Beato
Michele Rua, 1890
Bienheureux Michel Rua
Premier successeur de
saint Jean Bosco (+ 1910)
Prêtre à Turin dans le
Piémont, il succéda à saint
Jean Bosco à la tête de la Société de Saint-François de Sales, à
laquelle il donna une merveilleuse extension.
Martyrologe romain
SOURCE : https://nominis.cef.fr/contenus/saint/925/Bienheureux-Michel-Rua.html
Le bienheureux don Michel
Rua
DU 29 avril au 2 mai
prochain, notre Communauté et plus de huit cents amis iront en pèlerinage à
Turin. La capitale du Piémont fête, en effet, le bicentenaire de la naissance
de saint
Jean Bosco ; pour l’occasion, le Saint-Père a autorisé une nouvelle
ostension du Saint
Suaire. Les pèlerins pourront donc se recueillir devant la précieuse
relique de la Passion et de la Résurrection de Notre-Seigneur, puis ils se
rendront à la basilique de Marie-Auxiliatrice et aux autres lieux sanctifiés
par le zèle apostolique du fondateur des Salésiens et du bienheureux Michel
Rua, qui le seconda dans le développement prodigieux de ses œuvres avant de lui
succéder.
Parcourons son histoire
pour admirer ce magnifique exemple de circumincessante charité paternelle et
filiale, fruit du Précieux Sang de Jésus par la médiation de
Marie-Auxiliatrice, pour le salut des âmes et les combats de l’Église.
UNE COLLABORATION
SURNATURELLE
En octobre 1853, le
séjour annuel que don Bosco faisait avec ses enfants aux Becchi, son hameau
natal, pour aider aux vendanges, se termina par une cérémonie fort émouvante :
dans la petite chapelle voisine de l’humble demeure familiale, don Bosco donna
pour la première fois la soutane à deux de ses jeunes gens, l’un d’eux était
Michel Rua.
Celui-ci naquit à Turin
le 9 juin 1837. Son frère aîné était un habitué du patronage de don Bosco,
après son installation au Valdocco en 1846 ; mais lui, de santé
fragile, obtenait rarement l’autorisation de l’accompagner. Sa mère, femme très
pieuse et courageuse, avait perdu six de ses neuf enfants et son mari était
décédé en 1840.
Un beau matin de 1848,
comme d’habitude, un groupe de gamins assaillit le saint prêtre sur la place du
marché, et lui leur distribua des médailles. Il en proposa à Michel qui se
tenait à l’écart, mais lorsque le petit s’approcha, don Bosco lui tendit sa
main gauche, ouverte et vide, et de l’autre il fit le geste de la couper en
deux pour lui en offrir la moitié.
C’est le soir de sa prise
de soutane que le jeune Rua osa demander à don Bosco la signification de ce
geste qu’il n’avait jamais oublié, car à cet instant son âme s’était comme
attachée à cet homme de Dieu qui allait devenir son maître et son père
spirituel. Don Bosco lui répondit :
« Comment, mon petit
Michel, tu n’as pas saisi maintenant ? Pourtant c’est très clair. Plus tu
avanceras, mieux tu comprendras ce que je voulais te dire : “ Dans la vie, toi
et moi, nous ferons toujours part à deux. Douleurs, soucis, responsabilités,
joies et le reste, tout le reste, seront en commun. ” Acceptes-tu ?
– Pouvez-vous en
douter ? », murmura le jeune homme.
Don Bosco n’en doutait
pas, car ce n’est pas sans une lumière intérieure qu’il avait pu distinguer en
ce garçon celui qui partagerait ses peines et ses joies pour accomplir l’œuvre
que la Sainte Vierge lui demandait.
Peu de temps après,
d’ailleurs, un songe lui apprenait qu’il aurait à fonder une congrégation
religieuse, à travers bien des difficultés et des déboires. Comme tous ses
songes, celui-ci se réalisera…
Avec le temps, le petit
Michel obtenait plus souvent la permission d’aller au patronage, ce qui était
toujours pour lui un grand bonheur. Et c’est là qu’un jour de 1850, don Bosco
lui demanda ce qu’il comptait faire plus tard. Son avenir était en principe
tout tracé : son père, employé modèle, avait laissé un tel souvenir à la
manufacture d’armes de Turin qu’il avait été entendu que sa veuve garderait son
logement et que ses fils y auraient un emploi. Mais don Bosco lui proposa
plutôt de devenir prêtre. Sa réponse enthousiaste ne laissa aucun doute sur sa
préférence ; il fut entendu que don Bosco en parlerait à sa mère qui,
finalement, accepta.
Le jeune homme se joignit
donc à la demi-douzaine de garçons avec lesquels don Bosco allait tenter pour
une cinquième fois de fonder une congrégation. On commença par des cours de
latin durant l’été. Michel Rua s’y distinguait par sa nonchalance jusqu’au jour
où il apprit que son cher don Bosco en avait été informé ; ce fut suffisant
pour le corriger à jamais du vice de la paresse.
Si bien qu’ensuite,
d’année en année, il acquerra par une application remarquable une formation
générale de premier ordre. Tous ses maîtres le constateront : sujet
extraordinaire, promis à un brillant avenir.
Aussi, dès 1852, don
Bosco lui demanda-t-il son concours pour la composition de ses brochures qui
réfutaient les erreurs modernes et la propagande protestante alors virulente au
Piémont. Le jeune homme était le seul capable de dégager des brouillons
surchargés le texte définitif afin de le recopier de sa belle écriture pour le
présenter à l’imprimerie !
C’est ainsi que commença
une collaboration que don Bosco savait voulue par Dieu. Quant à Michel Rua, il
n’ambitionnait qu’une chose : imiter et satisfaire le vrai Père de son âme
auquel il s’était attaché de tout son cœur.
LA FONDATION DES
SALÉSIENS
Pendant plusieurs mois,
don Bosco se contenta de réunir une fois par semaine les sujets potentiels pour
une fondation. Il leur parlait de l’esprit de son œuvre, mais sans jamais
évoquer une future congrégation religieuse. C’est qu’à l’époque, le
gouvernement piémontais était très anticlérical : par toutes sortes de
règlements, l’État entravait l’action des ordres religieux et travaillait à
leur disparition. On comprend qu’il ait fallu ruser pour en instituer un
nouveau !
En 1853, à côté de la
maison Pinardi, le berceau de l’œuvre, et de l’église Saint-François-de-Sales
construite en 1850, don Bosco éleva le premier bâtiment de ce qui allait
devenir cette véritable cité dédiée à la formation de la jeunesse :
le Valdocco. À cet internat, sans cesse agrandi, s’ajouteront les classes
d’apprentissage professionnel et l’imprimerie.
Le besoin de
collaborateurs stables se faisait donc sentir de plus en plus. Voilà pourquoi
il proposa à Michel de quitter l’appartement maternel pour venir définitivement
au Valdocco ; il rejoindrait ainsi les trente-six internes dont s’occupait
si bien sa sainte mère, maman Marguerite. Quelques jours plus tard, don Bosco
le revêtait de la soutane.
Mais ce n’est qu’en
janvier 1854 que don Bosco donna à ses jeunes collaborateurs le nom de
salésiens, et leur demanda de se lier par une promesse qui pourrait, plus tard,
éventuellement, se transformer en vœux religieux. La prudence restait de mise.
Commença un noviciat qui
n’en avait pas le nom, mais où tous s’exerçaient, sous la direction du saint
fondateur, à la pratique des vertus nécessaires au genre de vie qu’ils
entrevoyaient.
Lorsque le choléra
s’abattit sur la ville, en juillet 1854, il fit 1400 victimes en trois mois.
Pour aider don Bosco, don Rua prit la tête d’une petite troupe de jeunes gens
qui, après s’être confessés et consacrés à l’Immaculée Conception, se
prodiguèrent auprès de 2500 malades contagieux sans être atteints eux-mêmes.
Finalement, le 25 mars
1855, Michel Rua, encore étudiant en philosophie, prononça ses premiers vœux
annuels entre les mains de don Bosco. Cette cérémonie sans éclat fut pour lui
l’inauguration d’une existence d’abnégation totale, sans jamais un moment de
répit, sans jamais non plus affadir une ardente vie spirituelle, dont
témoignait son recueillement impressionnant dès que sonnait l’heure de la
prière.
Étudiant, correcteur des
articles de don Bosco, professeur d’arithmétique, bibliothécaire, il assurait
aussi la surveillance générale des internes, ce qui impliquait de partager le
plus possible leur vie et leurs jeux. Évidemment, il enseignait le catéchisme.
Souvent, don Bosco l’appelait le soir pour lui dicter une histoire de l’Italie,
un livre scolaire destiné à remplacer les manuels laïcs.
Quand don Bosco ouvrit
son école professionnelle pour ses apprentis, il désigna comme préfet des
études… don Rua.
Pour repos dominical, don
Bosco lui avait confié le patronage Saint-Louis-de-Gonzague, à l’autre bout de
Turin. Il devait y être de bonne heure pour accueillir les enfants, diriger
certains vers le confessionnal et surveiller les autres. Après la messe, il animait
des jeux endiablés jusqu’à midi. Le temps d’avaler une soupe et un croûton de
pain, il lui fallait ensuite tenir les gamins jusqu’à la tombée du jour, les
divertir, leur faire du catéchisme, et enfin dire la prière du soir avec le
petit “ mot du soir ”, rituel tant apprécié. Après quoi, absolument épuisé, il
revenait à pied au Valdocco, ayant juste la force d’expédier un repas
frugal et d’aller se coucher.
Quant à ses études
sacerdotales, don Rua n’avait d’autre solution que de se lever deux heures et
demie plus tôt, pour s’y appliquer. Moyennant quoi, il reçut une formation de
haut niveau sous la direction d’excellents professeurs du grand séminaire de
Turin, en congé forcé à la suite des troubles révolutionnaires.
En novembre 1856, après
la mort de maman Marguerite, c’est madame Rua qui prit la relève. Elle
travaillera à l’ombre de don Bosco et de son cher fils pendant vingt ans !
C’est ainsi que se
déroulèrent les premières années de la collaboration étroite de don Bosco et de
son disciple. À l’automne 1857, il était temps de rédiger les constitutions de
la Congrégation des Salésiens et d’aller les soumettre au Saint-Siège.
C’est ce que fit don
Bosco au printemps 1858, accompagné de don Rua. Les trois audiences que le
bienheureux Pie IX leur accorda furent inoubliables pour don Rua. Mais ce
séjour romain fut aussi l’occasion d’intéressantes visites d’institutions
vouées à la jeunesse ; en les comparant avec ce qu’ils faisaient à Turin, don
Rua comprit les caractères spécifiques de l’œuvre salésienne, qu’il aurait la
charge de préserver et de transmettre à ses successeurs.
En avril 1858, don Bosco
revint à Turin avec l’amitié du saint pape Pie IX, qui lui sera bien utile
pour contrer ses détracteurs. Mais les tensions étaient telles qu’il prit
sagement la précaution d’asseoir encore davantage ses activités, avant de
fonder officiellement la Congrégation, le 18 décembre 1859.
LE JEUNE SUPÉRIEUR
Si don Bosco en était
évidemment le supérieur, don Rua en fut nommé directeur spirituel et il fut
ordonné prêtre le 28 juillet 1860. À cette occasion, il avait demandé à son
cher Père spirituel « un conseil à garder en son âme toute sa vie ».
Le soir de cette journée de réjouissances, il trouva une lettre dans sa
chambre, qui lui fixait tout un programme de sanctification :
« Bien mieux que
moi, tu verras l’œuvre salésienne franchir les Alpes et s’établir sur toute la
terre. Demeure romain : nourris en ton âme la charité de Notre-Seigneur
Jésus-Christ et de son Vicaire ici-bas. […] Tu auras beaucoup à
travailler et à souffrir. […] Endure l’épreuve avec courage, même au
milieu de tes peines, tu sentiras la consolation et l’aide du Seigneur. Pour
accomplir ton œuvre sur la terre, écoute ces conseils : vie exemplaire,
prudence consommée, persévérance dans la fatigue au service des âmes, pleine
docilité aux inspirations d’En-Haut, guerre incessante à l’enfer, confiance
inlassable en Dieu. »
Dès la rentrée de 1860,
don Rua se voyait confier la direction générale des classes et la
responsabilité morale de toute cette jeunesse. Mieux que les prêtres amis qui
venaient aider don Bosco, pleins de bonne volonté certes, mais qui n’étaient
pas de vrais disciples, il exerça son autorité avec un respect filial de toutes
les volontés et des moindres désirs du fondateur.
Il s’ensuivit un
accroissement de la fréquentation des œuvres. Quelques chiffres : 1861, 317
élèves en humanités ; 1863, 360 ; à peu près un nombre égal d’apprentis.
L’atmosphère studieuse, en même temps joyeuse, qui régnait au Valdocco, et
la piété simple dont faisaient preuve les jeunes gens frappaient les
visiteurs ; c’est ce qui fit la renommée de la maison.
Un mot dit tout :
« Nous nous chérissions comme autant de frères, et nous n’avions qu’un
seul cœur et qu’une âme pour aimer Dieu et consoler don Bosco. »
Au dire des témoins,
celui-ci était l’âme de toutes ces œuvres, celui qui donnait les directives ;
mais la cheville ouvrière, c’était don Rua. Or, ce dernier savait
remarquablement dissimuler non seulement son action, mais aussi son succès. Il
rapportait tout à don Bosco.
En 1862, après les vœux
publics des vingt-deux premiers Salésiens, la Congrégation essaima une première
fois à Mirabello, près de Montferrat, à une bonne soixantaine de kilomètres de
Turin, où six jeunes religieux dans la vingtaine furent envoyés pour prendre en
main le petit séminaire Saint-Charles. Don Rua en était le directeur et le seul
prêtre.
Il n’avait pas d’autre
ambition que de faire à Mirabello ce qu’il avait vu pratiquer à Turin.
« On le voit continuellement entouré d’élèves conquis par son amabilité ou
par le désir de l’écouter parler sur mille sujets intéressants. Après le repas
de midi on le voit toujours mêlé aux jeunes gens, jouant ou chantant avec
eux. » Et Dieu bénit son œuvre, notamment en y suscitant une centaine de
vocations sacerdotales en trois ans !
C’était tellement
extraordinaire qu’à la fin de 1864, don Rua en eut une violente tentation
d’amour-propre, qu’il confia aussitôt à don Bosco. Celui-ci lui répondit
simplement : « Pour guérir ce mal d’orgueil, je te recommande la médecine
de saint Bernard. Répète-toi souvent les fameuses interrogations : D’où
viens-tu ? Quelle est ta tâche ici-bas ? Où dois-tu aboutir ? Ce rappel des
vérités essentielles bien méditées, aujourd’hui comme hier, produira des
saints. » Ce fut suffisant pour chasser à jamais ces indignes sentiments.
LE BRAS DROIT DE DON
BOSCO
Lorsque don Bosco le
rappela auprès de lui l’année suivante, don Rua laissa à son successeur ce
conseil qui nous dévoile son cœur : « Aime-les bien tous, à ma place : ce
sont de si braves enfants ! » Et une larme perla à ses yeux. Il ajouta :
« Pour tes collaborateurs, traite-les toujours comme un frère
aîné. »
Revenu à Turin, il sera
désormais le bras droit de don Bosco jusqu’à la mort de celui-ci : vingt-deux
ans de dévouement sans limites, mais à la limite de ses forces.
Une fois, à l’été 1868,
il s’écroula littéralement d’épuisement. C’était à l’issue des fêtes de la
consécration de la basilique de Marie-Auxiliatrice, dont il avait eu, en plus
de tout le reste, la charge de l’organisation. Quelques jours plus tard, une
péritonite foudroyante le conduisit aux portes de la mort. Tout le monde
s’inquiétait, sauf don Bosco qui lui refusa l’extrême-onction en lui disant :
« Écoute bien, don Rua : même si on te jetait tel quel par la fenêtre, je
t’assure que tu ne mourrais pas. »
Après une courte
convalescence, les seules vacances de sa vie, il reprit son travail dans
l’ombre de don Bosco, se réservant en particulier la tâche pénible de faire
respecter la discipline. Don Bosco lui confia aussi, de 1869 à 1875, la charge
de maître des novices, mais d’un noviciat spécial puisque Pie IX avait
permis que les jeunes religieux ne soient pas formés à part, mais en les
faisant participer aux activités normales des établissements salésiens.
Lors des visites
canoniques, pour lesquelles il accompagnait don Bosco, il laissait à celui-ci
la fonction paternelle de fortifier ses fils, de les éclairer, tandis que lui
s’adonnait au rôle ingrat de l’inspection : examen des comptes, de la tenue de
la maison, de la discipline, etc. Or, comme il était très méthodique et qu’il
avait une mémoire prodigieuse, c’était impossible de lui cacher longtemps
quelque chose.
À partir de 1877, date à
laquelle la santé de don Bosco fléchit notablement, c’était don Rua qui
exerçait pratiquement l’administration et l’autorité dans la Congrégation, mais
toujours sous le regard et sous l’impulsion de son cher Père. En 1885, il fut
désigné officiellement vicaire général des Salésiens.
Deux ans plus tard, quand
il devint évident que les jours de don Bosco étaient comptés, malgré un emploi
du temps déjà surchargé, don Rua trouvait le moyen de visiter souvent son
bien-aimé malade, de lui tenir longuement compagnie, récoltant de ses lèvres,
de ses prières et de sa lente immolation tout ce qui lui serait nécessaire pour
continuer l’œuvre.
Saint Jean Bosco entra en
agonie le 31 janvier 1888, ayant à ses côtés don Rua, brisé d’émotion et de
douleurs, et tous les supérieurs de la Congrégation. « Don Bosco, lui
dit-il, nous sommes tous là, tous vos fils. Nous vous prions de nous
pardonner la peine que nous avons pu vous causer. En signe de pardon et de
paternelle bienveillance, donnez-nous une fois encore votre bénédiction. Je
vous conduirai la main et je prononcerai la formule. » Trois heures plus
tard, le saint fondateur des Salésiens s’éteignit.
Après avoir récité
le De profundis, don Rua s’adressa à ses confrères : « Nous voici
orphelins ! Mais si nous avons perdu un père sur terre, nous possédons un
protecteur au ciel. Montrons-nous dignes de lui, en imitant les saints exemples
qu’il nous laisse. »
LE SUCCESSEUR DE SAINT
JEAN BOSCO
Cette simple phrase
résume tout ce qu’il y aurait à dire sur les vingt-deux ans pendant lesquels
don Rua a dirigé la Congrégation avant d’aller retrouver son cher Père au Ciel.
Sa première décision fut
d’imposer un temps d’arrêt à l’expansion prodigieuse de la Communauté, selon la
dernière recommandation de don Bosco, afin de consolider les œuvres existantes.
Mais, à raison d’une centaine de vocations par an, cet objectif ne fut pas long
à atteindre ; d’autant plus que l’augmentation du nombre des bienfaiteurs
permit aussi d’assainir la situation financière. Don Bosco ne tardait pas à
montrer sa puissance au Ciel au profit de ses enfants.
À sa mort, la société
n’était établie qu’en Italie, en France, en Espagne, en Angleterre, en
Argentine et en Uruguay. Dès la fin de 1889, l’expansion reprit avec une
fondation en Suisse, puis 1890 : Colombie ; 1891 : Belgique, Algérie,
Palestine ; 1892 : Mexique ; 1894 : Portugal, Pérou, Venezuela ; 1895 :
Bolivie, Autriche, Tunisie ; 1896 : Égypte, Afrique du Sud, Paraguay,
États-Unis ; 1897 : Amérique centrale et Pologne qui procura une pléthore de
vocations ;
1903 : Turquie ; 1906 :
Chine, Inde ; 1910 : Congo, dernière fondation approuvée par don Rua sur son
lit de mort.
Les Salésiens seront
alors présents dans cent cinquante diocèses, où ils se consacrent
essentiellement aux œuvres de la jeunesse, mais également aux missions, aux
paroisses, à des séminaires et des universités aussi bien qu’à des léproseries.
Un tel développement
supposait une administration énergique. Chaque année, au printemps, don Rua
visitait quelques-unes de ses maisons à l’étranger, au cours d’une tournée de
trois mois ; le reste de l’année, il le passait au Valdocco ou dans
ses établissements en Italie. Ces visites étaient l’occasion de manifestations
populaires de sympathie qui allaient à la Congrégation autant qu’à son
supérieur dont les vertus, la patience, la bonhomie impressionnaient toujours
ceux qui l’approchaient.
Un de ses soucis était
d’entretenir la charité de ceux que don Bosco avait appelés les coopérateurs
salésiens. Lui qui était timide se souvenait souvent de la recommandation de
son Père : « N’aie pas peur d’y aller franchement avec eux. Ce ne sont pas
eux qui te font la charité, c’est toi qui la fais à leurs âmes. Leur aumône est
une œuvre de miséricorde dont ils te remercieront. » En 1895, leur premier
congrès international fut honoré de la présence de quatre cardinaux, vingt et
un archevêques et évêques. Le dernier jour, cinquante mille personnes suivirent
la procession d’action de grâces. Les inquiétudes des débuts sur l’avenir de
l’œuvre durent paraître bien lointaines à don Rua. Surtout que, sous le
pontificat de saint Pie X, il bénéficia de l’amitié du Pape, comme don
Bosco avait joui de celle du bienheureux Pie IX ; les saints se
reconnaissent toujours.
Plus que son fondateur,
parce que les circonstances y poussaient, don Rua s’intéressa à la question
sociale, soutenant des associations ouvrières, en particulier féminines, pour
obtenir des conditions de travail plus dignes et pour lutter contre
l’immoralité. Il facilita aussi l’organisation de colonies de vacances en
mettant à leur disposition les établissements salésiens libres de leurs élèves
durant les congés scolaires.
LES CROIX
Dès l’âge de soixante
ans, sa santé s’altéra. Il souffrit d’ennuis cardiaques, d’une inflammation
constante des paupières et, comme don Bosco, de ses jambes variqueuses. Cela le
conduisit à présenter sa démission au chapitre général de 1896 ; mais il fut
aussitôt réélu à l’unanimité moins deux voix : probablement la sienne, et celle
d’un étourdi qui vota pour… don Bosco.
Ce souci de déposer le
joug s’explique aussi par les nombreuses croix qui vont maintenant l’accabler. En
1895, un jeune religieux déséquilibré, furieux d’avoir été refusé aux ordres,
avait assassiné le Père Dalmazzo. Peu de temps après, au Brésil, Mgr Lasagna,
son secrétaire et quatre Filles de Marie-Auxiliatrice perdirent la vie dans un
accident de chemin de fer. Or, le Père Dalmazzo comme Mgr Lasagna étaient de
ses anciens élèves, il les avait vus grandir en sagesse et en grâce, et il les
destinait à rendre d’importants services à la Congrégation et à l’Église.
En 1898, en Patagonie,
une crue détruisit les fruits de dix ans de travail apostolique.
En 1901, don Rua reçut
avec une immense peine un décret romain qui blâmait le vieil usage salésien
auquel saint Jean Bosco était très attaché, qui permettait au directeur des
écoles de confesser les enfants, puisque la discipline relevait du préfet et
non pas de lui. La même année, Rome interdit tout lien de juridiction entre
congrégations d’hommes et de femmes à but identique ; cette règle brisait cette
autre volonté de don Bosco dont il se savait dépositaire : garder unis les
Salésiens et les Filles de Marie-Auxiliatrice. Pendant cinq ans, don Rua
multiplia les démarches pour obtenir une dérogation, mais en vain.
En 1902, il eut aussi
l’extrême douleur de voir l’œuvre anéantie en France, comme elle l’avait été en
1895 en Équateur. Mal renseignés, les Salésiens avaient cru que le gouvernement
leur accorderait l’autorisation de continuer, s’ils la lui demandaient. C’était
un piège : leur dossier fut confié à Clémenceau, farouche anticlérical, qui
accueillit toutes les calomnies à leur encontre et refusa d’écouter la défense.
Non seulement l’autorisation fut rejetée, mais les décrets d’expulsion furent
rapidement exécutés : toutes les maisons salésiennes et leurs biens furent
vendus à l’encan pour une bouchée de pain.
Mais l’épreuve la plus
pénible pour cet homme, désormais épuisé, fut l’affaire de Varazze, en 1907. Un
élève y accusa les Pères et d’autres ecclésiastiques du lieu des pires
ignominies, y compris de messes noires. C’était cousu de fil blanc, manigancé
de toutes pièces par les loges maçonniques, comme don Rua et les avocats purent
le démontrer, mais après des jours d’angoisse. Le déferlement de haine à cette
occasion lui permit de mesurer la fragilité de l’œuvre, que des calomnies
pouvaient ruiner totalement. Le démon se déchaînait, il fallait plus que jamais
avoir recours à Notre-Dame Auxiliatrice et à la protection de don Bosco, et
pour cela s’appliquer à lui être fidèle en tout.
