Saint Yves, prêtre
Yves Hélory (1253-1303), l'avocat des humbles et des opprimés, était prêtre du diocèse de Tréguier (Bretagne). Il exerça le ministère de juge ecclésiastique à Rennes, puis de curé de Tredrez et de Louannec. Vivant pauvre parmi les pauvres, il joignait à la droiture et à la patience une inépuisable charité. Sa porte était ouverte à tous.
« Sanctus Yvo erat Brito, advocatus sed non latro, res miranda populo! »
SOURCE : http://www.paroisse-saint-aygulf.fr/index.php/prieres-et-liturgie/saints-par-mois/icalrepeat.detail/2015/05/19/8/-/saint-yves-pretreLes quatre vies de saint Yves des Bretons : des
témoins racontent
Agnès
Bastit-Kalinowska - Publié le 18/05/21
Bien connu comme juriste, patron des avocats et des
Bretons, saint Yves (1250-1303) l’est moins pour sa sainteté au quotidien. Les
nombreux témoins qui l’ont connu de son vivant ont pourtant tout raconté de ce
serviteur des pauvres, prédicateur charismatique et confesseur infatigable.
Cela nous vaut des anecdotes croustillantes.
Yves Hélory, du manoir de Kermartin près de Tréguier
(côte d’Armor), est fêté le 19 mai, jour anniversaire de sa mort. Il eut
plusieurs vies : l’une consacrée à l’étude, surtout de la théologie et du
droit, l’autre adonnée à la justice en tant que juge (official), la troisième
en tant que prêtre dans deux paroisses rurales du diocèse de Tréguier,
auxquelles il faut encore ajouter une quatrième, ses dernières années, vouée à
la vie mystique et au service des pauvres, une fois en retraite de ses
activités officielles.
Le rayonnement de sa sainteté aboutit à une enquête de
canonisation — l’une des plus anciennes de l’histoire de l’Église —, qui se
déroule à Tréguier du 23 juin au 4 août 1330. Vingt-sept ans après sa mort, en
1347, Yves est proclamé saint. Les 52 témoins interrogés durant le procès de
canonisation, ont la plupart connu « Dom Yves », ainsi qu’ils
l’appellent, au cours du dernier tiers de sa vie, en tant qu’official de
Tréguier et « curé de campagne ». C’est aussi le cas de certains des
180 autres témoins qui disent avoir bénéficié d’une grâce ou d’une guérison.
Leurs témoignages, traduits par l’historien J.-P. Le Guillou en 1989, dessinent
le portrait d’une personnalité ardente dans la foi et la charité.
Saint Yves, un homme dévoué aux pauvres
La vie de Dom Yves s’organise autour de trois
pôles : une prière intense, qui va parfois jusqu’à l’extase, une grande
ardeur à « prêcher la parole de Dieu », en chaire bien sûr mais aussi
dans des circonstances plus informelles, et un dévouement de plus en plus
radical aux pauvres et aux démunis, dont il partage le mode de vie depuis qu’il
a adopté un vêtement et une nourriture sommaires, « pour ramener les
brebis du Seigneur à l’amour du Christ », comme l’atteste l’un d’entre
eux. Toutes ses activités convergent dans l’eucharistie, célébrée souvent avec
larmes par ce « prêtre saint », comme disent les gens. Une famille
divisée témoigne de sa réconciliation après avoir assisté à sa messe (témoin
n. 13). Une autre fois, à l’élévation, un vagabond auquel Yves avait la
veille graissé les chaussures est ébloui par la lumière de l’hostie
(t. 151).
Un témoin se souvient que ses parents recevaient Yves
dans leur manoir : « Dom Yves fut un homme très pacifique et très
paisible. Il parlait peu en effet, sauf pour parler de Dieu et dire ce qui mène
au Salut. Il ne se mettait pas en colère, mais se tenait pacifique et paisible.
Et ses paroles, il les prononçait avec bienveillance et patience ; il
écoutait parler les autres avec un cœur paisible. Toujours dans les mêmes lieux
que j’ai dit, je l’ai vu souvent converser ainsi. Dans ses paroles venaient
très souvent les mots : “Jésus-Christ, fils de Dieu” »
(t. 4).
Saint Yves, un prédicateur charismatique
En chaire, il s’adresse à tous avec simplicité :
« C’était un homme très humble. Il se comportait à l’égard de n’importe
qui avec respect et humilité et, quand il prêchait, il poussait les gens
par-dessus tout à l’humilité, disant que, s’ils étaient humbles et
bienveillants, Dieu les exalterait et leur ferait du bien » (t. 43).
« Aux laïcs qui ne savaient pas lire, raconte un de ses fidèles, il
recommandait de dire souvent le Notre Père, et il prêchait aussi cette pratique
dans ses sermons » (t. 38).
Avant chaque messe et chaque sermon comme après, il
priait très dévotement, parfois avec larmes.
« Il s’adonnait beaucoup à la prière et à la
prédication. C’est ainsi que je l’ai vu maintes fois célébrer et prêcher dans
son église et ailleurs avec tant de charisme et de ferveur que les gens ne
pouvaient se rassasier de l’entendre. Avant chaque messe et chaque sermon comme
après, il priait très dévotement, parfois avec larmes. Il lui arrivait
fréquemment d’aller prêcher le même jour dans plusieurs endroits, et il
rentrait parfois de ses prédications extraordinairement fatigué, comme j’ai pu
m’en rendre compte moi-même » (t. 43). « Quand il voyait une
personne en proie à la désolation ou s’écartant du chemin de la vérité, la
compassion le poussait, et il se mettait à lui prêcher à elle toute seule.
C’est ainsi que j’ai vu Dom Yves prêcher la parole de Dieu à une brave femme
toute seule. Elle s’appelait X. et était de la paroisse de Y. Il lui prêchait
dans sa maison parce qu’elle était alors désolée d’avoir perdu quelque
chose » (t. 38).
Saint Yves, le confesseur
« J’ai entendu parler de lui avant de le
connaître, témoigne ce pécheur repenti. Alors, j’ai voulu le voir […], c’est à
Louannec [la cure de Dom Yves] que je suis allé le trouver. Là, je me suis
confessé à lui de mes péchés. Après cette confession, les saintes monitions de
Dom Yves ont fait naître en moi de tels sentiments de repentir et de dévotion
que je me suis mis à pleurer mes péchés amèrement, et j’ai commencé à aimer Dom
Yves et à m’appliquer le plus possible à suivre ses traces. À partir de là,
pendant deux ans [les deux dernières années de la vie d’Yves], je lui ai fait
de fréquentes visites à Ker Martin et à Tréguier » (t. 14). Cet autre
le vit pleurer en entendant sa confession : « Il m’est arrivé une
fois de me confesser à lui ; il pleurait amèrement en m’écoutant, et je
crois qu’il voulait m’amener à un vif regret de mes péchés » (t. 41).
Saint Yves, un artisan de paix
Prêtre et toujours juriste, il demeure artisan de paix
en cherchant la conversion des cœurs avant toute chose, comme en témoigne ce
père de famille, en conflit avec ses beaux-enfants : « Il est arrivé
que j’avais depuis longtemps un procès avec X… et Y…, lesquels étaient fils de
ma femme. Et personne ne pouvait arriver à nous mettre d’accord. Or un jour,
moi et ma femme, et les fils de ma femme, nous nous trouvions dans l’église de
Tréguier. Dom Yves me dit à peu près ceci : “Geoffroy, pour l’amour de
Dieu, faîtes la paix, vous et votre femme, avec les fils de votre femme car
moi, si cela vous agrée, je réglerai les choses à l’amiable entre eux et vous.”
J’ai répondu en substance ceci à Dom Yves : “Nous ne voulons d’autre paix
que celle que nous donneront le droit et la justice.” Dom Yves nous répondit
alors : “Attendez que je revienne vous trouver, car je vais célébrer la
messe du Saint-Esprit et demander à Dieu de pouvoir renouer entre vous des
liens de paix.” Dom Yves célébra cette messe et revint nous trouver et nous ne
pûmes en aucune façon nous opposer à sa volonté. Bien plus, nous dîmes :
“Messire, pour ce qui est du différend qui nous concerne, faîtes absolument ce
que vous voulez.” Il m’apparut que les prières de Dom Yves avaient changé nos
dispositions intérieures et que Dieu voulait faire la paix entre nous sur cette
affaire par l’intermédiaire de Dom Yves. C’était évident pour moi » (t. 13).
Saint Yves, prêtre jour et nuit
Un autre témoin, prêtre, qui fut le dernier confesseur
d’Yves, évoque son compagnonnage sacerdotal : « Les trois années qui
ont précédé sa mort, feu X. et moi-même qui témoigne, nous nous sommes jurés
l’un à l’autre de nous retrouver tous les jours de la semaine, samedi et
dimanche exceptés, à la maison de Dom Yves appelée Ker Martin pour l’entendre
expliquer la Bible et prêcher. Nous voulions aussi voir et imiter sa manière de
vivre dans la mesure du possible. Ainsi donc chaque semaine, nous sommes venus
ensemble en la demeure de Dom Yves et nous l’avons entendu faire la lecture de
la Bible et prêcher […]. Chaque jour de bon matin, dans sa chapelle personnelle
de Ker Martin, il célébrait la messe et fréquemment il pleurait très amèrement
avant la consécration. Après la messe, il nous faisait une lecture de la Bible.
Puis il faisait aux pauvres qui se présentaient alors des aumônes de pain et de
ce qu’il avait. Après quoi il prêchait la parole de Dieu jusqu’aux environs de
midi. À midi, il prenait la nourriture que j’ai dite [du pain et des légumes]
en compagnie des pauvres qui étaient là, de X. et de moi-même. Le repas fini,
il regagnait sa chambre pour étudier et pour prier, et s’y tenait jusqu’à
Vêpres. Il quittait ensuite sa chambre et récitait ses heures avec X. et
moi-même » (t. 5).
Ce paroissien se souvient de lui comme dormant par
devoir ! « Il priait avec dévotion et célébrait à peu près tous les
jours. Il passait la nuit presque sans dormir et l’occupait en prières, lectures
et bonnes exhortations. Je crois qu’il se serait bien des fois passé de
sommeil, mais qu’il dormait un peu parce qu’il avait à célébrer le
lendemain » (t. 20).
Saint Yves, proche des miséreux
« J’ai bu et mangé bien des fois avec Dom Yves,
par terre, entouré de pauvres, se souvient ce Trégorrois, témoin d’une scène
extraordinaire : « Il ne mangeait que du pain grossier et des plantes
potagères… et il buvait de l’eau fraîche […]. Une fois, je l’ai vu donner aux
pauvres une fournée entière de pain. Ce jour-là, par la suite, j’étais à table
avec lui à Ker Martin, dans sa maison, quand arriva un pauvre d’une laideur
extrême et misérablement vêtu. En ma présence, Dom Yves le fit asseoir en face
de lui et manger avec lui dans la même écuelle. Tandis que le pauvre se tenait
près de la porte de la maison, il se tourna vers Dom Yves et vers moi et nous
dit en breton : “Adieu ! Que le Seigneur soit avec vous.” Cela dit,
le pauvre apparut à Dom Yves beau et vêtu d’un habit blanc, comme Dom Yves me
le rapporta aussitôt. Il me dit que celui qui était arrivé très laid s’en
allait beau et que la maison resplendissait de la clarté de son habit. À dater
de ce jour, Dom Yves ne mangea pas à cette table mais, après le départ du
pauvre, il se mit à verser des larmes et dit : “Maintenant je sais qu’un
envoyé de notre Seigneur est venu me visiter” » (t. 3).
Lire aussi :Un Breton extraordinaire : saint Yves Hélory, juge et
prêtre
Ce paroissien, lui, se trouve un jour avec Dom Yves,
dans cette maison qu’il avait faite pour les pauvres : « Il y avait
là un pauvre qui allait, disait-il, à saint Jacques ou aux Sept Saints de
Bretagne, je ne me rappelle plus bien. “Tu as donc de bons souliers, lui dit
Dom Yves. Oui, messire, s’ils étaient graissés.” Dom Yves fit apporter de la
graisse et le pauvre voulut les graisser mais, sous mes yeux, Dom Yves les
graissa de ses mains » (t. 19). Un autre qui marchais avec échasses
et béquilles raconte : « Passant par la cité de Tréguier et ne
trouvant personne pour me donner l’hospitalité pour l’amour de Dieu, je suis
arrivé à la maison de Dom Yves à Ker Martin. Il manifesta une grande joie à me
recevoir, joignit les mains, les leva au ciel et me dit : “Béni soit Dieu
qui m’a envoyé un messager !” Tout de suite, on a dressé la table, et il m’a
servi du pain, du potage et de l’eau. Dom Yves a mangé avec moi du pain
grossier seulement et il a bu de l’eau fraîche. Le soir, il m’a fait coucher
dans un lit. Le lendemain, j’ai pris la liberté de m’en aller. Je ne me
trouvais pas loin de la ville de La Roche-Derrien, tout près d’une chapelle,
quand je vis Dom Yves. “Pourquoi t’être retiré comme cela ?” me dit-il, et
il m’a donné deux deniers. Il est entré dans la chapelle et y a célébré la
messe devant moi et en présence de nombreuses personnes que je ne connaissais
pas. À l’élévation du Corps du Christ, j’ai vu une sorte d’éclair tourner
rapidement autour du calice, si vite que je n’ai pu le fixer. L’élévation
finie, l’éclair disparut » (t. 151).
Saint Yves, un saint du Ciel
Pour tous les contemporains qu’ils l’ont connu, pas de doute : Dom Yves est un saint du Ciel : « On dit partout de lui qu’il est en paradis en raison de la vie de bien qu’il a menée, assure celui-ci, et à cause des miracles fréquents et très manifestes que le Seigneur accomplit à Tréguier et ailleurs d’une manière continue et admirable à l’invocation de son non » (t. 14).
Saint Yves, ceux qui l’ont connu témoignent, ceux qu’il a
guéris racontent, par Jean-Paul Le Guillou,Enquête de canonisation,
Tréguier, 1989 (réédité à Paris chez l’Harmattan en 2015).
Saint Yves de Tréguier
par Diocèse de
Saint-Brieuc et Tréguier
La renommée d’Yves Hélory
de Kermartin est mondiale.
Le 19 mai 1947, le VIe
centenaire de sa canonisation par Clément VI (19 mai 1347) attirait à Tréguier,
où la basilique–cathédrale garde son tombeau et ses reliques, cent mille
pèlerins « de toute nation et de toute langue », deux cardinaux, le nonce
apostolique, de nombreux archevêques et évêques, des centaines de prêtres, les
représentants officiels du gouvernement français et de plusieurs gouvernements
étrangers, les délégués des universités, des barreaux de France, de Belgique,
de Hollande, du Luxembourg, d’Angleterre, des Etats–Unis…
Cet invraisemblable
triomphe, suite et prélude à beaucoup d’autres, est la preuve de
l’extraordinaire survie de Saint–Yves. Depuis plus de 600 ans, sa mémoire est
en bénédiction.
Pourquoi cet humble
prêtre breton a-t-il laissé après lui un tel rayonnement ?
Qui était Yves ?
Yves Hélory de Kermartin
est né le 17 octobre 1253 au Minihy, près de Tréguier. Sa famille, d’ancienne
noblesse, se distinguait par ses vertus. Dès son plus jeune âge, l’enfant
montra une propension, hors du commun, vers les choses de Dieu. Il reçut, au
manoir paternel, les leçons d’un vieux précepteur. Puis il fut ensuite envoyé,
à l’âge de 14 ans, à l’université de Paris ; il y étudia pendant dix ans les
lettres et les sciences, la théologie et le droit canon. En 1277, à 24 ans,
Yves étudia à Orléans le droit civil. La vie qu’il menait était celle d’un
étudiant sérieux et pieux. Il partit ensuite à Rennes compléter ses longues
études en suivant des exposés sur la Bible et les sacrements. Son entourage
n’était pas sans remarquer ses talents, talents intellectuels : c’était un
savant et un lettré ; talents spirituels de piété et d’ascèse, si bien que
l’archidiacre de Rennes lui proposa la charge d’official. Yves resta à Rennes
de 1280 à 1284.
L’évêque de Tréguier,
Alain de Bruc avait besoin, lui aussi d’un official et il obtint le retour
d’Yves au pays natal. En plus de la fonction d’official, l’évêque voulut lui
confier une paroisse. Il fallut donc qu’Yves Hélory acceptât enfin de recevoir
le sacerdoce, ce que son humilité lui avait fait jusque-là refuser. La première
paroisse à lui être confiée fut Trédrez, la seconde Louannec, où il restera six
ans. Ce ministère paroissial lui permit de ne pas se laisser dessécher par
l’administration, de coller au réel, de rester près de ces petites gens qu’il
affectionnait énormément. Yves ne se borna pas à faire prévaloir le droit dans
ses fonctions judiciaires ; il se constitua l’avocat du faible, du pauvre, du
persécuté. La violence et l’injustice lui causaient une telle horreur qu’il les
combattait d’office, et n’épargnait ni peine ni argent pour faire rendre
justice. Sa parole ardente et éloquente, l’autorité de son savoir, son renom de
droiture et de fermeté gagnaient toutes les causes dont il se chargeait ; et il
attaquait sans hésiter, soit devant les tribunaux cléricaux, les hommes
puissants qui, en offensant l’équité, avaient excité son courroux. La
réputation de ce vengeur du droit s’étendit dans tout l’ouest de la France.
L’évêque de Tréguier
députa d’ailleurs plusieurs fois son illustre official auprès du duc de
Bretagne, pour la défense des intérêts diocésains. L’éloquent jurisconsulte
était aussi un prédicateur zélé ; par humilité, il prêchait de préférence en
langue bretonne et dans les campagnes. Il se tenait à la disposition de ses paroissiens,
donnant aux pauvres la nourriture matérielle, à tous la nourriture spirituelle
des sacrements, passant des heures au confessionnal, portant souvent sur lui,
dans une pyxide d’argent, l’eucharistie pour pouvoir la distribuer sans retard
aux malades, restant parfois toute la nuit à l’église, s’y reposant dans les
conditions les plus précaires, ne ménageant pas le pain de la parole.
Yves donnait son argent
jusqu’au dernier sou ; il donnait ses vêtements. Il tenait porte ouverte ; il
tenait table ouverte aux gueux et aux miséreux, leur distribuant sa propre
part, leur réservant les meilleurs morceaux, se faisant lui-même leur
serviteur, ne se souciant pas de la gêne ni du dérangement qu’ils pouvaient
provoquer.
