LA NATIVITÉ DE
NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST
1 Or, en ces jours-là,
fut publié un édit de César Auguste, pour le recensement de toute la terre.
2 Ce premier recensement
eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie.
3 Et tous allaient se
faire recenser, chacun dans sa ville.
4 Joseph aussi monta de
Galilée, de la ville de Nazareth, en Judée, à la ville de David, qui s'appelle
Bethléem, parce qu'il était de la maison et de la famille de David,
5 pour se faire recenser
avec Marie son épouse, qui était enceinte.
6 Or, pendant qu'ils
étaient là, le temps où elle devait enfanter s'accomplit,
7 et elle mit au monde
son fils premier-né, l'emmaillota et le coucha dans une crèche, parce qu'il n'y
avait pas de place pour eux dans l'hôtellerie.
8 Il y avait dans la même
région des bergers qui vivaient aux champs et qui veillaient la nuit sur leur
troupeau.
9 Un ange du Seigneur
parut auprès d'eux et la gloire du Seigneur les enveloppa de clarté, et ils
furent saisis d'une grande crainte.
10 Mais l'ange leur dit :
" Ne craignez point, car je vous annonce une nouvelle qui sera pour tout
le peuple une grande joie :
11 il vous est né
aujourd'hui, dans la ville de David, un Sauveur, qui est le Christ Seigneur.
12 Et voici ce qui vous
en sera le signe : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une
crèche. "
13 Tout à coup se joignit
à l'ange une troupe de la milice céleste, louant Dieu et disant :
14 " Gloire, dans
les hauteurs, à Dieu ! Et, sur terre, paix chez les hommes de bon vouloir !
"
15 Lorsque les anges,
s'en allant au ciel, les eurent quittés, les bergers se dirent entre eux :
" Passons donc jusqu'à Bethléem, et voyons cet événement qui est arrivé,
et que le Seigneur nous a fait connaître. "
16 Ils s'y rendirent en
toute hâte, et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la crèche.
17 Après avoir vu, ils
firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant.
18 Et tous ceux qui les
entendirent furent dans l'admiration de ce que leur avaient dit les bergers.
19 Quant à Marie, elle
conservait avec soin toutes ces choses, les méditant dans son cœur.
20 Et les bergers s'en
retournèrent, glorifiant et louant Dieu de tout ce qu'ils avaient entendu et
vu, selon ce qui leur avait été dit.
ÉVANGILE SELON SAINT LUC,
II ; 1-20
SOURCE : http://jesusmarie.free.fr/bible_crampon_luc.html
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 3
janvier 2007
· Accueillir
l'Enfant couché dans la crèche
· Chers
frères et soeurs,
· Je
vous remercie de votre affection. Je vous souhaite à tous une Bonne Année!
Cette première Audience générale de la nouvelle année se déroule encore dans
l'atmosphère de Noël, dans une atmosphère qui nous invite à la joie pour la
naissance du Rédempteur. En venant au monde, Jésus a répandu en abondance parmi
les hommes des dons de bonté, de miséricorde et d'amour. Interprétant en
quelque sorte les sentiments des hommes de chaque époque, l'Apôtre Jean
observe: "Voyez comme il est grand l'amour dont le Père nous a
comblés: il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu"
(1 Jn 3, 1). Celui qui s'arrête pour méditer devant le Fils de Dieu
qui est couché, sans défense, dans la crèche ne peut être que surpris par cet
événement humainement incroyable; il ne peut que partager l'émerveillement et
l'humble abandon de la Vierge Marie, que Dieu a choisie comme Mère du
Rédempteur précisément en raison de son humilité. Dans l'Enfant de Bethléem,
chaque homme découvre qu'il est gratuitement aimé par Dieu; dans la lumière de
Noël, se manifeste à chacun de nous la bonté infinie de Dieu. En Jésus, le Père
céleste a inauguré une nouvelle relation avec nous; il a fait de nous
"fils dans le même Fils". C'est précisément sur cette réalité que, au
cours de ces journées, saint Jean nous invite à méditer avec la richesse et la
profondeur de sa parole, dont nous avons écouté un passage.
· L'Apôtre
bien-aimé du Seigneur souligne que des fils, "nous le sommes"
(1 Jn 3, 1): nous ne sommes pas seulement des créatures, mais nous
sommes des fils; de cette manière, Dieu est proche de nous; de cette manière,
il nous attire à lui au moment de son incarnation, en se faisant l'un de nous.
Nous appartenons donc vraiment à la famille qui a Dieu comme Père, car Jésus,
le Fils unique, est venu planter sa tente parmi nous, la tente de sa chair,
pour rassembler toutes les nations en une unique famille, la famille de Dieu,
appartenant réellement à l'Etre divin, unis en un seul peuple, une seule
famille. Il est venu pour nous révéler le véritable visage du Père. Et si, à
présent, nous utilisons la Parole de Dieu, il ne s'agit plus d'une réalité
connue seulement de loin. Nous connaissons le visage de Dieu: c'est celui
du Fils, venu pour rendre plus proches de nous, de la terre, les réalités célestes.
Saint Jean remarque: "Voici à quoi se reconnaît l'amour: ce
n'est pas nous qui avons aimé Dieu, c'est lui qui nous a aimés" (1 Jn 4,
10). A Noël, retentit dans le monde entier cette annonce simple et
bouleversante: "Dieu nous aime". "Nous aimons - dit saint
Jean - parce que Dieu lu-même nous a aimés le premier" (1 Jn 4,
19). Ce mystère est désormais confié entre nos mains pour que, en faisant
l'expérience de l'amour divin, nous vivions tendus vers les réalités du ciel.
Et cela, disons, est également l'exercice de ces journées: vivre
réellement tendus vers Dieu, en cherchant tout d'abord le Royaume et sa
justice, assurés que le reste, tout le reste nous sera donné de surcroît
(cf. Mt 6, 33). Le climat spirituel du temps de Noël nous aide à
prendre toujours davantage conscience de cela.
· La
joie de Noël ne nous fait cependant pas oublier le mystère du mal (mysterium
iniquitatis), le pouvoir des ténèbres qui tente d'obscurcir la splendeur de la
lumière divine: et, malheureusement, nous faisons chaque jour
l'expérience de ce pouvoir des ténèbres. Dans le prologue de son Evangile,
plusieurs fois proclamé ces jours derniers, l'évangéliste Jean écrit:
"La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas arrêtée"
(1, 5). C'est le drame du refus du Christ, qui, comme par le passé, se
manifeste et s'exprime, aujourd'hui aussi hélas, de nombreuses manières
différentes. Les formes du refus de Dieu à l'époque contemporaine sont
peut-être même plus insidieuses et dangereuses: du net rejet à
l'indifférence, de l'athéisme scientiste à la présentation d'un Jésus qui est
défini comme modernisé ou post-modernisé. Un Jésus homme, réduit de manière
différente à n'être qu'un simple homme de son temps, privé de sa divinité; ou
bien un Jésus tellement idéalisé qu'il semble parfois le personnage d'un conte.
· Mais
Jésus, le véritable Jésus de l'histoire, est vrai Dieu et vrai Homme et il ne
se lasse pas de proposer son Évangile à tous, sachant être "un signe de
contradiction, pour que soient dévoilées les pensées secrètes d'un grand
nombre", comme le prophétisa le vieux Siméon (cf. Lc 2, 32-33).
En réalité, seul l'Enfant qui est couché dans la crèche possède le véritable
secret de la vie. C'est pour cela qu'il demande de l'accueillir, de lui laisser
une place en nous, dans nos coeurs, dans nos maisons, dans nos villes et dans
nos sociétés. Les paroles du prologue de Jean retentissent dans notre esprit et
notre coeur: "Ceux qui croient en son nom, il leur a donné de
pouvoir devenir enfants de Dieu" (1, 12). Essayons d'être parmi ceux qui
l'accueillent. Face à Lui, on ne peut pas rester indifférents. Nous aussi,
chers amis, nous devons sans cesse prendre position. Quelle sera donc notre
réponse? Avec quelle attitude l'accueillons-nous? La simplicité des pasteurs et
la quête des Mages qui, à travers l'étoile, scrutent les signes de Dieu, nous
viennent en aide; la docilité de Marie et la sagesse prudente de Joseph sont
pour nous un exemple. Les plus de deux mille ans d'histoire chrétienne sont remplis
d'exemples d'hommes et de femmes, de jeunes et d'adultes, d'enfants et de
personnes âgées qui ont cru au mystère de Noël, qui ont ouvert les bras à
l'Emmanuel en devenant par leur vie des phares de lumière et d'espérance.
L'amour que Jésus, en naissant à Bethléem, a apporté dans le monde, lie à lui
ceux qui l'accueillent dans un rapport durable d'amitié et de fraternité. Saint
Jean de la Croix affirme: "Dieu, en nous donnant tout, c'est-à-dire
son Fils, a désormais tout dit en Lui. Fixe les yeux sur Lui seul... et tu y
trouveras même davantage que ce que tu demandes et désires" (Montée au
Mont Carmel, Livre I, Ep 22, 4-5).
· Chers
frères et soeurs, au début de cette nouvelle année, ravivons en nous
l'engagement d'ouvrir notre esprit et notre coeur au Christ, en lui manifestant
sincèrement la volonté de vivre en étant véritablement ses amis. Nous
deviendrons ainsi des collaborateurs de son projet de salut et des témoins de
cette joie qu'Il nous donne pour que nous la diffusions en abondance autour de
nous. Que Marie nous aide à ouvrir notre coeur à l'Emmanuel, qui a assumé notre
chair fragile et pauvre pour partager avec nous le chemin difficile de la vie
terrestre. Toutefois, en compagnie de Jésus, ce chemin difficile devient un
chemin de joie. Allons avec Jésus, marchons avec Lui, et ainsi l'année nouvelle
sera une année heureuse et bonne.
* * *
· Je
salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les
séminaristes du diocèse de Paris accompagnés par leur Archevêque, Mgr André
Vingt-Trois. Ouvrez vos cœurs à l’Enfant de Bethléem ! Il est le Sauveur du
monde. Portez sa joie à tous ceux qui l’attendent.
© Copyright 2007 - Libreria Editrice Vaticana
BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Salle Paul VI
Mercredi 5 janvier 2011
Chers frères et sœurs!
Je suis heureux de vous
accueillir pour cette première Audience générale de la nouvelle année et je
vous présente de tout cœur, à vous et à vos familles, mes vœux les plus
fervents. Que le Seigneur du temps et de l'histoire guide nos pas sur le chemin
du bien et concède à chacun une abondance de grâce et de prospérité. Encore
enveloppés de la lumière de Noël, qui nous invite à la joie pour la venue du
Sauveur, nous sommes aujourd'hui à la veille de l'Épiphanie, au cours de
laquelle nous célébrons la manifestation du Seigneur à tous les peuples. La
fête de Noël fascine aujourd'hui comme jadis, plus que d'autres fêtes de
l'Eglise; elle fascine parce que tous, d'une certaine manière, ressentent que
la naissance de Jésus a quelque chose à voir avec les aspirations et les
espérances les plus profondes de l'homme. Le consumérisme peut éloigner de
cette nostalgie intérieure, mais si l’on a dans le cœur le désir d'accueillir
cet Enfant qui apporte la nouveauté de Dieu, qui est venu nous donner la vie en
plénitude, les lumières des décorations de Noël peuvent devenir, en revanche,
un reflet de la Lumière qui s'est allumée avec l'incarnation de Dieu.
Dans les célébrations
liturgiques de ces jours saints, nous avons vécu de manière mystérieuse mais
réelle l'entrée du Fils de Dieu dans le monde et nous avons été éclairés encore
une fois par la lumière de son éclat. Toute célébration est une présence
actuelle du mystère du Christ et en elle se prolonge l'histoire du salut. A
propos de Noël, le Pape saint Léon le Grand affirmait: «Même si la succession
des actions corporelles est à présent passée, comme il a été ordonné par avance
dans le dessein éternel..., toutefois nous adorons continuellement le même
enfantement de la Vierge qui produit notre salut» (Sermon sur le Noël du
Seigneur 29, 2), et il précise: «parce que ce jour n'est pas passé au sens où
serait passée la puissance de l’œuvre qui fut alors révélée» (Sermon sur
l'Epiphanie 36, 1). Célébrer les événements de l'incarnation du Fils de Dieu
n'est pas un simple souvenir de faits du passé, mais c'est rendre présents ces
mystères porteurs de salut. Dans la liturgie, dans la célébration des
Sacrements, ces mystères se font actuels et deviennent efficaces pour nous,
aujourd'hui. Saint Léon le Grand affirme encore: «Tout ce que le Fils de Dieu
fit et enseigna pour réconcilier le monde, nous ne le connaissons pas seulement
dans le récit des actions accomplies dans le passé, mais nous sommes sous
l'effet du dynamisme de telles actions présentes » (Sermon 52, 1).
Dans la Constitution sur
la sainte liturgie, le Concile Vatican II souligne que l’œuvre de salut
réalisée par le Christ continue dans l'Eglise à travers la célébration des
saints mystères, grâce à l'action de l'Esprit Saint. Déjà, dans l'Ancien
Testament, sur le chemin vers la plénitude de la foi, nous avons le témoignage
de la façon dont la présence et l'action de Dieu sont transmises à travers les
signes, par exemple, celui du feu (cf. Ex 3, 2 sqq; 19, 18). Mais à partir de
l’Incarnation, quelque chose de bouleversant a lieu: le régime de contact
salvifique avec Dieu se transforme radicalement et la chair devient
l'instrument du salut: «Verbum caro factum est», «le Verbe s'est fait chair»,
écrit l'évangéliste Jean et un autre auteur chrétien du IIIe siècle, Tertullien,
affirme: «Caro salutis est cardo», «La chair est le fondement du salut» (De
carnis resurrectione , 8,3: PL 2, 806).
Noël porte déjà les
prémices du «sacramentum-mysterium paschale», c'est donc le début du mystère
central du salut qui culmine dans la passion, la mort et la résurrection, parce
que Jésus commence l'offrande de lui-même par amour dès le premier instant de
son existence humaine dans le sein de la Vierge Marie. La nuit de Noël est donc
profondément liée à la grande veillée nocturne de la Pâque, lorsque la
rédemption s’accomplit dans le sacrifice glorieux du Seigneur mort et
ressuscité. La crèche elle-même, en tant qu'image de l'incarnation du Verbe, à
la lumière du récit évangélique, évoque déjà la Pâque et il est intéressant de
voir que dans certaines icônes de la Nativité dans la tradition orientale,
Jésus est représenté enveloppé de langes et déposé dans une mangeoire qui a la
forme d'un sépulcre; une allusion au moment où il sera déposé de la croix,
enveloppé d'un linge et mis dans un sépulcre creusé dans la roche (cf. Lc 2, 7;
23, 53). L'incarnation et la Pâque ne sont pas l'une à côté de l'autre, mais
elles sont les deux points clefs inséparables de l'unique foi en Jésus Christ,
le Fils du Dieu incarné et Rédempteur. La Croix et la Résurrection présupposent
l'incarnation. C'est uniquement parce que le Fils, et en Lui Dieu lui-même, est
véritablement «descendu» et «s'est fait chair», que la mort et la résurrection
de Jésus sont des événements qui nous apparaissent comme contemporains et qui
nous concernent, nous arrachent à la mort et nous ouvrent à un avenir où cette
«chair», l'existence terrestre et transitoire, entrera dans l'éternité de Dieu.
Dans cette perspective unitaire du Mystère du Christ, la visite à la crèche
conduit à la visite à l'Eucharistie, où nous voyons présent de façon réelle le
Christ crucifié et ressuscité, le Christ vivant.