Sa dernière grande peine
fut la mort de neuf religieux et de quarante enfants, lors du tremblement de
terre qui détruisit la ville de Messine, en 1909.
Si la croix se faisait
lourde, il n’en était pas découragé pour autant, se souvenant en particulier
des recommandations de son bienheureux Père, au soir de son ordination.
D’ailleurs, quoique de spiritualité salésienne, il était très pénitent,
toutefois de manière discrète mais continuelle : du genre à porter des habits
chauds en été, et froids en hiver, à glisser une planche dans son lit, ou à se
priver furtivement de nourriture ; jamais non plus il ne chassait les insectes
qui venaient sur ses plaies purulentes. En 1907, quatre ans avant sa mort, il
ne fallut pas moins d’une injonction de saint Pie X pour lui faire
allonger d’une heure son trop court sommeil ! Sans cesse il offrait ainsi à
Dieu des sacrifices par amour et pour le salut des âmes. Là encore, il se
montrait vrai fils de saint Jean Bosco qui n’avait pas d’autre motivation pour
mener ses œuvres que ce combat pour arracher les pécheurs à l’enfer, en bon
instrument de Notre-Dame Auxiliatrice.
DES MIRACLES
Don Bosco avait dit :
« Si don Rua voulait, il ferait des miracles. » Il lui est arrivé de
le vouloir, plus souvent qu’on ne l’imagine. Il manifesta aussi des dons de
prophétie ou de discernement des esprits. En voici un tout petit échantillon.
Un jour, un bienfaiteur lui présenta ses deux garçons, Michel et Louis :
« Oh, dit don Rua, je m’appelle Michel et j’avais un frère qui s’appelait
Louis, nous étions tous les deux orphelins. » S’assombrissant, il demanda
alors aux enfants s’ils ne voudraient pas venir avec lui à l’orphelinat : il
leur servirait de père. Surpris, leur père mit fin à l’entretien ; mais
quelques jours plus tard, il était victime d’une méningite et laissait
orphelins ses deux petits.
Il y eut aussi des
miracles plus réjouissants, comme celui dont bénéficia ce Toulonnais naguère
guéri par don Bosco. Depuis, il était devenu totalement sourd ; mais il ne
doutait pas que le successeur du saint thaumaturge le guérirait lors de sa
visite à Toulon. Lorsqu’il se trouva en sa présence, il se jeta à ses pieds en
hurlant : « Je n’entends rien. Donnez-moi votre bénédiction et je guérirai. »
Don Rua lui demanda alors, à voix basse, s’il voudrait devenir coopérateur ; on
lui faisait remarquer qu’il ne parlait pas assez fort… quand on entendit le
sourd répliquer : « Coopérateur, qu’est-ce que c’est, ça ? »
Manifestement, il était guéri !
Une dame paralysée depuis
des années l’invita à venir la bénir. Une fois dans la chambre, don Rua
entendit la porte subitement se fermer à clef derrière lui, tandis que la
malade lui fit cet ultimatum : « Vous ne sortirez d’ici qu’avec moi
guérie. » C’est ce qui arriva.
DERNIÈRES RECOMMANDATIONS
Mais tout cela n’était
rien pour lui, à côté de son idéal : « Ah si je pouvais être une pâle
copie de don Bosco ! », disait-il souvent. Encore enfant, il s’était donné
à son cher Père et ne s’était jamais repris : jeune homme, homme mûr, il
l’avait, pendant trente-cinq ans, suivi pas à pas, étudié dans le moindre de
ses actes. Toutes les paroles, toutes les recommandations, tous les conseils de
don Bosco, scrupuleusement recueillis, avaient illuminé sa route.
Il savait bien que
l’heure de le rejoindre n’allait pas tarder à sonner pour lui. Il avait
conscience de ne pouvoir faire davantage, surtout après avoir eu, en novembre
1909, le bonheur d’apporter son témoignage au procès de béatification de don
Bosco, en douze séances.
Cela faisait plus d’une
année que sa santé était chancelante, ce qui ne l’empêchait pas de garder son
rythme de travail. Le 15 février 1910, incapable même de prendre connaissance
du courrier, il fut obligé de s’aliter pour ne plus se relever. Il souffrait
d’une myocardie sénile qui provoquait une enflure générale du corps.
Le Jeudi saint 24 mars
1910, on lui apporta la communion en viatique, puis, à bout de forces, il fit
ses dernières recommandations : « À son lit de mort, notre bon Père nous a
dit : “ Au revoir au Paradis ! ” Je vous donne le même
rendez-vous. Pour y atteindre, je vous recommande trois choses : un grand amour
de l’Eucharistie, une dévotion très vive à Notre-Dame Auxiliatrice et un
respect profond, une humble obéissance, une affection fidèle envers les
pasteurs de l’Église, tout spécialement envers la personne du Pape. Si le Bon
Dieu m’accueille dans son Paradis, à côté de don Bosco, je ne manquerai pas d’y
prier pour vous tous. » Il reçut l’extrême-onction au matin de Pâques.
Dès qu’il retrouvait un
peu d’énergie, il revenait sur la nécessité d’augmenter le nombre d’ouvriers à
envoyer à la vigne du Seigneur. Il composa une petite prière pour demander des
vocations, il se la fit copier sur un papier et placer sur son oreiller pour
l’apprendre par cœur.
Le 6 avril 1910, ses
derniers mots furent pour répéter l’oraison jaillissante que, enfant, il avait
apprise de don Bosco : « Sainte Vierge, ma tendre mère, faites que je
sauve mon âme ! » Il perdit ensuite connaissance et, pendant une heure,
tous les enfants défilèrent devant lui pour lui baiser la main ; quand ce fut
fini, sans plainte, sans aucun mouvement, son âme partit rejoindre son cher
Père.
Il avait reçu de don
Bosco la charge de 700 Salésiens et de 64 maisons en 6 pays. À son successeur,
don Rua laissait 4000 Salésiens répartis en 341 maisons dans 30 pays.
Le 20 juillet 1914, saint
Pie X déclara au postulateur des causes de don Cafasso et de don Bosco :
« J’espère que vous n’allez pas oublier don Rua. Je découvre en lui ce
faisceau de vertus héroïques qui font le saint. Qu’attendent donc les Salésiens
pour commencer sa cause ? Quel grand serviteur de Dieu ! L’Église s’en occupera
certainement un jour. » De fait, la sainteté de don Rua ne resta pas sous
le boisseau : il fut béatifié le 24 octobre 1972.
Quelle bénédiction pour
une communauté d’avoir pour fondateur un saint si extraordinaire que don Bosco,
mais quelle bénédiction également d’avoir comme successeur à sa tête un saint
aussi aimable, humble, dévoué que don Michel Rua.
Que nos pèlerins lui
demandent pour nous la grâce d’avoir un tel esprit filial et, à son exemple, un
dévouement sans limites pour le salut des âmes dans le service de l’Église.
SOURCE : https://crc-canada.net/liens-utiles/archives-de-notre-bulletin/le-bienheureux-don-michel-rua.html
Il
Beato Michele Rua con san Giovanni Bosco, ormai molto anziano,
nel 1885 in
vista alla casa salesiana di Barcellona
“Successeur de Don Bosco
: fils, disciple, apôtre”
PROFIL HUMAIN ET SPIRITUEL DU BIENHEUREUX MICHEL RUA
Dans le centième anniversaire de sa mort
1.Don Rua “le plus fidèle des fils de Don
Bosco”.
Les six mots mystérieux
qui reviennent comme un refrain
Deux affaires urgentes : une pour Don Bosco et l’autre pour Michel.
Une lettre prophétique sur la petite table de nuit.
Etre Don Bosco à Mirabello Monferrato.
"Tu seras Don Bosco ici, à l’Oratoire".
2. Don Rua “la Règle vivante”.
Tout le travail est fini.
Est-ce aussi la fin de don Rua ?
Don Bosco lui transmet son esprit et son coeur.
Devenir Don Bosco jour après jour.
Les ‘Règles’ approuvées deviennent la voie de la sainteté.
“Don Rua m’étudiait et, moi, j’étudiais don Rua”.
La main de Don Bosco dans celle de don Rua.
3. la fidélité à la vie consacrée “pendant
toute la vie”.
Fidélité féconde à Don
Bosco.
Jésus : nourriture dans l’Eucharistie et amour miséricordieux dans son Coeur.
“Tout ce que nous avons, nous le devons à la Très Sainte Vierge Marie
Auxiliatrice”.
Obéissance.
Pauvreté.
Chasteté.
4. Don Rua: “l’évangélisateur des jeunes”.
Nouveaux terrains de
travail pastoral.
Parmi les ouvriers et les enfants des ouvriers.
Auprès des constructeurs de tunnel en Suisse.
Émigrants parmi les émigrants.
Risquer tout ce qui pouvait être risqué, comme le faisait Don Bosco.
"Cette simplicité avec laquelle il cherchait à accompagner ses
oeuvres".
Prière pour demander la
canonisation du Bienheureux Michel Rua.
Rome, 16 août 2009
Très chers confrères,
Cela fait un certain
temps que je ne vous ai pas écrit. Cela n’est pas dû à une négligence de ma
part et encore moins à un manque de volonté ; tout au contraire, vous savez
combien je vous aime et vous porte dans mon coeur. En visitant les Provinces,
je me suis rendu compte, une fois encore, que les lettres circulaires, comme
d’ailleurs les différents documents de la Congrégation, voyagent à des vitesses
diverses ; cela est dû à de nombreuses causes, parmi lesquelles n’est pas la
dernière celle des retards dans les traductions. Il arrive alors que les
interventions s’accumulent et qu’à la fin elles courent le risque non
imaginaire de n’être pas lues ; de cette façon l’occasion est perdue de
renforcer notre identité charismatique et de partager la réflexion sur notre
vie et notre mission. C’est pourquoi, en en parlant avec le Conseil Général, j’ai
pris la décision de réduire à trois – au lieu des quatre actuelles – les
lettres circulaires de chaque année ; une d’entre elles sera réservée à la
présentation et au commentaire de l’Étrenne. Eux aussi, les Actes du Conseil
Général auront de cette façon une cadence de quatre mois, avec une publication
en janvier, en mai et en septembre. Je souhaite que ce choix aide à mieux
valoriser notre littérature salésienne, à l’approfondir et à la faire passer
dans la vie. C’est seulement ainsi qu’elle sera en mesure d’atteindre
l’objectif fondamental d’établir une “culture salésienne” dans la Congrégation.
Ces temps derniers se
sont déroulés des événements très significatifs et intéressants, qui ont
impliqué d’une manière particulière le Recteur majeur et que vous avez pu
suivre par l’intermédiaire d’ANS sur notre site sdb.org et, dans certains cas,
au moyen de la transmission de télévision ou le reportage en direct. Je vous en
rappelle quelques-uns : la prédication de la Retraite Spirituelle aux
Directeurs des Provinces ICC, ICP, ILE, INE qui appartiennent à la Région
Italie et Moyen-Orient, prédication qui est parmi les services d’animation
rendus par le Recteur majeur l’un des plus attachés à sa charge, étant finalisé
à promouvoir la croissance des vocations ; la participation à la ‘Fête des
Jeunes’ de la Province INE à Jesolo, qui m’a donné l’occasion de voir et
d’apprécier une des expériences de pastorale des jeunes les mieux réussies ; la
rencontre avec les Provinciaux de la Pologne et de la Circonscription Europe de
l’EST, au cours de laquelle nous avons réfléchi ensemble sur la relation de ces
Provinces avec celles de la Région Europe Nord, avec le reste de l’Europe et
avec le Recteur majeur et le Conseil Général, ainsi que sur le nouveau
contexte, si différent de celui des années du nazisme et du communisme, dans
lequel ces Provinces se trouvent aujourd’hui pour vivre le charisme salésien,
comme aussi sur le rôle de ces Provinces dans le ‘Projet Europe’ ; la visite à
la Circonscription Europe de l’EST qui a eu comme but de vérifier le parcours
effectué depuis le moment de sa constitution, d’approfondir les défis et les
propositions mis en avant par le Conseil Provincial et par la Délégation
d’Ukraine comme aussi par les autres parties de la Circonscription, d’indiquer
les lignes à suivre dans le moment présent.
Il y a eu ensuite
d’autres événements auxquels j’ai participé : la célébration du 150ème
anniversaire de la fondation de la Congrégation dans la Circonscription ICP à
Turin, qui d’une certaine façon est le signe de ce que les Provinces sont en
train de vivre et qui atteindra son sommet le 18 décembre, date à laquelle nous
sommes invités à renouveler notre profession ; la participation au premier
Forum du MSJ de la nouvelle Circonscription ICC, à l’occasion du 50ème
anniversaire de l’inauguration de la Basilique Don Bosco à Cinecittà et du
commencement du pèlerinage de la châsse de Don Bosco ; la clôture du Congrès
National ADMA d’Espagne à Albacete ; la prédication de le Retraite Spirituelle
dans la Province de Valence et la visite à la Province de Séville ; la
participation aux différentes rencontres de l’Union des Supérieurs Généraux, en
qualité de Président, et à l’Assemblée Semestrielle sur le thème “Changements
géographiques et culturels dans l’Église et dans la vie consacrée : défis et
perspectives” ; la session plénière du Conseil Général de juin et de juillet, y
compris le pèlerinage sur les pas de Saint Paul ; l’accueil du Saint-Père dans
notre maison au village appelé Les Combes ; enfin la première réunion de la
Commission pour le ‘Projet Europe’.
Il me plaît de commencer
cette nouvelle étape de notre communication par une lettre sur le premier
Successeur de Don Bosco, en mettant ainsi en route l’Année dédiée à Don Rua
dans le Centenaire de sa mort, survenue le 6 avril 1910. Pour approfondir sa
physionomie, d’ici peu nous aurons à Turin la Cinquième Rencontre
Internationale d’Histoire de l’Oeuvre Salésienne, organisée par l’ACSSA et par
l’ISS, en préparation au Congrès International de la Congrégation Salésienne
que nous tiendrons à Rome en 2010. Je remercie dès à présent l’Association des
Amateurs d’Histoire Salésienne [ACSSA], l’Institut Historique Salésien [ISS] et
la Commission pour le Congrès International qui ont assumé avec dévouement,
responsabilité et compétence cet engagement que je leur avais confié. [1].
“Dans le souvenir de Don
Rua”, nous pourrons connaître une partie fondamentale de l’histoire de notre
Congrégation et une personne qui en illustre l’identité. Ma lettre que voici
n’entend pas être une courte biographie venant se substituer à l’oeuvre écrite
par le P. F. Desramaut, que je vous invite à lire, mais une approche vers son
profil humain et spirituel, au moyen d’une étude de tout ce qui a écrit
jusqu’ici et en prenant surtout appui sur la “Positio" [2] préparée en vue
de sa cause de béatification. Nous souhaitons que bien vite nous puissions voir
la canonisation de Don Rua ; c’est pourquoi nous l’invoquerons en demandant à
Dieu des secours et des grâces par son intercession.
1. DON RUA : “LE PLUS FIDÈLE DES FILS DE
DON BOSCO”
« Don Rua a été le plus
fidèle, et donc le plus humble et en même temps le plus valeureux des fils de
Don Bosco » [3]. C’est avec ces mots prononcés sur un ton
décidé que, le 29 octobre 1972, le Pape Paul VI grava pour toujours le profil
humain et spirituel de Don Rua. Le Pape, dans cette homélie prononcée à voix
forte et claire sous la Coupole de Saint-Pierre, présenta les traits du nouveau
Bienheureux avec des mots qui pour ainsi dire martelèrent sa caractéristique
fondamentale : la fidélité. « Successeur de Don Bosco, c’est-à-dire
continuateur : fils, disciple, imitateur... Il a fait de l’exemple du Saint une
école, de sa vie une histoire, de sa règle un esprit, de sa sainteté un type,
un modèle ; il a fait de la source, une eau courante, un fleuve ». Les paroles
de Paul VI élevaient à un niveau supérieur l’histoire terrestre de cette
“silhouette mince et usée de prêtre”. Elles découvraient le diamant qui avait
brillé dans la trame douce et humble de ses jours.
Cette histoire avait
commencé un jour lointain par un geste étrange. Agé de huit ans, orphelin de
père, portant un large bandeau noir fixé par sa maman sur sa veste, il avait
tendu la main pour avoir une petite médaille donnée par Don Bosco. Mais à lui,
au lieu de la médaille, Don Bosco avait placé sa main gauche, tandis qu’avec la
droite il faisait le geste de la couper en deux. Et il lui répétait :
“Prends-la, petit Michel, prends-la”. Et devant ces yeux écarquillés qui le
fixaient émerveillés, il avait dit six mots qui seraient le secret de sa vie :
“Nous ferons toujours part à deux”.
Et dans une lente
progression commença ce formidable travail partagé entre le maître saint et le
disciple qui faisait par moitié avec lui tout et toujours. Au début, dans les
premières années, Don Bosco voulut que Michel restât avec lui, mais que chaque
soir il retournât manger et dormir chez sa mère, madame Jeanne-Marie. Cependant
lorsqu’il venait à l’Oratoire, Don Bosco, déjà dans ces premières années,
voulait qu’il restât à côté de lui, même à table. [4] Michel commençait à assimiler
de cette façon la manière de penser et de se comporter de Don Bosco. “Observer Don
Bosco, même dans ses actions les plus insignifiantes m’impressionnait davantage
– dira-t-il plus tard – que de lire et de méditer n’importe quel livre de
piété”. [5] En restant avec
Don Bosco, il devait accumuler dans son corps minuscule une telle quantité de
force sereine pour qu’il en ait suffisamment pendant toute la vie, pendant
laquelle il devrait faire preuve d’une énergie continuelle.
Les six mots mystérieux
qui reviennent comme un refrain
Le 3 octobre 1852,
pendant la promenade que les meilleurs jeunes de l’Oratoire faisaient chaque
année aux Becchi pour la fête de Notre-Dame du Rosaire, Don Bosco lui fit
revêtir l’habit ecclésiastique. Michel avait 15 ans. Le soir, en revenant à
Turin, Michel vainquit la timidité et demanda à Don Bosco : “Vous rappelez-vous
nos premières rencontres ? Je vous ai demandé une médaille, et vous avez fait
un geste étrange, comme si vous vouliez vous couper la main et me la donner, et
vous m’avez dit : ‘Nous ferons toujours part à deux’. Que vouliez-vous dire ?”.
Et lui de répondre : “Comment, mon petit Michel, tu n’as pas saisi maintenant ?
Pourtant, c’est très clair. Plus tu avanceras, mieux tu comprendras, que je
voulais te dire : « Dans la vie, toi et moi, nous ferons toujours part à deux.
Douleurs, soucis, responsabilités, joies et le reste, tout le reste, seront en
commun »”. Michel demeura en silence, rempli d’un bonheur silencieux : Don Bosco,
avec des mots simples, avait fait de lui son héritier universel. [6]
Don Jules Barberis avait
été choisi comme premier maître des novices salésiens, parce que Don Bosco
avait découvert en lui un explorateur et un éducateur d’âmes très fin. Ayant
dix ans de moins, il vécut à côté de Michel Rua pendant 49 ans comme disciple,
confrère, confident, ami. Et dans le procès de béatification il photographia
ainsi sa personnalité intime : “Son engagement fut toujours d’entrer dans les
idées de Don Bosco, de renoncer à ses vues personnelles et à ses propres
opinions, pour se conformer” à la manière de voir de Don Bosco. “Dès qu’il sut
qu’il avait l’intention de fonder la Congrégation Salésienne, lui-même
aussitôt, le premier, lui fit voeu d’obéissance”. C’était le 25 mars 1855,
Michel avait 18 ans. “A partir de ce moment-là il ne pensa plus à autre chose
qu’à mettre de côté sa volonté, pour faire la volonté du Seigneur exprimée par
Don Bosco”. [7]
Don Bosco ne lui
commandait rien ; il lui faisait seulement connaître ses désirs. Et, pour
Michel, ils étaient des ordres, sans qu’il pensât à tout ce qu’ils lui
coûteraient. Les désirs de Don Bosco, promptement concrétisés par Michel,
furent l’enseignement de la religion aux jeunes internes, le soin apporté aux
cholériques lors de la terrible épidémie de 1854, l’enseignement du très récent
et compliqué système métrique décimal, l’assistance constante dans le très
vaste réfectoire, dans la cour, à l’église, la direction de l’Oratoire
dominical Saint-Louis lorsque don Leonardo Murialdo dut se retirer, la
transcription, faite de nuit, dans son écriture nette et ordonnée des pages
embrouillées de l’Histoire d’Italie de Don Bosco, et des pages tourmentées des
premières Règles de la Société de Saint François de Sales.
Au début de 1858 Don Bosco
doit descendre à Rome chez le Pape et il fait venir avec lui Michel Rua. Ce
dernier a la mémoire fraîche et souple de ses 21 ans, qui enregistre tout
détail. Il écoute le Pape qui parle avec Don Bosco. Les jours suivants il
accompagne Don Bosco pour la visite à des Cardinaux et à de grandes
personnalités, et il voit l’estime extraordinaire qu’ils ont tous envers lui.
Deux affaires urgentes :
une pour Don Bosco et l’autre pour Michel
Lorsqu’en avril de cette
année 1858 ils reviennent à Turin, il y a deux affaires urgentes à régler. Don
Bosco en prend une pour lui et, l’autre, il la confie à Michel. En partant vers
Rome, Don Bosco avait confié la direction de l’Oratoire à don Vittorio
Alasonatti, un prêtre pieux mais plutôt sévère, qui avait trois ans de plus que
lui et était venu l’aider. Don Bosco avait toujours voulu que l’Oratoire fût
comme une grande famille. Don Alasonatti, pendant les mois d’absence de Don
Bosco, l’avait transformé en une caserne disciplinée. Don Bosco dit à Michel :
“Il faut reconstruire au plus vite la grande famille. Penses-y, toi”. Et lui,
il y pense. Il se donne pour tâche de ‘reproduire Don Bosco’.
Don Bosco, qui suit avec
satisfaction son travail, doit se livrer complètement à la deuxième affaire
urgente : maintenant qu’il a l’encouragement du Pape, il doit fonder la
Congrégation Salésienne. Beaucoup de braves jeunes, qui ont grandi chez lui et
ont été aidés par lui, lui ont promis dans le passé de se dévouer à côté de lui
aux jeunes les plus pauvres, en s’unissant dans une Société. Mais, parvenus au
‘moment crucial’, ils n’ont pas eu le courage d’aller plus avant et ils l’ont
laissé seul. Maintenant Don Bosco, dans les mois qui suivent, doit aller plus
vite, rencontrer en tête à tête la vingtaine de garçons très jeunes qui semblent
décidés à former la première Société Salésienne. Il doit les réunir à part
souvent, parler avec calme, expliquer, clarifier, dissiper des doutes, vaincre
des perplexités. Parfois il y réussit, comme avec Jean Cagliero, parfois il n’y
réussit pas, comme avec Joseph Buzzetti.
Avec Michel Rua, il ne
doit même pas parler. Les jours de décembre 1859, très proches de la première
réunion officielle des ‘inscrits’ à la Société Salésienne, Michel Rua les passe
en faisant la Retraite Spirituelle en vue d’être ordonné Sous-diacre le 17
décembre. Pour lui, cela est évident : au plus vite il sera un prêtre de Don
Bosco.
Le 18 décembre 1859 tombe
un dimanche. Le soir, dix-huit personnes sont rassemblées dans le petit bureau
de Don Bosco : en un tel moment cette salle est la Bethléem salésienne. Est en
train d’être effectuée la réunion de fondation de la “Pieuse Société de Saint
François de Sales”, c’est-à-dire des Salésiens. Les dix-huit personnes prient,
déclarent qu’elles veulent se réunir en Société pour se sanctifier
personnellement et pour donner leur vie aux jeunes laissés à l’abandon et en
danger. Les premières élections ont lieu. Don Bosco, le fondateur, est appelé
par tous à être le premier Supérieur général. Le sous-diacre Michel Rua, à 22
ans, est élu Directeur Spirituel de la Société. Il devra, avec Don Bosco,
travailler à la formation spirituelle des premiers Salésiens. Michel ne prend
pas cette nouvelle fonction comme une charge ‘ad honores’. Jules Barberis, qui
est parmi les plus jeunes et qui suit ses cours de formation, témoigne : “Il
était très diligent pour se préparer à donner les cours et pour nous inciter à
l’étude”. [8]
Une lettre prophétique
sur la petite table de nuit
Le 29 juillet 1860 Michel
Rua est ordonné prêtre. Jean-B[aptiste] Francesia, qui est à côté de lui comme
toujours, témoigne : “Sa préparation fut extraordinaire. Il passa la nuit
précédente en prières et en pieuses méditations”. [9] Le soir de cette journée de fête et
de très grande importance, don Rua monte dans la mansarde qui lui sert de
chambre à coucher, et il trouve sur la petite table une lettre de Don Bosco. Il
lit : “Tu verras mieux que moi l’Oeuvre Salésienne franchir les frontières de
l’Italie et s’établir dans de nombreuses parties du monde. Tu auras beaucoup à
travailler et beaucoup à souffrir ; mais, tu le sais, c’est seulement à travers
la Mer Rouge et le désert qu’on arrive à la Terre Promise. Souffre avec courage
; et, même ici-bas, ne te manqueront pas les consolations et les aides de la
part du Seigneur”.