En 1297, sentant ses
forces décliner, bien qu’il n’eût que 44 ans (mais les veilles et les
macérations l’avaient usé prématurément), il démissionna de toutes les
fonctions officielles et se retira dans son manoir de Kermartin pour pouvoir
mener ses dernières années dans l’union avec Dieu, loin des préoccupations de
la terre.
Il s’enfermait des
journées entières dans sa chambre. Ses biens, il les avaient légués à celui qui
desservait la chapelle de Kermartin, qu’il avait fait aménager : chapelle du
Minihy, élevée en l’honneur de Notre Dame et de St Tugdual, fondateur du
diocèse de Tréguier.
Et il avait beaucoup fait
aussi pour la restauration de la cathédrale.En 1302, il alla en pèlerinage à
Locronan ; il revint par Quimper et Landerneau, prêchant en cours de route,
malgré la fatigue. Dans les derniers jours d’avril 1303, il était à Trédrez, où
il prédit sa mort prochaine. Il rentra à Kermartin ; mais, malade il dût
s’aliter.
Le 15 mai, il se leva
pour aller dire une dernière fois la messe, fit une confession générale et
passa le reste de la journée à prêcher Dieu à son entourage. Le 18 mai, il
reçût le sacrement des malades, s’unissant d’un bout à l’autre aux prières. Et,
jusqu’au lendemain matin, il ne parlera plus, les yeux fixés sur le crucifix.
Aux premières clartés du jour, le dimanche 19 : le dernier soupir.
Représentation
Plus que pour tout autre
saint, le culte des bretons pour Yves s’est traduit dans l’iconographie : il
est quasiment impossible de faire un relevé complet des vitraux, tableaux ou
statues qui, dans les églises ou chapelles de Bretagne, rappellent Yves Hélory
et expriment sa popularité.
C’est souvent Saint Yves
entre le riche et le pauvre, qui est représenté ; ce choix dit bien que c’est
l’homme condescendant aux malheureux que les bretons veulent vénérer
Yves, le Patron des
Avocats
Les Barreaux de France et
de l’étranger ont élu Saint Yves pour Patron, parce qu’il lui arrivait souvent
de quitter son siège de Magistrat pour se faire l’avocat bénévole et ô combien
éloquent des malheureux : conduite qui nous paraît aujourd’hui singulière, mais
conforme à la législation du temps. Yves prenait en mains, sans en être requis,
la cause des faibles et des affligés : veuves, orphelins, indigents formaient
sa clientèle.
Et il consacrait sa
compétence exceptionnelle, son cœur et ses deniers à faire triompher leur bon
droit contre toutes les puissances du temps. Même de son vivant, son renom de
science et d’éloquence et surtout d’incomparable générosité a largement débordé
les frontières de la Bretagne
La canonisation d’Yves
Hélory de Kermartin
Le 20 février 1330 le duc
de Bretagne Jean III obtient du Pape Jean XXII l’ouverture du procès
canonisation.
On a la chance
extraordinaire de posséder à peu près toutes les pièces de ce procès, qui ont
été éditées en un très fort volume au début de ce siècle, à St-Brieuc : un
document de premier ordre retrouvé à la fin du siècle dernier par l’historien
De La Borderie.
Pour appuyer la demande
de canonisation, on y relève soixante-dix-neuf miracles de tous genres, dont
quatorze résurrections. Même si Rome n’apportait pas alors autant d’exigences
scientifiques qu’aujourd’hui pour les contrôles d’authenticité, il ne faut pas
prendre les contemporains de St Yves pour des gens naïfs et crédules. Les
témoins ont été interrogés, les dépositions soigneusement consignées ; et
beaucoup avaient connu Yves. La canonisation n’était pas tant justification des
miracles que de l’héroïsme de ses vertus.
Le rapport de la
commission d’enquête, composée d’évêques et d’abbés, conclut : « Nous, délégués
apostoliques, avons vu en l’église de Tréguier, où repose le corps de dom Yves,
une foule de pèlerins, de paralytiques, d’aveugles, de déments, d’affligés de
tous genres, suppliant Saint Yves de leur rendre la santé. Nous avons vu
vingt-sept navires d’argent, plus de quatre-vingt-dix de cire, d’innombrables
figures de cire représentant des têtes, des yeux, des mains, des bras, des
jambes, des pieds, ainsi que plusieurs suaires, des potences en bois et bien
d’autres objets appendus autour du tombeau en souvenir des miracles faits à
l’invocation de Saint Yves. Il n’y a qu’une voix dans la ville et le diocèse de
Tréguier, dans toute la Bretagne, en Angleterre, en France, en Espagne, en
Normandie, en Gascogne et autres pays voisins, pour attester que, de son
vivant, Yves était appelé saint, comme il l’est aujourd’hui encore, et pour
dire que pendant sa vie et depuis sa mort, à cause de ses mérites, Dieu a opéré
et opère chaque jour une infinité de miracles. »
Il fut canonisé le 19 mai
1347 par le pape Clément VI.
Le culte de Saint Yves
Sa mort le 19 mai 1303
élargira merveilleusement son crédit : les clients affluent à son tombeau et
les miracles se multiplient : « Après St Martin, écrira dom Guéranger, il est
le plus fécond thaumaturge de France ».
En 1347, après une
enquête dont nous conservons les documents originaux, il est inscrit au
Catalogue officiel des Saints… Et son culte se répand avec une incroyable
rapidité. En France, en Italie, aux Pays-Bas, Outre-Rhin, Saint Yves est le
patron immédiat des universités, des jurisconsultes, des clercs.
Ne signalait–on pas
naguère sa statue à Nuremberg, au fronton de la Tour Internationale de Justice
?
Même le Canada et les
Etats–Unis se réclament du céleste patronage : en 1936, des avocats américains
ont été jusqu’à offrir à la Basilique trécoroise, sous la forme d’une verrière,
un somptueux ex–voto…
Repères bibliographiques :
La bibliographie sur
Saint Yves ne manque pas, en dehors et en plus des collections d’hagiographie
où elle est déjà pas mal détaillée. Parmi les ouvrages les plus simples et
encore trouvables :
• LE MAPPIAN, Jean, Yves
de Tréguier, Paris, S.O.S., 1981.
• LA RONCIERE (Chanoine),
Saint-Yves, coll. « Les Saints ».- Paris, Gabalda, 1918.
• MAHE, Louis (abbé),
Monsieur Saint-Yves, St-Brieuc, Prud’homme, 1949.
• MASSERON, Alexandre
(avocat au bureau de Brest), Saint-Yves d’après les témoins de sa vie, Paris,
Albin Michel, 1952 (de tous les ouvrages, le plus agréable à lire).
• COLLECTIF, n°1 de la
revue Armorik (mai 2003) intégralement consacré à Saint-Yves qui renouvelle
sensiblement la manière de parler un peu trop hagiographique et trop
conformiste de ce personnage admirable, et le re-situe dans son environnement
historique et culturel.
SOURCE : http://saintbrieuc-treguier.catholique.fr/Saint-Yves-de-Treguier
Saint Yves
Avocat
(1253-1303)
Ce célèbre avocat des
pauvres, des veuves et des orphelins naquit en Bretagne, en 1253, et était fils
du seigneur de Kermartin, près de Tréguier. A l'âge de quatorze ans il fut
envoyé aux écoles de Paris, où il étudia la philosophie, la théologie et le droit
canonique; il étudia le droit civil à Orléans, et revint ensuite en Bretagne.
L'évêque de Rennes le nomma son Official, c'est-à-dire juge des causes
ecclésiastiques. Il reçut alors les Ordres sacrés, sauf la prêtrise. Sur les
réclamations de son Ordinaire, qui était l'évêque de Tréguier, il alla exercer
dans cette dernière ville la même charge qu'à Rennes.
En 1285, Yves fut ordonné
prêtre et nommé curé de Trédrez. Décidé à bien remplir ses nouveaux devoirs, il
se démit sa charge d'Official.
Yves fut le modèle des
pasteurs. Il était d'une humilité si profonde qu'il ne pouvait souffrir la plus
petite louange. Il faisait toujours ses visites à pied, et portait des sandales
comme les religieux de saint François, dont il avait embrassé le Tiers-Ordre.
Étant simple étudiant à Paris, il avait commencé à s'abstenir de viande; à
Orléans, il cessa de boire du vin et entreprit de jeûner tous les vendredis.
Ensuite, augmentant de jour en jour ses mortifications, il jeûna au pain et à
l'eau tous les mercredis, vendredis et samedis de l'année. Son lit n'était
qu'un peu de paille sur une claie d'osier; et sa Bible, ou une pierre, lui
servait d'oreiller... Il distribuait aux pauvres les revenus de son bénéfice et
de son patrimoine. Il ne pouvait supporter la vue des pauvres nus: visitant un
jour un hôpital, il y en trouva plusieurs mal vêtus, il leur donna tous ses
habits. Un autre jour que le tailleur lui essayait un habit, il aperçut dans la
cour un pauvre demi-nu; aussitôt il lui fit donner l'habit neuf et garda le vieux.
Ce qui a rendu saint Yves
illustre, c'est l'intégrité avec laquelle il exerça sa fonction d'Official. Il
tâchait d'accorder les parties quand il les voyait sur le point d'entrer en
procès; et, lorsqu'elles voulaient plaider, il favorisait toujours ceux qu'il
reconnaissait avoir le meilleur droit. De toutes les causes qu'il soutint, soit
comme juge, soit comme avocat, il n'y en eut jamais une seule d'injuste. De
juge, il devenait quelquefois avocat en faveur des pauvres et des orphelins. On
cite le cas de cette vertueuse veuve de Tours, qui avait reçu de deux filous le
dépôt d'une valise renfermant une grosse somme d'argent, sous condition de ne
la rendre qu'en présence des deux déposants. Six jours après, l'un deux sut si
bien s'y prendre qu'il obtint la remise de la valise. Son complice cita alors
la veuve en justice, en exigeant le remboursement intégral de la somme
déclarée. Elle allait être condamnée, lorsque Yves représenta, en pleine
audience, que la veuve était prête à produire la valise, mais avec la condition
sous laquelle on la lui avait confiée, c'est-à-dire la présence des deux
déposants. Le juge approuva cette conclusion. Pris dans ses propres filets
l'escroc se troubla et finit par avouer que la valise ne contenait rien autre
qu'un peu de ferraille.
Yves rendit sa belle âme
à Dieu le 19 mai 1303, âgé de cinquante ans. Les pauvres, les orphelins, les
malheureux le regrettèrent comme leur père nourricier, leur avocat, leur
consolateur.
J.-M. Planchet, Nouvelle
Vie des Saints, 2e éd. Paris, 1946
SOURCE : http://magnificat.ca/cal/fr/saints/saint_yves.html
Saint YVES
Il est le saint patron de
la Bretagne et de toutes les professions de justice et de droit, notamment
celle des avocats. Chaque 19 mai, à Tréguier (Côtes d'Armor), une délégation de
ces professions accompagne le pardon à Saint Yves qui est une des grandes fêtes
religieuses bretonnes, au même titre que le pardon de Sainte-Anne-d'Auray :
Yves Hélory de Kermartin
(17 octobre 1253 - 19 mai 1303) est un prêtre du diocèse de Tréguier qui a
consacré sa vie à la justice et aux pauvres. Il est né au milieu du XIIIème
siècle dans une famille noble au manoir de Kermartin sur la paroisse de Minihy-Tréguier.
Dès son plus jeune âge, l’enfant montra une propension, hors du commun, vers
les choses de Dieu. Il reçut, au manoir paternel, les leçons d’un vieux
précepteur. Il fut ensuite envoyé, à l’âge de 14 ans, à l’université de Paris.
il y étudia pendant dix ans les lettres et les sciences, la théologie et le
droit canon. En 1277, à 24 ans, Yves étudia à Orléans le droit civil. La vie
qu’il menait était celle d’un étudiant sérieux et pieux. Il partit ensuite à
Rennes compléter ses longues études en suivant des exposés sur la Bible et les
sacrements. Son entourage n’était pas sans remarquer ses talents intellectuels
: c’était un savant et un lettré ; talents spirituels de piété et d’ascèse, si
bien que l’archidiacre de Rennes lui proposa la charge d’official. Yves resta à
Rennes de 1280 à 1284. L’évêque de Tréguier, Alain de Bruc avait besoin, lui
aussi d’un official et il obtint le retour d’Yves au pays natal. En plus de la
fonction d’official, l’évêque voulut lui confier une paroisse. Il fallut donc qu’Yves
Hélory acceptât enfin de recevoir le sacerdoce, ce que son humilité lui avait
fait jusque-là refuser. La première paroisse à lui être confiée fut Trédrez, la
seconde Louannec, où il restera six ans. Ce ministère paroissial lui permit de
ne pas se laisser dessécher par l’administration, de coller au réel, de rester
près de ces petites gens qu’il affectionnait énormément. Yves ne se borna pas à
faire prévaloir le droit dans ses fonctions judiciaires ; il se constitua
l’avocat du faible, du pauvre, du persécuté. La violence et l’injustice lui
causaient une telle horreur qu’il les combattait d’office, et n’épargnait ni
peine ni argent pour faire rendre justice. Sa parole ardente et éloquente,
l’autorité de son savoir, son renom de droiture et de fermeté gagnaient toutes
les causes dont il se chargeait ; et il attaquait sans hésiter, soit devant les
tribunaux cléricaux, les hommes puissants qui, en offensant l’équité, avaient
excité son courroux. La réputation de ce vengeur du droit s’étendit dans tout l’ouest
de la France. L’évêque de Tréguier députa d’ailleurs plusieurs fois son
illustre official auprès du duc de Bretagne, pour la défense des intérêts
diocésains. L’éloquent jurisconsulte était aussi un prédicateur zélé ; par
humilité, il prêchait de préférence en langue bretonne (Sanctus Yvo erat Brito
!) et dans les campagnes. Il se tenait à la disposition de ses paroissiens,
donnant aux pauvres la nourriture matérielle, à tous la nourriture spirituelle
des sacrements, passant des heures au confessionnal, portant souvent sur lui,
dans une pyxide d’argent, l’eucharistie pour pouvoir la distribuer sans retard
aux malades, restant parfois toute la nuit à l’église, s’y reposant dans les
conditions les plus précaires, ne ménageant pas le pain de la parole. Yves
donnait son argent jusqu’au dernier sou ; Il tenait porte ouverte ; il tenait
table ouverte aux gueux et aux miséreux, leur distribuant sa propre part, leur
réservant les meilleurs morceaux, se faisant lui-même leur serviteur, ne se
souciant pas de la gêne ni du dérangement qu’ils pouvaient provoquer. Il
donnait ses vêtements. Au procès de canonisation, deux femmes rapporteront :
"Après avoir visité quelques malades, environ une heure après, il en sort
à moitié nu et passe devant elles en courant vers Minihy où se trouve son
Manoir. Les femmes se demandent ce qui a bien pu se passer, elles entrent dans
l'Hôtel Dieu et remarquent qu'un malade à telle partie de ses vêtements, un tel
une autre, etc".
En 1297, sentant ses
forces décliner, bien qu’il n’eût que 44 ans (mais les veilles et les
macérations l’avaient usé prématurément), il démissionna de toutes les
fonctions officielles et se retira dans son manoir de Kermartin pour pouvoir
mener ses dernières années dans l’union avec Dieu, loin des préoccupations de
la terre. Il s’enfermait des journées entières dans sa chambre. Ses biens, il
les avaient légués à celui qui desservait la chapelle de Kermartin, qu’il avait
fait aménager : chapelle du Minihy, élevée en l’honneur de Notre-Dame et de
Saint Tugdual, fondateur du diocèse de Tréguier. Et il avait beaucoup fait
aussi pour la restauration de la cathédrale. En 1302, il alla en pèlerinage à
Locronan ; il revint par Quimper et Landerneau, prêchant en cours de route,
malgré la fatigue. Dans les derniers jours d’avril 1303, il était à Trédrez, où
il prédit sa mort prochaine. Il rentra à Kermartin ; mais, malade il dût
s’aliter. Le 15 mai, il se leva pour aller dire une dernière fois la messe, fit
une confession générale et passa le reste de la journée à prêcher Dieu à son
entourage. Le 18 mai, il reçût le sacrement des malades, s’unissant d’un bout à
l’autre aux prières. Et, jusqu’au lendemain matin, il ne parlera plus, les yeux
fixés sur le crucifix. Aux premières clartés du jour, le dimanche 19 : le
dernier soupir.
Moins de 50 ans après sa
mort, le 19 mai 1347, Sa Sainteté le Pape Clément VI lui accorde la sainteté.
Une enquête pour sa canonisation a été décrétée par une bulle pontificale du 26
février 1330. Pour appuyer la demande de canonisation, on y relève soixante-dix-neuf
miracles de tous genres, dont quatorze résurrections. Même si Rome n’apportait
pas alors autant d’exigences scientifiques qu’aujourd’hui pour les contrôles
d’authenticité, il ne faut pas prendre les contemporains de Saint Yves pour des
gens naïfs et crédules. Les témoins ont été interrogés, les dépositions
soigneusement consignées ; et beaucoup avaient connu Yves. La canonisation
n’était pas tant justification des miracles que de l’héroïsme de ses vertus. Il
a été canonisé par la bulle pontificale le 17 mai 1347. Son culte, resté très
vivace en Bretagne, s'est répandu dans toute l'Europe, jusqu'à Rome où deux
églises lui sont consacrées.
SOURCE : http://notredamedesneiges.over-blog.com/article-2762817.html
MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL
II
À L'ÉVÊQUE DE
SAINT-BRIEUC ET TRÉGUIER (FRANCE)
À L'OCCASION DU VII
CENTENAIRE
DE LA NAISSANCE DE SAINT
YVES
À Monseigneur Lucien
FRUCHAUD,
Évêque de Saint-Brieuc et
Tréguier
1. Le 19 mai 2003, le
diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier célèbre le septième centenaire du dies
natalis d’Yves Hélory de Kermartin, fils de la Bretagne. À l’occasion de cet
événement, qui se situe dans le cadre d’une année consacrée à saint Yves, je
m’unis à vous par la prière, ainsi qu’à toutes les personnes rassemblées à
l’occasion des festivités et à tous vos diocésains, me souvenant avec émotion
de mon passage en terre bretonne, à Sainte-Anne d’Auray en 1996. J’apprécie l’accueil
et le soutien réservés par les Autorités locales aux différentes manifestations
religieuses; je sais gré au barreau de Saint-Brieuc d’avoir, à cette occasion,
suscité une série de réflexions sur les questions juridiques. Cela témoigne du
grand intérêt de la société civile pour une figure qui a su associer une
fonction sociale et une mission ecclésiale, puisant dans sa vie spirituelle la
force pour l’action, ainsi que pour l’unification de son être.