La célébration liturgique
de Noël n’est alors pas seulement un souvenir, mais elle est surtout un
mystère; elle n’est pas seulement mémoire, mais également présence. Pour saisir
le sens de ces deux aspects inséparables, il faut vivre intensément tout le
Temps de Noël comme l’Eglise le présente. Si nous le considérons au sens large,
celui-ci s’étend sur quarante jours, du 25 décembre au 2 février, de la
célébration de la nuit de Noël, à la maternité de Marie, à l’Epiphanie, au
Baptême de Jésus, aux noces de Cana, à la présentation au Temple, précisément
par analogie avec le temps pascal, qui forme une unité de cinquante jours,
jusqu’à la Pentecôte. La manifestation de Dieu dans la chair est l’événement
qui a révélé la Vérité dans l’histoire. En effet, la date du 25 décembre,
reliée à l’idée de la manifestation solaire — Dieu qui apparaît comme une
lumière qui ne se couche jamais sur l’horizon de l’histoire —, nous rappelle
qu’il ne s’agit pas seulement d’une idée, celle que Dieu est la plénitude de la
lumière, mais d’une réalité pour nous les hommes qui est déjà réalisée et
toujours actuelle: aujourd’hui, comme alors, Dieu se révèle dans la chair, c’est-à-dire
dans le «corps vivant» de l’Eglise en pèlerinage dans le temps, et dans les
sacrements il nous donne aujourd’hui le salut.
Les symboles des
célébrations de Noël, rappelés par les lectures et par les prières, donnent à
la liturgie de ce Temps un profond sens d’«épiphanie » de Dieu dans son
Christ-Verbe incarné, c’est-à-dire de «manifestation» qui possède également une
signification eschatologique, c’est-à-dire qui oriente vers les temps ultimes.
Déjà dans l’Avent, les deux venues, la venue historique et celle à la fin de
l’histoire, étaient directement reliées; mais c’est en particulier dans
l’Epiphanie et dans le Baptême de Jésus que la manifestation messianique est
célébrée dans la perspective des attentes eschatologiques: la consécration
messianique de Jésus, Verbe incarné, à travers l’effusion de l’Esprit Saint
sous forme visible, conduit à son accomplissement le temps des promesses et
inaugure les temps ultimes.
Il faut racheter ce Temps
de Noël d’une apparence trop moraliste et sentimentale. La célébration de Noël
ne nous propose pas seulement des exemples à imiter, tels que l’humilité et la
pauvreté du Seigneur, sa bienveillance et son amour envers les hommes; mais
elle est plutôt l’invitation à nous laisser transformer totalement par Celui qui
est entré dans notre chair. Saint Léon le Grand s’exclame: «le fils de Dieu...
s’est uni à nous et nous a unis à lui de manière à ce que l’abaissement de Dieu
jusqu’à la condition humaine devienne une élévation de l’homme jusqu’à la
hauteur de Dieu» (Sermon sur le Noël du Seigneur 27, 2). La manifestation de
Dieu a pour objectif notre participation à la vie divine, à la réalisation en
nous du mystère de son incarnation. Ce mystère est l’accomplissement de la
vocation de l’homme. Saint Léon le Grand nous explique encore l’importance
concrète et toujours actuelle pour la vie chrétienne du mystère de Noël: «les
paroles de l’Evangile et des prophètes... enflamment notre esprit et nous
enseignent à comprendre la Nativité du Seigneur, ce mystère du Verbe fait chair,
pas tant comme le souvenir d’un événement passé, que comme un fait qui se
déroule sous nos yeux... c’est comme si nous était encore proclamé dans la
solennité d’aujourd’hui: “Je vous annonce une grande joie, qui touchera tout le
peuple: aujourd’hui, dans la ville de David, est né pour vous un Sauveur qui
est le Christ Seigneur”» (Sermon sur le Noël du Seigneur 29, 1). Et il ajoute:
«Reconnais, chrétien, ta dignité et, devenu participant de la nature divine,
sois attentif à ne pas retomber, par une conduite indigne, de cette grandeur,
dans la bassesse primitive» (Sermon 1 sur le Noël du Seigneur, 3).
Chers amis, vivons ce
Temps de Noël avec intensité: après avoir adoré le Fils de Dieu fait homme et
déposé dans la mangeoire, nous sommes appelés à passer à l’autel du Sacrifice,
où le Christ, le Pain vivant descendu du ciel, s’offre à nous comme véritable
nourriture pour la vie éternelle. Et ce que nous avons vu avec nos yeux, à la
table de la Parole et du Pain de Vie, ce que nous avons contemplé, ce que nos
mains ont touché, c’est-à-dire le Verbe fait chair, annonçons-le avec joie au
monde et témoignons-le généreusement à travers toute notre vie. Je renouvelle
de tout cœur à vous et à vos proches mes vœux sincères pour la nouvelle année
et je vous souhaite une bonne fête de l’Épiphanie.
***
Je salue cordialement les
pèlerins francophones, en particulier le groupe des étudiants de l’Institut des
Hautes Etudes sur les Nations Unies de Marseille et le groupe des séminaristes
de l’Archidiocèse de Paris accompagnés par le Cardinal André Vingt-Trois. A la
suite des Mages vous êtes venus adorer l’Enfant. Que la lumière du Sauveur vous
éclaire et vous renouvelle pour porter l’Evangile aux Nations. Bonne année à
tous!
© Copyright 2011 -
Libreria Editrice Vaticana
Nativité de
Notre-Seigneur
Noël ! Noël ! Tel était
le cri de joie de nos pères, à cette époque où la foi régnait vive et ardente
au coeur des familles, des institutions et de la société entière. Ce cri s'est
bien affaibli de nos jours, où la naïveté de la foi tend à disparaître. Cependant
la fête de Noël est encore, de toutes les fêtes chrétiennes, peut-être la plus
aimée et la plus populaire.
Dieu Se sert des
événements en apparence les plus indifférents pour parvenir à Ses fins. Marie
habitait Nazareth, et les prophètes annonçaient que le Messie devait naître à
Bethléem. Mais voici qu'un édit de César-Auguste ordonne à tous les habitants
de la Judée d'aller, à une époque déterminée, se faire enregistrer dans leur
ville natale. Bethléem était le lieu de naissance de Joseph; c'est donc là que
se dirigèrent les saints époux; c'est là, conformément à l'annonce des
Prophètes, que Jésus va faire Son apparition dans ce monde.
Quelle naissance pour un
Dieu! Joseph cherche une hôtellerie, mais il n'y en a pas pour des gens si
pauvres; on les rebute, on les dédaigne, et ils sont contraints de chercher
asile dans une étable isolée. C'est là, au milieu de la nuit, que Marie donne
miraculeusement naissance à Jésus; c'est là que le doux Sauveur reçoit les
premières adorations, là qu'on Lui prodigue les premiers baisers et les
premières caresses, là qu'Il verse Ses premières larmes! Marie prend l'Enfant
dans Ses bras, Le couvre de pauvres langes et Le couche doucement dans une
froide crèche. O premiers instants que Marie et Joseph passèrent aux pieds de
Jésus, comme vous fûtes pour eux précieux et pleins de charmes! Nous goûterons
un peu de cette joie et de ces charmes en allant visiter dans notre église la
représentation d'un si grand mystère! Les joies de la terre sont trompeuses;
mais les joies du service de Dieu sont vraies et durables.
Jésus est né, et voici
que les Cieux retentissent de chants d'allégresse; les anges entonnent à l'envi
le cantique du triomphe: "Gloire à Dieu au plus haut des cieux!" le
cantique de la paix: "Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté!"
Jésus est né, et aussitôt de pauvres bergers, avertis par les anges, vont
adorer, dans ce petit Enfant, le Rédempteur d'Israël. Jésus est né, et bientôt
les princes de l'Orient, conduits par une Étoile, apportent leurs hommages à
Ses pieds. Saluons Noël, aurore de la paix et du salut.
Abbé L. Jaud, Vie
des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950
SOURCE : http://magnificat.ca/cal/fr/saints/nativite_de_notre-seigneur.html
Marie et la déification
de la race humaine
Pour le jour de Noël, saint André de Crète compare Marie à la terre vierge, à l'Eden, métaphore très connue dans la littérature patristique, et il montre en Marie la reconstitution de la race humaine, sa déification (la vie à la ressemblance et à l'image de Dieu).
Aujourd'hui la nature qui d'abord était réduite à la terre reçoit le début de
la divinisation ; et la poussière s'empresse de courir vers la gloire suprême.
Aujourd'hui Adam, qui présente à Dieu pour nous les prémices venant de nous,
lui offre Marie ; et grâce à elle, les prémices qui n'avaient pas été
contaminées deviennent pain pour la régénération de la souche...
Aujourd'hui la noblesse naturelle des hommes reçoit de nouveau le don de la
première divinisation et redevient elle-même ;
la nature engendrée, en restant unie à la Mère du Beau, reçoit comme elle comme
l'empreinte excellente et divine, cette splendeur de beauté que la bassesse de
la malice avait obscurci.
L'empreinte devient réellement une nouvelle formation ; la nouvelle formation
est une vraie reconstitution et celle-ci est une déification, qui consiste en
un retour à la condition originelle.
Homilia in Nativitatem I,
PG 97,809 D - 812 A.
SOURCE : http://www.mariedenazareth.com/15177.0.html?&L=0
Marie et la naissance de
Jésus
Dans le récit de la
naissance de Jésus, l'évangéliste Luc rapporte quelques données qui aident à
mieux comprendre la signification de l'événement. Il rappelle avant tout le
recensement ordonné par César Auguste, qui oblige Joseph, « de la maison et
de la lignée de David », et Marie, son épouse, à se rendre « à la ville de
David, qui s'appelle Bethléem ». (Lc 2, 4). En nous informant sur les
conditions dans lesquelles ont lieu le voyage et l'accouchement, l'évangéliste
nous décrit une situation de privation et de pauvreté, qui laisse entrevoir
certaines caractéristiques fondamentales du règne messianique : un règne sans
honneurs ni pouvoirs terrestres, qui appartient à Celui qui, dans sa vie
publique, dira de lui-même : «Le Fils de l'homme, lui, n'a pas où reposer
la tête » (Lc 9, 58).
Elle coucha dans une
crèche Celui qui représente l'Espérance de l'humanité...
Le récit de Luc mentionne
quelques détails, apparemment sans importance, dans l'intention d'encourager
chez le lecteur une meilleure compréhension du mystère de la Nativité et des
sentiments de Celle qui engendre le Fils de Dieu. La description de l'événement
de l'accouchement, racontée de façon simple, présente Marie comme participant
intensément à ce qui se réalise en elle :
«Elle enfanta son Fils
premier-né, l'enveloppa de langes et le coucha dans une crèche... » (Lc 2,
7).
L'action de la Vierge est
le résultat de sa pleine disponibilité à coopérer au dessein de Dieu, qu'elle
avait déjà manifestée lors de l'Annonciation par son « qu'il m'advienne
selon ta parole ! » (Lc 1, 38). Marie vit l'expérience de l'accouchement
dans une condition d'extrême pauvreté : elle ne peut même pas donner au fils de
Dieu ce que les mères ont l'habitude d'offrir à un nouveau-né ; mais elle doit
au contraire le déposer « dans une crèche », un berceau improvisé qui contraste
avec la dignité du « Fils du Très Haut ».
L'Evangile rapporte qu'«ils
manquaient de place dans la salle» (Lc 2, 7). Il s'agit d'une affirmation
qui, en rappelant le texte du prologue de Jean « les siens ne l'ont pas
accueilli » (1, 11), préfigure d'une certaine façon les nombreux refus
auxquels Jésus sera confronté au cours de sa vie terrestre. L'expression
« ils manquaient de place » associe dans ce refus le Fils et la Mère
et montre que Marie est déjà associée au destin de souffrance de son Fils et
participe à sa mission rédemptrice.
On manquait de place à
l'auberge, mais les bergers l'ont accueilli
Refusé par les « siens », Jésus est accueilli par les pasteurs, des hommes grossiers et peu recommandables, mais choisis par Dieu pour être les premiers destinataires de la bonne nouvelle de la naissance du Sauveur. Le message que l'Ange leur adresse, est une invitation à se réjouir : « Voi-ci que je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le peuple » (Lc 2, 10), suivie d'un encouragement à surmonter toute peur : « Soyez sans crainte ». En effet, comme pour Marie au moment de l'Annonciation, pour eux aussi, la nouvelle de la naissance de Jésus représente le grand signe de la bienveillance divine envers les hommes.
Dans le divin Rédempteur, contemplé dans la pauvreté de la grotte de Bethléem,
l'on peut saisir l'invitation à s'approcher avec confiance de Celui qui
représente l'espérance de l'humanité. Le cantique des anges : «Gloire à
Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix aux hommes objets de sa
complaisance », qui peut également être traduit par « les hommes bienveillants
» (Lc 2, 14) révèle aux pasteurs ce que Marie avait exprimé dans son Magnificat
: la naissance de Jésus est le signe de l'amour miséricordieux de Dieu, qui se
manifeste spécialement envers les humbles et les pauvres.
Les pasteurs répondent avec enthousiasme et sollicitude à l'invitation de
l'ange: « Allons jusqu'à Bethléem et voyons ce qui est arrivé et que le
Seigneur nous a fait connaître » (Lc 2, 15). Leur recherche n'est pas
vaine: « Ils trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né» (Lc 2, 16). A
eux, comme nous le rappelle le Concile, « la Mère de Dieu, présenta dans la
joie [...] son Fils premier-né» (Lumen gentium, n. 57). C'est l'événement
déterminant pour leur vie. Le désir spontané des bergers de rapporter « ce
qui leur avait été dit de cet enfant» (Lc 2, 17), après l'admirable
expérience de la rencontre avec la Mère et le Fils, suggère aux évangélisateurs
de tout temps l'importance et, plus encore, la nécessité d'un profond rapport
spirituel avec Marie, pour mieux connaître Jésus et devenir les annonciateurs
joyeux de son Évangile de salut.
Marie, face à ces
évènements extraordinaires
Face à ces événements
extraordinaires, Luc nous dit que Marie « conservait avec soin toutes ces
choses en les méditant dans son cœur» (Lc 2, 29). Tandis que les pasteurs
passent de l'effroi à l'admiration et à la louange, la Vierge, grâce à sa foi,
maintient vif le souvenir des événements concernant son fils et les approfondit
avec la méthode de la méditation dans son cœur, c'est-à-dire au plus intime de
sa personne. De cette façon, Marie suggère à une autre mère, l'Église, de
privilégier le don et l'engagement de la contemplation et de la réflexion
théologique, pour pouvoir accueillir le mystère du salut, en le comprenant mieux
et en l'annonçant avec un élan renouvelé aux hommes de tout temps.
Sa
sainteté le pape Jean-Paul II
(Catéchèse sur le credo
(20 nov. 1996)
SOURCE : http://www.mariedenazareth.com/263.0.html?&L=0
LA NATIVITÉ DE N.-S.
JÉSUS-CHRIST SELON LA CHAIR
La nativité de
Notre-Seigneur J.-C. selon la chair arriva, au dire de quelques-uns, 5228 ans
accomplis depuis Adam, 6000, selon d'autres, d'après Eusèbe de Césarée, en ses
chroniques, 5199, au temps de l’empereur Octavier. Méthodius, qui donne la date
de 6000 ans, paraît se fonder plutôt sur des idées mystiques que sur la
chronique. Or, quand le fils de Dieu a pris chair, l’univers jouissait d'une
paix si profonde que l’empereur des Romains était le seul maître du monde. Son
premier nom fut Octave ; on le surnomma César de Jules César dont il était le
neveu. II fut encore appelé Auguste parce qu'il augmenta la (66) république, et
empereur de la dignité dont il fut honoré. C'est le premier des rois qui porta ce
titre. Car de même que le Sauveur a voulu naître pour nous acquérir la paix du
coeur, ou du temps, et la paix de l’éternité, de même, il voulut encore que la,
pais du temps embellît sa naissance. Or, César-Auguste, qui gouvernait
l’univers, voulut savoir combien de provinces, de villes, de forteresses, de
bourgades, combien d'hommes renfermait son empire ; il ordonna, en outre, ainsi
qu'il est dit dans l’Histoire scholastique (ch. IV, Evang.) que tous les hommes
iraient à la ville d'où ils étaient originaires, et que chacun, en donnant un
denier d'argent au président de la province, se reconnaîtrait sujet de l’empire
romain. (Le denier valait dix sols ordinaires, ce qui l’a fait appeler denier).
