Saint Gérard Majella
Rédemptoriste (+ 1755)
Frère dans le congrégation religieuse des Rédemptoristes, fondée par saint Alphonse de Liguori.
Il a douze ans lorsque meurt son père et il devient alors soutien de famille et apprenti-tailleur. C'est loin d'être la richesse et il se prive souvent de son propre pain pour le donner à ses sœurs affamées. Il avait décidé de faire en toutes choses «la belle volonté de Dieu». Ce qu'il réalisa et que Dieu reconnut en lui donnant de faire d'étonnants miracles.
À Muro Lucano en Basilicate, l'an 1755, saint Gérard Majella, religieux
rédemptoriste, qui, saisi d'un élan d'amour pour Dieu, embrassa, partout où il
passa, un genre de vie très sévère et, consumé par la zèle de Dieu et des âmes,
mourut saintement, encore jeune.
Martyrologe romain
SOURCE : https://nominis.cef.fr/contenus/saint/8551/Saint-G%C3%A9rard-Majella.html
Saint Gérard Majella
Frère convers
Rédemptoriste
(1726-1755)
Ce jeune saint religieux
est certainement un des Saints les plus merveilleux de l'époque moderne; sa vie
est du plus palpitant intérêt. Fils d'un humble artisan, prévenu dès l'enfance
de grâces extraordinaires, conduit par son bon ange à un sanctuaire de Marie,
il vit l'Enfant Jésus lui sourire et quitter Sa Mère pour jouer avec lui. La
Sainte Vierge lui donnait parfois un petit pain blanc. Il ne trouvait de
bonheur, à l'âge de huit ans, qu'auprès du Tabernacle.
A douze ans, placé chez
un tailleur, il vivait tout absorbé en Dieu, faisait d'étonnants miracles,
était déjà possédé de la folie de la Croix, et vivait presque sans manger tout
nourri qu'il était de l'amour de Dieu.
À vingt-trois ans, il
entra dans la congrégation du Saint-Rédempteur, où, dès son noviciat, on le vit
pratiquer à un degré héroïque toutes les vertus religieuses. La place de
sacristain, qui lui fut confiée, lui donna occasion de satisfaire sa dévotion;
un seul regard sur Jésus crucifié le faisait entrer en extase.
Pas une page de sa vie
qui ne soit un composé de merveilles, toutes tendant à la gloire de Dieu et
motivées par une prodigieuse charité envers le prochain. Ses supérieurs en
vinrent à lui défendre de faire des miracles; et un jour qu'il vit un maçon
tomber d'un échafaudage, il lui ordonna de s'arrêter en sa chute en attendant
qu'il eût la permission de le sauver. L'avenir semblait n'avoir pas de secrets
pour lui. Thaumaturge pendant sa vie, il l'est devenu encore bien plus depuis
sa mort.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950
SOURCE : http://magnificat.ca/cal/fr/saints/saint_gerard_majella.html
Gérard Majella est
né à Muro en Italie, le 6 avril 1726. À la mort de son père, il apprend le
métier de tailleur. Tout jeune, il est vivement épris d’amour pour le Christ.
Il désire ardemment entrer chez les Rédemptoristes. Il est reçu comme frère, à
Iliceto le 17 mai 1749. Il est attentif à toute personne qui se confie à lui.
De plus, il est un grand apôtre de charité, toujours soucieux de venir en aux
plus démunis. Sa réputation de grand thaumaturge gagne les villages où il
accomplit de nombreux prodiges. Épris de Jésus, il l’était dans toute sa
personne, avec une prédilection pour la méditation et l’oraison.
Il meurt des suites de la
tuberculose en 1755. Il sera canonisé en 1904. Il est le Patron des mères de
famille et des frères rédemptoristes.
« Mon Dieu, je veux mourir pour faire votre volonté. » (Saint Gérard Majella)
SOURCE : http://www.redemptoristes.ca/st-redemptoristes.html
R. P. Alphonse,
C.S.S.R. Un puissant thaumaturge Saint Gérard Majella, Frère Rédemptoriste,
1726-1755, Bar-le-Duc, Imprimerie Saint-Paul, 36, boulevard de la Banque, 36,
1927
CHAPITRE I — Sainteté
précoce. 1723-1738.
CHAPITRE II — Apprenti et
domestique. 1738-1749.
CHAPITRE III — Vocation
religieuse. 1749.
CHAPITRE IV — Le
religieux parfait. 1749-1752.
CHAPITRE V — Puissance
d'une âme humble.
CHAPITRE VI — Quêteur et
apôtre. Juillet 1752 — Juin 1753.
CHAPITRE VII —
Pacificateur et thaumaturge. Juin 1753. — Mars 1754.
CHAPITRE VIII — Le
pèlerinage du Mont Gargan. Septembre 1753.
CHAPITRE IX — La grande
épreuve. Avril-Juillet 1754.
CHAPITRE X — Saint Gérard
à Naples. Juillet-Novembre 1754.
CHAPITRE XI —Le Père des
pauvres. Novembre 1754. — Mars 1755.
CHAPITRE XII — Nouveaux
miracles. Mars-août 1755.
CHAPITRE XIII — Dons
surnaturels.
CHAPITRE XIV — Aux prises
avec la maladie. Août 1755.
CHAPITRE XV — Au seuil de
l'éternité. Septembre 1755.
CHAPITRE XVI — Les
derniers jours. — Octobre 1755.
CHAPITRE XVII — La
glorification. 1755-1904
CHAPITRE XVIII — Mission
posthume.
PRÉFACE
SAINT GÉRARD était un
enfant du peuple, un petit ouvrier, qui brilla dans un ordre apostolique, alors
de fondation récente. La grande loi de cette famille religieuse était
l'imitation de Jésus-Christ. Gérard s'appliqua énergiquement à reproduire en
son âme l'image de Jésus obéissant, de Jésus homme de douleur, de Jésus ami des
pauvres et distributeur des miséricordes. Bien qu'il n'eût pas été destiné aux
honneurs du sacerdoce, il devint un grand convertisseur d'âmes. Dieu l'investit
d'une puissance vraiment extraordinaire, et sa vie est un tissu de merveilles.
Le récit de ces prodiges
rappelle le grand thaumaturge du moyen âge, saint Antoine de Padoue, qui
parcourut la France et l'Italie en semant les miracles.
Il semble qu'en comblant
l'humble Gérard de ses faveurs inouïes, la Providence ait voulu mettre en
relief le mérite trop ignoré de la vie humble et cachée dans laquelle le
religieux, sans être prêtre, se voue au service du prêtre, par amour pour le
Rédempteur et les âmes.
Nous offrons aux fidèles
une courte biographie de cet ami privilégié de Dieu, qui devint, surtout depuis
sa béatification, un des saints les plus populaires de l'Eglise. Ces pages sont
puisées aux documents les plus authentiques et s'inspirent surtout de la Vie
publiée en italien par le R. P. Benedetti, postulateur de la cause de
béatification et de canonisation de saint Gérard. L'éminent hagiographe avait
entre les mains les témoignages juridiques des contemporains, les dépositions
aux procès ordinaires et au procès apostolique, les discussions officielles sur
les miracles opérés par Gérard durant sa vie et après sa mort.
Nous avons aussi consulté
avec fruit deux Vies de saint Gérard écrites en français, l'une par le R. P.
Dunoyer, et l'autre par le R. P. Saint-Omer (Vie de saint Gérard, par le K. P.
Dunoyer, 454 pages, avec 6 gravures hors texte. 6, rue Cassette, Paris, — et
bureaux de l'Apôtre du Foyer, 2, rue du Biaillon, St-Etienne (Loire) ; Saint
Gérard, par le R. P. Saint-Omer, 200 pages et 17 gravures. Société de
St-Augustin, Paris, Lille, Bruges.), l'une et l'autre très répandues en France,
en Belgique et au Canada.
A la suite de ces deux
belles biographies, puisse notre opuscule augmenter encore le nombre des
chrétiens qui sollicitent l'intercession du grand thaumaturge, mais surtout qui
imitent les vertus de cet ami de prédilection du divin Rédempteur !
CHAPITRE I — Sainteté
précoce. 1723-1738.
Patrie et famille. —
L'ami de l'Enfant Jésus. — Communion miraculeuse. — Amour de l'Eucharistie. —
Dévotion à Marie.
SAINT GÉRARD naquit le 23
avril 1726, dans la ville de Muro Lucano. Son père, Dominique Majella, y
exerçait le métier de tailleur ; sa mère se nommait Benoîte-Christine Galella.
Il fut baptisé le jour même de sa naissance. Il semble que la grâce du baptême
eût fait taire en lui les instincts de la nature. Il ne pleurait pas, comme les
autres enfants de cet âge. Il ne réclamait pas sa nourriture, et se serait
laissé oublier si l'amour de sa mère n'avait veillé sur lui avec sollicitude.
Dès l'âge de cinq ans, le
petit Gérard mettait sa joie à parer de fleurs un petit autel orné d'images
pieuses, parmi lesquelles celle de l'archange saint Michel tenait une place
d'honneur. Devant cet autel, il imitait les fonctions sacrées, tantôt se
mettant à genoux, tantôt faisant de profondes inclinations, tantôt se frappant
la poitrine, ou chantant de pieux cantiques. Pour jouir de ce gracieux
spectacle, sa mère et des personnes du voisinage l'épiaient par le trou de la
serrure et l'observaient quand il remplissait ces pieuses cérémonies.
Les témoignages du procès
de sa béatification assurent que Gérard, âgé de six ans, se rendit seul, sous
la conduite de son bon ange, à Capotignano, non loin de Muro, dans une chapelle
où l'on vénère une statue de la très sainte Vierge, tenant l'Enfant Jésus dans
ses bras. Il en revint, portant un petit pain blanc. Benoîte, sa mère, lui
demanda : « Qui t'a donné ce pain ? — Je l'ai reçu, dit Gérard, d'un beau petit
enfant. » intriguée, sa mère, ainsi que sa soeur aînée, Anne-Elisabeth, le
suivirent de loin, jusqu'à la chapelle : Gérard recevait ce pain des mains de
l'Enfant Jésus. Le divin Enfant quittait les bras de sa mère pour jouer avec
lui !
Les mêmes témoins
rapportent un autre fait de ce genre qui arriva dans le jardin de la famille De
Cillis. Gérard y avait réuni ses petits camarades, et les faisait marcher en
procession. Tout à coup, il s'arrête, ramasse deux morceaux de bois et en forme
une croix qu'il fixe au tronc d'un amandier. « A genoux, mes amis,
s'écrie-t-il, vénérons et adorons la sainte croix ! » Les enfants, comme s'ils
obéissaient à un ordre du ciel, se prosternent et prient de tout leur coeur.
Subitement, l'arbre resplendit comme un autel chargé de flambeaux allumés. La
clarté se répand bien au delà du parc et les habitants du voisinage en sont
éblouis. Bientôt, l'Enfant Jésus apparaît dans la ramure de l'amandier. Puis,
descendant de son trône improvisé, il s'approche de Gérard et lui présente,
comme dans la chapelle de Capotignano, un joli petit pain blanc.
Devenu plus grand, Gérard
fut envoyé à l'école de la ville. Il apprit bien vite à lire, à écrire et à
calculer. Pendant la classe, il se tenait immobile, tout yeux et tout oreilles
pour les leçons de son maître. Aussi, celui-ci vouait un intérêt affectueux à
cet élève modèle qu'il nommait ses délices. Mais où Gérard appelait sur lui
l'admiration de tous, c'était à l'église. Il s'y tenait constamment à genoux,
dans une attitude recueillie, qui ravissait les âmes et les portait à Dieu.
Quand le prêtre élevait l'hostie sainte, il s'inclinait profondément, le front
à terre. Un matin, pressé par un élan intérieur, il s'approcha avec les autres
fidèles de la Table sainte, pour recevoir l'Eucharistie ; mais comme il n'avait
alors que huit ans, le prêtre passa outre, sans la lui accorder. Gérard se
retira dans un coin de l'église et pleura amèrement.
Ces larmes touchèrent le
coeur de Jésus, qui, la nuit suivante, le fit communier par la main de
l'archange saint Michel. Ce fait est appuyé sur de tels témoignages qu'il est
impossible de le mettre en doute (le lendemain de cette nuit mémorable, Gérard,
avec l'ingénuité de son âge, raconta cette communion miraculeuse devant
plusieurs personnes amies de la famille, entre autres, Emmanuelle Vetromila. —
Plus tard, devenu religieux, et interrogé au nom de l'obéissance, il confirma
la réalité de cette faveur).
Sous l'impression de ces
grâces merveilleuses, l'enfant revenait sans cesse vers le sacrement.de
l'autel, et restait de longues heures près du tabernacle. Dès que la cloche
appelait les fidèles à la visite du soir, il sortait de la maison pour aller à
l'église, et y entraînait les petits camarades qu'il rencontrait.
A cet amour envers
Jésus-Christ, il unissait une grande dévotion envers la Madone : il faisait ses
délices du chant de ses cantiques et de la récitation du chapelet.
Gérard se rendit un jour
(ce sont les enquêtes canoniques qui rapportent ce fait) en pèlerinage au
sanctuaire de la Mater Domini à Caposèle. A peine se fût-il prosterné devant
l'image miraculeuse de la Vierge, qu'il fut ravi en extase. Il semblerait que
la divine Mère se soit alors montrée à lui, et lui ait fait goûter à l'avance
les joies éternelles dans l'endroit même où, plus tard, il devait mourir et
prendre son vol pour le ciel.
L'Hostie miraculeuse,
déposée sur les lèvres de Gérard par la main de saint Michel, avait allumé dans
son coeur un très ardent désir de recevoir de nouveau le Pain des anges ; mais
il dut attendre l'âge de dix ans pour être admis à la première communion. Après
l'avoir reçue, l'enfant resta longtemps immobile : Jésus, en ce jour béni,
l'initia encore plus intimement aux secrets de la contemplation.
Que de fois, le saint
enfant, affamé du pain eucharistique, avait sangloté en voyant les fidèles
s'approcher de la Table sainte! Volontiers, il eût communié chaque matin. Mais,
selon l'usage du temps, on crut d'abord ne pouvoir l'autoriser qu'à deux ou
trois communions par mois. Mais quand on reconnut l'éminente vertu de cet ange
d'innocence, on l'admit à la communion fréquente.
L'enfant se préparait à
ses communions par de longues oraisons et par des mortifications si rigoureuses
que, maintes fois, sa mère et ses soeurs en versaient des larmes. Mais Gérard
croyait toujours n'avoir pas payé assez cher le bonheur de recevoir Jésus, et
les grâces insignes qu'il reçut de Jésus, montrent avec quelle générosité son
divin Ami le payait de retour.
CHAPITRE II — Apprenti et
domestique. 1738-1749.
Le petit tailleur. —
Confirmation. — Serviteur de l'Évêque de Lacédonia. — Amour des pauvres. — La
folie de la croix. — « Fiancé à la Madone. »
LE mystère de l'amour
divin, ici-bas, est inséparable de celui de la souffrance : la vie dé Gérard
sera une preuve continuelle de cette vérité.
Il perdit son père à
l'âge de douze ans. Sa mère le mit en apprentissage chez un tailleur nommé
Martin Pannuto. En raison même de sa piété, le petit apprenti encourut la haine
du contre-maître de l'atelier. Cet homme, au caractère féroce, se moquait de
l'enfant et le battait. a Frappe, disait Gérard, tu as raison. » Et comme les
coups redoublaient : « Je te pardonne, disait-il, pour l'amour de Jésus-Christ.
» Un jour que l'enfant sans défense répondait aux cruautés par un sourire, le
contre-maître furieux voulut savoir si l'apprenti se moquait de lui : « Je
souris, répartit Gérard, parce que la main de Dieu me frappe. »
C'est ainsi qu'à un âge
encore bien tendre, il savait reconnaître la main de Dieu dans les adversités.
Cependant, la persécution prit fin. Pannuto aperçut, un jour, Gérard en extase
pendant qu'il priait à l'église. Vivement ému, il se décida à chasser de son
atelier l'indigne contre-maître. Peu après, le 25 juin 1740, Gérard reçut le
sacrement de la confirmation des mains de Mgr Claude Albini, évêque de
Lacédonia. Le prélat, charmé de l'extraordinaire ferveur de son confirmé,
offrit à Gérard de le prendre à son service. La proposition fut agréée : Gérard
suivit l'évêque, et resta trois ans chez lui. Ce furent, pendant trois ans, de
nouvelles tribulations.
Monseigneur Albini, doué
de remarquables qualités, et très recommandable par ses hautes vertus, était
cependant, il faut l'avouer, enclin à la colère. Il ne ménageait pas les
brusqueries et les reproches immérités ; le saint jeune homme restait docile et
patient; les traits de son visage ne dénotaient jamais la plus légère
contrariété. Aux personnes qui, par pitié, lui conseillaient de quitter un
pareil maître, Gérard répondait : « Mais que dites-vous? Monseigneur me veut du
bien ; il me veut du bien comme à un fils ! » Aussi répétait-on dans toute la
ville que Gérard n'était pas un homme, mais un ange, mais un saint.
Cette opinion fut encore
affermie, dans l'esprit populaire, par un fait prodigieux qui se passa sous les
yeux de nombreux témoins. L'évêque, en sortant pour se promener, avait commandé
à Gérard de mettre en ordre ses appartements et lui en avait laissé la clef.
Après avoir accompli sa tâche, Gérard eut besoin d'aller puiser de l'eau; mais,
par mégarde, il laissa tomber la clef dans le puits. Il eut un moment de
consternation : « Hélas ! s'écria-t-il, que dira Monseigneur ? comme il va être
contrarié ! » Les personnes accourues pour l'aider, ne savaient comment le
tirer d'embarras. Mais, tout à coup, son visage s'éclaire d'un rayon de joie.
Il court à l'église et en revient bientôt, portant une statuette de l'Enfant
Jésus. Il l'attache à la corde, et, après avoir prié le divin Enfant de lui
rendre la clef, il descend la statuette au fond du puits; quand il la remonte,
l'Enfant Jésus tenait la clef entre ses mains. Pendant que, débordant de
reconnaissance, Gérard reporte la statue à l'église, le bruit du prodige se
répand par toute la ville. On en perpétua le souvenir, et le puits est appelé
encore aujourd'hui di Gerardiello, le puits du petit Gérard.
Monseigneur Albini mourut
subitement le 25 juin 1744. Gérard, après l'avoir pleuré amèrement, retourna
près de sa mère. Il se plaça dans l'atelier d'un nouveau patron, le tailleur
Vitus Mennona, où il se perfectionna dans le métier. Il devint bientôt assez
habile pour travailler à son propre compte. Il ne voulut accepter aucun salaire
des pauvres, et leur distribuait même une partie des bénéfices qu'il réalisait
sur les clients plus fortunés. Le reste de ses recettes était employé à faire
célébrer des messes pour le repos des âmes du purgatoire. Quand sa mère
s'alarmait d'une telle prodigalité, il la tranquillisait en disant : « Maman,
Dieu pourvoira à nos besoins. »
Cet esprit de foi et ce
détachement des biens terrestres le faisaient marcher à grands pas dans la voie
de la perfection. C'est alors qu'on le vit rechercher la solitude pour mieux se
plonger dans la contemplation et y trouver l'union à Dieu.
Dieu ne tarda pas, en
effet, à visiter son fidèle ami, et lui envoya une nouvelle occasion d'exercer
son invincible patience. Sur l'invitation d'un certain Luc Malpiedi, son
concitoyen, Gérard se rendit à Sanfèle, localité située à six milles environ de
Muro, pour servir momentanément dans un pensionnat de jeunes gens. Les
écoliers, mal élevés et insolents, le tournaient en dérision, et ajoutaient
même les coups aux moqueries. Gérard supportait en silence ces cruelles
humiliations, avec la douceur d'un agneau. Tout au plus disait-il : « Allons,
en voilà assez ! »
De retour à Muro, au
commencement de l'année 1747, il se livra à la méditation de la Passion de
Notre-Seigneur. Il y puisa un si grand désir de souffrir pour l'amour de
Jésus-Christ qu'il s'ingéniait à trouver des moyens nouveaux de s'affliger et
de se mettre à la torture. Il se ceignait les reins d'un rude cilice et se
flagellait les épaules avec une corde noueuse; il cherchait à mortifier la vue et
l'odorat en respirant la fumée qu'exhalaient du bois vert et des chiffons
humides brûlés ensemble.
Pour mieux imiter la
Passion de Notre-Seigneur, Gérard imagina de se donner des bourreaux : « Viens
avec moi », dit-il un jour à Félix Farenga; et le conduisant dans un endroit
retiré, il lui donna une corde mouillée; puis, se découvrant les épaules, il
dit : « Frappe! » Comme son ami s'y refusait : « Frappe, Félix, suppliait
Gérard, je t'en conjure, pour l'amour de Jésus-Christ. » A force d'insister,
Gérard obtint d'être battu jusqu'au sang.
A l'époque du carême,
Gérard ne pouvant contenir son enthousiasme s'en allait répétant : « Voici que
s'approche le temps de la mort de Jésus-Christ. I1 est mort pour moi; moi je
veux mourir pour lui. » Il paraissait, durant les quarante jours de jeûne, ne
vivre que par miracle, tant il mangeait peu. Il venait de passer trois longs
jours sans prendre aucune nourriture, quand sa mère crut devoir insister pour
qu'il consentît à se restaurer. Gérard lui répondit : « Je suis tout à fait
rassasié; quel besoin ai-je donc de manger? » Mais il fallut obéir; il prit
donc un peu de nourriture en l'assaisonnant d'herbes amères.
Gérard voulut encore
ressembler à Jésus-Christ traité d'insensé par Hérode et sa cour. Nouveau saint
Jean de Dieu, avec la permission de son confesseur, il se mit à agir et à
parler de manière à se faire passer pour fou. Les enfants s'attroupaient autour
de lui, en lui jetant de la boue et des pierres. Maltraité de la sorte il
s'écriait, le sourire aux lèvres : « Tout cela est peu, pour l'amour de
Jésus-Christ qui est devenu fou d'amour pour moi ! » Toutefois le confesseur
lui enjoignit bientôt de renoncer à ce genre d'humiliations.
L'amour envers Jésus
souffrant s'unissait tout naturellement, dans le coeur de Gérard, à l'amour
envers Jésus présent dans l'Eucharistie. Il se faisait donner la clef du lieu
saint par son parent l'abbé Tirico, sacristain de la cathédrale; puis, toute la
nuit, il répandait aux pieds de son Maître les brûlantes affections de son âme.
Dans un de ces entretiens nocturnes, il entendit sortir du tabernacle une voix
qui lui disait : « Insensé ! » Et lui de répondre : « Seigneur, vous êtes plus
insensé que moi, vous qui restez emprisonné pour moi dans ce tabernacle! »
Le démon frémissait de rage
en voyant Gérard jouir d'une telle familiarité avec son divin Rédempteur.
Plusieurs fois il tenta d'éloigner le saint jeune homme de l'église par des
apparitions effrayantes au milieu des ténèbres. Mais toutes ses ruses et ses
violences furent déjouées : Gérard avait pour lui la force de Dieu.
Plus notre Saint brûlait
d'amour pour Jésus-Christ, plus aussi croissait sa tendresse pour la sainte
Vierge. Depuis l'âge de douze ans, il s'était consacré à la reine du ciel. En
avançant en âge, l'heureux privilégié de Marie reflétait toujours davantage sur
ses traits l'angélique pureté de son âme. Or, le Saint-Esprit se plaît à
attirer les âmes pures à une sainte familiarité avec l'Agneau sans tache et
avec la reine des anges.
Un jour Gérard, comme
ravi hors de lui-même, ne parvint pas à dominer l'ardeur de sa dévotion à
Marie. C'était en mai 1747. Il avait alors vingt et un ans. On portait en
procession une statue de la sainte Vierge, lorsque, saisi d'un céleste
enthousiasme, il se fraya un chemin à travers la foule en pleine cathédrale, et
parvenu jusqu'au brancard, il passa un anneau au doigt de Marie, en s'écriant :
« Me voici fiancé à la Madone! (cette statue est encore conservée à Muro,
portant l'anneau que Gérard lui passa au doigt) » C'est ainsi qu'il célébra ce
qu'il appelait à juste titre les épousailles de sa pureté avec la pureté de la
Reine des Vierges.
CHAPITRE III — Vocation
religieuse. 1749.
Désirs et déceptions. —
Le P. Cafaro et les missionnaires de Muro. — Nouveaux refus. — Un essai. — Nous
avons un saint dans la maison !
Depuis le jour de sa
confirmation, Gérard sentait brûler dans son âme un désir insatiable de se
consacrer à Dieu dans la vie religieuse.
Dès l'âge de quinze ans,
il sollicita son admission chez les capucins de Muro, dont son oncle, le P.
Bonaventure, était le gardien, et Gérard espérait bien que la porte s'ouvrirait
facilement. Mais il avait contre lui sa jeunesse et surtout sa mine chétive. Il
fut refusé. Le P. Bonaventure voulut cependant consoler son neveu en lui
faisant cadeau d'un vêtement neuf.
Gérard eut à peine quitté
le couvent des capucins qu'il rencontra un mendiant déguenillé, qui,
s'approchant du jeune homme si bien vêtu, lui demanda l'aumône pour l'amour de
Dieu. Sans hésiter, Gérard se dépouilla de son habit neuf, et le donna au
mendiant en échange de ses haillons.
L'heure marquée par la
Providence n'avait pas encore sonné. Gérard attendit ; mais l'ardeur de ses
désirs consumait douloureusement son âme. Enfin, ne consultant que son zèle, il
résolut de se faire ermite. Mais un tel genre de vie réclame une vocation
particulière, et cette vocation n'avait été accordée ni à Gérard ni à l'ami qui
le suivit dans la solitude. Celui-ci le quitta au bout de trois jours, et
Gérard lui-même ne tarda pas à recevoir de son confesseur l'ordre de retourner
chez sa mère.
Or, pendant que le saint
jeune homme soupirait de ne pouvoir suivre son attrait, une nouvelle famille
religieuse, fondée depuis peu par saint Alphonse de Liguori, se développait
dans le royaume de Naples sous le titre de Congrégation du Très Saint
Rédempteur.
Au mois d'avril 1749, à
la, demande de l'évêque et du clergé de Muro, saint Alphonse envoya dans cette
ville une quinzaine de ses religieux pour y prêcher une mission. Ils avaient à
leur tête le P. Paul Cafaro, un des prédicateurs les plus éloquents du temps,
et un saint à la vertu austère. A la vue des missionnaires, Gérard sentit se
réveiller dans son âme un désir plus ardent que jamais de la vie religieuse ;
il se présenta aux Pères pour être reçu parmi eux. Mais à voir son visage pâle
et amaigri, le P. Cafaro lui conseilla de remettre à plus tard l'exécution de
son projet, et même d'y renoncer. Car la mère de Gérard, apprenant les
démarches de son fils, supplia celui-ci de ne pas l'abandonner, et les
missionnaires de ne pas le recevoir. « Nous ne l'accepterons pas, lui dit le P.
Cafaro ; mais ayez soin de l'enfermer sous clé quand nous partirons ; il
pourrait bien vous échapper. »
Au jour du départ des
missionnaires, Benoîte enferma son fils ; mais celui-ci, s'accrochant à un
drap, descendit par la fenêtre et s'élança à la poursuite des religieux. «
Pères, criait-il de loin, attendez-moi ! » Ils l'attendirent par pitié et lui
déclarèrent qu'il était trop faible pour servir dans l'institut, qu'il devait
donc retourner chez lui. « Non, répondait-il, prenez-moi à l'essai, et puis
vous me renverrez ».
Tout en continuant de
discuter, il atteignit avec eux Rionero, où ils devaient prêcher une autre
mission. Là, Gérard allait et retournait à la maison qu'habitaient les Pères,
lavait la vaisselle, balayait les chambres, raccommodait les vêtements,
renouvelant toujours ses instances, recevant toujours de nouveaux refus. Brisé
d'émotion, mais indomptable dans sa persévérance, 'il finit par se jeter à
genoux aux pieds du P. Cafaro, et, les yeux baignés de larmes, le conjura de le
recevoir : « Si vous me refusez, dit-il, vous me verrez tous les jours, avec
les pauvres, mendier mon pain à la porte de votre couvent. Si vous craignez que
je ne puisse supporter les fatigues d'un Frère, je vous l'ai dit, laissez-moi
essayer, et si je suis trop faible, vous pourrez me congédier. »
Comment résister à
d'aussi éloquentes supplications? Le P. Cafaro donna à Gérard une lettre pour
le recteur du couvent d'Iliceto. « Je vous envoie, écrivait-il, un
Frère-inutile et incapable de supporter la fatigue, à cause de sa faible
constitution. Mais je n'ai pu faire autrement que de l'accepter, vu son
insistance et la réputation de jeune homme vertueux dont il jouit dans la ville
de Muro... » Gérard prit la lettre, et, après une journée de marche, il arriva
au couvent d'Iliceto. C'était le samedi 17 mai 1749. Il reçut bon accueil. Dans
sa joie de se trouver enfin dans la maison de Dieu, il en baisait les murs, et
levant les yeux au ciel, il remerciait Dieu, la Vierge, les Saints, d'avoir
daigné ouvrir devant lui la carrière si ardemment désirée. On admira bientôt
avec étonnement son humilité, sa docilité, son esprit d'oraison. Restait à
faire l'épreuve de ses forces : à quelles fatigues pouvaient-elles résister?
Gérard fut destiné, avec un autre Frère, à la culture du jardin. Il y
travaillait d'arrache-pied, et, quand il avait accompli sa tâche, il priait son
compagnon d'accepter son aide : « Laissez-moi faire, disait-il, je suis plus
jeune. »
Le jardinage terminé, il
rentrait à la maison et prêtait ses services aux autres religieux, occupés à
leurs diverses fonctions. Il recherchait les besognes les plus humbles, les
plus répugnantes, telles que le travail de l'étable. Il n'était donc point vrai
que Gérard fût incapable de fournir un labeur pénible, et lorsque, au mois
d'octobre, le P. Cafaro vint prendre la direction de la maison d'Iliceto, tous,
Pères et Frères, furent d'accord pour lui assurer que Gérard n'était pas
seulement un saint, mais aussi un travailleur infatigable. Le P. Cafaro en
écrivit à saint Alphonse, et le saint fondateur ordonna de lui donner l'habit
de l'institut.
Gérard commença donc la
retraite préparatoire à sa prise d'habit. Durant ces jours de prière et de
réflexion, il écrivit deux résolutions qui constituent un véritable programme
de sanctification :
« Premièrement. Posuit me
Deus in paradiso voluptatis. Sache-le bien, Gérard , si Dieu t'a arraché au
monde et t'a placé comme un nouvel Adam dans ce paradis de la Congrégation,
c'est uniquement pour y travailler et y mettre en pratique les préceptes et les
conseils de son saint Évangile, renfermés dans les Règles. Malheur à toi si tu
les négliges !
« Deuxièmement. J'aurai
soin d'observer scrupuleusement les moindres points de la Règle, de persévérer
et de croître dans le bien. Je m'efforcerai d'acquérir l'amour du silence, la
patience, et principalement l'union à Dieu. »
Aux moyens si puissants
de sanctification que lui fournissaient les règles et l'esprit de son institut,
le saint novice en ajouta un autre de la plus haute importance : il choisit
comme directeur de son âme le P. Paul Cafaro. La sévérité de la direction de ce
guide austère était reconnue par tous. Mais elle cadrait avec l'idéal de Gérard
qui voulait s'engager à pas de géant dans le chemin de la perfection. Ardent au
travail, assidu à la prière, il affligeait son corps par des jeûnes et des
macérations; il portait de rudes cilices ; il se frappait jusqu'au sang avec
une discipline armée de pointes de fer. Aussi, le soin du directeur fut plutôt
de contenir dans les limites de la modération l'élan qui portait Gérard aux
austérités et à toutes les pratiques de la perfection religieuse.
CHAPITRE IV — Le
religieux parfait. 1749-1752.
L'office de sacristain. —
Intimité avec Jésus. — Une extase. — Esprit de soumission. — Merveilles de
l'obéissance. — Profession religieuse. — Voeu du plus parfait.
CONFORMÉMENT à leurs
constitutions, les Rédemptoristes divisent le noviciat des Frères en deux
parties séparées, dont l'une dure un an, l'autre six mois.
Les mois de son premier
noviciat révolus, Gérard se vit confier les fonctions de sacristain; aucune
charge ne pouvait être plus agréable à son coeur. Quand il avait terminé son
travail à l'église et à la sacristie, Gérard se mettait en adoration près du T.
S. Sacrement. Là, pendant qu'il méditait les merveilles de l'Eucharistie, se
révélaient à lui les grands mystères, l'Incarnation, la Naissance et
spécialement la Passion de son Maître. Maintes fois, impuissant à dominer ses
impétueux élans d'amour envers Jésus crucifié, il sortait de l'église et allait
se cacher dans une petite grotte voisine, où il renouvelait sur lui la
flagellation, réquisitionnant, au besoin, le bras d'un autre, comme il l'avait
fait à Muro.
De son côté, Jésus-Christ
le récompensait par de singulières faveurs. On remarqua que, tous les jeudis, à
l'approche de la nuit, il était torturé de cruelles angoisses, défait et réduit
à une telle langueur qu'on l'aurait pris pour un moribond à l'agonie. La nuit
du samedi, il apparaissait complètement guéri. On en conclut que Gérard
éprouvait en lui-même, comme saint François d'Assise et sainte Catherine de
Sienne, une reproduction des douleurs de Jésus en croix.
Cette intime
participation à la vie souffrante du Sauveur provoquait, dans l'âme de Gérard,
des sentiments si vifs qu'il lui suffisait d'entendre parler de la Passion ou
de fixer une image de Jésus crucifié pour être soulevé de terre dans un état
extatique. Quelques ordinands étaient venus à Iliceto pour faire leurs exercices
spirituels. Pendant que l'humble religieux préparait leur couvert, ses yeux
rencontrèrent sur le mur du réfectoire un tableau représentant l'Ecce Homo;
aussitôt Gérard s'élève en l'air, le regard immobile, les bras étendus, tenant
d'une main une serviette, de l'autre une fourchette. Un Frère, qui passait là,
interpelle Gérard, mais ne reçoit aucune réponse ; d'autres Frères accourent et
lui parlent sans plus de succès. On va chercher le P. Cafaro, qui, seul, peut
arracher Gérard au ravissement, en le secouant par le bras, et en lui
ordonnant, au nom de l'obéissance., de revenir à lui.
C'était surtout à
l'occasion de ses occupations à la sacristie que Gérard témoignait à
Notre-Seigneur une plus ardente affection. Sa vue était, pour qui vivait avec
lui, un spectacle attendrissant. Une lutte terrible se livrait dans son coeur
entre l'obéissance qui l'appelait au travail et l'amour envers Jésus qui
l'attirait auprès du Saint Sacrement. « Un jour, dit le P. Tannoia, je le vis,
pendant qu'il traversait le choeur, faire une génuflexion devant le tabernacle;
il se débattait pour se relever, comme enchaîné par une puissance supérieure;
alors, élevant la voix, il prononça ces paroles : « Laissez-moi aller, car j'ai
tant de travail » ; puis, s'arrachant, pour ainsi dire de vive force, il
partit. »
Gérard éprouvait une joie
ineffable quand approchaient les solennités de Notre-Seigneur et de la sainte
Vierge. Il redoublait alors d'efforts pour orner l'église et les autels,
heureux de communiquer aux autres l'ardente dévotion qui débordait de son âme.