2. Le 19 mai 1347, le
Pape Clément VI élevait Yves Hélory à la gloire des autels. Le témoignage du
petit peuple des campagnes, recueilli lors de son procès de canonisation, est
sans aucun doute le plus bel hommage qui puisse être rendu à celui qui consacra
toute sa vie à servir le Christ en servant les pauvres, comme magistrat, comme
avocat et comme prêtre. Saint Yves s’est engagé à défendre les principes de
justice et d’équité, attentif à garantir les droits fondamentaux de la
personne, le respect de sa dignité première et transcendante, et la sauvegarde
que la loi doit lui assurer. Il demeure pour tous ceux qui exercent une
profession juridique, et dont il est le saint patron, le chantre de la justice,
qui est ordonnée à la réconciliation et à la paix, pour tisser des relations
nouvelles entre les hommes et entre les communautés, et pour édifier une
société plus équitable. Je rends grâce pour l’exemple lumineux qu’il donne
aujourd’hui aux chrétiens et plus largement à tous les hommes de bonne volonté,
les invitant à marcher sur les chemins de la justice, du respect du droit et de
la solidarité envers les plus pauvres, dans le but de servir la vérité et de
participer à «une nouvelle imagination de la charité» (Novo millennio ineunte,
n. 50).
3. Saint Yves choisit
aussi de se dépouiller progressivement de tout pour être radicalement conformé
au Christ, voulant le suivre dans la pauvreté, afin de contempler le visage du
Seigneur dans celui des humbles auxquels il a cherché à s’identifier (cf. Mt
25). Serviteur de la Parole de Dieu, il la médita pour en faire découvrir les
trésors à tous ceux qui cherchent l’eau vive (cf. Is 41, 17). Il parcourut
inlassablement les campagnes pour secourir matériellement et spirituellement
les pauvres, appelant ses contemporains à rendre témoignage au Christ Sauveur
par une existence quotidienne de sainteté. Une telle perspective permit à
«l’annonce du Christ d’atteindre les personnes, de modeler les communautés,
d’agir en profondeur par le témoignage des valeurs évangéliques sur la société
et sur la culture» (Novo millennio ineunte, n. 29).
4. Les valeurs proposées
par saint Yves conservent une étonnante actualité. Son souci de promouvoir une
justice équitable et de défendre le droit des plus pauvres invite aujourd’hui
les artisans de la construction européenne à ne négliger aucun effort pour que
les droits de tous, notamment des plus faibles, soient reconnus et défendus.
L’Europe des droits humains doit faire en sorte que les éléments objectifs de
la loi naturelle demeurent la base des lois positives. En effet, saint Yves
fondait sa démarche de juge sur les principes du droit naturel, que toute
conscience formée, éclairée et attentive, peut découvrir au moyen de la raison
(cf. S. Thomas d’Aquin, Somme théologique I-II, q. 91, a. 1-2), et sur le droit
positif, qui puise dans le droit naturel ses principes fondamentaux grâce
auxquelles on peut élaborer des normes juridiques équitables, évitant ainsi que
ces dernières soient un pur arbitraire ou le simple fait du prince. Par sa
façon de rendre la justice, saint Yves nous rappelle aussi que le droit est
conçu pour le bien des personnes et des peuples, et qu’il a comme fonction
primordiale de protéger la dignité inaliénable de l’individu dans toutes les
phases de son existence, depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle. De
même, ce saint breton avait soin de défendre la famille, dans les personnes qui
la composent et dans ses biens, montrant que le droit joue un rôle important
dans les liens sociaux, et que le couple et la famille sont essentiels à la
société et à son avenir.
La figure et la vie de
saint Yves peuvent donc aider nos contemporains à comprendre la valeur positive
et humanisante du droit naturel. «Une conception authentique du droit naturel,
entendu comme protection de la dignité éminente et inaliénable de tout être
humain, est garante de l’égalité et donne un contenu véritable aux "Droits
de l’homme"» (Discours aux participants de la VIIIe Assemblée générale de
l’Académie pontificale pour la vie, 27 février 2002, n. 6). Pour cela, il faut
donc poursuivre les recherches intellectuelles afin de retrouver les racines,
la signification anthropologique et le contenu éthique du droit naturel et de
la loi naturelle, dans la perspective philosophique de grands penseurs de
l’histoire, tels Aristote et saint Thomas d’Aquin. Il revient en particulier
aux juristes, à tous les hommes de lois, aux historiens du droit et aux
législateurs eux-mêmes d'avoir toujours, comme le demandait saint Léon le
Grand, un profond «amour de la justice» (Sermon sur la Passion, 59) et de
chercher à asseoir toujours leurs réflexions et leurs pratiques sur des
principes anthropologiques et moraux qui mettent l’homme au centre de
l’élaboration du droit et de la pratique juridique. Cela fera apparaître que
toutes les branches du droit sont un service éminent des personnes et de la
société. Dans cet esprit, je me réjouis que des juristes aient profité de
l’anniversaire de saint Yves pour organiser successivement deux colloques sur
la vie et le rayonnement de leur saint patron, et sur la déontologie des
avocats européens, manifestant ainsi leur attachement à une recherche
épistémologique et herméneutique de la science et de la pratique juridiques.
5. «N’an neus ket en
Breiz, n’an neus ket unan, n’an neus ket eur Zant evel Zan Erwan», «Il n’y a
pas en Bretagne, il n’y en a pas un seul, il n’y a pas un saint pareil à saint
Yves». Ces paroles, extraites du cantique à saint Yves, manifestent toute la
ferveur et la vénération par lesquelles les foules de pèlerins, unis à leurs
évêques et à leurs prêtres, mais aussi tous les magistrats, avocats, juristes,
continuent à honorer aujourd’hui celui que la pitié populaire a surnommé «le
père des pauvres». Puisse saint Yves les aider à réaliser pleinement leurs
aspirations à pratiquer et à exercer la justice, à aimer la miséricorde et à marcher
humblement avec leur Dieu (cf. Mi 6, 8) !
6. En ce mois de Marie,
je vous confie, Monseigneur, à l’intercession de Notre-Dame du Rosaire. Je
demande à Dieu de soutenir les prêtres, pour qu’ils soient des témoins saints
et droits de la miséricorde du Seigneur, et qu’ils fassent découvrir à leurs
frères la joie qu’il y a à mener une existence personnelle et professionnelle
dans la rectitude morale. Je prie aussi saint Yves de soutenir la foi des
fidèles, notamment des jeunes, afin qu’ils n’aient pas peur de répondre
généreusement aux appels du Christ à le suivre dans la vie sacerdotale ou la
vie consacrée, heureux d’être des serviteurs de Dieu et de leurs frères.
J’encourage les séminaristes et l’équipe animatrice du Grand Séminaire
Saint-Yves de Rennes à prier dans la confiance leur saint patron, spécialement
en cette période préparatoire aux ordinations diaconales et sacerdotales. Je
confie enfin au Seigneur tous ceux qui ont une charge juridique ou judiciaire
dans la société, pour qu’ils remplissent toujours leur mission dans une
perspective de service.
Je vous accorde une
affectueuse Bénédiction apostolique, ainsi qu’à Monsieur le Cardinal Mario
Francesco Pompedda, mon Envoyé spécial, à tous les évêques présents, aux
prêtres, aux diacres, aux religieux, aux religieuses, aux personnes qui
participent au Colloque historique et juridique, aux diverses Autorités
présentes et à tous les fidèles réunis à Tréguier à l’occasion de cette
commémoration.
Du Vatican, le 13 mai
2003.
IOANNES PAULUS II
Prière à Saint Yves
Saint Yves, tant que tu
as vécu parmis nous,
Tu as été l’Avocat des
pauvres,
Le défenseur des veuves
et des orphelins,
La Providence de tous les
nécessiteux.
Écoute aujourd’hui notre
prière !
Obtiens-nous d’aimer la
justice comme tu l’as aimée !
Fais que nous sachions
défendre nos droits sans porter préjudice aux autres,
En cherchant avant tout
la réconciliation et la paix.
Suscite des défenseurs
qui plaident la cause de l’opprimé
Pour que « Justice soit
rendue dans l’Amour »
Donne-nous un cœur de
pauvre, capable de résister à l’attrait des richesses,
Capable de compatir à la
misère des autres et de partager.
Toi, le modèle des
Prêtres, qui parcouraient nos campagnes,
Bouleversant les foules
par le feu de ta parole et le rayonnement de ta vie,
Obtiens à notre pays les
Prêtres dont il a besoin !
Saint Yves, prie pour
nous !
Prie pour ceux que nous
aimons !
Et Prie pour ceux que
nous avons du mal à aimer !
SOURCE : http://notredamedesneiges.over-blog.com/article-2762728.html
Yves Hélory de Kermartin,
saint Yves (v. 1250-1303)
Notice par T. Hamon
D'Yves Hélory à saint
Yves (vers 1250 - 19 mai 1303)
« « En ce temps où le
monde vieillissant accélère son déclin vers le dernier des soirs, a surgi de
l'extrémité de l'Occident, de la Bretagne, une étoile matinale qui ne
s'éteindra pas » : c'est en ces termes d'un beau lyrisme que le Pape Clément VI
proclame la sainteté d'Yves Hélory, le 19 mai 1347, quarante ans après sa mort.
Désormais, il sera officiellement, pour la postérité : Saint Yves de Tréguier,
Patron des gens de Justice, recours spirituel des pauvres et des affligés,
exemple sublime de l'union du Droit et du Juste.
Yves Hélory naît vers
1250 au manoir de Kermartin, en Minihy-Tréguier, d'une famille de petite
noblesse. Manifestant très précocement une intelligence et une piété hors du
commun, il part à Paris vers 1264 pour poursuivre son instruction et obtenir le
Baccalauréat "es art", puis la Licence de Théologie, en ayant pour
maître saint Thomas d'Aquin. Mais c'est vers le Droit qu'il se tourne tout
particulièrement, étudiant d'abord le Droit Canonique, puis le Droit Civil
romain, à Orléans cette fois.
Sa double inclination
juridique et religieuse semble lui tracer naturellement sa voie professionnelle
: il sera juge ecclésiastique. Vers 1278, il est ainsi Official de Rennes,
avant de revenir dans son Trégor natal vers 1281, pour exercer la même charge
pendant vingt ans auprès de l'Évêque de Tréguier. Dans cette fonction, il
apparaît vite comme l'incarnation non seulement du juge intègre, mais aussi du
magistrat équitable et sensible à la détresse humaine. Cette même sensibilité
au malheur et à la pauvreté le conduit d'ailleurs à exercer également, de façon
occasionnelle, la fonction d'avocat devant d'autres juridictions que la sienne,
le cumul des deux étant alors possible.
Mais Yves Hélory n'est
pas qu'un Juriste à la stature morale exceptionnelle : il est aussi prêtre,
ayant été ordonné à Tréguier vers 1283, prélude à sa nomination comme Recteur
des paroisses littorales de Trédrez, puis de Louannec, en 1293. Il se fait
alors remarquer à la fois par son extrême charité, et par ses talents
d'infatigable prédicateur, captivant les foules tant en français qu'en breton
ou en latin. Il ne s'y soustrait que pour se réserver quelques moments de
solitude, à Kermartin, afin de se livrer à la prière et à la méditation
mystique.
Yves Hélory décède dans
son manoir familial de Minihy, le 19 mai 1303, et sa dépouille mortelle est
portée à la Cathédrale de Tréguier en un long cortège empruntant l'itinéraire
dont les processions actuelles perpétuent le souvenir.
Son culte, dès lors, se
répand rapidement dans l'Europe entière ».
SOURCE : http://www.chd.univ-rennes1.fr/fr/documents-de-reference/Bretagne/Personnalites/03/
CANONISATION DE
SAINT-YVES
Je ne puis laisser
paraître ce travail strictement historique et admirablement rédigé sur la
canonisation de saint Yves, sans mettre en tête de la brochure l'expression
très sincère et très émue de ma profonde gratitude envers le cher moine de
Solesmes, Dom Yves Ricaud, qui s'est appliqué avec ferveur à décrire la
glorification de son saint patron et qui a parfaitement atteint son but.
Je suis bien assuré que
les fidèles dévots de saint Yves, mais surtout les prêtres, les séminaristes,
les avocats, les juges, les hommes de loi liront cette notice si intéressante
avec un grand charme et une vive émotion.
Elle nous reporte à la
fête grandiose qui eut lieu à Avignon le 19 mai 1347, quand un pape français,
Clément VI (Pierre Roger, du diocèse de Limoges), « représentant visible sur
terre du chef invisible de la Sainte Eglise Catholique, Notre Seigneur
Jésus-Christ, prononça solennellement la sentence infaillible qui plaçait Yves
Hélory de Kermartin, du diocèse de Tréguier, au nombre des saints ». (Louis Lainé
- curé-archiprêtre de Tréguier - 1er mai 1947).
AVANT L'ENQUÊTE DE 1330
Yves Hélory mourut le 19
mai 1303, à l'âge de 50 ans, en son manoir de Kermartin, au Minihy et fut
triomphalement inhumé le lendemain dans la cathédrale de Tréguier. Il avait
brillé durant sa vie par ses vertus et par ses miracles. Le souvenir de ses
vertus ne devait pas disparaître et ses miracles, allèrent se multipliant. Le
peuple le regardait comme un saint. Sa réputation de sainteté se répandit vite
dans toute la Bretagne, puis en France et même au-delà, et les foules ne
tardèrent pas à accourir à son tombeau. L'Eglise allait-elle, par son magistère
infaillible, sanctionner le jugement spontané du peuple chrétien et décerner à
Yves les honneurs des autels ?
Ce fut là le plus intense
désir de tous ceux qui, clercs ou laïcs, vénéraient Yves et pouvaient, de par
leur haute situation, avoir quelque accès auprès du Saint-Siège. Nous ne
connaissons pas le détail des multiples interventions opérées dans ce dessein
auprès de la Cour des Papes. C'est avec piété qu'il convient de recueillir
toutes celles que l'histoire nous atteste.
Le 5 juin 1305, Bertrand
de Got, archevêque de Bordeaux, avait été élu pape et prenait le nom de Clément
V. Il fut le premier d'une série de papes français et c'est lui qui devait
installer la papauté en Pro¬vence. A partir de 1308, en effet, les Papes y
résidèrent et se fixèrent bientôt à Avignon. Fut-ce un bien ou un mal pour
l'Eglise ? Les historiens en discutent encore. Ce fut du moins une circonstance
favorable pour la cause d'Yves. D'Avignon à Tréguier, la distance était moindre
que de Rome, et les relations plus aisées. Au surplus, les Papes d'Avignon,
tous français, étaient naturellement bien disposés envers un saint de la
Bretagne armoricaine, fief de la France ; d'autant que les difficultés aiguës
qui avaient opposé durant de longues années les ducs de Bretagne et le
Saint-Siège étaient maintenant aplanies. Les visites des ducs de Bretagne à la
Cour des Papes n'étaient pas rares désormais. Clément V reçut lui-même trois
des ducs de Bretagne. Le duc Jean II vint assister à son couronnement à Lyon,
le 14 novembre 1305 et y mourut accidentellement. Son successeur, Arthur II
(1305-1312), qui fit le voyage d'Avignon, y fut comblé de privilèges par le pape.
Le bon duc Jean III, dont le long et tranquille règne (1312-1341) marqua pour
la Bretagne la fin d'un siècle de paix, s'y rendit. Ce fut durant ce voyage que
le duc parla au pape d'Yves Hélory : il lui raconta la sainteté de sa vie et
les nombreux miracles opérés sur son tom¬beau, le suppliant humblement
d'ordonner une enquête officielle sur la vie, les vertus et les miracles d'Yves
en vue de sa canonisation. C'est la première démarche qui fut tentée pour cette
cause. Nous savons que beaucoup de hautes personnalités joignirent leurs
instances à celles du duc et que plusieurs délégations et lettres furent
adressées par la suite à Clément V. Mais celui-ci mourut en 1314, sans que rien
n'eut été fait pour la cause de saint Yves.
Après une longue vacance
de deux ans et trois mois, les cardinaux élurent au trône pontifical Jacques
Duèse de Cahors, cardinal-évêque de Porto, qui prit le nom de Jean XXII (7 août
1316). Sous son pontificat, la cause de saint Yves devait faire un grand pas.
On connaît la fine diplomatie du nouveau Pontife. Une munificence rendue
possible par sa parfaite administration et son esprit d'économie, lui permit de
mettre au rang de ses obligés tous les grands d'Europe, depuis les rois
jusqu'aux moindres seigneurs. La cause de saint Yves devait bénéficier de ces
bonnes relations entre la Cour d'Avignon et les princes. Les démarches tentées
par le duc Jean II et d'autres personnes de considération — soit sous forme de
missions, soit par lettres — attestant que le nombre des miracles opérés au tombeau
d'Yves ne faisait que croître, et demandant l'ouverture prochaine d'une enquête
en vue de sa canonisation, furent plusieurs fois renouvelées par eux auprès de
Jean XXII. Les interventions les plus marquantes furent les lettres adressées
au pape par Philippe VI de Valois, roi de France de 1328 à 1350 et par la reine
Jeanne de Bourgogne, par les évêques de la province (l'évêché de Tréguier était
alors rattaché à la métropole de Tours, qui englobait en outre les six diocèses
suivants : Angers, Dol, Le Mans, Nantes, Quimper, Rennes, Saint-Brieuc,
Saint-Malo, Saint-Pol de Léon et Vannes) ; par beaucoup d'archevêques, évêques,
abbés et prélats de France ; enfin par l'illustre Université de Paris, qui se
souvenait d'avoir compté Yves Hélory parmi ses étudiants durant dix années, de
1267 à 1277.