En effet, la monnaie portait l’effigie et le nom de César. On déclarait aussi
sa profession : on faisait le dénombrement, mais pour diverses considérations.
On déclarait donc sa profession, parce que chacun 'en rendant, comme on disait,
la capitation, c'est-à-dire un denier, le plaçait sur sa tête et professait de sa
propre bouche qu'il était le sujet de l’empire, romain ; d'où vient le mot de
profession, professer de sa propre bouche ; et cela avait lieu en présence de
tout le peuple. On faisait le dénombrement, parce que le nombre de ceux qui
portaient la capitation était désigné sous un chiffre particulier et inscrit
sur les registres. Le dénombrement se fit pour la première fois par Cyrinus,
gouverneur de Syrie. Ce fut le premier attribué à Cyrinus par l’Histoire
scholastique. Or, comme la Judée est reconnue comme point central de nombril)
de notre terre habitable, il fut décidé que ce serait par elle que l’on
commencerait, et que les autres gouverneurs continueraient l’opération par les
provinces circonvoisines.
On le nomme aussi le
premier dénombrement universel parce que d'autres avaient été faits en partie
antérieurement, ou bien peut-être ce fut le premier qui se fit par tête, le
second par villes de chaque pars, devant le lieutenant de César, et le
troisième par chaque contrée à Rome, en présence de César. Or, Joseph étant de
la race de David, partit de Nazareth à Bethléem, et comme le temps des couches
de la bienheureuse Marie était proche, et qu'il ignorait l’époque de son
retour, il la prit et la mena avec lui à Bethléem, ne voulant pas remettre
entre les mains d'un étranger le trésor que Dieu lui avait confié, jaloux qu'il
était de s'en charger lui-même avec une sollicitude de tous les instants. Comme
il approchait de Bethléem (ainsi l’attestent frère Barthélemi dans sa
compilation (On a attribué à saint Barthélemy un évangile dont parlent saint
Jérôme et Bède. Cs. Migne, Œuvres de l’Aréopagite, tome I, col. 1232) et le
récit du Livre de l’Enfance, Dictionnaire des Apocryphes, tome I, col. 159 et
suiv), la bienheureuse Vierge vit une partie du peuple. dans la joie et une
autre dans les gémissements : ce qu'un ange lui expliqua ainsi : « La partie du
peuple qui est dans la joie, c'est le peuple gentil qui recevra bénédiction
éternelle par le sang d'Abraham; et la partie qui est dans les gémissements,
c'est le peuple juif réprouvé de Dieu, comme il l’a mérité. » Arrivés à
Bethléem, parce qu'ils étaient pauvres, et parce que tous les autres venus pour
le même motif occupaient les hôtelleries, ils ne trouvèrent aucun logement; ils
se mirent donc sous un passage public, qui se trouvait, au dire de l’Histoire
scholastique (Pierre Comestor), entre deux maisons, ayant toiture, espèce de
bazar sous lequel se réunissaient les citoyens soit pour converser, soit pour
se voir, les jours de loisir, ou quand il faisait mauvais temps. Il se trouvait
que Joseph y avait fait une crèche pour un boeuf et un âne, ou bien, d'après
quelques auteurs, quand les gens de la campagne venaient au marché, c'était là
qu'ils attachaient leurs bestiaux, et pour, cette raison, on y avait établi une
crèche. Au milieu donc de la nuit du jour du Seigneur, la bienheureuse vierge
enfanta son fils et le coucha dans la crèche sur du foin; et ce foin, ainsi
qu'il est dit dans l’Histoire scholastique (ch. V), fut dans la suite apporté à
Rome par sainte Hélène. Le boeuf et l’âne n'avaient pas voulu le manger.
La naissance de J.-C. fut
donc miraculeuse, quant à la génératrice, quant à celui qui fut engendré, quant
au mode de génération.
I. La génératrice fut
vierge avant et après l’enfantement ; on prouve de cinq manières qu'elle resta
vierge tout en étant mère : 1° par la prophétie d'Isaïe (VII) : « Voici qu'une
vierge concevra et enfantera un fils. » 2° Par les figures : la verge d'Aaron
fleurit sans aucun soin humain et la porte d'Ezéchiel demeura toujours close.
3° Par celui qui la garda. Joseph, en la soignant toujours, reste témoin de sa
virginité. 4° Par l’épreuve. Dans la compilation de Barthélemi et dans le Livre
de l’Enfance du Sauveur, on lit que, au moment de l’enfantement, Joseph, qui ne
doutait pas au reste que Dieu dût naître d'une vierge, appela, selon la coutume
de son pays, des sages-femmes qui s'appelaient l’une Zébel, et l’autre Salomé.
Zébel en examinant avec soin et intention la trouva vierge : « Une vierge a
enfanté! » s'écria-t-elle. Salomé, qui n'en croyait rien, voulut en avoir la
preuve, comme Zébel, mais sa main se dessécha aussitôt. Cependant un ange, qui
lui apparut, lui fit toucher l’enfant, et elle fut guérie tout de suite. 5° Par
l’évidence du miracle au témoignage d'Innocent III*, Rome fut en paix pendant
12 ans. Alors les Romains élevèrent à la paix un temple magnifique et y
placèrent la statue de Romulus. On consulta Apollon pour savoir combien de
temps durerait la paix et on obtint cette réponse : « Jusqu'au moment où une
vierge enfantera. » En entendant cela, tout le monde dit : « Donc elle durera
toujours. » Ils croyaient impossible, en effet, qu'une vierge mit jamais au
inonde. Ils placèrent alors cette inscription sur les portes du Temple: Temple
éternel de la paix. Mais la nuit même que la vierge enfanta, le temple
s'écroula jusqu'aux fondements et c'est là que se .trouve aujourd'hui l’église
de Sainte-Marie-la-Nouvelle.
II. La Nativité de J.-C.
fut miraculeuse quant à celui qui fut engendré. Car, ainsi que ledit saint
Bernard (IIe sermon sur la Nativité), l’éternel, l’antique et le nouveau se
trouvèrent réunis dans la même personne : l’éternel, c'est la divinité,
l’antique c'est la chair tirée d'Adam, le nouveau, c'est une âme créée de
nouveau. Le même saint dit autre part : « Dieu a fait trois mélanges et trois
oeuvres, tellement singuliers que jamais il n'en a été fait et jamais il ne
s'en fera de semblables. Car il y eut union réelle entre un Dieu et un homme,
entre une mère et une vierge, entre la foi et l’esprit humain. La première
union est très admirable, parce que le démon et Dieu, la majesté et l’infirmité
ont été joints ensemble. Quelle bassesse et quelle sublimité ! Il n'y a rien en
effet de plus sublime que Dieu, comme il n'y arien de plus bas que l’homme. La
seconde union n'est pas moins admirable, car jamais, au monde, on n'avait
entendu dire qu'une femme qui avait enfanté fût vierge, qu'une mère ne cessât
pas d'être vierge. La troisième union est inférieure à la première et à la
seconde, mais elle n'est pas moins importante. C'est chose admirable que
l’esprit humain ait ajouté foi à ces deux choses, que l’on ait pu croire enfin
que Dieu fût homme et que celle qui avait enfanté fût restée vierge. » (Saint
Bernard.)
III. La naissance de
J.-C. fut miraculeuse du côté de celui qui fut engendré. En effet l’enfantement
fut au-dessus de la nature, par cela qu'une vierge conçut ; au-dessus de la
raison, pour avoir enfanté un Dieu ; au-dessus de la condition de la nature
humaine, puisque, contre l’ordinaire, elle enfanta sans douleurs, car elle
conçut du Saint-Esprit : la vierge en effet n'engendra pas d'un sang humain,
mais d'un souffle mystique. Le Saint-Esprit prit ce qu'il y avait de plus pur et
de plus chaste dans le sang de la Vierge et en forma ce corps ; et Dieu
manifesta ainsi un quatrième mode admirable de créer un homme. Voici à ce sujet
ce que dit saint Anselme (Cur Deus Homo, liv. II, c. VIII) : « Dieu peut créer
l’homme de quatre manières : sans homme ni femme, comme il a créé Adam ; d'un
homme sans femme, comme il a créé Eve; de l’homme et de la femme, comme
d'habitude; d'une femme sans homme, comme cela s'est opéré aujourd'hui
merveilleusement. »
En second lieu, sa
naissance fut démontrée de beaucoup de manières. D'abord par toutes espèces de
créatures. Or il y a une sorte de créature qui a seulement l’être, comme celles
qui sont purement corporelles, par exemple les pierres; une autre a l’être et
la vie, comme les végétaux et les arbres ; une autre espèce a l’ètre, la vie et
le sentiment, savoir les animaux; une autre a l’être, la vie, le sentiment et
le discernement, comme l’homme ; une dernière espèce qui a l’être, la vie, le
sentiment, le discernement et l’intelligence, comme l’ange. Toutes ces
créatures démontrèrent aujourd'hui la naissance de J.-C. Le 1er ordre, qui est
purement corporel, est triple. Il est ou bien opaque, ou bien transparent, ou
pénétrant et lucide. Elle a été montrée premièrement par les substances
purement corporelles opaques ; ainsi la destruction du temple des Romains,
comme il a été dit plus haut; ainsi la chute de différentes statues qui
tombèrent en plusieurs autres lieux. Voici ce qu'on lit dans l’Histoire
scholastique (ch. III, Tobie) : « Le prophète Jérémie venant en Egypte, après
la mort de Godolias, apprit aux rois du pays que leurs idoles crouleraient
quand une vierge enfanterait un fils. C'est pour cela que les prêtres .des
idoles avaient élevé et adoraient, dans un lieu caché du temple, l’image d'une
vierge portant un enfant dans son giron. Le roi Ptolémée leur demanda ce que
cela signifiait : ils répondirent que, de tradition paternelle, c'était un
mystère révélé à leurs ancêtres par un saint prophète, et qui devait se
réaliser un jour.» Secondement, par les substances ; purement corporelles
transparentes et pénétrantes. En effet la nuit même de la naissance du
Seigneur, l’obscurité fut changée en une clarté pareille à celle du jour. A
Rome (Orose, liv.VI, ch. XX, et Innocent III, IIe sermon de Noël, l’attestent),
dans une fontaine (Fontaine qui donne de l’huile à Rome, en ce lieu est
aujourd'hui l’Eglise de Sainte-Marie au delà du Tibre) l’eau fut changée en une
huile qui coula jusqu'au Tibre avec la plus grande abondance. Or la sybille
avait prédit que quand jaillirait une source d'huile, naîtrait le Sauveur.
Troisièmement par les substances corporelles lucides, exemple : les corps
célestes. Le jour de la naissance du Sauveur, d'après une relation dont parle
saint Chrysostome (Sur Saint Mathieu, ch. III), les mages étant en prières sur
une montagne, une étoile apparut devant eux, ayant la forme du plus bel enfant,
sur la tète duquel brillait une croix. Elle dit aux mages d'aller eu Judée et
que là ils trouveraient ce nouveau-né. Ce jour-là encore, trois soleils
apparurent à l’orient, et peu à peu ils n'en formèrent plus qu'un. C'était un
signe que la Trinité et l’unité de Dieu allaient être connues dans le monde, ou
bien que celui qui venait de naître rassemblait dans sa seule personne trois
substances l’âme, la chair et la divinité. On lit pourtant dans l’Histoire
scholastique (ch. XVI, Machab.), que ce ne fut pas au jour de la naissance du
Sauveur que parurent les trois soleils, mais bien quelque temps auparavant,
savoir après la mort de Jules César. Eusèbe l’assure aussi en sa chronique.
L'empereur Octave, dit le pape Innocent III, après avoir soumis l’univers à la
domination romaine, plut tellement au Sénat que celui-ci voulut l’honorer comme
un dieu. Mais Auguste, plein de prudence, qui se savait être homme, ne voulut
pas consentir à usurper l’honneur de l’immortalité. Sur les instances du Sénat,
il consulta la sybille pour apprendre, par ses oracles, s'il naîtrait jamais un
jour dans le monde un mortel plus grand que lui. Or c'était au jour de la naissance
de J.-C. que cela se passait, et comme la sybille expliquait ses oracles seule
avec l’empereur dans une chambre du palais, voici qu'au milieu du jour, un
cercle d'or entoure le soleil, et au milieu du cercle paraît une vierge
merveilleusement belle, portant un enfant sur son giron : ce que la sybille
montra au César extasié de cette vision ; il entendit alors une voix lui dire :
«Celle-ci est l’autel du ciel, » et la sybille ajouta : « Cet enfant est plus
grand que toi, il te faut l’adorer. » Or ce palais fut dédié en l’honneur de
sainte Marie, et c'est aujourd'hui Sainte-Marie de l’ara coeli. L'empereur
comprit donc que cet enfant était plus grand que lui ; il lui offrit de
l’encens et dès ce moment il renonça à se faire appeler Dieu. Voici comment s'exprime
Orose à ce sujet (Liv. VI, ch. XX) : « Au temps d'Octave, environ à la
troisième heure, par un ciel clair, pur et serein, un cercle en forme
d'arc-en-ciel entoura le disque du soleil, comme si était venu celui qui avait
créé et régissait seul le soleil lui-même et l’univers. » Eutrope le dit aussi.
Il est rapporté dans Timothée, l’historiographe, qu'il a trouvé dans les
anciennes histoires des Romains que Octave, l’an XXXV de son règne, monta au
Capitole et demanda avec instance aux dieux quel serait après lui le gouverneur
de la République, et qu'il entendit une voix lui dire : « C'est un enfant
céleste, fils du Dieu vivant, qui doit bientôt naître d'une vierge restée sans
tache, Dieu et homme sans macule. » Ayant appris cela, il éleva un autel en ce
lieu et y plaça cette inscription : « Autel du fils de Dieu vivant. » 2° La
nativité a été montrée manifestement par la créature qui a l’être et la vie,
comme les plantes et les arbres. Au rapport de Barthélemi dans sa compilation
(Barthélemi de Sion, dans le Mariale) ; cette nuit-là même les vignes d'Engadi,
qui portent le baume, fleurirent, eurent des fruits et donnèrent leur liqueur.
3° Par la créature qui a l’être, la vie et le sentiment, comme les animaux.