Devenu ‘don Rua’, il
reprend avec ardeur toutes ses occupations. Jean-B[aptiste] Francesia, à qui la
charge de travail de don Rua semble excessive, dit ces jours-là à Don Bosco :
“Mais pourquoi lui faites-vous faire tant de choses ?”. Il s’entend répondre :
“Parce que, de don Rua, je n’en ai qu’un seul”. [10] D’année en année l’Oratoire devient
une immense maison. Chaque année le nombre des jeunes augmente d’une manière
incroyable. Ils arriveront à 800, dont 360 apprentis. Les Salésiens, qui eux
aussi se développent chaque année, sont engagés dans les écoles, dans les
ateliers, dans les vastes cours de récréation. Pour travailler et coordonner le
travail de tous, tandis que Don Bosco supervise, il y a don Rua.
Don Jules Barberis,
devenu un habile maître des novices, témoignera des années plus tard : “Tant
d’occupations pouvaient enlever à quelqu’un l’espace pour la prière et pour
l’esprit religieux. En don Rua l’esprit de prière et de méditation était comme
inné. L’obéissance à son Supérieur était d’un degré admirable. Il avait à cette
époque-là commencé une vie de mortification et de renoncement à soi-même
vraiment extraordinaire. Moi, qui étais entré depuis peu de temps dans la
Maison de Don Bosco, j’étais émerveillé. Je me rappelle que, lors d’une
conversation avec mes amis, nous étions tous persuadés qu’il était un Saint. Et
même Don Bosco en était persuadé, et il nous le disait”. [11]
Être Don Bosco à
Mirabello Monferrato
En 1863 Don Bosco fit
accomplir à son OEuvre un pas décisif. Elle fonctionnait bien à Valdocco, parce
que, pour la diriger, il y avait la personnalité charismatique et paternelle de
Don Bosco. Mais, transplantée ailleurs, sans Don Bosco, aurait-elle fonctionné
? Au printemps de cette année-là, Don Bosco eut avec don Rua, qui avait 26 ans,
un entretien confidentiel et intense. “J’ai à te demander une grande faveur. En
accord avec l’Evêque de Casale Monferrato, j’ai décidé d’ouvrir un ‘Petit
Séminaire’ à Mirabello. Je pense t’envoyer pour le diriger. C’est la première
oeuvre que les Salésiens ouvrent en dehors de Turin. Il y aura mille yeux à
nous observer. J’ai une totale confiance en toi. Je te donne trois aides : cinq
de nos Salésiens les plus solides, parmi lesquels don Bonetti qui sera ton
‘adjoint’ ; un groupe de garçons choisis parmi les meilleurs, qui viendront de
Valdocco pour continuer leur formation scolaire là-bas, afin d’être le levain
parmi les nouveaux garçons que tu recevras ; et avec toi viendra ta maman”.
Don Rua part en octobre.
Don Bosco lui a écrit quatre pages de conseils précieux qui seront ensuite
transcrits pour tout nouveau directeur salésien : ils sont considérés comme
l’un des documents les plus clairs du système éducatif de Don Bosco. Entre
autres conseils, il a écrit : “Chaque nuit tu dois dormir au moins six heures.
Cherche à te faire aimer avant de te faire craindre. Cherche à passer au milieu
des jeunes tout le temps de la récréation. Si des questions se lèvent à propos
de choses matérielles, dépense tout qui est nécessaire, pourvu que la charité
soit conservée”. Don Rua résume tous ces conseils, qui pour lui sont des
commandements, en une seule phrase : “A Mirabello, je chercherai à être Don
Bosco”.
Quelques mois après, la
chronique de l’Oratoire, sous la plume de don Ruffino, enregistre : “Don Rua à
Mirabello se comporte comme Don Bosco à Turin. Il est sans cesse entouré par
les jeunes, attirés par son amabilité, et aussi parce qu’il leur raconte
toujours des choses nouvelles. Au début de l’année scolaire, il recommanda aux
maîtres de ne pas être pour le moment trop exigeants”. Deux ans après le ‘Petit
Séminaire’ regorge de garçons qui donnent de bons espoirs de vocations
sacerdotales, pour le Diocèse de Casale et pour la Congrégation Salésienne.
Parmi eux il y a Louis Lasagna, un garçon très vif qui deviendrait le deuxième
Evêque missionnaire salésien en Amérique du Sud.
Pendant l’été de 1865,
dans l’Oeuvre Salésienne de Valdocco, les choses ne vont pas bien.
L’administrateur général, don Alasonatti, est en train de mourir ; il
s’éteindra le 7 octobre. Quatre autres Salésiens, parmi les plus valables, ont
été mis hors de combat par le travail stressant. Le nombre des jeunes a dépassé
les 700. La construction du Sanctuaire de Marie Auxiliatrice progresse
rapidement et exige des dépenses de plus en plus grandes. Don Bosco est
submergé par la nécessité de quêter au moyen de voyages, de loteries, avec une
masse énorme de correspondance. Il faut une personne qui prenne bien en main la
situation : la discipline de vie chez les jeunes, la gestion matérielle des
ateliers et des classes, la surveillance des travaux du Sanctuaire. Parmi les
personnes de ce calibre Don Bosco n’en connaît qu’une seule : don Rua. Et il le
fait appeler aussitôt.
Don Provera, un grand
salésien à moitié invalide auquel Don Bosco confie les tâches les plus
délicates et difficiles, arrive à Mirabello. Il entre dans le bureau du
directeur du Petit Séminaire et trouve don Rua qui est en train d’écrire une
lettre. “Don Bosco te demande de laisser la direction à don Bonetti et de venir
tout de suite à Valdocco. Don Alasonatti est en train de mourir. Quand tu es
prêt, nous partons”. Don Rua appelle don Bonetti et lui passe les consignes.
Puis il va saluer les jeunes qui sont dans les classes. Il embrasse sa maman,
en lui disant : “Don Bosco m’appelle. Pour le moment, toi, reste ici, la
cuisine et la lingerie ont besoin de toi. Ensuite je te ferai savoir”. Il prend
son Bréviaire et dit à don Provera: “Je suis prêt, allons”.
Le P. Wirth note avec
finesse : “L’expérience de Mirabello servit à développer son esprit
d’initiative, qui serait peut-être resté un peu trop voilé à l’ombre du maître” [12]
Dans l’action de don Rua
à Mirabello il y avait aussi cependant quelque chose de plus : elle était la
preuve que l’OEuvre de Don Bosco pouvait être transplantée, pouvait vivre et
prospérer même sans la présence physique de Don Bosco, pourvu qu’à la direction
il y eût une personne valablement munie de qualités salésiennes : c’est
pourquoi l’expérience réussie de don Rua ouvrit des horizons sans limites pour
les Œuvres Salésiennes.
“Tu seras Don Bosco ici,
à l’Oratoire”
Don Rua arrive à Valdocco
sans bruit. Il a un long entretien avec Don Bosco qui lui dit en synthèse : “Tu
as été Don Bosco à Mirabello. A présent tu le seras ici, à l’Oratoire”. Sur les
frêles épaules du fils, le père met avec confiance toute responsabilité :
écoles, ateliers, jeunes salésiens à former et à exhorter aux études et aux
examens, la publication des Lectures Catholiques qui chaque mois doivent
parvenir à des milliers d’abonnés, la construction imposante du Sanctuaire, la
majeure partie de la correspondance qui lui est adressée, que don Rua doit
lire, annoter et confier à un Salésien de confiance pour une réponse. “Je dois
aller de nouveau à Rome pour l’approbation de nos Règles. Je serai absent
pendant plus ou moins deux mois, et avec moi je prendrai don Francesia. Je te
laisse tout. Autour de toi il y a d’excellents salésiens. Vois quelles sont leurs
qualités, choisis et mets-les à travailler là où tu crois que c’est le mieux.
En plus de travailler, tu devras coordonner le travail des autres”.
Don Rua se lève très tôt.
Il dit la Messe, fait la méditation à genoux et prie comme un ange. Puis il se
met au travail avec cette concentration que lui seul possède. Les Salésiens et
les jeunes qui ne le voyaient plus depuis deux ans, s’aperçoivent que quelque
chose de profond a changé en lui. Il n’est plus le ‘préfet de discipline’ Au
milieu des quatre-vingts garçons de Mirabello et à présent au milieu des sept
cents de Valdocco, il a appris à être comme Don Bosco le ‘directeur-père’. La
main qui empoigne le commandement est ferme, mais la manière de faire est
pleine de gentillesse et d’affection.
Les engagements sont
vraiment nombreux. Ils deviennent éreintants dans les mois où l’on doit
terminer la construction du Sanctuaire de Marie Auxiliatrice : automne 1866,
pose de la dernière pierre de la coupole ; huit mois de travaux intenses pour
les constructions et pour les finitions intérieures ; 9 juin 1867, inauguration
solennelle suivie de huit jours de cérémonies de très haut niveau. “Tout ce
mois de juin, – note avec attention le P. A. Auffray – il ne dormit pas plus de
quatre heures par nuit, tellement il avait à prévoir, organiser, décider,
surveiller, encourager!” [13], tandis que Don Bosco était submergé par
une foule de personnes qui voulaient parler avec lui, avoir une bénédiction de
sa main, obtenir de Notre-Dame une grâce, apporter une offrande.
2. DON RUA : “LA RÈGLE VIVANTE”
Tout le travail est fini.
Est-ce aussi la fin de don Rua ?
Quand tous les travaux du
Sanctuaire furent finis, il sembla que c’était aussi la fin de don Rua. Un
matin de juillet, dans la chaleur torride du juillet turinois, au moment de
passer la grande porte de l’Oratoire pour sortir, il tomba dans les bras d’un
ami qui se trouvait à ses côtés. ‘Péritonite foudroyante’ déclara le médecin
qu’on avait appelé aussitôt. ‘Plus rien à faire. Donnez-lui l’Extrême Onction’.
La pénicilline était encore à inventer, la chirurgie en était encore à ses
débuts. Don Rua, ayant une température élevée et souffrant beaucoup, réclamait
Don Bosco ; mais ce dernier était en ville. On alla le chercher. Quand il
arriva et qu’on lui eut dit que don Rua était à sa fin, il fit des gestes
incompréhensibles. Il y avait les jeunes dans l’église pour la récollection
mensuelle et il alla tout droit pour les confesser. ‘Soyez tranquilles, don Rua
ne part pas sans ma permission’, dit-il en entrant dans l’église. Il en sortit
très tard et, au lieu de se rendre à l’infirmerie, il alla prendre le modeste
repas du soir mis de côté. Puis il monta dans sa chambre pour poser son sac
avec les documents, et finalement, tandis que tous étaient sur des charbons
ardents, il alla au chevet de don Rua. Il voit le petit vase des Saintes Huiles
et se met presque en colère : “Quel est le brave garçon qui a pensé à cela ?”.
Puis il s’assied à côté de don Rua et lui dit : “Je ne veux pas, tu entends
bien, je ne veux pas que tu meures. Tu as trop à faire encore. [...] Don Rua
doit guérir : il a trop à faire à côté de moi [...] Écoute bien ; même si on te
jetait tel quel par la fenêtre, je t’assure que tu ne mourrais pas”. [14] Francesia et Cagliero avaient tout
vu et entendu, et en eux mûrit la conviction que Don Bosco, qui parlait dans
ses rêves avec Notre- Dame et lui arrachait des faveurs impossibles, avait eu
la garantie que ‘ce garçon’, le seul à survivre à tous ses frères, Notre-Dame
le laisserait à côté de lui pendant toute sa vie.
Le 14 août 1876, “à la
fin du souper, un salésien lui demanda à brûle-pourpoint : « Est-ce vrai, Don
Bosco, que plusieurs de vos fils sont morts victimes du travail ? »”. Don Bosco
répondit : “Si c’était vrai [...] la Congrégation ne s’en porterait pas plus
mal, au contraire. Mais ce n’est pas vrai. [...] Un seul d’entre vous pourrait
mériter, voyez-vous, ce titre de victime du travail, et c’est don Rua, mais,
Dieu merci, le bon Dieu nous le conserve encore assez vigoureux”. [15]
Don Bosco lui transmet
son esprit et son coeur
Après trois semaines de
convalescence, don Rua redevient, délicat et fort comme avant, le fils de Don
Bosco le plus fidèle, et Don Bosco lui confie d’année en année les charges les
plus importantes : le choix et la formation de ceux qui demandent à entrer chez
les Salésiens, la désignation des confrères aux différentes Œuvres qui sont en
train d’être ouvertes dans le nord de l’Italie, la première visite à ces Œuvres
en 1872 pour les orienter et les maintenir sur la voie de l’authentique réalité
salésienne. En 1875, il partage avec lui la préparation de la première
expédition missionnaire en Amérique du Sud. En 1876, il lui confie la Direction
générale des Filles de Marie Auxiliatrice, fondées quatre ans auparavant, en
remplacement de don Cagliero parti pour les missions. Il le veut avec lui dans
les grands et très fatigants voyages qu’il accomplit, en quêtant en France et
en Espagne. Jour après jour, Don Bosco ‘fait’ de don Rua son successeur à la
tête de la Congrégation Salésienne. Plus avec les attitudes qu’avec les mots,
il lui transmet ses pensées, ses orientations, sa manière d’aborder les choses,
sa confiance totale et sereine en Dieu et en Marie Auxiliatrice. Spécialement
dans les derniers voyages, Don Bosco s’entretient en toute intimité avec lui,
lui parle du présent et de l’avenir, de la Congrégation Salésienne qui est
l’oeuvre de Notre-Dame. Eux deux ne doivent pas la considérer comme leur
oeuvre, mais seulement l’aimer et la préserver du mal et de la déchéance, en
approchant les confrères, en les encourageant à observer les Règles comme une
voie qui conduit au salut et à la sainteté. En un mot : Don Bosco lui transmet
son esprit et son coeur. “Don Rua trouva sa voie spirituelle dans la
contemplation de Don Bosco”. [16]
Devenir Don Bosco jour
après jour
Au milieu du cumul de ses
fonctions, pendant toutes ces années, don Rua est sans cesse le Directeur des
très nombreux jeunes qui remplissent Valdocco : étudiants, apprentis, candidats
salésiens, très jeunes salésiens. Don Rua s’efforce de ‘devenir Don Bosco’ en
tout, même dans le comportement extérieur. Certes, l’aspect physique et le
tempérament sont différents. “Ses manières, sa voix, ses traits, son sourire ne
dégageront jamais cette mystérieuse fascination qui attirait et enchaînait la
jeunesse à Don Bosco ; mais [...] il demeurera [...] le père attentif et bon,
dont le soin quotidien est de comprendre, d’encourager, de soutenir, de
pardonner, d’éclairer, d’aimer”, comme il avait commencé à l’être à Mirabello [17] Et les jeunes de Valdocco, capables
de deviner infailliblement comme le sont tous les jeunes du monde lorsqu’il
s’agit de comprendre qui les aime et qui au contraire ‘fait seulement
semblant’, démontrèrent par les faits qu’ils reconnaissaient en lui un ami
rempli de sentiments paternels.
A côté du confessionnal
de Don Bosco, dans la sacristie du Sanctuaire de Marie Auxiliatrice, il y avait
celui de don Rua. Et, chaque matin pendant trente ans, des jeunes cherchèrent à
le rencontrer, en s’entassant devant son confessionnal : presque comme cela se
produisait devant celui de Don Bosco. Et quand il guérit miraculeusement de sa
grave maladie et qu’il recommença à apparaître timidement sous les arcades, il
fut entouré par la joie émue de groupes successifs de jeunes. A l’heure des
récréations, comme il le faisait régulièrement à Mirabello, il recommença à
être présent au milieu des jeunes, en se montrant le plus gai et le plus enjoué
des Salésiens. Au début il n’osa pas encore se lancer dans les courses
tumultueuses du ‘jeu de barres’, mais il s’accroupissait parmi les plus petits,
occupé à effectuer avec un pouce nerveux des tirs sur des quilles de terre
cuite, et, dans les belles soirées de cet été-là, sous le ciel parsemé
d’étoiles, mêlé au milieu des choeurs de voix jeunes, il chantait de toute son
âme et avec un immense délice.
Animer une foule
semblable de jeunes en faisant d’eux une grande famille, comme le voulait sans
cesse Don Bosco, parce que c’était son système éducatif, n’était pas toujours
une chose facile. Il fallait donner de l’élan aux meilleurs, les encourager à
se réunir en des groupes d’apostolat, comme la Compagnie de l’Immaculée, comme
celles du Très Saint Sacrement, de Saint Joseph, de Saint Louis, comme le Petit
Clergé, les signaler au moyen de votes secrets généraux qui permettaient
d’indiquer les plus braves en conduite comme étant dignes de petites
récompenses, les présenter discrètement comme des exemples à suivre. Ce sont
ces élites qui entraînent la masse ! Don Rua et les Salésiens connaissaient et
employaient très bien ces instruments d’éducation, que Don Bosco avait employés
avec eux quand ils étaient des jeunes gens.
Il fallait aussi pousser
les enfants médiocres, et diriger avec rigueur les plus mauvais, qu’il y a
toujours dans une masse. Pour mener cette action don Rua présidait chaque
semaine une réunion des assistants et des enseignants. Sur un registre on
notait les corrections à faire, les désordres à prévenir, les encouragements à
suggérer. De la plus grande partie de ces interventions don Rua s’occupait les
jours suivants. “Don Rua, disait un de ses élèves d’alors, était estimé et aimé
comme un père. La raison en était qu’il nous traitait tous avec bonté. Quand il
devait faire une correction, adresser un reproche, imposer une punition, il
savait mêler le doux à l’amer, l’éloge au blâme, reportant, par exemple, les
yeux du coupable sur son passé sans tache, ou évoquant devant lui un avenir
réparateur. Aussi, la plupart du temps, celui-ci témoignait-il immédiatement de
son repentir et de son ferme propos, même avant la punition. Elle devenait
alors pleinement inutile, souvent même on n’en parlait plus, pour la plus
grande joie du délinquant, qui partait de cette chambre le coeur conquis, et
plein d’admiration pour la bonté de son supérieur”. [18]
Mais ce serait une grave
erreur de considérer l’Oratoire comme un lieu où l’on devait recourir aux
châtiments pour tenir en ordre les jeunes. Parmi ces garçons croissaient les
grands Salésiens, qui d’année en année portaient et porteraient la lumière de
la foi dans toute l’Amérique méridionale jusqu’au seuil du Pôle Sud. La
deuxième génération de Salésiens, qui se répandrait bien vite dans une douzaine
de nations d’Europe, d’Amérique et d’Asie, était en train de grandir dans cette
masse de garçons qui remplissaient les salles et faisaient nombre dans les
groupes apostoliques, qui criaient joyeux dans les parties tumultueuses du ‘jeu
de barres’, qui, à l’église, priaient comme des anges et, au moment du goûter,
vidaient les grandes corbeilles de pain fleurant bon sorti des fours installés
sous le Sanctuaire et qui, le soir, chantaient gaiement sous les étoiles.
C’était une constellation de noms prestigieux : depuis les ‘jeunes gens’ Unia,
Milanesio, Balzola, Gamba, Paseri, Rota, Galbusera, Rabagliati, Fassio,
Caprioglio, Vacchina, Forghino ... jusqu’aux ‘jeunes garçons’ Versiglia et
Variara, que nous vénérons aujourd’hui parmi les saints et les bienheureux. Il
y avait parmi eux des garçons qui n’avaient rien à envier à saint Dominique
Savio.
En 1876 – raconte don
Vespignani dans une page mémorable de son ouvrage “Un anno alla scuola di Don
Bosco” [Un an à l’école de Don Bosco] – vint depuis le Brésil rendre visite à
Don Bosco l’Évêque de Rio de Janeiro, Pierre Lacerda. Il avait fait une lecture
à propos de Dominique Savio et il avait été frappé par les dons extraordinaires
que Dieu lui avait donnés. Il fit à Don Bosco une demande hallucinante : celle
de pouvoir parler avec quelques garçons qui fussent bons comme Dominique,
“parce que, disait-il, j’ai besoin qu’ils dissipent en moi certaines craintes
que j’ai sur mes responsabilités devant Dieu. Don Bosco fit venir devant lui
cinq garçons au visage serein, tous respectueux envers l’Évêque, et ouverts et
francs”. [19] L’Évêque de
Rio exposa à chacun d’eux “sa situation : une ville immense, presque un million
d’âmes à sauver, très peu de prêtres, beaucoup d’ennemis de Dieu réunis en
sectes ; tandis qu’il prêchait, il avait été lapidé ... Lui, Évêque, avait-il
des responsabilités, des fautes ? ... Ils furent presque abasourdis à entendre
cette horrible description. Mais tous m’innocentèrent de toute faute – me
raconta l’Évêque – et m’enlevèrent le grand poids de la responsabilité, en me
promettant qu’ils prieraient”. [20] C’étaient là
les garçons qui vivaient à Valdocco sous la direction affectueuse de Don Bosco
et de don Rua. De toute façon Don Bosco comprit que la fonction de ‘correcteur’
pouvait nuire au personnage de don Rua, en qui devait briller seulement la
paternité douce et aimable, en vue de devenir bientôt le ‘deuxième Père’ de la
Congrégation. Et cette charge fut confiée à d’autres.
Les ‘Règles’ approuvées
par Rome deviennent la voie de la sainteté
Le 3 avril 1874 Valdocco
s’est rempli de fête : un télégramme de Don Bosco envoyé de Rome annonçait que
le Saint-Siège avait approuvé définitivement les ‘Règles’ de la ‘Pieuse Société
de Saint François de Sales’. Les Salésiens naissaient officiellement dans
l’Église et se trouvaient à côté des grandes familles religieuses nées au cours
des siècles : les Bénédictins, les Franciscains, les Dominicains, les Jésuites
... Ce mince livret de 47 pages, divisé en 15 chapitres courts, constituait la
voie que le Seigneur, par l’intermédiaire du Pape, assignait aux Salésiens
comme ‘voie de la sainteté’. Parmi les 15 chapitres courts se distinguaient les
trois d’importance centrale, qui fixaient les lignes de la consécration au
Seigneur au moyen des voeux d’obéissance, de pauvreté et de chasteté. Dans la
lettre par laquelle il présentait les Règles à ses fils, Don Bosco écrivait :
“Dans l’observance de nos Règles, nous reposons sur des bases solides,
inébranlables et pour ainsi dire infaillibles, puisqu’il est infaillible le
jugement du Chef suprême de l’Église qui les a sanctionnées”.
A partir de ce moment-là
– déposent les témoins – don Rua fut très fidèle dans l’observance. Chaque
disposition fut par lui traduite dans la pratique avec une extraordinaire
exactitude. Il fut même appelé d’un nouveau nom : ‘la Règle vivante’. Pour lui,
il n’y avait pas de distinctions entre les règles, celles plus importantes et
celles moins importantes. Il affirmait : “Aucune chose ne peut être dite petite
dès lors qu’elle est contenue dans la Règle”.
Don Jules Barberis
apporta pendant le procès de béatification de don Rua ce témoignage : “Quand
les Règles furent approuvées par le Saint-Siège, il opta pour considérer que le
Seigneur lui-même les avait rédigées, et il se serait retenu gravement coupable
s’il en avait transgressé même une seule ... Ni moi ni ses compagnons avec
lesquels il eut à traiter, nous ne pouvons affirmer l’avoir vu accomplir une
désobéissance ... C’est sans cesse que fut à admirer la promptitude qu’il eut
pour obéir, même dans les petites règles, par exemple dans le silence ... Il ne
pensa pas à autre chose qu’à détruire en lui-même la volonté propre, pour faire
en tout la volonté du Seigneur”. [21] “Il insistait
en nous disant que le Seigneur ne prétend pas de nous des choses
extraordinaires, mais la perfection dans les petites choses, qu’il veut
l’exécution de chaque règle, en accordant à chaque règle une importance très
grande, et que c’était le moyen pour construire le grand édifice de la
sainteté”. [22]
Don Jean-B[aptiste]
Francesia, son compagnon depuis les premiers jours de l’Oratoire et son ami
intime, témoigna : « Il fut très exemplaire dans l’observance des Règles de
notre Pieuse Société ... L’obéissance aux Règles était pour lui supérieure à
toute considération. L’amour qu’il portait aux Règles lui faisait sortir du
coeur un langage très tendre : ‘Dieu nous a donné un code qui nous sert de
guide sur les chemins du Paradis. Aimons beaucoup ce code, consultons-le
souvent et, quand nous arrêtons de le lire, portons-lui un baiser avec une
expression d’amour et de reconnaissance envers Dieu’ ». [23]
“Don Rua m’étudiait et,
moi, j’étudiais don Rua”
Don Joseph Vespignani,
qui sera un très grand salésien et un très grand missionnaire en Amérique du
Sud, arriva à Valdocco en 1876. Jeune prêtre de 23 ans, il était venu de Faenza
pour rester avec Don Bosco. Dans son ouvrage simple “Un anno alla scuola di Don
Bosco” [Un an à l’école de Don Bosco], il nous a donné un tableau très vivant
de l’activité de don Rua, dont il fut dans les premiers temps l’un des
secrétaires. Avec la sensibilité qu’en général n’a pas quelqu’un qui vit la
banalité de la vie de tous les jours, il photographia l’atmosphère et
l’ambiance de Valdocco, animées par la présence de deux saints, Don Bosco et
don Rua.