Mais la plus décisive de
ces démarches fut l'ambassade solennelle envoyée en décembre 1329 par le duc de
Bretagne à la Cour d'Avignon. L'ambassade fut confiée à l'évêque de Tréguier,
Yves de Boisboissel, muni d'une procuration du chapitre de Tréguier en date du
samedi 9 décembre 1329 et au frère du duc, Gui de Bretagne, comte de Penthièvre
et de Goëllo, accompagnés de plusieurs gentilshommes bretons.
Yves de Boisboissel avait
été élu évêque de Tréguier le 7 octobre 1327 et ne devait y rester que trois
ans à peine pour occuper ensuite les sièges de Quimper (1330-1333) et de
Saint-Malo (1333-1348). Il sera élu évêque de Quimper le 31 août 1330, quelques
semaines après la clôture de l'enquête sur la vie et les miracles de Yves
Hélory, qui se fera du samedi 23 juin au samedi 4 août 1330, comme si la
Providence ne l'avait élevé sur le siège de Tréguier que pour cette unique et
glorieuse affaire.
Quant au comte Gui de
Penthièvre, dont la fille épousera Charles de Blois le 4 juin 1337, il ne
devait pas survivre au succès de sa mission, puisqu'il mourut dès 1331, pour le
plus grand malheur de la Bretagne.
Nous ne savons rien du
voyage, si ce n'est que Jean XXII reçut les ambassadeurs avec son affabilité et
sa bienveillance accoutumées et fit bon accueil aux lettres dont ils étaient
les porteurs, mais nous en connaissons l'heureux et immédiat résultat. Dès le
26 février 1330, le pape, après avoir pris l'avis des cardinaux donnait la
Bulle Exultant et gaudent in cœlis décrétant l'ouverture d'une enquête sur la
vie, les vertus et les miracles d'Yves Hélory et nommant pour commissaires de
l'enquête Roger Le Fort, évêque de Limoges, Aiglin de Blaye, évêque d'Angoulême
et Aimery, bénédictin de Saint-Martin de Troarn au diocèse de Bayeux.
L'Ordo Romanus XIV,
oeuvre de Jacques Cajétan Stefaneschi, cardinal-diacre de Saint-Georges au
Vélabre (1296-1343), publié par Dom Mabillon au tome II de son Museum Italicum
et par Raynaldus, Annales Ecclesiastici, 1347, n° 34-39, précisément à l'occasion
du récit de la canonisation de saint Yves, indique la procédure suivie au
XIVème siècle pour les canonisations. Il porte que le pape n'ouvre une enquête
en vue d'une canonisation que « lorsque la renommée d'un saint est parvenue
jusqu'à ses oreilles et que des personnes, honorables et dignes de foi, lui ont
soumis l'affaire et l'ont supplié à de fréquentes reprises et avec une instance
croissante, de le canoniser ». Nous venons de voir que ni le nombre ni la
qualité des suppliques adressées au Saint-Siège en faveur d'Yves ne firent
défaut. Nous ne connaissons rien sur l'abbé de Troarn.
Quant aux deux évêques
enquêteurs, il se trouve qu'ils étaient les neveux de deux professeurs qui
avaient enseigné le droit à Yves Hélory à Orléans entre 1277 et 1280. Aiglin de
Blaye, évêque d'Angoulême depuis le 27 juin 1328, devait y rester jusqu'à sa
mort survenue vers 1363 ou 1368. Il était neveu, par son père, de Guillaume de
Blaye, qui avait enseigné les Décrétales pontificales à Yves Hélory et avait
été, lui aussi, évêque d'Angoulême (1273-1309).
Roger Le Fort était, par
sa mère, le neveu de Pierre de La Chapelle, qui expliqua à Yves, à Orléans, les
Institutes de Justinien. L'oncle, par la suite, fut promu cardinal du titre de
Saint-Vital par le pape Clément V le 15 décembre 1305 et en décembre 1306,
évêque de Palestrina. Il mourut en 1312. La carrière du neveu est assez
semblable à celle de l'oncle. Lui aussi, il enseigna la jurisprudence à
Orléans, après l'avoir étudiée dans la même célèbre faculté. Mais, né vers
1268, il ne put y connaître Yves Hélory. Archevêque de Bourges depuis le 18
août 1343, il le resta jusqu'à sa mort (1er mars 1367). Ce fut d'abord un
écrivain abondant. Ce fut surtout un saint. L'exemple et l'intercession de
saint Yves lui valurent-ils cette faveur ? Toujours est-il qu'il imita
merveilleusement, tout le reste de sa vie, la charité compatissante d'Yves
envers les pauvres et que des miracles se produisirent sur son tombeau. Les
Bollandistes lui donnent le titre de Bienheureux et ont inséré dans leurs Acta
Sanctorum, au 1er mars, une notice sur lui.
Le Pape porta sans doute
intentionnellement son choix sur l'évêque de Limoges pour cette affaire qui
intéressait à un haut point la Bretagne. En 1277, Arthur II, qui devait
succéder en 1302 à son père Jean II comme duc de Bretagne, avait épousé en
premières noces la fille unique et l'héritière du vicomte Gui de Limoges,
Marie, qui mourut en 1291, laissant à la, Bretagne la vicomté de Limoges.
Durant deux siècles, les rapports entre la Bretagne et le Limousin furent
nécessairement fréquents. Le duc Jean III, qui conserva le pouvoir effectif sur
la vicomté durant tout son règne de 1312 à 1341, et qui eut souvent affaire
dans le Limousin, connaissait personnellement, selon toute vraisemblance, Roger
Le Fort, évêque de Limoges, devenu ainsi son sujet depuis 1328. La désignation
de Roger pour procéder à l'enquête sur Yves Hélory, semble donc avoir été une
attention délicate du pape.
L'ENQUÊTE DE 1330
Dès son retour d'Avignon,
l'évêque de Tréguier commença les préparatifs de l'enquête. Il réunit ses curés
en synode. On y décida que tous les fidèles du diocèse, qui en avaient l'âge et
la force, jeûneraient le 6 juin, mercredi après la Trinité et que ce même jour,
on chanterait dans toutes les églises une messe du Saint-Esprit, pour obtenir
de Dieu « de nouveaux miracles par l'intercession de monseigneur Yves, fils
d'Hélory ».
Le choix et la
convocation des témoins durent se faire rapidement : on avait eu le loisir,
durant les longues années d'attente, d'en établir minutieusement les listes.
Enfin le jour si
ardemment désiré se leva, Ce fut le 23 juin 1330, veille de la Nativité de
saint Jean-Baptiste et du 4ème dimanche après la Pentecôte, que débuta
l'enquête. Les trois commissaires étaient descendus au manoir de Guillaume de
Tournemine, ancien trésorier de l'église de Tréguier.
Les séances de l'enquête
se tinrent chez lui, ce qui suppose une dispense accordée par le Saint-Siège ;
car, selon le droit, une enquête de canonisation doit se faire dans un lieu
sacré.
Lors de la première
séance qui eut lieu en présence des notaires et de la foule des témoins,
l'évêque de Tréguier remit aux commissaires trois documents : deux bulles de
Jean XXII, et la procuration au chapitre de Tréguier dont il a été parlé
ci-dessus. L'une des bulles, ouverte, était celle qui désignait les enquêteurs
et qui a été également mentionnée plus haut. La seconde était une bulle
secrète, fournissant aux commissaires des instructions sur la façon de mener
l'enquête. Le texte ne nous en a pas été conservé. Mais nous pouvons, en partie
soupçonner son contenu par la façon dont l'enquête fut conduite.
Les commissaires prirent
connaissance des bulles et de la procuration. Puis l'évêque de Tréguier fit le
serment de dire toute la vérité et rien que la vérité, et produisit les
témoins. Ceux-ci, après avoir de même prêté serment sur les saints Evangiles,
furent interrogés séparément et secrètement, au cours des jours suivants, sur
toutes les circonstances de la vie, des vertus et des miracles de Dom Yves.
L'on voit que tout se passe selon les formes juridiques les plus strictes. Un
interprète pour chaque dialecte breton avait été prévu, qui traduisait en
français les dépositions des témoins ne sachant que le breton, après avoir
prêté le serment de faire une traduction véridique. C'étaient Dom Auffray, abbé
du monastère cistercien du Bon-Repos, alors au diocèse de Quimper, actuellement
en Saint-Gelven, au diocèse de Saint-Brieuc ; puis maître Hervé de Ploerzmet
(recteur de Nostang au diocèse de Vannes jusqu'au 8 avril 1317, puis chanoine
des églises de Vannes et de Saint-Brieuc), et maître Olivier de la Cour, clerc
du diocèse de Léon, tous deux notaires apostoliques, enfin Jacques, recteur de
Mesquer, au diocèse de Nantes.
Les noms, âges, qualités
et les dépositions des témoins étaient aussitôt consignés par écrit par trois
notaires : l'un apostolique, maître Jean Dalamant, du diocèse de Limoges ; les
deux autres impériaux : Pierre de Clouselle, clerc du diocèse d'Angoulême, et
Roger Polin, du diocèse de Bayeux ou de Saint-Brieuc.
Cinq autres personnages
les assistaient en qualité de témoins garants : Jacques de Bresfort, chanoine
d'Angoulême ; Guillaume Sambuci, personnage important, si l'on en juge par le
nombre des bénéfices qu'il cumulait ; Barthélémy de Celle, qui avait obtenu, le
20 février 1318, le prieuré séculier de Notre-Dame de Grâcay (Cher), au diocèse
de Bourges, le canonicat de Saint-Sylvain de Levroux (Indre), dans le même
diocèse et, le 21 mars 1328, un canonicat à Orléans ; Jacques Labetre, ancien
vicaire général de l'évêque de Tréguier, recteur de l'église d'Azas
(Haute-Garonne) au diocèse de Toulouse et témoin 231 au cours de l'enquête ;
enfin Raoul de Fayolle, archiprêtre de Chirouze, au diocèse de Limoges.
Deux cent quarante-trois
témoignages individuels furent ainsi recueillis ; 52 portaient plus
spécialement sur la vie et les vertus d'Yves ; les 191 autres sur ses miracles.
Il ne faut cependant pas compter autant de témoins que de témoignages, car un
certain nombre de personnes déposèrent plusieurs fois. Il y eut tout au plus
213 témoins, peut-être moins, car quelques noms présentent entre eux des
différences si minimes qu'ils désignent sans doute un seul et même témoin, tels
Guillelmus de Quaranson et Guillelmus de Karanzan : l'on faisait alors peu de
cas de l'orthographe des noms propres.
Ce fut ensuite l'enquête
« de fama », sur le renom de la sainteté d'Yves. D'après l'Ordo XIV, le pape,
ayant appris la renommée de sainteté d'un serviteur de Dieu, confie à quelques
évêques compatriotes du candidat à la sainteté, le soin d'enquêter d'abord sur
le renom de sa sainteté. Les commissaires font au pape un rapport sur les
résultats de leurs demandes et lui disent s'ils jugent à propos de faire une
enquête détaillée et portant sur la vérité des faits. Si telle est leur
opinion, le pape confie par une bulle aux mêmes commissaires ou à d'autres le
soin de procéder à une seconde enquête sur la vie, les vertus et les miracles
du serviteur de Dieu. Les commissaires remettent au pape le procès-verbal de
cette seconde enquête, scellée de leurs sceaux. Les deux enquêtes eurent, par
un privilège spécial, lieu simultanément pour Yves. Peut-être est-ce un des
points sur lesquels portait la bulle secrète.
L'enquête « de fama »
débuta par l'imposant témoignage collectif de plus de 500 personnes du diocèse
de Tréguier ou des pays avoisinants qui, après s'être concertées, jurèrent, les
mains levées vers l'église de Tréguier où repose le corps d'Yves, que celui-ci
possédait universellement la renommée d'avoir vécu comme un saint et d'avoir,
durant sa vie et après sa mort, opéré de nombreux miracles et d'en opérer
encore beaucoup. Puis, pour donner plus de poids à cette attestation
solennelle, Dom Mérien, abbé des Augustins de Sainte-Croix de Guingamp mandaté
par cette foule, après avoir prêté serment en touchant le livre des Evangiles,
jura sur sa vie et sur celle de toutes les personnes présentes qu'il en était
bien ainsi.
D'ailleurs, beaucoup des
témoins interrogés individuellement avaient été questionnés expressément sur le
sujet du renom de sainteté d'Yves et l'avaient, eux aussi, solennellement
attesté.
Les enquêteurs eux-mêmes
purent y joindre leur témoignage : ils avaient eu l'occasion de constater de leurs
yeux, au cours de leurs fréquentes visites à la cathédrale, la foule des
pèlerins accourus pour prier Yves ou obtenir de lui leur guérison et le grand
nombre d'ex-voto déposés ou suspendus autour de son tombeau. Une tradition
rapportée par l'abbé France, curé-archiprêtre de Lannion, raconte même qu'ils
auraient été mêlés à un miracle d'Yves, dès le jour de leur arrivée à Tréguier
; la voiture qui les amenait aurait écrasé un enfant qui fut ensuite guéri
instantanément sur le tombeau du saint. Près de l'endroit de l'accident, dans
une niche creusée à l'encoignure d'une maison, on mit une statue du thaumaturge
qui au XIXe siècle, fut placée contre un pilier de la cathédrale.
Les compagnons des
enquêteurs, à leur tour, purent déposer sous la foi du serment que, depuis leur
arrivée à Tréguier, la pierre du tombeau d'Yves s'était élevée de plus de deux
doigts : c'était d'ailleurs un fait de notoriété publique.
Enfin, la même renommée
de sainteté d'Yves fut attestée, toujours sous la foi du serment, par les
témoins les plus autorisés qui fussent : à savoir le clergé de Tréguier :
Pierre Hernon (sans doute le même, que Pierre Arnon, témoin 7 et 173), Jean
Rachal, Guillaume du Mont Saint-Michel, Dérien de Trégrom (témoin 47 et 154),
Alain de Porcelet (témoin 230), Yves du Cimentier (témoin 24), vicaires ; Hamon
Nicolas et Yves Nicolas, clercs. Depuis la mort d'Yves Hélory, ils avaient vu
une quantité littéralement innombrable de miracles s'accomplir à son tombeau.
L'enquête se termina le 4
août 1330, samedi après la fête de saint Pierre aux Liens. Les dépositions des
témoins, recueillis par les notaires, s'étendaient sur 81 pièces de parchemin,
réparties en 26 rouleaux. Les pièces composant chaque rouleau étaient cousues
bout à bout dans l'ordre. Les notaires apposèrent leur ruche à chaque couture
et à la fin du document, leur signature et leur ruche de nouveau. Le tout
formait un énorme rouleau fermé par des cordes auxquelles étaient suspendus les
trois sceaux de cire verte et de forme oblongue des trois commissaires. Une
lettre cousue avec le rouleau était recouverte, elle aussi, des ruches des
notaires et entourée de cordes auxquelles étaient de nouveau appendus les trois
sceaux des commissaires.
Puis la commission
d'enquête se dispersa. L'évêque d'Angoulême, Aiglin de Blaye, était de retour
dans sa ville épiscopale avant la Saint-Gilles (1er septembre 1330) puisque ce
jour-là, il reçut l'hommage d'un certain Guillaume de Villars.
ENTRE L'ENQUÊTE DE 1330
ET LA CANONISATION DE 1347
Selon les instructions
que leur avait données le pape dans sa bulle du 26 février 1330, les
commissaires devaient faire porter à Avignon par des gens sûrs le précieux
manuscrit de l'enquête. L'évêque de Limoges, qui semble d'ailleurs avoir tenu
le rôle principal dans l'enquête, s'en chargea lui-même. Nous le trouvons en
Avignon un samedi 4 de l'année 1331. Les historiens de saint Yves disent
unanimement que c'était au mois de juin. Mais en 1331, le seul mois dont le
quatrième jour tombât un samedi fut le mois de mai. Sera-t-il permis de
corriger la tradition et de remplacer juin par mai ?
L'évêque était accompagné
de trois des membres secondaires de la commission d'enquête : Barthélémy de
Celle, Raoul de Fayolle et maître Guillaume Sambuci. Les deux derniers étaient
ses diocésains et Barthélémy appartenait au diocèse voisin de Bourges.
Ce jour-là donc, au cours
d'un consistoire plénier, l'évêque Robert Le Fort présenta au pape Jean XXII le
manuscrit du procès-verbal de l'enquête.
Selon l'Ordo Romanus XIV,
le pape avait coutume, quand il recevait un procès-verbal d'enquête en vue
d'une canonisation, d'en confier l'examen à quelques-uns de ses chapelains ou à
d'autres personnes sûres, discrètes et habiles, qui mettaient en ordre, dans
différentes rubriques, le contenu du procès-verbal, en le résumant. Un second
examen du tout, procès-verbal de l'enquête et grosse, était ensuite confié à
une commission de trois cardinaux pris dans les trois ordres : un évêque, un
prêtre, un diacre. Pour cette fois, le pape qui semble, dans toute l'affaire de
Saint Yves, avoir eu le souci d'abréger la procédure, désigna du premier coup
verbalement la commission des trois cardinaux, sans qu'il fut question de la
première commission. Le rôle des cardinaux consistait « à recevoir le
procès-verbal de l'enquête, à l'ouvrir, à le voir, à l'examiner et à le dresser
comme on a coutume de le faire dans Eglise romaine. Ils présenteraient ensuite
à Sa Sainteté un rapport sur tout ce qu'ils y trouveraient ».
Les cardinaux désignés
étaient : Jean, cardinal-évêque de Porto ; Jacques, cardinal-prêtre de
Sainte-Prisque et Luc, cardinal-diacre de Sainte-Marie in Via Lata. En cas
d'empêchement de ce dernier, Arnaud, cardinal-diacre de Sainte-Marie in
Porticu, alors absent d'Avignon, le remplacerait.
Jean-Raymond de Cominges
avait été créé cardinal par Jean XXII le 18 décembre 1327. D'abord cardinal
prêtre du titre de Saint-Vital, il avait opté en 1329 pour l'ordre épiscopal et
l'évêché de Porto-Ercole et Sainte-Rufine. Ecrivain assez abondant, il se
distingue surtout par les vertus mêmes qui avaient la prédilection d'Yves
Hélory : l'amour de la paix, la pauvreté, la piété, l'humilité. Il mourut le 20
novembre 1344 (ou 1348).
Jacques Fournier, créé
cardinal-prêtre du titre de Sainte-Prisque, lors de la même promotion que Jean
de Cominges, deviendra le pape Benoît XII le 20 décembre 1334 et mourra le 25
avril 1342.