Chacun disait qu'on n'avait jamais vu et qu'on ne verrait jamais un Frère
sacristain semblable à lui.
Ami de Jésus, imitateur
courageux de ses vertus, Gérard ne pouvait manquer de faire des progrès
extraordinaires dans l'obéissance. Il avait pour maxime que le bon plaisir de
Dieu s'identifiait pour lui avec la volonté de ses supérieurs. Il n'aurait pas
fait un mouvement sans en recevoir la permission. « Pourquoi, disait-il, dans
nos actions, même les petites, perdre le mérite de 1'obéissancé ? » Il fallait,
en conséquence, bien peser ses paroles avant de lui donner un ordre. Quand son
supérieur parlait, Gérard était comme incapable de raisonner ; il ne lui venait
même pas à l'esprit de soupçonner qu'on pût interpréter les paroles d'un
commandement autrement que dans leur sens propre.
De là, dans sa vie, ces
traits qu'on pourrait appeler les folies de l'âme obéissante. Le P. Cafaro
l'ayant désigné pour suppléer le Frère portier, lui dit : « Aussitôt que vous
entendrez sonner, laissez toute autre occupation, et courez vite ouvrir. » Peu
après, Gérard se trouvait à la cave, occupé à tirer du vin pour la table, quand
il entendit sonner à la porte. Aussitôt, sans rien mettre en place, il
s'élance, tenant d'une main une bouteille et de l'autre un bouchon. Le P.
Cafaro l'ayant aperçu, soupçonna qu'il courait à la porte sans avoir pris le
temps de tourner le robinet du tonneau. Il ne se trompait pas. Mais, ô miracle
! de ce tonneau ouvert pas une goutte ne s'était échappée.
Cette obéissance à la
lettre, plus admirable qu'imitable, plaisait beaucoup à Dieu, puisqu'il la
récompensa maintes fois par des prodiges.
Au mois de février 1752,
le P. Cafaro, appelé à gouverner le couvent de Caposèle, fut remplacé à Iliceto
par le P. Carmine Fiocchi, religieux très distingué. Celui-ci reconnut bientôt
toute la vertu de Gérard, spécialement par rapport à l'obéissance. Un jour
qu'il l'avait envoyé porter une lettre dans laquelle, par distraction, il avait
omis la chose la plus importante, le bon supérieur pensa en lui-même : « Oh! si
je pouvais le rappeler! » Gérard, qui était déjà loin, revint aussitôt sur ses
pas et se présenta à son supérieur. « Qu'est-ce qui vous ramène ? » lui demanda
le Père. Gérard se contenta de lui répondre par un sourire significatif.
Ce fait et d'autres
semblables convainquirent le P. Fiocchi que, pour se faire obéir du saint
Frère, il suffisait de commander mentalement. Il eut l'occasion, à Melfi, de
s'entretenir avec Mgr Théodore Basta, évêque de cette ville, des étonnantes
vertus de Gérard. Le prélat témoigna au supérieur le désir de connaître
l'humble Frère, et se disposait à le faire chercher par un courrier. «
Monseigneur, dit le P. Fiocchi, il n'est pas nécessaire de lui envoyer un
messager. Je n'ai, pour le faire venir, qu'à lui en donner l'ordre. » Le Père
se recueillit et intima, en esprit, à Gérard, sa volonté de le voir arriver à
Melfi le plus vite possible.
Au même moment, dans le
couvent d'Iliceto, le serviteur de Dieu se présentait au Père Ministre, en lui
disant qu'il devait partir pour Melfi, parce que le Père Recteur l'y appelait.
Il se met en route, et va droit à l'évêché. Le P. Fiocchi fait l'ignorant,
s'étonne de le voir et lui dit en présence de l'évêque : « Pourquoi venez-vous
ici?— Par ordre de votre Révérence. — Mais je ne vous ai appelé ni par
courrier, ni par lettre ! — C'est vrai, mais vous me l'avez commandé, au nom de
l'obéissance, sur la prière de Monseigneur qui désirait me connaître. » Puis,
accablé de confusion à la pensée qu'on ait pu concevoir de lui quelque estime,
il se tourne vers l'évêque et s'écrie : « Mais qui suis-je, sinon un ver de
terre, un misérable, qui a besoin de toute la miséricorde de Dieu ! »
L'évêque avait peine à en
croire ses yeux. Désireux de s'édifier au spectacle d'une vie si parfaite, il
pria le P. Fiocchi de lui laisser Gérard. Le Père y consentit, à condition que
le Frère retournerait bientôt au couvent.
Vers le milieu de l'année
1752, la seconde partie du noviciat approchait de son terme, et saint Alphonse
avait écrit d'admettre Gérard à la profession. Pour mieux se préparer au grand
holocauste qu'il devait faire de sa propre personne à Dieu, Gérard, avec la
permission de son confesseur, renouvela ses macérations, dans cette même petite
grotte du voisinage, qui en avait déjà été témoin. Cette fois encore, le saint
eut recours au bras d'un autre : François Teta, un de ses convertis.
Le 2 juillet 1752, fête
de la Visitation de la très sainte Vierge, commencèrent les quinze jours
d'exercices spirituels qui, d'après la règle, précèdent la profession ; le 16,
en la fête du Très Saint Rédempteur, qui coïncidait, cette année-là, avec celle
de Notre-Dame du Mont-Carmel, Gérard Majella émit les voeux simples de
pauvreté, de chasteté et d'obéissance, avec le voeu et serment de persévérance
dans la Congrégation.
Il est plus facile
d'imaginer que de décrire quelle fut la joie de son coeur. Pour manifester sa
reconnaissance envers Dieu, il fit, peu après, le voeu de tendre au plus
parfait, dans toutes ses actions. « Ce voeu, dit le P. Alfani dans le procès
apostolique, le porta à un si haut degré de ferveur qu'on reconnaissait en lui
, non plus l'homme pétri de limon et de poussière, mais l'ange pénétré de
l'esprit de Dieu, pur et immaculé. »
Aussi Gérard allait-il
devenir, plus que jamais, l'instrument des desseins de Dieu, et opérer dans les
âmes les grandes oeuvres que le ciel voulait confier à son ministère.
CHAPITRE V — Puissance
d'une âme humble.
Humilité profonde et
charité ardente. — Vengeance d'un saint. — Un désespéré. — Pécheurs plongés
dans le sacrilège. — Rage du démon. — Satan humilié.
LES chapitres qui vont
suivre nous montreront l'humble Frère Gérard intimement associé à l'apostolat
de ses confrères revêtus du sacerdoce.
Eclairé d'en haut, il
scrutera le fond des coeurs, pénétrera les secrets des consciences, et
arrachera les âmes à l'enfer. Il sera assez fort pour commander au démon. Il
aura assez d'empire sur le coeur humain pour opérer les réconciliations les
plus désespérées. Puissant sur le coeur de Dieu lui-même, il multipliera les
miracles.
Pourquoi le Seigneur
donna-t-il au Saint une telle puissance? Pour autant qu'il est permis de sonder
le secret de Dieu, nous pouvons supposer sans témérité que Gérard devait ses
triomphes à sa profonde humilité. Loin de prêter l'oreille aux éloges de ses
confrères qui, tous, le proclamaient leur modèle, il était persuadé qu'il était
un grand pécheur, et implorait le secours des prières des autres.
« Il disait, rapporte
Tannoia, qu'il mangeait un pain qu'il ne méritait pas. Quand on lui accordait
la permission de se nourrir des restes, c'était pour lui un festin. On le
traitait, pensait-il, comme un pauvre qui reçoit en aumône ce que les autres
ont laissé. »
Aussi se faisait-il le
serviteur de chacun.
Outre l'office de
sacristain, ses supérieurs lui avaient confié le soin du vestiaire. Il
choisissait pour ses frères les vêtements les meilleurs et gardait pour
lui-même ce qu'il y avait de plus vieux et de plus rapiécé. On le vit même,
pendant l'hiver qui est très rude à Iliceto, se priver de ses vêtements de
dessous, afin d'en pourvoir un de ses confrères.
Une autre règle qu'il
s'était imposée, était celle-ci : « Je visiterai les malades autant de fois
chaque jour que j'en aurai la permission. » Dans ses entrevues avec eux, il
s'ingéniait à trouver les plus douces paroles pour les consoler, les procédés
les plus délicats pour les soulager. S'il devinait chez eux le moindre désir,
il essayait de le satisfaire aussitôt. Il agissait ainsi non seulement avec les
membres de sa communauté, mais aussi avec les étrangers tombés malades dans la
maison. Un chanoine de Melfi, nommé Antoine Sabbatelli, de passage au couvent,
eut le bonheur d'être assisté par Gérard ; il lui garda un souvenir
impérissable, et, tout le reste de sa vie, ne cessa d'exalter la charité du
Saint.
Avides du réconfort
qu'apportait à toutes les souffrances cet ange consolateur, les habitants de la
ville l'appelaient au chevet de leurs malades : c'est ainsi qu'il eut
l'occasion d'aller voir un pauvre homme d'Iliceto, consumé par la phtisie.
Gérard l'exhorta à mettre sa confiance en Dieu, qui lui accorderait sa
guérison. « Quant à cela, non ! s'écria le médecin, présent à l'entretien, la
guérison est impossible. Le poumon est trop attaqué. — Mais, monsieur le
docteur, répliqua Gérard, pensez-vous que Dieu ne puisse reconstituer un poumon
perdu, et en créer un nouveau? Daigne la divine Bonté accorder cette faveur, et
montrer aux fidèles qu'il faut placer tout son espoir en elle seule. » Depuis
ce jour, la poitrine s'améliora et bientôt le mal avait complètement disparu.
S'il s'agissait, non plus
d'un corps mais d'une âme en péril, l'ardeur du saint religieux ne connaissait
plus de mesure ni de repos. Il exhortait et priait jusqu'à ce qu'il eût ramené
l'égaré dans la bonne voie. Se trouvait-il en face d'un pécheur obstiné, le
zèle lui mettait sur les lèvres des paroles d'une énergie apostolique. Si
l'obstination persistait, il pressait l'endurci, le raisonnait, le suppliait
souvent à genoux, les larmes aux yeux, sans se rebuter, jusqu'à ce qu'il eût
remporté la victoire. Sa charité allait à tous, amis ou ennemis, dès qu'il y
avait une âme à gagner.
Gérard revenait un jour à
cheval, de Foggia à Iliceto. Ignorant que le duc de Bovino avait défendu de
passer sur ses terres, il les traversait sans aucune appréhension, en priant
tranquillement, selon sa coutume. Tout à coup, un garde s'élance sur le
pacifique voyageur, et, le frappant à coups redoublés avec la crosse de son
fusil, le renverse de sa monture. Gérard, à genoux, demande grâce, présentant
ses humbles excuses de n'avoir pas connu la défense. La fureur du garde ne fait
que redoubler. Alors Gérard joint les mains, et, dans l'attitude d'une victime,
il s'écrie, avec un accent plein de résignation et de calme : « Frappe, mon
frère, frappe; tu as raison. » Tant de douceur désarme la férocité du garde :
il jette son arme, se frappe le front et verse des larmes, en pensant qu'il a
brutalisé un saint ; puis, tombant à genoux, il implore son pardon.
Touché d'un si vif
repentir, Gérard embrasse son bourreau et se dispose à continuer sa route :
mais une côte endolorie ne lui laisse pas la possibilité de se remettre en
selle. Dans son ingénieuse charité, le pauvre blessé prie le garde de le hisser
à cheval, et de monter en croupe derrière lui, afin de le soutenir jusqu'au
couvent. Chemin faisant, Gérard engage la conversation sur les sujets les plus
capables de toucher un coeur endurci. On arrive à la maison; sans faire la
moindre allusion à l'événement, Gérard fait donner une gratification à cet
homme qui, disait-il, l'avait reconduit avec tant de charité; puis, le prenant
à part, il lui dit : « Mon frère, ce que vous m'avez fait, ne le faites pas à
un autre : vous auriez à le regretter. »
Le garde se retira, à la
fois confus et charmé d'une si noble vertu : il ouvrit son coeur à la grâce,
retourna à la maison d'Iliceto pour y faire sa confession générale et continua,
pendant quelque temps, à fréquenter les Pères, au grand bien de son âme.
Malheureusement l'impression première s'effaça, et avec elle s'évanouirent peu
à peu les bonnes résolutions. Le pauvre homme oublia le conseil de Gérard. Son
caractère emporté reprenant le dessus, il se créa de nouvelles affaires. Il eut
finalement une rixe avec un individu plus fort et non moins féroce que lui, et
resta sur le terrain. A cette nouvelle, Gérard, qui souffrait toujours de sa
côte blessée, versa des larmes amères.
A plusieurs reprises,
chaque année, les Pères d'Iliceto, conformément au but de l'institut,
donnaient, dans le couvent, des retraites fermées, soit aux prêtres, soit aux
ordinands, soit aux laïcs. Les retraitants accouraient nombreux.
Parmi eux se présenta un
homme du monde, grand pécheur jusque-là, mais disposé à changer de vie. Après
les premières méditations prêchées par le P. Jean Rizzi, le retraitant fut
envahi par les pensées les plus sombres ; ses fautes lui semblaient trop
affreuses pour pouvoir être pardonnées. Gérard, éclairé par une lumière
surnaturelle, entra dans la chambre du pénitent et lui dit : « Monsieur,
qu'avez-vous ? Chassez de votre esprit cette défiance infernale. Dieu et la
très sainte Vierge Marie vous aideront ! » Cette parole ranima l'âme
découragée, et la tentation de désespoir disparut.
Un autre retraitant,
conduit à la maison des Pères Rédemptoristes par des motifs de respect humain,
avait caché ses péchés au confesseur et se préparait à faire une communion
indigne. Gérard, illuminé intérieurement, va à lui, et lui dévoile l'énormité
du crime qu'il est sur le point de commettre. Pénétré du plus vif repentir, le
malheureux se confesse sans retard, et reçoit avec ferveur la sainte
Eucharistie. Pour se couvrir de confusion, il serait allé divulguer de tous
côtés son histoire, si les Pères ne l'en avaient empêché.
Plus retentissant fut le
retour d'un grand pécheur que l'évêque de Lacédonia avait envoyé au couvent
suivre les exercices spirituels. Cette conversion est racontée, non seulement
par les Pères Tannoia et Landi, mais encore par les témoins qui ont déposé au
procès apostolique. Une première fois déjà, cet homme avait dû, contre sa
volonté, prendre part à une retraite ; il y avait assisté en indifférent, et se
disposait néanmoins, pour la forme, à s'approcher de la sainte Table. Le
serviteur de Dieu l'arrête et lui dit : « Où vas-tu ? — Je vais communier. —
Quoi ! communier, après avoir caché volontairement des péchés ? » Et Gérard les
lui révèle. « Va vite te confesser, et de tout ton mieux, si tu ne veux pas que
la terre t'engloutisse ! » Écrasé par de telles paroles, le pécheur s'était mis
en règle avec Dieu. Revenu chez lui, il n'avait pas persévéré. Cette
scandaleuse rechute avait décidé l'évêque à l'envoyer de nouveau faire une
retraite.
Aussitôt qu'il l'eût
aperçu, Gérard courut à lui pour prendre de ses nouvelles. Mais son ancien
converti ne lui répondit que par un mot bref et évasif. Le Saint garda le
silence, mais résolut d'entreprendre une amélioration qui serait plus durable.
Après en avoir obtenu la permission du supérieur, il prend un crucifix, entre
dans la chambre, dont il ferme soigneusement la porte et la fenêtre, et
commence à apostropher avec véhémence le coupable : « Comment! tu as eu le
courage d'offenser Dieu de nouveau ! Quelle ingratitude ! Oses-tu encore
affirmer que tu n'as rien fait de mal ? » Et Gérard lui révèle, l'un après
l'autre, les péchés dans lesquels il était retombé. « Regarde, continue-t-il,
qui a fait ces plaies à Jésus-Christ? »
Et voici, ô prodige, que,
des plaies divines, s'échappent des gouttes de sang ! « Quel mal, reprend
Gérard, t'a donc fait ce Dieu? Il est né pauvre, dans une étable, et sur la
paille, par amour pour toi ! Tu oses te moquer de Dieu? Non, non ! Sache-le
bien : on ne se moque pas de Dieu impunément! Il est patient; mais à la fin, il
châtie. Cesse tes désordres, car le démon guette sa proie ! »
A ces mots, un monstre
horrible se précipite vers le malheureux. « Retire-toi, vilaine bête ! »
s'écrie Gérard, et met ainsi Satan en fuite. Le pécheur, glacé d'épouvante,
courut se jeter aux pieds du P. Petrella, fit une excellente confession, et
persévéra ensuite jusqu'à la mort.
On se représente
facilement la rage du démon contre le Saint qui lui arrachait le fruit de ses
funestes conquêtes. Il prit Gérard comme point de mire de ses fureurs et
déchaîna contre lui ses satellites. « Que de fois, écrit Tannoia, se
présentèrent à Gérard, pendant la nuit, non pas un, mais plusieurs démons; ils
le menaçaient et le maltraitaient, pour l'empêcher de leur dérober encore les
âmes. Ses confesseurs attestent qu'il fut parfois traîné par ces esprits
infernaux dans les corridors de la maison. Si tu ne veux pas en finir de plein
gré, lui dit un jour un de ses ennemis, nous t'y contraindrons par la force :
tu disparaîtras de ce monde ! Quelquefois Gérard était saisi et serré si
vigoureusement qu'il se croyait sur le point d'expirer. Plusieurs démons se
précipitèrent sur lui pendant qu'il était occupé à faire la cuisine, et
tentèrent, mais en vain, de le jeter dans le feu. » Ces fréquents et furieux
assauts ne parvenaient pas à effrayer l'humble Frère. Il avait placé en Dieu sa
confiance. Il lui suffisait d'invoquer Jésus et Marie, d'esquisser le signe de
la croix, de prendre de l'eau bénite, pour mettre la bande infernale en
déroute.
Ces incessantes victoires
assurèrent à Gérard un empire merveilleux sur les puissances de l'enfer. Le P.
Landi raconte qu'un retraitant s'était décidé à communier en état de péché
mortel. Gérard, surnaturellement averti, vient au-devant de lui, le fait entrer
dans une chambre, et lui expose la gravité du crime qu'il veut commettre.
L'endurci n'est qu'à demi convaincu, et se montre hésitant. Soudain,
apparaissent deux ours dans une attitude menaçante, qui semblent prêts à mettre
en pièces leur victime. Terrifié par ce spectacle, le pécheur se repent, se
confesse et change de vie.
Le pouvoir que Gérard
exerçait sur les démons apparaît surtout dans un fait étonnant dont les Pères
Landi et Tannoia nous fournissent le récit. Gérard revenait de Melfi à Iliceto.
C'était la nuit. Il se trompa de route et se perdit dans une forêt touffue, sur
les bords de l'Ofanto. Durant la journée, une pluie torrentielle avait fait
sortir le fleuve de son lit; le sol était tellement détrempé, qu'il était
impossible de se diriger à travers les fondrières. Le voyageur se trouvait dans
le plus cruel embarras. Soudain, se présente à lui une figure grimaçante, et il
entend une voix sinistre qui lui crie : « Du coup, je te tiens ! Enfin, je puis
faire de toi ce que je veux! » A ces paroles, Gérard reconnaît le démon. Loin
de se troubler, l'homme de Dieu s'avise aussitôt de le mettre à contribution
pour sortir de ce mauvais pas. « Au nom de la Très Sainte Trinité, lui dit-il,
je t'ordonne de tenir le cheval par la bride et de me conduire jusqu'à
Lacédonia. » Le diable fut contraint d'obéir, et, arrivé à Lacédonia, disparut.
Les esprits infernaux revinrent
maintes fois à la charge. « Aboyez, aboyez, disait Gérard ; j'ai avec moi
Marie, ma mère, et Jésus, mon Dieu; vous ne pourrez me mordre. »
Mais si l'enfer n'avait
aucun pouvoir sur le saint religieux, celui-ci avait une très grande puissance
sur les démons. Par un signe de croix, par l'invocation de la Très Sainte
Trinité, ou par l'application de sa ceinture et de son rosaire, il délivrait
les possédés.
Une seule fois, une jeune
fille possédée lui opposa de la résistance. Le démon fut néanmoins contraint de
la quitter; mais Gérard confia à un prêtre que jamais, par aucun moyen, cette
personne ne serait entièrement délivrée. — Mystérieuses dispositions de Dieu,
qui tantôt éprouve des âmes, tantôt punit des fautes.
CHAPITRE VI — Quêteur et
apôtre. Juillet 1752 — Juin 1753.
Gérard à Muro. — Le
moribond ressuscité. — Voyage à Melfi. — L'aventurier à la recherche d'un
trésor. — Le maréchal puni. — En route pour Corato. — Le champ dévasté par les
souris. — Apostolat à Corato. — Retour à Iliceto.
GÉRARD avait des démêlés
avec les démons, et sa communauté était aux prises avec une extrême pauvreté.
Un décret royal de 1752 vint aggraver la détresse en obligeant les Pères du T.
S. Rédempteur à prêcher les missions gratuitement ; les maigres revenus de leurs
maisons seraient administrés par les évêques respectifs, qui alloueraient à
chaque religieux deux carlins par jour (85 centimes).
Il fallut donc faire
appel à la charité des fidèles. Gérard fut chargé des fonctions de frère
quêteur. La première station de sa tournée fut Muro, sa ville natale. Dès son
arrivée, tous ses compatriotes s'empressèrent autour de lui : on venait le
saluer, lui demander des prières, solliciter des conseils. Au couvent des
Franciscains, où il logeait, les prêtres et les notables de la ville
rivalisaient d'empressement pour lui témoigner leur vénération. Les confesseurs
l'interrogeaient pour recueillir des lumières dans la direction des âmes;
l'évêque, Monseigneur Vito Muio, qui l'entretint à plusieurs reprises, ne
pouvait plus s'en séparer; au Séminaire, on contraignit Gérard à faire une
conférence sur ces paroles : In principio erat Verbum, et tous furent
stupéfaits, dit un témoin au procès apostolique, en constatant avec quelle
élévation de pensées, et quel choix d'expressions, il parlait de l'éternelle
génération du Fils de Dieu. Les Clarisses désirèrent aussi l'entendre et
obtinrent cette faveur par l'entremise de l'évêque. Parmi elles, une
religieuse, malgré les avertissements répétés de ses supérieures, s'obstinait à
porter, suspendu à son cou, un petit coeur d'or, contrairement à l'esprit de
pauvreté dont elle avait fait profession. Après avoir écouté les avis du
Serviteur de Dieu, elle enleva aussitôt cette futilité, et ne voulut jamais la
revoir.
Pendant qu'on se
disputait de tous côtés sa présence, Gérard n'oubliait pas la quête, qui était
le but de sa venue. Comme il n'aurait pu suffire tout seul à une tâche aussi
lourde, il s'était assuré le concours d'Alexandre Piccolo, fils d'un orfèvre de
Muro. Alexandre devait solliciter les aumônes dans un quartier, pendant que
Gérard visiterait l'autre. Dans l'ardeur de son zèle, le jeune homme voulant
trop presser le pas, trébucha et tomba, la tête contre une pierre. On le
recueillit inanimé, et on le porta dans une maison voisine. A ce moment même
arrivait son père, qui, dans l'affolement général, distingua ces paroles : «
Plus d'espoir, il va mourir ! » Se frayant un passage, l'orfèvre parvint
jusqu'auprès du moribond ; et, reconnaissant son fils, il s'évanouit. Gérard
l'avait suivi. « Ce n'est rien, disait-il, ce n'est rien ! » Il traça, avec le
pouce, un signe de croix sur le front de son collaborateur, qui se releva
aussitôt.
Les portes s'ouvraient
toutes grandes devant ce frère quêteur, dont la vertu rappelait celle du Pauvre
d'Assise, et dont l'étonnante puissance renouvelait les faits les plus merveilleux
de la vie des saints.
Gérard accomplissait ses
missions avec un tel succès qu'il devint, naturellement, le messager habituel
du couvent d'Iliceto, dans les affaires difficiles ; pendant les mois qui
suivirent sà profession, il fut continuellement en voyage. Il serait long et
monotone de parcourir à sa suite les villes et les bourgades qui jouirent de sa
présence, mais nous glanerons sur ses pas quelques faits dont le souvenir s'est
conservé dans la mémoire des peuples qui en ont été les témoins.
Le P. Fiocchi , se
trouvant à Melfi, avait ordonné à Gérard de l'y rejoindre. A mi-chemin, le
voyageur fit halte dans une localité nommée Carbonara, chez le médecin Antoine
de Domenico. Celui-ci voulait le retenir à dîner et l'empêcher de partir, car
il se faisait tard et il pleuvait à verse. De plus, Gérard avait à traverser un
torrent voisin, puis la rivière Ofanto. Aux instances répétées de son hôte, il
répondit : « Laissez-moi partir, pour l'amour de Jésus-Christ ! Je dois obéir ;
ce soir le P. Fiocchi m'attend à l'évêché de Melfi ». Et pour rassurer son ami,
le bon Frère affirmait qu'il ne craignait pas le torrent. « J'ai un cheval
vigoureux, qui sait bien marcher dans l'eau ; quant à l'Ofanto, si la pluie
cesse, je le traverserai à cheval; si la pluie continue, je ferai un détour et
passerai par le pont de la Petra del l'Oglio. » Devant une telle résolution, le
brave médecin le laissa partir, mais en le faisant accompagner par deux de ses
serviteurs jusqu'à l'Ofanto. La pluie cessa de tomber. Bien que le torrent
débordât, Gérard le franchit sans encombre avec ses compagnons, qu'il fit
successivement monter en croupe. Mais arrivés à l'Ofanto, et voyant la rivière
charrier des troncs d'arbres et rouler des pierres, ils le supplièrent de ne
pas tenter un passage si dangereux. Gérard fit un grand signe de croix, et dit
à sa monture : « Allons ! passons au nom de la Très Sainte Trinité ! » Et il
entra dans le courant. Le cheval s'enfonça jusqu'à la tête, qui, seule,
émergeait au-dessus de l'eau. Gérard arrivait au milieu du fleuve, quand un
arbre entier, flottant à la dérive, vint le prendre par le travers. « Sainte
Madone, aidez-le ! » crièrent les deux spectateurs impuissants, restés sur la
berge! « N'ayez pas peur, dit Gérard ; regardez : l'arbre s'écarte au nom de la
Très Sainte Trinité. » En effet, devant un signe de croix l'arbre s'éloigna, et
Gérard passa sans danger. L'instant d'après, bête et cavalier touchaient
l'autre rive sains et saufs. D'un geste, Gérard remercia et congédia les deux
hommes ; puis il partit pour Melfi où il arriva le soir, comme le voulait
l'obéissance.
A quelque temps de là, le
Serviteur de Dieu, revenant de voyage, rencontra, à Montemilone, près
d'Iliceto, un jeune aventurier qui le dévisagea avec curiosité. Le manteau usé
et les chaussures rapiécées du Frère firent naître chez le jeune homme la
pensée que ce voyageur épuisé et mal accoutré pourrait bien être un bohémien à
la recherche d'un trésor. Il se présenta à Gérard et lui dit : « Ne seriez-vous
pas, par hasard, un magicien ? » Gérard, voyant une âme à gagner, ne le
détrompa point. « Êtes-vous un homme de courage? lui demanda-t-il. — Ah ! dit
le jeune homme, vous ne savez pas qui je suis ! » Et il se mit à narrer sa vie
d'aventurier et de criminel. Chemin faisant, ils arrivèrent à un bois touffu.
Gérard y entre le premier ; son compagnon le suit, croyant toucher au terme de
ses voeux. Tous deux s'enfoncent dans un sombre fourré.
« Enfin, nous y sommes, s'écrie
Gérard ; voici l'endroit voulu ! » Puis, il ôte son manteau, l'étend à terre ;
et, se redressant en silence, fait signe au jeune homme d'approcher. Celui-ci,
s'imaginant que, sur l'ordre du magicien, le diable va apparaître au milieu de
cette obscurité, s'avance en tremblant. Gérard lui commande de se mettre à
genoux et de joindre les mains ; puis, les yeux au ciel, il adresse à Dieu, du
fond du coeur, une fervente prière. Tout à coup, il dit d'un ton solennel : «
Puisque je vous ai promis de vous faire trouver un trésor, je veux tenir
parole. Mais celui dont je parle n'est pas de ce monde : c'est le trésor des
trésors ; c'est le trésor du paradis; si vous voulez le voir, le voici. » Et il
tire des plis de sa soutane le crucifix qu'il portait sur la poitrine.
L'aventurier regarde terrifié. « Oui, continue Gérard, le voici; c'est le
trésor que vous avez perdu depuis tant d'années ; le trésor que vous avez
échangé contre de viles créatures de boue... » Avec cette irrésistible
éloquence que lui inspirait l'amour des âmes, Gérard dépeint sous les plus
sombres couleurs, à ce pécheur qui se tient anéanti devant lui, l'état lamentable
auquel il se trouve réduit.
Gérard, voyant son
repentir, l'embrasse et lui dit : « Mon frère, viens avec moi ! » Et il l'emmène
au couvent. Là, il lui fit faire une bonne confession et prit soin de lui
pendant plusieurs jours. Le nouveau converti se retira pleinement consolé,
bénissant l'heure fortunée où il avait, en rencontrant le serviteur de Dieu,
trouvé, contre son attente, un trésor véritable.
Mais si le bon Frère
avait un talent tout particulier pour parler des miséricordes de Dieu aux
pécheurs repentants, il savait, non moins habilement, administrer aux hommes
méchants des leçons aussi sévères que méritées.
Un jour, Gérard, allant
quêter, passa par San Menna, localité du territoire de Muro. Sa monture avait
perdu ses fers, et il s'arrêta chez le maréchal pour les remplacer. L'artisan
voulait exploiter son client et demanda un prix fort exagéré. Le Saint, qui
aimait la justice et qui avait le souci des intérêts de la maison, ne perdit
pas son temps à discuter ; mais, sans s'émouvoir, il se tourna vers le cheval,
et dit : « Rends-lui ses fers. » Le cheval avança d'un pas, secoua les pieds
l'un après l'autre, et laissa tomber les fers. Le maréchal resta d'abord
immobile de stupeur. Revenu à lui, il courut après le Saint et lui cria : «
Attendez, homme de Dieu! » Il aurait voulu demander pardon ; mais Gérard
continua sa route.
Vers la fin du carême de
l'année 1753, à peine revenu d'autres pérégrinations, l'humble religieux, de
nouveau arraché à sa chère solitude, reçut l'ordre de partir pour Corato. Des
prêtres et des notables de cette ville étaient venus faire une retraite dans le
couvent d'Iliceto. De retour chez eux, ils ne se lassaient pas de parler à
leurs parents et à leurs amis des rares vertus du Frère Gérard. Ces récits
éveillèrent dans l'âme des habitants de Corato un désir si ardent de posséder
le Saint parmi eux, qu'ils rédigèrent une supplique collective dans laquelle
ils demandaient instamment au P. Fiocchi de leur envoyer_ le bon Frère, au nom
de la charité chrétienne.
Sur la route qui conduit
d'Andria à Corato, Gérard aperçut un fermier qui pleurait comme un désespéré.
Il s'approcha de lui avec bonté et lui demanda la cause de ses larmes : « Père,
répondit le paysan qui croyait parler à un prêtre, même si vous la connaissiez,
vous ne pourriez pas me consoler. — Comment, mon ami, reprit Gérard, est-ce que
Dieu ne pourrait pas vous secourir? — Oui, certes, répartit le campagnard; mais
voyez ce que les souris ont fait de mes semailles ! Mon champ est dévasté, et ma
famille va mourir de faim ! »
Gérard, profondément ému,
leva la main, traça sur cette terre ravagée un grand signe de croix, et, après
quelques paroles d'encouragement, continua sa route vers Corato. Le paysan,
après avoir salué le voyageur, se retourna pour jeter sur le champ un regard
douloureux. A sa grande surprise, il aperçut, çà et là, des souris mortes. Il
regarde avec plus d'attention les sillons dévastés ; partout il voit, étendus
morts, les rongeurs qui causaient sa désolation. Il court après Gérard, en
s'écriant : « Attendez-moi, homme de Dieu, attendez-moi ! » Mais le Frère piqua
des deux, pour se soustraire, grâce à la vitesse de son cheval, aux cris : « Le
Saint ! Le Saint ! » dont le paysan et les voisins accourus à sa voix ne
cessaient de le poursuivre.
A ce récit, attesté par
le P. Ripoli au procès apostolique, le P. Landi ajoute le témoignage d'un autre
fait qui signala l'arrivée de Gérard à Corato. Un riche habitant de la cité,
Félix Papaleo, devait lui donner l'hospitalité ; mais le bon Frère ignorait où
se trouvait la demeure de son hôte. Il laissa le cheval marcher, la bride sur
le cou, abandonnant à la Providence le soin de le guider. La monture le
conduisit à la maison du seigneur Papaleo. On ne connut pas plus tôt sa
présence que toute la ville fut en mouvement. Ses moindres paroles furent
recueillies avec admiration. Un témoin contemporain, Xavier Scoppa, écrivit au
P. Fiocchi : « Vous ne pouvez vous imaginer avec quel empressement le peuple
courait au-devant de Gérard dans les rues ; on ne pouvait se résoudre à le
quitter ; on le portait en triomphe, absolument comme un saint tombé du ciel.
Puis, non contents de l'avoir entretenu toute la journée, prêtres et laïcs
venaient, le soir, remplir la maison du seigneur Félix Papaleo ; les auditeurs
ne se dispersaient qu'à minuit, ou même plus tard, jamais lassés d'écouter le
bon Frère dont ils stimulaient le zèle en lui demandant sans cesse de leur
parler encore de Dieu. »
Il existait à Corato deux
communautés, l'une de Bénédictines, l'autre de Dominicaines. Les deux couvents
réclamaient la visite du saint Frère. Gérard persuada aux Bénédictines, déjà
ferventes, de se séparer encore davantage du monde, par la fuite du parloir et
le détachement complet des créatures. Les Dominicaines, moins exemplaires,
reprirent, à la voix de Gérard, la vie commune et une obéissance sévère ; elles
consentirent aussi, non sans avoir d'abord résisté, à faire murer une grande
fenêtre qui donnait sur la place publique.
Corato devait recevoir,
peu après, le bienfait d'une mission. La présence de Gérard avait
merveilleusement préparé le terrain à l'action des missionnaires. Les habitants
de Corato ne pouvaient se rassasier de voir et d'entendre le saint religieux.
Mais voici que tout à coup, le lundi de Pâques, il prit congé d'eux. En vain le
supplièrent-ils de ne pas les quitter encore : « Il faut que je m'en aille,
dit-il, parce que mon supérieur me rappelle. » Plus tard, le P. Fiocchi confia
au chanoine Giove que ce jour-là, à la même heure, il avait donné mentalement à
Gérard l'ordre formel de revenir à Iliceto. Le saint Frère rentra le mardi de
Pâques, 24 avril ; il ne devait rester au couvent que jusqu'au mois de juin.
A cette époque, Gérard,
qui semait partout les miracles, ira opérer celui de la réconciliation de
Castelgrande. Puis l'obéissance l'enverra comme apôtre et pacificateur à
Lacédonia.
CHAPITRE VII —
Pacificateur et thaumaturge. Juin 1753. — Mars 1754.
Gérard appelé comme
médiateur à Castelgrande. — Le père de la victime. — Gérard à Muro. — Revanche
du démon. — Triomphe de Gérard. — Séjour à Melfi. — Prophéties et miracles. —
Encore à Melfi. — Lacédonia visité par des fléaux. — Gérard y multiplie les
guérisons et les conversions.