“Dès le premier jour –
écrit-il – je m’appliquai de tout mon coeur aux ordres de mon cher supérieur
don Rua. Que de choses j’ai apprises à son école de piété, de charité,
d’activité salésienne ! Son école était une chaire de doctrine et de sainteté ;
mais elle était surtout une salle d’exercices de formation salésienne. Jour
après jour, j’admirais de plus en plus en don Rua la ponctualité, la constance
inlassable, la perfection religieuse, l’abnégation jointe à la douceur la plus
suave. Que de charité, que de belles manières pour orienter l’un de ses
subordonnés dans la charge qu’il voulait lui confier ! Quelle étude délicate,
quelle acuité pour en connaître et en expérimenter les aptitudes afin de les
éduquer de manière à les rendre utiles à l’Oeuvre de Don Bosco ! ...
Le bureau de don Rua
était un lieu de piété et de prière. Dès qu’on y entrait, il récitait
dévotement l’Ave Maria et lisait ensuite une courte pensée de saint François de
Sales ; il terminait de la même manière, par la lecture d’une maxime de notre
Saint et l’Ave Maria. Le matin il nous préparait un bon nombre de lettres qu’il
avait annotées. Souvent il y en avait que Don Bosco avait annotées lui-même :
ce dernier remettait au jugement de don Rua de faire aboutir les commissions,
les acceptations gratuites de jeunes gens, le remerciement pour des offrandes,
les demandes de candidats. Je répondais selon les indications marginales, en me
considérant heureux de pouvoir interpréter la pensée et les sentiments des
Supérieurs et aussi d’en imiter le style bref, doux et allant à l’essentiel,
qui, je le voyais, est propre aux Salésiens. Ainsi don Rua m’étudiait pour me
rendre habile aux devoirs de ma vocation ; mais, moi aussi, je l’étudiais et en
lui j’étudiais Don Bosco, dont il apparaissait être un fidèle interprète et un
vivant portrait en chaque partie de sa conduite ... Le travail lui-même
alternait et était assaisonné avec des sentiments de piété, parce que toutes
ces brèves annotations de Don Bosco et de don Rua, que je devais développer
dans les lettres de réponse, s’inspiraient de la foi et de la confiance dans le
Seigneur et dans la Très Sainte Vierge Marie : elles étaient de véritables invitations
à prier, à se résigner, à tout recevoir de la main de Dieu, à se reposer sur la
divine Bonté ; on consolait, on encourageait, on conseillait ; on promettait
des prières, on donnait l’assurance des prières des jeunes gens et de la
bénédiction de Don Bosco. Souvent on donnait des avis et des suggestions pour
des vocations, on indiquait les conditions pour être accepté comme candidat ou
comme fils de Marie ... On y exerçait donc un véritable apostolat de piété et
de charité, tandis qu’on y apportait une aide au commandement suprême,
c’est-à-dire à la direction générale de toute l’Oeuvre de Don Bosco.
En outre, cette pièce
recevait la visite de Prêtres et de Directeurs, de Coopérateurs de toute
condition, ainsi que celle de jeunes gens. S’il ne s’agissait pas de questions
réservées, le secrétaire écoutait lui aussi les visiteurs, en complétant de
plus en plus ses notions sur le mouvement, intérieur comme extérieur, de
l’Oratoire et en apprenant comment on fait pour chercher en toute chose la
gloire de Dieu et le bien des âmes ... La chambre-bureau de don Rua fut pour
moi un haut lieu d’observation, d’où je découvrais tout le mouvement
caractéristique de la Société Salésienne ; elle fut comme le pont d’un grand
bateau, où se tient le capitaine, qui étudie la route pour éviter les écueils
et viser de façon sûre vers le port, et qui en même temps donne les ordres pour
le gouvernement de tous ces gens ... Auprès de don Rua se formait pour moi une
idée grandiose et belle de tout ce qu’était la Congrégation et de l’Oeuvre de
Don Bosco tout entière”. [24]
De là-haut Vespignani put
observer les cours remplies de garçons, qui, en union avec leurs assistants,
vaquaient à divers jeux ou à de joyeuses conversations. Il continue : « Il me
fut expliqué comment ces prêtres et ces jeunes abbés suivaient, dans les
classes et dans l’étude, un système particulier ou une méthode spéciale pour
amener leurs disciples à l’accomplissement de leurs devoirs. De même dans les
ateliers. Don Rua prenait beaucoup à coeur la formation des jeunes abbés, dont
les cours de philosophie et de théologie étaient l’objet de ses sollicitudes.
‘Voilà, pensais-je, comment est accompli le travail par tous ces Salésiens,
prêtres, jeunes abbés et coadjuteurs, avec un même but et tous étant d’accord
dans l’unique intention de sauver les âmes’ ». [25] Il apprit aussi la manière dont on
vivait chez les Salésiens. Quand don Rua l’envoya chez don Bologna, qui était
le Préfet des externes, pour que ses coordonnées personnelles fussent portées
dans le registre général, don Bologna, en entendant l’âge, 23 ans, le regarda
fixement ; et, sur un ton de gaieté, “il me dit : ‘Et comment donc Vous
comportez-vous avec tant de sérieux ?’ (à l’époque, dans les Séminaires, on
enseignait que les prêtres devaient garder la ‘gravité sacerdotale’). Ces mots
me firent réfléchir sur l’air que je devrais prendre sur mon visage, dans mes
paroles et dans mes manières de faire pour me donner un aspect salésien et de
vrai fils de Don Bosco. Autour de moi tous souriaient, y compris Don Bosco :
tous me regardaient et venaient à ma rencontre en amis et en frères ; ils
semblaient des connaissances et des amis de vieille date”. [26]
“J’avais lu dans les
Règles que de temps en temps il convenait que les Salésiens aient un entretien
avec leur Supérieur et Père au sujet de choses spirituelles”. Mais Don Bosco
était très occupé et il demanda à don Rua, qui était Directeur, que cet
entretien pût se faire avec lui. Ce dernier devait aller à Valsalice pour
confesser les garçons. Il lui dit : “Prends ton chapeau et allons-y. Chemin
faisant, nous nous parlerons”. “C’est ainsi que se produisit mon premier
rendement de comptes”. Don Rua lui demanda ce qui lui avait fait bonne
impression, lors des premiers jours, et ce qui au contraire l’avait mal
impressionné. “Ce qui a provoqué en moi le plus d’admiration a été non
seulement de voir la sainteté de Don Bosco, mais aussi de trouver partout des
supérieurs si unis à lui, ou plutôt, disons- le même, si semblables à lui dans
le comportement, dans la manière de faire et de traiter, de sorte précisément
qu’en tout et pour tout on reconnaisse l’esprit du fondateur et du Père”. “Tu
as raison, mon cher ; cette unité de pensée, d’affection et de méthode vient de
l’éducation sur un style de famille que Don Bosco a donné aux siens, en gagnant
nos coeurs et en y imprimant tout son idéal. Et de désagréable ?” “Pour moi,
tout fut édifiant. Le petit clergé, le groupe de musiciens, et surtout les
Compagnies de saint Louis, de Saint Joseph, du Très Saint Sacrement ... Leurs
membres exercent une influence salutaire sur leurs camarades”. [27]
La main de Don Bosco dans
celle de don Rua
De 1875 à 1885, ce fut
pour Don Bosco la décennie la plus intense qu’il vécut, mais il consume aussi
inexorablement sa vie. A côté de lui, de plus en plus son bras droit, don Rua
travaille avec intensité et silence, en recevant des responsabilités de plus en
plus grandes. Jour après jour, il devient aux yeux de tous ‘le second Don
Bosco’. En 1875 part vers l’Amérique du Sud la première expédition missionnaire
salésienne. Au cours des années suivantes Don Bosco fonde les Coopérateurs
Salésiens et commence le ‘Bulletin Salésien’ ; partent pour les missions les
premières Filles de Marie Auxiliatrice, desquelles don Rua est le Directeur
général ; don Jean Cagliero devient le premier Évêque salésien ; et don Rua est
élu par le Pape ‘Vicaire’ de Don Bosco, prêt à lui succéder. C’est lui qui,
dans la nuit entre le 30 et le 31 janvier 1888, prend la main de Don Bosco
mourant et la guide dans la dernière bénédiction donnée à la Famille
salésienne. La main que Don Bosco tendait à un jeune garçon en lui disant :
“Prends, mon petit Michel, prends”, est là, à présent serrée pour la dernière
fois, dans la main du petit Michel devenu son vicaire ; et il lui remet tout,
tout ce qu’il a réalisé sur la terre pour le Royaume de Dieu.
3. DON RUA : LA FIDÉLITÉ À LA VIE
CONSACRÉE “PENDANT TOUTE LA VIE”
Dans la lettre envoyée le
30 décembre 1887 à tous les Salésiens pour donner les dernières nouvelles sur
la santé de Don Bosco, don Rua écrivait : “Hier soir, dans un moment où il
pouvait parler avec le moins de difficulté, tandis que nous étions autour de son
lit, Mgr Cagliero, don Bonetti et moi-même, il dit entre autres choses : Je
recommande aux salésiens la dévotion à Marie Auxiliatrice et la Communion
fréquente. J’ajoutai alors : Cela pourrait servir comme étrenne du nouvel an à
envoyer à toutes nos Maisons. Il reprit : Que cela soit pendant toute la vie”. [28] Toute suggestion de Don Bosco était
pour don Rua un ordre. Ces paroles, qui étaient la suite cohérente de toute une
vie, don Rua les grava dans son coeur : elles constituaient la route sur
laquelle Don Bosco lui ordonnait de faire cheminer la Congrégation ‘pendant
toute la vie’. Don Rua fut comme toujours très fidèle à la consigne : Jésus
Eucharistie, Marie Auxiliatrice, en même temps que les trois voeux et que la
fidélité totale à Don Bosco. Par son exemple héroïque, et pas seulement par sa
parole il attesterait sans cesse que telle était la route salésienne vers la
sainteté.
Fidélité féconde à Don
Bosco
Plus d’un Cardinal à
Rome, à la mort de Don Bosco, survenue le 31 janvier 1888, était persuadé que
la Congrégation salésienne s’étiolerait rapidement ; don Rua n’avait que 50
ans. Il valait mieux envoyer à Turin un Commissaire pontifical pour préparer
l’union des Salésiens avec une autre Congrégation de tradition éprouvée. “En
grande hâte – témoigna sous serment don Barberis – Mgr Cagliero réunit le
Chapitre (ou plutôt le Conseil Supérieur de la Congrégation) avec quelques-uns
des plus anciens et une lettre fut rédigée au Saint-Père dans laquelle tous les
Supérieurs et tous les anciens déclarèrent que tous d’accord ils accepteraient
comme Supérieur don Rua, et non seulement ils se soumettraient, mais ils
l’accepteraient avec une grande joie. J’étais au nombre des signataires ... Le
11 février, le Saint-Père confirmait et déclarait que don Rua serait en charge
pendant douze ans selon les Constitutions”. [29]
Le Pape Léon XIII avait
connu personnellement don Rua et il savait que les Salésiens sous sa direction
continueraient leur mission. Et il en fut ainsi. Les Salésiens et les oeuvres
salésiennes se multiplièrent comme les pains et les poissons entre les mains de
Jésus. Don Bosco pendant sa vie avait fondé 64 oeuvres ; don Rua les porta à
341. Les Salésiens, à la mort de Don Bosco, étaient au nombre de 700 ; don Rua,
en 22 ans de direction générale, les porta au nombre de 4 000. Les missions
salésiennes, que Don Bosco avait tenacement voulues et commencées, s’étaient
étendues pendant sa vie à la Patagonie et à la Terre de Feu ; don Rua multiplia
l’élan missionnaire, et les Salésiens missionnaires atteignirent les forêts du
Brésil, l’Équateur, le Mexique, la Chine, l’Inde, l’Égypte et le Mozambique.
Pour que, malgré ces
énormes distances, la fidélité à Don Bosco ne diminuât pas, don Rua n’eut pas
peur de voyager en long et en large sur les trains inconfortables de l’époque,
toujours en classe populaire. Toute sa vie fut constellée de voyages. Don
Barberis témoigne : “Dans ses diverses pérégrinations il me prit comme
compagnon de route. Don Rua rejoignait ses Salésiens partout où ils étaient, il
leur parlait de Don Bosco, ravivait en eux son esprit, s’informait
paternellement, mais soigneusement, de la vie des confrères et des Œuvres, et
laissait par écrit des directives et des avertissements pour que fleurît la
fidélité à Don Bosco”. “Et non seulement il s’occupait du bien de la
Congrégation à l’extérieur – continue à témoigner don Barberis – mais sa
principale pensée était de consolider de mieux en mieux la Congrégation à
l’intérieur. Dans ce but, en 1893, il se fit accompagner par moi-même et par
deux autres supérieurs, et il nous conduisit à Rivalta Torinese, afin que
fussent établis par nous tous ensemble différents moyens pour pouvoir faire
progresser de plus en plus la Congrégation, grâce à des retouches apportées aux
règlements et à des ajouts qui étaient jugés nécessaires”. [30]
Jésus : nourriture dans
l’Eucharistie et amour miséricordieux dans son Coeur
Dans la lettre-testament
qu’il écrivit pour tous les Salésiens avant de mourir, Don Bosco affirmait :
“Votre premier supérieur est mort. Mais notre vrai supérieur, Jésus-Christ, ne
mourra pas. Il sera toujours notre maître, notre guide, notre modèle. Mais
souvenez- vous aussi qu’un jour il sera notre juge et le rémunérateur de notre
fidélité à son service”. [31]
Cela fut, depuis son
enfance, une conviction de Michel Rua. Dans la lettre circulaire qu’il envoya
le 21 novembre 1900, il évoque et développe ces paroles en disant à tous les
Salésiens : “Qu’y a-t-il donc de plus sublime au monde que d’exalter en nous et
de faire connaître et exalter par les autres l’immense amour de Jésus dans la
rédemption ; que d’exalter en nous et de faire connaître et exalter par les
autres l’amour de Jésus dans sa naissance, dans sa vie, dans ses enseignements,
dans ses exemples, dans ses souffrances ..., dans l’institution de la Très sainte
Eucharistie, dans le fait de supporter sa très douloureuse passion, dans son
geste de nous laisser Marie pour mère, dans sa mort pour nous..., et, je
dirais, plus encore dans sa volonté de rester avec nous jusqu’à la fin des
temps dans l’adorable Sacrement de l’Autel”. [32]
Sur son amour envers
Jésus dans l’Eucharistie, les témoins intervenant au procès de béatification
sont très explicites. Don Jean- B[aptiste] Francesia et Don Barberis affirment
qu’à son arrivée dans une maison salésienne, sa première demande était :
“Conduisez- moi à l’endroit où je pourrai saluer le Maître de maison”. Et par
là il entendait l’église, où il s’agenouillait un long moment devant le
tabernacle. Don Francesia ajoute que souvent il passait une ‘grande partie de
la nuit’ pour tenir compagnie – comme il disait – au Solitaire du Tabernacle.
Il témoigne encore : « Il voulait que le Très saint Sacrement fût au centre de
tous nos coeurs. Il répétait : ‘Formons-nous un tabernacle dans notre coeur et
tenons-nous sans cesse unis au Très saint Sacrement’ ». [33]
La fête du Sacré-Coeur de
Jésus, instituée en 1856, répandit de plus en plus dans le monde chrétien le
culte envers ce symbole de l’amour miséricordieux de Jésus. Le Pape Léon XIII
donna une impulsion particulière à ce culte et, spécialement dans les jours qui
marquaient le passage du XIXème siècle au XXème, il exhorta tous les chrétiens
à exprimer leur consécration au Coeur de Jésus au moyen d’une ample formule de
consécration qu’il avait lui-même composée. Don Rua voulut que dans la nuit
entre le 31 décembre 1899 et le 1er janvier 1900 les Salésiens, les Filles de
Marie Auxiliatrice, les Coopérateurs et tous les jeunes des oeuvres salésiennes
accomplissent ce geste de consécration. Dans le Sanctuaire de Marie
Auxiliatrice, lui-même avec les Supérieurs majeurs, les Salésiens et les
jeunes, passa cette nuit en prière, et vers minuit sa voix unie à celles de
tous les présents, prononça lentement et solennellement l’acte de Consécration.
“Tout ce que nous avons,
nous le devons à la Très Sainte Vierge Marie Auxiliatrice”
Michel Rua devint le
premier Salésien en un jour de l’Annonce de l’Ange à Marie. Il le rappelle
lui-même lors de sa déposition au Procès de béatification de Don Bosco : “En
1855, le jour de l’Annonce de l’Ange à la Très Sainte Vierge Marie, moi, le
premier, tandis que j’effectuais la deuxième année de philosophie, j’émis les
voeux pour un an”. En vivant à côté de Don Bosco pendant 36 ans, il se pénétra
de son esprit, dont une composante essentielle était la dévotion à Marie Auxiliatrice.
Le témoin Lorenzo Saluzzo affirme : « Je me rappelle d’une manière spéciale
avoir entendu le Serviteur de Dieu prononcer ces paroles : ‘On ne peut pas être
un bon Salésien, si l’on n’est pas un dévot de Marie Auxiliatrice’ ». [34]
Don Bosco construisit le
Sanctuaire de Marie Auxiliatrice, don Rua le fit restaurer, embellir, décorer.
Le solennel ‘couronnement’ de la statue de Marie Auxiliatrice qui eut lieu dans
le Sanctuaire de Valdocco en 1903, fut obtenu du Pape par ses soins, et
accompli par la main du Cardinal Richelmy, Légat Pontifical. Le 17 février, il
annonçait aux Salésiens le grand événement en disant : “Cherchons à nous rendre
moins indignes de notre céleste Mère et Reine, et prêchons-en avec un zèle de
plus en plus grand les gloires et la maternelle tendresse. Elle inspira et
guida prodigieusement notre Don Bosco dans toutes ses grandes entreprises ;
Elle continua et continue sans cesse cette maternelle assistance dans toutes
nos oeuvres, et c’est pourquoi nous pouvons répéter avec Don Bosco que tout ce
que nous avons, nous le devons à la Très Sainte Vierge Marie Auxiliatrice”. [35] Le jour du
couronnement, 17 mai, fut très solennel, au milieu d’une foule qui se déversait
comme un véritable flot. Don Melchior Marocco témoigne : “Don Ubaldi et
moi-même étions les prêtres d’honneur du Légat Pontifical, et donc nous pûmes
observer l’attitude vraiment extatique de don Rua, qui, au moment où il vit la
main de Son Éminence poser sur la tête de l’Enfant et sur celle de Notre-Dame
les couronnes sacrées, éclata en chaudes larmes, ce qui nous émerveilla
beaucoup, car nous connaissions la maîtrise absolue qu’il avait de lui-même”. [36]
Le 19 juin, en rendant
compte des événements à tous les Salésiens du monde, Don Rua écrivait : “Il
m’est doux de penser que le couronnement de la Statue de Marie Auxiliatrice,
statue par le canal de laquelle peuvent s’accomplir des miracles, produira parmi
les Salésiens répandus dans le monde de très riches fruits. Il augmentera notre
amour, notre dévotion et notre reconnaissance envers notre Patronne céleste, à
qui nous sommes redevables de tout ce bien qui a pu être accompli ... En ces
solennités mémorables que nous avons vécues, le nom de Marie Auxiliatrice fut
sans cesse uni à celui de Don Bosco, qui au prix de sacrifices inouïs éleva ce
Sanctuaire, au moyen de la parole et de la plume se fit l’apôtre de la dévotion
envers Elle, et dans sa toute-puissante intercession avait mis une totale
confiance. Quel doux spectacle ce fut de voir tant de pèlerins épancher leur
piété dans l’église et ensuite, tous en file, aller visiter avec une profonde
vénération les appartements de Don Bosco ! Je ne doute point qu’avec
l’augmentation chez les Salésiens de la dévotion à Marie Auxiliatrice, iront
aussi en croissant l’estime et l’affection envers Don Bosco, et tout autant
l’engagement d’en conserver l’esprit et d’en imiter les vertus”. [37]
A don Rua, nous les
Salésiens, nous devons la récitation quotidienne de la prière de consécration à
Marie Auxiliatrice après la méditation, comme également la procession de la
statue de Marie Auxiliatrice à travers les rues de Turin, voulue par lui pour
la première fois en 1901, et devenue rapidement une tradition belle et
vénérable pour la ville et pour tout le Piémont.
Dans les notes servant à
préparer ses sermons adressés aux fidèles, on lit : “Dans toutes les nécessités
nous trouvons notre avocate en la Très Sainte Vierge Marie ; et il est encore à
trouver celui qui aurait eu recours à Elle en vain. Donc comme nous avons de la
chance d’être les fils d’une telle mère ... Honorons-la, aimons-la nous-mêmes et
faisons-la aimer par les autres, employons-nous à la faire connaître comme
soutien des chrétiens, recourons à Elle comme à une protection sûre dans les
maladies, dans les revers de fortune, dans les familles qui sont en désaccord,
pour empêcher certains scandales graves, dans les villages, dans les villes.
Mais si nous voulons lui rendre un hommage vraiment agréable, faisons en sorte
de prendre un soin très spécial de la jeunesse ... Et d’une manière spéciale
prenons soin de la jeunesse pauvre”. [38]
Les Filles de Marie
Auxiliatrice, appelées par les braves gens ‘les soeurs de Don Bosco’, furent
fondées par le Saint en 1872, et furent appelées par lui “le monument vivant de
sa gratitude envers la Vierge sainte”. [39] Elles se
multiplièrent d’une manière très rapide, et firent un bien incalculable à la
jeunesse pauvre et marginalisée. Don Rua, qui avait une très grande dévotion
envers Marie Auxiliatrice, en lia étroitement le nom à ses ‘Filles’. A la mort
de Don Bosco, la Supérieure générale, Mère Daghero, écrivit à don Rua en
remettant entre ses mains avec une totale confiance l’Institut des FMA. Lui qui
l’avait vu naître et l’avait suivi dans son développement progressif, en prit
soin comme d’un héritage sacré que Don Bosco lui laissait, et il lui prodigua
avec un engagement assidu la richesse de sa propre pensée et de son coeur.
Sa personnalité se
rencontre à chaque page d’histoire des FMA pendant plus d’une vingtaine
d’années. C’est une période très riche d’expansion et d’activité. Sont ouvertes
des maisons dans de nombreuses nations d’Europe, en Palestine, en Afrique et
dans plusieurs républiques de l’Amérique. Se lèvent des oeuvres nouvelles
demandées par les exigences des temps, spécialement pour l’assistance des
jeunes ouvrières ; sont ouvertes de nouvelles terres de mission en première
ligne ; est donnée une meilleure organisation aux écoles.
Au cours de ses nombreux
voyages, don Rua étend ses visites également aux maisons des FMA : partout il
laisse sa parole de Saint, il illumine, il soutient, il guide. Partout il
s’intéresse à chaque chose, jamais fatigué ni pressé. Il donne des suggestions
et des conseils orientés, seulement et toujours, à la recherche du bien. Ses
lettres, rédigées avec une écriture claire et fine, voire sur des chutes de
papier, ont le don de la simplicité et le parfum de l’intériorité.
Obéissance
La consécration à Dieu de
tout religieux s’articule dans l’offrande de soi-même à Lui au moyen des
conseils évangéliques d’obéissance, de pauvreté et de chasteté. Le premier de
ces conseils, selon la tradition salésienne, est l’obéissance.
A la fin de 1909, don Rua
avait désormais 72 ans et sa santé était gravement compromise. Le 1er janvier
de cette année, il écrivit son avant-dernière lettre à tous les Salésiens. Il y
disait : “Les Constitutions sorties du coeur paternel de Don Bosco, approuvées
par l’Église, infaillible dans ses enseignements, seront votre guide, votre
défense dans tous les dangers, dans tous les doutes et toutes les difficultés.
