845.
[79] Lett.
ap. Novo
millennio ineunte (6 gennaio 2001), 49: AAS 93 (2001), 302.
[81] Bolla Misericordiae
Vultus (11 aprile 2015), 12: AAS 107 (2015), 407.
[82] Ricordiamo
la reazione del buon samaritano davanti all’uomo che i briganti avevano
lasciato mezzo morto sul bordo della strada (cfr Lc 10,30-37).
[83] Conferenza
Canadese dei Vescovi Cattolici - Commissione per gli Affari Sociali, Lettera
aperta ai membri del Parlamento, The Common Good or Exclusion: A Choice for
Canadians (1 febbraio 2001), 9.
[84] La
V Conferenza Generale dell’Episcopato Latinoamericano e dei Caraibi, secondo il
costante magistero della Chiesa, ha insegnato che l’essere umano «è sempre
sacro, dal suo concepimento, in tutte le fasi della sua esistenza, fino
alla sua morte naturale e dopo la morte», e che la sua vita deve essere
protetta «dal concepimento, in tutte le sue fasi, fino alla morte naturale»
(Documento di Aparecida, 29 giugno 2007, 388; 464).
[85] Regola,
53, 1: PL 66, 749.
[86] Cfr ibid.,
53, 7: PL 66, 750.
[87] Ibid.,
53, 15: PL 66, 751.
[88] Bolla Misericordiae
Vultus (11 aprile 2015), 9: AAS 107 (2015), 405.
[89] Ibid., 10: AAS 107
(2015), 406.
[90] Esort.
ap. postsin. Amoris
laetitia (19 marzo 2016), 311: AAS 108 (2016), 439.
[91] Esort.
ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), 197: AAS 105 (2013), 1103.
[92] Cfr Summa
Theologiae, II-II, q. 30, a. 4.
[93] Ibid.,
ad 1.
[94] Cristo
en los Pobres, Madrid 1981, 37-38.
[95] Ci
sono parecchie forme di bullismo che, pur apparendo eleganti e rispettose e
addirittura molto spirituali, provocano tanta sofferenza nell’autostima degli
altri.
[96] Cautele,
13: Opere, Roma 19794, 1070.
[97] Ibid.
[98] La
Misericordia Divina nella mia anima. Diario della beata Suor Faustina Kowalska,
Città del Vaticano 1996, 132.
[99] S.
Tommaso d’Aquino, Summa Theologiae, I-II, q. 70, a. 3.
[100] Esort.
ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), 6: AAS 105 (2013), 1221.
[101] Raccomando
di recitare la preghiera attribuita a san Tommaso Moro: «Dammi, Signore, una
buona digestione, e anche qualcosa da digerire. Dammi la salute del corpo, con
il buon umore necessario per mantenerla. Dammi, Signore, un’anima santa che
sappia far tesoro di ciò che è buono e puro, e non si spaventi davanti al
peccato, ma piuttosto trovi il modo di rimettere le cose a posto. Dammi
un’anima che non conosca la noia, i brontolamenti, i sospiri e i lamenti, e non
permettere che mi crucci eccessivamente per quella cosa tanto ingombrante che
si chiama “io”. Dammi, Signore, il senso dell’umorismo. Fammi la grazia di
capire gli scherzi, perché abbia nella vita un po’ di gioia e possa comunicarla
agli altri. Così sia».
[102] Esort.
ap. postsin. Amoris
laetitia (19 marzo 2016), 110: AAS 108 (2016), 354.
[103] Esort.
ap. Evangelii
nuntiandi (8 dicembre 1975), 80: AAS 68 (1976), 73. E’
interessante osservare che in questo testo il beato Paolo VI lega intimamente
la gioia alla parresia. Così come lamenta «la mancanza di gioia e di
speranza», esalta la «dolce e confortante gioia di evangelizzare» che è unita a
uno «slancio interiore che nessuno, né alcuna cosa potrà spegnere», affinché il
mondo non riceva il Vangelo «da evangelizzatori tristi e
scoraggiati». Durante l’Anno Santo del 1975, lo stesso Paolo VI dedicò
alla gioia l’Esortazione apostolica Gaudete
in Domino (9 maggio 1975): AAS 67 (1975), 289-322.