Luc de Flisco, moins
connu, était beaucoup plus ancien dans la dignité cardinalice que les deux
précédent. Il avait été créé cardinal-diacre du titre de Sainte Marie in Via
Lata par le pape Boniface VIII le 2 mars 1300 et devait mourir le 31 janvier
1336.
Quant à Arnaud de
Pellegrue, c'était lui aussi un vieillard, presque un agonisant ; il allait
mourir quelques mois plus tard en août 1331. Neveu du pape Clément V, il fut
comblé de faveurs par celui-ci dès son avènement; il en obtint la pourpre
cardinalice, dès la première promotion de cardinaux faite par lui en la fête de
sainte Lucie, le 15 décembre 1300.
La commission des trois
cardinaux se réunit le 11, huit jours après sa désignation par le pape.
L'évêque de Limoges et ses trois compagnons y furent convoqués. Roger Le Fort,
afin de faire foi de la mission que le Saint-Siège lui avait confiée en même
temps qu'à l'évêque d'Angoulême et à l'abbé de Troarn, produisit devant la
commission les deux lettres apostoliques remises naguère par l'évêque de Tréguier
aux commissaires de l'enquête — ainsi que le manuscrit contenant le procès
verbal, de l'enquête. Il affirma reconnaître comme sien l'un des trois sceaux
apposés sur le rouleau, ainsi que l'un des trois sceaux fixés sur la lettre
jointe au rouleau. Ses trois compagnons affirmèrent de leur côté, sous la foi
du serment, l'authenticité des deux autres sceaux, comme ayant été témoins de
leur apposition. Après avoir constaté l'intégrité des sceaux, les cardinaux
prirent possession du manuscrit, l'ouvrirent et l'inspectèrent. Ils conclurent
à l'authenticité de toutes les pièces et à la régularité du procès-verbal.
Leur premier soin fut
ensuite de faire transcrire le texte de l'enquête sur un registre de 126
feuillets, plus maniable que l'interminable rouleau venu de Tréguier. Puis ce
fut, conformément aux usages, la confection du sommaire méthodique ou grosse,
dont on fit une copie pour chacun des cardinaux présents à la curie. Celui qui
concerne saint Yves est appelé habituellement « Rapport des cardinaux » non pas
que ceux-ci en aient été les auteurs, mais parce que ce furent eux qui le
présentèrent au pape. La présentation se fit en deux étapes. En une première
audience, ils fournirent au Souverain Pontife un compte rendu bref, sans entrer
dans le détail, des dépositions, de tout ce qu'ils avaient trouvé dans le
procès-verbal de l'enquête et dans le sommaire de ce procès-verbal. Puis, au
cours de plusieurs consistoires, en présence du pape et des cardinaux, on lut
en détail les dépositions des témoins, du moins des témoins les plus probants.
Les dépositions sur la vie d'Yves d'abord : à la suite de quoi, après
délibération avec les cardinaux, le pape jugea que l'excellence de la vie
d'Yves était ainsi pleinement démontrée. Ensuite, les dépositions sur les miracles.
Pour la vie comme pour les miracles, chaque témoignage était discuté
minutieusement, et l'avis de chaque cardinal demandé, afin de déterminer si oui
ou non, le témoin avait bien prouvé ce qu'il avançait.
La lecture et la
discussion terminées, le pape, sur avis favorable des cardinaux, jugea que les
preuves apportées étaient assez convaincantes pour que l'on pût en toute
sécurité procéder à la canonisation. La proclamation de ce jugement donnait
lieu à une cérémonie impressionnante. Le pape, qui était en tenue de
consistoire, c'est-à-dire en chape rouge et en mitre précieuse, quittait la
mitre, se mettait à genoux, cependant que les cardinaux, eux aussi,
s'agenouillaient à leur place, et il définissait solennellement « par son
autorité apostolique, pour l'honneur de la Très Sainte Trinité, de la
Bienheureuse Vierge. Marie, des Saints Apôtres Pierre et Paul et de tous les
saints et pour l'exaltation de la foi catholique, que tant et de si grandes
choses avaient été prouvées touchant la vie et les miracles du Bienheureux Yves
Hélory qu'elles suffisaient pour qu'il soit canonisé ». Le pape demanda le
secret pour cette définition. Un cardinal spécialement désigné par lui rédigea
un procès-verbal de cet important consistoire.
Après avoir consulté le
Sacré Collège, le pape prit aussi l'avis de tous les prélats présents à la
Curie, dans une autre réunion plénière et publique cette fois, où il leur
exposa l'affaire en détail.
On ne sait à quelles
dates ni à vrai dire sous quel pontificat eurent lieu ces multiples réunions.
Etant donnés leur nombre et leur programme chargé, elles durent s'étendre sur
un long espace de temps. Se tinrent-elles toutes sous le pontificat de Jean
XXII, qui mourut le 15 décembre 1334 ? Et a-t-on le droit d'affirmer comme on
l'a fait, que son successeur, l'ancien cardinal Jacques, de la commission des
trois cardinaux, devenu pape sous le nom de Benoît XII, ne fit rien pour saint
Yves ? Le contact intime qu'il avait pris, de par sa charge de commissaire,
avec les vertus et la sainte vie d'Yves Hélory et le grand zèle qu'il manifesta
pour la réforme du clergé eussent dû le porter à canoniser sans retard un saint
prêtre qu'il aurait pu ensuite proposer en modèle au clergé du monde entier.
Aussi, dans l'absence de documents, semble-t-il plus prudent de ne pas être
trop affirmatif et de ne pas dénier tout rôle au pape Benoît XII dans l'affaire
de la canonisation de saint Yves. Toujours est-il qu'il faudra désormais
attendre le pontificat de Clément VI (7 mai 1342 - 6 décembre 1352), pour que
cette affaire depuis si longtemps engagée soit enfin heureusement conclue.
Entre temps cependant, un
fait considérable s'était produit : la béatification d'Yves, par l'institution
de son culte à Tréguier en 1334, sous l'épiscopat d'Alain Hélory.
Alain Hélory, chanoine
d'Orléans, docteur en l'un et l'autre Droit, avait succédé, le 31 août 1330, à
Yves de Boisboissel sur le siège de Tréguier, où il devait demeurer jusqu'à sa
mort survenue en 1337. Au synode de 1334, celui probablement où il loua les Statuts
Synodaux, au nombre de plus de 26, promulgués par ses prédécesseurs, il édicta
que tous les lundis non occupés par une fête solennelle et en dehors des temps
de l'Avent, du Carême et de Pâques, on ferait l'office public du Bienheu¬reux
Yves Hélory ainsi que, avec les mêmes réserves, l'office du Bienheureux
Tugdual, le jeudi et celui de la Très Sainte Vierge, le samedi. C'était
équivalemment attribuer à Yves Hélory le titre de Bienheureux.
Béatifier, en effet,
c'est permettre le culte d'un serviteur de Dieu, donc concéder son office et sa
messe dans un territoire limité, diocèse ou province ; la canonisation, elle,
étend cette permission à l'Eglise universelle. Jusqu'à la Constitution Cœlestis
Jerusalem du 5 juillet 1643, chaque évêque pouvait béatifier dans son propre
territoire ; le pape seul pouvait canoniser. L'on voit donc que la
béatification d'Yves fut régulière et légitime et que l'évêque de Tréguier put
y procéder avec d'autant plus de sécurité que la cause d'Yves, pendante devant
la Cour d'Avignon, y était en bonne voie.
Mais les graves
événements politiques, qui se préparaient, n'allaient-ils pas retarder
indéfiniment la conclusion de l'affaire ? Tant à Avignon qu'en Bretagne, dans
l'un et l'autre des deux endroits où l'on s'intéressait le plus à saint Yves,
les soucis allaient devenir tels qu'ils eussent pu faire négliger complètement
sa cause de canonisation.
L'année 1337 vit le
commencement de la guerre de Cent ans. Cette guerre devint pour les papes
d'Avignon un très grave sujet de préoccupations, acharnés qu'ils furent à en
atténuer le plus possible les effets par la négociation de trêves et à en hâter
la fin, de façon à donner suite au projet de croisade qui les hantait depuis de
longues années.
En Bretagne, la mort du
duc Jean III (30 avril 1341) fut le signal d'une longue et sanglante guerre
civile. Le duc Jean, en effet, n'avait eu aucun enfant de ses trois mariages
avec Isabelle de Valois, Isabelle de Castille et Jeanne de Savoie. D'autre
part, ses deux frères Gui, comte de Penthièvre (qui fit partie, nous nous en
souvenons, de l'ambassade d'Avignon en décembre 1329) et Pierre, étaient morts
respectivement en 1331 et en 1312. Les deux seuls proches parents qui lui
restassent, étaient sa nièce Jeanne, fille de son frère Gui, et qui avait
épousé le 4 juin 1337, Charles de Blois, neveu du roi de France Philippe VI de
Valois, et son frère consanguin Jean, comte de Montfort-l'Amaury. (Tandis que
Jean III était né à Arthur II de son premier mariage avec Marie de Limoges,
Jean de Montfort, lui, était né de son second mariage avec Yolande de Dreux,
veuve d'Alexandre III, roi d'Ecosse, et héritière du comté de Montfort
l'Amaury).
Lequel des deux, de
Jeanne de Penthièvre ou de Jean de Montfort, devait succéder à Jean III ? La
loi salique ne s'appliquant pas alors en Bretagne, Jeanne de Pen¬thièvre et par
là même son mari, Charles de Blois, ne se, trouvaient pas automatiquement
exclus de la succession du duché. D'autre part, nulle loi successorale n'avait
prévu un cas aussi singulier. Aucun des deux compétiteurs, par ailleurs, ne
s'imposait de par son origine bretonne, puisque l'un et l'autre étaient
français, de souche capétienne. L'arrangement à l'amiable s'était avéré
impossible dès avant la mort de Jean III. L'arbitrage du roi de France, qui eut
été favorable à Charles de Blois, ne fut pas sollicité. La guerre, devenue
inévitable, éclata dès mai 1341, un mois à peine après la mort du pacifique duc
Jean III. Elle se compliqua de la guerre étrangère. La guerre de Cent ans était
commencée depuis 1337 ; la guerre de succession de Bretagne s'y inséra
étroitement, Charles de Blois prenant naturellement le parti de la France, Jean
de Montfort s'alliant avec le roi d'Angleterre. Il ne fut pas un coin de
Bretagne que ne visita la guerre avec ses néfastes conséquences. Elle ne
s'achèvera que le 29 septembre 1364, par la mort de Charles de Blois à la
bataille d'Auray, après des alternatives de luttes sans merci et de trêves, de
succès et de revers pour chacun des deux partis.
La Providence ne permit
cependant pas que la glorification de saint Yves fût trop longtemps retardée
par d'aussi graves événements. Le chef même d'un de ces partis qui mettaient la
Bretagne à feu et à sang, Charles de Blois, sut conserver assez de sérénité
d'esprit au milieu des camps et dans le gouvernement de son duché de Bretagne,
pour travailler efficacement au triomphe de saint Yves. Et bientôt allait
monter sur le trône de saint Pierre le pape qui canoniserait le Bienheureux
Yves Hélory : Clément VI.
La destinée de Clément VI
fut prodigieuse. Né l'an 1291 au château de Maumont, dans le diocèse de
Limoges, et par conséquent sujet du duc de Bretagne, à qui le comté de Limoges
appartenait depuis 1277, Pierre Roger entra de bonne heure chez les Bénédictins
de la Chaise-Dieu où il fit profession. Son goût pour les sciences, sa mémoire,
son jugement, sa facilité d'élocution, lui permirent de faire de brillantes
études et lui assurèrent un bel avenir. Docteur de la Faculté de Théo¬logie de
Paris à 30 ans et déjà orateur de renom, il devint proviseur, en Sorbonne. Puis
il obtint successivement les prieurés de Saint-Pantaléon au diocèse de Limoges,
de Savigny dans le Lyonnais, et de Saint-Baudille près de Nîmes. Le roi de
France, Philippe de Valois, lui confia plusieurs missions dont il s'acquitta
avec honneur. Abbé de Fécamp, puis de la Chaise-Dieu (1326), évêque d'Arras
{1328), archevêque de Sens (1329), puis de Rouen (1330), il devenait cardinal
du titre des Saints Nérée et Achillée le 13 décembre 1338, et le 7 mai 1342, il
était élu pape. Son couronnement eut lieu le 19 mai suivant, jour de la
Pentecôte et 30ème anniversaire de la mort de saint Yves, en l'église des
dominicains d'Avignon. Choisi pour son amabilité, qui contrastait avec
l'autorité rigide de son prédécesseur, et qu'il sut allier à une grande
fermeté, il aimait la magnificence, l'éclat, le luxe et plus encore la
munificence. Véritable humaniste, il fut un précurseur des grands papes de la
Renais¬sance. Ayant décidé de demeurer à Avignon, il y acheva le fameux pont et
le Palais des Papes, et commença les remparts de la ville. Il désirait
ardemment, comme ses prédécesseurs, lancer les princes chrétiens dans une
croisade. Mais pareille entreprise exigeait l'union étroite de ceux-ci. Or, ils
étaient presque tous en lutte les uns contre les autres. La diplomatie du pape
mit tout en oeuvre pour amener leur réconciliation. Il arriva à des résultats
substantiels, mais insuffisants pour que le projet de croisade pût se réaliser.
Il mourut le 6 décembre 1352 et fut enterré dans l'église de la Chaise-Dieu,
son monastère de profession. Il laissait de nombreuses oeuvres théologiques et
oratoires.
D'après Surius, Clément
VI, quand il n'était encore que Pierre Roger, avait souvent sollicité des papes
Jean XXII et Benoît XII, ses prédécesseurs, la canonisation de saint Yves. La
chose n'a rien que de très vraisemblable. Le principal commissaire de l'enquête
de 1330, celui qui en avait porté le texte au Souverain Pontife, avait été
Roger le Fort, évêque de Limoges. Rien de plus normal que l'évêque de Limoges
ait songé à provoquer, en faveur d'une cause qui lui était chère, la puissante
intervention de Pierre Roger, l'une des gloires du Limousin et bien en cour à
Avignon.
Bien que Clément VI fût
déjà favorablement prévenu en faveur d'Yves Hélory, il sembla cependant que son
zèle ait eu besoin d'être de temps à autre excité. De nombreux princes et
prélats s'en chargèrent, le priant à plusieurs reprises, avec une instance
croissante, de hâter la canonisation de saint Yves. Deux interventions furent
plus spécialement efficaces pour emporter la décision du pape.
Il y eut d'abord celle de
Charles de Blois. La dévotion de Charles envers saint Yves est bien connue. Les
témoignages en sont abondants, et leur récit demanderait à lui seul une longue
étude. La première manifestation connue de l'ardent amour de Charles de Blois
pour saint Yves est aussi la plus importante. En 1345, il fit le voyage
d'Avignon et y sollicita de Clément VI, en son nom et en celui de tous les seigneurs
et prélats de Bretagne, la canonisation de saint Yves. Le pape réunit un
consistoire à l'effet de l'entendre. Pour montrer que la puissance
d'intercession du saint auprès de Dieu n'avait pas diminué, Charles de Blois
fit au pape et aux cardinaux rassemblés le récit des deux nouveaux miracles
attribués à Yves : le premier, une guérison merveilleuse, avait été opéré en sa
faveur. Les barons qui l'accompagnaient attestèrent eux aussi le double
prodige. Et le duc ajouta qu'il était convaincu, avec tout le reste de la
Bretagne, que la paix suivrait de près la canonisation de saint Yves. Il versa
3.000 florins pour payer les frais de procédure, geste méritoire de sa part si
l'on se souvient que la même année, probablement lors du même voyage, il dut
emprunter 32.000 florins aux Malabayla, banquiers du pape.
Un second avertissement
fut secrètement donné à Clément VI par saint Yves en personne, l'année qui
précéda la canonisation, c'est-à-dire entre le 19 mai 1346 et le 19 mai 1347.
Clément VI lui-même a raconté comment saint Yves, tenant un sceptre en mains,
lui était apparu durant son sommeil (en vision ou en songe, il n'eût su le
dire), pour lui reprocher la lenteur qu'il apportait à sa canonisation et lui
ordonner d'y procéder sans tarder. Le pape crut alors entendre retentir à ses
oreilles le « Lamma sabactani », « Pourquoi m'as-tu abandonné ? » du Seigneur
sur la croix. Cette intervention fut décisive. Clément VI fit aussitôt appeler
le procureur de la canonisation de saint Yves, lui narra sa vision et lui affirma
sa ferme résolution de poursuivre désormais activement cette grande affaire.
LA CANONISATION 18-19 mai
1347
Une nouvelle commission
de trois cardinaux, un de chaque ordre, fut chargée de revoir les pièces de la
procédure. C'étaient Pierre, cardinal-évêque de Sabine, Adhémar,
cardinal-prêtre du titre de Sainte-Anastasie et Galhard, cardinal-diacre du
titre de Sainte Lucie in Silice.
Le cardinal Pierre Gomez
de Barroso, surnommé « Hispanus », « l'Espagnol », du nom de sa patrie, ou
Pierre de Tolède, du nom du diocèse qui le vit naître, et où il fut plus tard
écolâtre, avait été élu évêque de Carthagène en Espagne, le 3 septembre 1326,
puis élevé au cardinalat par le pape Jean XXII, le 18 décembre 1327. D'abord
cardinal-prêtre du titre de Sainte-Praxède, il devint cardinal-évêque de Sabine
en août 1341. Il devait mourir en Avignon le 14 juillet 1348.
Adhémar Robert était
originaire du Limousin et neveu de Clément VI. Docteur en l'un et l'autre
Droit, notaire apostolique, pourvu de plusieurs canonicats et fréquemment
mentionné dans les lettres des premiers papes d'Avignon, il devint
cardinal-prêtre du titre de Sainte Anastasie, le 20 septembre 1342. Il mourra
le 1er décembre 1352.
Galhard de la Motte,
aquitain et petit-neveu du pape Clément V, était chanoine de Narbonne lorsque
Jean XXII, lors de la première promotion des cardinaux qu'il fit, le 18
décembre 1316, le choisit comme cardinal-diacre de Sainte Lucie in Silice, le
comblant en outre de nombreux bénéfices. Galhard mourra le 20 décembre 1356.