Joseph, en s'en allant à Bethléem avec Marie qui était enceinte, mena avec lui
un boeuf, peut-être pour le vendre, payer le cens que lui et son épouse
devaient, et vivre du reste, et un âne, peut-être pour servir de monture à la
Vierge. Or le boeuf et l’âne connurent le Seigneur par l’effet d'un miracle et
fléchirent le genou pour l’adorer. Avant la nativité de J.-C., raconte Eusèbe
dans sa chronique, pendant quelques jours, des boeufs qui labouraient dirent
aux laboureurs: « Les hommes manqueront, les moissons profiteront. » 4° Par la
créature qui a l’être, la vie, le sentiment et le discernement, comme est
l’homme, ainsi les bergers. En effet à cette heure, les bergers veillaient sur
leurs troupeaux, comme ils avaient coutume de faire deux fois par an dans les
plus longues et dans les plus courtes nuits. Anciennement, à chaque solstice,
c'est-à-dire au solstice d'été, environ vers la fête de saint-Jean-Baptiste, et
à celui d'hiver, vers la nativité de N.-S., c'était une coutume des Gentils de
veiller la nuit pour honorer le soleil, coutume qui avait pris racine aussi
chez les juifs, peut-être poursuivre l’usage des étrangers qui habitaient chez
eux. L'ange du Seigneur leur apparaissant annonça le Sauveur né et leur donna
un signe pour le trouver. A cet ange se joignit une multitude d'autres qui disaient
: « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, etc. » Or les bergers vinrent et
trouvèrent tout comme l’ange avait dit. Elle a encore été manifestée par
César-Auguste, qui défendit alors que personne ne l’appelât seigneur, au
témoignage d'Orose. C'est peut-être pour avoir vu l’arc autour du soleil, que,
se rappelant la ruine du temple, la fontaine d'huile et comprenant que celui
qui l’emportait en grandeur était né dans le monde, il ne voulut, et re appelé
ni dieu ni seigneur. On lit encore, en certaines chroniques, que, sur
l’approche de la naissance du Seigneur, Octave fit établir des chemins publics
par le monde, et fit remise de toutes les dettes des Romains. Elle a été
manifestée aussi par les sodomites qui, dans tout le monde, furent détruits
cette même nuit; ainsi le dit saint Jérôme sur ce passage : Lux orta est. Une
lumière s'est levée et si grande quelle fit mourir tous ceux qui étaient
adonnés à ce vice; c'est ce que fit le Christ pour le déraciner, et pour qu'une
si infâme impureté n'existât plus désormais dans la nature humaine qu'il avait
prise. Car, dit saint Augustin, Dieu voyant dans le genre humain ce vice contre
nature fut presque en suspens s'il s'incarnerait. 5° Par la créature qui a
l’être, la vie, le sentiment, le discernement et l’intelligence, comme l’ange.
Les anges en effet, annoncèrent la naissance de J.-C. aux bergers, comme on
vient de le dire plus haut. Troisièmement, sa naissance nous fut utilement
démontrée : 1° à la confusion des démons; car cet ennemi ne saurait l’emporter
sur nous comme auparavant. On lit (Pierre le Vénérable, De miraculis, liv. I,
ch. XV) que saint Hugues, abbé de Cluny, la veille de la Nativité du Seigneur,
vit la bienheureuse vierge tenant son fils dans ses bras : « C'est, dit-elle,
aujourd'hui le jour où les oracles des prophètes sont renouvelés. Où est
maintenant cet ennemi qui avant ce jour était maître dés hommes ? » A ces mots,
le diable sortit de dessous terre, pour insulter aux paroles de la madone, mais
l’iniquité s'est mentie à elle-même, parce que, comme il parcourait tous les
appartements, des frères, la dévotion le rejeta hors de l’oratoire, la lecture
hors du réfectoire, les couvertures de bas prix hors du dortoir, et la patience
hors du chapitre. On lit encore, dans le livre de Pierre de Cluny, que, la
veille de Noël, la bienheureuse vierge apparut à saint Hugues, abbé de Cluny,
portant son fils et jouant avec lui en disant: « Mère, vous savez avec quelle
joie l’Église célèbre aujourd'hui le jour de ma naissance, or où est désormais
la force du diable? que peut-il dire et faire? » Alors le diable semblait se
lever de dessous terre et dire : « Si je ne puis entrer dans l’église où l’on
célèbre vos louanges, j'entrerai cependant au chapitre, au dortoir et au
réfectoire. » Et il tenta de le faire; mais la porte du chapitre était trop
étroite pour sa grosseur, la porte du dortoir trop basse pour sa hauteur, et la
porte du réfectoire avait des barrières formées par la charité des servants,
par l’avidité apportée à écouter la lecture, par la sobriété dans le boire et
le manger, et alors il s'évanouit tout confus. 2° Pour obtenir le pardon.
On lit, dans un livre
d'exemples, qu'une mauvaise femme, revenue à de bons sentiments, désespérait de
son pardon; car en pensant au jugement, elle se trouvait coupable, en pensant à
l’enfer elle se croyait digne d'y être tourmentée; en pensant au paradis, elle
se voyait immonde, à la passion, elle se regardait comme ingrate ; mais en
pensant à l’enfance de Jésus et à la facilité qu'il y a d'apaiser les enfants,
elle conjura le Christ par son enfance, et mérita d'entendre nue voix qui lui
assurait le pardon. 3° Pour la guérison des infirmités. Voici ce que dit saint
Bernard sur cette utilité de la naissance de J.-C. : « Le genre humain avait
trois maladies, au commencement, au milieu et à la fin : c'est-à-dire, à la
naissance, à la vie et à la mort. La naissance était souillée, la vie perverse
et la mort dangereuse. Vint J.-C. qui apporta un triple remède à cette triple
maladie. Il est né, a vécu et est mort. Sa naissance a purifié la, nôtre ; sa
vie est une instruction pour la nôtre, et sa mort a détruit la nôtre » (saint
Bernard). 4° Pour l’humiliation de notre orgueil. Ce qui a fait dire à saint
Augustin que l’humilité à nous montrée par le Fils de Dieu dans l’Incarnation,
nous fut un exemple, un sacrement et un remède : un exemple à imiter, un
sacrement par lequel le lien de notre péché est rompu, et un remède qui guérit
l’enflure de notre orgueil (saint Augustin). En effet l’orgueil du premier
homme a été guéri par l’humilité de J.-C. Observez encore que l’humilité du
Sauveur correspond bien à l’orgueil du traître, car l’orgueil du premier homme
fut contre Dieu, jusqu'à Dieu et au-dessus de Dieu. Il fut contre Dieu, car il
alla contre le précepte qui défendait de manger le fruit de l’arbre de la
science du bien et du mal; il fut jusqu'à Dieu, car il alla jusqu'à désirer
atteindre à la divinité, en croyant ce que le diable avait dit : « Vous serez
comme des dieux; » il fut enfin au-dessus de Dieu, selon saint Anselme, eu voulant
ce que Dieu ne voulait pas que l’homme voulût; il plaça en effet sa volonté
au-dessus de celle de Dieu, mais le fils de Dieu, selon saint Jean Damascène,
s'humilia pour les hommes, non contre les hommes, jusqu'aux hommes, et
au-dessus des hommes : pour les hommes, c'est-à-dire, pour leur utilité et leur
salut; jusqu'aux hommes, par une naissance semblable à la leur; au-dessus des
hommes, par une naissance différente de la leur. Car sa naissance fut en un
point semblable à la nôtre; en effet il est né d'une femme, et par le même mode
de propagation, et en un point, différente de la nôtre, car il est né du
Saint-Esprit et de la Vierge Marie.
La Légende dorée de
Jacques de Voragine nouvellement traduite en français avec introduction,
notices, notes et recherches sur les sources par l'abbé J.-B. M. Roze, chanoine
honoraire de la Cathédrale d'Amiens, Édouard Rouveyre, éditeur, 76, rue de
Seine, 76, Paris mdccccii
SOURCE ` http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/tome01/009.htm
Nativité, Les Très Riches Heures du duc de
Berry,
Noël, fête de la Création
réconciliée ?
Valdemar
de Vaux - publié le 24/12/22
Et si Noël était aussi
l’occasion de mettre à l’honneur l’écologie intégrale ? Venu sauver les hommes
de leurs péchés, l’Enfant-Jésus vient remettre l’harmonie dans la création
divisée. Les textes de la liturgie le suggèrent.
Durant la nuit de Noël, avant même
d’entendre le récit évangélique sur la naissance de Jésus, nous disons
le psaume 95 : « Joie au ciel ! Exulte la terre ! Les
masses de la mer mugissent, la campagne tout entière est en fête. Les arbres
des forêts dansent de joie devant la face du Seigneur, car il vient, car il
vient pour juger la terre. » La venue d’un Sauveur n’est donc pas
seulement occasion de joie pour les hommes, mais pour la création tout
entière.
Saint Paul, dans sa
lettre aux Romains, exprime ce besoin pour la création, l’homme en étant
l’intendant, d’être sauvée (Rm 8, 19-22) :
« En effet, la
création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. Car la création
a été soumise au pouvoir du néant […]. Pourtant, elle a gardé l’espérance
d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la
liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu. »
En effet, la conséquence
du péché originel, au début de la genèse, est triple. D’abord, il brise notre
relation à Dieu dont nous n’acceptons plus qu’il soit l’auteur de la vie :
il nous cherche, nous nous cachons. Ensuite, il divise les hommes et la
fraternité qui devrait les unir : le meurtre d’Abel par Caïn en est le
premier et archétypal exemple. Enfin, il casse l’harmonie qui devait régner sur
toute la création. En particulier, les hommes au milieu d’elle ne reçoivent
plus le monde comme un don de Dieu mais comme l’occasion d’une maîtrise.
Une création qui attend
d’être sauvée
Que la création désormais
désordonnée attend d’être sauvée, l’épisode noachique l’exprime parfaitement.
Si Noé doit monter dans l’arche avec les représentants des espèces d’animaux et
si les eaux recouvrent la terre, c’est bien pour purifier cette création
devenue folle. Mais le salut ne viendra, comme pour tout le reste, que du
Sauveur qu’Israël attend patiemment.
Le prophète Isaïe en est
le témoin, le désir de la paix et de la justice trouvera sa réponse avec le
Messie, qui rétablira l’ordre de la création. Il affirme d’abord que
« [son] pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David
et pour son règne qu’il établira, qu’il affermira sur le droit et la justice
dès maintenant et pour toujours » (Is 9, 4-6 ;
première lecture de la messe de Minuit) avant de prononcer un oracle
particulièrement poétique que nous avons lu pendant l’Avent (Is 11, 6-8) :
« Le loup habitera
avec l’agneau, dit le prophète en évoquant les temps messianiques, le léopard se
couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un
petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits
auront même gîte. Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage. Le nourrisson
s’amusera sur le nid du cobra ; sur le trou de la vipère, l’enfant étendra
la main. »
Le Sauveur est venu, la
création n’est pas encore réconciliée, mais le désir qu’elle le soit est de
plus en plus répandu. L’Enfant-Jésus, en cette fête de la Nativité et en attendant son
retour victorieux, permet déjà d’admirer la présence de Dieu, des autres
hommes, de la nature. Pour que, selon son dessein bienveillant, l’homme soit le
gardien de son frère et l’intendant plein de gratitude des biens que Dieu lui a
donnés pour le louer de tout son être.
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Dom Guéranger, l’Année Liturgique
L’heureuse journée de la Vigile de Noël avance vers son terme. Déjà la sainte
Église a clos les divins Offices de l’Attente du Sauveur par la célébration du
grand Sacrifice. Dans son indulgence maternelle, elle a permis à ses enfants de
rompre, dès le milieu du jour, le jeûne de la préparation ; les fidèles se sont
assis à la table frugale, avec une joie spirituelle qui leur fait pressentir
celle dont leurs cœurs seront inondés en cette nuit qui va leur donner
l’Emmanuel.
Mais une aussi grande solennité que celle de demain doit, selon l’usage de
l’Église dans ses fêtes, anticiper sur le jour qui la précède. En peu
d’instants, l’Office des Premières Vêpres, dans lequel s’offre à Dieu l’encens
du soir, va convier les Chrétiens à l’Église ; et la splendeur des cérémonies,
la magnificence des chants, ouvriront tous les cœurs aux émotions d’amour et de
reconnaissance qui les doivent disposer à recevoir les grâces du moment
suprême.
En attendant le signal sacré qui va nous convoquer à la maison de Dieu,
employons les instants qui nous restent à bien pénétrer le mystère d’un si
grand jour, les sentiments de la sainte Église dans cette solennité, les
traditions catholiques à l’aide desquelles nos aïeux l’ont si dignement
célébrée.
Et d’abord écoutons la voix des saints Pères qui retentit avec une emphase et
un éclat capables de réveiller toute âme vivante. Voici saint Grégoire le
Théologien, l’Évêque de Nazianze, qui débute dans son discours trente-huitième,
consacré à la Théophanie, ou Naissance du Sauveur : qui pourrait l’entendre et
rester froid devant sa parole ?
« Le Christ naît ; rendez gloire. Le Christ descend des cieux ; marchez
au-devant de lui. Le Christ est sur la terre ; hommes, élevez-vous. Toute la
terre, chantez au Seigneur ! et pour réunir tout dans une seule parole : Que
les cieux se réjouissent, et que la terre tressaille, pour Celui qui est, tout
à la fois, du ciel et de la terre. Le Christ revêt notre chair, soyez émus de
crainte et d’allégresse : de crainte, à cause du péché ; d’allégresse, à cause
de l’espérance. Le Christ naît d’une Vierge : femmes, honorez la virginité,
afin de devenir mères du Christ. « Qui n’adorerait Celui qui était dès le
commencement ? qui ne louerait et ne célébrerait Celui qui vient de naître ?
Voici que les ténèbres se dissipent ; la lumière est créée ; l’Égypte demeure
sous les ombres, et Israël est éclairé par la colonne lumineuse. Le peuple, qui
était assis dans les ténèbres de l’ignorance, aperçoit la lueur d’une science
profonde. Les choses anciennes ont fini ; tout est devenu nouveau. La lettre
fuit, l’esprit triomphe ; les ombres sont passées, la vérité fait son entrée.
La nature voit violer ses lois : le moment est venu de peupler le monde céleste
: le Christ commande ; gardons-nous de résister.
« Toutes les nations, battez des mains : car un petit Enfant nous est né, un
Fils nous a été donné. La marque de sa principauté est sur son épaule : car la
croix sera le moyen de son élévation ; son nom est l’Ange du grand conseil,
c’est-à-dire du conseil paternel.
« Que Jean s’écrie : Préparez la voie du Seigneur ! Pour moi, je veux faire
retentir aussi la puissance d’un si grand jour : Celui qui est sans chair
s’incarne ; le Verbe prend un corps ; l’Invisible se montre aux yeux, l’Impalpable
se laisse toucher ; Celui qui ne connaît pas le temps prend un commencement ;
le Fils de Dieu est fait fils de l’homme. Jésus-Christ était hier ; il est
aujourd’hui ; il sera à jamais. Que le Juif s’en offense ; que le Grec s’en
moque ; que la langue de l’hérétique s’agite dans sa bouche impure. Ils
croiront quand ils le verront, ce Fils de Dieu, monter au ciel ; et si encore à
ce moment ils s’y refusent, ils croiront bien, alors qu’il en descendra, et
paraîtra sur son tribunal de juge. »
Écoutons maintenant, dans l’Église Latine, le dévot saint Bernard, qui épanche
une douce allégresse dans ces mélodieuses paroles, au sermon VIe pour la Vigile
de Noël :
« Voici que nous venons d’entendre une nouvelle pleine de grâce, et faite pour
être acceptée avec transport : Jésus-Christ, Fils de Dieu, naît en Bethléhem de
Judée. Mon âme s’est fondue à cette parole ; mon esprit bouillonne en moi,
pressé que je suis de vous annoncer un tel bonheur. Jésus veut dire Sauveur.
Quoi de plus nécessaire qu’un Sauveur à ceux qui étaient perdus, de plus
désirable à des infortunés, de plus avantageux à ceux que le désespoir
accablait ? Où était le salut, où était même l’espérance du salut, si légère
qu’elle fût, sous cette loi de péché, dans ce corps de mort, au milieu de cette
perversité, dans ce séjour d’affliction, si ce salut n’était né tout à coup, et
contre toute espérance ? O homme, tu désires, il est vrai, ta guérison ; mais,
ayant la conscience de ta faiblesse et de ton infirmité, tu redoutes la rigueur
du traitement. Ne crains pas : le Christ est suave et doux ; sa miséricorde est
immense ; comme Christ, il a reçu l’huile en partage, mais c’est pour la
répandre sur tes plaies. Et si je te dis qu’il est doux, ne va pas craindre que
ton Sauveur manque de puissance ; car on ajoute qu’il est Fils de Dieu.