Avec saint François d’Assise je vous dirai : Que soit béni le religieux qui
observe ses saintes Règles. Elles sont le livre de la vie, l’espérance du
salut, la moelle de l’Évangile, le chemin de la perfection, la clé du Paradis,
le pacte de notre alliance avec Dieu”. [40]
Pendant toute la vie don
Rua avait manifesté une obéissance absolue, si ‘absolue’ que Don Bosco
quelquefois en plaisantait. Dans la déposition pour le procès de béatification,
le Recteur majeur don Philippe Rinaldi témoigna : “Don Bosco eut l’occasion de
dire : ‘A don Rua on ne donne pas d’ordres, pas même pour plaisanter’, tant
était grande sa promptitude à exécuter tout ce qui lui était dit par le
Supérieur ... A don Rua l’obéissance était très facile, parce qu’il était
profondément humble. Humble dans son comportement, humble dans ses paroles,
humble avec les grands et avec les petits”. [41] Et pourtant
aussi l’humble obéissance de don Rua fut soumise à deux très dures épreuves. Du
Saint-Siège il reçut deux ordres qui blessèrent au vif sa sensibilité.
Jusqu’à 1901 “les
supérieurs et les directeurs salésiens, fidèles à l’exemple de don Bosco,
avaient toute latitude pour confesser leurs confrères aussi bien que leurs
élèves. Don Rua ne s’en privait pas à l’Oratoire et ailleurs, d’autant qu’il estimait
que cette tradition formait un des pivots de la méthode salésienne. Aussi
quelle pénible surprise quand un décret du 5 juillet 1899 interdit aux
directeurs des maisons de Rome de confesser leurs élèves. Dans l’esprit du
Saint-Office, cette mesure visait à préserver la liberté des pénitents et à
écarter d’éventuels soupçons sur le gouvernement du supérieur. Craignant à
juste titre une extension de cette mesure, don Rua chercha à temporiser. Mais
un second décret, daté du 24 avril 1901, interdisait explicitement à tout
supérieur d’entendre en confession toute personne sous sa dépendance. Pris
entre deux fidélités, il tenta quelques démarches, ce qui lui valut d’être
convoqué à Rome, d’y essuyer en personne un blâme du Saint-Office et de
s’entendre intimer l’ordre de quitter la ville éternelle sur-le-champ. Il
s’inclina sans hésiter, mais profondément déchiré”. [42]
Don Barberis, qui vécut à
côté de don Rua ces journées douloureuses et tendues, témoigna : “Je suis
peut-être le seul qui connaisse les affaires dans tous leurs détails ... Don
Bosco introduisit l’usage dans nos Maisons que le Directeur fût aussi
Confesseur : il n’en fit pas une sorte d’obligation ; ce n’est indiqué dans
aucun article des Constitutions, ni des Règlements, mais cela fut introduit
tout seul et il n’en sortit aucun inconvénient ... Il s’agissait d’une coutume
introduite par Don Bosco, une coutume n’ayant été troublée pendant environ 70
[sic] ans, et dans le Décret il était indiqué que ‘Les Supérieurs devaient
faire le nécessaire dans l’année ...’ : alors don Rua se crut autorisé à
temporiser quelque peu ... pour avoir le temps de prendre conseil ... auprès de
personnages très importants, parmi lesquels je rappelle le Card. Svampa,
Archevêque de Bologne ... Mais dès qu’il perçut dans toute son extension la
portée du Décret, il se disposa immédiatement à le communiquer à toute la
Congrégation, en date du 6 juillet 1901”. [43]
En 1906 une autre
décision du Saint-Siège contraignit son obéissance à une nouvelle épreuve bien
dure, en acceptant que fût de nouveau entaillé l’héritage reçu de Don Bosco.
Depuis sa fondation, l’Institut des Filles de Marie Auxiliatrice était agrégé
aux Salésiens. L’union des deux Congrégations était assurée par une direction
commune. “L’Institut des Filles de Marie-Auxiliatrice, disaient leurs
Constitutions, était sous la haute et immédiate dépendance du Supérieur général
de la Société de Saint- François-de-Sales. Habituellement, celui-ci déléguait
ses pouvoirs à un confrère salésien, qui portait le titre de directeur général
de l’Institut. Sur le plan local, il se faisait représenter par les provinciaux
salésiens. Pour ce qui regardait le gouvernement dit « interne » de l’Institut,
il était normalement aux mains de la Supérieure générale et de son Conseil. Don
Bosco [...] tenait à ce régime”. [44]
Pour mettre de l’ordre
dans les familles religieuses qui proliféraient dans les dernières décennies, le
Saint-Siège promulgua un Décret qui ordonnait : une Congrégation féminine à
voeux simples ne devait dépendre en aucune manière d’une Congrégation masculine
de même nature. Le cinquième Chapitre général des FMA, réuni en 1905, manifesta
de la crainte et de l’anxiété devant cette décision. Tout en déclarant
l’obéissance qui se devait à tout ce qui était établi par l’Église, les FMA
déclaraient dans un vote unanime que leur volonté était de dépendre du
Successeur de Don Bosco : sous cette dépendance l’Institut avait eu son
développement rapide et inattendu, elles avaient eu recours aux Salésiens
chaque fois qu’avaient surgi des difficultés avec les autorités civiles et
religieuses, en cela elles ressentaient leur sécurité pour l’avenir, dans
l’esprit du Fondateur commun. Mais Rome répondit en rappelant à l’obéissance.
Quant le Chapitre général en fut informé, écrit don Ceria, ce fut comme un coup
de tonnerre. Le Pape Pie X, en accueillant la Mère Générale et les
Conseillères, avec un sentiment d’une compréhension grande et presque affligée,
dit : “Soyez tranquilles : il s’agit seulement d’une séparation matérielle et
de rien d’autre”.
En 1906 le Saint-Siège
transmit à don Rua le texte modifié des Constitutions des FMA. En 1907 le texte
fut remis au Chapitre extraordinaire des FMA. “La disposition fondamentale
[concernait] l’indépendance totale des deux Congrégations, aussi bien dans le
gouvernement que dans l’administration et la comptabilité. Désormais les
Salésiens n’auraient plus à faire avec l’Institut que dans le cas où les
évêques leur en feraient la demande, et en se limitant strictement au domaine
spirituel”. [45]
Le bienheureux don
Philippe Rinaldi, Recteur majeur des Salésiens, déposa sous serment au sujet de
don Rua : “Je me rappelle sa soumission sans réserve au Décret pour la
séparation des Soeurs de Marie Auxiliatrice d’avec l’Institut Salésien. Après
ce Décret il se tint sur une si grande réserve qu’il n’osait plus intervenir
d’une quelconque façon dans leurs affaires, à moins d’y être invité par les
Supérieures ou d’être consulté dans les affaires d’une certaine importance.
Cette réserve, il la maintint jusqu’au moment où Pie X lui dit que les Soeurs
avaient encore et sans cesse besoin de la direction des Salésiens, en
particulier dans la gestion des affaires matérielles, dans l’orientation donnée
à l’enseignement et pour conserver l’esprit de Don Bosco. Alors il reprit courage
et revint à être non seulement père, mais aussi directeur”. [46]
Pauvreté
Don Francesia raconte
qu’un jour le jeune abbé Rua, ayant trouvé un vieux morceau de tapis rouge,
pensa l’étendre sur sa table de travail. Don Bosco le vit et lui dit en
souriant : “Ah don Rua ! Serait-ce que l’élégance te plaît, eh ?”. Rua, confus,
dit qu’il s’agissait d’un vieux morceau, mais Don Bosco fit remarquer : “Le
luxe et l’élégance s’introduisent facilement, si nous ne sommes pas attentifs”.
Don Rua n’oublia jamais ces mots, et il en fit un trésor pour toute la vie. [47]
La pauvreté fut
l’uniforme de don Rua. Il s’habillait pauvrement, ne chercha jamais ses aises,
économisait dans la moindre chose. Et il veillait à conduire tous les Salésiens
à aimer et à pratiquer la pauvreté, avec esprit de foi, comme Don Bosco
voulait. Ses habits étaient remplis de pièces. Une paire de chaussures lui
durait des années ; pourtant il marchait beaucoup à pied, pour ne pas prendre
le tram et donner en aumône les dix centimes du billet. A la maison, jusqu’à sa
mort il mit un vieux manteau déjà employé par Don Bosco, et il le portait avec
dévotion.
Une Fille de Marie
Auxiliatrice, qui pendant de nombreuses années fut chargée de raccommoder les
habits des Salésiens à l’Oratoire, déclarait que très rarement lui était
confiée quelque pièce des affaires de don Rua; et quand on lui apportait sa
soutane noire, on lui disait de la raccommoder d’urgence, car don Rua restait à
travailler dans son bureau en mettant le manteau, puisqu’il n’avait jamais
voulu avoir une soutane de rechange.
Pendant le voyage à
Constantinople, en 1908, après de nombreuses visites en ville, il revint avec
les jambes gonflées et les pieds tout trempés. Il demanda au directeur des
Salésiens de lui prêter, par charité, une paire de chaussettes de laine pour se
changer. Dans toute la maison on ne trouva pas une paire de chaussettes de
laine. Alors don Rua sourit et dit : “Je suis content ! C’est la vraie pauvreté
salésienne” [48]
Pendant les 23 ans où il
fut Recteur majeur, don Rua envoya aux Salésiens 56 lettres circulaires. En
elles, il condensa tout son amour pour Don Bosco et tout l’esprit salésien.
Parmi ces lettres, c’est la circulaire intitulée “La pauvreté” qui est
considérée comme son ‘chef-d’oeuvre’. Elle occupe vingt pages, et porte comme
en-tête : “Turin, 31 janvier 1907, anniversaire de la mort de Don Bosco”. Je
cite quelques passages de cette lettre écrite par lui qui est tout à fait
d’actualité [49], afin de raviver en nous le véritable
esprit de pauvreté salésienne.
“Il est naturel de
considérer la pauvreté comme un malheur”
La pauvreté, en
elle-même, n’est pas une vertu ; elle est une conséquence légitime de la faute
originelle, destinée par Dieu à l’expiation de nos péchés et à la
sanctification de nos âmes. Il est donc naturel que l’homme en ait horreur,
qu’il la considère comme un malheur, et qu’il fasse tout ce qui est en lui pour
l’éviter. La pauvreté ne devient une vertu que lorsqu’elle est volontairement
embrassée par amour de Dieu, comme font ceux qui se donnent à la vie religieuse.
Toutefois même alors la pauvreté ne cesse pas d’être amère ; aux religieux
également la pratique de la pauvreté impose de lourds sacrifices, comme
nous-mêmes en avons fait mille fois l’expérience.
Il n’y a donc pas à
s’étonner si la pauvreté est toujours le point le plus délicat de la vie
religieuse, si elle est comme la pierre de touche pour distinguer une
communauté florissante d’une communauté relâchée, un religieux zélé d’un
religieux négligent. Elle sera malheureusement l’écueil contre lequel iront se
briser tant de magnanimes résolutions, tant de vocations qui avaient quelque
chose de merveilleux dans leur apparition et dans leur essor. D’où la nécessité
du côté des Supérieurs d’en parler souvent et du côté de tous les membres de la
famille salésienne d’en maintenir vivant l’amour et totale la pratique.
“Le premier conseil
évangélique”
La pauvreté est le
premier des Conseils évangéliques. Dès le commencement de sa vie publique,
Jésus Christ lance les plus terribles menaces contre les riches qui trouvent
sur terre leurs consolations. D’autre part les souffrances des pauvres émeuvent
son Coeur très doux jusqu’à la pitié, il les console et les appelle
bienheureux, en assurant que le royaume des cieux est à eux. A quelqu’un qui
lui demande comment il doit faire pour être parfait, il répond : “Va, vends ce
que tu as et viens à ma suite”. A ses Apôtres qui s’offrent à le suivre il
impose comme première condition qu’ils abandonnent leurs filets, le bureau de
douane et tout ce qu’ils possèdent. Et ce dépouillement volontaire de tous les
biens de la terre fut pratiqué par tous les disciples de Jésus Christ, par tous
les saints qui en tant de siècles illustrèrent l’Église.
“La pauvreté de Don
Bosco”
Notre vénéré Père vécut
pauvre jusqu’à la fin de sa vie. Il avait eu entre les mains des sommes
immenses d’argent, mais on ne vit jamais en lui le moindre empressement pour se
procurer quelque satisfaction temporelle. Il avait l’habitude de dire : “La
pauvreté, il faut l’avoir dans le coeur pour la pratiquer”. Et Dieu le
récompensa largement de sa confiance et de sa pauvreté, si bien qu’il réussit à
entreprendre des oeuvres que les princes eux-mêmes n’auraient pas osées. En
parlant du voeu de pauvreté, Don Bosco écrivait : “Rappelons-nous que de cette
observance dépendent en très grande part le bien-être de notre Pieuse Société
et l’avantage de notre âme”.
“Non seulement les
pauvres sont évangélisés, mais ce sont les pauvres qui évangélisent”
L’Histoire de l’Église
nous enseigne que ce sont ceux qui furent le plus détachés du monde qui se
signalèrent pour leur foi, leur espérance et leur charité et dont la vie fut un
tissu de bonnes oeuvres et une série de prodiges pour la gloire de Dieu et le
salut du prochain.
Nous travaillerions
inutilement si le monde ne voyait pas et ne se convainquait pas que nous ne
cherchons pas les richesses et les aises. Que soit bien fixé dans l’esprit ce
qu’écrivit saint François de Sales : à savoir que non seulement les pauvres
sont évangélisés, mais que ce sont les pauvres eux-mêmes qui évangélisent.
Même chez nous, ce ne
sont certainement pas les salésiens poussés par le désir d’une vie commode qui
entreprendront des oeuvres vraiment fructueuses, qui iront au milieu des
indigènes du Mato Grosso ou dans la Terre de Feu, ou qui se mettront au service
des lépreux. Ce sera toujours le mérite de ceux qui observeront généreusement
la pauvreté.
“Les oeuvres de Don Bosco
sont le fruit de la charité”
Il faut ensuite tenir
compte du fait que les oeuvres de Don Bosco sont le fruit de la charité. Il est
nécessaire qu’on sache que beaucoup parmi nos bienfaiteurs, eux-mêmes pauvres
ou à peine modestement aisés, s’imposent de très lourds sacrifices pour pouvoir
nous aider. Avec quel coeur emploierions-nous cet argent à nous procurer des
aises non adaptées à notre condition ? Gaspiller le fruit de tant de
sacrifices, même seulement le dépenser inconsidérément, c’est une véritable
ingratitude à l’égard de Dieu et à l’égard de nos bienfaiteurs.
Qu’il me soit permis de
vous faire une confidence. Beaucoup peut-être, en voyant que nos oeuvres
s’étendent de plus en plus, pensent que la Pieuse Société dispose de nombreuses
ressources, et que pour cette raison sont inopportunes mes exhortations,
répétées et insistantes, à faire des économies, à observer la pauvreté. Comme
ils sont loin de la vérité ! On pourrait leur faire voir la quantité de jeunes
qui, pour la nourriture, le vêtement, les livres, etc., sont entièrement ou en
grande partie à la charge de la Congrégation. Qui suit par la pensée notre
développement, peut se rendre compte du nombre de maisons et d’églises en
construction, des dommages subis qu’il faut réparer, des voyages qu’il faut
payer pour les missionnaires, des aides que l’on envoie aux Missions, des
dépenses immenses qu’il faut supporter pour la formation du personnel.
Quiconque ne vivrait pas
selon le voeu de pauvreté, celui qui dans la nourriture, dans la vêtement, dans
le logement, dans les voyages, dans les aises de la vie franchirait les limites
que nous impose notre état devrait ressentir le remords d’avoir soustrait à la
Congrégation l’argent qui avait été destiné à donner du pain aux orphelins, à
favoriser quelques vocations, à étendre le royaume de Jésus Christ. Qu’il pense
qu’il devra en rendre compte au tribunal de Dieu.
“Les temps héroïques de
la Congrégation”
Le bon salésien arrivera
à posséder l’esprit de pauvreté, c’est-à-dire sera vraiment pauvre dans les
pensées et les désirs, apparaîtra tel dans ses paroles, se comportera vraiment
en pauvre. Il acceptera volontiers les privations et les désagréments qui sont
inévitables dans la vie commune, et généreusement il choisira de lui-même ce
qu’il y a de moins beau et de moins commode.
Je termine en rappelant
le souvenir des temps que, nous, nous appelons ‘les temps héroïques’ de notre
Pieuse Société. De nombreuses années s’écoulèrent, pendant lesquelles il nous
fallait avoir une vertu extraordinaire pour rester fidèles à Don Bosco et pour
résister aux invitations pressantes qui nous étaient faites de l’abandonner, et
cela en raison de l’extrême pauvreté dans laquelle on vivait. Mais nous
soutenait l’amour intense que nous portions à Don Bosco, nous donnaient la
force et le courage ses exhortations à demeurer fidèles dans notre vocation
malgré les dures privations, les lourds sacrifices. C’est pourquoi je suis
certain que, si se fait plus vif notre amour pour Don Bosco, se fait plus
ardent le désir de nous maintenir ses dignes fils et de correspondre à la grâce
de la vocation religieuse, l’esprit de pauvreté sera pratiqué dans toute sa
pureté.
Chasteté
Jean-B[aptiste]
Francesia, petit apprenti, entra à l’Oratoire de Don Bosco à 12 ans. Il y
rencontra l’étudiant Michel Rua, qui avait 13 ans. C’était en 1850. A partir de
ce moment ils furent des compagnons et des amis inséparables, pendant soixante
ans, jusqu’au 6 avril 1910. Le matin de ce jour Jean-B[aptiste] Francesia était
assis à côté de Michel Rua qui était sur le point de mourir, et il lui suggéra
la première invocation qu’ensemble, jeunes garçons, ils avaient apprise de Don
Bosco: “Chère Mère,Vierge Marie,faites que je sauve mon âme”. Et Michel lui
répondit : “Oui, sauver son âme est tout !”.
Lorsqu’en 1922, année de
ses 84 ans, don Jean-B[aptiste] Francesia fut appelé à déposer sous serment ce
qu’il pensait de la sainteté de don Rua, devant le mot ‘chasteté’ il fut ému,
et, à voix basse, il fit sortir de sa bouche un témoignage qui encore
aujourd’hui, tandis qu’on le lit, émeut et laisse dans l’enchantement : “La
splendeur de la vertu angélique émanait de toute la personne de don Michel Rua.
Il suffisait de le regarder pour comprendre la pureté de son âme. Il semblait
qu’il avait les yeux continuellement fixés sur les choses célestes plus que sur
les choses de ce monde. Don Rua était le vrai portrait de saint Louis, et je
peux attester que pendant tout le temps où j’ai eu à l’approcher, je n’ai
jamais trouvé chez lui un mot, un geste, un regard qui ne furent marqués de
cette vertu. Sa manière de faire et de se comporter à tout moment, et en tout
lieu, était toujours conforme à la délicatesse et à la modestie les plus
raffinées. C’est pourquoi il était sans cesse édifiant, tant en public qu’en
privé, sur la cour et en chemin, à l’Eglise ou dans son bureau. Au cours de ses
longues audiences, quelle que fût la personne avec laquelle il parlait, il
gardait un maintien si recueilli et en même temps si paternel qu’il édifiait et
ravissait les coeurs. [...] Il était si rempli de délicatesse et d’égards pour
la vertu angélique que, pour l’inculquer, sa parole avait une efficacité
spéciale. Ce sont des conseils affectueux et pleins de sagesse qu’il avait
l’habitude de donner aux Salésiens comme règle de conduite au milieu des jeunes
: ‘Aimez-les beaucoup, les jeunes gens qui sont confiés à vos soins, mais
n’attachez pas à eux votre coeur’. [...] D’autres fois il disait [...] que l’on
doit avoir soin de toutes les âmes, mais de ne nous laisser voler le coeur par
aucune. [...] Quand il prêchait, s’écoulaient de son coeur les mots les plus
doux, et les belles et chères images gagnaient les jeunes à la belle vertu
angélique, si bien qu’il semblait un véritable Ange du Seigneur [...] Cette
vertu, et je peux en donner le témoignage en raison de ma propre expérience, il
la cultiva d’une manière parfaite depuis son enfance jusqu’à la mort”. [50]
Les jours de l’agonie
Pourtant précisément dans le domaine de la moralité, qu’il considérait à juste titre comme la valeur la plus précieuse pour un institut d’éducation tel que la Congrégation Salésienne, don Rua dut subir l’attaque la plus ignominieuse, qui littéralement bouleversa sa vie. Ces moments très sombres sont rappelés sous le titre de ‘l’affaire de Varazze’. L’école salésienne de cette ville était dirigée par don Charles Viglietti, le dernier secrétaire personnel de Don Bosco. Le matin du 29 juillet 1907 la police fait irruption dans la maison. Les Salésiens sont arrêtés, les enfants – peu nombreux, car les autres étaient déjà partis pour les vacances – sont conduits à la caserne. Don Viglietti doit écouter une accusation infamante:
un garçon, Charles Marlario, 15 ans, orphelin adopté par la veuve Besson,
hébergé gratuitement dans l’école, a écrit un ‘journal’ qui alors est dans les
mains de la police. La maison salésienne y est décrite comme un centre
répugnant de pédophilie. Ne servent à rien les démentis vigoureux de don
Viglietti et des Salésiens, et même pas les réponses négatives unanimes des
élèves soumis à de pressants interrogatoires.
La nouvelle se répand.
Toute la presse anticléricale fait commencer une campagne de dénigrement menée
à coups martelés contre les Salésiens et les écoles des prêtres. Des groupes
compacts de voyous se laissent aller à des actes de violence à Savone, à La
Spezia et à Sampierdarena. D’autres mouvements violents contre les prêtres et
les cercles catholiques se produisent à Livourne et à Mantoue. On donne la
chasse au prêtre. On demande la fermeture de toutes les écoles tenues par les
religieux en Italie.
“Des témoins ont raconté
que durant toute cette période il était prostré, méconnaissable”. [51]Pendant ces mois il avait été frappé par
une grave forme d’infection, il était très affaibli, et on le vit pleurer comme
un petit enfant. Mais le coup monté perdit de son importance. Des avocats parmi
le plus fameux d’Italie offrirent leur assistance judiciaire gratuite aux
Salésiens. Des députés, anciens élèves des Salésiens, prirent au Parlement la
défense des écoles salésiennes. Le 3 août, cinq jours à peine après le début du
dénigrement, don Rua, aidé par les autres Supérieurs pour réagir contre le
découragement, porta plainte pour diffamation et calomnie, assisté par trois
illustres avocats. La Cour d’Appel de Gênes, quand le procès se termina,
déclara que le journal était un tissu d’inventions imaginaires, écrit pour
répondre à “d’incessantes instigations de personnes étrangères intéressées à
susciter un scandale anticlérical”. [52]
Le 31 janvier 1908, une
fois calmée toute tempête, don Rua envoyait à tous les Salésiens une lettre
circulaire dans laquelle le titre disait déjà tout : “Vigilance”. En elle il
résumait brièvement les événements, invitait à remercier Dieu et Marie
Auxiliatrice, et demandait à tous de réfléchir sur deux passages des paroles de
Don Bosco, prononcées le 20 septembre 1874, et sur un article des
Constitutions: “La rumeur publique exprime parfois des plaintes sur des faits
immoraux qui se sont produits avec la ruine des moeurs et d’horribles
scandales. C’est un grand mal, c’est un désastre ; et je prie le Seigneur de
faire en sorte que nos maisons soient toutes fermées, avant qu’en elles ne se
produisent de semblables malheurs”. [53] Et encore :
“On peut établir comme principe invariable que la moralité des élèves dépend de
ceux qui les éduquent, les assistent et les dirigent. Qui n’a pas, ne peut pas
donner, dit un proverbe. Un sac vide ne peut pas donner de blé, ni une bouteille
remplie de lie fournir du bon vin. C’est pourquoi avant de nous proposer comme
maîtres pour les autres, il est indispensable que, nous, nous possédions ce que
nous voulons enseigner aux autres”. [54]Puis il commente l’article 28 [28 dans
l’édition de 1907] des Constitutions, en disant : “Malgré son [de Don Bosco]
vif désir d’avoir de nombreux collaborateurs de son oeuvre, il ne voudrait pas
cependant que celui qui n’a pas l’espoir fondé de pouvoir conserver, avec
l’aide divine, la vertu de la chasteté, tant par les paroles que dans les
oeuvres ou même dans les pensées, fasse profession dans cette Société”. [55]
4. DON RUA : “L’ÉVANGÉLISATEUR DES JEUNES”
Dans l’homélie de la
béatification, le Pape Paul VI – comme déjà je le mentionnais en partie –
affirma à un moment : « Méditons, un instant, sur l’aspect caractéristique de
Don Rua, l’aspect qui [...] nous le fait comprendre [...] Fils, disciple,
imitateur [de Don Bosco] [...] il a fait [...] de l’exemple du Saint une école,
de son oeuvre personnelle une institution étendue, peut-on dire, sur toute la
terre ; [...] il a fait de la source, un courant, un fleuve [...] La
prodigieuse fécondité de la famille salésienne [...] a eu en Don Bosco
l’origine, en Don Rua la continuité. [...] Ce disciple [de Don Bosco] a servi
l’oeuvre Salésienne dans sa capacité à s’étendre, [...] il l’a développée dans
une conformité à la lettre, mais avec une nouveauté toujours géniale [...] Que
nous enseigne Don Rua ? [...] A être des continuateurs [...] L’imitation chez
le disciple n’est plus passivité, ni servilité [...] [L’éducation est] un art
qui guide l’expansion logique, mais libre et originale des qualités virtuelles
de l’élève [...] Don Rua se qualifie comme le premier continuateur de l’exemple
et de l’oeuvre de Don Bosco [...] Nous nous rendons compte que nous sommes en
présence d’un athlète en activité apostolique, qui [opère] toujours suivant le
modèle de Don Bosco, mais avec des dimensions propres et croissantes [...] Nous
rendons gloire au Seigneur, qui a voulu [...] offrir à son labeur apostolique
de nouveaux terrains de travail pastoral, que le développement social,
impétueux et désordonné, a ouvert devant la civilisation chrétienne ». [56]
Nouveaux terrains de
travail pastoral
A lire, ne fût-ce même
que rapidement la quantité impressionnante des lettres de don Rua, de ses
circulaires, les volumes qui résument son oeuvre de Successeur de Don Bosco
pendant 22 ans, on découvre de façon imposante que ce qu’affirme le Pape est
vrai : sa fidélité à Don Bosco n’est pas statique, mais dynamique. Il perçoit
vraiment le cours du temps et l’évolution des nécessités de la jeunesse, et
sans peur il développe l’oeuvre salésienne sur de nouveaux terrains de travail
pastoral.