La révision des pièces du
procès de saint Yves terminée, les commissaires présentèrent leur rapport au
pape et aux cardinaux réunis en consistoire. Vie et miracles de saint Yves
furent de nouveau examinés et discutés. Et tout étant jugé prêt, il fut décidé
que le pape, après avoir pris, le 18 mai 1347, l'avis d'un certain nombre
d'évêques présents alors à Avignon, procéderait à la canonisation du
Bienheureux Yves le 19 mai, mardi de la Pentecôte.
La guerre civile, hélas !
continuait à faire rage en Bretagne et précisément, en ce printemps de 1347,
son foyer principal se trouvait concentré dans les environs de Tréguier. La
mort de Jean de Montfort, le 26 septembre 1345, ne l'avait pas interrompue. Sa
veuve, Jeanne de Flandre, qui avait incité Jean à commencer, puis à continuer
la guerre coûte que coûte, se fit un devoir de l'achever elle-même avec l'aide
des Anglais. Durant l'hiver 1345, qui suivit la mort de Jean de Montfort, le
comte de Northampton, chef des armées anglaises de Bretagne, avait incendié les
faubourgs de Guingamp (29 novembre) et pris d'assaut La Roche-Derrien, à 6
kilomètres de Tréguier (3 décembre). La nouvelle garnison de La Roche-Derrien,
craignant que les habitants de Tréguier ne transformassent leurs églises en
forteresses, saccagea et démolit partiellement celles-ci. Elle ne fit exception
que pour la cathédrale, où l'on conservait le corps de saint Yves, tant était
grande la crainte révérentielle que leur inspirait le saint prêtre. Plus tard
(5 décembre 1346), les Anglais pillèrent Lannion. Et ce fut durant de longs
mois une petite guerre épuisante de surprises et d'escarmouches. Désireux de
frapper un grand coup pour en finir une bonne fois, Charles de Blois résolut
d'aller, à la tête d'une nombreuse armée, assiéger La Roche-Derrien. Mais
attaqué par les Anglais à la suite d'une trahison, il fut atteint de 17
blessures et, après avoir fait un vœu à saint Yves et réclamé sa protection, il
se constitua prisonnier près de cette même ville qu'il avait voulu délivrer, le
15 juin 1347, un mois à peine après la canonisation de saint Yves.
Ainsi, tandis que saint
Yves recevait à Avignon, de la plus haute autorité qui soit sur terre, le plus
grand honneur auquel il soit permis ici-bas à un humain d'accéder, le pays où
reposaient ses restes mortels, subissait une des plus cruelles humiliations de
son histoire. Nous ne devons donc pas nous étonner, dans ces circonstances, de
constater qu'à part Maurice Héluy, aucune personnalité de Tréguier, pas même
l'évêque, ne se trouve mentionnée dans les témoins des fêtes de la
canonisation.
Un récit détaillé de ces
fêtes avait été rédigé sous le nom d'Acta canonizationis Sancti Yvonis et
longtemps conservé. Le Père Papebroch, le Bollandiste qui fit la longue notice
sur saint Yves dans les Acta Sanctorum, en possédait une copie manuscrite du
XVème siècle, écrite en grands caractères très élégants, et que le R. P.
Jacques Binet, provincial des Jésuites de France, lui avait donnée en 1644. Ce
précieux manuscrit a disparu depuis sans laisser de trace et aucun autre
exemplaire des Acta Canonizationis n'a jamais été signalé. Il faut remercier la
divine Providence d'avoir inspiré au P. Papebroch l'heureuse idée d'en insérer,
dans sa notice sur saint Yves, suffisamment d'extraits pour que nous puissions,
en y ajoutant les données de l'Ordo Romanus XIV, nous représenter aujourd'hui
encore avec quelque détail le déroulement des glorieuses fêtes des 18 et 19 mai
1347.
Trois semaines environ ou
un mois avant la date fixée pour la canonisation du Bienheureux Yves, Clément
VI désigna huit des prélats alors présents à la cour pontificale pour prendre
la parole, la veille du grand jour, devant le Souverain Pontife et les cardinaux
réunis en consistoire. L'ordre dans lequel ils parleraient était indiqué.
C'était l'ordre de dignité : le patriarche d'Antioche d'abord, puis deux
archevêques, enfin cinq évêques, et dans chaque catégorie, l'ordre
d'ancienneté. Exception était faite pour l'évêque de Nantes, Olivier Saladin,
qui parlerait le premier des évêques, avant même le vénérable évêque de
Mirepoix, son aîné de beaucoup, sans doute en tant que représentant la
Bretagne. Le sujet était imposé à tous les orateurs : ils devaient mettre en
valeur les raisons pour lesquelles il convenait que la canonisation fût faite
et supplier le Souverain Pontife d'y procéder.
Ordinairement, dans un
consistoire qui suivait la désignation des orateurs, le pape confiait
secrètement à deux cardinaux versés dans la Sainte Ecriture, des religieux de
préférence, le soin de composer l'office du Bienheureux qui allait être
canonisé : l'un des cardinaux rédigeait la légende, c'est-à-dire les leçons
rapportant la vie et les principaux miracles du Saint ; le second, les répons,
les antiennes et l'oraison. Ils devaient présenter leur travail dans un
consistoire ultérieur. On ne sache pas que rien de tel ait eu lieu pour saint
Yves. Peut-être l'office composé en 1334 à Tréguier fut-il jugé suffisant et
adopté tel quel.
Le 18 mai 1347, lundi de
la Pentecôte, se tint donc au lieu habituel l'ultime consistoire préparatoire à
la canonisation, dit consistoire « in recitatione processus ». Le Pape y
assistait, revêtu d'une chape rouge et portant une mitre précieuse, ornée de
perles ; les cardinaux et les prélats étaient revêtus de tous leurs ornements,
y compris la cappa magna de laine. Clément VI fit son entrée, assisté de deux
cardinaux-diacres, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche, et accompagné des
cardinaux présents à Avignon.
Le Pape inaugura le
consistoire par un long discours qui devait occuper 64 colonnes entières du
manuscrit des Acta canonizationis ci-dessus mentionné. Selon le goût de
l'époque, ce discours était farci de lieux communs et de jeux de mots et coupé
par des divisions et des subdivisions multiples et factices. Il contenait
cependant de nombreux et précieux renseignements historiques. Le thème du
discours était : « Héloy, Héloy », « Mon Dieu, Mon Dieu » ! (S. Marc XV. 34).
On y aperçoit de suite le jeu de mots sur le nom de famille de saint Yves :
Hélory !
Dans une première partie,
le Pape implorait le secours du ciel pour le grand acte qu'il se préparait à
accomplir. Une seconde partie racontait l'histoire de la cause de saint Yves.
En particulier, elle faisait le récit des nombreuses démarches entreprises par
la Bretagne et par la France auprès de ses prédécesseurs et auprès de lui-même
pour obtenir la canonisation de saint Yves, et, il indiquait les deux raisons
de convenance pour lesquelles il lui semblait que la divine Providence lui
avait réservé la conclusion de cette affaire : il était Limousin et avait donc
été, lui, sujet du duc de Bretagne ; saint Yves était né en Bretagne ; il
convenait donc qu'il fût canonisé par un pape, qui avait eu le même souverain
que lui. Et puis, saint Yves avait été couronné au ciel un 19 mai, à l'âge de
50 ans ; Clément VI, lui, avait été couronné pape un 19 mai aussi, à l'âge de
50 ans. — La troisième partie du discours comportait un abondant résumé du procès
de canonisation et racontait la vie et les miracles de saint Yves. Le Pape
terminait en demandant aux prélats présents de lui donner leur avis sur
l'opportunité de la canonisation du Bienheureux Yves.
Il n'était pas prévu par
l'Ordo Romanus XIV, de discours du Pape pour le consistoire « in recitatione
processus ». Il est permis de voir dans cette dérogation de Clément VI au
cérémonial accoutumé, une marque spéciale de sa dévotion envers saint Yves et
aussi une flatteuse usurpation (si toutefois il est permis de parler
d'usurpation en parlant du Chef suprême de l'Eglise !) sur les droits du
procureur à qui il revenait de parler le premier. De ce fait, le pape développa
dans son discours plusieurs points qui rentraient normalement dans les
attributions du procureur : ce qui explique que le discours de celui-ci fut
relativement court et celui du Pape très long.
Le texte des neuf
discours suivants ne nous est pas connu. Le P. Papebroch n'en a relevé que les
thèmes et la longueur.
Le second orateur fut donc
le procureur de la cause de saint Yves, Maurice Héluy. Une lettre de Jean XXII,
du 11 avril 1332 et de nombreuses lettres postérieures le mentionnent comme
étant chanoine de Tréguier. Ce dernier titre explique sa fonction de procureur
de la cause de saint Yves. Il avait choisi comme thème de son discours, qui
occupait 24 colonnes du manuscrit : « Sanctus sanctificetur adhuc ! » « Que le
saint soit encore sanctifié ! » (Apocalypse XXII, 11). Son rôle de procureur
l'incitait à parler de la cause de saint Yves et à supplier Sa Sainteté qu'elle
daignât écouter les huit prélats qui avaient l'intention de prendre la parole
sur le même sujet, et qu'il lui plût de définir que le Bienheureux Yves Hélory
était saint, qu'il devait en conséquence être inscrit au catalogue des saints
et être vénéré comme tel par tous les fidèles et que sa fête fût célébrée
chaque année perpétuellement au jour qu'il semblerait bon au pape de fixer.
Les huit derniers
discours furent ceux des prélats qui avaient reçu du Pape, quelques semaines
plus tôt, l'invitation à prendre la parole en cette circonstance. Les rubriques
demandaient que ces discours fussent brefs. De fait, leur transcription couvrit
au total 118 colonnes du manuscrit des Acta canonizationis et le plus court,
celui du vieil évêque de Mirepoix, occupait encore 10 colonnes.
Le troisième discours,
qui avait comme thème « Animadverto quod vir sanctus est iste ». « Je reconnais
que cet homme-là est saint », (IV Rois IV, 9), fut prononcé par le patriarche
d'Antioche. Le patriarcat d'Antioche, devenu titulaire depuis 1270, comme on le
sait, fut occupé du 27 novembre 1342 au 30 mai 1348, date de sa mort, par
Guiral Ot, personnage considérable, puisqu'il avait été 18ème Ministre général
de l'Ordre des Frères Mineurs, de 1329 à 1343. En même temps que le patriarcat
d'Antioche, le Pape lui avait confié l'administration de l'évêché de Catane en
Sicile, qu'il assura également jusqu'à sa mort. Né à Carboulit dans le Lot,
donc compatriote du Pape Jean XXII, qui le combla de faveurs, lui et sa
famille, il avait pris l'habit franciscain au couvent de Figeac, de la province
d'Aquitaine. Devenu maître en théologie de l'Université de Paris, et connu sous
le nom de « Doctor Moralis », il laissa de nombreux ouvrages philosophiques,
théologiques et scripturaires. Il fut inhumé dans la cathédrale de Catane.
Quoi qu'il en soit des
rapports entre saint Yves et le Tiers-Ordre de saint François, il est
caractéristique de voir un ancien général de l'Ordre, devenu grand personnage
de la Cour pontificale, intervenir ainsi activement en faveur de la
canonisation de saint Yves. Quatre ans plus tard, dès 1351, le chapitre général
des Frères Mineurs, tenu à Lyon sous le généralat de Guillaume Farinier
(1348-1359), devait décréter que la fête de saint Yves récemment canonisé
serait désormais célébrée chaque année dans l'Ordre.
Le quatrième orateur
devait être l'archevêque de Narbonne. Pierre de la Jugie, cousin du pape
Grégoire XI et neveu de Clément VI, natif de La Jugie, sur la paroisse d'Eyren
au diocèse de Limoges, avait fait profession dans l'Ordre de Saint-Benoît. Il
devint le 2 mars 1345, évêque de Zaragoza en Espagne. Transféré à l'archevêché
de Narbonne le 10 janvier 1375, il sera promu cardinal-prêtre du titre de
Saint-Clément par son cousin Grégoire XI le 20 décembre de la même année et
mourra le 19 novembre 1376. Le thème de son discours, qui occupait 21 colonnes
des Acta, devait être : « Exaltate ilium quantum potestis : major est enim muni
laude », « Exaltez-le tant que vous pourrez, car il est au-dessus de toute
louange ! » (Eccli, XLIII, 30). Mais une grave maladie, qui le conduisit
jusqu'aux portes du tombeau et le fit même être abandonné des médecins,
l'empêcha de prononcer son discours. Sans qu'il y eut cependant accroc au
cérémonial qui prévoyait 7 ou 8 orateurs, puisque, si huit avaient été
désignés, sept parlèrent effectivement. Guéri peu après, miraculeusement, à la
suite de prières à Dieu et d'un vœu à saint Yves fait par des amis, il rendit
au Saint, par sa guérison, un témoignage plus éloquent et plus opportun que
toute parole. Plein de reconnaissance envers son bienfaiteur, il institua dans
son diocèse l'office de saint Yves de rite double. L'Eglise de Narbonne,
jusqu'à sa disparition lors de la Révolution, l'a fidèlement conservé. L'archevêché
de Narbonne est aujourd'hui absorbé par celui de Toulouse, dont le titulaire
porte le titre d'archevêque de Toulouse et de Narbonne et évêque de Rieux et de
Saint-Bertrand-de-Cominges.
Vint en cinquième lieu
l'archevêque de Bordeaux, Amanim de Cazes, chanoine de Bayeux, docteur ès lois,
chapelain et familier du Souverain Pontife. Il était archevêque de Bordeaux
depuis le 19 janvier 1347 et devait y rester jusqu'à sa mort survenue avant le
17 septembre 1348, date où fut élu son successeur. Le texte, de son discours
qui s'étendait sur 19 colonnes des Acta, était : « Vere hic homo justus erat ».
« Cet homme était véritablement un juste » (S. Luc XXIII, 47).
Le sixième orateur, le
premier par faveur, nous l'avons vu, de l'Ordre des évêques, fut Olivier
Saladin, évêque de Nantes, Doyen de Paris et docteur en théologie, il avait été
élevé sur le siège de Nantes le 14 juillet 1340. Il devait mourir en charge le
24 août 1354. Son discours, qui comprenait 15 colonnes des Acta, débutait par
ce texte : « Laudans invocabo Dominum ». « Je louerai le Seigneur en
l'invoquant » (Ps. XVII, 4).
Le septième discours,
s'étendant sur dix colonnes, fut prononcé par l'évêque de Mirepoix, Pierre de
la Pérarède sur le texte : « Quemcumque elegerit Dominus ipse erit sanctus ». «
Celui que le Seigneur aura choisi, c'est celui-là qui sera saint » (Nombres,
XVI, 7). Né à Flauniac, près de Cahors, Pierre de la Pérarède se fit
dominicain. Maître en théologie, puis maître du Sacré-Palais vers 1328, il fut
choisi le 19 décembre 1327 par le pape Jean XXII, son compatriote, pour
succéder sur le siège de Mirepoix à Jacques Fournier, le futur Benoît XII,
promu cardinal. Il y restera jusqu'à sa mort (19 août 1348). Aujourd'hui,
l'évêché de Mirepoix a disparu ; il a été absorbé par celui de Pamiers, dont
l'évêque porte le titre d'évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix. Le huitième
discours, comprenant 12 colonnes des Acta et débutant, par ce texte : « Dignus
est ut hoc illi prœstes ». « Il mérite que vous fassiez cela pour lui » (St
Luc, VII, 4), fut prononcé par l'archevêque de Sigüenza, dans la Tarraconaise,
en Espagne. Consalve de Aquilar Hinojosa, maître en théologie et archidiacre de
Salamanque, fut successivement évêque de Cuenca, le 10 janvier 1341 et de
Compostelle le 14 août 1348 et le 4 janvier 1351, de Tolède, où il mourra le 25
février 1353.
Un second prélat
franciscain, Jourdain Curti, évêque de Trivento, dans l'Abruzze, en Italie
méridionale, avait accepté de faire le neuvième discours, long de 17 colonnes,
qu'il commença par ce texte de saint Pierre : « In omnibus honorificetur Heloy
! ». « Qu'Héloy soit honoré par tous ! » (I. Petr., IV, 2) On y retrouve le
même jeu de mots dont venait de se servir le pape. D'origine française, maître
en théologie, Jourdain Curti avait été élevé le 28 février 1344 sur le siège de
Trivento. Le 30 mai 1348, il sera transféré sur le siège archiépiscopal de
Messine, où il mourra avant le 20 mars 1349, date de l'élection de son
successeur. L'évêché de Trivento, qui appartenait autrefois à la métropole de
Bénévent, est aujourd'hui directement rattaché au Saint-Siège.
Le dernier orateur fut
encore un religieux, Geffroy Grosfeld, ermite de Saint-Augustin, récemment élu
évêque de Ferns, dans le comté de Wexford, en Irlande (5 mars 1347) et qui
mourra en charge peu après (28 octobre 1348). Actuellement, l'évêché de Ferns
est rattaché à la métropole de Dublin, mais l'évêque réside à Wexford, Ferns
n'étant plus qu'un petit village. Peut-être le pape voulut-il, par le choix de
ce prélat, associer les Celtes d'Irlande à ceux d'Armorique dans la
glorification d'un de ces derniers. L'orateur avait pris comme texte : « Pater,
venit hora, glorifica filium tuum ». « Père, l'heure est venue, glorifie ton
fils » (S. Jean, XVII, 1). Son discours comprenait 11 colonnes des Acta.
Les discours achevés, le
vice-chancelier, les notaires et les chapelains se levèrent et tous ensemble,
ils supplièrent à leur tour le Souverain Pontife de vouloir bien canoniser le
Bienheureux Yves.
Le Consistoire se termina
par la récitation du Confiteor que fit le cardinal-diacre placé à la gauche du
pape, par la concession d'indulgences et par l'absolution et la bénédiction du
Pontife.