Au printemps de l'année
1753, la petite ville de Castelgrande, au diocèse de Muro, avait été le théâtre
d'un odieux assassinat. Un jeune homme, François Carusi, avait été tué par le
notaire Martin Carusi, probablement son parent. Dès lors, la ville, partagée en
deux camps ennemis, vivait sous la menace continuelle d'une lutte à main armée.
Toutes les tentatives de conciliation ayant échoué, on résolut de recourir à la
médiation du Frère Gérard. Le P. Fiocchi l'envoya sans retard à Castelgrande,
et lui adjoignit le F. François Fiore.
A mi-chemin, Gérard
devait traverser Ruvo del Monte ; les habitants guettaient son passage pour le
recevoir en triomphe. En vain l'humble Frère chercha-t-il à faire un détour
afin d'échapper à ces démonstrations. Tous les sentiers étaient gardés, et
force lui fut d'aller au-devant des ovations Il se vit retenu plusieurs heures
à Ruvo, où la foule l'entourait pour recourir à ses conseils et solliciter ses
prières.
Le soleil était déjà
couché quand Gérard arriva à Castelgrande. Le gouverneur de la localité, Gaëtan
Federici, lui offrit un logement dans sa maison. A peine arrivé, Gérard
remporta une victoire signalée sur le démon, en guérissant, à la prière de son
hôte, une jeune possédée qu'on lui avait amenée.
Le lendemain, tout
Castelgrande était en émoi. La maison de Federici se remplissait de laïcs, de
prêtres, de nobles, de gens du peuple. On voulait voir Gérard, l'entendre, lui
demander des conseils, se réconforter auprès de lui. Il savait consoler tout le
monde. Mais il était venu pour réconcilier les ennemis ; de suite, il mit la
main à l'oeuvre.
Après avoir prié, il
ménagea une première entrevue avec Marc Carusi, père de la victime. Croyant
avoir pris peu à peu le chemin de son coeur, Gérard finit par lui proposer de
se réconcilier. Ebranlé par ce premier assaut, mais non vaincu, Marc Carusi
refusa encore de se rendre.
Dans un second entretien,
Gérard enleva la situation. Déjà le pardon était accordé ; les luttes allaient
s'éteindre ; il ne restait plus qu'à dresser l'acte officiel de réconciliation,
quand une lettre apporta à Gérard l'ordre de se rendre à Muro.
Il partit aussitôt. Sa
présence fut, dans sa ville natale, comme elle l'était partout, la cause de
grâces providentielles.
Il rendit visite à
l'évêque, qui était tourmenté par la goutte aux pieds et aux mains, et ranima
son courage avec ces douces paroles que l'on croyait venues du ciel.
Mais pendant son absence,
qui ne dura que peu de jours, le démon déchaîna les furies de l'enfer contre
l'oeuvre d'apaisement que Gérard avait commencée. Reprise de ses désirs de
vengeance et excitée par ses filles qui partageaient ses rancunes, la femme de
Carusi prit en mains les habits ensanglantés de la victime, et, les déployant
sous les yeux de son mari, se mit à lui crier « Regarde ces vêtements ! Le sang
de ton fils réclame une inimitié irréconciliable contre le meurtrier, et tu te
disposes à l'embrasser ! »
Ces paroles, et plus
encore la vue des vêtements ensanglantés, troublèrent l'esprit de Marc Carusi
et réveillèrent dans son coeur une sauvage colère. Aussi, repoussa-t-il toute
idée de pardon.
La première nouvelle que
Gérard apprit en rentrant à Corato fut l'anéantissement de ses efforts. Il
s'écria : « Non, l'enfer ne triomphera pas! C'est Dieu qui doit remporter la
victoire ! » Sans retard, il court à la maison des Carusi, fait appeler les
deux époux et plaide la cause du pardon. Ils demeurent inflexibles. Gérard ne
perd pas courage. Il tombe à genoux devant eux, prend son crucifix, et, l'ayant
posé à terre, il leur dit : « Venez, venez piétiner le Christ. a Ils pâlissent
et reculent. Gérard reprend : « Pourquoi vous arrêter? Sachez-le, il n'y a pas
de milieu, ou fouler aux pieds Jésus-Christ ou pardonner. Conserver de la
haine, c'est mépriser Celui qui a commandé de pardonner les injures, et qui a
Lui-même pardonné à ses bourreaux. »
Les deux obstinés, bien
que profondément émus, né se rendaient pas encore. Un coup décisif devenait
nécessaire : « Sachez-le, déclara Gérard, c'est Dieu lui-même qui m'a envoyé!
Votre fils est en purgatoire, il y restera aussi longtemps que durera votre
obstination. Voulez-vous le délivrer? Pardonnez. Si vous ne le faites pas,
attendez-vous à un châtiment ! » Et il se tourna vers la porte comme pour
partir.
— « Non, non, restez,
s'écrièrent les deux malheureux, nous voulons pardonner. Nous voulons nous
réconcilier tout de suite. »
La réconciliation fut
faite. Les haines et les rancunes disparurent pour laisser la tranquillité
rentrer dans le pays.
Les jours suivants, le
serviteur de Dieu, dans cette même ville, rendit le calme à trois obsédées ; il
annonça qu'une fille de son hôte ne serait pas guérie de la cécité, mais
qu'elle recevrait, en compensation, des grâces extraordinaires; il rendit la
santé à un enfant de trois ans, Antoine Pasi, atteint d'arthrite.
Avant de retourner à
Iliceto, Gérard voulut faire une visite au sanctuaire de la « Mater Domini », à
Caposèle ; il profita de ce pieux pèlerinage pour revoir son saint directeur,
le P. Cafaro, alors supérieur du couvent et qui devait bientôt quitter la terre
pour le ciel.
Le 10 juillet 1573, fête
du Très Saint Rédempteur, Gérard, selon l'usage, renouvela ses voeux avec ses
confrères, dans la maison d'Iliceto. Le lendemain, il fut désigné pour
accompagner le P. Etienne Liguori et deux autres Pères, qui allaient aux eaux à
Melfi. Les quatre religieux descendirent chez la veuve Murante, dont le fils
était entré dans la Congrégation, et ils vécurent en communauté d'une façon
très édifiante. Mais pour Gérard, il n'y avait ni repos ni ralentissement dans
la mortification. L'hôtesse ayant` remarqué qu'il répandait, à la dérobée, une
espèce de poudre noire sur ses mets, eut la curiosité de goûter cet
assaisonnement ; elle ne le fit pas deux fois, car elle y trouva une amertume
horrible.
Gérard occupait ses
quelques loisirs en pieux entretiens et en oeuvres d'apostolat et de charité.
Il fit visite à la famille de Michele, où il trouva un jeune séminariste
consumé par une fièvre opiniâtre. « Quelle fièvre? demanda Gérard en lui tâtant
le pouls; et il ajouta : Mais vous êtes guéri ! » En effet, le jeune homme
avait été subitement guéri. Gérard lui prédit ensuite qu'il deviendrait un de
ses frères dans la Congrégation ; le séminariste protesta avec force ; mais l'avenir
justifia bientôt la prophétie.
La saison des bains
terminée, Gérard retourna avec les Pères à Iliceto. Là, il apprit que le P.
Cafaro, son premier directeur, était gravement malade ; il se mit en prières
pour demander sa guérison ; mais le serviteur de Dieu était mûr pour le ciel.
Le 13 août, au moment où Gérard prenait sa récréation en compagnie de ses
confrères, il fut subitement ravi hors de lui-même. Revenu de son extase, il
dit : « Je contemplais l'entrée au ciel de notre P. Cafaro. » Bientôt, arriva à
Iliceto la nouvelle que le P. Cafaro était mort ce jour même où Gérard le
voyait entrer dans la gloire éternelle.
Au mois de novembre, sur
la demande de l'évêque, Gérard reprit le chemin de Melfi. Il accompagnait le P.
Fiocchi, qui allait prêcher la neuvaine de saint Théodore l'Apprenti, dont on
célèbre la fête à Melfi le 9 novembre. Dans le palais épiscopal, où logeaient
des deux religieux, se renouvelèrent les allées et venues des prêtres et des
laïcs de toute condition qui voulaient voir et entendre Gérard.
L'évêque, en sollicitant
de nouveau la présence du Saint, avait eu en vue la conversion de plusieurs
pécheurs, jusque-là irréductibles. Son attente ne fut point déçue. « Nombreux,
dit le P. Tannoia, furent les retours à Dieu que le bon Frère opéra à cette
époque. Lorsque les prêtres pouvaient soupçonner qu'une âme était enracinée
dans le péché, ils ménageaient une entrevue entre le pauvre égaré et le
serviteur de Dieu. Le succès était infaillible : en sa présence, les plus fiers
se sentaient troublés et perdaient leur belle assurance. En l'entendant parler,
les larmes leur montaient aux yeux et ils manifestaient une vive douleur. Quand
ils étaient mûrs pour la confession, Gérard, tout joyeux, les conduisait au P.
Fiocchi. »
Le don que Gérard possédait
de lire au fond des consciences permit de ramener au bien plusieurs victimes de
la fausse honte. Un notable de la ville traînait, depuis de longues années, une
chaîne de sacrilèges. Gérard, le rencontrant un jour, lui dit : « Mon fils, tu
vis dans le péché, Pourquoi veux-tu mourir damné ? Confesse-toi et rentre en
grâce avec Dieu ! » Le pécheur se hâta de profiter du conseil.
Une dame, qui cachait son
hypocrisie sous le voile de la piété, chercha à se procurer un entretien avec
Gérard, pour accréditer sa réputation de vertu. Le Saint la laissa parler;
puis, quand elle eut fini : « Ma fille, lui dit-il, pourquoi venez-vous me
conter pareilles fables ? Depuis dix ans, vous communiez en état de péché
mortel et vous voulez maintenant parodier la sainteté ? Allez faire une bonne
confession, si vous ne voulez mourir damnée ! » Cette femme, en proie aux plus
terribles angoisses, se hâta de mettre ordre dans son âme et persévéra dans le
bien.
Gérard ne se bornait pas
à opérer des miracles dans les âmes. La veuve Murante, son hôtesse du mois de
juillet précédent, avait vendu le produit de sa vigne, qui lui avait fourni une
récolte de plusieurs barriques. Quand l'acheteur vint enlever la marchandise,
il s'aperçut que, dans un fût de grande dimension, le vin avait tourné. Le
contrat devait être résilié : c'était justice. La pauvre veuve s'en affligeait.
« Ce n'est rien, lui dit le Saint en apprenant la chose ; mettez dans le
tonneau cette petite image de l'Immaculée Conception, et vous verrez que le vin
redeviendra excellent. » Elle obéit, et le vin recouvra sa qualité première.
La neuvaine de Melfi
terminée, le P. Fiocchi se rendit avec plusieurs autres Pères à Atella, pour y
prêcher la mission. Gérard les suivit comme Frère assistant, et aida, comme
toujours, les missionnaires à recueillir des fruits abondants de salut. Après
cette mission, Gérard retourna à la vie contemplative dans la solitude
d'Iliceto.
Au commencement de 1754,
l'homme de Dieu fut appelé à consoler la ville de Lacédonia, affligée d'une
double épidémie, physique et morale: le choléra tuait les corps, le scandale de
quelques libertins ruinait les âmes. Les habitants n'avaient oublié ni
l'admirable patience du petit serviteur de l'évêque, ni le prodige de
l'Enfant-Jésus dans le puits. D'un commun accord, on avait sollicité la venue
du Saint ; aussi, fut-il accueilli comme un ange du ciel. On désirait le voir :
on voulait l'entendre ; on se disputait sa présence. Gérard logeait dans la
maison de la famille Capucci ; mais il n'y résidait guère. Toujours empressé à
répondre aux désirs de chacun, il ne se donnait point de repos, se dévouant
sans acception de personnes ; s'il marquait quelque préférence, c'était pour
les pauvres, qu'il assistait avec une spéciale tendresse. Il apportait à tous
la consolation, exhortant les uns à la patience, préparant les autres au grand
voyage de l'éternité, guérissant de nombreux malades.
L'archidiacre Antoine
Sapomero, atteint du choléra, se trouva en danger de mort. Appelé auprès du
malade, Gérard lui dit : « Archidiacre, rendez gloire à Dieu, car vous êtes
guéri. » Dans une relation autographe, parvenue jusqu'à nous, le digne prêtre
ajoute : « Pendant qu'il m'adressait ces paroles, Gérard me fit sur le front un
signe de croix avec le pouce. Je fus instantanément rendu à la santé, et ne me
ressentis plus jamais des atteintes du fléau. » Un frère de l'archidiacre fut
frappé à son tour, et, en peu de temps, réduit à l'extrémité. Le moribond
voyant le Saint venir le visiter, s'écria : « Béni soit Dieu! » Gérard répondit
: « Allons, courage! vous n'avez plus de fièvre. » A peine eut-il parlé, que la
fièvre disparut.
Gérard guérit aussi par
un signe de croix une jeune fille, Lelia Coccia, devenue folle à la suite de la
mort de sa mère.
Un pécheur se mourait,
et, même sur le seuil de l'éternité, refusait le ministère du prêtre. On
appelle Gérard; il court, jette un regard sur le moribond, invoque Marie,
l'espérance des désespérés, et récite l'Ave Maria. Le pauvre endurci se laissa
toucher par la grâce, se confessa, et bientôt mourut dans les meilleurs
sentiments.
Après avoir heureusement
terminé sa mission à Lacédonia, le serviteur de Dieu retourna à son cher
couvent. En passant par Bisaccia, il guérit miraculeusement un pauvre père de
famille que la douleur avait rendu idiot. Continuant sa route, il traversa
Rocchetta, où il mit fin au scandale d'un Calabrais qui vivait dans une union
irrégulière.
Il ne séjourna que trois
ou quatre semaines à Iliceto. Au mois de mars, les affaires de la maison le
rappelèrent à Atella, puis à Foggia, où il passa la Semaine Sainte, demeurant
de longues heures auprès du Tabernacle dans l'église des religieuses du Très
Saint Sauveur. « J'ai goûté, durant ces saints jours, une consolation infinie
», avouait-il dans une lettre à la Mère Marie de Jésus, carmélite de
Ripacandida.
Dans l'intervalle, le
serviteur de Dieu avait eu la joie de visiter le sanctuaire de Saint-Michel au
Mont Gargan. Nous allons revenir un peu en arrière pour raconter ce pèlerinage
mémorable qui amena saint Gérard auprès de l'Archange, auquel il avait voué,
depuis sa plus tendre enfance, une dévotion toute particulière.
CHAPITRE VIII — Le
pèlerinage du Mont Gargan. Septembre 1753.
Première étape à Foggia.
— Guérison merveilleuse à Manfredonia. — Au sanctuaire de Saint-Michel. —
Gérard en extase. — Leçons de charité. — Retour à Iliceto.
LE Mont Gargan était
situé à soixante-dix kilomètres d'Iliceto. Plusieurs fois les scolastiques de
cette maison avaient exprimé le désir de faire le pèlerinage de ce sanctuaire,
où affluent chaque année des multitudes de fidèles. Le Père Fiocchi, recteur de
la maison, se rendit volontiers à leurs voeux; mais il ne put remettre à la
pieuse caravane qu'une maigre somme de trente carlins.
Pour suppléer aux bornes
étroites imposées à sa charité, le P. Fiocchi mit les scolastiques sous la
conduite du Frère Gérard. La confiance de l'excellent supérieur ne fut pas
trompée. Dans aucune circonstance de la. vie de saint Gérard le ciel ne se montra
aussi prodigue de faveurs.
Les pèlerins étaient au nombre
de douze, y compris le F. Ange, un ermite, lequel conduisait deux ânes qui
suivraient la caravane et porteraient, en cas de besoin, les voyageurs malades
ou fatigués.
Les pèlerins firent une
première halte à Foggia. Ils voulurent y vénérer l'image miraculeuse de la très
sainte Vierge, que l'on appelle « l'image des sept voiles » ; c'est en présence
de ce tableau que saint Alphonse, au milieu d'une prédication, avait été ravi
en extase. Gérard le contempla à son tour : il semblait que le Frère ne pouvait
plus en détacher les yeux, tant son esprit était absorbé dans les grandeurs de
la Mère de Dieu!
On ignore le nom de
l'hôte qui eut la bonne fortune de loger la petite troupe. Le lendemain matin,
Gérard annonça qu'il allait louer une voiture pour continuer le voyage jusqu'à
Manfredonia, l'étape de la veille ayant déjà fatigué plusieurs de ses
compagnons. Les jeunes gens voulurent s'opposer à cette dépense : « Comment
ferons-nous pour payer? » Gérard leur répondit : « Dieu y pourvoira! »
On se mit en route. Les
chevaux allaient assez bon train. F. Ange resta en arrière, parce que ses ânes,
lassés et mal nourris, ne pouvaient suivre l'équipage. Gérard fit faire halte
dans une auberge pour l'attendre. L'ermite rejoignit enfin la caravane,
assurant que les ânes étaient épuisés de fatigue. « Allons, ne craignez rien,
répondit Gérard, les ânes doivent venir; et moi je m'occuperai de les faire
marcher. » Il les attelle à la voiture, ordonne à l'ermite de monter sur l'un
et au fils du voiturier d'enfourcher l'autre. Gérard lui-même se place sur le
siège, donne aux bêtes un coup de fouet, en disant : « Au nom de la Très Sainte
Trinité, je vous commande de galoper. » Les ânes alors se mettent à courir
mieux que deux chevaux, et, dévorant l'espace, arrivent en peu de temps à
Manfredonia. Là, Gérard paya le prix convenu pour la location du véhicule : il
lui resta un peu plus de deux carlins, moins d'un franc.
Avec cette maigre somme,
le Saint acheta un bouquet d'oeillets à une marchande, sur la place, et, se
tournant vers les étudiants, il dit : « Allons à l'église. » C'était l'église
du château.
Aussitôt entrés, tous se
prosternèrent à genoux pour prier. Après quelques instants, Gérard se leva, et,
le bouquet à la main, gravit les degrés de l'autel du Saint Sacrement. Il pose
les fleurs devant la porte du Tabernacle, et, s'adressant à Notre-Seigneur : «
Voyez, dit-il, j'ai pensé à vous; maintenant c'est à vous de penser à ma petite
famille. »
Il avait à peine prononcé
ces paroles, que le chapelain entrait dans l'église. Ayant appris l'arrivée des
religieux, il venait dire à Gérard : « Voudriez-vous me faire le plaisir de
passer la nuit dans ma maison? — Dieu vous bénisse; mais, voyez, nous sommes
nombreux. — Qu'importe ! venez tous, pourvu que vous vous contentiez du peu que
je pourrai faire, car ma mère, malade depuis deux mois, ne pourra vous servir
comme vous le méritez. — A cela, reprit Gérard, il y a un remède : faites-lui
le signe de la croix sur le front, et vous verrez qu'elle se portera bien. »
Le chapelain courut vers
sa mère, et traça sur son front un signe de croix ; elle se trouva parfaitement
rétablie. Quand les hôtes arrivèrent, elle était déjà prote à les servir.
Le lendemain, ils
entreprirent l'ascension de la sainte montagne. Gérard, pour mieux s'assurer
les faveurs du glorieux Archange, voulut monter à 'pied. Entrés dans le
sanctuaire, les pèlerins se prosternèrent et s'abandonnèrent à leur dévotion.
Après avoir longtemps prié, les jeunes gens se tournèrent vers Gérard pour lui
exprimer le désir d'aller réparer leurs forces : les yeux au ciel, Gérard était
tout absorbé en Dieu ; il ne voyait pas, il n'entendait pas. On l'appelle, il
ne répond rien. Les étudiants, qui n'avaient jamais assisté aux ravissements du
Saint, s'imaginent qu'il est frappé de maladie et sont pris de peur. Ils
s'approchent, le secouent : Gérard, toujours immobile ne revient pas à la
réalité. Les plus forts le soulèvent pour l'emporter et lui prodiguer des
soins, quand Gérard sort enfin de sa profonde extase. Il jette un regard sur
ses compagnons, et, voyant que leurs visages témoignent d'une véritable
épouvante, il les rassure en disant : « Ce n'est rien, ce n'est rien ! Allons
prendre notre repas ! »
Ils sortent du
sanctuaire, et se dirigent vers un hôtel, où Gérard fait préparer un souper et
des lits; une aumône, don d'un généreux inconnu, lui permet de couvrir ces
nouveaux frais.
Dès le réveil, la
première visite est pour l'Archange, puis, après un léger déjeuner, les pieux
jeunes gens retournent au sanctuaire et prolongent leur prière. Ils se
retrouvèrent à l'hôtel pour l'heure du dîner. Gérard, qui ne comptait pas les
heures quand il s'entretenait avec Dieu, tardait à les rejoindre. Ils se
demandaient avec quel argent le Saint leur fournirait à manger. Enfin Gérard
arrive et dit « A table. » Puis, tirant de sa poche vingt-quatre sous, il les
donna à Frère Ange, pour aller acheter du pain. Les étudiants se regardaient
entre eux, en souriant d'un air défiant. « Hommes de peu de foi, reprend
Gérard, c'est ainsi que vous obéissez? Vite, à table. »
C'était jour maigre, et
la table se trouvait servie de poissons, mais de poissons exquis, de plusieurs
espèces. Les jeunes gens avaient peine à en croire leurs propres yeux. Frère
Ange revint bientôt apportant du pain, et les convives, très intrigués, firent
honneur, avec un appétit de vingt ans, à ce festin inattendu. Pendant qu'on
mangeait, Gérard, appelé par un visiteur, fut obligé de s'absenter quelques
instants de la salle; Frère Ange en profita pour satisfaire la curiosité de ses
compagnons, en leur racontant le fait dont il avait été témoin dans l'église,
un peu avant l'heure du repas. Gérard était occupé à prier devant l'autel de
saint Michel, quand une personne inconnue s'était avancée et lui avait tendu
une bourse. Sans se nommer, elle s'était retirée aussitôt. Elle était
certainement envoyée par la divine Providence, grâce à l'intercession du saint
Archange, pour récompenser la surnaturelle confiance du pauvre Frère Gérard.
A l'heure du départ, on
demanda le compte à l'aubergiste, qui présenta une note exagérée. « Si vous
voulez nous voler, lui dit Gérard, Dieu vous frappera dans vos biens, et vous
verrez périr vos mules auxquelles vous tenez tant.. » — En effet, quelques
instants plus tard, le fils de la maison accourait, en criant : « Mon père,
venez, venez ! les mules se roulent à terre d'une manière effrayante. Venez
vite ! » L'aubergiste comprit sa faute, se jeta à genoux et demanda pardon. a
Oui, je vous pardonne, dit le Saint, mais souvenez-vous que Dieu est avec ses
pauvres. Malheur à vous si vous demandez une autre fois au delà de ce qui vous
est dû ! » L'hôtelier ne voulait plus rien accepter ; mais Gérard posa l'argent
sur la table et sortit avec les étudiants. En passant, il fit un signe de croix
sur les mules et les guérit à l'instant.
Les pèlerins dirent adieu
au sanctuaire et reprirent la route du couvent. Après avoir descendu la
montagne et déjà parcouru une assez longue traite, les étudiants se plaignirent
de la soif. « Patience, dit Gérard, plus loin nous rencontrerons un puits. Ils
y arrivèrent bientôt, mais n'y trouvèrent pas de corde. Gérard la demanda au
propriétaire, qui ne voulut pas la prêter à des étrangers. « Tu refuses l'eau à
ton prochain? le puits te la refusera! » Ainsi parla Gérard. Un peu désappointé,
on continua le voyage. A peine les jeunes gens s'étaient-ils éloignés d'un
demi-mille qu'ils entendirent derrière eux les cris et les gémissements du
propriétaire. L'eau avait disparu du puits, le seul qui fournissait à boire aux
habitants de la contrée. Les étudiants se hâtèrent de rebrousser chemin, et se
penchant sur la margelle du puits, ils le virent effectivement à sec. Gérard
les avait suivis. Ému par les larmes de cet homme repentant, et par les
supplications des étudiants, il fit le signe de la croix sur le puits, et l'eau
reparut comme auparavant : « Donc, mon frère, conclut le Saint, en s'adressant
au paysan, que ce soit là une leçon pour toi : ne refuse jamais à personne
l'eau qui appartient à tout le monde; sinon Dieu te la refusera. Jésus-Christ
ne nous commande-t-il pas de nous aimer comme des frères? Use donc de
miséricorde envers les autres, si tu veux que Dieu en use envers toi. »
Rafraîchis de la sorte,
les voyageurs reprirent leur route et arrivèrent à Manfredonia, puis le
lendemain à Foggia. Là, Gérard, n'ayant plus que quelques sous, acheta un autre
bouquet, entra avec ses compagnons dans une église, et posa les fleurs devant
le Tabernacle, en priant comme il l'avait fait naguère à Manfredonia. En
sortant de l'église, les pèlerins trouvèrent à la porte deux enfants qui leur
offrirent chacun un panier de provisions.
A six milles de Foggia,
au milieu d'un bois, s'élève un sanctuaire où la Madone est honorée sous le
vocable de Vierge couronnée. La petite caravane s'y arrêta, puis se dirigea
vers Troia, à une distance de seize milles, pour y vénérer l'émouvant Crucifix
qu'avait fait sculpter Monseigneur Emile Cavalieri, oncle maternel de saint
Alphonse. Là encore, Gérard fut ravi en extase. Enfin, après neuf jours de
pèlerinage, les étudiants étaient de retour à Iliceto. Ils avaient appris à
bonne école que la confiance dans la divine Providence est une source
d'intarissables richesses.
Quant à saint Gérard, il
avait ainsi renouvelé son alliance avec le chef des milices célestes. Encore quelques
mois, et Satan allait prendre contre le saint religieux une terrible revanche en
l'attaquant dans son honneur.
CHAPITRE IX — La grande
épreuve. Avril-Juillet 1754.
Une postulante qui rentre
dans le monde. — Tentation satanique. — Calomnie accréditée auprès de saint
Alphonse. — Gérard refuse de se justifier. — Privation de la communion. —
Angoisses et consolations. — Dieu justifie son serviteur. « La Règle le défend
! »
LES chapitres précédents
nous ont montré le saint Frère remplissant des emplois et des missions qui
dépassaient de loin les attributions d'un religieux non revêtu du sacerdoce.
Evêques, prêtres et fidèles multipliaient tour à tour leurs instances auprès
des supérieurs pour les décider à faire de Gérard ici un conseiller des âmes perplexes
et troublées, là un puissant aide des missionnaires, un convertisseur, ailleurs
un pacificateur, au besoin un réformateur de communautés. Dans ces tâches
délicates, sa sainteté et les dons extraordinaires dont Dieu l'avait comblé,
garantissaient toujours le succès.
Or, pendant son séjour à
Lacédonia, le saint Frère avait dirigé, là comme ailleurs, plusieurs jeunes
filles vers la vocation religieuse. Parmi elles se trouvait une certaine Néréa
Caggiano, qui le suppliait de favoriser sa vocation contrariée par la pauvreté.
Gérard recueillit en sa faveur, auprès des familles les plus fortunées de la
ville, une somme de deux cents ducats. C'était une dot insuffisante ; mais sur
la présentation de l'homme de Dieu, Néréa fut accueillie avec joie au monastère
du Très Saint Sauveur, à Foggia.
Néréa ne passa que vingt
jours dans cette communauté. Cédant à son inconstance, et ne réagissant pas
contre une vague de mélancolie qui avait envahi son âme, elle retourna dans sa
ville natale. Tout le monde s'étonna de voir revenir si vite une personne qui
avait fait étalage de piété et d'aspirations ardentes vers la vie religieuse.
Pour se justifier, la malheureuse se mit à diffamer les religieuses de Foggia.
Mais chacun se refusa à croire au relâchement d'une communauté qui jouissait de
l'estime et de la faveur d'un ami de Dieu tel que le Frère Gérard. Récemment
encore, il avait, par un signe de croix, rendu à la santé une soeur qui entrait
déjà en agonie. Par une seule parole, il avait guéri une jeune élève abandonnée
des médecins.
Impuissante à discréditer
les religieuses, la jeune fille tourna sa rancoeur contre le Saint. Elle se
permit des insinuations perfides, prononcées d'un ton moqueur et avec des
réticences calculées. Mais la réputation de l'homme de Dieu était au-dessus de
ces mesquines perfidies. Néréa vit bien qu'elle n'arriverait pas, par ces
moyens détournés, à perdre le Saint dans l'opinion des fidèles. Avec une
habileté vraiment infernale, elle combina un plan qui malheureusement ne devait
que trop bien réussir. Elle imagina d'accuser Gérard d'une faute honteuse, et
lui assigna comme complice, ou plutôt comme victime, une jeune personne très
estimée, modèle de douceur et de piété. Gérard devait passer pour avoir
criminellement abusé de la passivité de cette personne. La calomniatrice se
garda bien d'accuser publiquement son bienfaiteur : le peuple de Lacédonia,
encore sous le charme des vertus de Gérard et des merveilles opérées par lui,
se serait unanimement récrié et aurait confondu l'indigne créature. Celle-ci,
pour accréditer son imposture, s'insinua dans la confiance d'un prêtre, don
Benigno Bonaventura, renommé pour sa vertu et sa prudence, très dévoué à saint
Alphonse et à sa Congrégation. Dans cette circonstance, l'excellent don Benigno
se laissa tromper par les dehors de piété et de mortification qu'affectait la
dénonciatrice. Une fois assurée qu'elle serait écoutée, Néréa fit à son
confesseur les terrifiantes révélations qu'elle avait à fournir sur le Frère
Gérard. Le temps, le lieu, les circonstances de la faute, tout fut précisé.
Elle-même prétendait en avoir été témoin, avec d'autres personnes que la
charité lui défendait de nommer. Si elle avait tardé si longtemps à découvrir
cette iniquité, c'était par crainte de causer un scandale ; mais elle avait
fini par comprendre que sa conscience lui faisait une obligation de soulever un
coin du voile aux regards d'un homme sage et éclairé. Don Benigno, qui savait
gré à sa pénitente d'avoir épargné un scandale au public, l'obligea à déférer
l'accusation aux supérieurs du coupable. Néréa écrivit à saint Alphonse, et don
Benigno apostilla le témoignage de sa pénitente.
On se figure aisément la
torture dans laquelle fut plongé le saint fondateur en recevant ces deux
lettres. Le Frère Gérard, le thaumaturge, le convertisseur, le pacificateur,
sous le coup d'une accusation infamante !
Mais avant d'y ajouter
foi, la sagesse commandait d'aller aux informations. Il fallait ou confondre la
calomniatrice, ou punir le coupable ; toute demi-mesure eût risqué d'imprimer
une tache à cette congrégation qu'Alphonse voulait immaculée. Il envoya donc le
plus prudent de ses collaborateurs, le P. André Villani, faire discrètement une
enquête à Lacédonia.
Le P. Villani interrogea
Néréa et don Benigno. Leurs affirmations étaient si bien soutenues que, malgré
son invraisemblance, la faute paraissait confirmée. Le P. Villani en prévint
saint Alphonse, et celui-ci écrivit qu'on envoyât aussitôt le Frère auprès de
lui, à Pagani. Gérard, en recevant cet ordre, partit du couvent d'Iliceto, ott
il avait passé cinq ans et où il ne devait plus revenir. Selon son habitude, il
fit route en priant et en tournant toute son âme vers le ciel, pendant
qu'Alphonse, torturé d'une douloureuse anxiété, l'attendait au couvent de
Pagani. En se présentant devant le recteur majeur, Gérard ne paraissait pas
troublé ; Alphonse, sur qui pesait toute la responsabilité des décisions à
prendre vis-à-vis du Frère, était au contraire profondément ému, sans avoir
cependant perdu ni son calme, ni sa douceur. D'un air grave, il lui notifia
l'accusation portée contre lui. « Gérard resta impassible comme le marbre »,
écrit le P. Tannoia; il n'articula pas un mot pour se défendre. Il agissait
ainsi parce que, dès les premiers temps de son noviciat, il avait pris l'héroïque
résolution de ne jamais prononcer une parole pour se disculper quand on se
plaindrait de lui, que ce fût à tort ou à raison.
Alphonse, qui attendait
sans doute de Gérard une réponse capable d'anéantir les soupçons, fut
extrêmement perplexe. Il avait déclaré qu'il ne tolérait jamais dans son
institut - un membre qui dût lui infliger une tache, surtout celle de
l'impureté. Quelques Pères, mis discrètement au courant de l'affaire, opinaient
pour l'expulsion de Gérard. Mais le saint fondateur, tout en ressentant la
pénible impression du doute, ne pouvait se résoudre à le croire coupable. Il se
contenta de lui défendre toute relation avec le dehors et de le priver de la
communion.
L'humble Frère; entendit
son arrêt avec un respect religieux et conserva un visage tranquille, mais il
sentit son coeur déchiré d'une plaie vive et profonde. Depuis le jour où il
avait reçu le corps de Notre-Seigneur des mains de saint Michel, Gérard se
sentait dévoré pour le pain eucharistique d'une faim insatiable, que le temps avait
accrue encore. Mais maintenant le ciel était fermé pour lui. Dans sa douleur,
Gérard se voyait envahi par la pensée qu'il s'était rendu indigne de recevoir
son Dieu. Ce sentiment, tout en l'accablant d'angoisse et de tristesse, ne le
décourageait pourtant pas, car il répétait fréquemment : a Le Seigneur veut
punir mon peu d'amour, et il me fuit ! Mais moi je ne veux pas le laisser
échapper de mon coeur ! »
Pour toute consolation,
il sortait le soir pour contempler dans les astres la grandeur de ce Dieu qu'il
ne pouvait plus recevoir sous les espèces eucharistiques : de là-haut,
espérait-il, viendrait tomber sur son esprit abattu un rayon qui lui dirait que
le Seigneur l'aimait ! Il allait aussi se cacher dans le monument funèbre du
vénérable P. César Sportelli, entré, depuis quatre ans, dans l'éternel repos ;
là le sommeil domptait ses membres, fatigués par une trop longue veillée.
En le voyant si longtemps
écarté de la sainte Table, la communauté de Pagani soupçonna qu'une grave
accusation avait été portée contre lui ; mais, comme personne ne pouvait se
résoudre à le croire coupable, tous lui disaient de se justifier. « Non,
répondait Gérard, je m'abandonne à Dieu : c'est Lui qui doit penser à me
défendre. Lui en coûterait-il, s'il lui plaisait, de faire éclater mon
innocence? » On lui objectait en vain qu'il faut s'aider soi-même, si l'on veut
être aidé du ciel. Gérard se tenait fortement appuyé sur la Providence, et,
persuadé qu'elle voulait pour lui cette affliction, il répondait : « Si Dieu
tient à me mortifier, pourquoi me soustraire à son bon plaisir? et si Dieu veut
révéler mon innocence, qui en est plus capable que Lui ? Laissons-le faire ; je
ne veux que ce que Dieu veut ! » Cependant, lorsqu'on lui conseillait de
demander, au moins par grâce, la sainte communion, il se sentait un peu ébranlé
; mais, après un instant de réflexion, frappé de cette pensée qu'il faut, en
toutes choses, s'en remettre à la divine sagesse, il laissait échapper ces
paroles : « Non, non ! je dois mourir sous le pressoir de la volonté de Dieu !