Parmi les ouvriers et les
enfants des ouvriers
Dans les dernières décennies
du 19ème siècle et dans les premières du 20ème les luttes sociales des
travailleurs des usines se multiplient partout. Les conditions des ouvriers
sont misérables : horaires meurtriers, conditions d’hygiène très mauvaises,
mutuelles et retraites inexistantes. Sous l’impulsion de don Rua les Salésiens
et les FMA font naître une floraison d’oeuvres sociales : orphelinats, écoles
professionnelles, écoles agricoles, paroisses de banlieue avec des patronages
pour les enfants des familles ouvrières : patronages qui voient jouer sur
l’herbe verte et prier dans les chapelles, trois cents, cinq cents, mille
jeunes. Don Rua en est heureux, et il exhorte les Provinciaux à avoir un oeil
rempli d’estime pour ces ‘oeuvres fondamentales de Don Bosco’.
Dans les dernières années
du 19ème siècle, Turin devient le berceau douloureux du prolétariat italien. En
mai 1891, Léon XIII publie l’encyclique Rerum Novarum. Le Pape y dénonce la
situation dans laquelle se trouve “un petit nombre d’hommes opulents et de
ploutocrates qui imposent ainsi un joug presque servile à l’infinie multitude
des prolétaires” (RN, fin du sixième paragraphe de l’Introduction).
L’encyclique a aussitôt un fort impact sur le monde chrétien, et don Rua sent
que pour les Salésiens est arrivée l’heure d’élargir et d’intensifier leur
action sociale.
En 1892 se tient à Turin
– Valsalice le 6ème Chapitre Général de la Congrégation. Parmi les questions à
traiter, don Rua met l’application pratique des enseignements du Pape sur la
question ouvrière. Les Salésiens assument l’engagement d’introduire dans les
programmes scolaires des jeunes élèves l’instruction sur les points suivants :
capital et travail, droit de propriété et droit de grève, salaire, repos,
épargne. On suggère d’inciter les anciens élèves à s’inscrire aux Sociétés
Ouvrières Catholiques.
Auprès des constructeurs
de tunnel en Suisse
En 1898, on commence le
percement du Simplon entre la Suisse et l’Italie : c’est l’un des tunnels les
plus longs du monde (19 823 mètres) ; il comprend deux galeries situées côte à
côte, contenant chacune une voix. Sur le versant suisse s’établit une colonie
de plus de deux mille travailleurs italiens originaires du Piémont, de la
Lombardie, de la Vénétie, et surtout des Abruzzes et de la Sicile, avec les
femmes et les enfants. Don Rua n’hésite pas à envoyer auprès de ces
travailleurs les Salésiens et les Filles de Marie Auxiliatrice. Ils y restèrent
sept ans, c’est-à-dire jusqu’à la fin des travaux. Les informations sur leur
façon de répondre aux besoins de ces pauvres familles sont maigres : ils
faisaient du bien et personne n’avait le temps de tenir la chronique. Un député
socialiste, Gustave Chiesi, alla un jour observer la situation. Il vit ce
qu’accomplissaient les Salésiens et les Soeurs, le Cercle ouvrier qu’ils avaient
fondé et qui était le lieu le plus fréquenté par les italiens pour se retrouver
; il envoya une lettre publiée par le journal Tempo de Milan. On y lit : “Nous
avons beaucoup élevé la voix au sujet des conditions dans lesquelles se
trouvent nos ouvriers au Simplon, nous avons beaucoup écrit et protesté. Mais
aucune action pratique n’a été menée jusqu’à présent à leur avantage. Le peu
qui a été accompli jusqu’à présent, ce sont les prêtres qui l’ont fait [...] En
toute occasion, ils sont toujours les premiers à agir, à aider, à soulager les
peines d’autrui. Et au Simplon, comme partout”.
Émigrants parmi les
émigrants
D’autres vagues bien plus
nombreuses d’émigrants partaient pour échapper à la misère des terres du Sud de
l’Italie. Selon les statistiques de l’économiste Clough, pendant la décennie
1880-1890, émigraient en moyenne chaque année vers l’Amérique du Nord et vers
l’Amérique du Sud 165 mille personnes. Rien que vers l’Argentine, émigraient
chaque année 40 mille italiens. Au cours de la décennie suivante, la foule des
émigrants augmenta : on atteignait et on dépassait le demi-million chaque
année. Le député Joseph Toscano qui, lors d’une séance à la Chambre, fit
allusion à l’extrême pauvreté du Sud de l’Italie, avait déclaré en 1878 : “Que
voulez-vous qu’il fasse, le prolétariat, quand il est poussé au désespoir ? Il
ne lui reste que deux voies : la voie du délit et du brigandage ou celle de
l’émigration”. Douze ans après, la situation n’était pas changée, et le député
Victor E. Orlando, de Palerme, cria dans le même Parlement que pour ses
compatriotes le dilemme se résumait en deux mots : “O émigrants, ou brigands
!”.
Don Rua, tout en
couvrant, à la façon d’une toile d’araignée, l’Italie d’oeuvres pour les jeunes
des familles les plus modestes, envoya des missionnaires salésiens dans
l’Amérique du Nord en 1897 et en 1898. A New York, à Paterson, à Los Angeles, à
Troy nos confrères se donnaient du mal pour accueillir les émigrants qui ne
connaissaient pas la langue, ne savaient pas où loger et trouver du travail.
Tout à côté des soeurs héroïques de Mère Cabrini et au voisinage de tant
d’autres missionnaires (hommes et femmes), ils cherchaient à les aider à
s’installer, à s’inscrire aux syndicats du peuple. Ils accueillaient leurs
enfants dans les écoles, assuraient une assistance religieuse. Dans le même
temps, il renforça et multiplia les présences salésiennes dans l’Amérique du
Sud, qui prospéraient sous la conduite de Mgr Cagliero et de Mgr Louis Lasagna,
nouvel évêque salésien.
Les Salésiens se présentaient
sur de nouveaux continents. Des oeuvres sociales, des orphelinats, des écoles
professionnelles, des paroisses et des patronages de banlieue étaient ouverts
dans des terres très lointaines : Le Cap, Tunis, Smyrne, Constantinople. De
nouvelles oeuvres réparties en grappe furent ouvertes dans l’Europe du Nord et
l’Europe de l’Ouest. Une des conséquences bénéfiques fut que les missions
salésiennes purent compter bientôt sur des confrères de diverses nationalités.
Les polonais émigrants à Buenos Aires pouvaient trouver un salésien polonais à
la tête d’un secrétariat prévu pour eux ; à Londres la colonie polonaise
disposait d’une église où célébrait un salésien polonais ; les allemands
émigrés dans la Pampa centrale ou au Chili y trouvèrent des salésiens allemands.
A Oakland, en Californie, un quartier entier de portugais recevait l’aide d’un
salésien portugais.
Risquer tout ce qui
pouvait être risqué, comme le faisait Don Bosco
L’audace apostolique
poussa don Rua à appuyer les entreprises les plus difficiles. Avec le même
courage que celui de Don Bosco il risqua tout ce qui pouvait être risqué pour
porter partout le Royaume de Dieu et l’amour de Marie Auxiliatrice.
En Palestine il n’eut pas
d’hésitation pour accepter parmi les Salésiens la Famille religieuse bien
enracinée de don Antoine Belloni, qui se dédiait aux enfants les plus
malheureux. En Pologne il ne s’opposa pas à la personnalité, source de
difficultés et de problèmes, de don Bronisław Markiewicz, qui semblait vouloir
se rebeller contre l’autorité des Supérieurs, mais qui aujourd’hui est vénéré
comme bienheureux et comme fondateur d’une Congrégation qui fait partie de la
Famille salésienne. En Colombie il soutint l’apostolat nouveau, et embarrassant
pour diverses personnes, parmi les lépreux vivant à Agua de Dios : apostolat
commencé par don Unia et développé par don Rabagliati et don Variara. Il
soutint don Balzola et don Malan qui cherchèrent à pénétrer parmi les indigènes
Bororo du Mato Grosso au Brésil. Il encouragea les tentatives très difficiles
d’implanter une mission parmi les indigènes Shuar de l’Équateur. A Oran, en
Algérie, où de nombreux enfants traînaient dans les rues, il envoya sept
salésiens pour ouvrit un patronage et des écoles.
En 1906 il bénit les
premiers salésiens qui partaient fonder des missions en Inde et en Chine. Ceux
qui partaient dans ce dernier pays avaient à leur tête le très jeune don
Versiglia, qu’aujourd’hui nous vénérons comme martyr et comme saint. Les débuts
étaient très timides, presque téméraires, mais à présent l’oeuvre de Don Bosco
en Inde, en Chine et dans toute l’Asie suscite l’admiration de tous.
A la veille de son
‘Jubilé d’or sacerdotal’, qu’avait annoncé le Bollettino Salesiano et dont tous
les Salésiens se réjouissaient à l’avance, une grave infection qui le
tourmentait depuis des années et l’avait recouvert de plaies douloureuses, mit
fin brusquement à sa vie. Dieu vint à sa rencontre le matin du 6 avril 1910.
“Cette simplicité avec
laquelle il cherchait à accompagner ses oeuvres”
Même s’il se limite aux
vingt dernières années, celui qui explore la vie de ce prêtre au corps mince a
l’impression insurmontable d’une activité inlassable et gigantesque. Vraiment,
comme l’affirma Paul VI dans l’homélie de béatification, “nous ne pourrons
jamais oublier le côté actif de cet homme à la fois petit et grand, d’autant
plus que, nous qui ne sommes pas étrangers à la mentalité de notre époque,
portée à mesurer la stature d’un homme d’après sa capacité d’action, nous nous
rendons compte que nous sommes en présence d’un athlète en activité
apostolique”.
Pourtant toute cette
activité humaine et spirituelle, don Rua l’a accomplie dans le silence et dans
l’humilité. Tellement que son très cher don Francesia, s’apprêtant à composer
sa biographie, en utilisant le ‘pluriel de majesté ou de modestie’ qui alors
était d’usage chez les auteurs, écrivit : “Nous qui avions l’habitude de vivre
avec lui, qui presque chaque heure l’entendions parler, qui traitions avec lui
comme c’est l’habitude avec une personne intime et confidente, nous trouvions
tout naturel et ne faisions pas de manières. ‘C’est ainsi, disait-on, que je
ferais, moi ! c’est ainsi qu’aurait fait don Bosco. Qu’y a-t-il
d’extraordinaire ? Il n’y a rien, me semble-t-il !’. Pourtant, à y réfléchir,
on aurait dû dire que cette simplicité, avec laquelle il cherchait à
accompagner ses oeuvres, ce fait de dire continuellement ‘tout pour le Seigneur
et uniquement pour le Seigneur’, tout cela provoquait déjà en nous de
l’étonnement, comme cela constituera toujours l’éloge le plus beau de la vie,
laborieuse et humble, de Don Michel Rua”. [57]
Comme conclusion, je
voudrais reprendre ce que je vous ai écrit dans la lettre du 24 juin 2009, sous
le titre “Dans le souvenir de Don Rua”. Je vous disais que nous voulons vivre
l’année 2010 spécialement comme on vit un chemin spirituel et pastoral. Afin de
faire fructifier cette année dédiée au premier Successeur de Don Bosco, je
signalais dans la lettre “ quelques points qui demandent une attention de notre
part et dont il faut tenir compte pour vos projets de l’an prochain, dans les
parcours personnels, communautaires et provinciaux”.
Le premier est de
renforcer notre être de disciples fidèles de Jésus, modèle de Don Bosco, en
redécouvrant les voies pour conserver la fidélité à la vocation consacrée, avec
une invitation concrète à puiser aux sources de la vie du disciple et de
l’apôtre aux fontaines quotidiennes de la fidélité à la vocation : l’Écriture
Sainte au moyen de la “lectio divina”, et l’Eucharistie dans la célébration,
dans l’adoration et dans les visites fréquentes.
La deuxième attention à
avoir est d’assumer l’attitude de don Rua qui, envoyé à Mirabello, résuma les
conseils reçus de Don Bosco en une seule expression : “A Mirabello je
chercherai à être Don Bosco”. Et tout Don Bosco se trouve dans nos
Constitutions. Devenir Don Bosco, jour après jour, c’est exactement ce que nous
indiquent concrètement les Constitutions. Poussé par le témoignage particulier
du premier successeur de Don Bosco, je vous invite en cette année, surtout à
l’occasion de la Retraite Spirituelle, à redécouvrir l’importance et l’esprit
de nos Constitutions salésiennes et à repenser votre projet personnel de vie,
en faisant une référence particulière au chapitre quatre : celui qui concerne
notre mission et qui est intitulé “envoyés aux jeunes”.
En troisième lieu, en
rappelant comment don Rua, sous la poussée de la passion du Da mihi animas,
donna une grande impulsion à la mission salésienne, je vous invitais à l’imiter
dans son don de lui-même à répondre aux besoins des jeunes et à trouver les
chemins pastoraux adaptés pour les rejoindre au moyen de l’annonce de l’.vangile.
L’élan apostolique de don Rua nous demande, par conséquent, de concrétiser
pendant cette année l’engagement d’évangélisation des jeunes. Nous le demande
le deuxième pôle thématique du CG26 ; nous le propose l’Étrenne de 2010, qui
nous invite à nous laisser associer activement à l’engagement d’évangélisation
en tant que Famille salésienne : don Rua en a été un promoteur convaincu.
Et aussi, en cette Année
Sacerdotale, regardons tous vers don Rua comme vers un modèle pour le salésien
prêtre. Redécouvrons et approfondissons son identité, faite de ferveur
spirituelle et de zèle pastoral dans l’exercice du ministère et marquée par
l’expérience de la vie consacrée apostolique.
Que l’Esprit du Christ
nous anime sur notre chemin de renouvellement pastoral et que Marie
Auxiliatrice nous soutienne dans l’engagement apostolique. Que, sans cesse, Don
Bosco soit notre modèle et notre guide.
Cordialement dans le
Seigneur
P. Pascual Chávez
Villanueva
Prière pour demander la
canonisation du Bienheureux Michel Rua
Dieu tout-puissant et
miséricordieux,
tu as mis sur les pas de Saint Jean Bosco
le Bienheureux Michel Rua, qui imita ses exemples,
hérita de son esprit et propagea ses oeuvres ;
maintenant qu’avec la béatification tu l’as élevé à la gloire des autels,
daigne multiplier sa protection envers tous ceux qui l’invoquent
et hâter sa canonisation.
Nous Te le demandons par l’intercession de Marie Auxiliatrice,
qu’il aima et honora d’un coeur de fils,
et par la médiation de Jésus Christ notre Seigneur.
Amen.
[1] La
Commission pour le Congrès International sur Don Rua, présidée par le P.
Francesco Motto, a aussi encouragé la mise sous forme informatique de toutes
les lettres de don Rua : le travail effectué par M. Giorgio Bonardi, Salésien
Coadjuteur, est disponible sur le site de la Direction Générale ; comme elle a
également encouragé la biographie écrite par le P. F. DESRAMAUT, sous le titre
“Vie de Don Michel Rua, Premier successeur de Don Bosco”, et publiée en
français par la Librairie Ateneo Salesiano (LAS) : prochainement la traduction
et la publication en imprimerie seront effectuées dans d’autres langues.
[2] Sacra
Rituum Congregatione. TAURINEN. Beatificationis et Canonizationis Servi Dei
Michaëlis Rua – POSITIO SUPER VIRTUTIBUS – Rome, Imprimerie Guerra et Belli
1947. [POSITIO : Document officiel qui présente l’étude de la Cause et des
vertus d’une personne en vue d’en proclamer la Béatification ou la
Canonisation].
[3] PAUL
VI, Homélie pour la béatification de Don Rua, Rome, 29 octobre 1972.
[4] M.
WIRTH, Don Bosco et la Famille salésienne, Histoire et nouveaux défis, Editions
Don Bosco, Paris 2002, p. 269.
[5] A.
AMADEI, Il Servo di Dio Michele Rua, vol I, SEI Turin 1931, p. 30.
[6] Cf.
A. AUFFRAY, Le premier successeur de Don Bosco, don Rua, Librairie catholique
Emmanuel Vitte, Lyon 1932, p. 38.
[7] Positio,
p. 912.
[8] Positio,
p. 51.
[9] Positio,
p. 72.
[10] Cf.
Positio, p. 71.
[11] Positio,
pp. 48-49.
[12] M.
WIRTH, o. c., p. 267.
[13] A.
AUFFRAY, o. c., p. 104.
[14]A.
AUFFRAY, o. c., pp. 122-123 ; cf. E. CERIA, Vita del Servo di Dio Don Michele
Rua, SEI Turin 1949, p.71.
[15] A.
AUFFRAY, o. c., p. 136.
[16] M.
WIRTH, o. c., p 273.
[17] A.
AUFFRAY, o. c., p. 151.
[18] A.
AUFFRAY, o. c., p. 103.
[19] G.
VESPIGNANI, Un anno alla scuola di Don Bosco, École Typographique Don Bosco,
SAN BENIGNO CANAVESE 1930, pp. 29-30.
[20] G.
VESPIGNANI, o. c., p. 30.
[21] Positio,
pp. 912-913.
[22] Positio,
p. 699.
[23] Positio,
p. 923.
[24] G.
VESPIGNANI, o. c., pp. 19-22 passim.
[25] G.
VESPIGNANI, o. c., pp. 37, 41.
[26] G.
VESPIGNANI, o. c., p. 12.
[27] G.
VESPIGNANI, o. c., pp. 23-24.
[28] Memorie
Biografiche XVIII, pp. 502-503.
[29] Positio,
pp. 54-55.
[30] Positio,
p. 57.
[31] TESTAMENT
SPIRITUEL DE DON BOSCO, cf. “Constitutions de la Société de Saint François de
Sales”, Edition 2005, p. 256 ou MB XVII, p. 258.
[32] Lettere
circolari di Don Michele Rua ai Salesiani, Direction Générale des Œuvres
Salésiennes, Turin 1965, pp. 276-277.
[33] Positio,
p. 306.
[34] Positio,
p. 339.
[35] A.
AMADEI, o. c., vol III, p. 12.
[36] Positio,
p. 426.
[37] A.
AMADEI, o. c., III, p. 43.
[38] A.
AMADEI, o. c., III, pp. 746, 748.
[39] ISTITUTO
FIGLIE DI MARIA AUSILIATRICE, Cronistoria I, Roma 1974, p. 298.
[40] Lettere
circolari di Don Michele Rua ai Salesiani, o. c., p. 499.
[41] Positio,
pp. 979, 981.
[42] M.
WIRTH, o. c., p. 272.
[43] Positio,
pp. 292-294.
[44] M.
WIRTH, o. c., p. 399.
[45] M.
WIRTH, o. c., p. 400.
[46] Positio,
p. 979.
[47] Cf. Positio,
p. 924.
[48] Cf.
A. AMADEI, o. c., III, pp. 104-121.
[49] Tous
les passages rapportés ensuite au sujet de la pauvreté sont tirés des Lettere
circolari di Don Michele Rua ai Salesiani, o. c., pp. 430-445.
[50] Positio,
pp. 928-930
[51] M.
WIRTH, o. c., p. 273.
[52] A.
AMADEI, o. c., III, p. 348.
[53] Lettere
circolari di Don Michele Rua ai Salesiani, o. c., pp. 464-465.
[54] Lettere
circolari di Don Michele Rua ai Salesiani, o. c., p. 465-466.
[55] Lettere
circolari di Don Michele Rua ai Salesiani, o. c., p. 467.
[56] PAUL
VI, Homélie pour la béatification de Don Rua, Rome, 29 octobre 1972.
[57] G.B.
FRANCESIA, Don Michele Rua, Turin 1911, p. 6.
SOURCE : https://www.sdb.org/fr/RM_Ressources/ACG_Lettere/Don_Chavez/Profil_humain_et_spirituel_du_
Chiesa
di San Domenico Savio già della Madonna del Rosario (opera dell'arch. Giulio
Valotti - 1921 Torino, l'annesso oratorio è intitolato a Michele Rua)
Also known as
Michael Rua
Profile
Son of a weapons
manufacturer. Attended a Don Bosco Oratory as a boy,
and met Saint John.
He impressed Don
Bosco so much that the future saint sent
Michele to college,
and made him his assistant in youth work. Priest.
Member of the Salesians of Don Bosco. First successor to Saint John
Bosco as Superior General of the Salesians;
under his leadership the community grew from 700 to 4000 members, from 64 to
341 houses. People who knew him said that he had the gifts of reading
hearts, healing and
prophecy.
Born
6 April 1910 in Turin, Italy of
natural causes
26 June 1953 by Pope Pius XII (decree
of heroic
virtues)
29 October 1972 by Pope Paul VI
Additional
Information
books
Book of Saints, by the Monks of
Ramsgate
Our Sunday Visitor’s Encyclopedia of Saints
other
sites in english
images
sitios
en español
Martirologio Romano, 2001 edición
fonti
in italiano
strony
w jezyku polskim
MLA
Citation
“Blessed Michele
Rua“. CatholicSaints.Info. 17 September 2021. Web. 5 April 2022.
<https://catholicsaints.info/blessed-michele-rua/>
SOURCE : https://catholicsaints.info/blessed-michele-rua/
Apr 6 – Blessed Michael
Rua (1837-1910)
06 April, 2012
Michael Rua was one
of the boys who at fifteen came to live with St John Bosco in his Oratory in
Turin and later became his close associate in the setting up and early guidance
of the Society of Don Bosco (Salesians), now one of the biggest religious
orders in the world.
Patrick Duffy tells
his story.
Enters the Oratory
Michael Rua was born in Turin on 9th June 1837, the last of nine
children. His father, who worked in a munitions factory, died when he was only
eight. Michael would have gone to work in the arms factory in Turin, but in
1852 he met with Don Bosco, who suggested Michael join his school at the
Oratory and he did.
“We two will go halves in everything”
One day Don Bosco was giving out little medals and Michael, who was late and at
the end of the line, thought he heard him say, “Take, Michelino”. The priest
stood there but he didn’t give him anything. Then he said to him, “We two
will go halves in everything”. And that was how it turned out. Michael
went on to become the founder’s close friend and associate. He was among the
first few with whom Don Bosco shared the idea of forming a Salesian
Society. The order was called after Saint Francis de Sales (1567-1622), who had
a genius for converting souls through kindness and persuasion.
Inspired by Don Bosco
Michael Rua joined the other first Salesians at seventeen,
and, inspired by Don Bosco’s example, he spent his days at the
youth club, morning and evening classes, supervising theatre or music rehearsals,
gymnastics, lively outdoor games, solitary study, along with frequent
reception of the sacraments. “I got much more from observing Don Bosco, even in
the humblest of actions,” Rua later said, “than from reading and meditating on
a treatise on asceticism.”