Ces discours prononcés
par des orateurs appartenant à tous les pays : France, Italie, Espagne,
Angleterre ; à tous les degrés de la hiérarchie : patriarches, archevêques,
évêques ; et à tous les états de vie : séculiers, bénédictins, dominicains,
franciscains, ermites de Saint-Augustin, furent comme une démonstration
symbolique et puissante de l'unanimité du peuple chrétien, présent par ses
pasteurs, dans sa conviction de la sainteté d'Yves et dans son désir de la
canonisation du prêtre breton. Cette unanimité n'était-elle-même qu'une
manifestation de l'action unifiante de l'Esprit-Saint, répandu dans le corps
mystique du Christ tout entier et faisant l'unité des membres entre eux comme
des membres avec la tête. C'est en effet, le même Esprit-Saint qui venait
d'inspirer aux prélats des sentiments identiques de dévotion et de vénération à
l'égard du Bienheureux Yves et qui inspirerait le lendemain au Souverain
Pontife, représentant visible sur terre du Chef invisible du Corps mystique, la
sentence infaillible plaçant le Bienheureux au nombre des saints et comblant
ainsi les vœux des orateurs de la veille. Fort de cette unanimité de son
troupeau, le pasteur suprême pouvait désormais, non seulement en toute
sécurité, mais encore avec l'assentiment assuré d'avance du peuple chrétien,
procéder à la canonisation du Bienheureux Yves : il donna rendez-vous pour le
lendemain à l'auguste assemblée.
Nous voici donc parvenus
à cette glorieuse journée du 19 mai 1347, mardi de la Pentecôte, qui devait
voir la canonisation d'Yves Hélory. Nous ne savons pas dans quelle église se
déroula la cérémonie. Peut-être Clément VI choisit-il l'église des Dominicains,
dans laquelle il s'était fait couronner pape cinq ans plus tôt jour pour jour.
On devine que, dans un
siècle de foi tel que le XIVème siècle, l'allégresse du peuple chrétien à
l'occasion d'une canonisation ne pouvait être moindre que de nos jours. La
solennité fut annoncée par toutes les cloches d'Avignon à l'heure de Complies
la veille au soir et le jour même à l'heure de Tierce. La joie des âmes et le
triomphe d'Yves trouvèrent leur expression dans la décoration festive de
l'église : tentures, verdure, lumière y furent prodiguées.
Donc, à l'heure fixée, le
clergé de l'église vint en procession au-devant du pape qui arrivait revêtu des
mêmes ornements que pour le consistoire de la veille et au-devant du cortège
des cardinaux. Après une prière devant le maître-autel, Clément VI monta sur le
trône préparé pour lui au milieu de l'église. Cardinaux et prélats en cappas de
laine y vinrent lui faire la révérence, puis se revêtirent de leurs ornements
blancs : les cardinaux-évêques, de chapes ; les cardinaux-prêtres, de
chasubles, et les cardinaux-diacres, de tuniques et dalmatique ; le pape gagna
alors une cathèdre disposée sur une estrade devant le maître-autel et de là,
assis, mitre en tête, il prononça le panégyrique de saint Yves qui, s'étendant
sur 98 colonnes des Acta, est l'un des plus élégants de ce pontife humaniste.
Il débutait par ces paroles : Exulta et lauda, habitatio Sion, quia magnus in
medio tui sanctus Israël ». « Réjouis-toi et chante des louanges, habitant de
Sion, parce que le saint d'Israël qui est au milieu de toi est grand » (Isaïe,
XII, 6). Le discours se poursuivait par une mention de la Bulle de Jean XXII du
26 février 1330, et une longue dissertation, sur les mérites et les miracles
d'Yves, ainsi que sur l'autorité de l'Eglise en matière de canonisation, pour
se terminer par une invitation à prier l'Esprit-Saint « qui illumine et dirige
l'Eglise », afin qu'il ne permette pas que le Souverain Pontife puisse errer
dans une affaire aussi importante.
Et aussitôt Clément VII
entonna le Veni Creator, qui fut continué par le chœur et suivi du Flectamus
genua et de l'oraison du Saint-Esprit.
Vint alors l'instant
solennel depuis si longtemps attendu et la parole si souvent et si ardemment
demandée aux Souverains Pontifes Clément V, Jean XXII, Benoît XII et Clément
VI, où le pape allait affirmer infailliblement la sainteté d'Yves Hélory.
Clément VI prononça assis et mitre en tête la sentence par laquelle il
définissait qu'Yves Hélory, prêtre du diocèse de Tréguier, était saint et
devait être tenu tel par tous, et qu'il l'inscrivait au Catalogue des Saints.
Il y décrétait en outre que sa fête serait solennellement célébrée chaque année
par l'Eglise universelle, au jour anniversaire de sa mort, le 19 mai, et que
l'on ferait pour lui l'office d'un confesseur non pontife. De plus, il ordonnait
une élévation et une translation du corps de saint Yves. La formule dont usa le
pape et dont on trouvera le texte latin dans les Acta Sanctorum des
Bollandistes, page 579, et la traduction française aux pages 276-277 de
Ropartz, (Histoire de saint Yves), est, à quelques variantes près, la formule
indiquée par l'Ordo Romanus XIV. Toutefois Clément VI daigna ajouter 7 ans et 7
quarantaines d'indulgences pour les fidèles qui assisteraient à la solennité de
l'élévation et de la translation du corps de saint Yves ou à la première fête
que l'on célébrerait à Tréguier en son honneur ; ainsi, que 100 jours
d'indulgences, au lieu des 40 prévus, pour les fidèles qui visiteraient son
tombeau durant les octaves de ces deux fêtes annuelles.
Il faut bien interpréter
cet ordre donné par le pape de fêter saint Yves chaque année dans l'Eglise
universelle. Selon Benoît XIV, il ne s'agit en réalité que d'une permission ;
pour qu'il y ait eu obligation de fêter saint Yves dans l'Eglise universelle,
il aurait fallu un second décret du pape, indiquant le rite (double de 1ère ou
de 2ème classe, double-majeur, double, simple), suivant lequel se ferait la
fête : car on ne peut fêter un saint que selon un rite déterminé et seul, le
Souverain Pontife peut imposer la hiérarchie à suivre dans les honneurs à
rendre aux Saints, hiérarchie marquée précisément par ce rite. Et de fait, ni
les livres liturgiques purement romains, ni ceux de la plupart des pays
étrangers à la France, n'ont jamais contenu l'office ni la messe de saint Yves,
tandis que la quasi-unanimité des diocèses de France ont fêté le saint prêtre
durant plusieurs siècles, jusqu'à ce que, à la suite de réformes excellentes en
soi, et nécessaires, mais faites trop rapidement à la suite en particulier du
retour massif à la liturgie romaine au milieu du XIXème siècle, il ait disparu
des Calendriers de la plupart des diocèses de France en dehors de la Bretagne.
La canonisation de saint
Yves achevée, le pape déposa la chape rouge, et prit ses chirothèques précieux,
son anneau pontifical, la chape blanche précieuse, ainsi que la mitre
précieuse. Puis il entonna l'hymne d'actions de grâces, Te Deum, que le chœur
poursuivit. Durant le chant du Te Deum, une procession avec des cierges
s'organisa dans l'église ; au retour de la procession, le pape monta à la
cathèdre placée devant le maitre-autel et d'où il avait pris la parole. Le
cardinal-diacre, qui était à sa gauche, chanta le verset : Ora pro nobis, beate
Yvo, alleluia. Auquel le chœur répondit : Ut digni efficiamur gratia Dei, alleluia.
Et le pape chanta le Dominus vobiscum et l'oraison propre de saint Yves. Après
le chant du Benedicamus Domino, le cardinal-diacre qui était à la gauche du
pape, récita le Confiteor, dans lequel il inséra le nom de saint Yves,
immédiatement après celui des Saints Apôtres Pierre et Paul. Le doyen des
cardinaux-évêques accorda ensuite aux fidèles présents, au nom du pape, une
indulgence de 7 ans et 7 quarantaines. Et Clément conclut en donnant
l'absolution, puis sa bénédiction avec la formule habituelle : Precibus et
meritis, dans laquelle il inséra à sa place le nom de saint Yves.
Le Souverain Pontife
revêtit ensuite les ornements pontificaux blancs et chanta la messe solennelle
de saint Yves, à la fin de laquelle il accorda de nouveau une indulgence de 7
ans et 7 quarantaines. Puis il reprit les ornements qu'il avait lors de son
arrivée dans l'église.
La plupart de ceux qui
avaient hâté la canonisation de saint Yves par leurs instances auprès du
Saint-Siège, en particulier l'évêque de Tréguier et le roi de France, n'avaient
pu assister à la cérémonie solennelle du 19 mai qui consacrait le succès de
leurs efforts. Clément VI compensa le sacrifice que les circonstances leur
avaient imposé en leur notifiant officiellement le joyeux événement.
A l'évêque de Tréguier,
il envoya la Bulle Almus siderum Conditor, annonçant à l'univers chrétien la
canonisation de saint Yves et datée du jour même de la solennité. L'original de
la Bulle fut très longtemps conservé dans le trésor de la cathédrale de Tréguier.
Le texte latin en a été publié d'après la Bulle originale et d'après le
manuscrit latin 1148, fol. 71 v. - 86, de la Bibliothèque nationale dans les
Monuments originaux de l'histoire de saint Yves, pages 483-485.
Au roi de France Philippe
VI de Valois qui avait en 1329, on s'en souvient, demandé au pape Jean XXII
l'ouverture du procès de canonisation de saint Yves, Clément VI adressa la
lettre Ad spiritualis grandii, datée du 21 juin 1347 et dont le texte latin a
été publié par Wadding, Annales Minorum, T. VII, p. 8-9 ; par Raynaldus,
Annales Ecclesiastici 1347, n° 33 ; par Carolus Cocquelinus, Bullarum,
privilegiorum ac diplomatum Romanorum Pontificum amplissima collectio, T. III.,
p. 310, pars sec., 1471 ; dans les Monuments, p. 486 ; et la traduction
française par Ropartz, p. 278-280, qui reproduit la traduction, de Jacques de
l'Oeuvre.
LA TRANSLATION (27-29
octobre 1347)
Quand l'Eglise, qui à
l'origine n'honorait que les martyrs, se mit à vénérer aussi les saints
confesseurs, le premier honneur public qu'elle leur rendait et qui inaugurait
leur culte, consistait en l'élévation et en la translation de leurs corps.
Cette cérémonie était l'équivalent de notre béatification actuelle ou de notre
canonisation : aussi ne pouvait-elle avoir lieu que par ordre de l'évêque, à
qui étaient réservées les béatifications ou du pape, qui seul pouvait
canoniser.
Lorsque l'Eglise eut
institué pour la béatification et la canonisation une cérémonie spéciale et
distincte de l'élévation et de la translation, celles-ci perdirent leur
signification première de béatification ou de canonisation équivalentes et une
part de leur importance. Elles subsistèrent cependant en raison de leur
symbolisme profond et continuèrent à être soumises à l'assentiment de
l'autorité épiscopale ou pontificale.
En ce qui concerne saint
Yves, c'est le pape lui-même qui ordonna l'élévation et la translation de ses
reliques. Le 19 mai 1347 déjà, dans la sentence solennelle qui élevait le saint
prêtre sur les autels, Clément VI, nous l'avons vu, gratifiait d'indulgences
ceux qui assisteraient à l'élévation et à la translation du corps de saint Yves
dans la cathédrale de Tréguier, ainsi qu'aux fidèles qui viendraient dévotement
visiter son tombeau durant l'octave cette translation ou le jour anniversaire
ou durant l'octave du jour anniversaire.
La Bulle de canonisation
Almus siderum conditor, adressée le jour de la canonisation à l'évêque de
Tréguier, renouvelait l'octroi de ces indulgences.
Le Pontife y revint enfin
une troisième fois dans la lettre Laudabilis et longœvœ adressée à l'évêque et
au chapitre de Tréguier et dont on trouvera le texte dans Wadding, Annales
Minorum (VII, 9-10), que reproduisent les Monuments, p. 487, - et,
partiellement dans Raynaldus, Annales Ecclesiastici, an. 1347, n° 40 ; l'abbé
France, saint Yves, p. 229-231, en donne une traduction française. L'unique
objet de la lettre était d'ordonner à l'évêque et au chapitre de Tréguier de
procéder à l'élévation et à la translation du corps de saint Yves. Elle exprime
merveilleusement le symbolisme de cette cérémonie. Quand le blé, après le long
travail des semailles et de la récolte, se trouve enfin amassé, c'est presque
avec dévotion qu'on le monte dans le grenier pour l'y conserver. De même
lorsque l'âme, par les longs travaux de cette vie, s'est enrichie de multiples
mérites, Dieu l'élève au ciel pour l'éternité aux acclamations unanimes de la
cour céleste. Il convient que, quand l'Eglise proclame solennellement que l'âme
d'un de ses enfants est parvenue à ce bienheureux séjour, le corps, qui fut le
compagnon de cette âme dans son labeur, soit élevé lui aussi et transféré de la
bassesse du tombeau dans un lieu plus digne, au milieu de l'allégresse du
peuple chrétien. C'est pour susciter ce concours de fidèles que le Saint Siège
accorde des indulgences à ceux qui assistent dévotement à cette cérémonie.
L'évêque de Tréguier
était alors Richard (d'autres disent Raoul) du Poirier, consacré à Tours par
l'archevêque Pierre du Frétaud le dimanche 26 février 1338. Dès son arrivée
dans le diocèse, vers 1338-1339, il avait jeté les fondements de la nouvelle
cathédrale de Tréguier. Il devait mourir en 1353.
Il se hâta d'exécuter
l'ordre de Clément VI relatif à la translation des reliques de saint Yves. Les
circonstances politiques étaient d'ailleurs devenues plus favorables. La paix
était certes loin d'être revenue, mais une trêve d'un an, partant du 25
septembre 1347, la trêve de Boulogne, avait été négociée par les légats du pape
entre Anglais et Français et par là même entre les deux partis qui divisaient
la Bretagne. Un peu plus d'un mois après la signature de cette trêve, se
déroulaient à Tréguier les fêtes de la translation des reliques de saint Yves,
le premier pardon de saint Yves. L'évêque Richard n'avait pas perdu de temps.
Ce fut un triomphe pour
saint Yves et une source de nombreuses bénédictions pour les fidèles. Une foule
immense se rendit à Tréguier : prélats et clergé de toute la Bretagne,
seigneurs et bas-peuple, toutes classes de la société s'y étaient donné rendez-vous.
Pour un instant, la Bretagne se retrouvait unie : ce fut le plus beau miracle
de cette solennité.
La présence la plus
touchante fut celle du duc Charles de Blois, un grand dévot de saint Yves et un
saint. Depuis quatre mois, il était aux mains des Anglais, qui devaient
l'emmener en captivité dans leur pays, quelques semaines plus tard. Il obtint
d'eux la faveur de venir assister aux fêtes. Ce fut sur les genoux, les bras et
les pieds nus, qu'il descendit les six marches qui donnaient accès à la cathédrale
et qu'il gagna dévotement le tombeau de saint Yves.
Saint Yves ne se laissa
pas vaincre en générosité. Sur cette terre, il avait été héroïquement bon, sans
attendre une reconnaissance qui n'est pas monnaie courante. Comment, en réponse
aux manifestations spontanées, ardentes, désintéressées de cette foule réunie
en son honneur, n'aurait-il pas redoublé ses bienfaits ? De nombreux miracles,
en effet, se produisirent en ces jours de fête par son intercession : de son
corps, comme de celui du Seigneur, sortait une vertu qui guérissait tous les
malades.
A quelle date exactement
eut lieu l'élévation du corps de saint Yves ? Certainement plusieurs jours
avant la translation et la reposition, afin de laisser aux fidèles le loisir de
le vénérer et de le prier. Or, la translation eut lieu le 29 octobre 1347 :
c'est la date adoptée par tous les livres liturgiques des diocèses bretons.
Baillet, dans sa Vie des Saints, estime que l'élévation dut avoir lieu le 27
octobre, car c'est la date qu'ont choisie les Franciscains et le Martyrologe de
Saussaye pour la « Saint Yves d'hiver ».
Les reliques de saint
Yves furent-elles déposées dans le même tombeau d'où on les avait élevées ou
dans un autre endroit ? Les textes n'en disent rien : la parole est à
l'archéologie. Remarquons seulement que la translation n'implique pas
nécessairement pour le corps élevé de terre un changement de lieu lorsque, — et
c'est précisément le cas pour saint Yves, — le corps saint se trouve déjà
inhumé dans un lieu honorable.
Du moins, le corps de
saint Yves ne regagna pas intact son tombeau. Avant la cérémonie de la
reposition, on en détacha le chef qui fut mis dans un reliquaire à part. Cette
insigne relique constitue aujourd'hui encore la gloire principale du trésor de
la cathédrale de Tréguier et demeure le centre du pardon annuel de saint Yves
et l'objet d'un enthousiasme populaire qui ne s'est pas démenti depuis
plusieurs siècles
(Dom Yves Ricaud).
SOURCE : http://www.infobretagne.com/canonisation-saint-yves.htm
St. Ives
(St. Yves)
St. Ives, born at Kermartin,
near Tréguier, Brittany, 17 October, 1253; died at Louannee, 19 May,
1303, was the son of Helori, lord of Kermartin, and Azo du Kenquis. In
1267 Ives was sent to the University
of Paris, where he graduated in civil
law. He went to Orléans in 1277 to study canon law. On his
return to Brittany having received minor
orders he was appointed "official", or ecclesiastical
judge, of the archdeanery of Rennes (1280);
meanwhile he studied Scripture,
and there are strong reasons for holding that he joined the Franciscan Tertiaries sometime
later at Guingamp. He was soon invited by the Bishopof
Tréguier to become his "official", and accepted the offer (1284). He
displayed great zeal and
rectitude in the discharge of his duty and
did not hesitate to resist the unjust taxation
of the king, which he considered an encroachment on the rights of
the Church;
by his charity he gained the title of advocate and patron of
the poor.
Having been ordained he
was appointed to the parish of Tredrez
in 1285 and eight years later to Louannee, where he died. He was buried in
Tréguier, and was canonized in
1347 by Clement
VI, his feast being
kept on 19 May. He is the patron of lawyers, though not, it is said,
their model, for — "Sanctus Ivo erat Brito, Advocatus et non
latro, Res miranda populo."
Sources
Acta SS., May, V, 248;
Life by DE LA HAYE (Morlaix, 1623); and by NORBERT (Paris, 1892); DANIEL, Monuments
originaux (St-Brieux, 1887); Analecta Bolland., II, 324-40; VIII,
201-3; XVII, 259.
MacErlean, Andrew. "St. Ives." The Catholic Encyclopedia. Vol.