»
Néanmoins, l'éloignement
de l'Eucharistie était toujours l'épine qui lui perçait le coeur; une
circonstance qui lui rappelait le souvenir du Très Saint Sacrement, suffisait
pour faire éclater son immense douleur. « Laissez-moi, dit-il un jour à un Père
qui l'invitait à servir la messe; laissez-moi! ne me tentez point; car je vous
arracherais l'hostie des mains ! »
Après quelque temps
d'aridité et de désolation, Dieu daigna admettre son serviteur à la
contemplation pour le nourrir, comme les anges, de ses attributs. Au mois de
juin, par suite d'une maladie qui dura quelques jours, Gérard ne pouvait
prendre part à la méditation commune. Le pieux P. Caione se rendit auprès du
malade pour l'assister dans cet exercice. Un jour il choisit pour sujet de la
méditation l'amour de Dieu pour les hommes. En considérant ce mystère qui avait
pour son âme un immense attrait, Gérard entra dans une extase qui dura près
d'une demi-heure.
Malgré ces signes
manifestes de la prédilection divine, l'humble Frère persista dans son silence
vis-à-vis de son supérieur. Le saint fondateur prit le parti de l'envoyer dans
une maison où il trouverait des Pères capables de lui inspirer une plus grande
confiance, et il le dirigea sur Ciorani. A la tête de ce couvent étaient le P.
Rossi, recteur, et le P. Tannoia, maître des novices ; saint Alphonse leur
enjoignit d'avoir les yeux ouverts sur Gérard et de le surveiller de près. La
surveillance, écrit le P. Tannoia, n'aboutit pas à faire découvrir en lui le
plus léger défaut. Il était toujours calme, toujours humble, toujours prêt à
exécuter les ordres ; mais, ce qui nous étonnait davantage, continue le même
Père, c'était de constater que, jamais il ne formulait une plainte au sujet de
sa tribulation, se contentant de s'épancher devant Jésus au Saint Sacrement. »
Favorablement
impressionné par les informations reçues de Ciorani, Alphonse décida d'envoyer
Gérard au couvent de Caposèle, et de lui accorder la communion le dimanche.
Toutefois, il recommanda au supérieur de lui interdire toute relation avec le
dehors.
L'épreuve avait duré plus
de deux mois, quand Dieu intervint en faveur de son serviteur.
Néréa Coggiano, bourrelée
d'inquiétudes et de remords, était tombée gravement malade. Craignant les
jugements de Dieu, elle avoua son imposture aux membres de sa famille, et se
décida à en faire l'aveu également à son confesseur, Don Benigno, qui l'obligea
à se rétracter. Elle déclara donc, par écrit, que l'accusation avait été un
tissu de mensonges ourdi sous l'action du démon.
Ce fut un immense
soulagement pour saint Alphonse et ses confrères. Quant à Gérard, lorsqu'il
apprit que son honneur était vengé, il se contenta de lever les yeux au ciel et
de baiser la main de son Maître adorable, « cette main qui, selon son expression,
répandait sur lui les pierres précieuses du vouloir divin ».
Le plus heureux de ce
dénouement fut saint Alphonse. Dans un entretien avec le P. Margotta, un des
plus saints religieux de l'institut, il dit : a Maintenant je connais la vertu
de ce Frère, et, si je n'avais d'autres preuves de sa perfection, sa conduite,
dans ces derniers temps, suffirait à m'y faire croire. »
Le P. Margotta était
procureur général de la Congrégation, et, à ce titre, devait souvent résider à
Naples. Admirateur de la sainteté de Gérard, il demanda comme une faveur de
l'avoir comme compagnon, au moins pour un temps. « Oui, répondit saint
Alphonse, il est bon qu'il parte avec vous à Naples, ne serait-ce que pour
compenser les souffrances qu'il vient d'endurer. »
On écrivit donc au
serviteur de Dieu de quitter immédiatement Caposèle et de venir à Pagani. Le
saint fondateur voulait le voir avant son départ pour Naples. Arrivé à Pagani,
Gérard alla, sans retard, se présenter à son vénéré Supérieur. I1 avait le même
calme, la même attitude respectueuse, le même sourire aux lèvres qu'à la
première entrevue. Attendri, plus qu'il ne voulait le laisser paraître,
Alphonse lui prit doucement la main et lui dit : « Mon fils, pourquoi
n'avez-vous pas voulu dire un seul mot pour vous excuser? — Mais, mon Père,
reprit Gérard, comment pouvais-je le faire? La règle ne nous ordonne-t-elle pas
de ne pas nous excuser et de souffrir en silence les mortifications qui nous
viennent des supérieurs ? » Saint Alphonse, ému jusqu'aux larmes, lui répondit
: « Bien, bien, mon fils; allez, et que Dieu vous bénisse ! »
CHAPITRE X — Saint Gérard
à Naples. Juillet-Novembre 1754.
Deux émules de sainteté.
— Charité pour les pauvres, les aliénés, les pécheurs. — Gérard marche sur les
flots pour sauver des pêcheurs. — Ovations continuelles. — Retour à Caposèle.
LORSQUE Gérard et le P.
Margotta furent arrivés à Naples, une sainte émulation s'éleva entre ces deux
disciples du divin Crucifié. Souvent, le Père oubliait de commander le repas;
Gérard alors ne préparait rien, et tous deux restaient à jeun. Un jour
cependant, où en guise de repas, ils discouraient de choses célestes, un coup
de sonnette appela Gérard à la porte : un enfant s'était présenté de la part
d'une personne inconnue pour apporter des provisions.
Les deux serviteurs de
Dieu rivalisaient également de zèle pour la prière, la contemplation et les
visites au Très Saint Sacrement. On les voyait s'absorber des heures entières,
le jour et la nuit, dans l'adoration de Jésus-Christ, dans les églises où se célébraient
les Quarante-Heures.
A Naples, comme partout,
les pauvres eurent une place de choix dans les tendresses de Gérard. Là encore,
il eut pour émule le P. Margotta, qui allait parfois jusqu'à se dépouiller de
ses vêtements pour en couvrir les nécessiteux.
La ville possédait une
Maison des Incurables, autrefois témoin de la charité de saint Alphonse quand
il était jeune avocat à Naples. Saint Gérard aimait, lui aussi, à faire la
visite de cet asile du malheur. Il allait de lit en lit, exhortant tel malade à
la patience, préparant tel autre à la mort. S'il eût assisté le divin Maître en
personne, il ne se serait pas montré plus compatissant, ni plus affectueux.
Sa tendre sollicitude
s'étendait aussi aux aliénés. Souvent, il allait leur rendre visite, les
réunissait pour leur parler de Dieu et les instruire selon leurs capacités,
leur apportait des douceurs et des fruits. Dès que ces infortunés le voyaient
arriver, ils couraient à lui, et l'entouraient, en criant : « Père, nous
voudrions toujours rester avec toi; tu nous consoles ; personne ne nous parle
comme toi. » Cet amour que lui témoignaient les aliénés, mit un jour Gérard
dans le plus grand danger. Le Saint se disposait à les quitter, lorsque deux
d'entre eux le serrèrent dans leurs bras; en disant : « Non, nous ne voulons
pas te laisser partir ; tu dois rester avec nous! » Inconscients de leur force,
ils le tenaient si énergiquement enlacé que Gérard crut étouffer dans leur
étreinte. Heureusement, un autre fou vint à son secours, en criant d'un ton de
maître : « Est-ce ainsi qu'on traite notre confesseur ! » et, jouant du poing,
il parvint à délivrer Gérard qui était près de défaillir.
La charité de Gérard pour
les misères physiques ne lui faisait pas oublier les souffrances de l'âme du
pécheur. « Il ne se passait pas de jour, dit Tannoia, qu'il ne prît quelque
pécheur dans ses filets. » Avec une finesse d'esprit surnaturalisée par le zèle
des âmes, il faisait aboutir à des sujets d'édification ses entretiens, même
ceux qui s'engageaient sur les affaires les plus banales. Sa conversation avait
un charme irrésistible qui captivait ses interlocuteurs, et les amenait
insensiblement aux résolutions pratiques. Quand Gérard avait décidé une
conversion, il conduisait le pénitent aux pieds du P. Margotta qui se chargeait
du reste.
Le don de discernement
des coeurs n'aidait pas peu à ces transformations. Gérard était entré un jour,
en compagnie du prêtre don François Colella, dans une boutique où l'on vendait
des médailles et des chapelets. Le marchand, pour plaire à ses clients, voulut
faire étalage de piété, et porta la conversation sur des sujets de
spiritualité. Le Saint, le prenant à part, lui dit quelques mots à l'oreille ;
puis, ayant payé son emplette, sortit du magasin, en y laissant don Colella,
qui avait encore affaire. Le faux dévot, pâle et suffoqué par l'émotion, dit au
prêtre : « Ce religieux doit être un grand serviteur de Dieu. Je suis tout
bouleversé ! Il vient de me manifester un péché connu de Dieu seul et de moi. »
Il se confessa sans tarder et se convertit sincèrement.
Le regard pénétrant de
Gérard discernait aussi les événements éloignés. Le 5 octobre, était mort, à
Caposèle, le P. Ange Latessa. Quelques jours après, alors que la nouvelle de la
mort n'avait pas eu le temps d'arriver à Naples, Gérard, pendant une récréation
qu'il prenait avec le P. Margotta, fut saisi d'une inspiration subite , et
s'écria : a Voici qu'en ce moment même est entré dans le paradis notre P.
Latessa. » Le 14 du même mois, le Saint rencontra, dans les rues de Naples, un
de ses compatriotes de Muro, nommé Pascal ; en l'abordant, il lui dit : «
Aujourd'hui, à Muro, vient d'être assassiné l'archiprêtre Coccicone. » Quand la
poste arriva à Naples, Pascal reçut une lettre dans laquelle on lui annonçait
cet horrible attentat, qui avait eu lieu le jour même où il avait rencontré
Gérard.
De telles merveilles ne
pouvaient qu'attirer l'attention et l'estime sur le Saint. « Les pieux
Ouvriers, les Jésuites, les Oratoriens, avaient de lui, dit Tannoia, une haute
idée. Persuadés que l'esprit de Dieu assistait ce bon Frère, ils se
réjouissaient de l'avoir auprès d'eux, ils étaient ravis de son humilité, et ne
pouvaient se rassasier de l'édification qu'il leur donnait par une vie si
modeste, si recueillie, si absorbée en Dieu. » Bientôt les visiteurs
assaillirent en foule la maison des religieux. On venait demander à Gérard des
conseils et des prières. Plus d'un personnage éminent par sa sainteté ou par
son rang dans la société accourut se jeter aux pieds de l'humble Frère pour
apprendre de lui les secrets de la perfection.
Le saint religieux
souffrait de la haute opinion qu'on avait de lui et essayait par tous les
moyens de la démentir. Un soir que, seul au logis, il était occupé aux travaux
domestiques, il entendit frapper à la porte. Accourant aussitôt, il se trouva
en face d'un valet en grande livrée, qui lui dit : « Madame la duchesse de
Maddaloni désire le F. Gérard. » Voyant qu'il n'était pas connu du messager, il
fait l'étonné et répond : « Je ne sais vraiment pas pourquoi on recherche ce
Frère ! C'est un pauvre niais, à moitié fou. A Naples, on ne le connaît pas
encore tel qu'il est! Allez dire cela à Madame la Duchesse. » Or, celle-ci
réclamait la présence de Gérard pour obtenir la guérison de sa fille. Elle blâma
vivement son serviteur de n'avoir pas amené le religieux qui lui avait fait
cette réflexion, car, disait-elle, ce ne pouvait être que Gérard lui-même.
Puis, se tournant vers une image de sainte Anne : a Je vous en prie,
supplia-t-elle, intercédez pour moi, afin que ma fille reste en vie au moins
jusqu'à demain. »
Le lendemain, de bonne
heure, la duchesse se rendit à l'église du Saint-Esprit et se mit près de la
porte pour attendre le serviteur de Dieu, qui, selon son habitude, devait y
venir. Aussitôt qu'elle le vit entrer, elle s'approcha et lui dit : «
Obtenez-moi, je vous en prie, la guérison de ma fille ! — Voilà, répondit
Gérard en montrant le Tabernacle, celui qui dispense les faveurs et les grâces
; c'est lui qui opère des prodiges, et non pas moi! — Peu m'importe de qui
viendra la grâce, reprit la duchesse ; mais je la veux ! » Elle resta à
l'église, afin d'assister à la messe, pendant que Gérard, retiré dans un coin,
priait avec sa ferveur habituelle. Mais bientôt, un valet de chambre accourut
auprès de la duchesse et lui annonça que son enfant était sauvée.
Un nouveau prodige vint
porter à son comble la popularité du Saint. Voici comment le P. Landi raconte
cet événement : a Par une disposition divine, Gérard passait sur le rivage de
la mer, dans un endroit appelé la Pierre du poisson ; il aperçut une petite
barque portant plusieurs passagers. Elle ne pouvait aborder, parce que la
violence des flots la repoussait du rivage. Le vent soufflait en tempête et
redoublait de rage à chaque minute : une catastrophe était imminente. Attirés
par les cris des naufragés, les voisins et les parents étaient accourus sur la
grève, mais, incapables de leur porter secours, ils allaient voir les
malheureux se noyer sous leurs yeux. Gérard est ému par cette détresse ; il
rejette son manteau sur son épaule gauche ; s'armant du signe de la croix, il
marche sur les flots comme sur la terre ferme ; il saisit la pointe de la
barque, et dit : Viens, au nom de la Très Sainte Trinité. » Et il l'amène sur
le rivage aussi aisément que s'il eût tiré un morceau de liège flottant sur les
eaux. Miracle ! miracle ! » s'écrient tous les assistants. Gérard s'enfuit pour
se soustraire à leur enthousiasme. Mais la foule le poursuit de ses cris : « Le
Saint ! le Saint ! »
Le nom de Gérard volait
de bouche en bouche, et le nombre des visiteurs augmentait chaque jour. Le
pauvre Frère en était au supplice. De son côté, le P. Margotta, quelque peu
effrayé de cette renommée, redoutait l'intervention des pouvoirs publics. Il
écrivit à saint Alphonse pour lui faire part de ses craintes. Alphonse jugea
prudent d'éloigner le Frère de la capitale, au moins pour un temps. Il lui
envoya donc l'ordre de regagner le couvent de Caposèle.
CHAPITRE XI —Le Père des
pauvres. Novembre 1754. — Mars 1755.
La famine de 1754. —
Charité universelle. — Multiplication des aliments. — La flûte de l'aveugle. —
Extase au milieu des pauvres. — Amour séraphique de la sainte Eucharistie.
En revenant au couvent de
la Mater Domini, Gérard y trouva comme supérieur le Père Caione, un pieux et
savant religieux, et, de plus, un admirateur des vertus du saint Frère sur
lequel il recueillit des notes précieuses en vue de sa future glorification.
Le P. Caione confia à
Gérard l'emploi de portier, auquel était attachée une charge bien chère au
coeur du Saint : celle de distribuer les aumônes à la porte du couvent. Or, la
récolte de l'année 1754 avait été insuffisante, et l'hiver n'était pas encore
avancé que déjà la disette faisait sentir ses cruelles étreintes. Le nombre des
indigents qui venaient recevoir une aumône ou des aliments à la porte du
couvent allait se multipliant de jour en jour. Le Frère Gérard les accueillait
avec une tendresse de père, et les secourait largement, sans se demander s'il
aurait encore le lendemain de quoi apaiser leur faim.
Il arriva que, parmi ces
indigents, plusieurs se présentèrent deux fois à la distribution, ce qui
excitait l'indignation et les réclamations des autres. On qualifia même de vol
cette manière d'agir. Gérard répondait en souriant : « Laissez faire; Jésus-Christ
a bien volé les coeurs. »
Il donnait donc à tous
sans exception et sans acception de personne. Si on lui faisait remarquer qu'il
fallait agir avec circonspection, afin de ne pas épuiser d'un coup les
ressources de la maison : « Non, disait-il, nous devons tout sacrifier pour le
pauvre, parce que le pauvre est l'image de Jésus-Christ. » Et par sa confiance
héroïque, il força la Providence à le secourir même par des miracles. Témoin le
fait suivant, rapporté par le P. Tannoia. Un matin, ayant épuisé le pain à
distribuer, Gérard courut à la cuisine; et, profitant de la permission générale
que lui avait donnée le P. Caione de secourir les mendiants comme il
l'entendrait, il prit sur le menu de la communauté, revenant à la charge, à mesure
que s'en présentait l'occasion, si bien que le dîner des Pères et des Frères
finit par se réduire à presque rien. « Mais, mon Frère, que faites-vous'? lui
crie le cuisinier, et que restera-t-il pour la communauté ? — Dieu y pourvoira
», dit Gérard, et, les mains pleines, il court à ses pauvres, laissant murmurer
le cuisinier, qui répétait : « Nous verrons comment se terminera cette affaire.
» Elle se termina à merveille : au moment de servir le repas de la communauté,
le peu que Gérard n'avait pas enlevé s'accrut abondamment; et même, avec les
restes, on put faire encore de nouvelles aumônes.
Parmi les nécessiteux de
Caposèle et des environs, il y en avait que la honte empêchait de venir avec
les autres à la porte du couvent. Gérard usait de toute son habileté pour leur
faire parvenir des secours. Il s'efforçait, par tous les moyens en son pouvoir,
de soutenir les familles honorables tombées dans l'indigence, de soulager la
détresse des veuves abandonnées, de soustraire au péril les jeunes filles sans
fortune.
Gérard profitait de ses
allées et venues dans la ville pour visiter ses chers malades ; il soulageait
leur âme, en la réconfortant par de saints avertissements, et leur corps, en
mettant à leur service la pharmacie de la maison. Il avait coutume de dire : «
Les pauvres souffrants sont Jésus-Christ visible, comme le Saint Sacrement est
Jésus-Christ invisible. » Les malades, de leur côté, l'attendaient comme l'ange
du Seigneur. Sa seule présence les consolait et les unissait à la volonté de
Dieu.
L'hiver avançait. « Le
nombre des indigents, dit le P. Tannoia, augmentait encore dans d'énormes
proportions, parce que la neige, tombée en grande quantité, la gelée
continuelle et les froids excessifs avaient rendu les ouvriers incapables de se
procurer du pain. » On vit alors les affamés, hommes et femmes, enfants et
vieillards, au nombre parfois de deux cents, frapper chaque jour à la porte du
couvent, pour demander quelque nourriture. Attendri à la vue de tant de misère,
le P. Caione appela Gérard et lui dit : « Si ces gens ne sont pas secourus, ils
vont mourir. Je n'assigne aucune limite à votre initiative, et je vous laisse
toute autorité pour disposer de ce qui est dans la maison. »
Le serviteur de Dieu fit
largement usage de ces pouvoirs. Ne pouvant dominer son émotion en voyant ces
malheureux, les uns à moitié nus, les autres couverts de lambeaux, il résolut
de les défendre le mieux possible contre le froid. Il s'empare de la
garde-robe, en enlève tout ce qu'elle renfermait de vieilles soutanes, de manteaux
défraîchis, de linge inutilisé; il appelle le tailleur : « Vite, lui dit-il,
coupez et cousez, vestons, gilets, chemises. » Ces ressources étant
insuffisantes, Gérard distribua encore les vêtements qu'il avait à son usage
personnel, et ne garda que sa soutane rapiécée; il était tout heureux de
pouvoir, en se privant, venir en aide à quelques malheureux de plus.
Le vent soufflait avec
violence, et les pauvres, bien que couverts, tremblaient de froid. Gérard fit
allumer, devant la maison, un grand brasier, et à l'intérieur, dans les
parloirs, plusieurs poêles (86) afin que les pauvres, se groupant autour du
feu, pussent se réchauffer.
A nourrir chaque jour ces
deux cents bouches, le grenier de la maison se vidait. Craignant de voir les
religieux manquer du nécessaire, le P. Caione dit à Gérard : « Donnez tant que
vous voudrez; mais faites que la communauté reste toujours pourvue. — Que Votre
Révérence ne s'effraie pas, dit Gérard, car Dieu y pourvoira. — Vous voulez
donc des miracles par force ? reprit le P. Caione. Nous verrons si Dieu va se
laisser faire ! » Puis, inquiet de la prodigalité du Saint, il alla au grenier,
vérifier l'état des subsistances. Sa surprise fut grande, en constatant qu'il
regorgeait de froment. Le digne Supérieur, dans un élan de reconnaissance, leva
les yeux au ciel pour remercier Dieu; et rencontrant le médecin Santorelli : «
Mon cher docteur, dit-il, la stupeur me met hors de moi. Vous savez que la
provision de grain était presque épuisée ; je m'en suis plaint à Gérard, il m'a
répondu avec confiance : Dieu y pourvoira; et, en effet, je viens de trouver le
grenier rempli. Oh ! cher docteur, je rougis devant la prodigieuse vertu et
l'étonnante sainteté de ce, Frère. »
Le P. Caione eut
l'occasion d'admirer encore davantage l'humble religieux, car le bon supérieur
affirme lui-même avoir vu plusieurs fois Gérard porteur de fortes sommes
d'argent. D'où venaient-elles ? Elles étaient déposées, disait le Frère, sous
forme de rouleaux, dans la petite niche du mur, où il suspendait sa clef.
Outre la multiplication
du grain, la divine Providence, pour venir en aide à la charité du Saint, opéra
aussi celle du pain. « Ce fut une opinion constante à Caposèle, dit le P.
Tannoia, que le pain se renouvelait dans ses mains. » Un étudiant attesta avoir
vu de ses propres yeux se remplir de pain les corbeilles, dont Gérard venait de
distribuer le contenu.
Un pauvre honteux n'avait
pas osé se présenter avec les autres mendiants pour recevoir sa part. Après la
distribution, le serviteur de Dieu allait se retirer quand un jeune homme,
nommé Théodore Cleffi, lui dit : « Frère Gérard, pourquoi oubliez-vous ce brave
homme, qui était riche autrefois ? — Oh ! mon fils, s'écria Gérard, il est venu
si tard ! Maintenant j'ai tout donné ! Mais attends, attends... » Il rentra à
la maison et en rapporta aussitôt un pain tout chaud, qui ne pouvait avoir été
pris au four, car le four était éteint ce jour-là. — Il renouvela ce même
miracle en faveur -des deux filles d'un artisan nommé Laurent Miniello,
lesquelles étaient arrivées trop tard pour la distribution.
Contraint par cette
prodigalité du serviteur de Dieu à pétrir fréquemment, le Frère boulanger
étudia le moyen de mettre un frein au zèle de son' confrère de la porterie.
L'occasion se présenta bientôt. Un matin, le Saint avait distribué aux pauvres
toute la provision de pain, et il n'en restait plus pour la communauté; le
boulanger attendit, sans rien dire, -l'heure du repas. A ce moment, il alla
trouver le P. Caione et lui dit qu'il n'y avait plus de pain pour les
religieux, par la faute de Gérard, qui avait tout donné aux pauvres. On appela
le trop libéral distributeur, qui écouta les plaintes sans se troubler et se
contenta de répondre : « Que Votre Révérence ait confiance; Dieu y pourvoira! »
Puis, se tournant vers le Frère boulanger : « Mon frère, dit-il, allons voir;
je suis sûr qu'il y a encore du pain. — Pas un morceau, reprit le boulanger;
et, afin que vous ne vous obstiniez pas à croire le contraire, venez vérifier
avec moi. » Quand le boulanger ouvrit la huche, il vit qu'elle était toute
remplie. Pendant que le serviteur de Dieu courait à l'église pour remercier le
Seigneur, le boulanger se retourna vers le P. Caione, qui arrivait : « Père,
s'écria-t-il, notre Frère Gérard est un saint, et moi je l'ai accusé auprès de
Votre Révérence ! — Dieu est avec Gérard, répondit le P. Caione; laissons-le
donc faire à sa guise; le Seigneur se joue avec lui. »
Un jour de fête, Gérard
avait convié tous les indigents à manger du macaroni. Cette invitation amena à
la porte du couvent un nombre de personnes beaucoup plus grand que de coutume.
Aussi, quand Gérard voulut faire les portions, les Frères qui l'aidaient
l'avertirent que le macaroni préparé ne pouvait suffire. Sans se préoccuper de
ces avertissements prudents, Gérard distribua des parts abondantes à tous,
jusqu'au dernier ; et les assistants purent voir, avec stupeur, que dans le
plat que Gérard portait, le macaroni ne diminuait pas; il y en eut même de
reste.
Cette ardeur avec
laquelle Gérard soulageait les misères corporelles, lui donnait champ libre
pour soulager les misères spirituelles. Voyant réunis autour de lui tous ces
pauvres, avant de leur rompre le pain, matériel, il les instruisait des vérités
de la foi et de leurs devoirs chrétiens. Il avait surtout à cœur de les bien
disposer à la confession : aussi, beaucoup d'entre eux, depuis longtemps
éloignés des sacrements, se déterminaient à se jeter, humiliés et contrits, aux
pieds du prêtre. Une jeune fille avait trompé depuis plusieurs années le zèle
des Pères, leur donnant à croire qu'elle était une âme pure et parfaite, alors
qu'elle était engagée dans les plus viles habitudes. Gérard, éclairé d'en haut,
lui parla avec tant de force qu'elle sentit son coeur pénétré de componction.
Elle se décida à réparer le passé par une confession générale. Depuis ce temps,
toujours vêtue de noir, elle devint pour ses compagnes un modèle de vertu.
Il y avait, parmi les
mendiants massés devant la porte du couvent, un aveugle nommé Philippe Folcone,
qui jouait de la flûte et chantait à ravir. Un jour, le serviteur de Dieu lui
demanda de donner à l'assistance un petit concert : « Quel morceau voulez-vous
entendre ? dit l'aveugle. — Jouez, dit Gérard :
Il tuo Busto e non il mio
Voglio solo in te, mio
Dio.
« Votre plaisir et non le
mien, tel est, ô mon Dieu, mon unique désir. »
C'étaient les premiers
vers d'un cantique composé par saint Alphonse, et déjà devenu populaire. Au son
de cette mélodie, Gérard se mit à applaudir et à sauter de joie, tout en
répétant les paroles; et voici que, soudain, il fut soulevé en l'air et resta
ravi en extase, les bras étendus et les yeux tournés vers le ciel.
Admirables étaient aussi
les transports d'amour que Gérard, à ce moment de sa vie, éprouvait envers son
Seigneur caché sous les espèces eucharistiques. « Tout le monde était
impressionné, dit Tannoia, de le voir vivement attiré à Jésus, puis prendre son
vol et s'élancer vers le tabernacle. » Au pied du Très Saint Sacrement, son
visage se transfigurait, et on eût dit qu'il contemplait sans voiles son Dieu
bien-aimé. Spécialement pendant la nuit et pendant les heures plus silencieuses
de l'après-midi, qu'on a coutume, en Italie, de consacrer au repos, Gérard se
tenait devant l'autel, constamment plongé dans l'adoration. Souvent, se croyant
seul, il parlait à haute voix avec Jésus-Christ, et, ne pouvant contenir les
ardeurs de son coeur, il les épanchait en soupirs et en gémissements si
violents qu'il paraissait saisi de délire. Un jour que le P. Caione voulut
avoir l'explication de cette attitude étrange en présence du Très Saint
Sacrement, Gérard, sans rien répondre, prit la main du Supérieur et la posa sur
sa poitrine : « Je sentis, écrivit plus tard le Père, que son coeur battait
terriblement, et je ne comprenais pas comment il pouvait supporter une telle
violence sans se rompre. »
Le médecin Santorelli
voulut, lui aussi, interroger Gérard à ce même sujet. « Ah ! répondit le Saint;
si j'étais sur une haute montagne, je voudrais, avec mes soupirs, incendier
l'univers entier. » Santorelli attesta, dans la suite, que les palpitations de
son coeur étaient telles qu'elles apparaissaient au dehors. « Quand il
assistait à la messe, dit un témoin au procès apostolique, son visage devenait
comme rayonnant, et l'on voyait que son esprit était concentré dans une suave
et bienheureuse extase. » Le P. Tannoia ajoute qu'après la sainte communion
Gérard était tout ravi en Dieu et plongé dans son doux Seigneur.
Il ne faut donc pas
s'étonner si à cette époque, plus encore que par le passé, on voyait Gérard
comme envahi par une force supérieure qu'il ne pouvait dissimuler. D'après la
nature des sentiments qui se pressaient en lui, tantôt il poussait des
plaintes, tantôt des cris de douleur, tantôt des exclamations de joie. Le P.
Caione avait surpris sur les lèvres de Gérard, priant devant le Très Saint
Sacrement, un sourire enchanteur. Il lui en demanda la signification. « Il m'a
dit, répondit le Frère, que je suis fou; et moi, je lui ai répondu: Vous êtes
plus insensé que moi; vous êtes devenu fou d'amour pour moi ! »
Le médecin Santorelli
ayant remarqué que, passant devant le Tabernacle, Gérard hâtait le pas le plus
qu'il pouvait, lui demanda pourquoi cette rapidité : « Comment faire? répondit
le Saint, plus d'une fois cet amant divin m'a fait des surprises ! » Il faisait
allusion aux ravissements, extases, défaillances d'amour que Jésus opérait en
lui.
Ces délires d'amour
envers Jésus, Gérard les éprouvait aussi envers la Très Sainte Vierge Marie.
Santorelli, toujours avide de l'interroger pour pénétrer les merveilles de son
coeur, lui demanda s'il aimait la Madone. « Ah ! docteur, dit Gérard, vous
aussi vous me tourmentez ? » Puis, avec un accent qui indiquait la stupeur : «
Voyez-vous quelle demande il me fait ! Voyez-vous quelle demande il me fait !
Terminons ce chapitre par
une déposition du P. Caione, témoin oculaire de tous ces faits, et dont les
affirmations revêtent une exceptionnelle valeur : « On voyait Gérard exhaler de
son coeur des soupirs enflammés qui auraient attendri des rochers. Je fus
contraint de lui défendre ces excès et ces mouvements d'amour, qui lui
faisaient pousser des cris dans tous les coins de la maison. »
CHAPITRE XII — Nouveaux
miracles. Mars-août 1755.
Miracles à Calitri. —
Court séjour à Naples. — Retour à Caposèle. — Le surintendant des
constructions. — Interventions miraculeuses. — Le secrétaire de Mgr Nicolaï.
Au commencement du
printemps 1755, alors que l'approche des beaux jours rendait la vie et l'espoir
aux pauvres affamés, le P. Margotta vint de Naples à Caposèle, où l'appelaient
les affaires de l'institut. Il devait reprendre Gérard avec lui dans la
capitale. Pendant la longue absence du Saint, sa renommée s'était peu à peu
assoupie, et désormais il serait possible pour lui de vivre dans le calme
religieux au milieu des agitations de .1a grande ville. Saint Alphonse, ayant
accédé au désir exprimé par son procureur général, Gérard quitta le couvent de
la Mater Domini, où il venait d'opérer des prodiges de charité, et suivit son
ancien supérieur.
Avant d'arriver à Naples,
les deux voyageurs firent à Calitri, patrie du P. Margotta, un court séjour,
signalé par des faits extraordinaires, que les témoins ont rapportés et que le
Père lui-même aimait à raconter.
Le chirurgien D. Jean
Cioglia était gravement malade. Le P. Margotta ordonna au Saint de le guérir.
Gérard fit un signe de croix et l'infirme recouvra la santé instantanément.
Tout le monde criait au miracle, mais Gérard répondit avec calme : « Voilà ce
que peut l'obéissance ! »
Le Père lui commanda
encore d'aller visiter le frère d'une religieuse, qui était au bord de la
tombe. Gérard se rendit chez lui, et, selon sa coutume, fit un signe de croix;
le moribond se leva aussitôt.
Les hôtes de Gérard lui
donnèrent une paire de souliers neufs, afin de conserver les vieux; et ces
vieilles chaussures, dit le P. Landi, « furent, dans la suite, tellement
célèbres à Calitri, qu'elles firent, et font encore le tour du pays, où elles
opèrent des prodiges ».
Les âmes, plus que les
corps, ressentirent le bienfaisant pouvoir du serviteur de Dieu. Une certaine
Marie-Candida Strace, soeur de l'archiprêtre d'Andresse, voulait lui manifester
ses perplexités de conscience, mais ne se sentait pas le courage de les avouer.
« Allons, lui dit Gérard, puisque vous ne voulez pas me parler vous-même, c'est
moi qui parlerai » Et il lui révéla point par point les secrets de son âme.
Elle fut touchée autant que surprise, et retrouva la paix.
Au monastère des
Bénédictines, il y avait une religieuse tellement agitée de scrupules, que
jamais personne n'avait pu réussir à la calmer. Elle fut introduite en présence
de Gérard qui, sans avoir reçu aucune explication préalable, l'entretint de ses
angoisses et lui donna quelques recommandations. La religieuse mit à exécution
les conseils du bon Frère et ne tarda pas à se sentir délivrée de toutes ses
anxiétés.
Quand le P. Margotta eut
achevé les affaires qui le retenaient à Calitri, il reprit, avec son compagnon,
le voyage vers la capitale, où les deux religieux arrivèrent dans les premiers
jours de mars.
Le retour de Gérard à
Naples fut bientôt signalé par un fait où resplendit la divine justice. Les
deux biographes du Saint, Tannoia et Landi, racontent que, pour se soustraire à
la foule et mieux conserver la paix intérieure, comme il en avait déjà pris
l'habitude dès son premier séjour dans la capitale, Gérard avait coutume de
passer par une ruelle peu fréquentée. A un rez-de-chaussée habitaient deux
femmes de mauvaise vie qui se moquaient de lui, en le voyant s'avancer dans une
attitude recueillie. Un jour, elles s'enhardirent au point de courir après lui
en jouant l'une du tambour de basque, l'autre d'une guitare, et en chantant des
obscénités. Devant cette effronterie, Gérard, pris d'un saint zèle, se redressa
et dit d'un ton sévère « Ainsi donc, vous ne voulez pas en finir et vous voulez
attirer sur vous le châtiment de Dieu ? » Il avait à peine prononcé ces paroles
que, frappée par une main invisible, l'une des deux misérables, sans doute la
plus coupable, tomba à terre en criant : « O Madone, je meurs ! » Espérons que
ce cri d'appel vers Marie, le refuge des pécheurs, lui aura obtenu miséricorde;
mais la malheureuse était déjà au tribunal de Dieu.
Le P. Tannoia rapporte un
autre fait qui montre combien Gérard, bon pour les :vrais pauvres, était
impitoyable pour les fourbes. Un homme, plus paresseux qu'indigent, feignait de
se traîner à grands efforts sur ses béquilles, et avait choisi son poste près
du couvent, afin de s'approprier les aumônes des passants; il tâchait de les
attendrir en leur montrant ses jambes entourées de chiffons et de bandelettes.
Gérard l'avait déjà plusieurs fois, mais inutilement, averti de mettre fin à ce
métier frauduleux. Un jour, enflammé d'une sainte indignation, il lui arracha
les linges hypocrites : « Menteur, lui cria-t-il, si tu ne veux mourir damné,
cesse de tromper Dieu et le prochain. » Aussitôt, le prétendu boiteux lâcha ses
béquilles, et prit la fuite de manière à ne laisser aucun doute sur la solidité
de ses jambes.
Au mois de mai 1755,
Gérard eut l'ordre de partir avec les Pères pour une mission à Calitri. Ce fut
une joie dans ce pays d'apprendre l'arrivée du Saint. Le souvenir de son
passage au mois de mars était resté gravé dans l'esprit et le coeur de tous. «
Dans cette mission, écrit le P. Tannoia, il travaillait comme mille.
Prophéties, conversions, pénétration des coeurs, étaient des faits quotidiens.
Les Pères n'avaient pour besogne qu'à s'émerveiller de l'émotion et du repentir
des pécheurs, et à les disposer à la confession sacramentelle. »
Après la mission de
Calitri, Gérard rentra au couvent de Caposèle, qui devait être le dernier
témoin des merveilles de sa sainte vie.