Close collaborator
Rua was Don Bosco’s closest collaborator in the development of the new
Salesian congregation over the next thirty-six years. He made his first
profession in 1855, was the first spiritual director of the Society at the age
of 22 years (1859), was ordained priest in 1860. At 26
became the rector of the college at Mirabello in Emilia-Romagna, the
first Salesian foundation outside Turin.
Illness
In 1865, Michael returned to Turin to rejoin Don Bosco, who was ill and
over-burdened with work. He re-organised the house at Valdocco, a youth
club with a boarding school of seven hundred students whose spirit had
declined. With remarkable tact, he restored good discipline. But in July
1868, Don Rua’s constant activity got the better of his strength and he
was confined to bed with a sudden attack of peritonitis. The doctors
gave him only a few hours to live. But Don Bosco asserted, “Listen, Don
Rua, even if you were thrown out the window just as you are, I assure you that
you won’t die.” A few days later, despite the doctor’s prognosis, the
patient recovered.
Differences in character
Although the two men were close, each kept his own personality and
sometimes were in opposition. Where Don Bosco would focus on the work of the
day and was audacious in his projects, Don Rua was prudent, calculating,
and foresaw and forestalled the problems he saw coming down the track.
Successor to Don Bosco
When Don Bosco died, Pope Leo XIII, honouring his request,
designated Michael as his successor.
“The Living Rule”
Nicknamed “The Living
Rule” because of his austere fidelity, Don Michael Rua was also known for
his fatherliness and goodness. As the numbers of members and communities
increased, he sent Salesians all over the world, showing special care for the
missionary expeditions. In the long and difficult journeys which he undertook
to visit the Salesian works in Europe and in the Middle East, he was a constant
source of comfort and encouragement, always taking inspiration from the Founder
with words like: “Don Bosco used to say… Don Bosco used to do it this way… Don
Bosco wanted…”
Years of suffering
These were years of great suffering. In 1895, a Salesian priest was murdered by
a half-crazy student. Five months later, Bishop Lasagna, one of the great hopes
of the Salesian society, his secretary, and four sisters of Mary Help of
Christians, were victims of a train accident. Then, a flood in Argentina
destroyed the material results of ten years of missionary work. In France, the
so-called Law of Associations (June 2, 1901) required the closing and sale of
the Salesian establishments. In 1907, a scandal in a high school stirred up a
violent storm of protest against the Salesians all across Italy. He vowed to
make a pilgrimage to the Holy Land, if the honour of his religious family was
fully restored. It was, and he fulfilled his vow in 1908.
Growth of the society, death and influence
When Michael Rua died on 6th April 1910 at the age of 73, the Society had
grown from 773 to 4000 Salesians, from 57 to 345 communities, from 6 to 34
Provinces in 33 countries. His body is venerated in the crypt of the Basilica
of Mary Help of Christians at Valdocco in Turin. Don Rua was beatified by Pope
Paul VI on October 29, 1972. Today the Salesians are one of the third
largest missionary societies in the world, with about 18,000 members and some
are involved in the work of the Curia in Rome.
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SOURCE : https://www.catholicireland.net/saintoftheday/blessed-michael-rua-1837-1910/
Bl. Michael Rua (1972)
Beatified: October 29,
1972
GOING HALVES IN
EVERYTHING
Born in Turin on June 9,
1837, the youngest of nine children, Michael came to the Oratory in 1852. One
day, Don Bosco told him: “We will go halves in everything.” He was among the
first group to whom Don Bosco suggested the formation of the Salesian Society.
HIS MANY ROLES
For 36 years, Michael was
Don Bosco’s closest collaborator in all stages of the development of the
Congregation. He was professed in 1855, was first spiritual director of the
Congregation at 22 (1859) and was ordained in 1860. He became the first
director of the Mirabello College at 26 (1863-1865) and, later, was Vicar of
Valdocco, with its 700 pupils and of the Society. He was administrator of the
Letture Cattoliche (Catholic Readings), responsible for formation (1869) and
for personnel. In 1875, he became Director General of the Salesian Sisters and
he accompanied Don Bosco on his journeys.
DON BOSCO’S FIRST
SUCCESSOR
At the explicit request
of the Founder, in 1884, Pope Leo XIII named him to succeed Don Bosco and
confirmed him as Rector Major in 1888. Fr. Micahel was seen as the ‘Living
Rule’ because of his austere fidelity, yet he also displayed a fatherly spirit
that was capable of great thoughtfulness, so much so that he was known as ‘a
king of kindness.’
OVERSAW EXTRAORDINARY
GROWTH
With the growth in the
numbers of confrere and the development of the works, he sent Salesians all
over the world, giving special attention to missionary expeditions.
In his long journeys in
Europe and the Middle East, he consoled and encouraged, always looking to the
Founder: “Don Bosco said…Don Bosco did…Don Bosco wanted…” When he died on April
6 1910, at 73, the Society had grown from 773 Salesians to 4,000; from 57
houses to 345; from 6 provinces to 34; in 33 countries around the world.
FAITHFUL CONTINUATION OF
DON BOSCO’S SPIRIT
When beatifying him, Pope
Paul VI stated: “The Salesian Family owes its origin to Don Bosco and, to Fr.
Michael, its continuation…he developed the Saint’s example into a school, his
Rule into a spirit, his holiness into a model. He turned the spring into a
river.” His remains are venerated in the crypt of the Basilica of Mary Our
Help.
Beatified on October 29,
1972 by Paul VI. October 29 is the day his memorial is kept liturgically.
Blessed Michele Rua -
Priest Salesian of Don Bosco
Blessed Michele Rua ,
Pray for us !
Saint of the Day : April 6
Born : 9 June 1837 in Turin, Italy
Died : 6 April 1910
in Turin, Italy
Blessed Michele Rua
(English: Michael Rua; 9 June 1837 – 6 April 1910) was an Italian Roman
Catholic priest and professed member of the Salesians of Don Bosco. Rua was a
student under Saint Giovanni Bosco and was also the latter's first collaborator
in the order's founding as well as one of his closest friends. He served as the
first Rector Major of the Salesians following Bosco's death in 1888. He was
responsible for the expansion of the Salesians and the order had grown to a
significant degree around the world at the time he died. Rua served as a noted
spiritual director and leader for the Salesians known for his austerities and
rigid adherence to the rule. It was for this reason that he was nicknamed, 'the
living rule'.
The process of Rua's
beatification opened after his death and culminated as Pope Paul VI beatified
Rua in 1972.
Michele Rua was born in
Turin on 9 June 1837 in a poor neighborhood on the outskirts of Turin. Rua was
the last of nine children to Giovanni Battista and Giovanna Maria Rua. His
father - the supervisor of a weapons warehouse - died on 2 August 1845. He
lived with his widowed mother in their apartment in the warehouse which she was
able to keep and where she would begin work. His father was widowed with five
children prior to his marriage to Rua's mother.
Rua attended a school
that the Brothers of the Christian Schools managed. It was not long following
this that he met Saint Giovanni Bosco who was working to improve the lives of
the children of the neighborhood and who had just built his
"oratorio" (oratory) of Saint Francis de Sales in Valdocco. Rua was
among the first with whom Bosco had shared his idea of founding a religious
congregation and he joined the "oratorio" on 22 September 1852 to
finish his education. One morning in 1847 Bosco was handing medals to passing
children and extended his open left hand to Rua and made the gesture with his
other hand of cutting the left in half and offering it to Rua. Bosco said to
"take it!" but Rua said: "But take what?" No response was
given until sometime later when Bosco told Rua that their lives were
intertwined into doing the work of God. Bosco also sent him to Saint Giuseppe
Cafasso for spiritual guidance.
In 1850 Bosco asked Rua
what he planned to do in 1851 to which Rua said he would aid his mother in
working to provide for his siblings but Bosco asked if he felt like continuing
his ecclesial studies. Rua responded that it depended on his mother's word to
which Bosco asked him to ask her. Rua's mother approved him continuing his
studies and he informed Bosco he would continue his studies. In 1851 his
brother Luigi died and his other brother Giovanni Battista died. He told Bosco
that "next it's me" though Bosco assured him that he would live for
another five decades.
Bosco granted him and
another named Roccheti the cassock on 3 October 1853. Rua made his first
profession on 25 March 1855 in the new Societá di San Francesco de Sales (Society
of St. Francis de Sales) which Bosco was then forming; Rua was among its first
members. For over the next three decades he was Bosco's closest collaborator in
the development of the congregation. The death of Don Bosco's mother in 1856
prompted Rua to bring his own mother to live at the oratory where she remained
for the next two decades. In 1858 he accompanied Bosco to Rome to seek official
authorization for the congregation. He served as the first spiritual director
for the congregation from 1859 even before his ordination to the priesthood
which was celebrated on 29 July 1860; Monsignor Giovanni Balma ordained him. In
1859 he had been ordained a subdeacon and then raised to the diaconate on 24
March 1860.
From 20 October 1863 he
began to serve as the rector at Mirabello where the congregation's first house
outside Turin was located. He returned to Turin in 1865 to serve as the
Valdocco vice-rector and later as the manager for the "Letture
Cattoliche" (Catholic Readings). But he also returned to Turin to aid an
ill Bosco but fell ill himself with peritonitis in 1868 deemed incurable. But
Bosco said he would live and he was out of danger within the week. He made his
final profession on 15 November 1865. Rua was also involved in the formation of
new candidates and was the first director for the Salesian Sisters which had
been founded in 1872.
Rua was a constant
companion of Bosco on his trips and became the vicar for the congregation in
1865. On 24 September 1885 he was designated as Bosco's successor after the
saint made the explicit request to Pope Leo XIII himself though would not
succeed him until Bosco died. He was designated as Rector Major in 1888 after
Bosco's death and met with Leo XIII after in a private audience. Leo XIII
advised Rua to hold off on the order's expansion until he could consolidate the
foundation that Bosco had worked to build. Rua was nicknamed as "The
Living Rule" due to his austereness and his strict adherence to the rule;
he was also known for his tender approach and thoughtfulness to people. He made
frequent visits to Salesian houses in Europe and in the Middle East and made
constant referrals to the example of the late Bosco. Rua travelled to France
and the Netherlands in 1890. He visited England for the first time in 1893 and
visited both Algeria and Portugal in 1899. In 1900 he visited Tunisia and in
1904 visited Belgium as well as Switzerland and Poland; he later visited Malta
in 1906. He visited Jerusalem and Palestine in 1908 and also to Austria. Pope
Pius X asked him in 1908 to oversee the construction of a church dedicated to
Santa Maria Liberatore.
Rua died at the age of 73
on 6 April 1910 at 9:30am after having been ill since the fall in 1909; his
remains are housed in Turin in the Basilica di Nostra Signora Aiuto dei
Cristiani. His tenure saw the Salesian Society grow from 773 to 4000 Salesians,
from 57 to 345 communities, from 6 to 34 Provinces in 33 countries around the
world.
The beatification process
opened in the Turin archdiocese in an informative process that Agostino
Richelmy inaugurated on 2 May 1922 and that Maurilio Fossati closed on 8 May 1939.
The formal introduction to the cause came under Pope Pius XI on 15 January 1936
and Rua became titled as a Servant of God. Rua became Venerable on 26 June 1953
after Pope Pius XII confirmed his life of heroic virtue.
Pope Paul VI beatified
Rua on 29 October 1972 in Saint Peter's Square and during the beatification
Paul VI declared:
The Salesian Family had
its origin in Don Bosco, its continuity in Don Rua... He made the example of
Don Bosco into a school, his Rule into a spirit, his holiness into a model; he
made a spring into a river.
The current postulator
for the cause is the Salesian priest Pierluigi Cameroni.
SOURCE : https://saintscatholic.blogspot.com/2015/04/blessed-michele-rua-priest-salesian-of.html
Beato Michele
Rua Sacerdote salesiano
Torino, 9 giugno 1837 - 6
aprile 1910
Il beato Michele Rua è il
primo successore di Don Bosco, di cui era stato a lungo segretario e poi
vicario. Nato a Torino nel 1837, dopo la morte del padre entra tra i salesiani.
Già da chierico diviene segretario del futuro santo per la zona di Valdocco.
Accompagna il fondatore in numerosi viaggi. Si adopera, inoltre, come
catechista e direttore spirituale. A 26 anni fonda il primo centro salesiano
"esterno" a Mirabello Monferrato. Vicario nel 1884, assume la guida
della congregazione dopo la morte di Don Bosco (1888) e le dà un grande
impulso. Muore nel 1910 ed è beato dal 1972. (Avvenire)
Etimologia: Michele
= chi come Dio?, dall'ebraico
Martirologio
Romano: A Torino, beato Michele Rua, sacerdote, insigne propagatore della
Società Salesiana.
Michele Rua nacque a Torino il 9 giugno 1837, nel popolare quartiere di Borgo Dora dove, nell’arsenale, il padre lavorava e in un alloggio della fabbrica abitava la famiglia. Nel giro di pochi anni la madre rimase sola con due figli. Perso il papà, gli occhi di Michelino spesso si fermavano a guardare gli operai a lavoro davanti ai forni roventi in cui venivano fusi i pezzi d’artiglieria. Era una sorta di caserma in cui il ragazzo frequentò le prime due classi d’istruzione. Seguì la terza elementare dai Fratelli delle Scuole Cristiane, chiamati nel borgo, anni prima, dal Marchese Tancredi di Barolo per istruire i bambini del popolo. Tra i banchi di scuola ci fu l’incontro con don Bosco che intuì, negli occhi del giovane, qualcosa di speciale. Porgendogli la mano, come era solito fare con tanti ragazzi, gli disse “Noi due faremo tutto a metà”. Quelle parole rimasero impresse nel cuore di Michele che da quel giorno lo prese come confessore. La terza era l’ultima classe obbligatoria e quando il “santo dei giovani” gli chiese cosa avrebbe fatto l’anno successivo, lui rispose che, essendo orfano, in fabbrica avevano promesso alla madre che gli avrebbero dato un lavoro. Per il sacerdote, anch’egli rimasto presto senza padre, convincere la donna a fargli proseguire gli studi non fu difficile e Michele entrò come convittore a Valdocco, già “popolato” da oltre cinquecento ragazzi. Era il 1853, un anno speciale perché si celebrava il 4° centenario del Miracolo Eucaristico. Don Bosco aveva scritto per l’occasione un libretto e un giorno, mentre camminavano insieme per le strade di Torino, scherzando, predisse al giovane che, cinquanta anni dopo, l’avrebbe fatto ristampare. Intanto nacque nel suo cuore la vocazione sacerdotale e il 3 ottobre ricevette dal santo l'abito clericale ai Becchi di Castelnuovo. L’anno successivo morì anche l’ultimo fratello.
Il 26 gennaio 1854, don Bosco radunò nella sua camera quattro giovani compagni, dando vita, forse inconsapevolmente, alla congregazione salesiana. Alla riunione erano presenti Giovanni Cagliero e Michele Rua che fu incaricato di stenderne il “verbale”. Amici inseparabili, furono tra i più volenterosi quando, l’anno dopo, scoppiò in città un’epidemia di colera, probabilmente portata dai reduci della guerra in Crimea. Nei quartieri più poveri i due aiutarono generosamente i malati e Cagliero si ammalò gravemente. Il 25 marzo, nella stanza di don Bosco, Michele fece la sua “professione” semplice: era il primo salesiano. A Valdocco sorgevano laboratori di calzoleria, di sartoria, di legatoria. Molti ragazzi vedevano cambiare la propria esistenza: alcuni poterono studiare, altri vi si radunavano la sera dopo il lavoro, altri ancora solo la domenica. Michele divenne il principale collaboratore del santo, nonostante la giovane età. Ne conquistò la totale fiducia, aiutandolo anche nel trascrivere le bozze dei suoi libri, sovente di notte, rubando le ore al sonno. Di giorno si recava all’oratorio s. Luigi, dalle parti di Porta Nuova, in una zona piena di immigrati. I più emarginati erano i ragazzi che, dalle valli, scendevano in città in cerca di lavoro come spazzacamini. Rua, facendo catechismo e insegnando le elementari nozioni scolastiche, conobbe infinite storie di miseria. L’oratorio fu frequentato anche da s. Leonardo Murialdo e dal B. Francesco Faà di Bruno. Nel novembre 1856, quando morì Margherita Occhiena, madre di don Bosco, Michele chiamò la sua ad accudire i giovani di Valdocco. Lo fece per venti anni, fino alla morte. Frequentare il seminario, a quei tempi, a causa delle leggi anticlericali, non era facile ma, nonostante questo il giovane lo fece con profitto e anzi, sui suoi appunti, studiarono tanti compagni. Nel febbraio 1858 don Bosco scrisse le Regole della congregazione e il “fidato segretario” passò molte notti a copiare la sua pessima grafia. Insieme, le portarono a Roma, all’approvazione di Papa Pio IX, che, di proprio pugno, le corresse. Michele alla sera dovette ricopiarle mentre di giorno era l’ombra del fondatore, impegnato ad accompagnarlo negli incontri con varie personalità. L’anno successivo il papa ufficializzò la congregazione salesiana.
Il 28 luglio 1860 Michele Rua venne finalmente ordinato sacerdote. Sull’altare della prima messa c’erano i fiori bianchi donati dagli spazzacamini dell’oratorio san Luigi. Tre anni dopo fu mandato ad aprire la prima casa salesiana fuori Torino: un piccolo seminario a Mirabello Monferrato. Vi stette due anni e tornò in città mentre a Valdocco si costruiva la basilica di Maria Ausiliatrice. Don Rua divenne il riferimento di molteplici attività, rispondendo persino alle lettere indirizzate a don Bosco. Lavorava senza soste e nel luglio 1868 sfiorò persino la morte a causa di una peritonite. Dato per moribondo dai medici, guarì, qualcuno disse per intercessione di Don Bosco. Tra i ragazzi dell’oratorio, oltre settecento, nascevano diverse vocazioni religiose. In quell’anno si conclusero i lavori del santuario, nel 1872 si consacrarono le prime Figlie di Maria Ausiliatrice, nel 1875 partirono i primi missionari per l’Argentina guidati da don Cagliero. Nacquero i cooperatori e il bollettino salesiano. Valdocco aveva raggiunto proporzioni enormi, mentre a Roma Papa Leone XIII chiedeva alla congregazione la costruzione della basilica del Sacro Cuore. Don Bosco era spesso in viaggio per la Francia e la Spagna e don Rua gli era accanto. Nel 1884 la salute del fondatore ormai declinava e fu il papa stesso a suggerirgli di pensare ad un successore. Don Rua il 7 novembre fu nominato, dal pontefice, vicario con diritto di successione. Nel gennaio del 1888, nella notte tra il 30 e il 31, alla presenza di molti sacerdoti, accompagnò la mano del santo, nel dare l’ultima benedizione. Rimase poi inginocchiato, davanti alla salma, per oltre due ore.
Il beato Michele fu un missionario instancabile, fedele interprete del sistema educativo preventivo. Percorrendo centinaia di chilometri visitò le case della congregazione sparse per il mondo, coordinandole come una sola grande famiglia. Diceva che i suoi viaggi gli avevano fatto vedere la “povertà ovunque”. La prima grande industrializzazione fece abbandonare ai contadini le proprie terre, per un misero salario guadagnato in fabbrica dopo interminabili giornate di lavoro. I salesiani toglievano dalla strada molti bambini, aprendo oratori e scuole che, pur nella loro semplicità, diventavano in poco tempo centri di accoglienza e istruzione. Fu un grande innovatore in campo educativo: oltre alle scuole, in cui introdusse corsi professionali, organizzò ostelli e circoli sociali. Tra gli altri, fece amicizia con Leone Harmel, promotore del movimento degli operai cattolici. Come responsabile della congregazione affrontava con scrupolo le questioni amministrative che a volte lo portavano ad essere severo con i suoi collaboratori. Spesso gli saranno tornate in mente le parole che don Bosco gli disse quando era ancora un ragazzino: “avrai molto lavoro da fare”. Alla morte del santo i salesiani erano settecento, in sessantaquattro case, presenti in sei nazioni, con don Rua divennero quattromila religiosi, in trecentoquarantuno case di trenta nazioni, tra cui Brasile, Messico, Ecuador, Cina, India, Egitto, Sudafrica. L’amico d’infanzia Cagliero, divenuto cardinale, fu il primo vescovo salesiano missionario in Patagonia e nella Terra del Fuoco, e molti anni dopo gli presentò il giovane figlio di un “cachico”, Zefirino Namuncurà, oggi beato. L’altro compagno, Giovanni Francesia, divenne un latinista di fama europea.
Al beato Rua, tra molte soddisfazioni (nel 1907 don Bosco fu dichiarato venerabile, nel 1908 si terminò la chiesa romana di Maria Liberatrice), non mancarono certo prove e difficoltà. Nel 1896 il governo anticlericale dell’Ecuador allontanò dal paese i salesiani, lo stesso accadde in Francia nel 1902. Nel 1907 in Liguria, a Varazze, si dovette rispondere per vie legali ad alcune pesanti accuse contro la congregazione. Il piano massonico si sgonfiò e i calunniatori dovettero scappare all’estero. La salute del beato ne rimase seriamente compromessa. Sotto il peso degli anni, fu costretto a letto. Il suo aiutante, b. Filippo Rinaldi, lo assistette fino all’ultimo. Morì nella notte tra il 5 e il 6 aprile 1910, mormorando una giaculatoria insegnatagli da don Bosco quando era un ragazzino: “Cara Madre, Vegine Maria, fate ch’io salvi l’anima mia”. Il “secondo padre della famiglia salesiana” fu sepolto a fianco del maestro. Paolo VI lo beatificò il 29 ottobre 1972, la sua tomba è ora venerata nella cripta della basilica di Maria Ausiliatrice.
La data di culto per la Chiesa Universale è il 6 aprile, mentre la Famiglia Salesiana lo ricorda il 29 ottobre, giorno della sua beatificazione.
Autore: Daniele Bolognini
Note: Per segnalare grazie o favori ricevuti per sua intercessione, oppure
per informazioni, rivolgersi al Postulatore Generale della Famiglia Salesiana:
postulatore@sdb.org
SOURCE : http://www.santiebeati.it/dettaglio/35150
SOLENNE BEATIFICAZIONE
DEL SACERDOTE MICHELE RUA
OMELIA DI PAOLO VI
Domenica, 29 ottobre 1972
Venerabili Fratelli e Figli carissimi!
Benediciamo il Signore!
Ecco: Don Rua è stato ora
da noi dichiarato «beato»!
Ancora una volta un
prodigio è compiuto: sopra la folla della umanità, sollevato dalle braccia
della Chiesa, quest’uomo, invaso da una levitazione che la grazia accolta e
secondata da un cuore eroicamente fedele ha reso possibile, emerge ad un
livello superiore e luminoso, e fa convergere a sé l’ammirazione e il culto,
consentiti per quei fratelli che, passati all’altra vita, hanno ormai raggiunta
la beatitudine del regno dei cieli.
BONTÀ , MITEZZA,
SACRIFICIO
Un esile e consunto
profilo di prete, tutto mitezza e bontà, tutto dovere e sacrificio, si delinea
sull’orizzonte della storia, e vi resterà ormai per sempre: è Don Michele Rua,
«beato»!
Siete contenti? Superfluo
chiederlo alla triplice Famiglia Salesiana, che qui e nel mondo esulta con noi,
e che trasfonde la sua gioia in tutta la Chiesa. Dovunque sono i Figli di Don
Bosco, oggi è festa. Ed è festa specialmente per la Chiesa di Torino, patria
terrena del nuovo Beato, la quale vede inserita nella schiera possiamo dire
moderna dei suoi eletti una nuova figura sacerdotale, che ne documenta le virtù
della stirpe civile e cristiana, e che certo ne promette altra futura
fecondità.
Don Rua, «beato». Noi non
ne tracceremo ora il profilo biografico, né faremo il suo panegirico. La sua
storia è ormai a tutti ben nota. Non sono certamente i bravi Salesiani, che
lasciano mancare la celebrità ai loro eroi; ed è questo doveroso omaggio alle
loro virtù che, rendendoli popolari, estende il raggio del loro esempio e ne
moltiplica la benefica efficacia; crea l’epopea, per l’edificazione del nostro
tempo.
E poi, in questo momento
nel quale la commozione gaudiosa riempie i nostri animi, preferiamo piuttosto
meditare che ascoltare. Ebbene meditiamo, un istante, sopra l’aspetto
caratteristico di Don Rua, l’aspetto che lo definisce, e che con un solo
sguardo ce lo dice tutto, ce lo fa capire. Chi è Don Rua?