8. New York: Robert Appleton Company, 1910. 19 May
2015 <http://www.newadvent.org/cathen/08256b.htm>.
Ecclesiastical
approbation. Nihil Obstat. October 1, 1910. Remy Lafort, S.T.D.,
Censor. Imprimatur. +John Cardinal Farley, Archbishop of New York.
Copyright © 2021 by Kevin Knight.
Dedicated to the Immaculate Heart of Mary.
SOURCE : http://www.newadvent.org/cathen/08256b.htm
Ivo Hélory, OFM Tert. (RM)
(also known as Ives, Ybus, Yvo of Kermartin)
Born at Kermartin near Tréguier, Brittany, 1253; died at Lovannec, Brittany, on
May 19, 1303; canonized in 1347.
Ivo was the son of a Breton lord. At age 14 he went to Paris for a 10-year
course of studies, and gained a great reputation for his proficiency in
philosophy, theology, and canon law. He began an austere regime of life,
wearing a hair shirt, sleeping for short hours on a straw mat with a book or
stone for a pillow, and abstaining from meat and wine. He went on to Orléans to
study civil law under the famous jurist Peter de la Chapelle.
After returning to Brittany, Ivo was made a judge of the ecclesiastical court
by the archdeacon of Rennes. He also received minor orders. He dispensed
justice with such care and kindness that he was esteemed even by the losing
sides. In time, he became official to Alan de Bruc, the bishop of Tréguier.
Ivo's free defense of the poor earned him the title "Advocate of the
Poor." In addition to acting as judge in his own court, he pleaded for the
helpless in other courts; he frequently paid their expenses and visited them in
prison. Although it was the custom of the age that lawyers accept 'gifts' as a
matter of course, he refused these bribes. He worked to reconcile differences
out of court, in order to save the parties the cost of unnecessary litigation.
In 1284, Saint Ivo was ordained to the priesthood. From 1287, when he resigned
his legal office, he devoted his time to his parishioners first at Tredrez and
then at Lovannec. He was in demand as a preacher, even outside his own parish.
He was frequently called upon as an arbitrator. His legal knowledge was always
at the disposal of his parishioners, as were his time and goods. Ivo's countrymen
have always had a great regard for Saint Ivo, "an attorney who was an
honest man."
He built a hospital, nursed the sick, and distributed his harvests or their
revenues to the poor. He was known to give the clothes off his back to beggars;
once he gave a beggar his bed while he slept on the doorstep. His austerities
became more rigorous with time, despite his failing health. He died after
preaching Mass on Ascension Eve (Attwater, Benedictines, Delaney, White).
In art, Saint Ivo is a lawyer enthroned between rich and poor litigants,
inclining towards the poor. He may also be portrayed as surrounded by
suppliants, holding a parchment and pointing upwards, or in a lawyer's gown,
holding a book, with an angel near his head and a lion at his feet (Roeder).
He is the patron saint of
lawyers, advocates, canon lawyers, judges, and notaries, of abandoned children
and orphans, and Brittany, where Yves is a favorite baptismal name (White).
SOURCE : http://www.saintpatrickdc.org/ss/0519.shtml
MESSAGE OF JOHN PAUL II
TO BISHOP LUCIEN FRUCHAUD
OF SAINT-BRIEUC AND
TRÉGUIER
FOR THE 700th ANNIVERSARY
OF THE BIRTH
OF ST IVO HÉLORY OF
BRITTANY
To Bishop Lucien Fruchaud
of Saint-Brieuc and Tréguier
1. On 19 May 2003, the
Diocese of Saint-Brieuc and Tréguier celebrates the seventh centenary of the
dies natalis of Ivo Hélory of Kermartin, a son of Brittany. On the occasion of
this event which fits into the context of a year dedicated to St Ivo, I join
you in prayer, together with everyone who has gathered for the festivities and
all the members of your diocese. I remember with emotion my visit to Brittany
in 1996, to Sainte-Anne d'Auray. I appreciate the welcome and support which the
local Authorities have given to the various religious events; I am grateful on
this occasion to the bar of Saint-Brieuc for having organized a series of
reflections on juridical matters. This witnesses to the great interest of civil
society in a figure who was able to combine a social role and an ecclesial
mission, drawing from his spiritual life the strength for action and for the
unification of his being.
2. On 19 May 1347, Pope
Clement VI raised Ivo Hélory to the glory of the altars. The testimony of the
small rural community, collected during the cause for his canonization, is
certainly the most beautiful tribute that can be paid to someone who devoted
his whole life to serving Christ in serving the poor, as a magistrate, lawyer
and priest. St Ivo was involved in defending the principles of justice and
equity. He was careful to guarantee the fundamental rights of the person,
respect for his primary and transcendent dignity, and the protection that the
law must guarantee him. For all who exercise a legal profession, whose patron
saint he is, he remains the voice of justice, which is ordained to
reconciliation and peace in order to create new relations among individuals and
communities and build a more impartial society. I give thanks for the shining
example he offers to Christians today, and on a broader scale, to all people of
good will, inviting them to walk on paths of justice, of respect for the law
and of solidarity with the poor, to serve the truth and to take part in "a
new "creativity' in charity" (Novo Millennio Ineunte, n. 50).
3. St Ivo also chose to
divest himself of everything, little by little, to be more radically conformed
to Christ, desiring to follow him in poverty, to contemplate the face of the
Lord in the faces of the lowly with whom he tried to identify (cf. Mt 25). As a
servant of God's Word, he meditated upon it, to help all those in search of the
living water to discover its treasures (cf. Is 41: 17). He tirelessly travelled
through the countryside to bring material and spiritual help to the poor,
calling his contemporaries to bear witness to Christ the Saviour through a
daily life of holiness. It is an outlook such as this that enables "the
proclamation of Christ to reach people, mould communities, and have a deep and
incisive influence in bringing Gospel values to bear in society and
culture" (Novo Millennio Ineunte, n. 29).
4. The values proposed by
St Ivo retain an astonishing timeliness. His concern to promote impartial
justice and to defend the rights of the poorest persons invites the builders of
Europe today to make every effort to ensure that the rights of all, especially
the weakest, are recognized and defended.
The Europe of human
rights must ensure that the objective elements of natural law remain the basis
of positive laws. In fact, St Ivo based his duty as judge on the principles of
natural law, which every conscience that is formed, enligtened and attentive
can discover through reason (cf. St Thomas Aquinas, Summa Theologiae, I-II, q.
91, a.1-2), and on positive law, which finds in natural law its fundamental
principles, thanks to which it is possible to compile equitable juridical norms
and to prevent them from being purely arbitrary or a mere act of government. By
his way of administering justice, St Ivo also reminds us that law is
established for the good of persons and peoples, and that its principal
function is to safeguard the inalienable dignity of the individual in all the
stages of his life, from conception to natural death. This holy Breton likewise
took care to defend the family, its members and its property, showing that law
plays an important role in social relations and that couples and families are
essential to society and its future.
The figure and life of St
Ivo can thus help our contemporaries to understand the positive and humanizing
value of natural rights. "An authentic conception of natural law,
understood as the protection of the illustrious and inalienable dignity of
every human being, is the guarantee of equality and gives real substance to
[the] "rights of man'" (Address to the Participants in the Eighth
General Assembly of the Pontifical Academy for Life, 27 February 2002, n. 6;
ORE, 13 March 2002, p. 5). For this, it is necessary to persevere in academic research
to find the roots, anthropological meaning and ethical content of the natural
right and the natural law, in the philosophical perspective of the great
thinkers of history such as Aristotle and St Thomas Aquinas.
Consequently, it behoves
lawyers, all law-makers, legal historians and legislators themselves always to
have, as St Leo the Great asked of them, a deep "love of justice"
(Sermon on the Passion, 59), and to try always to base their reflections and
practice on the anthropological and moral principles which put man at the
centre of the elaboration of laws and of legal practice. This will show that
all the branches of law are an eminent service to individuals and society. In
this spirit, I rejoice that jurists have been able to make the most of the
anniversary of St Ivo to organize two consecutive colloquiums, on the life and
influence of their holy patron and on the deontology of European attorneys,
thereby showing their attachment to epistemological and hermeneutical research
in juridical science and pratice.
5. "N'an neus ket en
Breiz, n'an neus ket unan, n'an neus ket eur Zant evel Zan Erwan":
"There is not in all Brittany, there is not a single one, there is no
saint like St Ivo". These words from the canticle to St Ivo express the
full fervour and veneration with which the crowds of pilgrims, with their
Bishops and priests but also all the magistrates, lawyers and jurists, continue
today to honour the one whom popular piety has nicknamed "the father of
the poor". May St Ivo help them to fulfil their aspirations to do justice,
and to love kindness, and to walk humbly with their God (cf. Mi 6: 8)!
6. In this month of Mary,
I entrust you, Monsignor, to the intercession of Our Lady of the Rosary. I ask
God to sustain priests so that they may be holy and just witnesses of the
Lord's mercy, and help their brethren discover the joy to be found in leading a
personal and professional life in moral rectitude. I also pray to St Ivo to
sustain the faith of the faithul, especially of the young people, so that they
will not be afraid to respond generously to the call of Christ to follow him in
the priestly or the religious life, happy to be servants of God and of their
brothers and sisters. I encourage the seminarians and the team of formators of
the Major Seminary of Saint-Yves at Rennes to pray to their holy patron with
confidence, especially in this period of preparation for ordination to the
diaconate and to the priesthood. Lastly, I entrust to the Lord all those who
have a legal or judicial responsibility in society, so that they may always
carry out their mission in a perspective of service.
I impart an affectionate
Apostolic Blessing to you, as well as to Cardinal Mario Francesco Pompedda, my
special Envoy, and to all the Bishops present, the priests, the deacons, the
men and women religious, the people taking part in the historical and juridical
Colloquiums, the various Authorities present and all the faithful who have
gathered in Tréguier on the occasion of this commemoration.
From the Vatican, 13 May
2003
JOHN PAUL II
May 22
St. Yvo, Confessor
From the informations taken for his canonization, twenty-seven years after his death, and from the bull itself. See Dom Morice, Hist. de la Bretagne, t. 1, ad an. 1303. Papebroke, ad 19 Maij, t. 4, p. 583. Lobineau, Vies des Saints de la Bretagne, p. 245.
A.D. 1353.
ST. YVO HELORI, or son of Helor, descended from a
noble and virtuous family near Treguier in Brittany, was born in 1253. He
studied grammar at home with unusual application and success, and at fourteen
years of age was sent to Paris, where he learned the liberal arts and divinity:
he applied himself to the civil and canon law at Orleans. His mother was wont
frequently to say to him that he ought so to live as became a saint, to which
his answer always was, that he hoped to be one. This resolution took deep root
in his soul, and the impression of this obligation was in his heart a continual
spur to virtue, and a check against the least shadow of any dangerous course.
The contagious example of many loose companions at school served only to
inspire him with the greater horror of evil, and moved him to arm himself more
vigorously against it. The gravity of his behaviour reclaimed many from their
vicious courses. His time was chiefly divided between study and prayer; and for
his recreation he visited the hospitals, where he attended the sick with great
charity, and comforted them under the severe trials of their suffering
condition. During his ten years’ stay at Paris, whither he was sent at fourteen
years of age, and where he went through a course of theology and canon law, he
was the admiration of that university, both for the quickness of his parts and
his extraordinary piety. He continued the same manner of life at Orleans, where
he studied the decretals under the celebrated William de Blaye, afterwards
bishop of Angouleme, and the institutions under Peter de la Chapelle, afterwards
bishop of Toulouse and cardinal; but he increased his austerities and penance.
He chastised his body with a hair shirt, always abstained from meat and wine;
fasted all Lent and Advent and on many other days in the year on bread and
water, and took his rest, which was always very short, lying on a mat or straw
with a book or stone under his head for a pillow; and he never lay down till he
was quite overpowered with sleep.
He made a private vow of perpetual chastity; but this
not being known, many honourable matches were proposed to him, which he
modestly rejected as incompatible with his studious life. He long deliberated
with himself whether to embrace a religious or a clerical state; but the desire
of serving his neighbour determined him at length in favour of the latter. He
desired, indeed, out of humility, always to remain in the lesser orders; but
his bishop compelled him to receive the priesthood, a step which cost him many
tears; though he had qualified himself for that sacred dignity by the most perfect
purity of mind and body, and by a long and fervent preparation. Maurice the
archdeacon of Rennes, who was formerly by his office perpetual vicar of the
bishop, appointed him official or ecclesiastical judge for that diocess. St.
Yvo protected the orphans and widows, defended the poor, and administered
justice to all with an impartiality, application, and tenderness, which gained
him the good will even of those who lost their causes. He never pronounced
sentence without shedding many tears, always having before his eyes the
tribunal of the Sovereign Judge, where he himself was one day to appear, and to
stand silent at the bar.
Many bishops strove who should be so happy as to
possess him: his own prelate, Alan le Bruc, bishop of Treguier, carried the
point, and obliged him to leave Rennes. The saint by his care soon changed the
face of this diocess, and reformed the clergy. The bad feared him, the good
found in him a father, and the great ones respected him. Though himself a
judge, in quality of official, he solicited causes in favour of the poor in
other courts, pleaded them himself at the bar, and visited and comforted the
prisoners. He was surnamed the advocate and lawyer of the poor. Once, not being
able to reconcile a mother and a son who pleaded violently against each other,
he went and offered up mass for them, and they immediately came to an agreement
together. He never took a fee, but pleaded all causes without any gratuity. His
bishop, Alan le Bruc, nominated him rector of Tresdretz, and eight years after
his successor Geoffrey Tournemine of Lohanec, one of the most considerable
parishes of the diocess, which he served ten years till his death. He always
rose at midnight to matins, and said every day mass with incredible devotion
and fervour. In his preparation he continued long prostrate, quite absorbed in
the consideration of the abyss of his own nothingness, and of the awful majesty
of him to whom he was going to offer sacrifice, and the sanctity of the victim.
He usually rose bathed in tears, which continued to flow abundantly, during the
whole time he was celebrating the divine mysteries. Upon accepting the first
curacy he laid aside furs and every other ornament in dress which his former
dignity obliged him to wear, and he ever after used the meanest and plainest
ecclesiastical garments that could be worn. His fasts and austerities he rather
increased than abated; fasting, as we observed already, Lent, Advent, and all
vigils, and Wednesdays, Fridays, and Saturdays, every week, so severely as to allow
himself no other refection than bread and water. On other days he only added to
his meal a pottage of peas or other pulse or herbs, and on the principal
festivals of the year, a couple of eggs. Tears trickled from his eyes whenever
he spoke on spiritual things, which were the usual subject of his discourse:
and such was the energy of his words as penetrated the souls of his hearers. He
preached often in distant churches, besides his own, and sometimes thrice or
five times on the same day. All differences were referred to him, and he took
care to reconcile the parties. He built a house near his own for an hospital of
the poor and sick; he washed their feet, cleansed their ulcers, served them at
table, and ate himself only the scraps which they had left. He distributed his
corn, or the price for which he sold it, among the poor immediately after the
harvest. When a certain person endeavoured to persuade him to keep it some
months that he might sell it at a better price, he answered: “I know not
whether I shall be then alive to give it.” Another time the same person said to
him: “I have gained a fifth by keeping my corn.” “But I,” replied the saint, “a
hundred-fold by giving it immediately away.” On a certain occasion when he had
only one loaf in his house he ordered it to be given to the poor; but upon his
vicar’s complaint at this, he gave him one half of it, and divided the other
half among the poor, reserving nothing for himself. Providence never failed him
in his necessities. During the Lent in 1303, he perceived his strength daily to
decay; yet far from abating anything in his austerities, he thought himself
obliged to redouble his fervour in proportion as he advanced nearer to
eternity. On the eve of the ascension he preached to his people, said mass, being
upheld by two persons, and gave advice to all who addressed themselves to him.
After this he lay down on his bed, which was a hurdle of twigs platted
together, and received the last sacraments. From that moment he entertained
himself with God alone till his soul went to possess him in his glory. His
death happened on the 19th of May, 1303, in the fiftieth year of his age. 1 The
greater part of his relics are kept in the cathedral of Treguier. Charles of
Blois, duke of Brittany, placed a portion in the church of our Lady at
Lamballe, capital of his county (now the duchy) of Penthievre. From another
portion given to the abbey of our Saviour, of the Cistercian Order, small
distributions have been made to St. Peter’s at Louvain, to Mechlin, Gant, and
other places. The Duke of Brittany, John of Montfort (competitor with Charles
of Blois for that duchy, which after his death was carried by his valiant
widow, and enjoyed by his son) went to Rome to solicit his canonization,
declared that under a distemper being given over by physicians, he was restored
to his health by imploring St. Yvo’s intercession. Many other miracles were
proved before the commissaries of John XXII. in 1330, and St. Yvo was canonized
by Clement VI. in 1347. His festival is celebrated in the several diocesses in
Brittany, and his name occurs in the Roman Martyrology on the 19th of May. The
University of Nantes puts itself under the special protection of his patronage.
The Bretons founded a collegiate church in his honour, at Paris, in 1348. The
chapel of Kirmartin, where the saint lived, which was first dedicated under the
patronage of the Blessed Virgin, now bears his name: a church in Rome and several
others in other places are built in his honour.
St. Yvo was a saint amidst the dangers of the world;
but he preserved his virtue untainted only by arming himself carefully against
them, by conversing assiduously with God in prayer and holy meditation, and by
most watchfully shunning the snares of bad company. Without this precaution all
the instructions of parents and all other means of virtue are ineffectual; and
a soul is sure to split against this rock, which does not steer wide of it. God
preserved Toby faithful amidst the Samaritan idolaters, and Lot in Sodom
itself; but he will never protect those who voluntarily seek danger and court
destruction. Who for pleasure or amusement would choose to live in a
pest-house, continually to converse with persons infected with the plague, and
to breathe an empoisoned air? The maxims both of reason and religion command us
to fly from out of the midst of Babylon, that is, from the company of abandoned
sinners, whose very conversation and deportment secretly spread a baneful
influence over our minds.
Note 1. The Franciscans place St. Yvo among the
saints of the Third Order of St. Francis, and Gonzaga tells us that he took the
habit at Quimper. But Papebroke denies this circumstance. See t. 4, Maij, p.
S38, ad diem 19. [back]
Rev. Alban Butler (1711–73). Volume V:
May. The Lives of the Saints. 1866.
SOURCE : http://www.bartleby.com/210/5/221.html