Tressaillons donc, ruminant en nous-mêmes, et faisant éclater au dehors cette
douce sentence, cette suave parole : Jésus-Christ, Fils de Dieu, naît en
Bethléhem de Judée ! »
C’est donc véritablement un grand jour que celui de la Naissance du Sauveur :
jour attendu par le genre humain durant des milliers d’années ; attendu par
l’Église durant ces quatre semaines de l’Avent qui nous laissent de si chers
souvenirs ; attendu par la nature entière qui revoit chaque année, sous ses
auspices, le triomphe du soleil matériel sur les ténèbres toujours croissantes.
Le grand Docteur de l’Église Syrienne, saint Éphrem, célèbre avec enthousiasme
le charme et la fécondité de ce jour mystérieux ; empruntons quelques traits à
sa divine poésie, et disons avec lui :
« Daignez, Seigneur, nous permettre de célébrer aujourd’hui le propre jour de
votre naissance, que la solennité présente nous rappelle. Ce jour est semblable
à vous ; il est ami des hommes. A travers les âges, il revient chaque année ;
il vieillit avec les vieillards, et il se renouvelle avec l’enfant qui vient de
naître. Chaque année, il nous visite et passe ; puis il revient plein de
charmes. Il sait que la nature humaine e ne saurait se passer de lui ; comme
vous, il vient au secours de notre race en péril. Le monde entier, Seigneur, a
soif du jour de votre naissance ; cet heureux jour contient en lui-même les
siècles à venir ; il est un, et il se multiplie. Qu’il soit donc, cette année
encore, semblable à vous, amenant la paix entre le ciel et la terre. Si tous
les jours sont marqués par votre s libéralité, combien est-il juste qu’elle
déborde en celui-ci ?
« Les autres jours de l’année empruntent leur beauté de celui-ci, et les
solennités qui suivront lui doivent la dignité et l’éclat dont elles brillent.
Le jour de votre naissance est un trésor, Seigneur, un trésor destiné à
acquitter la dette commune. Béni soit le jour qui nous a rendu le soleil, à
nous errants dans la nuit obscure ; qui nous a apporté la divine gerbe par laquelle
a été c répandue l’abondance ; qui nous a donné la branche de vigne où est
contenue la liqueur du salut qu’elle doit nous fournir en son temps. Au sein de
l’hiver qui prive les arbres de leurs fruits, la vigne s’est parée d’une
végétation divine ; sous la saison glaciale, le rejeton a poussé de la souche
de Jessé. C’est en décembre, en ce mois qui retient encore dans les entrailles
de la terre la semence qui lui fut confiée, que l’épi de notre salut s’élève du
sein de la Vierge où il était descendu dans les jours du printemps, lorsque les
agneaux bondissent dans les prairies. »
Il n’est donc pas étonnant que ce jour qui importe à Dieu même ait été
privilégié dans l’économie des temps ; et l’on aime à voir les nations païennes
pressentir dans leurs calendriers la gloire que Dieu lui réservait dans la
suite des âges. Nous avons vu d’ailleurs que les Gentils n’ont pas été seuls à
prévoir mystérieusement les relations du divin Soleil de justice avec l’astre
mortel qui éclaire et échauffe le monde ; les saints Docteurs et la Liturgie
tout entière ne tarissent pas sur cette ineffable harmonie. Ajoutons que, selon
la tradition vénérable de l’antiquité qui place au Vendredi (25 mars)
l’Incarnation du Fils de Dieu, la Naissance du Sauveur qui s’est appelé la Lumière
du monde a dû avoir lieu un Dimanche (25 décembre) : ce qui donne à la fête de
Noël quelque chose de plus sacré encore dans les années où elle se rencontre au
Dimanche : jour déjà sanctifié par la création de la lumière à l’origine des
choses, et plus tard parla Résurrection de ce Sauveur qui se lève aujourd’hui
sur le monde. Saint Sophrone de Jérusalem a magnifiquement traité ce mystère
dans sa première Homélie pour la fête de Noël.
Afin de graver plus profondément l’importance d’un jour si sacré dans la
mémoire des peuples chrétiens de l’Europe, races préférées dans les conseils de
la divine miséricorde, le souverain maître des événements a voulu que le
royaume des Francs naquît le jour de Noël, lorsque dans le Baptistère de Reims,
au milieu des pompes de cette solennité, Clovis, le fier Sicambre, devenu doux
comme l’agneau, fut plongé par saint Rémi dans la fontaine du salut, de
laquelle il sortit pour inaugurer la première monarchie catholique parmi les
monarchies nouvelles, ce royaume de France, le plus beau, a-t-on dit, après
celui du ciel.
Un siècle plus tard, c’était le tour de la race anglo-saxonne. L’Apôtre de
l’île des Bretons, le moine saint Augustin, après avoir converti au vrai Dieu
le roi Ethelred, s’avançait à la conquête des âmes. S’étant dirigé vers York,
il y fait entendre la parole de vie, et un peuple entier s’unit pour demander
le Baptême. Le jour de Noël est fixé pour la régénération de ces nouveaux
disciples du Christ ; et le fleuve qui coule sous les murs de la cité est
choisi pour servir de fontaine baptismale à cette armée de catéchumènes. Dix
mille hommes, non compris les femmes et les enfants, descendent dans les eaux
dont le courant doit emporter la souillure de leurs âmes. La rigueur de la
saison n’arrête pas ces nouveaux et fervents disciples de l’Enfant de
Bethléhem, qui, peu de jours auparavant, ignoraient jusqu’à son nom. Du sein
des ondes glacées, sort pleine de joie et éclatante d’innocence, toute une
armée de néophytes ; et au jour de sa naissance, le Christ compte une nation de
plus sous son empire.
Mais ce n’était pas assez encore pour le Seigneur qui tient à honorer le jour
de la naissance de son Fils.
Une autre naissance illustre devait encore embellir cet heureux anniversaire. A
Rome, dans la basilique de Saint-Pierre, en la solennité de Noël de l’an 800,
naissait le Saint-Empire-Romain auquel était réservée la mission de propager le
règne du Christ dans les régions barbares du Nord, et de maintenir l’unité
européenne, sous la direction du Pontife Romain. En ce jour, saint Léon III
plaçait la couronne impériale sur la tête de Charlemagne ; et la terre étonnée
revoyait un César, un Auguste, non plus successeur des Césars et des Augustes
de la Rome païenne, mais investi de ces titres glorieux par le Vicaire de Celui
qui s’appelle, dans les saints Oracles, le Roi des rois, le Seigneur des
seigneurs.
Ainsi Dieu a fait luire aux yeux des hommes la gloire du royal Enfant qui naît
aujourd’hui ; ainsi a-t-il préparé, de distance en distance, à travers les
siècles, de riches anniversaires de cette Nativité qui donne gloire à Dieu et
paix aux hommes. La suite des temps apprendra au monde en quelle manière le
Très-Haut se réserve encore de glorifier, en ce jour, lui-même et son Emmanuel.
En attendant, les nations de l’Occident, émues de la dignité d’une telle fête,
et la considérant avec raison comme le principe de toutes choses dans l’ère de
la régénération du monde, comptèrent longtemps leurs années à partir de Noël,
comme on le voit sur d’antiques Calendriers, sur les Martyrologes d’Usuard et
d’Adon, et sur un si grand nombre de Bulles, de Chartes et de Diplômes. Un
concile de Cologne, en 1310, nous montre cette coutume encore subsistante à
cette époque. Plusieurs peuples de l’Europe catholique, les Italiens
principalement, ont gardé jusqu’aujourd’hui l’usage de fêter le nouvel an à la
Nativité du Sauveur. On souhaite le bon Noël, comme, chez nous, au premier
janvier, la bonne année. On fait échange de compliments et de cadeaux ; on
écrit aux amis absents : précieux restes des anciennes mœurs, dont la foi était
le principe et l’invincible rempart.
Mais telle est aux yeux de la sainte Église la joie qui doit remplir les
fidèles dans la Naissance du Sauveur, que, s’associant par une insigne
indulgence à une si légitime allégresse, elle relâche pour la journée de demain
le précepte de l’abstinence de la chair, si Noël tombe le vendredi ou le
samedi. Cette dispense remonte au Pape Honorius III, qui siégeait en 1216 ;
mais déjà, dès le IXe siècle, saint Nicolas Ier, dans sa réponse aux
consultations des Bulgares, avait montre une semblable condescendance, afin
d’encourager la joie des fidèles dans la célébration non seulement de la
solennité de Noël, mais encore des fêtes de saint Etienne, de saint Jean
l’Évangéliste, de l’Épiphanie, de l’Assomption de Notre-Dame, de saint
Jean-Baptiste, et de saint Pierre et saint Paul. Mais cette indulgence ne fut
point universelle, et la relaxation ne s’est maintenue que pour la fête de Noël
dont elle augmente l’allégresse populaire.
Dans le désir de témoigner à sa manière l’importance qu’elle attachait à une
fête si chère à toute la chrétienté, la législation civile du moyen âge
accordait aux débiteurs la faculté de suspendre le paiement de leurs créanciers
durant toute la semaine de Noël, qui pour cela était appelée semaine de
rémission, comme celles de Pâques et de la Pentecôte.
Mais suspendons un moment ces renseignements familiers que nous nous plaisons à
réunir sur la glorieuse solennité dont l’approche émeut si doucement nos cœurs
; il est temps de diriger nos pas vers la maison de Dieu, où nous appelle
l’Office solennel des premières Vêpres. Durant le trajet, portons notre pensée
vers Bethléhem, où Joseph et Marie sont déjà arrivés. Le soleil matériel
s’abaisse rapidement au couchant ; et le divin Soleil de justice demeure caché
pour quelques instants encore sous le nuage, au sein de la plus pure des
vierges. La nuit approche ; Joseph et Marie parcourent les rues de la Cité de
David, cherchant un asile pour s’y mettre à l’abri. Que les cœurs fidèles
soient donc attentifs, et s’unis sent aux deux incomparables pèlerins. Mais
l’heure est venue où le chant de gloire et de reconnaissance doit s’échapper de
toute bouche humaine. Acceptons avec empressement pour notre organe la voix de
la sainte Église : elle n’est pas au-dessous d’une si noble tâche.
LES PREMIÈRES VÊPRES DE NOËL.
Après l’invocation ordinaire du secours divin, l’Église entonne successivement,
sur un chant majestueux, les cinq Antiennes, qui accompagnent les Psaumes.
Après avoir exalté dans ces divins cantiques la génération éternelle, la
fidélité, la miséricorde, la grandeur et la vérité de son divin Époux qui
approche, et qui dans peu d’instants se laissera voir, la sainte Église se
repose un moment en écoutant, au Capitule, les consolantes paroles de l’Apôtre
des Gentils sur l’avènement du Dieu Sauveur. « La bénignité et l’humanité de
notre Dieu Sauveur ont apparu au monde ; il nous a sauvés, non pour les œuvres
de justice que nous avons faites, nous pécheurs, mais pour sa seule
miséricorde. » Encouragée de nouveau par ces touchantes paroles, la sainte
Église n’emprunte plus le secours de la psalmodie ; elle soupire, du fond de
son cœur, un hymne à son Époux, et chante la grandeur et la tendresse du
sublime anniversaire qui émeut la nature entière et apporte une si chère
allégresse à toutes les âmes qui goûtent l’amour du divin Enfant. Saint
Ambroise, l’abeille de Milan, composa cette Hymne touchante qui retentit
aujourd’hui avec une si suave mélodie par toute la terre.
Maintenant, c’est la voix de Marie elle-même qui va retentir dans l’assemblée
des fidèles. Le doux cantique qu’elle entonna, au jour de la Visitation,
lorsque, sublime dépositaire du divin secret, elle célébra dans un hymne
ineffable les merveilles de la puissance de Dieu en elle, ce cantique, sans
lequel l’Église ne laisse jamais se coucher le soleil, va être chanté avec
pompe. L’heure approche, ô Marie, où cette divine maternité pour laquelle
toutes les générations vous appelleront Bienheureuse, va être déclarée au ciel
et à la terre. Permettez que nos âmes s’unissent à la vôtre pour glorifier le
Seigneur, et souffrez que nos cœurs tressaillent avec le vôtre en Dieu leur
Sauveur et votre Fils.
La sainte Église résume enfin tous ses désirs dans l’Oraison, qui doit monter à
l’oreille de Dieu, non seulement à chaque Heure du jour de Noël, mais encore
plusieurs fois le jour, dans tous le cours de l’Octave.
La solennité des premières Vêpres s’achève dans les ténèbres ; car les
dernières lueurs du jour ont disparu au ciel, pendant que nous étions attentifs
à la sainte psalmodie. Les ministres sacrés se retirent dans la pompe des plus
riches ornements ; bientôt ils vont reparaître pour s’asseoir de nouveau au
tribunal de la Pénitence, et prêter l’oreille aux pécheurs qui veulent se
réconcilier à Dieu pour la Naissance de son Fils. L’Église, qui retentissait,
il y a quelques moments, de chants éclatants, retombe dans un silence solennel.
Adorons la majesté du Seigneur ; et demandons une dernière fois au Roi des
siècles qu’il daigne envoyer cette rosée dont la terre est si altérée. A cette
prière de notre espérance, mêlons, pour la dernière fois aussi, un éclair de
cette crainte salutaire que la pensée du dernier Avènement nous a fait
concevoir, avec toute l’Église, durant le saint Temps de l’Avent.
Pour exprimer dignement ces sentiments, nous empruntons à la Liturgie Gothique
ou Mozarabe la belle oraison suivante :
PRIÈRE DU BRÉVIAIRE MOZARABE. (En la Nativité de Notre-Seigneur, à l’Office du
Soir, Capitula.)
Cieux, répandez votre rosée, en manifestant enfin le Christ ; que les nuées
fassent pleuvoir le Juste en ce moment où tous les saints célèbrent son
avènement. Que la terre s’ouvre ; que la Vierge, à la parole de l’Ange,
conçoive et enfante le Sauveur. Or, cette rosée qui émane de vous, ô Père
tout-puissant, nous vous supplions et vous demandons qu’elle soit la santé des
infirmes : cette pluie du matin, daignez faire qu’elle imbibe le sol aride de
notre âge ; qu’elle lave, dans l’effusion d’une grâce si abondante, las iniquités
passées, qu’elle verse sur les croyants l’éternelle lumière de justice. Que
nous tous, contemplant sans alarmes la présence de votre Fils notre Seigneur,
et marchant avec les transports de la jubilation au-devant de lui, mêlés au
cortège des habitants du ciel, nous fassions entendre en triomphe ce cantique
d’allégresse ; Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur ; ce Dieu, ce
Seigneur qui a lui sur nous, qui, par son Avènement, nous a rachetés, et par sa
Nativité nous a illuminés ; qui, par sa venue, a recherché ceux qui étaient
perdus , et éclairé ceux qui languissaient dans les ténèbres. Accordez-nous
donc, Père tout-puissant, de célébrer le jour de sa Nativité avec une telle
piété et dévotion, que nous mentions de trouver plein de douceur ce souverain
Seigneur, au jour de son jugement. Nous avons connu sa bénignité dans la
rédemption qu’il nous a offerte ; faites que nous éprouvions sa mansuétude,
lorsqu’il siégera sur son tribunal.
Nous quitterons maintenant le saint temple, et en attendant que l’heure des
Matines nous y rappelle pour y célébrer l’instant sacré de la Naissance du
Sauveur, nous vaquerons durant quelques heures aux devoirs que notre condition
nous impose Mais, avant d’aller célébrer cette grande et sainte veille, il
importe que les fidèles soient instruits de tout ce qui peut les mettre à même
de la passer d’une manière digne d’un si haut mystère, et profitable pour leurs
âmes. Il sera utile, peut-être, de reprendre le cours des renseignements
familiers sur la Liturgie de Noël, que nous avons suspendus pour célébrer, avec
l’Église, les premières Vêpres de la solennité.