È il primo successore di
Don Bosco, il Santo Fondatore dei Salesiani. E perché adesso Don Rua è
beatificato, cioè glorificato? è beatificato e glorificato appunto perché suo
successore, cioè continuatore: figlio, discepolo, imitatore; il quale ha fatto
con altri ben si sa, ma primo fra essi, dell’esempio del Santo una scuola,
della sua opera personale un’istituzione estesa, si può dire, su tutta la
terra; della sua vita una storia, della sua regola uno spirito, della sua
santità un tipo, un modello; ha fatto della sorgente, una corrente, un fiume.
Ricordate la parabola del Vangelo: «il regno dei cieli è simile a grano di
senapa, che un uomo prende e semina nel suo campo; esso è tra i piccoli di
tutti i semi, ma quando è cresciuto è tra i più grandi di tutti gli erbaggi e
diventa pianta, tanto che gli uccelli del cielo vengono a riposarsi fra i suoi
rami» (Matth. 13, 31-32). La prodigiosa fecondità della famiglia Salesiana, uno
dei maggiori e più significativi fenomeni della perenne vitalità della Chiesa
nel secolo scorso e nel nostro, ha avuto in Don Bosco l’origine, in Don Rua la
continuità. È stato questo suo seguace, che fin dagli umili inizi di Valdocco,
ha servito l’opera Salesiana nella sua virtualità espansiva, ha capito la
felicità della formula, l’ha sviluppata con coerenza testuale, ma con sempre
geniale novità. Don Rua è stato il fedelissimo, perciò il più umile ed insieme
il più valoroso dei figli di Don Bosco.
UNA TRADIZIONE GLORIOSA
Questo è ormai notissimo;
non faremo citazioni, che la documentazione della vita del nuovo Beato offre
con esuberante abbondanza; ma faremo una sola riflessione, che noi crediamo,
oggi specialmente, molto importante; essa riguarda uno dei valori più discussi,
in bene ed in male, della cultura moderna, vogliamo dire della tradizione.
Don Rua ha inaugurato una
tradizione. La tradizione, che trova cultori e ammiratori nel campo della
cultura umanistica, la storia, per esempio, il divenire filosofico, non è
invece in onore nel campo operativo, dove piuttosto la rottura della
tradizione - la rivoluzione, il rinnovamento precipitoso, la originalità
sempre insofferente dell’altrui scuola, l’indipendenza dal passato, la
liberazione di ogni vincolo - sembra diventata la norma della modernità, la
condizione del progresso, Non contestiamo ciò che vi è di salutare e di
inevitabile in questo atteggiamento della vita tesa in avanti, che avanza nel
tempo, nell’esperienza e nella conquista delle realtà circostanti; ma metteremo
sull’avviso circa il pericolo e il danno del ripudio cieco dell’eredità che il
passato, mediante una tradizione saggia e selettiva, trasmette alle nuove
generazioni. Non tenendo nel debito conto questo processo di trasmissione, noi
potremmo perdere il tesoro accumulato della civiltà, ed essere obbligati a
riconoscerci regrediti, non progrediti, e a ricominciare da capo un’estenuante
fatica. Potremmo perdere il tesoro della fede, che ha le sue radici umane in
determinati momenti della storia che fu, per ritrovarci naufraghi nel pelago
misterioso del tempo, senza più avere né la nozione, né la capacità del cammino
da compiere. Discorso immenso, ma che sorge alla prima pagina della pedagogia
umana, e che ci avverte, se non altro, quale merito abbia ancora il culto della
sapienza dei nostri vecchi, e per noi, figli della Chiesa, quale dovere e quale
bisogno noi abbiamo di attingere dalla tradizione quella luce amica e perenne,
che dal lontano e prossimo passato proietta i suoi raggi sul nostro
progrediente sentiero.
CI INSEGNA AD ESSERE
DISCEPOLI D'UN SUPERIORE MAESTRO
Ma per noi il discorso,
davanti a Don Rua, si fa semplice ed elementare, ma non per questo meno degno
di considerazione. Che cosa c’insegna Don Rua? Come ha egli potuto assurgere
alla gloria del paradiso e all’esaltazione che oggi la Chiesa ne fa?
Precisamente, come dicevamo, Don Rua c’insegna ad essere dei continuatori; cioè
dei seguaci, degli alunni, dei maestri, se volete, purché discepoli d’un
superiore Maestro. Amplifichiamo la lezione che da lui ci viene: egli insegna
ai Salesiani a rimanere Salesiani, figli sempre fedeli del loro fondatore; e
poi a tutti egli c’insegna la riverenza al magistero, che presiede al pensiero
e alla economia della vita cristiana. Cristo stesso, come Verbo procedente dal
Padre, e come Messia esecutore e interprete della rivelazione a lui relativa,
ha detto di Sé: «la mia dottrina non è mia, ma è di Colui che mi ha mandato»
(Io. 7, 16).
La dignità del discepolo
dipende dalla sapienza del Maestro. L’imitazione nel discepolo non è più
passività, né servilità; è fermento, è perfezione (Cfr. 1 Cor. 4,
16). La capacità dell’allievo di sviluppare la propria personalità deriva
infatti da quell’arte estrattiva, propria del precettore, la quale appunto si
chiama educazione, arte che guida l’espansione logica, ma libera e originale
delle qualità virtuali dell’allievo. Vogliamo dire che le virtù, di cui Don Rua
ci è modello e di cui la Chiesa ha fatto titolo per la sua beatificazione, sono
ancora quelle evangeliche degli umili aderenti alla scuola profetica della
santità; degli umili ai quali sono rivelati i misteri più alti della divinità e
dell’umanità (Cfr. Matth. 11, 25).
Se davvero Don Rua si
qualifica come il primo continuatore dell’esempio e dell’opera di Don Bosco, ci
piacerà ripensarlo sempre e venerarlo in questo aspetto ascetico di umiltà e di
dipendenza; ma noi non potremo mai dimenticare l’aspetto operativo di questo
piccolo-grande uomo, tanto più che noi, non alieni dalla mentalità del nostro
tempo, incline a misurare la statura d’un uomo dalla sua capacità d’azione,
avvertiamo d’avere davanti un atleta di attività apostolica che, sempre sullo
stampo di Don Bosco, ma con dimensioni proprie e crescenti, conferisce a Don
Rua le proporzioni spirituali ed umane della grandezza. Infatti missione grande
è la sua. I biografi ed i critici della sua vita vi hanno riscontrato le virtù
eroiche, che sono i requisiti che la Chiesa esige per l’esito positivo delle
cause di beatificazione e di canonizzazione, e che suppongono e attestano una
straordinaria abbondanza di grazia divina, prima e somma causa della santità.
La missione che fa grande
Don Rua si gemina in due direzioni esteriori distinte, ma che nel cuore di
questo poderoso operaio del regno di Dio s’intrecciano e si fondono, come di
solito avviene nella forma dell’apostolato che la Provvidenza a lui assegnò: la
Congregazione Salesiana e l’oratorio, cioè le opere per la gioventù, e quante
altre fanno loro corona. Qui il nostro elogio dovrebbe rivolgersi alla triplice
Famiglia religiosa che da Don Bosco dapprima e poi da Don Rua, con lineare
successione ebbe radice, quella dei Sacerdoti Salesiani, quella delle Figlie di
Maria Ausiliatrice, e quella dei Cooperatori Salesiani, ognuna delle quali ebbe
meraviglioso sviluppo sotto l’impulso metodico e indefesso del nostro Beato.
Basti ricordare che nel ventennio del suo governo da 64 case salesiane, fondate
da Don Bosco durante la sua vita, esse crebbero fino a 314. Vengono alle
labbra, in senso positivo, le parole della Bibbia: «Qui vi è il dito di Dio!»
(Ex. 8, 19). Glorificando Don Rua, noi rendiamo gloria al Signore, Che ha
voluto nella persona di lui, nella crescente schiera dei suoi Confratelli e nel
rapido incremento dell’opera Salesiana manifestare la sua bontà e la sua
potenza, capaci di suscitare anche nel nostro tempo l’inesausta e meravigliosa
vitalità della Chiesa e di offrire alla sua fatica apostolica i nuovi campi di
lavoro pastorale, che l’impetuoso e disordinato sviluppo sociale ha aperto
davanti alla civiltà cristiana. E salutiamo, festanti con loro di gaudio e di
speranza, tutti i Figli di questa giovane e fiorente Famiglia Salesiana, che
oggi sotto lo sguardo amico e paterno del loro nuovo Beato rinfrancano il loro
passo sulla via erta e diritta dell’ormai collaudata tradizione di Don Bosco.
IN CRISTO OGNI ARMONIA E
FELICITÀ
Poi le opere Salesiane si
accendono davanti a noi illuminate dal Santo Fondatore e con novello splendore
del Beato continuatore. È a voi che guardiamo, giovani della grande scuola
Salesiana! Vediamo riflesso nei vostri volti e splendente nei vostri occhi
l’amore di cui Don Bosco e con lui Don Rua e tutti i loro Confratelli di ieri e
di oggi, e certo di domani, vi ha fatto magnifico schermo. Quanto siete a noi
cari, quanto siete per noi belli, quanto volentieri vi vediamo allegri, vivaci
e moderni; voi siete giovani cresciuti e crescenti in codesta multiforme e
provvidenziale opera Salesiana! Come preme sul cuore la commozione delle
straordinarie cose che il genio di carità di San Giovanni Bosco e del Beato
Michele Rua e dei mille e mille loro seguaci ha saputo produrre per voi; per
voi, specialmente, figli del popolo, per voi, se bisognosi di assistenza e di
aiuto, di istruzione e di educazione, di allenamento al lavoro e alla
preghiera; per voi, se figli della sventura, o confinati in terre lontane
aspettate chi vi venga vicino, con la sapiente pedagogia preventiva
dell’amicizia, della bontà, della letizia, chi sappia giocare e dialogare con
voi, chi vi faccia buoni e forti facendovi sereni e puri e bravi e fedeli, chi
vi scopra il senso e il dovere della vita, e vi insegni a trovare in Cristo
l’armonia d’ogni cosa! Anche voi oggi noi salutiamo, e vorremmo tutti voi,
alunni piccoli e grandi della gioconda studiosa e laboriosa palestra Salesiana,
e con voi tanti vostri coetanei delle città e delle campagne, voi delle scuole
e dei campi sportivi, voi del lavoro e della sofferenza, e voi delle nostre aule
di catechismo e delle nostre chiese, sì, vorremmo tutti un istante chiamarvi
sull’«attenti!», ed invitarvi a sollevare gli sguardi verso questo nuovo Beato
Don Michele Rua, che vi ha tanto amati e che ora per mano nostra, la quale vuol
essere quella di Cristo, a uno a uno, e tutti insieme vi benedice.
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SOURCE : https://www.vatican.va/content/paul-vi/it/homilies/1972/documents/hf_p-vi_hom_19721029.html
BEATO MICHELE RUA, “HA
FATTO DELLA SORGENTE, UNA CORRENTE, UN FIUME”. (PAOLO VI)
Beato Michele Rua
Un giorno don Bosco
confidò a don Costamagna: “Se Dio mi dicesse: preparati a morire; scegli però
un successore, perché non voglio che l’opera tua cessi; per lui sollecita
quante grazie, virtù, doni e carismi credi necessari, e tutto concederò: ti
assicuro, caro Costamagna, che non saprei che cosa chiedere, perché tutto vedo
già in don Rua”.
Michele Rua nacque a Torino
il 9 giugno 1837, nel popolare quartiere di Borgo Dora; il padre lavorava
nell’arsenale e in un alloggio della fabbrica abitava la famiglia. Nel giro di
pochi anni la madre rimase sola con due figli. Perso il papà, gli occhi di
Michelino spesso si fermavano a guardare gli operai al lavoro davanti ai forni
roventi in cui erano fusi i pezzi d’artiglieria. Era una sorta di caserma in
cui il ragazzo frequentò le prime due classi d’istruzione. Seguì la terza
elementare presso i Fratelli delle Scuole Cristiane, chiamati nel Borgo, anni
prima, dal Marchese Tancredi di Barolo per istruire i bambini del popolo. Tra i
banchi di scuola ci fu l’incontro con don Bosco che intuì, negli occhi del
ragazzetto, qualcosa di speciale. Porgendogli la mano, com’era solito fare con
tanti ragazzi, gli disse: “Noi due faremo tutto a metà”. Quelle parole rimasero
impresse nel cuore di Michele che da quel giorno lo prese come confessore. La
terza era l’ultima classe obbligatoria e quando il “santo dei giovani” gli
chiese cosa avrebbe fatto l’anno successivo, lui rispose che, essendo orfano,
in fabbrica avevano promesso alla madre che gli avrebbero dato un lavoro. Per
il sacerdote, anch’egli rimasto presto senza padre, convincere la donna a
fargli proseguire gli studi non fu difficile e Michele entrò come convittore a
Valdocco, già “popolato” da oltre cinquecento ragazzi. Intanto nacque nel suo
cuore la vocazione sacerdotale e il 3 ottobre 1852 ricevette dal santo l’abito
clericale ai Becchi di Castelnuovo. L’anno seguente fu un anno speciale perché
si celebrava il 4° centenario del Miracolo Eucaristico. Don Bosco aveva scritto
per l’occasione un libretto e un giorno, mentre camminavano insieme per le
strade di Torino, scherzando, predisse al giovane che, cinquanta anni dopo,
l’avrebbe fatto ristampare.
Il 26 gennaio 1854, don
Bosco radunò nella sua camera quattro giovani compagni, dando vita, forse
inconsapevolmente, alla Congregazione salesiana. Alla riunione erano presenti
Giovanni Cagliero e Michele Rua che fu incaricato di stenderne il “verbale”.
Amici inseparabili, furono tra i più volenterosi quando, nel mese di agosto,
scoppiò in città un’epidemia di colera, probabilmente portata dai reduci della
guerra in Crimea. Nei quartieri più poveri i due aiutarono generosamente i
malati e Cagliero si ammalò gravemente. Collaboratore della Compagnia
dell’Immacolata con Domenico Savio, fu un allievo modello, apostolo tra i
compagni. Il 25 marzo 1855, nella stanza di don Bosco, Michele fece la sua
“professione” semplice: era il primo Salesiano. A Valdocco sorgevano laboratori
di calzoleria, di sartoria, di legatoria. Molti ragazzi vedevano cambiare la
propria esistenza. Alcuni poterono studiare, altri vi si radunavano la sera
dopo il lavoro, altri ancora solo la domenica. Michele divenne il principale
collaboratore del santo, nonostante la giovane età. Ne conquistò la totale
fiducia, aiutandolo anche nel trascrivere le bozze dei suoi libri, sovente di
notte, rubando le ore al sonno. Di giorno si recava all’oratorio San Luigi,
dalle parti di Porta Nuova, in una zona piena d’immigrati. I più emarginati
erano i ragazzi che, dalle valli, scendevano in città in cerca di lavoro come
spazzacamini. Rua, facendo catechismo e insegnando le elementari nozioni
scolastiche, conobbe infinite storie di miseria. L’oratorio fu frequentato
anche da San Leonardo Murialdo e dal Beato Francesco Faà di Bruno. Nel novembre
1856, quando morì Margherita Occhiena, madre di don Bosco, Michele chiamò la
propria mamma ad accudire ai giovani di Valdocco. La signora Giovanna Maria
l’avrebbe fatto per vent’anni, fino alla morte. Frequentare il seminario, a
quei tempi, a causa delle leggi anticlericali, non era facile ma nonostante
questo il giovane lo fece con profitto e, anzi, sui suoi appunti studiarono
tanti compagni.
Nel febbraio 1858 don
Bosco scrisse le Regole della Congregazione e il “fidato segretario” passò
molte notti a copiare la sua indecifrabile grafia. Insieme le portarono a Roma,
per l’approvazione di Papa Pio IX, che, di proprio pugno, le corresse. Michele
la sera dovette ricopiarle mentre di giorno era l’ombra del fondatore,
impegnato ad accompagnarlo negli incontri con varie personalità. L’anno
successivo il Papa ufficializzò la Congregazione salesiana. La sera del 18
dicembre 1859, data di nascita della Congregazione, don Rua, ordinato
suddiacono il giorno prima, è eletto, all’unanimità, Direttore Spirituale. Il
29 luglio 1860 Michele Rua fu ordinato sacerdote. Sull’altare della prima Messa
c’erano i fiori bianchi donati dagli spazzacamini dell’oratorio San Luigi. Tre
anni dopo fu mandato ad aprire la prima casa salesiana fuori Torino: un piccolo
seminario a Mirabello Monferrato. Vi stette due anni e tornò in città mentre a
Valdocco si costruiva la basilica di Maria Ausiliatrice. Don Rua divenne il
riferimento di molteplici attività, rispondendo persino alle lettere
indirizzate a don Bosco. Lavorava senza soste e nel luglio 1868 sfiorò persino
la morte a causa di una peritonite. Dato per moribondo dai medici, guarì;
qualcuno disse per intercessione di don Bosco. Tra i ragazzi dell’oratorio,
oltre settecento, nascevano diverse vocazioni religiose. In quell’anno si
conclusero i lavori del santuario; nel 1872 fecero la professione religiosa le
prime Figlie di Maria Ausiliatrice; nel 1875 partirono i primi missionari per
l’Argentina guidati da don Cagliero. In seguito nacquero i Cooperatori e
il Bollettino Salesiano. Valdocco aveva raggiunto proporzioni enormi,
mentre a Roma Papa Leone XIII chiedeva alla Congregazione la costruzione della
basilica del Sacro Cuore. Don Bosco era spesso in viaggio per la Francia e la
Spagna e don Rua gli era accanto. Nel 1884 la salute del fondatore ormai
declinava e fu il Papa stesso a suggerirgli di pensare a un successore. Don Rua
il 7 novembre fu nominato, dal pontefice, vicario con diritto di successione.
Nella notte tra il 30 e il 31 gennaio del 1888, alla presenza di molti
sacerdoti, accompagnò la mano del santo nel dare l’ultima benedizione. Rimase
poi inginocchiato, davanti alla salma, per oltre due ore.
Divenuto Rettor Maggiore
della Società Salesiana e primo successore di don Bosco, don Rua ne è il fedele
interprete, realizzatore, consolidatore e continuatore del carisma in tutte le
sue dimensioni, con un obiettivo molto chiaro fin dall’inizio del suo mandato:
“L’altro pensiero che mi rimase fisso in mente, fu che noi dobbiamo stimarci
ben fortunati di essere figli di un tal Padre. Perciò nostra sollecitudine
dev’essere di sostenere e a suo tempo sviluppare ognora più le opere da lui
iniziate, seguire fedelmente i metodi da lui praticati e insegnati, e nel
nostro modo di parlare e di operare cercare di imitare il modello, che il
Signore nella sua bontà ci ha in lui somministrato. Questo, o Figli carissimi,
sarà il programma che io seguirò nella mia carica; questo pure sia la mira e lo
studio di ciascuno dei Salesiani”.
Quello esercitato da don
Rua è soprattutto un governo carismatico ed esemplare: don Rua stesso
è una persona carismatica ed esemplare, vale a dire che governa con il buon
esempio, essendo un vero modello. Non proietta se stesso, ma don Bosco e il suo
carisma sempre e dovunque: davanti ai suoi Salesiani, davanti alla Chiesa e
alla società civile. Perciò si può dire che mentre governa con l’intelligenza,
il suo governo è ancor più rafforzato dalla santità e dalla qualità morale
della persona.
Frutti di tale animazione e di tale governo sono: l’espansione delle fondazioni salesiane spesso aperte con la povertà di mezzi e scarsità di personale e in tanti luoghi avendo da affrontare situazioni molto difficili; le spedizioni missionarie inviate a sostenere e portare a pieno sviluppo le opere già aperte e a tentarne delle nuove, in particolare tra i popoli non ancora evangelizzati. Nei suoi 22 anni di governo don Rua aumenta le fondazioni salesiane: dalle 64 case presenti alla morte di don Bosco si arriva a 341 case nel 1910, l’anno della sua morte.
Altro frutto di quest’azione benedetta dall’alto e sostenuta da un impegno indefesso è la crescita delle vocazioni. L’insistenza costante di don Rua nel coltivare vocazioni fa delle case salesiane una scuola di formazione cristiana, ricordando spesso ai Salesiani il nucleo centrale della loro vocazione, del loro carisma: l’amore travolgente a Dio che si trasforma in amore al prossimo. Per don Rua l’eccellenza di qualsiasi opera salesiana consiste nella capacità di promuovere delle vocazioni, e ciò è indice della fedeltà al carisma di don Bosco, oltre che a essere segno della fecondità del sistema pastorale e pedagogico salesiano. Alla morte di don Bosco i Salesiani sono 768; alla morte di don Rua salgono a 4.001 salesiani professi e 371 novizi. A quest’opera di promozione vocazionale si accompagna un’azione stabilizzatrice dei processi formativi, con l’istituzione dei centri di formazione: noviziati e studentati filosofici e teologici.
Quest’opera di governo e di animazione trovava la sua sorgente nella fedeltà a
don Bosco e al suo carisma, attraverso la mediazione delle Costituzioni e dei
Regolamenti,l’esperienza vissuta della vita salesiana comunitaria, il contatto
diretto con i suoi scritti o nell’originale o nella traduzione e l’accostamento
con quelli che erano vissuti al suo fianco. Don Rua è convinto che l’insistere
con i Salesiani a vivere in comunione stretta con la persona e la figura di don
Bosco sia un mezzo sicuro per superare l’individualismo, l’isolamento e le
tendenze liberali visibili nella società esterna, per rafforzare un forte senso
di appartenenza alla Congregazione e per creare comunità salesiane oranti,
armoniose, fraterne e apostoliche, unite sotto i direttori e saldamente legate
all’ispettore, al Rettor Maggiore e al Capitolo Superiore.
Don Rua fu un missionario
instancabile, fedele interprete del sistema educativo preventivo. Percorrendo
centinaia di chilometri visitò le case della Congregazione sparse per il mondo,
coordinandole come una sola grande famiglia. Diceva che i suoi viaggi gli
avevano fatto vedere la “povertà ovunque”. La prima grande industrializzazione
fece abbandonare ai contadini le proprie terre, per un misero salario
guadagnato in fabbrica dopo interminabili giornate di lavoro. I Salesiani
toglievano dalla strada molti bambini, aprendo oratori e scuole che, pur nella
loro semplicità, diventavano in poco tempo centri di accoglienza e istruzione.
Don Rua fu un grande innovatore in campo educativo: oltre alle scuole, in cui
introdusse corsi professionali, organizzò ostelli e circoli sociali. Come
responsabile della Congregazione affrontava con scrupolo le questioni
amministrative che a volte lo portavano a essere severo con i suoi
collaboratori. Spesso gli saranno tornate in mente le parole che don Bosco gli
disse quando era ancora un ragazzino: “Avrai molto lavoro da fare”.
A don Rua, tra molte
soddisfazioni (nel 1907 don Bosco fu dichiarato venerabile, nel 1908 si terminò
la chiesa romana di Santa Maria Liberatrice), non mancarono certo prove e
difficoltà. Nel 1896 il governo anticlericale dell’Ecuador allontanò dal paese
i Salesiani; lo stesso accadde in Francia nel 1902. Nel 1907 in Liguria, a
Varazze, si dovette rispondere per vie legali ad alcune pesanti calunnie contro
la Congregazione. Il piano massonico si sgonfiò e i calunniatori dovettero
scappare all’estero. La salute di don Rua tuttavia ne rimase seriamente
compromessa. Sotto il peso degli anni, fu costretto a letto. Morì nella notte
tra il 5 e il 6 aprile 1910, mormorando una giaculatoria insegnatagli da don
Bosco quando era un ragazzino: “Cara Madre, Vergine Maria, fate ch’io salvi
l’anima mia”. Il “secondo padre della Famiglia Salesiana” fu sepolto a fianco
del maestro. Paolo VI lo beatificò il 29 ottobre 1972, affermando: “La Famiglia
salesiana […] ha avuto in don Bosco l’origine, in Don Rua la continuità […].
Egli ha fatto dell’esempio del santo una scuola, della sua Regola uno spirito,
della sua santità un modello […]. Don Rua ha inaugurato una tradizione”. La sua
tomba è ora venerata nella cripta della basilica di Maria Ausiliatrice in
Torino.
Morì il 6 aprile 1910, a
73 anni. Con lui la Società era passata da 773 a 4000 salesiani, da 57 a 345
Case, da 6 a 34 Ispettorie in 33 paesi. Paolo VI lo beatificò nel 1972,
dicendo: “Ha fatto della sorgente un fiume”.
Venerabile il 26 giugno
1953; beatificato il 29 ottobre 1972 da Paolo VI
SOURCE : http://salesianfamily.net/beato-michele-rua/fsadmin/
Voir aussi : Luigi
Castano. Il Beato Michele Rua, https://archive.sdb.org/ITA/pdf/Rua-Castano.PDF
https://www.clairval.com/index.php/fr/lettre/?id=6150904
https://www.infoans.org/fr/sections/a-savoir/item/11508-bienheureux-michael-rua-prie-pour-nous