[104] Cautele,
15: Opere, Roma 19794, 1072.
[105] S.
Giovanni Paolo II, Esort. ap. postsin. Vita
consecrata (25 marzo 1996), 42: AAS 88 (1996), 416.
[106] Confessioni,
IX, 10, 23-25: PL 32, 773-775.
[107] Ricordo
in modo speciale le tre parole-chiave “permesso, grazie, scusa”, perché «le
parole adatte, dette al momento giusto, proteggono e alimentano l’amore giorno
dopo giorno» (Esort. ap. postsin. Amoris
laetitia, 19 marzo 2016, 133: AAS 108 [2016], 363).
[108] S.
Teresa di Gesù Bambino, Manoscritto C, 29 v-30r: Opere complete, Roma
1997, 269.
[109] Gradi
di perfezione, 2: Opere, Roma 19794, 1079.
[110] Id., Consigli
per raggiungere la perfezione, 9: Opere, cit., 1078.
[111] Vita
di S. Teresa di Gesù scritta da lei stessa, 8, 5: Opere, Roma 1981, 95.
[112] S.
Giovanni Paolo II, Lett. ap. Orientale
lumen (2 maggio 1995), 16: AAS 87 (1995), 762.
[113] Discorso
al V Convegno nazionale della Chiesa italiana, Firenze, 10 novembre
2015: AAS 107 (2015), 1284.
[114] Cfr
S. Bernardo, Discorsi sul Cantico dei Cantici 61, 3-5: PL 183,
1071-1073.
[115] Racconti
di un pellegrino russo, Milano 19793, 41; 129.
[116] Cfr Esercizi
spirituali, 230-237.
[117] Lettera
a Enrico de Castries, 14 agosto 1901: Charles de Foucauld, Opere spirituali.
Antologia, Roma 19835, 623.
[118] V
Conferenza Generale dell’Episcopato Latinoamericano e dei
Caraibi, Documento di Aparecida (29 giugno 2007), 259.
[119] Conferenza
dei Vescovi Cattolici dell’India, Dichiarazione finale della XXI Assemblea
plenaria (18 febbraio 2009), 3.2.
[120] Cfr Omelia
nella Messa a Casa S. Marta, 11 ottobre 2013: L’Osservatore Romano, 12
ottobre 2013, p. 12.
[121] Cfr
B. Paolo VI, Catechesi nell’Udienza
generale del 15 novembre 1972: Insegnamenti X [1972], 1168-1170:
«Uno dei bisogni maggiori è la difesa da quel male, che chiamiamo il Demonio.
[…] Il male non è più soltanto una deficienza, ma un’efficienza, un essere
vivo, spirituale, pervertito e pervertitore. Terribile realtà. Misteriosa e
paurosa. Esce dal quadro dell’insegnamento biblico ed ecclesiastico chi si
rifiuta di riconoscerla esistente; ovvero chi ne fa un principio a sé stante,
non avente essa pure, come ogni creatura, origine da Dio; oppure la spiega come
una pseudo-realtà, una personificazione concettuale e fantastica delle cause
ignote dei nostri malanni».
[122] S.
José Gabriel del Rosario Brochero, Predica delle bandiere, in Conferenza
Episcopale Argentina, El Cura Brochero. Cartas y sermones, Buenos Aires
1999, 71.
[123] Esort.
ap. Evangelii
gaudium (24 novembre 2013), 85: AAS 105 (2013), 1056.
[124] Sulla
tomba di sant’Ignazio di Loyola si trova questo saggio epitaffio: «Non coerceri
a maximo, contineri tamen a minimo divinum est» (Non aver nulla di più grande
che ti limiti, e tuttavia stare dentro ciò che è più piccolo: questo è divino).
[125] Sull’Hexaemeron,
1, 30.
© Copyright - Libreria
Editrice Vaticana