Il y arriva au
commencement de juin. A cette époque, on venait d'entreprendre dans le couvent
de nouvelles constructions. Le P. Caione confia aussitôt à Gérard la
surintendance des travaux, tâche que le Saint accepta volontiers, car il
espérait y trouver des occasions nombreuses de pratiquer l'obéissance et
l'humilité.
Loin de se prévaloir de
son titre de « surintendant », le Frère se montrait, au contraire, le plus
laborieux des ouvriers. « Ce n'était pas, dit Tannoia, qu'il se désintéressât
de la surveillance ou du commandement; mais, parmi tous les travailleurs, il
était le premier à la besogne, si dure qu'elle fût. On le voyait partout : à la
carrière de sable, au four à chaux, dans les rues de Caposèle, où, jusque dans
la nuit, il enrôlait des manoeuvres. Il ne se donnait aucune relâche. »
Les travaux battaient
leur plein, quand le P. Recteur appela Gérard, et lui déclara qu'il n'avait
plus d'argent pour continuer les constructions.
« Père, dit Gérard,
faites une supplique à Jésus au Très Saint Sacrement. » Le Supérieur agréa le
conseil, et formula, dans les termes les plus touchants, une lettre qu'il remit
à Gérard pour que le bon Frère la fît parvenir à son adresse. Le « surintendant
» la prit, s'en alla tout droit à l'église et déposa la missive sur l'autel ;
puis, avec sa confiance simple et naïve, il frappa à la porte du tabernacle, en
disant : « Seigneur, voici une demande que nous vous présentons ; à vous
maintenant de répondre. » Or, le jour arrivait où il fallait payer les
ouvriers. Gérard avait passé la nuit du vendredi prés du Très Saint Sacrement,
priant avec ferveur, pour obtenir du Seigneur une réponse favorable. A l'aube,
il retourne de nouveau frapper au tabernacle. Il supplie, il insiste ; il
rappelle à Jésus qu'étant le père des pauvres, il ne doit pas oublier ses
enfants. O admirable efficacité de la confiance des saints! Avant même d'avoir
descendu les degrés de l'autel, il entend sonner à la porte. Il y court, et
trouve deux sacs de monnaie, qu'une main inconnue avait déposés sur le seuil.
Gérard s'empare de l'envoi du ciel et court joyeux le remettre au Père Caione.
Les constructions
avançaient peu à peu, et le couvent prenait l'aspect et les proportions sous
lesquelles il apparaît encore aujourd'hui. En vérité, Gérard a accompli une
oeuvre gigantesque, non par ses dimensions, qui sont ordinaires, mais par le
miracle qui a présidé à son exécution; ces murs ont été bâtis par les plus
pauvres des religieux, dans ce pays déjà épuisé par une longue famine, et
payés, on peut le dire, sans argent et par un miracle continuel.
Le surintendant des
travaux tirait, de temps à autre, quelques lettres de crédit sur la Providence,
qui faisait toujours honneur aux engagements contractés en son nom par son
serviteur. Cependant, le saint Frère, tout en vaquant à ses occupations
matérielles, était encore plus attentif aux intérêts des âmes qu'à l'alignement
des constructions. C'est ainsi qu'il eut l'occasion d'arrêter au bord du
gouffre éternel un pauvre malheureux qui allait s'y précipiter.
Le 19 juin, Mgr Joseph
Nicole, archevêque de Conza, vint passer quelques jours au couvent de Caposèle.
Le sanctuaire de la Mater Domini était le plus célèbre des pèlerinages de
l'archidiocèse : aussi, les Rédemptoristes, qui le desservaient, étaient-ils
assurés de l'affection et du dévouement de leur archevêque. Celui-ci, grand
bienfaiteur du couvent, désirait visiter les constructions, auxquelles il
s'intéressait vivement, parce qu'il les avait puissamment encouragées de ses
paroles, et surtout de son argent. Les Pères l'accueillirent avec joie et lui
firent fête.
Parmi les personnes qui
accompagnaient l'Archevêque, en remarquait un laïc d'un caractère aimable, qui
remplissait auprès de Monseigneur les fonctions de secrétaire. Cet homme était
venu de Rome. Son habileté dans les affaires et sa réputation de vertu, lui
avaient valu le poste délicat qu'il occupait. Pendant que la communauté présentait
ses hommages à son hôte vénéré, Gérard, toujours attentif à la gloire de Dieu
et au salut des âmes, jeta les yeux sur ce personnage admiré de tous, et
pénétra les ténèbres de cette conscience, où s'étaient accumulés les péchés. Il
fallait d'abord gagner la confiance du secrétaire. Gérard s'étudia à le
rencontrer souvent et lui parla chaque fois avec amabilité. Il riait de ses
plaisanteries et répondait gracieusement à ses traits d'esprit. Enfin,
saisissant un moment opportun, le Saint l'embrassa affectueusement. Cette
marque d'amitié sembla déterminer dans l'esprit du malheureux un premier
mouvement de conversion. Il ne goûtait plus un instant de repos. Pour calmer
ses inquiétudes, il recherchait la compagnie de Gérard et ne pouvait plus se
séparer de lui. Il était temps de profiter de ces bonnes dispositions. Gérard
tira le malheureux pécheur à l'écart, se jeta à ses pieds, les larmes dans les
yeux, et lui dit : « Mon cher ami, je ne puis comprendre comment vous pouvez
être aussi gai, quand votre âme est dans la disgrâce de Dieu. Vous ne pouvez me
nier que vous êtes marié; votre femme est à Rome; vous l'avez abandonnée pour
avoir vos coudées franches. Pourquoi faites-vous croire faussement que vous
êtes libre de tout lien, pour garder votre situation? »
Gérard continua sur ce
ton, précisant à cet homme les plus petits détails de son inconduite depuis son
départ de Rome, énumérant les années et les mois qu'il avait passés dans ce
malheureux état, sans penser à Dieu, sans se préoccuper de son âme et de son
salut. En voyant sa conscience ainsi dévoilée, le pauvre pécheur, confus et
repentant, se mit à verser un torrent de larmes, se jeta aux pieds de Gérard en
avouant ses fautes, et le supplia de l'aider de ses conseils et de ses prières.
Gérard sentit que l'humiliation avait été assez profonde; il fallait maintenant
rendre courage à cette âme abattue. Alors le Saint exalta la miséricorde de
Dieu, dont la bonté ne rejette jamais le criminel, même le plus coupable, s'il
se repent sincèrement. Puis, comme conclusion pratique de ce long entretien,
Gérard, désireux de voir l'infortuné régler au plus tôt les affaires de sa
conscience, le conduisit au P. Fiocchi, que la présence de l'Archevêque avait fait
venir d'Iliceto à Caposèle.
Le nouveau converti
raconta en détail au bon Père quels avertissements le Saint venait de lui
donner, et se confessa avec une grande douleur.
Réconcilié avec Dieu, le
pénitent désira recevoir dès le lendemain la sainte communion. Il prenait déjà
le chemin de l'église, quand Gérard, le rencontrant, lui demanda où il allait :
« Je vais communier, dit le secrétaire. — Et tel péché que vous avez oublié
d'accuser ? » demanda Gérard, qui voulait dans son converti une conscience
parfaitement purifiée. « Allez le confesser, et revenez alors dans une paix
plus profonde recevoir Jésus-Christ. » Le pénitent retourna auprès de son
confesseur; puis, ayant reçu une seconde absolution, il s'approcha de la sainte
Table.
Le changement fut radical
chez le nouveau converti, et chacun put remarquer sa gravité, son attitude
recueillie et sa piété. Cette transformation subite surprit l'entourage de
l'Archevêque; le prélat, bientôt informé, fit venir auprès de lui son
secrétaire et lui demanda l'explication de ce changement. Le pauvre homme
fondit en larmes et ne sut que répéter ces paroles de la Samaritaine : « Venez
et voyez celui qui m'a révélé tous mes égarements. » Puis, la première émotion
passée, il n'hésita pas, tant son repentir était sincère, à manifester à
l'Archevêque l'état malheureux dans lequel il avait vécu jusque-là et par quel
miracle le Frère Gérard l'avait tiré de l'abîme.
Il ne tarda pas à
retourner à Rome, pour y rejoindre sa famille, et vivre dans la pénitence et la
pratique des vertus chrétiennes. Dans l'ardeur de sa reconnaissance, il publia
par toute la ville la sainteté et les miracles de Gérard. D'éminents prélats se
redisaient avec admiration les récits merveilleux de l'ancien secrétaire. Un
cardinal voulut s'entretenir avec le serviteur de Dieu et le présenter au
Souverain Pontife. Il écrivit dans ce but à l'archevêque de Conza. Mais quand
sa lettre parvint à Mgr Nicolaï, Gérard avait quitté ce monde.
Mais avant de le rappeler
à lui, Dieu répandait sur cette âme humble et droite, d'une main toujours plus
généreuse, les dons les plus merveilleux.
CHAPITRE XIII — Dons
surnaturels.
Empire sur la création. —
Science infuse. — Bilocation. —. Don de se rendre invisible. — Un repas préparé
par les anges.
AUTREFOIS saint François
d'Assise s'adressait, ., dans sa foi débordante, même aux êtres privés
d'intelligence pour leur parler du Créateur. Il aimait, disait-il, sa « soeur »
l'eau, parce qu'elle est pure ; il avait chanté le soleil, qui lui rappelait le
grand foyer de l'amour; il convoquait ses « frères » les oiseaux, à venir se grouper
sur les branches voisines, sur ses épaules même, pour écouter de sa bouche les
louanges de Dieu.
L'âme de Gérard vibrait
au même souffle que celle de François. Comme le grand fondateur, l'humble Frère
jouissait d'une intimité naïve avec les créatures. Dans les oeuvres il
contemplait l'auteur ; pendant les nuits angoissées, au temps de la calomnie,
Gérard cherchait dans la voûte étoilée les consolations que la terre lui
refusait. Chaque jour cet amour de la nature, cette tendance à considérer le
divin dans les êtres devenait chez lui un sentiment plus vif et plus absorbant.
Une petite fleur sur le bord du chemin, un papillon aux ailes dorées, un oiseau
qui fendait l'air, le plongeaient dans le ravissement. Les prosaïques travaux
de la bâtisse n'arrêtaient pas l'élan de cette poésie qui faisait le fond de
son âme; ils semblaient, au contraire, lui mettre sous les pieds des échelons
qui lui servaient à monter vers les cieux. Aussi, les éléments respectaient le
Saint, comme le prouve le fait suivant.
Un jour, le P. Caione
avait chargé Gérard de différentes commissions dans Caposèle pour des affaires
relatives à la construction. A peine le Frère s'était-il mis en route qu'un
violent orage se déchaîna ; la pluie tombait à torrents, accompagnée d'éclairs
et de coups de tonnerre. Le supérieur, qui connaissait l'héroïque obéissance de
Gérard et savait qu'aucune intempérie ne l'arrêterait dans l'accomplissement de
sa tâche, envoya aussitôt quelqu'un pour le rappeler. Le messager rejoignit, à
peu de distance du couvent, Gérard, qui cheminait avec calme et tranquillité :
cette pluie battante avait laissé le Saint complètement sec.
Un autre jour, Gérard
s'entretenait près du couvent de la Mater Domini, avec deux ou trois étrangers,
parmi lesquels son ancien maître de Muro, le tailleur Vito Mennona. Pendant
qu'ils devisaient ensemble des souvenirs du passé, leurs yeux contemplaient le
ravissant paysage qui s'étalait devant eux : une riante vallée, bordée par une
montagne pittoresque et boisée. Soudain, ils aperçoivent, sur une des routes
voisines, un jeune homme à cheval, accourant à toute vitesse. La bête avait
pris peur, et, résistant à tous les efforts du cavalier, elle s'élançait à
bride abattue dans la direction des ravins qui bordaient le chemin. A ce
spectacle, les compagnons de Gérard, terrifiés, s'écrient : « Il est perdu! »
Mais le Saint, étendant la main vers l'infortuné, dit : « Vierge Sainte,
secourez-le ! » Puis, se tournant vers les assistants : « Il tombera,
ajoute-t-il, mais il ne se fera pas de mal. » Au moment même où Gérard
prononçait ces paroles, le cheval, effrayé sans doute par l'abîme, s'arrêta
court sur le bord du précipice. La secousse désarçonna le jeune homme, qui
mordit la poussière ; mais aussitôt, il se releva sain et sauf, et reprit son
voyage.
Un don que nous avons
admiré chez notre Saint dès le début de sa vie religieuse, se manifesta avec un
nouvel éclat dans les derniers mois de sa vie : le don de la science infuse. «
Les savants du monde, écrit le chanoine Camille Bozio, recteur du séminaire de
Conza, se trouvaient muets et confondus devant le serviteur de Dieu. Les plus
grands théologiens étaient plongés dans la stupeur en conversant avec lui. Sur
ses lèvres, les mystères les plus obscurs s'éclaircissaient; il éclipsait tous
les docteurs et tous les savants. »
D. Joseph de Lucia, alors
étudiant au couvent de Caposèle, voulut en faire l'expérience. Il entama avec
Gérard une conversation sur des matières théologiques et resta stupéfait de ses
réponses précises et lumineuses ; dans son enthousiasme, il déclara qu'il
n'aurait pu entendre de plus belles paroles de la bouche même d'un Père de
l'Église.
Non content d'édifier les
autres en leur apprenant les merveilles de Dieu, Gérard leur communiqua parfois
la science que le ciel avait infusée dans son esprit. « Un prêtre très digne de
foi atteste, dit le P. Tannoia, qu'il ne pouvait comprendre certaines phrases
métaphoriques dans un ouvrage de Mgr Palafox. Le Saint lui fit sur le front un
signe de croix, en disant : « Lisez maintenant, au nom de la Très Sainte
Trinité. » Le prêtre ouvrit le livre : à l'instant, il se sentit illuminé
intérieurement sur les points restés obscurs jusqu'alors pour lui, et en
demeura enthousiasmé.
« Ces choses-là ne sont
pas pour vous », dit un jour le Frère au P. Donato Spicci, qui essayait
d'approfondir, dans la vie de la vénérable Soeur Marie Crucifiée, un chapitre
sur l'état de solitude intérieure au Calvaire. « Et pourquoi, dit le prêtre,
ces choses ne sont-elles pas pour moi? Après tout, ce n'est pas de l'hébreu. —
Allons, reprit Gérard, lisez et expliquez-moi ce que, dans son extase, a
entrevu la Sainte ». Le digne ecclésiastique, après avoir parcouru le passage,
dut avouer qu'il ne comprenait rien. Alors Gérard lui fit un signe de croix sur
le front ; puis, l'interrogeant de nouveau, il constata que, cette fois, le
prêtre avait pénétré le sens des paroles mystiques.
Pendant que le Saint
révélait en son âme des profondeurs de science qu'on n'y aurait jamais
soupçonnées, son regard, plus perçant que jamais, scrutait les coeurs et
dévoilait les consciences.
Un jeune homme, nommé
Nicolas Benincasa, souffrait d'un mal de poitrine. Conversant un jour avec
Gérard, cette pensée lui vint à l'esprit : « Pourquoi ce Frère qui fait tant de
miracles pour les autres, ne prie-t-il pas Dieu de me délivrer de cette
douleur? — Et que dis-tu? s'écria Gérard. Je ne prie pas Dieu pour toi? Tu fais
erreur. Dieu ne veut pas que tu aies la santé, parce que, mon fils, tu n'es
point pour ce monde. » Peu de temps après, le jeune homme mourut.
« Qu'êtes-vous venue
faire ici ? » dit-il un jour à une jeune fille, au moment où il la voyait
sortir de l'église. — « Me confesser, répondit-elle. — Je le sais ; mais vous
n'avez pas reçu le sacrement de pénitence; car vous avez caché tel péché par
fausse honte. » La jeune fille, confuse et repentante, retourna au saint tribunal
et répara ses sacrilèges.
Au cours des exercices
spirituels que les Pères donnaient dans le couvent, Gérard rencontre un des
retraitants, François Mugnone : « François, avez-vous fait une bonne confession
? — Je crois que oui. — Eh bien ! je vous dis que non. Ne voyez-vous pas celui
qui se tient là derrière vous? » François se retourne et aperçoit un démon.
Pris d'épouvante, il court se jeter aux pieds du prêtre et revient, cette fois,
en grâce avec Dieu.
A une personne qui
feignait d'être obsédée, Gérard dit un jour : « Vous jouez cette comédie pour
un motif que vous ne voulez pas avouer. Si vous ne cessez, je vous dénonce, à
votre plus grande honte. » Aussitôt, la prétendue obsession prit fin.
Pendant que Gérard était
retenu au couvent par la surveillance des travaux, on l'appela de différents
côtés auprès des personnes qui réclamaient son secours. Pour satisfaire sa
charité, il fallait que Dieu lui donnât plus d'une fois le pouvoir de se
trouver en deux endroits, et d'accomplir au dehors son ministère sans
interrompre ses fonctions dans l'intérieur de la communauté.
Dans la famille De
Gregorio, à Lacédonia, un domestique, tombé gravement malade, répétait en se
sentant mourir : « O mon Frère Gérard, où êtes-vous? pourquoi ne venez-vous pas
me secourir? » Or, voici que la porte s'ouvre, et le serviteur de Dieu entre. «
Tu m'appelles, dit-il, je viens ; aie confiance en Dieu et tu seras rendu à la
santé. » Puis le malade ne vit plus rien, mais il était guéri.
Un jour que le Saint ne
recevait pas de réponse de Muro sur des affaires pressantes qui intéressaient
la gloire de Dieu, il dit : « Il faut que j'y aille demain. » En effet, on le
vit le lendemain à Muro, ainsi que l'attesta Lorenzo di Maio, homme digne de
foi ; et, d'autre part, on constata sa présence au couvent de Caposèle.
Un autre jour, le P.
Margotta assurait au médecin Santorelli qu'on avait vu Gérard en extase devant
le Très Saint Sacrement exposé dans l'église des Franciscaines, une nuit durant
laquelle il n'avait certainement pas quitté sa cellule.
La vie de quelques
saints, surtout des grands amants de l'Eucharistie, nous apprend qu'ils furent
favorisés du don de se rendre invisibles. Notre saint Frère, sans cesse entouré
de prêtres et de laïcs, ne pouvait se recueillir en Dieu comme il le voulait.
L'ami divin qui, au Saint Sacrement, se cache à toits les regards, permit
plusieurs fois à Gérard de se soustraire par un miracle aux visites et aux
recherches des hommes. — Le matin d'un jour de retraite, on le cherchait à la
sacristie, dans sa cellule, dans les différents endroits du couvent, et on ne
le vit nulle part. Survint le médecin Santorelli. « Ne vous inquiétez pas,
dit-il, Gérard sortira bien de sa retraite au moment de la communion. » En
effet, il parut tout à coup s'avançant vers la sainte table. Interrogé ensuite
par son supérieur sur ce qui s'était passé, le saint Frère répondit : «
Craignant d'être distrait dans ma retraite, j'ai demandé à Jésus la grâce
d'être invisible. » A Santorelli qui, à son tour, l'accabla de questions, il
finit par dire en souriant : « C'est que quelquefois je me fais tout petit. »
Tous ces faits
extraordinaires remplissaient d'admiration les hôtes du couvent. Leur
étonnement fut porté à son comble, un jour que les Pères, les hôtes et
probablement l'archevêque de Conza lui-même, en arrivant au réfectoire pour
prendre le repas de midi, trouvèrent la table abondamment servie de plats
inconnus mais exquis Mes heureux convives goûtèrent la cuisine des anges. Ce
jour-là, Gérard, désigné pour remplir l'office de cuisinier, s'était attardé,
après sa communion, aux pieds d'un crucifix. Là, ravi en extase, il avait
oublié de préparer le dîner. L'heure du repas approchait, et Gérard n'avait pas
encore paru. On le cherche, et on le voit sortir de l'oratoire le visage
enflammé. Un Frère s'écria avec effarement : « Gérard, qu'avez-vous fait?
l'heure du repas va sonner et les portes de la cuisine n'ont même pas été
ouvertes. — Homme de peu de foi, répliqua le Saint, et les Anges qu'ont-ils à
faire? » On donne le signal du dîner, la communauté se rend à table et Gérard
leur offre des mets si succulents que jamais jusque-là, ni Frères ni Pères n'en
ont goûté de pareils. Ce trait rappelle saint Isidore le laboureur, dont les
anges guidaient la charrue pendant qu'il priait à l'église ; ou encore sainte
Zite, l'humble domestique de Lucques, que les anges suppléaient autour de son
fourneau, quand elle s'attardait auprès du Très Saint Sacrement.
CHAPITRE XIV — Aux prises
avec la maladie. Août 1755.
Une prière héroïque. —
Prodiges à Senerchia, à Oliveto. — Symptômes alarmants. — La famille Salvadore.
— Guérison de Don Dominique Sassi. — La famille Pirofalo.
L'ARCHEVÊQUE de Conza
avait pris grandement à coeur la construction du couvent de la Mater Domini. Il
désirait la voir s'achever rapidement, et à son départ de Caposèle, il laissa
au P. Caione un subside de trois cents ducats prélevés sur ses revenus
personnels ; il adressa, en outre, une lettre circulaire au clergé et aux
fidèles de son diocèse pour les engager à contribuer par leurs aumônes à cette
entreprise, qui devait tant contribuer à la gloire de Dieu et à l'avantage
commun des fidèles. De plus, l'archevêque conseilla au Père recteur d'envoyer
deux de ses religieux pour recueillir les dons des fidèles. Le P. Caione eut
aussitôt la pensée de désigner Gérard pour cette fonction de quêteur ; mais il
avait des inquiétudes sur la santé du Frère. Gérard présentait, en effet, les
symptômes de la phtisie, et le P. Caione savait que le Saint avait demandé
cette maladie à Dieu. C'était au F. Janvier Rendina, l'un de ses plus intimes
amis, que Gérard avait révélé son héroïque prière. « Sais-tu, lui dit-il en le
rencontrant, ce que j'ai sollicité de Jésus-Christ? C'est de mourir phtisique
et abandonné de tous. » Peu de jours après, au cours d'une entrevue avec le
médecin Santorelli, il lui dit : « Docteur, vous ne savez pas que cette
année-ci je mourrai de la phtisie? — Et vous-même, comment le savez-vous? —
J'ai demandé cette grâce à Jésus-Christ. — Mais, pourquoi la phtisie ? — Parce
que, mourant poitrinaire, je mourrai à moitié abandonné. La communauté, malgré
sa vive charité pour les malades, ne pourra rester toute entière à m'assister
pendant une maladie aussi longue, et vous-même, docteur, vous défendrez aux
religieux de m'approcher, par crainte de la contagion. »
Aussi, au milieu du mois
de juillet, le P. Caione, le voyant si décharné, hésitait à le laisser partir.
Toutefois, sachant par expérience que le Saint était obéissant jusqu'au
miracle, il lui mit la main sur le front, et dit mentalement : « Je veux, au
nom dé la Très Sainte Trinité, que vous vous portiez bien et que vous alliez
faire la quête. » Gérard se prit à rire. r Pourquoi riez-vous? dit le Père. —
Je ris parce que Votre Révérence me parle tout en ne me parlant pas. Elle
commande que je me porte bien et que j'aille faire la quête. Hé bien ! je veux
accomplir la sainte obéissance. »
Rassuré par cette
réponse, le Père lui assigna, comme compagnon, le F. François Fiore, et tous
deux partirent pour leur laborieuse tournée.
Ils s'arrêtèrent d'abord
à Sénerchia, où les habitants étaient bien en peine pour transporter, du sommet
d'une montagne, une poutre pesante qui devait soutenir la toiture de l'église
paroissiale, alors en construction. Dès que Gérard apparaît, on accourt à lui;
on lui expose la situation, en le suppliant d'y porter remède. Courage, répond
Gérard, la maison est à Dieu, il pensera à la manière de la faire terminer.
Allons à la montagne. » Une foule immense le suit, anxieuse ; Gérard lie la
pièce de bois avec une corde, et, après avoir invoqué à genoux le secours du
ciel, il dit : Au nom de la Très Sainte Trinité, je te commande, créature de
Dieu, suis-moi. » Et au grand étonnement de tous, il tira le madrier derrière
lui, comme s'il se fût agi d'une paille. Ce miracle, — est-il besoin de le dire
? — assura le succès de la quête.
De Sénerchia, Gérard
écrivit à Don Ange Salvadore , archiprêtre d' Oliveto , pour lui annoncer sa venue,
vivement désirée par le digne ecclésiastique. Gérard arriva tout harassé de
fatigue, mais ne parut pas au repas. On l'attendit quelque temps, mais en vain.
Intrigué, l'archiprêtre alla regarder par le trou de la serrure, et vit le
saint Frère, soulevé au-dessus du sol et ravi en extase. Surpris et ému, Don
Salvadore ne voulut pas troubler les colloques intimes de Dieu avec son
serviteur. Il se retira quelque temps ; mais Gérard resta toujours dans la même
position. Alors, l'archiprêtre appela les gens de la maison pour leur faire
contempler ce spectacle : tous versèrent des larmes de joie, à la pensée que
leur toit abritait un Saint.
Enfin, Gérard revint à
lui et sortit de sa chambre. On se mit à table, bien que l'heure du repas fût
passée depuis longtemps. Le céleste reflet de l'extase brillait encore sur les
traits de Gérard, et les convives ne retinrent qu'à grand' peine leurs pleurs
et leurs sanglots.
D'Oliveto, le Saint se
dirigea vers Contursi et Auletta. Dans cette dernière ville, il fut appelé
auprès d'une jeune fille toute paralysée et incapable d'aucun travail. En
l'abordant, Gérard lui fit un signe, en lui disant : « Viens ici, mon enfant ;
viens. » Elle se lève et s'approche de lui d'un pas leste, comme si elle
n'avait jamais eu de mal. « Miracle ! Miracle ! » crient les témoins de cette
guérison. Gérard, effrayé de leurs acclamations, court se cacher dans la maison
du prêtre Raphaël Abbondati. La foule le suit en criant plus fort : « Le Saint
! le Saint ! » Gérard trouve moyen de s'échapper par une porte secrète et se
réfugie à Vietri di Potenza.
Des merveilles opérées
parle Saint à Vietri, on ne connaît de source sûre qu'une prophétie. Une femme,
d'une réputation douteuse, se présenta à lui et lui demanda, non sans une
pointe de moquerie, une image de la Madone. « En voici une, dit Gérard ; mais
préparez-vous à la mort, car vous n'avez plus que peu de jours à vivre. » Cette
personne retourna chez elle et y fut saisie d'une forte fièvre. Elle tint
compte de l'avertissement du Saint et se confessa. Quatre jours après, elle
était morte.
De Vietri, il partit dans
la direction de San Grégorio, où il logea dans la maison de l'archiprêtre
Robertazzi. Dans cette ville, Gérard put jouir d'une certaine tranquillité,
parce qu'il n'y était pas encore connu. Aussi, retiré dans sa chambre, les yeux
tournés vers le ciel, il s'écriait avec un accent de profonde reconnaissance :
« Je vous remercie, ô mon Jésus, je vous remercie! »
Trois ou quatre jours
après son arrivée à San Grégorio, Gérard fut pris d'une violente hémorragie. Il
retourna à Oliveto, d'où il écrivit à son recteur : « Je fais savoir à Votre
Révérence, qu'étant à genoux dans l'église de San Grégorio, j'ai été pris d'un
grand vomissement de sang. Je me rendis en secret chez un médecin et lui racontai
ce qui m'était arrivé. Il m'assura plusieurs fois que le sang ne venait pas de
la poitrine, mais de la gorge ; il me fit observer que je n'avais ni fièvre, ni
douleurs de tête et m'affirma à diverses reprises et avec insistance que ce
n'était rien. Il me fit une saignée à la tête sans que j'en ressentisse aucune
gêne.
« Hier soir, arrivé à
Buccino, au moment de me coucher, je fus pris de ma toux habituelle,
accompagnée de crachements de sang, analogues à ceux de la veille. On fit
appeler les médecins qui m'ordonnèrent des remèdes et me pratiquèrent une
saignée au pied. Les vomissements ne m'ont occasionné aucune douleur dans la
poitrine. Aussi, les docteurs m'ont-ils répété que le mal n'était pas dans les
poumons. Toutefois, ils m'ont conseillé de quitter, dès le lendemain, l'air un
peu trop dur de Buccino et de me retirer à Oliveto, ce que je fis ce matin
même. Ils me disaient que, non seulement je trouverais ici un climat plus doux,
mais encore, ajoutaient-ils, je pourrais consulter un célèbre médecin, le
docteur Don Joseph Salvadore. Je ne l'ai pas rencontré chez lui, mais M.
l'Archiprêtre me dit qu'il doit rentrer ce soir.
« J'avertis de tous ces
détails Votre Révérence, pour savoir ce que je dois faire. Si vous voulez que
je continue la quête, je la continuerai sans inconvénient, car, actuellement,
je me sens la poitrine moins fatiguée qu'au temps où je séjournais à la maison.
La toux s'est calmée. Envoyez-moi des ordres formels, et advienne que pourra. »
Cette lettre jeta toute
la communauté de Caposèle dans l'affliction, et le P. Caione, après avoir
recommandé le malade aux prières du peuple assemblé dans l'église, lui écrivit
de rester dans la famille Salvadore jusqu'au moment où il se sentirait en état
de reprendre son voyage, et de prendre toutes les précautions que l'archiprêtre
et son frère, le docteur Don Joseph, jugeraient opportunes.
Soudain, arriva à Oliveto
le F. François Fiore ; il s'était séparé de Gérard pour quêter de son côté. Une
fièvre ardente le consumait, et il dut se mettre au lit sans même pouvoir
monter l'escalier pour rendre une courte visite à Gérard. Quand le Saint apprit
l'arrivée de son compagnon, il lui fit dire par le médecin, Don Joseph, de se
débarrasser de la fièvre et de venir le trouver : « J'obéirai », dit le F.
François ; et il se rendit aussitôt près de Gérard. Celui-ci, se tournant vers
le médecin, lui dit : « Tâtez-lui le pouls. » Don Joseph constata que la fièvre
avait disparu. A ceux de la maison qui exprimaient leur admiration, Gérard
répondit : « Mes amis, qu'avez-vous à m'admirer? Croyez-moi : c'est l'obéissance
qui a tout fait. ,
Le même jour, il guérit
d'une forte fièvre dame Rosa, soeur de l'archiprêtre, en prononçant ces simples
paroles : « Ce n'est rien. » A la même heure, sans quitter Oliveto, Gérard
guérit à Caposèle un homme de cette ville, Etienne Masi, en priant pour lui ;
il venait de recevoir une lettre de son fils qui lui demandait cette faveur.
Aussi, la famille
Salvadore, tout en pleurant sur les souffrances de Gérard, ne pouvait assez remercier
Dieu d'avoir été digne d'héberger ce Saint à miracles.
Mais le prodige qui,
durant là maladie de Gérard, excita dans Oliveto la plus grande stupéfaction,
fut la guérison du prêtre Don Dominique Sassi.
Depuis sept ans, celui-ci
était frappé d'une aliénation mentale qui l'empêchait de célébrer la sainte
messe. Toujours renfermé dans sa chambre, étendu sur un lit, il blasphémait
comme un obsédé, et semblait livré aux horreurs du désespoir, lui dont la
conduite avait toujours été irréprochable. En vain l'avait-on conduit dans de
pieux sanctuaires, en particulier au pèlerinage de la Mater Domini à Caposèle :
il était dans les desseins de Dieu de réserver cette guérison à son serviteur
Gérard.
La famille Salvadore
supplia son hôte d'intercéder auprès du ciel pour obtenir le soulagement de ce
malheureux. « Et que puis-je faire, moi », répondit d'abord le Saint; mais,
réflexion faite, il promit de prier à cette intention. Le lendemain, à l'insu
de tous, il se rend en toute hâte chez Don Dominique, et entre dans sa chambre
sans avoir été remarqué. Le pauvre aliéné, en apercevant cet étranger, se met à
pousser des hurlements mêlés d'atroces imprécations. Gérard s'approche, lui
fait un signe de croix sur le front et lui dit : « Lève-toi et joue. Puis, il
le fait asseoir au clavecin, où ils chantent ensemble les litanies de la Sainte
Vierge. Cette musique et ce chant attirèrent les gens de la maison qui, remplis
de stupeur, trouvèrent le prêtre délivré de sa folie, l'esprit en repos et doux
comme un agneau.
Le serviteur de Dieu, en
se retirant, signifia à Don Dominique de s'abstenir, jusqu'à nouvel ordre, de
célébrer la messe ; mais il pourrait, en attendant, recevoir la sainte
communion. Le lendemain soir, pendant qu'il soupait chez ses hôtes, Gérard
interrompit tout à coup la conversation et dit « Demain, Don Dominique doit
célébrer le divin sacrifice ; je vous invite à vous approcher de la sainte
Table. a Les convives lui promirent tous d'une seule voix. Depuis ce jour, Don
Dominique offrit sans interruption les saints mystères. Si parfois surgissaient
en lui quelques scrupules, reste de sa maladie passée, ils s'évanouissaient
quand l'archiprêtre lui commandait de célébrer au nom du Saint. Le peuple, en
se rendant, chaque matin, à cette messe, avait coutume de dire : « Allons voir
le miracle du Frère Gérard. »
Ce prodige ne fut pas le
dernier que Dieu opéra à Oliveto par l'intercession de son serviteur. Un petit
garçon, Jean Salvadore, neveu de l'archiprêtre, revenait à la maison, tenant en
main un oiseau qu'il avait abattu au tir à l'arc. Gérard, qui aimait beaucoup
toutes les créatures, parce qu'elles lui rappelaient leur auteur, prit
l'oisillon, le caressa et lui rendit la liberté. Mais l'enfant entra dans une
violente colère, pleurant, criant, réclamant qu'on lui rendît l'oiseau. Pour le
calmer, Gérard se pencha sur la fenêtre, et dit à l'oiseau qui avait déjà pris
son vol dans les airs : « Viens, pauvre petit, car l'enfant te réclame. » La
bête innocente obéit, et le jeune Salvadore resta stupéfait de la tenir de
nouveau entre ses mains.
Au moment de quitter la
ville d'Oliveto, Gérard voulut rendre visite à la famille Pirofalo, et lui
laissa pour adieu une prophétie qu'Ange Antoine Pirofalo raconta dans les
termes suivants au procès apostolique : « La dernière fois que le serviteur de
Dieu visita la maison de mes aïeux, il annonça que sa mort n'était pas
éloignée. « Regardez, disait-il, de votre maison notre couvent de Caposèle;
tant que vous y verrez, étendu à une fenêtre, un drap blanc, je serai encore en
vie. Quand ce drap disparaîtra, je serai mort. » Oliveto est à six milles de la
Mater Domini, et à cette distance il est impossible de distinguer à l'oeil nu
ni une fenêtre, ni un drap qui y serait suspendu. Et pourtant, au grand
étonnement des miens, on voyait la fenêtre et le linge, qui disparurent, en
effet, le jour où mourut Gérard. On parle encore aujourd'hui de ce prodige à
Oliveto. »
CHAPITRE XV — Au seuil de
l'éternité. Septembre 1755.
Retour à Caposèle. — La
volonté de Dieu ! — Guérison momentanée. — Un chrétien du monde exempt du
purgatoire. — Le paysan au clavecin.