AVANT L’OFFICE DE LA NUIT.
Les fidèles doivent savoir que, dans les premiers siècles de l’Église, on ne
célébrait pas de fête solennelle sans s’y préparer par une Veille laborieuse,
durant laquelle le peuple chrétien, renonçant au sommeil, remplissait l’église,
et suivait avec ferveur la psalmodie et les lectures dont l’ensemble formait
dès lors ce que nous appelons aujourd’hui l’Office des Matines. La nuit était divisée
en trois parties, désignées sous le nom de Nocturnes ; et au point du jour, on
reprenait les chants avec plus de solennité encore dans l’Office des Louanges
qui a retenu le nom de Laudes. Ce divin service, qui remplissait la meilleure
partie de la nuit, se célèbre encore chaque jour, quoique à des heures moins
pénibles, dans les Chapitres et les Monastères, et il est récité dans le
particulier par tous les clercs astreints à l’Office divin, dont il forme la
portion la plus considérable. Le relâchement des habitudes liturgiques a peu à
peu désaccoutumé les peuples de prendre part à la célébration des Matines ; et
dans la plupart des églises paroissiales de France, on a fini par ne les plus
chanter que quatre fois par an : savoir, les trois derniers jours de la Semaine
Sainte ; encore sont-elles anticipées à la veille dans l’après-midi, sous le
nom de Ténèbres ; et enfin, le jour de Noël, où du moins on les solennise à peu
près à la même heure qu’on le faisait dans l’antiquité.
L’Office de la nuit de Noël a toujours été célèbre entre tous ceux de l’année,
et solennise avec une dévotion spéciale : d’abord à raison de l’heure à
laquelle la très sainte Vierge enfanta le Sauveur, et qu’il convient d’attendre
dans les prières et les vœux les plus ardents ; ensuite, parce que l’Église ne
se contente pas de célébrer en cette nuit l’Office des Matines à l’ordinaire,
mais elle y joint, par une exception unique, et pour mieux honorer la divine
Naissance, l’offrande du saint Sacrifice de la Messe à l’heure même de minuit,
qui est celle où Marie donna son auguste fruit à la terre. Aussi voyons-nous
que dans beaucoup de lieux, dans les Gaules principalement, selon le témoignage
de saint Césaire d’Arles, les fidèles passaient la nuit entière à l’Église.
A Rome, durant plusieurs siècles, au moins du septième au onzième, il y avait
deux Matines dans la nuit de Noël. Les premières se chantaient dans la
Basilique de Sainte-Marie-Majeure ; on les commençait aussitôt après le soleil
couché ; il n’y avait pas d’Invitatoire, et ce premier Office de la nuit était
suivi de la première Messe de Noël que le Pape célébrait à minuit. Aussitôt
après, il se rendait avec le peuple à l’Église de Sainte-Anastasie, où il
célébrait la Messe de l’Aurore. Le pieux cortège se transportait ensuite, et
toujours avec le Pontife, à la Basilique de Saint-Pierre, où commençaient tout
aussitôt les secondes Matines. Elles avaient un Invitatoire, et étaient suivies
des Laudes ; lesquelles étant chantées, ainsi que les Offices suivants, aux
heures convenables, le Pape célébrait la troisième et dernière Messe, à l’heure
de Tierce. Amalaire et l’ancien liturgiste du XIIe siècle qu’on a publié sous
le nom d’Alcuin nous ont conservé ces détails, qui sont d’ailleurs rendus
sensibles par le texte même des anciens Antiphonaires de l’Église Romaine qui
ont été publiés parle Bienheureux Joseph-Marie Tommasi et par Gallicioli.
La foi était vive dans ces temps ; le sentiment de la prière étant le lien le
plus puissant pour les peuples nourris sans cesse des mystères divins, les
heures passaient vite pour eux dans la maison de Dieu. On comprenait alors les
prières de l’Église ; les cérémonies de la Liturgie, qui en sont
l’indispensable complément, n’étaient point comme aujourd’hui un spectacle
muet, ou tout au plus empreint d’une vague poésie : les masses croyaient et
sentaient comme les individus. Qui nous rendra cette compréhension des choses
surnaturelles, sans laquelle tant de gens aujourd’hui encore se flattent d’être
chrétiens et catholiques ?
Mais pourtant, grâces à Dieu, cette foi pratique n’est pas encore tout à fait
éteinte chez nous ; espérons même qu’elle reprendra un jour son ancienne vie.
Que de fois nous nous sommes plu à en rechercher et à en contempler les traces
au sein de ces familles patriarcales, encore nombreuses aujourd’hui dans nos
petites villes et nos campagnes des provinces éloignées de la capitale de la
France ! C’est là que nous avons vu, et nul souvenir d’enfance ne nous est plus
cher, toute une famille, après la frugale et sévère collation du soir, se
ranger autour d’un vaste foyer, n’attendant que le signal pour se lever comme
un seul homme, et se rendre à la Messe de Minuit. Les mets qui devaient être
servis au retour, et dont la recherche simple, mais succulente, devait ajouter
à la joie d’une si sainte nuit, étaient là préparés d’avance ; et au centre du
foyer, un vigoureux tronc d’arbre, décoré du nom de bûche de Noël, ardait
vivement, et dispensait une puissante chaleur dans toute la salle. Sa destinée
était de se consumer lentement durant les longues heures de l’Office, afin
d’offrir au retour un brasier salutaire pour réchauffer les membres des
vieillards et des enfants engourdis par la froidure.
Cependant on s’entretenait avec une vive allégresse du mystère de la grande
nuit ; on compatissait à Marie et à son doux Enfant exposés dans une étable
abandonnée à toutes les rigueurs de l’hiver ; puis bientôt, on entonnait
quelqu’un de ces beaux Noëls, au chant desquels on avait passé déjà de si
touchantes veillées dans tout le cours de l’Avent. Les voix et les cœurs
étaient d’accord, en exécutant ces mélodies champêtres composées dans des jours
meilleurs. Ces naïfs cantiques redisaient la visite de l’Ange Gabriel à Marie,
et l’annonce d’une maternité divine faite à la noble pucelle ; les fatigues de
Marie et de Joseph parcourant les rues de Bethléhem, alors qu’ils cherchaient
en vain un gîte dans les hôtelleries de cette ville ingrate ; l’enfantement
miraculeux de la Reine du ciel ; les charmes du Nouveau-Né dans son humble
berceau ; l’arrivée des bergers, avec leurs présents rustiques, leur musique un
peu rude, et la foi simple de leurs cœurs. On s’animait en passant d’un Noël à
l’autre ; tous soucis de la vie étaient suspendus, toute douleur était charmée,
toute âme épanouie ; mais soudain la voix des cloches retentissant dans la nuit
venait mettre fin à de si bruyants et si aimables concerts. On se mettait en
marche vers l’Église ; heureux alors les enfants que leur âge un peu moins
tendre permettait d’associer pour la première fois aux ineffables joies de
cette nuit solennelle, dont les saintes et fortes impressions devaient durer
toute la vie !
Mais où nous entraîne le charme de ces souvenirs trop personnels et d’une
nature inconnue peut-être à la plupart de nos lecteurs ? Toutefois, s’il ne
nous est pas possible de faire revivre ces chères et touchantes habitudes qui
confondaient les saintes émotions de la religion avec les plus intimes
jouissances de la famille, nous nous efforcerons de suggérer à ceux qui veulent
bien nous lire, afin de remplir utilement les dernier instants qui précèdent le
départ pour la maison de Dieu, quelques considérations à l’aide desquelles ils
pourront entrer plus avant encore dans l’esprit de l’Église, fixant leur cœur
et leur imagination sur des objets réels et consacrés par les mystères de cette
auguste nuit.
Or donc, il est trois lieux dans le monde que notre pensée doit rechercher
principalement à cette heure. Bethléhem est le premier de ces trois lieux, et
dans Bethléhem, c’est la grotte de la Nativité qui nous réclame.
Approchons-nous avec un saint respect, et contemplons l’humble asile que le
Fils de l’Eternel descendu du ciel a choisi pour sa première résidence. Cette
étable, creusée dans le roc, est située hors la ville ; elle a environ quarante
pieds de longueur sur douze de largeur. Le bœuf et l’âne annoncés par le
prophète sont là près de la crèche, muets témoins du divin mystère que la
demeure de l’homme a refusé d’abriter.
Joseph et Marie sont descendus dans cette humble retraite ; le silence et la nuit
les environnent ; mais leur cœur s’épanche en louanges et en adorations envers
le Dieu qui daigne réparer si complètement l’orgueil de l’homme. La très pure
Marie dispose les langes qui doivent envelopper les membres du céleste Enfant,
et attend avec une ineffable patience l’instant où ses yeux verront enfin le
fruit béni de ses chastes entrailles, où elle pourra le couvrir de ses baisers
et de ses caresses, l’allaiter de son lait virginal.
Cependant, le divin Sauveur, près de franchir la barrière du sein maternel, et
de faire son entrée visible en ce monde de péché, s’incline devant son Père
céleste, et, suivant la révélation du Psalmiste expliquée par le grand Apôtre
dans l’Épître aux Hébreux, il dit : « O mon Père ! vous ne voulez plus des
hosties grossières que l’on vous offre selon la Loi ; ces oblations vaines
n’ont point apaisé votre justice ; mais vous m’avez donné un corps ; me voici,
je viens m’offrir ; je viens accomplir votre volonté. » [69]
Tout ceci se passait vers l’heure où nous sommes, dans l’étable de Bethléhem,
et les Anges du Seigneur étaient ravis d’admiration pour une si grande
miséricorde d’un Dieu envers des créatures révoltées, en même temps qu’ils
considéraient avec délices les nobles et gracieux attraits de la Vierge sans
tache, attendant, eux aussi, l’instant où la Rose mystique allait s’épanouir
enfin et répandre son divin parfum.
Heureuse grotte de Bethléhem qui fut témoin de semblables merveilles ! qui de
nous, à cette heure, n’y enverrait pas son cœur ? Qui de nous ne la préférerait
aux plus somptueux palais des rois ? Dès les premiers jours du christianisme,
la vénération des fidèles l’environna des plus tendres hommages, jusqu’à ce que
la grande sainte Hélène, suscitée de Dieu pour reconnaître et honorer sur la
terre les traces du passage de l’Homme-Dieu, fit bâtir à Bethléhem la
magnifique Basilique qui devait garder dans son enceinte ce trophée de l’amour
d’un Dieu pour sa créature.
Transportons-nous par la pensée dans cette Église encore subsistante ;
voyons-y, au milieu des infidèles et des hérétiques, les religieux qui
desservent ce sanctuaire, s’apprêtant aussi à chanter, dans notre langue
latine, les mêmes cantiques que bientôt nous allons entendre. Ces religieux
sont des enfants de saint François, des héros de la pauvreté, des disciples de
l’Enfant de Bethléhem ; et c’est parce qu’ils sont petits et faibles, que,
depuis plus de cinq siècles, ils soutiennent seuls les combats du Seigneur, en
ces lieux sacrés de la Terre-Sainte que l’épée des Croisés s’était lassée de
défendre. Prions en union avec eux, cette nuit ; et baisons avec eux la terre à
cet endroit de la grotte où on lit en lettres d’or ces paroles : HIC DE VIRGINE
MARIA JESUS CHRISTUS NATUS EST.
Toutefois, c’est en vain que nous demanderions aujourd’hui à Bethléhem
l’heureuse Crèche qui reçut l’Enfant divin. Depuis douze siècles, elle a fui
ces contrées frappées de malédiction ; elle est venue chercher un asile au
centre de la catholicité, à Rome, l’Épouse favorisée du Rédempteur.
Rome est donc le second lieu du monde que notre cœur doit rechercher en cette
nuit fortunée. Mais dans la ville sainte, il est un sanctuaire qui réclame en
ce moment toute notre vénération et tout notre amour. C’est la Basilique de la
Crèche, la splendide et radieuse Église de Sainte-Marie-Majeure. Reine de
toutes les nombreuses Églises que la dévotion romaine a dédiées à la Mère de
Dieu, elle s’élève avec magnificence sur l’Esquilin, toute resplendissante de
marbre et d’or, mais surtout heureuse de posséder en son sein, avec le portrait
de la Vierge Mère peint par saint Luc, l’humble et glorieuse Crèche que les
impénétrables décrets du Seigneur ont enlevée à Bethléhem pour la confier à sa
garde. Un peuple immense se presse dans la Basilique, attendant l’heureux
instant où ce touchant monument de l’amour et des abaissements d’un Dieu
apparaîtra porté sur les épaules des ministres sacrés, comme une arche de
nouvelle alliance, dont la vue tant désirée rassure le pécheur et fait palpiter
le cœur du juste. Dieu a donc voulu que Rome, qui devait être la nouvelle
Jérusalem, fût aussi la Bethléhem nouvelle, et que les enfants de son Église
trouvassent dans ce centre immuable de leur foi l’aliment multiple et
inépuisable de leur amour.
Mais la Basilique de la Crèche n’est pas le seul sanctuaire de Rome qui nous
réclame cette nuit. Un mystère profond et imposant s’accomplit à l’heure même
où nous sommes, près du sépulcre du Prince des Apôtres, dans l’auguste palais
du Vatican. Si l’âge et les forces du Souverain Pontife lui permettent de se rendre
cette nuit à Sainte-Marie-Majeure, la cérémonie dont nous allons parler a lieu
dans la vaste sacristie de la Basilique.
L’Enfant divin qui va naître est le Dieu fort, le Prince de la Paix ; il porte
la marque de la royauté sur son épaule, comme nous le chanterons demain avec
l’Église. Pour honorer cette puissance de l’Emmanuel, déjà, ainsi que nous
l’avons vu, le Seigneur des armées a amené aux pieds de la Crèche les deux
grands chefs de la nation franque, Clovis et Charlemagne ; et voici que le Pontife
suprême, le Vicaire de l’Emmanuel, bénit en son nom, dans cette nuit même, une
épée et un casque destinés à quelque guerrier catholique dont le bras
victorieux a bien mérité de la république chrétienne. Cette épée, dit le grand
Cardinal Polus expliquant ce rite dans une lettre célèbre adressée à Philippe
II et à la reine Marie, son épouse, est remise à un prince que le Vicaire du
Christ veut honorer, au nom du Christ lui-même qui est Roi ; car l’Ange dit à
Marie : Dieu lui donnera le trône de David son père. C’est de lui seul que
vient la puissance du glaive ; car Dieu dit à Cyrus : Je t’ai ceint de l’épée ;
et le Psalmiste dit au Christ : Ceignez-vous du glaive, ô prince très vaillant
! Mais le glaive ne doit se tirer que pour la justice ; et c’est pour cela
qu’on le bénit en cette nuit, au milieu de laquelle se lève le divin Soleil de
justice. Sur le casque, ornement et protection de la tête, est représentée par
un travail de perles l’image de l’Esprit-Saint, afin que le prince connaisse
que ce n’est point d’après le mouvement de ses passions, ni pour son ambition,
qu’il doit faire usage du glaive, mais uniquement dans la sagesse du divin
Esprit et pour étendre le royaume du Christ sur la terre.
Ineffable mélange d’idées et de sentiments forts et tendres, dont on ne
retrouve l’expression et en même temps l’harmonie que dans cette Rome
chrétienne qui est notre Mère, et qui seule a reçu avec plénitude la lumière et
l’amour ! Cette cérémonie s’est conservée jusqu’aujourd’hui ; et ce serait une
liste glorieuse que celle des grands capitaines de la chrétienté que le Pontife
romain, depuis déjà de longs siècles, a armés ainsi Chevaliers de l’Église et
des nations, dans cette nuit où le Messie descend pour soumettre notre ennemi.