Ni le repos que Gérard
avait pris à Oliveto, ni les soins reçus dans la famille Salvadore, qui
l'hébergeait, ni l'air plus doux qu'il avait respiré dans ce pays, n'avaient pu
le rétablir. La fièvre ne faisait qu'augmenter, et les crachements de sang se
répétaient avec plus de fréquence. Pressentant une issue fatale, Gérard songea
à retourner en toute hâte à Caposèle, pour mourir parmi ses frères.
Il rentrait dans son cher
couvent, le 31 août vers midi, pour ne plus jamais en sortir. « A la première
entrevue, dit le P. Caione, je dus me faire violence pour retenir mes larmes,
tant il était pâle et défait. » Gérard remarqua l'émotion de son Supérieur et
parla ainsi : « Mon Père, c'est la volonté de Dieu : aussi, demeurez en paix,
car la divine volonté doit se faire toujours avec calme et joie. »
Tous ses confrères
accoururent pour l'encourager et compatir aux souffrances qu'il éprouvait. «
Tant mieux, répétait-il, tant mieux! car je ne fais que la volonté de Dieu. Je
suis heureux de faire la divine volonté et d'aller m'unir à mon Maître. »
Pendant qu'on le mettait
au lit, comme le Supérieur l'avait ordonné, le saint Frère pria, par charité,
ceux qui l'assistaient de suspendre à côté de lui une image de la Vierge, et,
en face de lui, son bien-aimé Crucifix recouvert de plaies. Il voulut aussi
qu'on fixât sur la porte de sa chambre un carton portant cette inscription : «
Ici l'on fait la volonté de Dieu, comme Dieu veut, aussi longtemps que Dieu
veut. »
Un jour, le P. Caione
entra dans la chambre; le voyant en proie à une crise aiguë : « Gérard, lui
dit-il, ne vous semble-t-il pas que vous accomplissez ici le divin vouloir? —
Oui, mon Père, je me figure que ce lit est pour moi la volonté de Dieu. » Le
médecin Santorelli lui demanda s'il désirait vivre ou mourir. « Ni vivre, ni
mourir, dit Gérard ; je veux seulement ce que Dieu veut. »
Cette absolue conformité
à la volonté de Dieu engendrait dans l'âme du saint malade une complète
indifférence pour les soins et une parfaite obéissance au médecin et à
l'infirmier. L'épuisement avait produit en lui une profonde répugnance pour
toute nourriture et pour tout médicament. Souvent il était pris de
vomissements, et alors, vaincu par le dégoût, il posait la tête sur l'oreiller,
en disant : « O Dieu ! à quoi bon ces remèdes ? » Mais après quelques instants,
il consentait à les prendre par obéissance, bien qu'il fût persuadé de leur
inutilité. La patience, dont Gérard avait donné de si beaux exemples dès les
premières années de sa vie, fut encore sa compagne au milieu des douleurs et
des angoisses qui le réduisaient à l'extrémité. « Dans la dure maladie qui
précéda sa mort, écrit le chanoine Bozio, je visitai Gérard presque tous les
jours. J'eus plusieurs fois l'occasion de remarquer que le pauvre Frère perdait
connaissance pendant quelques instants, puis revenait à lui sans perdre un seul
moment l'union de son âme avec Dieu. Jamais je n'ai constaté le moindre trouble
sur son visage, ni entendu une plainte sur ses lèvres. J'en conclus que, dans
ses maux, il voulait se rendre semblable à Dieu mourant sur la croix. »
Cette soif d'imiter Jésus
dans sa passion, devint de plus en plus ardente. Les yeux presque toujours
fixés sur le crucifix, il répétait avec de profonds soupirs : « O mon Jésus,
combien, oui combien vous avez souffert pour moi ! » Puis il reprenait : «
Souffrir, ô mon Seigneur, souffrir et ne pas mourir! »
Le 5 septembre, la mort
paraissait proche. Déjà le P. Caione se disposait à donner à Gérard
l'extrême-onction, quand on vint remettre à celui-ci un billet écrit par le P.
Fiocchi, son premier confesseur. Le Saint lui avait toujours confié la
direction de son âme, et lui obéissait, dans les choses spirituelles, avec un
abandon filial. Le bon Père, informé de l'état de Gérard, lui envoyait l'ordre
de ne plus cracher de sang et de se remettre en bonne santé.
Après avoir lu la lettre,
le moribond la plaça sur son coeur. « Que signifie cette feuille de papier ? »
lui demanda le docteur Santorelli, qui l'aperçut en auscultant le malade. «
C'est, dit Gérard, un commandement que m'envoie le P. Fiocchi de ne plus
cracher le sang. — Eh bien ! dit le docteur, que pensez-vous faire? » Gérard
garda le silence, puis, se tournant vers l'infirmier, il lui fait signe
d'enlever la petite cuvette placée à côté du lit pour recueillir le sang
expectoré. Depuis ce moment, l'hémorragie s'arrêta. « Mais qu'importe la
cessation des crachements de sang, dit le médecin, si la dysenterie continue ?
— J'ai reçu un ordre, reprit Gérard, pour les crachements de sang, mais non
pour autre chose. — Gérard, dit alors le P. Garzilli qui se trouvait présent,
c'est ainsi que vous pratiquez l'obéissance ? Le P. Fiocchi ne désire pas
seulement que vous cessiez de cracher le sang, mais aussi que vous vous
débarrassiez de la fièvre, et que vous sortiez de votre lit bien portant. — Eh
bien ! mon Père, reprit Gérard, en inclinant la tête, je veux, puisqu'il en est
ainsi, obéir en tout. »
Dès lors disparut tout
symptôme du mal, et quand Santorelli revint l'après-midi, Gérard lui dit : «
Docteur, demain je dois quitter mon lit. » Le médecin sourit avec incrédulité.
Mais le lendemain, en pénétrant dans la chambre du Frère, il la trouva vide. «
Où est Gérard ? demanda-t-il. — Au jardin. — Ah ! répartit le docteur, je ne
puis expliquer ce que je vois sans un miracle de la sainte obéissance. »
Santorelli descendit au
jardin, où il rencontra Gérard et le félicita : « Docteur, dit le Frère, je
devais quitter ce monde aujourd'hui, si Dieu n'avait voulu montrer combien lui
est chère l'obéissance. Mais sachez que je mourrai cette année, et de cette
même maladie. »
Il fit la même
déclaration à ses confrères tout joyeux d'un rétablissement qu'ils croyaient
définitif, parce qu'il était miraculeux : « Dieu a disposé ainsi de moi pour se
glorifier lui-même et pour donner une preuve authentique de ce que peut
l'obéissance, mais sous peu je serai dans mon éternité. »
Les religieux
s'imaginaient rêver quand ils voyaient Gérard s'asseoir à table avec eux, et suivre
tous les exercices de la communauté sans fièvre, sans crachement de sang et
sans aucun des signes de l'horrible phtisie qui l'avait conduit aux portes du
tombeau. Durant cette halte de la cruelle maladie, la santé du moribond de la
veille se montrait parfaite
Gérard traitait, comme
par le passé, les affaires dont il était chargé, et opérait encore les mêmes
prodiges.
Le 14 septembre, le Saint
se tourna tout à coup vers le F. Etienne Sperduti, et lui dit : « Mon cher
Frère, ne savez-vous pas qu'aujourd'hui la Mère Marie Céleste Crostarosa, à
Foggia, est allée recevoir la récompense de son grand amour envers Jésus et
Marie? » Quelques jours après, une lettre arrivait à Caposèle, annonçant au P.
Caione la mort de la Vénérable, survenue à l'heure même indiquée par Gérard.
Un peintre d'Oliveto,
Herbert Caifi, vint présenter à Gérard les respects de l'archiprêtre Don
Salvadore d'Oliveto. Avant même que le messager eût le temps de parler, Gérard
lui dit : « L'archiprêtre est vivement affligé par la mort de son père. — Mais
non, dit Herbert, en partant d'Oliveto, j'ai salué ce bon vieillard, il était
plein de vie au milieu des siens. — Eh bien ! reprend Gérard, je vous dis qu'il
vient de mourir, à l'instant, d'apoplexie. A votre retour, dites à l'archiprêtre
qu'il se réjouisse, car son vénérable père n'a pas même été touché par les
flammes du purgatoire. » Cette nouvelle, portée aussitôt à la famille, y changea
le deuil en une joie sereine.
Le Père abbé, Don
Prospero dell' Aquila, et le médecin Joseph Salvadore vinrent visiter Gérard et
s'édifier une dernière fois de ses exemples et de ses paroles. Arrivés au
couvent de Caposèle, ils montèrent sans retard à la chambre du Saint, laissant
en bas le paysan qui les avait accompagnés pour conduire leurs montures. Le
Frère, qui ne le connaissait nullement, interrompit un instant la conversation
avec ses amis, pour les prier de faire entrer leur compagnon. Le paysan fut
d'abord intimidé en présence de ce religieux qu'il avait entendu célébrer, tout
le long du chemin, comme un grand Saint. Gérard invita son rustique visiteur à
toucher le clavecin, affirmant qu'il en sortirait des sons mélodieux. Le
campagnard refusa d'abord, mais, sur les instances du médecin et du Père abbé,
il obéit, et, s'asseyant, il se mit à mouvoir les mains sur les touches. Une
délicieuse harmonie s'échappa de l'instrument. Selon les rapports consignés
dans les deux procès, le paysan affirma ensuite qu'une force invincible avait
mis ses doigts en mouvement. Il avait sans doute préludé aux symphonies
célestes qui devaient, peu de jours après, célébrer le triomphe du Saint en
paradis.
CHAPITRE XVI — Les derniers
jours. — Octobre 1755.
Broyé pour l'amour de
Jésus. — Parfums et harmonies célestes. — Prédiction de la mort. — Ia dernière
heure. — Sang miraculeux. — Funérailles d'un Saint.
L'OBÉISSANCE avait opéré
chez le serviteur de Dieu le miracle d'une amélioration notable. Mais il
n'entrait pas dans les plans de Dieu de laisser Gérard plus longtemps sur la
terre.
En effet, le 4 octobre,
le saint Frère rencontra le médecin Santorelli et lui dit : « Docteur, j'ai
obéi; mais je vous ai annoncé que, sous peu, je devais mourir. L'heure approche;
il n'y a plus de remède. »
Le lendemain, Gérard fut
contraint de reprendre le lit. La maladie présentait les symptômes les plus
graves : la poitrine ne respirait que très difficilement; la dysenterie était
revenue ainsi qu'une fièvre brûlante. L'unique pensée du saint Frère fut de se
préparer à la mort.
Sur sa couche, Gérard
ressentait un désir plus ardent que jamais de participer aux souffrances de
Jésus cloué sur la croix. Il implora la grâce d'éprouver en son âme les peines
intérieures et extérieures que le Rédempteur endura au Jardin des Oliviers et
au Calvaire. Son héroïque prière fut exaucée; et cette vie, déjà si sainte,
s'acheva dans les tortures d'un long et indicible martyre.
Bien qu'attentif à ne
rien révéler de ce qui se passait entre le ciel et lui, Gérard ne put cependant
réussir à cacher les déchirements de son âme. Un jour, s'adressant au Crucifix,
il s'écria : « Ah ! Seigneur, aidez-moi dans ce purgatoire où vous m'avez
plongé. » Le médecin entrait à ce moment ; surpris de ces paroles, il en
demanda la signification : « Cher docteur, dit Gérard, j'ai supplié
Jésus-Christ d'être broyé pour son amour, et le Seigneur a daigné m'exaucer. Je
subis le purgatoire en ce monde, et je me réjouis, puisque c'est le bon plaisir
de Jésus. »
Gérard fit les mêmes
aveux au prêtre Don Gérard Gifone, de la localité de Ricigliano, qui était venu
le consulter. Le vénérable ecclésiastique interrogea le malade sur la nature de
ses souffrances. Le Saint répondit avec son ingénuité ordinaire : « Je suis
continuellement dans les plaies de Jésus-Christ, et les plaies de Jésus-Christ
sont en moi. Je ressens dans mon être les peines de la Passion. »
Les mystérieuses
angoisses qui, chaque vendredi, depuis plusieurs années, plongeaient Gérard
dans une sorte d'anéantissement, furent continuelles durant sa dernière maladie
; mais elles ne se manifestaient dans toute leur intensité que pendant trois
heures du jour. Alors le Saint était accablé des douleurs les plus aiguës. Il
se traînait jusque sous le grand Christ déchiré et ensanglanté que, depuis son
retour d'Oliveto, il avait fait placer devant lui au-dessus de son lit; et là,
il prenait part, autant qu'il le pouvait, à l'agonie de Jésus durant les trois
heures qu'il demeura suspendu sur l'arbre de la croix. On se sentait le coeur
bouleversé à voir le pauvre Frère étendu sous le Crucifix, la poitrine
haletante, une pâleur mortelle sur le visage, regardant les plaies de son
Bien-Aimé avec des yeux pleins de larmes, et lui disant : « Je souffre
beaucoup, mais trop peu pour vous qui êtes mort par amour pour moi. » Aussi,
quand le médecin et les religieux s'empressaient autour de lui pour le remettre
sur sa couche et l'arracher à ces pénibles colloques, il reprenait vivement : «
Ah ! je ne souffre rien ; je souffre plutôt de ne pas souffrir pour
Jésus-Christ. »
Ceux qui assistaient le
malade ne pouvaient retenir leur émotion quand ils l'entendaient se plaindre
des fatigues qu'il imposait à la communauté, se déclarant indigne d'être
entouré avec tant de charité. « Je suis, disait-il, un sujet inutile, pourquoi
me prodiguer ces soins? »
La dysenterie, jointe à
la fièvre, hâtait la dissolution du pauvre corps de Gérard. Néanmoins, à la
stupéfaction de tous, l'air de la chambre était embaumé. On avait souvent
remarqué que Gérard, dans le cours de sa vie, exhalait de toute sa personne une
odeur suave. Ses douleurs et ses souffrances étaient plus aiguës le vendredi,
et ce jour-là le parfum était également plus pénétrant. Dieu renouvelait les
prodiges opérés en saint Joseph de Copertino et en tant d'autres saints, en
faveur de son humble Serviteur dont il voulait manifester, par ce signe, la
pureté immaculée.
A la suavité de ces
parfums venaient se mêler les accords des mélodies angéliques : « Dans la
journée qui précéda sa mort, écrit le P. Caione, la chambre de Gérard retentit
d'une harmonie céleste qui transportait l'âme en paradis. »
C'était le 15 octobre,
fête de sainte Thérèse. Le médecin vint visiter le malade de bonne heure : «
Docteur, lui dit Gérard, recommandez-moi à sainte Thérèse et faites la
communion pour moi. » Puis, sur son désir, on lui apporta le saint Viatique.
Les assistants conservèrent de cette cérémonie un souvenir ineffaçable. Bien
qu'habitués au spectacle de l'ardente dévotion de Gérard lorsqu'il recevait la
sainte Eucharistie, ils éprouvèrent néanmoins cette fois un sentiment
d'indicible admiration. Selon les termes du procès apostolique, tous
s'écrièrent : « C'est un ange, c'est un séraphin qui s'unit à la divine
essence! » Comme pour emporter dans le sépulcre le souvenir de la dernière
visite de Jésus-Hostie son unique amour, le moribond demanda qu'on lui laissât le
corporal sur lequel avait reposé le Très
Saint Sacrement; il le
posa sur sa poitrine, et le conserva jusqu'au dernier soupir.
La nuit approchait.
S'adressant au Frère Etienne Sperduto qui venait le visiter : « Mon Frère,
dit-il, cette nuit je dois mourir. Habillez-moi ; je veux réciter l'Office des
morts pour mon âme. » Il se mit sur son séant et récita le psaume Miserere.
Après chaque verset, il faisait un acte de contrition et les larmes
jaillissaient de ses yeux en abondance. Il insista surtout sur ce passage :
Tibi soli peccavi et malum coram te feci, et sur cet autre : Et a peccato meo
munda me. Il prononçait ces paroles en les accompagnant de profonds soupirs, de
pleurs et de sanglots, avec une idée si grande de Dieu et de son infinie
sainteté que le Frère infirmier en était rempli d'une religieuse terreur.
Après cette scène
émouvante, Gérard demanda l'heure. Le menuisier Philippe Galella, qui revenait
souvent le voir, lui dit que l'Angelus du soir avait sonné : « Donc, s'écria
Gérard, encore six heures, et puis ce sera la fin! » A ce moment entrait
Santorelli. Malgré les grandes souffrances et l'extrême épuisement du malade,
le docteur pensa que la mort n'était pas encore aussi imminente. Aussi, la
communauté, après la prière, alla prendre son repos, et il ne resta auprès du
Saint que le F. Xavier d'Auria, qui observa avec attention ses moindres gestes
et s'empressa de satisfaire tous ses désirs. Vers dix heures du soir, le malade
perdit connaissance. Revenu à lui, il se troubla, et, dans son agitation,
s'écria : « Vite, vite, Frère Xavier, chassez d'ici ces deux individus; que
viennent faire ces misérables? » L'infirmier comprit qu'il s'agissait de deux
démons.
Gérard avait toujours été
l'enfant privilégié de Marie, et la douce Mère ne pouvait manquer de le
secourir à cette heure extrême. La paix revint sur les traits de Gérard qui
s'écria : « Voici la Madone, rendons-lui nos hommages. » A ces mots il s'absorba
dans une profonde extase.
A partir de ce moment,
ses yeux ne se détachèrent plus du grand Crucifix et du tableau de la sainte
Vierge. Il ne cessait, durant ce temps, d'invoquer les saints noms de Jésus et
de Marie, et de répéter les actes de foi, d'espérance, de charité et de
contrition. ' Mon Dieu, disait-il, je veux mourir pour vous faire plaisir; je
veux mourir pour faire votre très sainte volonté. » Et quand il lui fut
impossible d'articuler une parole, le mouvement de ses lèvres montrait
suffisamment que son âme continuait de s'élancer vers son Dieu. De son coeur
s'exhalaient alors des soupirs véhéments qui enflammaient d'amour le Frère
infirmier.
Une demi-heure avant de
mourir, Gérard demanda un peu d'eau. Le F. Xavier alla aussitôt en chercher.
Mais la porte du réfectoire étant fermée, il dut tarder quelques instants;
quand il revint, le malade était couché sur le côté et tourné vers le mur.
L'infirmier supposa qu'il dormait. Mais bientôt il le vit se tourner sur
l'autre côté et l'entendit pousser un râle profond : il comprit que c'était
l'agonie. Alors il courut réveiller un autre Frère, ainsi que le Père
Buonamano, qui remplaçait le supérieur absent. Ce Père arriva immédiatement et
trouva le malade expirant. Pendant qu'il prononçait les paroles d'une dernière
absolution, l'âme de Gérard prenait son vol vers le ciel. C'était le 16 octobre
1755, à minuit et demi. Gérard avait vingt-neuf ans, six mois et neuf jours ;
il était dans la Congrégation depuis cinq ans et demi.
A peine Gérard eut-il
expiré que de son corps s'échappa un parfum délicieux qui jeta les assistants
dans le ravissement. Sans retard, le P. Buonamano ordonna aux deux Frères de
revêtir de sa soutane la dépouille mortelle du défunt, puis, à cause de la
grande idée qu'il avait du Saint, il le saigna au bras, espérant qu'il en
sortirait un sang vif. Son attente ne fut pas déçue. Pris d'un saint
enthousiasme, il fit sonner la cloche pour réveiller la communauté. Quand elle
fut réunie, il voulut renouveler l'épreuve du miracle; et, en effet, un sang
vermeil jaillit en abondance.
Les assistants
s'empressèrent d'y tremper des linges que, le lendemain matin, on distribua aux
nombreux fidèles, accourus à la nouvelle du décès, et qui se montrèrent très
avides de posséder de ces précieuses reliques.
Lorsque, au lever du
jour, le F. Carmine Santariello dut annoncer par les tintements de la cloche
que Gérard avait quitté la terre, au lieu de sonner le glas funèbre, il ne put
s'empêcher de carillonner joyeusement, comme aux jours de grande solennité. Ces
volées inattendues contrarièrent le P. Buonamano, qui envoya le F. Janvier
exprimer son mécontentement à l'audacieux sacristain ; mais il répondit qu'il
avait agi de la sorte sous la contrainte d'un mouvement irrésistible.
La nouvelle de cette
bienheureuse mort se répandit comme un éclair par toute la contrée. Dès le
matin, Gérard avait été exposé dans l'église sur un lit de parade. A peine
ouvrit-on les portes, qu'une foule compacte où se pressaient indistinctement
riches et pauvres, ecclésiastiques et séculiers, vint se prosterner auprès de
la couche funèbre. L'un rappelait une prophétie réalisée, l'autre un miracle;
celui-ci parlait des secrets de sa conscience que Gérard lui avait révélés, un
autre des conversions éclatantes que le Saint avait opérées. Tous, d'un commun
accord, célébraient ses vertus et ses miracles. Les pauvres surtout le
pleuraient, et quelques-uns s'écriaient en sanglotant : « Nous avons perdu
notre père, notre bienfaiteur! » L'émotion et l'enthousiasme étaient
indescriptibles. Chacun était avide d'emporter quelques reliques du Saint. On
poussa l'audace jusqu'à couper de ses cheveux, et à mettre ses vêtements en
lambeaux. Pour empêcher ces pieux mais indiscrets larcins, il fallut mettre des
gardes autour du cercueil.
Au milieu de cette
immense foule, on célébra, le matin même du 16 octobre, avec la participation
du clergé séculier et régulier, l'office divin pour le repos de l'âme du
défunt. Le P. François Garzilli, si dévoué à Gérard, chanta la messe; le P.
François Buonamano prononça, au milieu des larmes de tous, un éloge funèbre, où
il célébra les vertus héroïques du serviteur de Dieu.
Pour satisfaire la piété
des fidèles qui affluaient sans interruption des pays voisins, on décida de
laisser le corps exposé pendant deux jours. Les pieux pèlerins accouraient par
milliers et de loin ; jamais, dans le passé, on n'avait vu tant de monde à
Caposèle. On essuyait, avec une souveraine vénération, les gouttes de sueur qui
continuaient à perler abondamment sur son visage.
Il fallut enfin procéder
à la sépulture. Le P. Buonamano, prévoyant que le temps viendrait où le serviteur
de Dieu serait honoré sur les autels, fit prendre acte notarié des prodiges
survenus entre la mort et la mise au tombeau. Douze membres de la communauté de
Caposèle et dix habitants de l'endroit fournirent leur témoignage sous la foi
du serment. Plus tard, cet acte fut transmis au procès de béatification.
CHAPITRE XVII — La
glorification. 1755-1904
Saint Gérard, grand
thaumaturge après sa mort. — Procès de béatification. — Huile miraculeuse
émanant des ossements du Saint. — Canonisation en 1904.
A la mort d'un homme de
Dieu, quels que soient l'éclat de ses vertus et l'austérité de sa pénitence,
quelles que soient les grâces extraordinaires dont Dieu l'a comblé : extases,
prophéties, miracles, intuition des coeurs, enfin quels que soient le concours
des fidèles qui se pressent à son tombeau, et les prodiges de tout genre qui
s'y opèrent, l'Eglise laisse à l'enthousiasme populaire le temps de se calmer,
et attend en silence l'heure du Seigneur. Si la réputation de cette sainteté se
maintient et va en grandissant; si surtout Dieu daigne la contresigner par des
miracles, alors l'Eglise consent à l'examiner officiellement.
Or les miracles survenus
pendant les deux jours qui suivirent la mort du Saint étaient une preuve de son
bienheureux passage dans le ciel. Ceux qui s'opérèrent depuis ce moment jusqu'à
l'heure présente nous montrent en saint Gérard un grand thaumaturge.
Les premiers qui ont
expérimenté la protection de Gérard, furent ses confrères du T. S. Rédempteur :
c'était presque un droit. Le P. Caione était tourmenté par des angoisses
d'esprit. Le Saint lui apparut et dit : « Soyez en paix. » Les troubles
s'évanouirent à l'instant.
Le F. Nicolas di Sapio se
trouvait dans le même état d'âme ; sur les conseils du P. Caione, il remercia
la Très Sainte Trinité des faveurs accordées à Gérard. « A peine eus-je fait ma
prière, dit le Frère, que, délivré de la tentation, je fus rempli d'une joie et
d'une lumière si vives que je ne pouvais me l'expliquer. »
Le P. Tannoia raconte à
son propre sujet le fait suivant : « En 1786, me trouvant à
Saint-Ange-des-Lombards, je fus pris d'une maladie mortelle; on m'envoya à
Caposèle pour m'y reposer; mais au lieu de diminuer, le mal augmenta. Le soir
du 9 septembre, le P. Janvier Orlando, constatant que mon état était très
grave, me dit : « Promettez au Frère Gérard d'écrire sa vie, et vous serez
guéri. » Par manque de confiance, je ne suivis pas ce conseil. Le I o au matin,
treizième jour de la maladie, je me voyais à l'extrémité. Alors, désespérant de
tout secours humain, et plein d'assurance dans l'assistance du Saint, je me
tournai vers lui en m'écriant : « Mon cher Gérard, aidez-moi ! » Ayant à peine
prononcé ces paroles, je me sentis subitement délivré de tout mal. Cette grâce,
le Bienheureux Frère me l'a accordée parce que j'ai invoqué son secours, et
c'est par reconnaissance pour ce bienfait que je me suis cru obligé d'écrire sa
vie. »
Le Bienheureux donna de
nombreux signes de sa protection à Caposèle, où reposent ses ossements. Après
le trépas du serviteur de Dieu, mourut un jeune homme, nommé De Rogatis, neveu
du chanoine Bozio, dont il a été question plusieurs fois dans cette histoire.
La mère du défunt possédait une dent du Saint ; elle l'appliqua sur le cadavre,
en disant : « Mon cher Gérard, ne me laissez pas dans cette affliction. Je vous
prie de rendre la vie à mon fils. Le jeune homme ouvrit les yeux et se leva
plein de vie et de santé.
En 1781, dans la maison
des époux Ilaria, un de leurs petits neveux, arrivé de Naples, tomba gravement
malade. Il n'y avait aucun espoir de guérison. On recourut au Saint ; au milieu
de la nuit, l'enfant se réveilla : « Maman, maman, voici le Frère Gérard !
Vois, comme il est beau ! Comme il brille ! Maman, lève-toi, regarde le Frère
Gérard... Oh ! il est parti ! » Le lendemain, l'enfant était en bonne santé et
on le porta au sépulcre du Saint, en reconnaissance du bienfait.
Le Saint n'oublia pas les
pays voisins de Caposèle, qu'il avait plus d'une fois visités et secourus
durant sa vie.
A Sénerchia, une mère
désolée pleurait sur le cadavre de sa fille, lorsque, à la stupeur universelle,
on vit la morte se redresser au seul contact de l'image du Saint.
A Teora, Vincenza
Palmieri était aux portes du tombeau ; on lui fit avaler un fil d'un linge de
Gérard, et elle reprit la vie.
A Avellino, un homme,
frappé par une main ennemie, était tout près de la mort; il guérit subitement
quand on lui eut appliqué sur la blessure l'image du saint Frère.
En 1817, à Fisciano,
localité dépendant de San Severino, le notaire André Gualtieri fut délivré de
fortes douleurs néphrétiques au seul contact de son image.
A Capaccio, une dame,
Dorothée Perotti, veuve Tanza, souffrait d'une hydropisie qui lui avait attaqué
le foie et les poumons. En 1824, elle fut guérie par la seule application de la
relique.
A Piazza di Pandola, en
1830, un médecin, par une prière confiante à saint Gérard, obtint la guérison
d'une tumeur mortelle.
Depuis longtemps une
sainteté et des miracles si éclatants avaient engagé saint Alphonse lui-même à
ordonner qu'on recueillît les documents nécessaires pour écrire la vie du saint
Frère, et lui-même en propagea les images.
Au dehors de la
Congrégation, évêques, prêtres, religieux, religieuses, laïcs de toute
condition rivalisaient de vénération pour le serviteur de Dieu, et recouraient
à l'envi à sa puissante intercession.
En décembre 1843, la
curie épiscopale de Muro et la curie archiépiscopale de Conza ouvrirent le
procès informatif. Dès 1847, le Pape Pie IX introduisit l'examen de la cause en
cour de Rome.
Le procès apostolique
donna lieu à la reconnaissance des reliques du serviteur de Dieu. La première
ouverture du tombeau de saint Gérard eut lieu le 26 juin 1856. Or, au fur et à
mesure qu'on en retira la tête et les autres ossements pour les déposer dans un
récipient, on vit en découler une huile mystérieuse et parfumée, en telle
abondance que le bassin en fut rempli et même déborda. On s'empressa de
recueillir précieusement cette huile merveilleuse avec quantité de linges et de
nappes dont les malades ne tardèrent pas à ressentir la vertu.
Les ossements du Saint,
replacés dans le tombeau, en furent de nouveau retirés le 11 octobre 1892, et
renfermés dans un coffret tapissé de soie blanche. Quatre heures après, en
ouvrant le coffret, on constata de nouveau qu'une huile d'une odeur suave
suintait des saintes reliques, et formait comme des gouttes de rosée sur la
garniture de soie.
A cette date, le jour de
la béatification de Gérard n'était pas éloigné. Déjà le 8 juin 1874, fête du
Sacré-Coeur, le Pape Pie IX avait signé le décret proclamant l'héroïcité des
vertus du Saint. Ensuite, la Congrégation des Rites, réunie en trois séances
solennelles, le 20 novembre 1888, le 10 mars 1891 et le 26 janvier 1892,
s'était prononcée sur quatre miracles soumis à son examen. Ces miracles furent
les suivants :
1° En 1823, Joseph
Santorelli (un descendant du docteur Santorelli, le grand ami de saint Gérard,
souvent mentionné dans sa vie), de Caposèle, surpris par un typhus très grave,
fut abandonné des médecins. Le dix-neuvième jour, il était à l'extrémité ; on
lui administra les derniers sacrements ; le prêtre faisait la recommandation de
l'âme ; les cierges des funérailles et le cercueil étaient déjà prêts. A
l'invocation du Saint, le malade guérit instantanément et parfaitement.
2° Thérèse Deheneffe, de
l'archidiocèse de Malines, en Belgique, avait reçu d'un misérable un coup de
poignard au côté gauche ; craignant des altercations sanguinaires entre les
gens de sa famille et l'agresseur, elle cacha sa blessure depuis septembre 1849
jusqu'en juillet 1852. La plaie s'élargit et devint fistuleuse : le chirurgien
la déclara inguérissable. Après une neuvaine de prières au serviteur de Dieu,
la blessure disparut sans même laisser de cicatrice.
3° En mars 185o, Orsola
Solito, de Franca-villa Fontana, dans les Pouilles, était mise à deux doigts de
sa perte par un- cancer au front. Au contact de l'image du Saint, le cancer
disparut, et le visage demeura parfaitement guéri.
4° Laurent Riola, de
Saint-Georges-la-Montagne, dans l'archidiocèse de Bénévent, depuis le mois
d'avril 1867 commença à perdre l'appétit, à pâlir ; les ganglions lymphatiques
enflèrent surtout au cou, sous les aisselles, et aux aines. Finalement, le mal
se convertit en décomposition intérieure qui réduisit le malade à un état
désespéré. Laurent lut la vie de saint Gérard, en conçut de la dévotion et de
la confiance, appliqua sur lui la relique, et, au mois d'août de la même année,
obtint une guérison subite et parfaite.
Ces miracles reçurent
l'approbation du Pape Léon XI II par un décret du 25 mars 1892. Enfin, le 29
janvier 1893, aux applaudissements universels, se leva le jour de la
béatification. Ces fêtes furent célébrées dans la grande salle qui domine le
portique de la Basilique Vaticane. Ce jour-là, un employé de la Basilique,
Scarpellini, étant monté sur une échelle pour allumer les cierges, tomba d'une
grande hauteur. Tout le peuple épouvanté invoqua d'une seule voix le secours du
nouveau Bienheureux. L'employé tomba sans se faire le moindre mal. En
reconnaissance, il vient encore maintenant, chaque mois, dans l'église dédiée à
saint Alphonse, via Merulana, faire brûler deux cierges devant l'image du Saint
qui le sauva.
Pour aboutir à la
canonisation, il fallait soumettre à l'approbation du Saint-Siège deux autres miracles,
opérés par le Bienheureux depuis sa béatification. Voici ces miracles :
1° Une jeune fille,
Valérie Baerts, de Saint-Trond, diocèse de Liège, en Belgique, fut prise, au
mois d'août 1893, du typhus compliqué de méningite ; elle allait expirer, quand
sa mère recourut avec une vive confiance au Bienheureux, et en obtint immédiatement
la complète guérison.
2° Vincent de Geronimo,
élève du Séminaire archiépiscopal de Saint-André de Conza, atteint, en 1896,
d'une pleurésie mortelle, fut pleinement et subitement rétabli par
l'intercession du Bienheureux, dont la relique avait été placée par le supérieur
sur le cou du malade.
Le bienheureux Gérard
Majella fut canonisé par le Pape Pie X, conjointement avec le bienheureux
Alexandre Sauli, de l'Ordre des Barnabites, le 11 décembre 1904, quelques jours
après les fêtes du cinquantenaire de l'Immaculée-Conception.
CHAPITRE XVIII — Mission
posthume.
Saint Gérard protecteur
des mères et des petits enfants. — Patron des enfants qui se préparent à la
première communion. — Modèle des jeunes gens appelés à la vie religieuse.
CHAQUE saint, peut-on
affirmer, a ses privilèges auprès du Seigneur et ses privilégiés sur la terre.
Les uns, comme les Apôtres, les docteurs, les martyrs les plus illustres,
remplissent une mission dans 1'Eglise universelle; les autres, comme sainte
Jeanne d'Arc, saint Patrice, saint Isidore, saint Georges, sont les protecteurs
d'une nation ; d'autres, comme saint Antoine de Padoue, saint Roch, obtiennent
de Dieu tel genre de grâces ou exaucent plus volontiers telle catégorie de
fidèles.
Or, quel est le rôle
-providentiel assigné par Dieu à notre puissant thaumaturge?
Nous voyons en lui le
protecteur des mères en danger, le patron des enfants qui se préparent à la
première communion privée ou solennelle, le modèle des jeunes gens appelés à la
vie religieuse.
1° Saint Gérard est le
protecteur des mères et des jeunes enfants. — On ne saurait dire avec certitude
à quel fait de sa vie, à quel acte héroïque de sa sainte existence se rattache
ce privilège. Mais il fut constaté dès les années qui suivirent la mort du
Saint ; le P. Tannoia, son contemporain et son premier historien, en parle en
ces termes : « Le Frère Gérard est spécialement le protecteur des mères en
danger. Aussi, à Foggia, et partout où il est plus connu, il n'y a pas de mère
qui, sur le point de donner le jour à un enfant, n'ait son image et n'invoque
sa protection. »
A la suite du P. Tannoia,
tous les historiens de saint Gérard citent des traits multiples de cette
touchante protection. Quel est le pays du monde chrétien où le privilège de
notre Saint n'ait eu d'éclatantes manifestations?
La revue de la « Sainte
Famille 1 », qui poursuit, entre autres buts, celui de promouvoir le culte de
saint Gérard, rapporte, entre cent autres, les témoignages suivants :
« COTE-D'OR. — Il y a
quelques mois, entrait à l'hôpital de B... une jeune darne de la campagne,
presque à la veille d'être mère. Ne pouvant plus rien manger, elle était
réduite à un état pitoyable.
Les médecins déclarèrent
que pour sauver la mère il fallait sacrifier l'enfant. La jeune femme ne voulut
pas y consentir. Sa mère, désespérée, alla trouver une religieuse qu'elle
connaissait, et lui exposa son chagrin. Celle-ci, grande propagatrice des
images de saint Gérard, lui dit :« Ne vous désolez pas; j'ai là l'image d'un
petit Saint qui a une spécialité pour les cas de cette nature; portez-la à
votre fille, et recommandez-lui de bien prier. » Cette recommandation fut bien
suivie. La malade attacha l'image du Saint aux rideaux de son lit, et la
réponse du céleste intercesseur ne se fit pas longtemps attendre. Quand les
médecins revinrent, ils constatèrent, avec étonnement, que la jeune femme
n'avait plus besoin de leurs services. Elle sortit de l'hôpital, rentra dans sa
famille, et, quelque temps après, elle fut consolée par la naissance d'un beau
petit garçon. Le père de la jeune femme vint apporter tout en larmes
l'expression de ses remerciements à la charitable religieuse qui avait fait
recourir à saint Gérard, plus puissant que tous les médecins. » (Sainte
Famille, 1899, p. 309.)
« LISIEUX. - Je viens,
après promesse faite, vous prier de vouloir bien insérer dans la Sainte Famille
les grâces toutes spéciales dont vient de me combler saint Gérard.
A la veille de devenir
mère, et me trouvant malade, j'étais prise de découragement , lorsqu'une dame
de mes amies me conseilla de me recommander à saint Gérard et de me procurer
vos annales afin de me rendre compte de tous les miracles qu'opère son
intercession. Je fis alors une neuvaine au Saint. Le docteur avait dit que mon
enfant serait mort-né; or, le pauvre petit, quoique respirant à peine à sa
naissance, ne laissa pas de se ranimer bien vite et de se fortifier. Après
cette grande grâce, fidèle à ma promesse, j'ajoutai le nom de Gérard aux
prénoms de mon enfant.
« Plus tard, de nouvelles
angoisses furent pour moi l'occasion d'un nouveau recours au Saint, et pour
celui-ci l'occasion d'un nouveau prodige. Par une inconcevable maladresse d'une
femme de service, on donna au pauvre petit de l'huile phéniquée au lieu d'huile
de ricin. Les médecins désespérèrent de le sauver, disant qu'il était bien
empoisonné. Mais moi, je m'adressai au céleste patron de l'enfant : « Il faut,
m'écriai-je, que vous me conserviez cet enfant qui porte votre nom ! » On mit
l'image du saint Frère sur l'enfant. Ma confiance n'a pas été vaine : le soir
même de l'accident, le docteur reconnut que l'enfant était sauvé. Quant à moi-
même, on reconnut que tant d'émotions auraient du m'être fatales. Cependant, grâce
encore au Saint dont l'image ne me quitte plus, je me trouvai bientôt rétablie.
» (Sainte Famille. Année 1898, p. 584.)
Combien d'autres mères
ont voué à notre Saint une reconnaissance impérissable ! Et, d'autre part, que
de frêles créatures, condamnées d'avance par la science humaine, ont été
arrachées à la mort par l'intercession de saint Gérard !
Béni soit le Seigneur qui
a suscité un protecteur spécial aux jeunes mères et aux petits enfants, à cette
époque où l'égoïsme et le matérialisme poussent à la négation de toute notion
de devoir et de sacrifice !
2° Saint Gérard, patron
des enfants qui se préparent à la communion privée ou solennelle. — C'est
ordinairement sur les maisons chrétiennes que s'étend la main protectrice de
saint Gérard. Le foyer où règne Jésus-Christ, et celui-là seul, est la terre
bénie où s'épanouit la vie surnaturelle, où fleurissent les vertus chrétiennes,
où les anges préparent la moisson des élus pour la gloire éternelle.
Mais cette moisson ne
mûrit pas en un jour. Entre le berceau et la tombe, que de tempêtes, que de
luttes! Quel meilleur gage de persévérance qu'une sainte première communion
couronnant une enfance pure et innocente?
Ici saint Gérard se
présente comme un modèle accompli. Dès l'âge le plus tendre, à trois ou quatre
ans, il ne se plaît qu'au pied du tabernacle. Sa grande joie est d'accompagner
sa mère à l'église, et, rentré à la maison, de reproduire les cérémonies
sacrées. A l'âge de six ans, il reçoit comme présent de l'Enfant Jésus un petit
pain blanc. Mais, bientôt, c'est du Pain céleste, de la sainte Eucharistie que
son âme éprouve une faim insatiable. Le prêtre ne se rend pas à ses ardents
désirs. Mais l'archange saint Michel lui apporte la sainte communion, et ce
touchant miracle se renouvelle plusieurs fois d'une autre manière. Un jour,
entre autres, un prêtre voyant le petit Gérard près de l'autel lui demande ce
qu'il fait là. « Un enfant, répond Gérard, est sorti du tabernacle et m'a donné
la communion. D Cet enfant, n'était-il pas celui qui, dans la rustique chapelle
de Capotignano, avait joué avec Gérard? N'était-ce pas Jésus ?
Mais de telles faveurs,
au lieu d'apaiser le désir qu'avait Gérard de communier, ne firent que l'aviver
encore. Enfin, avec ses dix ans, vient le jour où l'enfant est admis à la
sainte Table. A force de supplications, il obtient bientôt de communier
plusieurs fois la semaine. Et ce n'est pas encore assez pour son amour ! Ses
actions de grâces se prolongent au point de lui faire oublier ses repas. Plus
il avance en âge, plus le tabernacle devient le centre de sa vie. Il s'enferme,
même la nuit, avec Jésus. Plus tard, devenu religieux, son amour pour le divin
Sacrement devient extatique; pour s'arracher à l'étreinte de Jésus, il se voit
obligé de recourir à des supplications, afin d'aller aux occupations que
l'obéissance lui a confiées.
Les désirs embrasés de la
sainte communion ne sont le partage que des coeurs purs. Quand Gérard eut reçu
le don de pénétration des consciences, avec quel zèle n'écarta-t-il pas de la
Table sainte les malheureux qui se disposaient à faire descendre Jésus dans un
coeur souillé par le péché! Il voulait voir effacées des âmes même certaines
fautes involontairement oubliées : témoin le secrétaire de Mgr Nicolaï ; témoin
aussi une petite fille, très bonne et très candide, nommée Gertrude, que le
Saint renvoya aux pieds du confesseur accuser une faute qui avait échappé à son
examen et à son accusation. Lui-même s'efforçait de purifier tous les jours son
âme par l'absolution du prêtre.
Les communions bien faites
portent des fruits de vertu et de sanctification. Elles établissent la vie et
le règne de Jésus-Christ dans la volonté par l'obéissance, par
l'accomplissement de tous les préceptes de Dieu, par l'acceptation pleine et
entière de ses saintes dispositions; elles mettent dans le coeur la pureté,
l'humilité, la douceur du Cœur de Jésus ; elles transfigurent l'âme par l'amour
divin poussé jusqu'à l'union avec Dieu.
Voilà bien l'idéal
réalisé par notre Saint. Aussi, la sainte Eglise, dans l'oraison qu'elle lui a
consacrée, s'écrie : « O Dieu, vous avez voulu attirer à vous, dès ses jeunes
années, le Bienheureux Gérard, et le rendre une vivante image de votre Fils ! »
Puisque saint Gérard se
présente comme un modèle si achevé des communiants, Mgr l'archevêque de Conza
et d'autres évêques l'ont choisi officiellement pour patron des enfants qui se
préparent à la première communion. — Souhaitons que ce mouvement s'étende et se
généralise.
3° Saint Gérard, modèle
des jeunes gens appelés à la vie religieuse. — Même dans certains milieux
chrétiens, on est loin d'apprécier à sa valeur la grande grâce de la vocation
religieuse. Volontiers on met en avant qu'on peut aussi se sauver dans le
monde. Or, saint Gérard et d'autres saints morts très jeunes, tels que saint Louis
de Gonzague et saint Stanislas Kostka, après avoir marché dans le monde vers
les sommets de la perfection, aspirèrent à une sainteté éminente. Cette
sainteté, Dieu la leur montra, non dans le monde, non pas même dans le
sacerdoce, mais dans la vie religieuse. Et ils obéirent à l'appel du Seigneur,
saint Louis de Gonzague, en bravant le courroux de son père ; saint Stanislas,
en résistant héroïquement aux séductions de son frère aîné, en lui échappant
ensuite par une fuite courageuse. Quant à saint Gérard, il ne se laissa pas
attendrir par les supplications de sa mère, ni rebuter par les refus des
missionnaires qu'il conjurait de l'admettre dans leur Congrégation. « Je pars
pour me faire saint », écrivait-il sur un billet en guise d'adieu; et il devint
le saint de l'obéissance, le saint tout dévoué à la volonté de Dieu.
La vie religieuse,
acceptée dans toute sa sainte rigueur, constitue vraiment une immolation
quotidienne à la volonté et à la gloire de Dieu. Mais qui mesurera les grâces
et les mérites dont elle est la source? Dieu nous en donne une idée par ce fait
que, sur cent causes de béatification et de canonisation, quatre-vingt-dix au
moins sont des causes de religieux ou de religieuses.
Mais les couvents ne sont
pas seulement ce jardin fermé où s'épanouissent les fruits de sanctification
personnelle; ils produisent aussi ceux d'un apostolat sans limites de temps ni
d'espace. Un des grands enseignements de la vie de saint Gérard, c'est qu'on
peut être apôtre sans être prêtre. Car un apôtre c'est un envoyé du divin
Rédempteur pour rappeler aux hommes la vérité et le devoir, pour les convertir,
pour les amener à Dieu ici-bas et dans l'éternité. Or, ce n'est pas
exclusivement par la prédication qu'on sauve les âmes. Notre-Seigneur lui-même
a fait précéder ses trois années de vie publique de trente années de vie
cachée, tout entière vouée à la prière, au travail le plus humble, à
l'obéissance, au sacrifice de lui-même pour la gloire de son Père. Il a changé
la face du monde par les prédications des apôtres et des hommes apostoliques de
tous les siècles; mais la conversion des nations fut aussi le fruit du sang des
martyrs, des pénitences des solitaires, de la pureté des vierges, de la vie
d'abnégation, d'humilité, de prière et de sacrifices embrassée par des légions
d'âmes consacrées à Dieu, même dans les rangs les plus humbles. Car dans la vie
religieuse tout est grand, et tout est sanctifiant pour le monde.
Aussi, du haut du ciel,
l'humble religieux de Caposèle, puis, à sa suite, la sainte carmélite de Lisieux
et tant d'autres âmes cachées ici-bas mais grandes auprès de Dieu, répandent
sur la terre une pluie de roses, et ne se reposeront que lorsque le nombre des
élus sera complet.
N. B. — Conformément aux
décrets d'Urbain VIII, l'auteur déclare qu'il a l'intention de ne donner qu'une
autorité purement humaine aux titres attribués au Saint, ou aux miracles
rapportés dans cette Vie, qui n'auraient pas encore été approuvés par le S.
Siège.
NIHIL OBSTAT Die 14
augusti 1926. E. NICOLAS, sup. prov. C. SS. R.
IMPRIMATUR Die 16
octobris 1926. Max. HUARD, vic, gen.
SOURCE : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/magella/index.htm
Also
known as
Geraldo Magela
Gerardo Maiella
Profile
Son of a tailor who died when
the boy was
12, leaving the family in poverty.
Gerard tried to join the Capuchins,
but his health prevented
it He was accepted as a Redemptorist lay
brother serving his congregation as sacristan, gardener, porter, infirmarian,
and tailor. Miracle worker.
When falsely accused by
a pregnant woman of
being the father of
her child,
he retreated to silence; she later recanted and cleared him, and thus began his
association as patron of
all aspects of pregnancy.
Reputed to bilocate and
read consciences. His last will consisted of the following small note on the
door of his cell: “Here
the will of God is done, as God wills, and as long as God wills.”
Born
16 October 1755 at Caposele,
Provincia di Avellino, Campania, Italy of tuberculosis
interred in
the Basilica di
San Gerardo Maiella in Materdomini Caposele, Provincia di Avellino, Campania, Italy
29 January 1893 by Pope Leo XIII
11 December 1904 by Pope Saint Pius
X
—
in Brazil
in Italy
Additional
Information
Book
of Saints, by the Monks of
Ramsgate
Catholic
Encyclopedia, by J Magnier
History
of Gerard Majella, by the Redemptorists
Novena
in Honour of Saint Gerard
Saints
of the Day, by Katherine Rabenstein
The
Mother’s Saint, by Father John
Hogan
The Life of Saint Gerard
Majella, by Father Oliver
Rodie Vassall-Philips
books
Our Sunday Visitor’s Encyclopedia of Saints
other
sites in english
1001 Patron Saints and Their Feast Days, Australian
Catholic Truth Society
Lives
of the Saints for Every Day
Redemptorists of Australia and New Zealand
images
audio
Life of Saint Gerard Majella, by Father O.
R. Vassall-Phillips (Librivox audio book)
video
sitios
en español
Martirologio Romano, 2001 edición
fonti
in italiano
Dicastero delle Cause dei Santi
Readings
The Most Blessed
Sacrament is Christ made visible. The poor sick person is Christ again made
visible. – Saint Gerard
Majella
I see in my neighbor the
Person of Jesus Christ. – Saint Gerard
Majella
Consider the shortness of
time, the length of eternity and reflect how everything here below comes to an
end and passes by. Of what use is it to lean upon that which cannot give
support? – Saint Gerard
Majella
Who except God can give
you peace? Has the world ever been able to satisfy the heart? – Saint Gerard
Majella
MLA
Citation
“Saint Gerard
Majella“. CatholicSaints.Info. 14 June 2023. Web. 17 October 2023.
<https://catholicsaints.info/saint-gerard-majella/>
SOURCE : https://catholicsaints.info/saint-gerard-majella/
St. Gerard Majella
Born in Muro, about
fifty miles south of Naples,
in April, 1726; died 16 October, 1755; beatified by Leo
XIII, 29 January, 1893, and canonized by Pius
X, 11 December, 1904. His only ambition was
to be like Jesus
Christ in his sufferings and humiliations. His father, Dominic
Majella, died while Gerard was a child. His pious mother,
owing to poverty, was obliged to
apprentice him to a tailor. His master loved him,
but the foreman treated him cruelly. His reverence for the priesthood and
his love of
suffering led him to take service in the house of a prelate,
who was very hard to please. On the latter's death Gerard returned to his
trade, working first as a journeyman and then on his own account. His earnings
he divided between his mother and the poor,
and in offerings for the souls in purgatory.
After futile attempts first to become a Franciscan and
then a hermit,
he entered the Congregation
of the Most Holy Redeemer in 1749. Two years later he made his
profession, and to the usual vows he
added one by which he bound himself to do always that which seemed to him
more perfect. St.
Alphonsus considered him a miracle of obedience.
He not only obeyed the orders of superiors when present,
but also when absent knew andobeyed their
desires. Although weak in body, he did the work of three, and his
great charity earned for him the title of Father of the Poor. He
was a model of every virtue, and so drawn to Our
Lord in the tabernacle that he had to do violence to
himself to keep away. An angel in
purity, he was accused of a shameful crime; but he bore the calumny with
such patience that St. Alphonsus said: "Brother Gerard is
a saint". He was favoured with infused knowledge of
the highest order, ecstatsies, prophecy, discernment
of spirits, and penetration of hearts,bilocation,
and with what seemed an unlimited power over nature, sickness, and
the devils.
When he accompanied the Fathers on missions, or was sent out on
business, he converted more souls than
manymissionaries. He predicted the day and hour of his death.
A wonderworker during his life, he has continued to be the same since
his death.
Magnier,
John. "St. Gerard Majella." The Catholic Encyclopedia. Vol.
6. New York: Robert Appleton Company, 1909. 16 Oct.
2016 <http://www.newadvent.org/cathen/06467c.htm>.
Transcription. This
article was transcribed for New Advent by Gerard Loiselle.
Ecclesiastical
approbation. Nihil Obstat. September 1, 1909. Remy Lafort,
Censor. Imprimatur. +John M. Farley, Archbishop of New York.
Copyright © 2021 by Kevin Knight.
Dedicated to the Immaculate Heart of Mary.SOURCE : http://www.newadvent.org/cathen/06467c.htm
Gerard Majella, C.SS.R.
(RM)
Born at Muro Lucano,
Italy, 1726; died at Caposele, 1755; canonized 1904. Born the son of a tailor,
he was a tailor's apprentice at the death of his father. Gerard was turned down
by the local Capuchins when he tried to join (because of his youth), and became
a servant in the household of the bishop of Lacedonia, a cantankerous master
who treated him badly.
On the death of the
bishop in 1745, he returned home and opened a tailor shop. He joined the
Redemptorists as a lay-brother in 1748 and was professed by its founder, Saint
Alphonsus Ligori in 1752.
He served as tailor and
infirmarian and became known for his extraordinary supernatural
gifts--bilocation, prophecy, ecstasies, visions, and infused knowledge. Though
not a priest, his spiritual direction and advise were sought by clergy and
communities of nuns, to which he gave conferences. He was most successful in
converting sinners, and was widely known for his holiness and charity.
When, in 1754, he was
accused of lechery by one Neria Caggiano--a charge she later admitted was a
lie--he did not deny her charges, and his puzzled superiors put him under surveillance
and excluded him from communion for months, until the girl admitted that she
had lied. When asked by Saint Alphonsus why he had kept silence in such
circumstances, Gerard replied that he thought that was what was required in the
face of unjust accusations.
He was sent to Naples
soon after but when the house there was inundated by visitors wanting to see
him, he was sent to Caposele a few months later, served as the porter there,
and ministered to the poor of the town.
He spent the last few
months of his life raising funds for new buildings at Caposele, where he died
of consumption on October 15 at age 29. He was canonized in 1904 and is the
patron of childbirth (Attwater, Carr, Delaney, Encyclopedia).
SOURCE : http://www.saintpatrickdc.org/ss/1016.shtml
MAJELLA, GERARD, ST.
Redemptorist lay brother
and mystic; b. Muro Lucano (Potenza), Italy, April 6, 1726; d. Caposele
(Avellino), Oct. 16, 1755. Left fatherless at an early age, he was apprenticed
to a tailor, Martin Pannuto, and endured the persecution of a journeyman who
did not understand his gifts of grace and ascetical practices. Later as a
servant of the irascible bishop of Lacedonga, he bore with patience three years
of misery. After he was refused admission to the Capuchins because of his
youth, he lived for a while as a hermit, and then applied for entrance into the
Redemptorists. Paul Cafaro rejected him at first because of his frail health
but gave way to his persistence, sending him to the novitiate at Deliceto in
1749 with the written message, "I send you a useless laybrother." At
Deliceto as porter, sacristan, and tailor, he startled all with his zeal and ability.
After his profession (July 16, 1752), the phenomena of his mystical life
commenced. He had powers of bilocation, could discern spirits, and control the
forces of nature. His many miracles and conversions earned him the title of
wonder-worker. At one time he was accused of immorality by a young woman, Neria
Caggiano, and his forbearance and trust until his innocence was established
further tested his sanctity. He died of consumption when he was 29, at the day
and hour he had foretold. He was beatified by leo xiii, Jan. 29, 1893, and
canonized by St. pius x, Dec. 11, 1904.
Feast: Oct. 16.
Bibliography: A. M. Tannoja, The Lives of the Companions of St. Alphonsus Liguori, tr.
London Oratory (London 1849) 241–453. J. Carr, To Heaven through a Window,
St. Gerald Majella (New
York 1949). N. Ferrante, Storia meravigliosa di San Gerardo
Majella (Rome 1955). J. H. M. Evers, Historisch repertorium met
betrekking tot Wittem als bedevaartsoord (Heerlen 1986). San Gerardo
tra spiritualità e storia, ed. G. de Rosa (Materdomini, Italy 1993). A. Butler, The Lives of the Saints, rev. ed. H. Thurston and D. Attwater, 4 v. (New
York 1956) 4:131–134. D. de Felipe, San Gerardo Mayela (Madrid
1954).
[M. J. Curley]
New Catholic Encyclopedia
SOURCE : https://www.encyclopedia.com/religion/encyclopedias-almanacs-transcripts-and-maps/majella-gerard-st
St. Gerard Majella
Feastday: October 16
Patron: of expectant mothers
Death: 1755
Beatified: January 29, 1893, by Pope Leo XIII
Canonized: December 11, 1904, by Pope Saint Pius XSt. Gerard Majella is the
patron of expectant mothers. He was born in 1726 in Muro, Italy to a family of
seven. Majella grew up in a poverty with a great respect for the poor. As he
was just 12 when his father passed away, he was forced to grow up fast. Shortly
after his father's death, his mother sent him away to live with his uncle and
learn to become a tailor, like his father. After a few years of working as a
sewing apprentice, Majella took on a job with the local Bishop of Lacedonia as
a servant.
Once Majella began
earning money as a journeyman at the age of 21, he split his earnings with his
mother, the poor of Muro and the rest in offerings for the poor souls. As the
days passed, Majella began to grow pale and thin, often fasting and in prayer
at a nearby Cathedral.
He applied to the
Capuchin monastery at Muro twice, but was turned down both times. Majella was
told his health was not well enough for such a strenuous life. However, Majella
did not give up. In 1749, at the age of 23, he joined the Congregation of the
Most Holy Redeemer and just three years later became a professed lay brother.
Majella lived with the
three vows of Poverty, Chasity and Obedience. He stayed close with the poor and
worked very many different jobs. He served as sacristan, gardener, porter,
infirmarian, and tailor. However, because of his great piety, extraordinary wisdom,
and his gift of reading consciences, he was permitted to counsel communities of
religious women. Majella was often called on by the poor and the sick. Wherever
his presence was demanded he graciously presented himself. He was there to
"do the Will of God."
This humble servant of
God also had faculties associated with certain mystics including, levitation,
bi-location and the ability to read souls. His charity, obedience, and selfless
service as well as his ceaseless mortificationfor Christ, made him the perfect
model of lay brothers.
Throughout his years of
life, several reported miracles are tied to Majella including, restoring a
boy's life after he fell from a high cliff; blessing a poor farmer's crops,
ridding it of mice; blessing a poor family's supply of wheat, causing it to
last until the next harvest; and he multiplied bread for the poor on several
occasions.
Along with his miracles
effected through prayers for woman in labor, Majella's last recorded miracle is
one that many credit toward his becoming the patron of expectant mothers.
Shortly before his death, Majella encountered a young girl. He had dropped his
handkerchief and she set out to return it, only to be told to keep it. Majella
told her she "may need it someday." Years after Majella's passing,
the young girl became married and with child. She unexpectedly went into labor
and was on the verge of losing her baby. She called for Majella's handkerchief
to be applied to her. Almost immediately, her pain abated and she proceeded to
give birth to a healthy child, something very rare during that time.
His prayers are sought
for the children, unborn children, women in childbirth, mothers, expectant
mothers, motherhood, falsely accused people, good confessions, lay brothers and
Muro Lucano, Italy.
Even as Majella became
ill with tuberculosis, he only desired to live in God's will. His one last
request was that a small placard be placed on his door stating, "Here the
will of God is done, as God wills, and as long as God wills." Majella was
told the Will of God wanted him to get better, and almost at once he became
well. However, this only lasted for a month and quickly he became very ill once
again. St. Gerard Majella died of disease on October 16, 1755 at the age of 29,
living in the religious life for six years.
Due to the numerous
miracles performed through Majella's prayers, proceedings for his canonization
began shortly after his death. In 1893, Majella was beatified by Pope Leo XIII
and on December 11, 1904, Pope Pius X canonized the man of God.
Prayer: O Great Saint
Gerard, beloved servant of Jesus Christ, perfect imitator of your meek and
humble Savior, and devoted Child of the Mother of God: enkindle within my heart
one spark of that heavenly fire of charity which glowed in your heart and made
you an angel of love. O glorious Saint Gerard, because when falsely accused of
crime, you did bear, like your Divine master, without murmur or complaint, the
calumnies of wicked men, you have been raised up by God as the Patron and
Protector of expectant mothers. Preserve me from danger and from the excessive
pains accompanying childbirth, and shield the child which I now carry, that it
may see the light of day and receive the lustral waters of baptism through
Jesus Christ our Lord. Amen.
SOURCE : https://www.catholic.org/saints/saint.php?saint_id=150
Gerard Majella was born
at Muro, in Southern Italy, 6 April 1726. His parents were an ordinary,
hard-working couple, rich only in their faith. So delicate was the new-comer at
his birth that he had to be baptized immediately.
Divine favours were
lavished on Gerard even during childhood. For instance, the Infant Jesus often
came to play with him; and it was the great archangel Saint Michael, who
miraculously gave him his first Holy Communion.
At the age of twelve,
owing to the death of his father, Gerard had to become the bread-winner for his
mother and three sisters. He followed his father’s trade – tailoring.
Eventually, he opened a tailoring business of his own, but he was not meant for
the business of this world. God was calling him. Twice he applied to become a
Capuchin monk. Each time he was rejected because of his frail health. Then the
Redemptorist Fathers came to preach a mission at Muro. He stormed them with his
entreaties and finally became a Redemptorist Brother.
He spent only six years
in religion, but how glorious they were. By his penances, his humility, his
obedience, he showed himself a true disciple of his crucified Master. When
accompanying the Fathers on missions he outstripped them all in his zeal for
souls. His life was one big prayer, one long act of ardent love for Jesus and
Mary.
Little wonder, then, that
it received the divine stamp of miracles. So numerous and outstanding were the
prodigies performed by Gerard that people called him the “wonder-worker”.
Gerard died at midnight,
15 October 1755, aged twenty-nine and a half years. He was canonized by Pope
Pius X, 11 December 1904, and October 16th was fixed as his feast.
From his place in heaven
our saint is still a wonder-worker; more so than ever, for he now has the whole
world as the theatre of his operations. His faithful clients everywhere cannot
find words to express their gratitude to their heavenly intercessor and patron.
Because of the
difficulties he experienced in following his own vocation, he is invoked as the
patron of vocations. Because of his gift of reading the consciences of others
he is hailed as the patron of a good confession. And because of the special
protection he gives to expectant mothers and to sick children he is acclaimed
throughout the world as tbe patron of mothers – the Mothers’ Saint.
– text from the
booklet Alone with God by the
Redemptorist Fathers, Brooklyn, New York; it has the Imprimatur of Bishop
Francis J Mugavero, Diocese of Brooklyn, New York
SOURCE : https://catholicsaints.info/history-of-gerard-majella/
The
Mothers’ Saint: Gerard Majella, by Father John Hogan, C.SS.R.
Letters arrive daily at
our monasteries in Australia, and overseas with these requests: a medal of
Saint Gerard Majella; the loan of his relic; prayers for a sick child or an
expectant mother; to be enrolled in the League of Saint Gerard. They come from
mothers and sometimes husbands. Mothers write for their married daughters.
Friends write on behalf of friends.
There are letters of
thanks, too. Plenty of them. Thanks to Saint Gerard for a successful
confinement; thanks for the recovery of a sick child; thanks from a childless
couple that their prayers have been heard.
Why this worldwide chorus
of prayer and thanks to Saint Gerard Majella? Why so many children with the
names Gerard and Majella?
Because Saint Gerard
Majella, a Redemptorist Brother, is universally acclaimed as the Patron of
Mothers, the Mothers’ Saint: a title to which he has proved his right thousands
of times over.
How did this devotion originate?
How is it that one who is a man and a religious should be the Patron of
Mothers? How explain that so many of the favours granted are truly miraculous?
The answers to these
questions are to be found in the interesting and extraordinary life of the
saint.
GERARD MAJELLA
Domenico Majella and his
wife, Benedetta, lived in the small town of Muro in Southern Italy. Their first
child, Gerard, died when only ten days old. Then they were blessed with three
girls. The devout couple must have prayed for a son to take the place of their
first-born; for, when he arrived on April 6, 1726, they gave him the same name,
Gerard.
It looked as though he
would share the same fate, too, because he was so delicate that he had to be
baptised straight after birth. Somehow, he managed to survive; but remained
sickly for the rest of his days.
Childhood
Little is recorded of him
until the age of six. Then it was brought home to the family that Gerard was a
child specially favoured by God.
It happened this way. Two
miles outside Muro, stood an old church in which was a statue of Our Lady
nursing the Divine Infant. People often went out there to pray. Gerard got into
the way of going by himself. On his return, he used to hand his mother a small
loaf of bread. It was such good bread and so white that Benedetta was
intrigued.
‘Who gives it to you?’
she asked.
‘A beautiful boy,’ was
the reply.
One day his sister Anna,
unable to restrain her curiosity any longer, followed him. The extraordinary
story she told her mother induced Benedetta to go and see for herself. So she
hid in the church before Gerard was due to arrive on his usual visit. Imagine
the mother’s surprise when she saw the Divine Infant come to life in His
Mother’s arms, climb down on the floor and play with the little boy. Before
Gerard left, his Playmate handed him a small loaf. Now she knew where the bread
was coming from and who the beautiful boy was.
Similar incidents were
witnessed by quite a few people, including a priest.
But Gerard hungered for a
better bread. He was refused it because at that time children had to be ten
years old before making their First Communion.
The boy was only eight.
However, such was his longing to receive God into his heart that one Sunday he
went up to the altar rails with the people. The priest, recognising him, passed
him by. Bitter were the tears he shed. He was still crying that night as he
dropped off to sleep. Suddenly he was awakened by a light in the room: not the
risen sun, as he thought, but the brightness of an angel. The Archangel Michael
had come to give the boy his First Communion.
That this was no child’s
dream is evident from other incidents, all fitting into the same pattern.
Gerard had now begun
school. He was a general favourite, we are told, with both teachers and class-mates.
Games do not seem to have appealed to him. His whole interest was in the
church, in saying his prayers and in playing at priests. Such piety might well
be put down to a child’s fancy caught up by the sound and the stir of the
sacred ritual.
Not so his innumerable
little sacrifices and acts of self-denial. Benedetta, fearing that he would
undermine his already frail constitution, had to insist that he eat his meals.
Yet, good mother that she was, she sensed his holiness.
As she said herself in
later years, ‘he was born for heaven.’ So, with many a heartfelt ‘bless you my
son’, she gladly cooperated with the Divine Artist in the moulding of a saint.
Wage-earner
God, Who had so far
lavished such favours on this child of grace, was now to give him a share of
the Cross. As gold is purified by fire, so Gerard’s true worth was to be put to
the test in the crucible of suffering.
Schooldays were brought
to an abrupt end by the death of his father – a shattering blow to the
Majella’s as to any other family. Although only twelve Gerard had now to make
his contribution to the upkeep of the home. So he followed his father’s trade,
becoming apprenticed to a tailor.
That was hard on a boy of
such tender years; and life was not as easy then as it is today. Hours, too,
were long and conditions bad.
To make matters worse the
foreman took a dislike to the youngster. So much piety irritated him. He
bullied and beat him unmercifully. During one of these thrashings, Gerard kept
smiling. Unable to take the smile off the boy’s face, the brutal man asked him
what he had to smile about. ‘I’m smiling,’ replied Gerard, ‘because in your
hand I see the hand of God striking me.’ Which, of course, only infuriated his
assailant the more.
This ill-treatment went
on for a long time without the employer being aware of it. Chancing one day to
come on such a scene he woke up to the situation and instantly dismissed the
foreman.
Before he finished
serving his time Gerard volunteered to become valet to a bishop. His Lordship
had servant trouble. No wonder. He was so exacting and so hard to please that
no one stayed in his employ more than a few weeks. – One would need the
patience of a saint. Gerard showed he had that by sticking to the job for three
years. He left only when released by the bishop’s death.
During this time, a
charming incident occurred which shows on what familiar terms Gerard stood with
God. His Lordship was out, so the valet decided to go to the public well to
draw water. He locked the door and put the key in his pocket. By some
mischance, it fell into the well.
‘What a storm there’ll be
this time,’ he thought. Without further ado, he rushed over to the cathedral,
took a statue of the Divine Infant from one of the cupboards in the sacristy,
tied a rope around it and lowered it into the well. When the statue was hauled
up, to the amazement of the curious bystanders it had the dripping key in its
hand. The well is still called ‘Gerard’s Well’.
G. Majella – Tailor
On the death of the
bishop, Gerard went back to tailoring. He started a business of his own. The
name ‘G. Majella’ over the door must have attracted many of his father’s former
clients because orders came rolling in. Never was a business run on more
un-businesslike lines. Money seems to have been his last concern. He never
charged the poor and allowed himself the barest margin of profit. This he
divided into three parts: one-third he gave to his mother for household expenses;
one-third was given to the poor; and with the rest, he had Masses said for the
souls in purgatory.
Tailoring, however, was
only a side-line. The affairs of his soul were his main preoccupation. Every
morning he heard or served several Masses in the cathedral. After work he was
back there again kneeling for hours before the tabernacle. Often he spent the
whole night in adoration. He was able to do this because the sacristan was a
relative and gave him the keys. Sometimes he refused to hand them over out of
concern for the youth’s health. Not to be denied, Gerard would then climb in
through a window.
Divine Call
A question that now
arises is: if this saintly young man was more interested in the affairs of his
soul than in the things of the world, why did he not think of leaving it?
He did, many times. The
priesthood was out of the question. For one thing, he was not equal to the
studies since he had had to leave school at the age of twelve. Besides, where
was he to find the money to see him through the long seminary course? What he
wanted to be was a Coadjutor Brother, a religious who looks after the temporal
needs of the monastery.
When he was sixteen, and
again at eighteen, he applied to the Capuchins. Despite the fact that he had an
uncle in the Order able to put in a good word for him, he was turned down each
time for the good reason that his health would never stand the rigours of
Religious Life.
He even tried becoming a
hermit. When his companion in the adventure deserted after a few days of
starvation in the forest, Gerard also had to give up the idea.
Yet, behind these
set-backs, the designs of God were slowly working out.
The would-be hermit was
twenty-three when the Redemptorists arrived in Muro to give a mission. They
belonged to an Order recently founded by Saint Alphonsus Liguori. With them was
a Brother or two. Here was Gerard’s chance. He asked to join the Brothers. Like
the Capuchins before him, the superior of the mission, Father Cafaro, needed
only one glance at the pale, gaunt figure to reach a decision.
His answer was:
‘Definitely no! You are not strong enough for our kind of life.’ This time
Gerard was not going to take ‘no’ for an answer. . . . He kept up his pleas all
through the mission.
Strange that God should
obviously be calling him into Religion, and yet place such obstacles in his
way! A soul of weaker calibre would soon have given up the struggle. Not so
Gerard.
‘If you won’t accept me,’
he said to Father Cafaro, ‘then I’ll follow you. I’ll live on your doorstep and
you’ll have to take me in.’
The priest took the hint.
He told Benedetta what time the missioners would be leaving the town. ‘Before
then,’ said he, ‘lock him in his room.’
The anxious mother did
not need to be told twice. Gerard foiled the ruse by making a rope out of the
bedclothes and lowering himself from the upper-storey window. The brief note of
farewell that he left on the table was prophetic. It read: ‘I have gone to
become a saint.’
A Useless Brother
The missioners, who were
proceeding on foot to the next town, had not gone far along the road when they
heard someone running behind them. To their dismay, it was the ‘ghost of Muro’
– the nickname they had given Gerard.
The argument started all
over again. Then Father Cafaro had a brain-wave. The best way to get rid of this
importunate young man was to give him what he asked. And all he asked for was a
try-out. So he was handed a note and told to deliver it to the superior of the
nearby monastery of Iliceto. ‘I am sending you a useless Brother,’ Father
Cafaro had written.
Unflattering credentials!
But they gained him admission. And now that he was inside God’s House, he meant
to stay. When the door closed behind him, it was farewell to the world forever.