En nous inclinant avec amour devant son berceau, rendons aussi gloire à sa
royauté ; prions-le d’humilier tous les ennemis de son Église, et de terrasser
ceux de notre salut et de notre perfection.
Il est temps maintenant de visiter le troisième des sanctuaires où se doit
accomplir durant cette nuit le mystère de la naissance du divin Fils de Marie.
Or, ce troisième sanctuaire est tout près de nous ; il est en nous : c’est
notre cœur. Notre cœur est la Bethléhem que Jésus veut visiter, dans laquelle
il veut naître, pour s’y établir et y croître jusqu’à l’homme parfait, comme
parle l’Apôtre [70]. S’il visite l’étable de la Cité de David, ce n’est que
pour parvenir plus sûrement à notre cœur qu’il a aimé d’un amour éternel,
jusqu’à descendre du ciel pour le venir habiter. Le sein virginal de Marie ne
l’a conservé que neuf mois ; il veut éternellement résider dans notre cœur.
O cœur du Chrétien, Bethléhem vivante, prépare-toi, et sois dans l’allégresse !
Déjà, tu t’es disposé par l’aveu de tes fautes, par la contrition de tes
offenses, par la pénitence de tes méfaits, à cette union que le divin Enfant
désire contracter avec toi. Maintenant, sois attentif ; il va venir au milieu
de la nuit. Qu’il te trouve donc prêt, comme il trouva l’étable et la crèche et
les langes. Tu ne peux lui offrir les pures et maternelles caresses de Marie,
les tendres soins de Joseph : présente-lui les adorations et l’amour simple des
bergers. Semblable à la Bethléhem des temps actuels, tu habites au milieu des
infidèles, de ceux qui ignorent le divin mystère d’amour : que tes vœux soient
secrets et sincères comme ceux qui monteront cette nuit, vers le ciel, du fond
de la glorieuse et sainte grotte qui réunit autour des fils de saint François
les rares fidèles que la céleste miséricorde trouve à glaner encore au sein d’une
contrée abrutie par plus de mille ans de servitude. Dans la pompe de cette
sainte nuit, deviens semblable à la radieuse Basilique qui garde dans Rome le
dépôt de la sainte Crèche et le doux portrait de la Vierge Mère. Que tes
affections soient pures comme le marbre blanc de ses colonnes ; ta charité
resplendissante comme l’or qui brille à ses lambris ; tes œuvres lumineuses
comme les mille cierges qui, dans son heureuse enceinte, illuminent la nuit de
toutes les splendeurs du jour. Enfin, ô soldat du Christ ! Apprends qu’il faut
combattre pour mériter d’approcher de l’Enfant divin ; combattre pour conserver
en soi sa présence pleine d’amour ; combattre pour arriver à l’heureuse
consommation qui te fera tout un avec lui dans l’éternité. Conserve donc chèrement
ces impressions ; qu’elles te nourrissent, te consolent et te sanctifient,
jusqu’au moment où l’Emmanuel va descendre en toi. O Bethléhem vivante ! Répète
sans cesse cette douce parole de l’Épouse : Venez, Seigneur Jésus ! venez.
Oui, le voici qui vient, et il est temps d’aller à lui. Levons-nous et nous
acheminons vers le saint temple. Avançons-nous à travers la nuit ; le silence
est interrompu par le résonnement des cloches, dont la mélodie est si
solennelle à cette heure inaccoutumée. Leur son un peu voilé, moins éclatant
qu’il ne l’est pendant le jour, annonce l’approche mystérieuse d’un Dieu. C’est
dans un berceau, sous les traits de l’enfance, et non à travers l’épaisse fumée
d’un nuage terrible comme au Sinaï, qu’il se manifeste. On n’entend pas de
foudres mugir ; les éclairs ne sillonnent pas les nuages ; la lune, symbole de
la suave beauté que Marie emprunte au divin Soleil, répand au loin sa
mystérieuse clarté sur notre route. L’armée des astres scintille au firmament ;
et tout à l’heure se lèvera l’Etoile qui doit conduire, d’ici à peu de jours,
les Mages à la Crèche de l’Enfant-Dieu.
Nous touchons enfin le seuil de l’Église. La lumière des lampes et des
flambeaux qui l’éclairent déborde jusque sous le portique. A la vue de ces feux
qui rendent plus splendide encore la décoration de la maison de Dieu, nous nous
rappelons le mot de Clovis entrant le même jour, à cette même heure, dans la
Basilique de Reims où il devait être régénéré : « Mon Père, s’écria le «
Sicambre ébloui , et agité d’une émotion « inconnue, est-ce là le royaume que
vous m’avez « promis ? » — « Non, mon Fils, répondit l’apôtre des Francs, ce
n’est que l’entrée du chemin qui doit t’y conduire. »
LES MATINES DE NOËL.
L’Église ouvre l’Office par la supplication matutinale. Vient ensuite, avec son
glorieux refrain qui annonce la Nativité du Christ, le Cantique invitatoire par
lequel, chaque matin, l’Église convie ses enfants à venir adorer le Seigneur.
Cette nuit, ce sont les Anges eux-mêmes qui nous appellent à la crèche de notre
Rédempteur. Écoutons leurs voix à travers celles de l’Église et du Roi
prophète.
Invitatoire.
Christus natus est nobis : * Veníte, adorémus. Le Christ nous est né : * Venez,
adorons-le.
Après l’Invitatoire, l’Église entonne l’Hymne touchante que saint Ambroise a
composée pour la naissance du Sauveur, et qui a déjà été chantée aux premières
Vêpres. Offrons-la de nouveau à notre libérateur, et goûtons-en de plus en plus
la merveilleuse onction.
Ces préludes étant accomplis, commence le solennel Office de la nuit. Il est
divisé en trois Veilles, ou Nocturnes, composées chacune de trois Psaumes, de
trois lectures appelées Leçons, et de trois Répons en manière d’intermèdes. Le
troisième Nocturne cependant n’a, à proprement parler, que deux Répons ; en place
du troisième on chante le Te Deum. Les interprètes mystiques de la Liturgie ont
reconnu des symboles dans ces trois Nocturnes des Matines de Noël. Le premier
signifie le temps qui s’est écoulé pour le genre humain, avant la Loi écrite
que Dieu donna à Moïse. Au moyen âge, durant ce Nocturne, l’autel était couvert
d’un voile noir, à cause de la condamnation qui fut prononcée contre l’homme
pécheur, et de la grande distance qui, à cette époque, séparait le genre humain
de son libérateur. Le second Nocturne signifie le temps qui s’est écoulé sous
la Loi écrite, et durant ce Nocturne, l’autel était couvert d’un voile blanc ;
parce que, sous la Loi, les hommes recevaient une plus grande lumière au moyen
des figures de l’Ancien Testament et des oracles prophétiques. Enfin, le
troisième signifie le temps de la Loi de grâce, et durant ce Nocturne, l’autel
était couvert d’un voile couleur de pourpre, pour signifier l’amour de l’Époux
et de l’Épouse, dans cette union ineffable que le Fils de Dieu est venu
contracter avec nos âmes.
PREMIER NOCTURNE.
Le premier Psaume des Matines de Noël célèbre la royauté de l’Enfant qui va
naître. Toutes les nations lui seront données en héritage, et un jour il
viendra juger ces rois qui bientôt vont menacer son berceau. Il est le Fils
éternel du Père qui l’a engendré au jour de l’éternité, et qui le manifeste
durant cette nuit aux veux du monde.
Le second Psaume chante la beauté des cieux durant la nuit, et relève le
magnifique témoignage que rend à la grandeur de Dieu l’innombrable multitude
des étoiles. Il passe bientôt à la louange du soleil, dont le lever radieux est
semblable à celui de l’Époux sortant de la chambre nuptiale. Ce soleil est le
divin Emmanuel ; le sein de Marie est son sanctuaire. Aujourd’hui il ouvre sa
course, partant des extrémités de l’abaissement, pour s’élever ensuite au faîte
de la gloire. Adorons-le dans son humilité, et humilions-nous avec lui. Il est
le législateur et la Loi ; il est notre joie et notre lumière ; il est notre
aide et notre Rédempteur : aimons-le et soumettons-nous à lui.
Le troisième Psaume nous montre le Christ vainqueur marchant à la conquête du
monde. Sa beauté et sa douceur sont égales à sa vérité et à sa justice ; nul ne
pourra résister à la puissance de son amour. A sa droite paraît la Reine du
monde, l’auguste Marie, dont le Seigneur a aimé la beauté, et dont la virginité
féconde a enfanté toutes ces âmes pures et consacrées qui suivront à jamais
l’Agneau. Célébrons, en ce sublime cantique, l’ineffable dignité de notre grand
Roi et les doux attraits de notre incomparable Reine.
Les Leçons du premier Nocturne sont tirées du Prophète Isaïe, que l’Église a lu
pendant tout l’Avent. Les Répons qui coupent les Leçons aident les fidèles à se
livrer à la joie que la lecture des divins oracles fait naître en eux. à cette
heure même où ils vont s’accomplir.
DEUXIÈME NOCTURNE.
Le quatrième Psaume des Matines de Noël est un chant de gloire sur l’Église
chrétienne, qui commence aujourd’hui et rassemble dans l’étable de Bethléhem
les prémices des croyants, dans la personne des bergers. Cette nouvelle Sion
qui portera la Cité de Dieu s’élève du côté de l’Aquilon, pour marquer qu’elle
sera ouverte aux Gentils. En vain les princes de la terre chercheront, dans
leur orgueil et dans leurs calculs, à la renverser. Dieu, qui l’a fondée, la
fera triompher ; et seule, elle survivra, dans une jeunesse immortelle, à tous
les empires et à toutes les persécutions.
Le cinquième Psaume prophétise le règne pacifique du Fils de David qui vient
racheter le faible, et briser l’oppresseur. Sa venue est douce et silencieuse,
comme celle de la rosée. C’est cette nuit même que le sein virginal de Marie
nous le produit. Il est cette pluie annoncée par les prophètes à la terre
haletante. Son règne sera glorieux et éternel. Bientôt les rois se présenteront
à ses pieds avec For de l’Arabie et l’encens de Saba. Lui, en retour, donnera à
son peuple, pour le nourrir, le pur froment de son corps, et l’Église sera
toujours Bethléhem, la Maison du Pain.
Le sixième Psaume est une effusion de reconnaissance pour la bénédiction que
vient nous apporter l’Enfant divin. La colère du Tout-Puissant est tombée ;
elle s’est dissipée à la vue d’un berceau qui contient Celui qui est à la fois
Fils de Dieu et Fils de Marie. Écoutons au fond de nos cœurs la douce parole du
nouveau-né. La justice et la paix se donnent le baiser : la Vérité incarnée
habite maintenant la terre, et la justice du Père la contemple du haut du ciel.
On ouvre le livre qui contient les Sermons des anciens Pères. Saint Léon le
Grand répétera aujourd’hui l’un de ces magnifiques discours qui faisaient
tressaillir de joie l’Église romaine au cinquième siècle.
A Rome, si le chevalier auquel ont été destinés le casque et l’épée, qui ont
été bénits avant les Matines par le Souverain Pontife, se trouve présent, c’est
lui-même qui doit lire la cinquième Leçon, parce qu’il y est parlé du grand
combat du Christ contre le démon, dans le glorieux mystère de l’Incarnation.
Pendant le chant du Répons O Magnum mysterium, les maîtres des cérémonies le
conduisent aux pieds du Pape, en présence duquel il tire son épée, en touche
trois fois la terre avec la pointe, la brandit trois fois d’une façon martiale,
et enfin l’essuie sur son bras gauche. Il est ensuite conduit au pupitre, ôte
son casque, se revêt du pluvial par-dessus son armure, et lit enfin la Leçon.
Telles sont les dispositions du Cérémonial de la sainte Église Romaine, dressé
à une époque où la force matérielle aimait à s’incliner devant l’idée morale,
où le chevalier bardé de fer attestait qu’il voulait marcher à la suite du
Christ, vainqueur de Satan.
TROISIÈME NOCTURNE.
Le septième Psaume des Matines de Noël contient les derniers cris du peuple
juif vers le Messie libérateur. Juda est tombé sous les coups de la puissance
romaine ; le sceptre lui a été enlevé ; Jérusalem est souillée par la présence
des Gentils : et cependant le Christ ne paraît pas encore. Le Psaume rappelle
au Dieu de Jacob ses promesses, faites à David et à sa race : ce règne éternel
qui tarde tant à s’ouvrir, ces oracles prophétiques dont le prompt
accomplissement peut seul arrêter les blasphèmes superbes des Gentils. Mais
l’heure a sonné ; la Judée et la Gentilité ont assez attendu : c’est à cette
heure même que Jéhovah a résolu d’acquitter ses serments.
Le huitième Psaume célèbre avec enthousiasme la venue du Seigneur ; il invite
tous les peuples à l’adorer, toute la nature à lui rendre hommage. Il vient
régner, ce Messie ; il vient raffermir la création tout entière qui s’écroulait
: chantons-lui un Cantique nouveau.
Le neuvième Psaume est aussi un Cantique nouveau à la louange du Sauveur qui
arrive, et du Seigneur qui nous l’envoie. Jéhovah s’est ressouvenu de ses
miséricordes, et bientôt la terre entière verra l’Emmanuel. Faisons retentir
cette sainte nuit des bruyants concerts de l’enthousiasme, et prêtons une voix
à toute la nature régénérée par l’heureux avènement de son auteur.
On lit ensuite successivement le commencement des divers textes du saint
Évangile qui seront lus plus tard en entier, à chacune des trois Messes par
lesquelles l’Église honore la Naissance du Sauveur. Les saints Docteurs
commentent ces sublimes mystères dans leurs Homélies.
Le premier texte, qui est de saint Luc, est expliqué par saint Grégoire le
Grand. Il rapporte l’édit de l’empereur Auguste pour le dénombrement de
l’empire romain. Cette septième Leçon, suivant le Cérémonial de la sainte
Église Romaine, doit être lue par l’Empereur lui-même, s’il se trouve à Rome,
afin d’honorer la puissance impériale dont les décrets, appelant à Bethléhem
Marie et Joseph, procurèrent l’accomplissement des volontés du Très-Haut,
manifestées par les Prophètes. L’Empereur est conduit devant le Pape, comme le
chevalier qui a chanté la cinquième Leçon ; on le revêt du pluvial ; deux
Cardinaux-Diacres lui ceignent l’épée et l’accompagnent au pupitre. La Leçon
étant lue, l’Empereur se présente de nouveau devant le Pontife et lui baise le
pied, comme au Vicaire du Christ qu’il vient d’annoncer. Ce cérémonial fut
encore observé, en 1468, par l’Empereur Frédéric III, en présence du Pape Paul
II.
Le second texte de l’Évangile, qui fait le sujet de la huitième Leçon, est
encore emprunté à saint Luc, et il est commenté par saint Ambroise. C’est le
récit de la venue des bergers à l’étable.
Le troisième texte de l’Évangile, qui fait le sujet de la neuvième Leçon, est
le commencement de l’Évangile de saint Jean, et il est expliqué par saint
Augustin. C’est la génération éternelle du Verbe.
Après le Cantique d’action de grâces, l’Église clôt l’Office des Matines par
l’raison qui résume tous ses vœux dans cette nouvelle Nativité du Fils unique
de Dieu.
A LA MESSE DE MINUIT.
Il est temps, maintenant, d’offrir le grand Sacrifice, et d’appeler l’Emmanuel
: lui seul peut acquitter dignement envers son Père la dette de reconnaissance
du genre humain. Sur notre autel, comme au sein de la crèche, il intercédera
pour nous ; nous l’approcherons avec amour, et il se donnera à nous.
Mais telle est la grandeur du Mystère de ce jour, que l’Église ne se bornera
pas à offrir un seul Sacrifice. L’arrivée d’un don si précieux et si longtemps
attendu mérite d’être reconnue par des hommages nouveaux. Dieu le Père donne
son Fils à la terre ; l’Esprit d’amour opère cette merveille : il convient que
la terre renvoie à la glorieuse Trinité l’hommage d’un triple Sacrifice.