His first act was to throw himself on his knees before a statue of Our Lady to
thank her for this triumphant answer to his prayers.
The community looked
askance at the new recruit. With many wise nods to one another, they predicted
he would have to give up in a week or two. And such enthusiasm! That couldn’t
possibly last.
How wrong they were!
Father Cafaro was the first to admit it. And Redemptorists had admitted it ever
since. The ‘useless Brother’ whom they tried to bar from the Order became one
of its greatest glories.
REDEMPTORIST BROTHER
Gerard spent only
six-and-a-half years in Religion. What the Church says of such youthful saints
as an Aloysius, a Stanislaus Kostka and a John Berchmanns – ‘in a short time he
fulfilled a long time’ – was true also of Gerard Majella. His few years as a Redemptorist
were crammed full of holiness and crowned by countless miracles.
However, it was not
ecstasies and prophecies that made him a saint. It was the unremitting
performance of his duties as a Brother, accompanied by the assiduous practice
of the Christian virtues, that led him to the goal of sanctity.
Model Workman
The vocation of
Redemptorist Brothers is a lowly but sublime one. They perform the household
tasks of the monastery – such as cooking, cleaning and sewing – thus leaving
the priests free for the work of the ministry. Theirs is a vital contribution
to the missions. By combining the labours of Martha with the prayers of Mary,
they not only sanctify themselves but bring down countless graces on the souls
of others.
On being admitted to the
monastery at Iliceto, the obvious way for Gerard to prove his usefulness to the
community was by tailoring, at which he was expert. Instead, he was assigned to
the garden. The spade and the hoe were a far cry from the needle and the
scissors. Nevertheless, he tackled the backbreaking job with superhuman energy.
The same earnestness and thoroughness he displayed in all his occupations. For
he knew that God is not so much interested in what we do, but in why we do it
and how we do it. And Gerard certainly performed all his humdrum duties for the
love and glory of His Divine Master.
He was in turn gardener,
sacristan, cook, tailor, doorkeeper, and at one stage clerk-of-works when a new
building was being put up.
Saintly Religious
The Religious Life gave
full scope to his soul’s yearnings for high sanctity. He practised the ordinary
Catholic devotions and the ordinary virtues, but with this difference – he
excelled in them. The Will of God was the object of his special homage. ‘O Will
of God, O Will of God,’ he wrote, ‘You and I have become one and the same
thing.’ Later, when dying, he had this notice tacked to his door: ‘The Will of
God is done here, as God wills it and as long as He wills it.’
Like all the saints, his
heart was aflame with love for Jesus and Mary. His prayers before the
tabernacle he often prolonged far into the night. The Sacred Passion was the
favourite subject of his meditations. He thirsted to become like his Crucified
Lord. Those who lived with him relate that during Passiontide and especially on
Good Friday, he seemed to suffer in his soul the agonies of the Crucifixion.
Even before he entered
Religion, he had lost his heart to the Blessed Virgin. Once during a novena in
honour of her Immaculate Conception, he was seen to rise from his seat in the
cathedral of Muro and place a ring on the finger of Our Lady’s statue. To those
nearby he said: ‘The Madonna has stolen my heart. See, I am now betrothed to
her.’ As a religious, he tried to instil in the hearts of others his own love
for Mary. The mere sight of her picture was enough to throw him into ecstasy.
That happened on one occasion in the home of the Scoppa family at Melfi. The
lady of the house showed him a painting of the Madonna she had hanging on the
wall. Brother Gerard rose in the air to the height of the picture and seized it
rapturously in both hands. The good woman, who had never before seen anyone in
ecstasy, fainted. Few of the saints surpassed him in his love for Mary. His
reward was to be a vision of her standing by his deathbed.
Virtuous Life
Obedience, humility,
poverty, fraternal charity – all the virtues shone in his life. Purity he
cherished above them all. From childhood, he kept his body and soul unsullied.
By the vow of chastity, he consecrated this innocence to God. How painful,
then, it must have been to be reported to Saint Alphonsus for a grave fault
against this vow! When charged he remained silent. This seemed like an
admission of guilt. The penalty was equally painful. He was forbidden to
receive Holy Communion. Later his accuser fell ill and retracted the lie. Asked
by Saint Alphonsus why he had not spoken up in his own defence, he replied:
‘How could I, Father? Does not the Rule forbid us to excuse ourselves?’ It was
like an echo from the trial of Christ Himself.
After the example of the
saints, Gerard was ruthless in chastising his own body. In some pictures of
him, a bunch of chords is seen hanging over the end of a table. With those, he
scourged himself every day, frequently to blood. Around his arms and legs, he wore
chains bristling with sharp points. He fasted on bread and water several days a
week, and always on Saturday in honour of the Blessed Virgin.
Yet, for all his
austerities, Gerard was far from being a sour-faced ascetic. Full of good
humour, he radiated cheerfulness wherever he went. Truly, a joyous and lovable
saint, whom the Catholic world has taken to its heart.
Wide Apostolate
God raised up Gerard
Majella, called him into the cloister and made him a saint, not for his own
sake only, but also for the benefit of others. As a Redemptorist, he was
pledged to work for the salvation of souls. However, it was not merely as an
instrument of conversion and salvation that God used him. He sent him forth
among the people, like the Redeemer Himself, performing the spiritual and
corporal works of mercy. For this end, He opened up to the saintly Brother a
wide apostolate that had a tremendous impact because of all the striking
miracles which accompanied it.
Porter
We might say that his
apostolate began at the monastery door because when answering the bell he came
in contact with people of all kinds, especially the poor. The beggars that
besieged the monastery were legion. There were the blind and the lame, the aged
and infirm, the ragamuffin and ne’er-do-well. The Brother loved them all, even
the imposters. In a bad season, as many as two hundred would come daily begging
for bread. He managed to feed them all though it often meant multiplying his
meagre supplies, as Christ multiplied the loaves and fishes.
However, it was in the
world far beyond the monastery door that he carried on his real apostolate.
Gerard often accompanied the priests on missions, as was the custom for
Brothers in those days. Besides, he was also sent on collecting tours because
the Order was practically destitute. In these ways, he met vast numbers of
people, amongst whom he went about doing good.
On missions, hardened
sinners were his principal target. Good Shepherd that he was he went in search
of these stray sheep. By his persuasiveness, he usually succeeded in leading
them back to the fold. One case was of a man who had led a notoriously bad
life, and although he was dying obstinately refused to have the priest. On
entering the room, Gerard simply knelt down and recited the ‘Hail Mary’ aloud.
Before he finished the man was pleading to go to confession. The prayer of the
saint won for him the grace of a happy death.
Apostle of the Careless
To one class of sinners
he was particularly drawn: those who were in the habit of making bad
confessions. Theirs is perhaps the saddest plight of all, because they turn
what is meant to be a remedy for the soul into a deadly poison. Of a sacrament,
they make a sacrilege. Gerard had the gift of being able to read a person’s
conscience. Thus, he could mention to the guilty ones sins that they had been
concealing in confession for years: sins that were known only to themselves and
Almighty God. Such a revelation of their innermost secrets usually had the
desired effect. Many such cases are related. One must suffice.
Gerard and a priest went
into a shop in Naples to buy some medals and rosary-beads. The shop-keeper,
anxious to push his wares, indulged in a lot of pious prattle. Gerard could see
behind the facade of hypocrisy. Calling the man aside, he confronted him with
the sacrilegious state of his soul, because of such-and-such a sin he had been
ashamed to tell. The poor fellow was so thunderstruck that when Gerard had
stalked out of the shop he blurted out the whole story to the priest, and, we
are told, lost no time in putting his conscience right.
The pious were also the
object of his zeal. Many priests and nuns consulted him on the affairs of their
soul. To all of them he proved an able spiritual director. Young people sought
his advice about their vocation. He dispelled their doubts and persuaded many
of them to consecrate their lives to God. In fact, he was like a recruiting
officer for the convents. He believed in keeping them well filled because
there, shielded from the temptations of the world, nuns could so easily become
holy. To one convent in Saragnano, he personally conducted seven postulants. To
another at Foggia he sent no fewer than fourteen.
Ministry of Healing
The ills of the body
struck a responsive chord in his heart, as they did in the heart of his Divine
Master. On behalf of the sick, he performed many of his most striking miracles.
For instance: a youth lay
dying in Iliceto from advanced tuberculosis. Gerard was asked to visit him. The
doctor happened to be there when he arrived. An argument ensued.
‘I tell you,’ declared
the doctor bluntly, “there is no hope for him unless he gets a new pair of
lungs.’
‘And can’t God give him
new ones?’ was the rejoinder.
Gerard took leave of the
boy saying, ‘I’ll pray for you.’
There and then, the
patient began to get better. The doctor was the first to admit that the boy’s
recovery was miraculous.
Like his Divine Master,
Gerard had a special affection for children. He could not bear to see them
suffering. His powers of healing were often employed to restore them to health.
Like the little girl in Auletta. She was a helpless cripple from birth.
On going to see her,
Gerard simply said: ‘Get out of bed and come here to me.’ The child obeyed and
the mother watched spell-bound as she took a few unsteady steps and then ran
over to the Brother.
Help to Mothers
Above all, he is justly
renowned for the help he gave to expectant mothers, especially those in danger.
At Senerchia, a mother was dying in childbirth. Gerard was asked to pray for
her. At once, the danger passed and she safely gave birth to her child. This
was evidently regarded by all as miraculous, because it figured in the cause of
his canonisation.
Once when leaving the
home of the Pirofalo family in Oliveto, a girl ran out with a handkerchief he
had dropped in the house. ‘Keep it,’ he said, ‘some day it may come in handy.’
Sure enough it did. She later married and was at death’s door in her first
confinement. Then, remembering the handkerchief that she had treasured, she
asked for it to be brought to her. No sooner had she clutched it than she was
safely delivered. All the mothers around the district insisted on getting a
shred of it as a relic.
From what has been said,
it can be seen that Gerard’s whole life was a chain of miracles. Besides those
already mentioned, he made prophecies, which came true; he was seen in several
places at the same time; he drove out devils from the possessed; he walked
across the waters of the Bay of Naples to rescue a fishing boat; and he did so
many other extraordinary things that he became known as ‘The Wonder-worker of
the Eighteenth Century’.
Death and Canonisation
His short but saintly
life came to an end in 1755. Consumption, a malady, which had been his constant
companion, at last gained the upper hand. Weakened by frequent haemorrhages and
wracked by fierce pain, he resigned himself to the Will of God.
‘I do not wish to live,
nor do I wish to die. I only wish what God wishes.’ The call came towards
midnight, October 15th. He yielded up his pure soul into the hands of Our Lady,
whom he saw at his bedside waiting to receive it.
The people’s esteem for
Gerard did not end when the slab was placed over his tomb. He lived on in their
hearts and memories. Great as had been his influence with God when he walked
among them, they knew it was far greater now that he was in heaven. So they
just kept on doing what they had done when he was alive. They brought to him
their worries and troubles, their ailments and their sorrows.
His life was spent in a
small district of Southern Italy. Once he was in heaven, all barriers of time
and place disappeared. As devotion to him spread from country to country, so
did his miracles increase.
At last, Rome, impressed
by the worldwide devotion to Brother Gerard and by the innumerable favours
granted by him, approved the introduction of his cause.
He was beatified, January
29th, 1893; and canonised by Saint Pius X, December 11, 1904. His Feast is
celebrated on October 16th.
PATRON OF MOTHERS
Saints are given to us by
God and the Church for our imitation and our intercession.
It might be thought that
because Gerard’s life was one long chain of miracles, he is beyond our
imitation. The miracles did not make him a saint. They were God’s seal of
approval on his sanctity. We can become saints like him without the miracles.
We may not be able to follow his way of life as a religious nor practise his
austerities; but we can imitate his virtues. These are what made him a saint
and will make saints of us.
Gerard did, although to
an heroic degree, what all of us are commanded to do: – he loved God with his
whole heart and with his whole soul and with his whole mind and with all his
strength. Look at his ardent love for Jesus in the Blessed Sacrament, his
tender compassion for the sufferings of Christ and his childlike love for Mary.
He had his trials – bitter ones they were, more so than ours. But he was never
cast down; he never lost heart. Always and everywhere, he had serene trust in
Divine Providence and abandoned himself entirely to God’s Will. We can all do
that. Yes, Gerard’s life preaches most eloquently to all of us – do as I have
done and you will become saints.
A Powerful Intercessor
As an intercessor in
heaven, Saint Gerard is all-powerful. We have seen how God favoured him even
from his tenderest years. Then, too, the number and extraordinary nature of the
miracles he worked, show what power he wielded over the heart of God. Now that
he is in heaven, he is still God’s favourite and his prayers for his clients
are even more efficacious. Proof of this is the countless letters of
thanksgiving that pour into our monasteries the world over. How often we meet
people who say to us with heartfelt gratitude: ‘Saint Gerard has been a good
friend to me!’ And knowing from experience what a powerful intercessor he is
they are fired with zeal to spread devotion to him amongst others.
While Saint Gerard is
only too ready to help everybody who prays to him and to grant every kind of
request, there are some more than others in whom he has a special interest. The
reason for this is to be found partly in his own life and partly in the
arrangements of Divine Providence, Which entrusts certain classes of people to
particular saints.
Because of the
difficulties he had in following his own vocation, he is specially helpful to
young people to know what theirs is and to follow it; hence, he is invoked as
Patron of Vocations. Because by his gift of reading consciences he was able to
induce many who had concealed sins to make a good confession, he is invoked as
Patron of a Good Confession. Because he was so devoted to manual labour, giving
the world an example of conscientious and painstaking toil, he has been hailed
as the Patron Saint of Workingmen. Above all, because of his special help to
mothers and their children, he has become widely known as the Patron Saint of
Mothers – the Mothers’ Saint.
The Mothers’ Saint
Who, we ask, have greater
need of a Patron than mothers? Theirs is a noble vocation because they
cooperate with God in giving existence to human beings, who are to live
forever. It is a responsible vocation for mothers have to train their children
to be good citizens in this world and future citizens of heaven. And it is a
difficult vocation because mothers have problems, disappointments and sorrows
unknown to most others.
For example, a mother
needs courage to go on having babies when she knows it might cost her even her
life; she needs someone to help her carry her cross when she finds that her
child is delicate or deformed; she needs someone to give her strength to nurse
a sick child back to health; and she needs someone to give her confidence in
bringing up a family today in the face of all the evil influences of a pagan
world.
Yes, mothers need that
someone – someone who is sympathetic, someone who is all-powerful with God.
Now, it is well known
that that someone, the friend of mothers, is Saint Gerard Majella. Although he
has not yet been officially declared by the Church to be the Patron of Mothers,
still he is universally invoked by them; and they know from experience that he
is indeed their heavenly friend and protector.
But why, it may be asked,
should Saint Gerard be singled out? After all, he was a man and a religious.
One way of answering the
question is simply to say that God has arranged it that way and seems to have
entrusted Saint Gerard with the care of mothers. However, if we examine the
matter more closely we see that there are other reasons.
When he learned in after
years of the sad fact of his little brother’s death and of the danger that he
himself was in, his heart must have ached for the anxiety and sorrow
experienced by his own mother. Perhaps that is why he is so compassionate
towards other children and other mothers in similar danger. During life, he
showed a particular affection for children, and that together with his own
childlike innocence makes him a fitting patron to watch over them. During life,
too, as we have recorded, he worked several miracles in favour of expectant
mothers who were in danger. Those miracles multiplied enormously after his
death, so that he became known in Italy as ‘The Saint of a Happy Delivery’.
In fact, as one of the
saint’s biographers wrote in 1804, there was not an expectant mother in Foggia
and the surrounding district who did not invoke Brother Gerard for a safe and
successful confinement. That he has lived up to his reputation is amply proven
by the extraordinary assistance he still renders such cases, some of which we
are about to relate. It will be noted, too, that as The Mothers’ Saint, his
intercession is also particularly efficacious for sick children and for those
whose marriage has not been blessed with a child.
Favours Granted
The following are a few
of the favours granted by The Mothers’ Saint.
The first three are
recorded in biographies of the Saint. They occurred overseas and evidently
before he was canonised.
The Bishop of Surinam, in
South America, tells of the wife of a local doctor who collapsed ten days after
the birth of her baby. Three of his colleagues were called in. They pronounced
the case hopeless. When the woman was already in her agony, a friend touched
her with a relic of Brother Gerard. At once, she opened her eyes and began to
feel better. The doctors who verified the cure were all non-Catholics, and all
agreed that it was beyond medical possibility.
In a village some miles
from Liege, Belgium, an infant died without baptism. The heart-broken mother
called on Brother Gerard, promising that if he restored her child to life she
would call it after him. To the amazement of the doctor, the baby began to
breathe. He was baptised and little Gerard lived to gladden his parents.
There was a doctor in
Luxembourg whose four-year-old son could neither walk nor talk. The father read
the life of Brother Gerard. Impressed by the wonderful cures related in the
book and at the same time saddened by the sight of the little cripple beside
him on the floor, he murmured a prayer: ‘Brother Gerard, show your power and
cure my son.’
Instantly the child
jumped and threw himself into his father’s arms exclaiming, ‘Papa, papa.’ From
that moment, he was as lively and as talkative as any other little boy of his
age.
The following are
extracts from letters received from people here in Australia. They are
reprinted from ‘The Majellan’.
Motherhood
Dear Rev. Father,
I’m sure your prayers to
Saint Gerard were answered. I am so proud to be able to tell you that I am the
mother of a little daughter after waiting fourteen years. The doctor expected
to operate, but all was over before he was ready to start. He was very
surprised.
Yours sincerely, W. J.
Dear Father,
We wish to thank Saint
Gerard for a great favour. For ten years, both my husband and myself prayed for
the blessing of a fruitful marriage and our prayers have now been heard.
All praise to our Saint.
Sincerely, C. G.
Safe Delivery.
Dear Editor,
I have great reason to
thank our Patron of Mothers, Saint Gerard. Some time after I married, an
eminent specialist told me that I would never safely deliver a child.
In my distress, I told a
Redemptorist Father, and he told me to pray to Saint Gerard. Well, after
thirty-six years of married life I’m proud to tell you that I had nine healthy
children and boast twelve lovely grandchildren.
My eldest son is named
Gerard, and one of my little grandchildren is named Josephine Majella.
Yours sincerely, H. E.
McD.
To The Majellan,
My sister was pregnant
and a non-Catholic doctor told her that she could not have a child, as her
health could not stand it. A well known Catholic doctor was called in, and
after many prayers and Masses, she had twins – a boy and a girl. – I forgot to
state that the non-Catholic doctor said that he would give myself $10,000 if
she had a child. He was so sure it was not possible.
The Catholic doctor said
she was every bit as bad as the first doctor said, but prayer could do it.
Thanks to God and Saint Gerard, it did.
Yours faithfully, J. M.
Children Cured.
Dear Father,
Many thanks for all your
assistance by Masses, prayers, relic, et cetera, in the fight to save our
little son’s life. I’m delighted to be able to tell you that, thanks to our
intercessor in heaven, our baby is progressing most satisfactorily. The doctors
and nurses here tell us that Michael Gerard is a lucky little man to be alive,
as this is the first person in Australia to recover from this operation (a
four-hour operation when he was one day old).
They are very thrilled
with their success but they don’t know the prayers that we have offered to
Saint Gerard for his help. The Mothers’ Saint has been a great consolation to
me in his month’s illness, as I never lost faith. I felt that Almighty God
would not refuse the pleading of Saint Gerard and our Holy Mother.
Yours sincerely, M. B.
Dear Father,
I would like you to know
how marvellous Saint Gerard has been to us. He has always helped us very much
and especially in May last year.
I had no idea of the
prayer for a sick child until, on 20th May, our little baby son contracted
Influenzal Meningitis. He was very precious to us as we had four little
daughters, and he was our baby boy. He was just 19 months.
A friend gave me a medal
and I joined the League. We started the prayer and in June, our baby returned
home completely cured. We still say the prayer every night for him.
Sincerely yours, T. H.
Dear Father,
My girl is aged eight.
She is strong and intelligent. But at the age of two years, she developed a
mysterious disease, which completely baffled the doctors. The child would
frequently fall into a state of coma, which would last for about two hours.
However, we had recourse to our heavenly patron and friend, Saint Gerard, and
made his novena. Gradually the mysterious illness disappeared and she became
quite healthy.
Yours sincerely, a Client
of Saint Gerard.
PRAYERS TO SAINT GERARD
For Motherhood
O good Saint Gerard,
powerful intercessor with God, and Wonder worker of our day, I call upon you
and seek your aid. You, who did always fulfil God’s designs, help me to do the
Holy Will of God. Beseech the Master of Life, from Whom all paternity proceeds,
to render me fruitful in offspring, that I may raise up children to God in this
life and heirs to the Kingdom of His glory in the world to come. Amen.
For an Expectant Mother
O Everlasting and
Almighty God, Who through the operation of the Holy Ghost did prepare the body
and soul of the glorious Virgin Mary to be the worthy dwelling of Your Son, and
through the same Holy Ghost did sanctify Saint John the Baptist before his
birth: listen to the prayer of your humble servant who implores You through the
merits and intercession of Saint Gerard Majella, to protect me (her) in the
dangers of motherhood and to safeguard against the evil spirit the child whom
You have vouchsafed to grant me (her), so that by Your saving hand it may
receive Holy Baptism. Grant, also, that after living as good Christians in Your
love and service here on earth, both mother and child may attain to everlasting
happiness in heaven. Amen.
For a Sick Child
Good Saint Gerard who,
like our Divine Saviour, did show children such loving tenderness and did
deliver so many from various diseases and even from death: graciously look down
upon distressed parents who implore you to restore their child’s health (if
such be the Will of God), promising to bring it up a good Christian and to
safeguard it by constant vigilance from the leprosy of sin. We implore this
favour, O compassionate Brother, through that early love with which Jesus and
Mary surrounded your childhood. Amen.
For Your Family
O glorious Saint Gerard,
entrusted by God with the special protection of mothers and their children, I
confidently invoke your powerful intercession for myself and my family:
strengthen us to carry our daily Cross, fly to our aid in every danger to soul and
body, gladden our home with the blessings of divine peace, and grant that by
the faithful practice of our Holy religion in this world, we may all merit to
be reunited around God’s throne in heaven for ever and ever. Amen.
For Mothers
O good and gracious Saint
Gerard, invoked throughout the world as the Mothers’ Saint, well do you know
the joys and sorrows, the fears and longings of a mother’s heart. Look down
with tenderness, we beseech you, upon all mothers. Wipe away their tears and
cheer them with radiant hope. Shield their virtue from the corrupt influence of
a pagan world. Keep them true to the example of Mary, the model of mothers.
Obtain for them the graces of their noble state in life, that by bringing up
their children in the fear and love of God they may deserve to have those same
children for their everlasting joy and crown. Amen.
In Time of Trial
O saintly Brother Gerard,
whose heart went out to the unfortunate; who relieved so many poor, healed so
many sick, comforted so many afflicted; behold me worried and troubled as I
kneel at your feet. In vain do I turn to men to seek consolation and help.
Therefore, do I have recourse to you, who are so powerful in heaven. Graciously
assist me, Saint Gerard, that being freed from this trial or strengthened to
bear it for the love of God, I may praise and thank God and serve Him with
greater love and fervour. Amen.
For Good Health
O God, Who did bestow on
Saint Gerard the power of healing all kinds of infirmities, deign to glorify
Your servant, who was so merciful to human misery, by delivering me from my
present sickness. Grant also that, being strengthened in body, I may take
greater care to avoid sin and overcome my evil passions, the spiritual diseases
that drag so many to everlasting death. Through Christ Our Lord. Amen.
– from the pamphet The Mothers’ Saint: Saint Gerard Majella, by
Father John Hogan, C.SS.R.. Australian Catholic Truth Society #1436, 1964
SOURCE : https://catholicsaints.info/the-mothers-saint-gerard-majella-by-father-john-hogan-c-ss-r/
San Gerardo Maiella Religioso
redentorista
Muro Lucano, Potenza,
1726 - Conv. di Materdomini presso Caposele, Avellino, 16 ottobre 1755
Nato presso Potenza nel
1726, morì nel 1755. Di famiglia povera, tentò invano di diventare Cappuccino,
come uno zio materno. Fece il noviziato nei Redentoristi sotto la guida di
Paolo Cafaro ed emise i voti come fratello coadiutore, svolgendo poi nel convento
le mansioni più umili. Incaricato di organizzare pubbliche collette, ne
approfittava per fare opera di conversione, per mettere pace e per richiamare
al fervore religioso altri monasteri. Calunniato da una donna e, per la sua
anima semplice incapace di difendersi, soffrì molto. Trasferito nella vallata
del Sele, svolse in paesini isolati una grande opera di apostolato, comunicando
a coloro che l'avvicinavano la sua ricchezza spirituale. Fin da giovanissimo,
si erano rivelati in lui slanci mistici che lo portavano all'unione con Dio e,
come ogni contemplativo, amava la natura e il bello.
Patronato: Cognati
Etimologia: Gerardo
= valoroso con la lancia, dal tedesco
Martirologio
Romano: A Materdomini in Campania, san Gerardo Majella, religioso della
Congregazione del Santissimo Redentore, che, rapito da un intenso amore per
Dio, abbracciò ovunque si trovasse un austero tenore di vita e, consumato dal
suo fervore per Dio e per le anime, si addormentò piamente ancora in giovane
età.
Il cognome Maiella o Majella è un'abbreviazione della forma originaria Machiella o Macchiella, secondo la grafia desunta dagli Atti parrocchiali di Baragiano (Potenza) donde proveniva la famiglia.
Umanamente parlando non è un granché: di costituzione gracile, di salute cagionevole, di istruzione scarsa. Anche perché ha dovuto iniziare a lavorare presto per mantenere la famiglia, visto che papà muore quando lui è ancora un bambino, senza aver avuto il tempo di insegnargli il suo mestiere di sarto. Finisce così, come apprendista, in casa di un sarto esperto, dove colleziona ingiurie e percosse, ma il ragazzino non si scompone più di tanto, perché sta imparando ad accettare tutto per “amor di Dio”. Quando potrebbe mettersi in proprio, decide invece di andare a fare il domestico nella casa del vescovo di Lacedonia: non è un posto molto ambito, perché il vescovo è prepotente, esigente e autoritario.
Quelli che l’hanno preceduto hanno resistito in quell’incarico al massimo tre settimane, lui vi resta per tre anni, cioè fino alla morte del vescovo, ed è forse l’unico a piangerlo sinceramente, perché è riuscito a scoprire i buoni sentimenti del padrone anche sotto la scorza di uomo burbero e insopportabile.
Tornato al paese, Muro Lucano, apre bottega, ma neanche come sarto è un granché: prega più volentieri di quanto non sappia tagliare e cucire, è sempre incollato al tabernacolo o assorto in meditazione, più alla ricerca della volontà di Dio che attento alle esigenze dei clienti. La sua diventa la bottega del “sarto fai da te”, che non riesce a mettere un soldo da parte perché, quando si fa pagare, dopo aver comprato quello che serve alla mamma e alle sorelle, il suo denaro va a finire nelle tasche dei poveri o nella celebrazione di messe per i defunti.
Pensa seriamente di farsi religioso, ma la cosa è più facile a dirsi che a farsi: i Cappuccini gli dicono subito di no e anche con i Redentoristi le cose non vanno meglio: venuti in paese a predicare una missione, sono subito assediati e perseguitati da quel giovane che vuole diventare come loro e che essi non vogliono, perché oltre alla gracilità, che si vede ad occhio nudo, tutti lo descrivono come un po’ eccentrico, senza arte né parte, un buono a nulla, insomma. E così consigliano alla mamma di chiuderlo in camera, perché al momento della partenza non corra loro dietro. Il consiglio viene eseguito alla lettera, ma al mattino la mamma, nella stanza da letto, trova soltanto un foglio con poche, semplici parole: “Vado a farmi santo”. Annodando le lenzuola, infatti, il ragazzo è riuscito a calarsi dalla finestra: un’evasione in piena regola, un caso degno di “Chi l’ha visto”, se non fosse che di questa fuga si conoscono il motivo e la destinazione: raggiunti i missionari dopo dodici miglia, è riuscito, vista l’insistenza, a farsi accettare.
Lo mandano come “Fratello inutile” in vari conventi redentoristi, dove fa di tutto: il giardiniere, il sacrestano, il portinaio, il cuoco, l’addetto alla pulizia della stalla e in tutte queste umili semplicissime mansioni l’ex ragazzo “inutile” si esercita a cercare la volontà di Dio.
Ubbidientissimo, mortificato, devoto, semina amore e concordia mentre fa la questua. Ai poveri distribuisce tutto, anche i suoi pochi effetti personali. Nei semplici gesti che compie c’è del prodigioso e la gente grida al miracolo, che fiorisce al suo passaggio. Un giorno viene accusato di una relazione per lo meno sospetta con una ragazza: non si discolpa e non si giustifica, preferendo che la verità venga a galla da sola e cercando anche in questa prova dolorosa di fare la volontà di Dio. Sarà infatti discolpato proprio da chi l’aveva calunniato, mentre tutti ammirano il suo eroismo, la sua pazienza e la sua sopportazione. Un bel giorno è colpito dalla tubercolosi e deve mettersi a letto; sulla porta della sua cella ha fatto scrivere; “Qui si fa la volontà di Dio, come vuole Dio e fino a quando vuole Dio”.
Muore nella notte tra il 15 e il 16 ottobre 1755: ha soltanto 29 anni, dei quali appena tre passati in convento durante i quali ha fatto passi da gigante verso la santità.
Beatificato da Leone XIII nel 1893, Gerardo Majella è stato proclamato santo da
Pio X nel 1904. da allora è uno dei santi più venerati del nostro Meridione, si
continua a ricorrere alla sua intercessione e, in particolare, è conosciuto
come il “santo dei parti felici” per la particolare protezione che molte mamme
hanno sperimentato durante la gravidanza e al momento del parto.
Autore: Gianpiero
Pettiti
La sua terra è la Basilicata e lui è il “Santo dei parti felici”: patrono delle gestanti, partorienti, ostetriche, mamme e bambini. Donne di tutto il mondo si rivolgono a lui chiedendo protezione. Gerardo Maiella nasce a Muro Lucano (Potenza) nel 1726. Poverissimo, ultimo di cinque fratelli, perde il padre da bambino. In casa spesso manca il cibo. Un giorno si reca in chiesa quando avviene un prodigio. La statua di Gesù Bambino si anima e gli regala una bella pagnotta. Inizia così la straordinaria storia di un bambino speciale. Uno zio, impietosito nel vederlo infreddolito, gli regala un cappotto, ma quando Gerardo incontra per strada uno straccione, glielo offre.
Gerardo desidera diventare prete, ma nessuno lo vuole perché di costituzione gracile e considerato buono a nulla. Il ragazzo entra come servitore in casa del vescovo, uomo prepotente e insopportabile: nessuno resiste più di tre settimane alle sue dipendenze. Gerardo, umilissimo e ubbidiente, vi rimane tre anni, fino alla morte del padrone. Apre, poi, una bottega da sarto, mestiere del padre, ma senza successo: più che ai vestiti pensa a pregare; il poco guadagno serve per la mamma e le sorelle, il resto è per i poveri.
Quando in paese arrivano i redentoristi, Gerardo chiede di entrare nel loro Ordine. Niente da fare. Nessuno crede in lui. Invitano persino la madre a chiuderlo in casa per non essere infastiditi, ma il giovane si cala dalla finestra con un lenzuolo e corre dietro ai redentoristi che stanno lasciando il villaggio. Li raggiunge esausto e insiste per essere ammesso. Finalmente viene accolto nel convento pugliese di Deliceto (Foggia) come “fratello inutile”, senza possibilità di dire Messa. Gerardo è felice di svolgere le mansioni più umili: cuoco, giardiniere, questuante.
Diventa famosissimo: compie miracoli di guarigione, sparisce e poi ricompare,
lo si vede in due luoghi nello stesso istante (bilocazione). Durante una
carestia distribuisce cibo agli affamati e il sacco della farina non si
esaurisce mai. Un giorno si trova a Napoli. Infuria la tempesta. Una barca è in
difficoltà e sul molo la gente urla disperata. Gerardo fa un segno di croce e
poi cammina sulle acque, spingendo a mano, fino a riva, l’imbarcazione. Forse
per invidia una donna lo accusa ingiustamente. Gerardo non si difende per
umiltà, ma ci pensa Dio a scagionarlo quando quella stessa donna, pentita,
confessa la verità. Muore nel 1755 nel Convento di Materdomini, a Caposele
(Avellino), dove oggi riposa.
Autore: Mariella
Lentini
Gli dicono tutti di no. Cappuccini e Redentoristi non possono accoglierlo perché sta poco bene. Suo padre comincia a insegnargli il mestiere di sarto, ma muore troppo presto. Gerardo va al lavoro da un altro sarto di Muro Lucano, e più tardi si metterà in proprio, ma dovrà chiudere bottega. Torna a insistere con i Redentoristi, guidati dal loro fondatore Alfonso de’ Liguori, e infine la spunta. Ma ha già 26 anni quando può pronunciare i voti nel convento di Deliceto (Foggia) col rango di fratello coadiutore, subordinato. Ma a lui va benissimo.
Uscendo poi dal convento per questue e altre incombenze, s’immerge nella vita di paesi, persone, famiglie mortificate dalla miseria e dall’ignoranza, soggette ai signori, alle epidemie e alle crisi dei raccolti. Ne adotta lo stato d’animo, possiamo dire: ma lo arricchisce di fiducia.
Non è certo un riformatore sociale: i grandi problemi gli sfuggono. Ma vede le persone, la loro sofferenza, e anche quella dei loro animali. S’ingegna, per esempio, di curare i muli, umilissimi strumenti di comunicazione nelle campagne che spesso sono anche senza strade. Accorre dove c’è un malato, dove sta nascendo un bambino. Hanno una grande fiducia in lui anche le partorienti, e questo stato d’animo diventerà poi devozione affettuosa e duratura. Nell’animo popolare la figura sempre amica di fra Gerardo lascia segni che dureranno nelle generazioni fino a noi, come testimoniano feste e pellegrinaggi in suo onore.
Ma ecco arrivargli una prova inaspettata. Una lettera gli attribuisce relazioni almeno sospette con una ragazza, e lo stesso Alfonso de’ Liguori sembra crederci. Allora, indagini, interrogatori, spostamenti vigilati da un convento all’altro, divieto di fare la comunione... Lui potrebbe ampiamente discolparsi: ma non ci pensa neppure. Non dice una sola parola. Lascia che dicano e facciano gli altri, prendendo tutto come una prova voluta per lui da Chi può discolparlo se e quando vorrà. Ed ecco infatti che l’accusa crolla, senza che lui abbia aperto bocca. E con questo silenzio mite e vittorioso l’umile fratello coadiutore “tiene lezione”: ammaestra tutta la comunità.
I confratelli scoprono di avere in casa un santo, e gli chiedono di mettere in scritto per loro il “regolamento di vita” che si è dato. Nel 1755 mentre è al convento di Materdomini presso Caposele, molte famiglie sono alla fame per il maltempo, e lui interviene organizzando la distribuzione di viveri. Una prova di capacità organizzativa, che fa poi nascere voci di miracolo, come è già accaduto altre volte.
Nello stesso anno, Gerardo è colpito dalla malaria durante una questua. E dopo un breve miglioramento si spegne a Materdomini, a soli 29 anni d’età. Subito le popolazioni dell’Irpinia, della Basilicata e della Puglia lo considerano santo. E san Pio X lo canonizzerà nel 1904.
Autore: Domenico Agasso