De plus, Celui qui naît aujourd’hui n’est-il pas manifesté dans trois
Naissances ? Il naît, cette nuit, de la Vierge bénie ; il va naître, par sa
grâce, dans les cœurs des bergers qui sont les prémices de toute la chrétienté
; il naît éternellement du sein de son Père, dans les splendeurs des Saints :
cette triple naissance doit être honorée par un triple hommage.
La première Messe honore la Naissance selon la chair. Les trois Naissances sont
autant d’effusions de la divine lumière ; or, voici l’heure où le peuple qui
marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière, et où le jour s’est levé
sur ceux qui habitaient la région des ombres de la mort. En dehors du temple
saint qui nous réunit, la nuit est profonde : nuit matérielle, par l’absence du
soleil ; nuit spirituelle, à cause des péchés des hommes qui dorment dans
l’oubli de Dieu, ou veillent pour le crime. A Bethléhem, autour de l’étable,
dans la cité, il fait sombre ; et les hommes qui n’ont pas trouvé de place pour
l’Hôte divin, reposent dans une paix grossière ; mais ils ne seront point
réveillés par le concert des Anges.
Cependant, à l’heure de minuit, la Vierge a senti que le moment suprême est
arrivé. Son cœur maternel est tout à coup inondé de délices inconnues ; il se
fond dans l’extase de l’amour. Soudain, franchissant par sa toute-puissance les
barrières du sein maternel, comme il pénétrera un jour la pierre du sépulcre,
le Fils de Dieu, Fils de Marie, apparaît étendu sur le sol, sous les yeux de sa
mère, vers laquelle il tend ses bras. Le rayon du soleil ne franchit pas avec
plus de vitesse le pur cristal qui ne saurait l’arrêter. La Vierge-Mère adore
cet enfant divin qui lui sourit ; elle ose le presser contre son cœur ; elle
l’enveloppe des langes qu’elle lui a préparés ; elle le couche dans la crèche.
Le fidèle Joseph adore avec elle ; les saints Anges, selon la prophétie de
David, rendent leurs profonds hommages à leur Créateur, dans ce moment de son
entrée sur cette terre. Le ciel est ouvert au-dessus de l’étable, et les
premiers vœux du Dieu nouveau-né montent vers le Père des siècles ; ses
premiers cris, ses doux vagissements arrivent à l’oreille du Dieu offensé, et
préparent déjà le salut du monde. Au même moment, la pompe du Sacrifice attire
tous les regards des fidèles vers l’autel ; les ministres sacrés s’ébranlent,
le prêtre sacrificateur est arrivé aux degrés du sanctuaire. Cependant le chœur
chante le cantique d’entrée, l’Introït. C’est Dieu même qui parle ; il dit à
son Fils qu’il l’a engendré aujourd’hui. En vain, les nations frémiront dans
leur impatience de son joug ; cet enfant les domptera, et il régnera ; car il
est le Fils de Dieu.
Le chant du Kyrie eleison prélude à l’Hymne Angélique, qui éclate bientôt par
ces sublimes paroles : Gloria in excelsis Deo, et in terra pax hominibus bonae
voluntatis ! Unissons nos voix et nos cœurs à cet ineffable concert de la
milice céleste. Gloire à Dieu ! paix aux hommes ! Les Anges, nos frères, ont
entonné ce cantique ; ils sont là autour de l’autel, comme autour de la crèche,
et ils chantent notre bonheur. Ils adorent cette justice qui n’a pas donné de
rédempteur à leurs frères tombés, et qui nous envoie pour libérateur le propre
Fils de Dieu. Ils glorifient cet abaissement si plein d’amour dans Celui qui a
fait l’ange et l’homme, et qui s’incline vers ce qu’il y a de plus faible. Ils
nous prêtent leurs voix célestes pour rendre grâces à Celui qui, par un si doux
et si puissant mystère, nous appelle, nous humbles créatures humaines, à
remplir un jour, dans les chœurs angéliques, les places laissées vacantes par
la chute des esprits rebelles. Anges et mortels, Église du ciel, Église de la
terre, chantons la gloire de Dieu, la paix donnée aux hommes ; et plus le Fils
de l’Eternel s’abaisse pour nous apporter de si grands biens, plus ardemment
devons-nous chanter d’une voix : Solus Sanctus, solus Dominus, solus
Altissimus, Jesu Christe ! Seul Saint, seul Seigneur, seul Très-Haut,
Jésus-Christ !
La Collecte vient ensuite réunir tous les vœux des fidèles.
ÉPÎTRE.
Il a donc enfin apparu, dans sa grâce et sa miséricorde, ce Dieu Sauveur qui
seul pouvait nous arracher aux œuvres de la mort, et nous rendre la vie. Il se
montre à tous les hommes, en ce moment même, dans l’étroit réduit de la crèche,
et sous les langes de l’enfance. La voilà, cette béatitude que nous attendions
de la visite d’un Dieu sur la terre ; purifions nos cœurs, rendons-nous
agréables à ses yeux : car s’il est enfant, l’Apôtre vient de nous dire qu’il
est aussi le grand Dieu, le Seigneur dont la naissance éternelle est avant tous
les temps. Chantons sa gloire avec les saints Anges et avec l’Église.
ÉVANGILE.
Nous aussi, ô divin Enfant, nous joignons nos voix à celles des Anges, et nous
chantons : Gloire à Dieu ! paix aux hommes ! Cet ineffable récit de votre
naissance attendrit nos cœurs, et fait couler nos larmes. Nous vous avons
accompagné dans le voyage de Nazareth à Bethléhem, nous avons suivi tous les
pas de Marie et de Joseph, dans le cours de cette longue route ; nous avons veillé,
durant cette sainte nuit, attendant l’heureux moment qui vous montre à nos
regards. Soyez loué, ô Jésus, pour tant de miséricorde : soyez aimé, pour tant
d’amour. Nos yeux ne peuvent se détacher de cette heureuse crèche qui contient
notre salut. Nous vous y reconnaissons tel que vous ont dépeint à nos
espérances les saints Prophètes, dont votre Église nous a remis, cette nuit
même, les divins oracles sous les yeux. Vous êtes le grand Dieu, le Roi
pacifique, l’Époux céleste de nos âmes ; vous êtes notre Paix, notre Sauveur,
notre Pain de vie. Que vous offrirons-nous, à cette heure, sinon cette bonne
volonté que nous recommandent vos saints Anges ? Formez-la en nous ;
nourrissez-la, afin que nous méritions de devenir vos frères par la grâce,
comme nous le sommes désormais par la nature humaine. Mais vous faites plus
encore dans ce mystère, ô Verbe incarné ! Vous nous y rendez, comme parle votre
Apôtre, participants de cette nature divine que vos abaissements ne vous ont
point fait perdre. Dans l’ordre de la création, vous nous avez placés
au-dessous des Anges ; dans votre incarnation, vous nous faites héritiers de
Dieu, et vos propres cohéritiers. Que nos péchés et nos faiblesses ne nous
fassent donc pas descendre de ces hauteurs auxquelles vous nous élevez
aujourd’hui.
Après l’Évangile, l’Église chante en triomphe le glorieux Symbole de la foi,
dans lequel sont racontés tous les mystères de l’Homme-Dieu A ces paroles : Et
incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine, et HOMO FACTUS EST, adorez
profondément le grand Dieu qui a pris la forme de sa créature, et rendez-lui
par vos plus humbles respects cette gloire dont il se dépouille pour vous. Aux
trois Messes d’aujourd’hui, lorsque le chœur est arrivé à ces paroles dans le
chant du Symbole, le Prêtre se lève de son siège, et vient rendre gloire, à
genoux, au pied de l’autel. Unissez en ce moment vos adorations à celles de
toute l’Église représentée par le sacrificateur.
Pendant l’offrande du pain et du vin, l’Église célèbre la joie du ciel et de la
terre pour l’arrivée du Seigneur. Encore un peu de temps, et sur cet autel qui
ne porte encore que le pain et le vin, nous posséderons le corps et le sang de
notre Emmanuel.
La Préface vient ensuite réunir les actions de grâces de tous les fidèles, et
se termine par l’acclamation au Seigneur trois fois Saint. Au moment de
l’élévation des sacrés Mystères, au sein de ce silence religieux durant lequel
le Verbe divin descend sur l’autel, ne voyez plus que la crèche de l’Enfant qui
tend ses bras vers son Père et vous offre ses caresses, et Marie qui l’adore
avec un amour de mère, et Joseph qui verse des pleurs de tendresse, et les
saints Anges qui s’anéantissent dans l’étonnement. Donnez votre cœur au
nouveau-né, afin qu’il y inspire tous ces sentiments ; demandez lui de venir en
vous, et faites-lui place au-dessus de toutes vos affections.
Après la Communion, l’Église, qui vient de s’unir au Dieu-Enfant par la
participation de ses Mystères, chante encore une fois la gloire de l’éternelle
génération de ce Verbe divin qui est sorti du sein de son Père avant toute
créature, et qui, cette nuit, a apparu au monde avant le lever de l’étoile du
matin.
La sainte Église conclut les supplications de ce premier Sacrifice, en
demandant la grâce d’une indissoluble union avec le Sauveur qui a daigné
apparaître.
La nuit miraculeuse poursuit son cours ; le chant du coq se fait entendre.
Bientôt l’heure sera venue d’offrir le second Sacrifice, qui doit sanctifier
l’aurore. Chaque jour, l’Église est en prière à ce moment qui précède le lever
du soleil, et qui rappelle si vivement le mystère du Verbe divin descendu pour
illuminer le monde. Cet Office est tout entier consacré à la louange et à la
jubilation ; et, pour cette raison, il a reçu le nom de Laudes. Aujourd’hui
l’Église l’anticipe, afin de réserver pour l’instant où l’aurore paraîtra au
ciel un sacrifice de louange plus complet, plus divin, l’Hostie Eucharistique
qui acquitte toutes les dettes de la terre.
LES LAUDES DE NOËL.
L’Office des Laudes est aussi solennel que celui des Vêpres, et présente avec
lui de grandes analogies. L’un et l’autre rappellent magnifiquement le divin
Soleil de justice, dont les Laudes représentent le lever glorieux, tandis que
les Vêpres, nous montrant l’astre du jour à son couchant et la nuit qui arrive
avec ses ombres, engagent nos cœurs à soupirer après le jour éternel qui n’aura
point de déclin, et dont l’Agneau est l’immortel flambeau. Les Laudes sont
l’encens du matin, comme les Vêpres sont l’encens du soir : les mystères de la
journée liturgique s’accomplissent entre ces deux termes solennels.
Le premier Psaume des Laudes nous montre le Seigneur dans sa force et son
infinie grandeur. Sa naissance merveilleuse vient raffermir la terre ébranlée.
Il naît dans le temps ; mais il est avant les siècles. La voix des grandes eaux
est imposante ; mais la puissance d’Emmanuel est plus irrésistible que l’Océan
dans ses élancements. Marchons en sa présence, dans une sainteté digne de sa
Maison qu’il est venu nous ouvrir.
Le Psaume suivant convoque tous les habitants de la terre à entrer dans la
maison du Seigneur, cette Bethléhem où éclate en ce moment sa présence. Il est
le souverain Pasteur, et nous sommes ses brebis. Bien qu’il soit le Dieu fort,
il est doux et miséricordieux : célébrons sa venue dans l’allégresse et la
reconnaissance.
Les deux Psaumes suivants, que l’Église réunit en un seul [71], sont le cri de
l’âme fidèle vers le Seigneur, au moment où l’aurore paraît au ciel. Dès son
réveil, le chrétien a soif du grand Dieu qui l’a créé et qui l’a délivré de ses
ennemis. A l’heure où nous sommes, ce Dieu plein de miséricorde est devant
nous, dans son berceau ; il vient nous nourrir de sa substance :
réjouissons-nous donc en lui. Bientôt, le soleil paraîtra au ciel ; mais déjà
l’Agneau, Soleil de justice, nous illumine de ses doux rayons. Qu’il daigne
épancher sa lumière sur toutes les nations ; que la terre le bénisse, ce fruit
divin qu’elle a produit.
Le Cantique, dans lequel les trois enfants de la fournaise de Babylone
appelaient toutes les créatures de Dieu à bénir son Nom, est chanté par
l’Église dans toutes les solennités, à l’Office des Laudes. Il prête une voix à
toute la nature, et convie l’œuvre de Dieu tout entière à louer son auteur :
n’est-il pas juste que les cieux et la terre s’unissent aujourd’hui pour rendre
hommage au grand Dieu qui vient, par sa présence, relever son œuvre tombée par
le péché ?
Ces trois derniers Psaumes que l’Église réunit en un seul [72], sont aussi les
derniers du Psautier. Ils renferment la louange du Seigneur, et convoquent
toutes les créatures à le célébrer. Le premier offre un grand rapport avec le
Cantique des trois enfants ; le deuxième convie les Saints à chanter le
Seigneur qui les a glorifiés et associés à ses justices ; le troisième invite
tout ce qui respire à former, en l’honneur de l’Emmanuel, le plus brillant et
le plus harmonieux concert.
Le Capitule qui vient ensuite est le début de l’Épître de saint Paul aux
Hébreux ; nous le retrouverons avec la suite, à la Messe du Jour.
Sédulius, poète chrétien du IV siècle, est l’auteur de la gracieuse Hymne qui
suit : A solis ortus cardine
On entonne ensuite le Cantique de Zacharie, par lequel l’Église salue, chaque
matin, le lever du soleil. Il célèbre la visite du Seigneur, l’accomplissement
des promesses de Dieu, l’apparition du divin Orient au milieu de nos ténèbres.
LA MESSE DE L’AURORE.
L’Office des Laudes est achevé, les cantiques de réjouissance par lesquels
l’Église remercie le Père des siècles de ce qu’il a fait lever son Soleil de
justice sont épuisés : il est temps d’offrir le second Sacrifice, le Sacrifice
de l’aurore. La sainte Église a glorifié, par la première Messe, la naissance
temporelle du Verbe, selon la chair ; à cette heure, elle va honorer une
seconde naissance du même Fils de Dieu, naissance de grâce et de miséricorde,
celle qui s’accomplit dans le cœur du chrétien fidèle.
Voici que, dans ce moment même, des bergers invités par les saints Anges
arrivent en hâte à Bethléhem ; ils se pressent dans l’étable, trop étroite pour
contenir leur foule. Dociles à l’avertissement du ciel, ils sont venus
reconnaître le Sauveur qu’on leur a dit être né pour eux. Ils trouvent toutes
choses telles que les Anges les leur ont annoncées. Qui pourrait dire la joie
de leur cœur, la simplicité de leur foi ? Ils ne s’étonnent point de
rencontrer, sous les livrées d’une pauvreté pareille à la leur, Celui dont la
naissance émeut les Anges mêmes. Leurs cœurs ont tout compris ; ils adorent,
ils aiment cet Enfant. Déjà ils sont chrétiens : l’Église chrétienne commence
en eux ; le mystère d’un Dieu abaissé est reçu dans les cœurs humbles. Hérode
cherchera à faire périr l’Enfant ; la Synagogue frémira ; ses docteurs
s’élèveront contre Dieu et contre son Christ ; ils mettront à mort le
libérateur d’Israël ; mais la foi demeurera ferme et inébranlable dans l’âme
des bergers, en attendant que les sages et les puissants s’abaissent à leur
tour devant la crèche et la croix.
Que s’est-il donc passé au cœur de ces hommes simples ? Le Christ y est né, il
y habite désormais par la foi et l’amour. Ils sont nos pères dans l’Église ; et
c’est à nous de leur devenir semblables. Appelons donc, à notre tour, le divin
Enfant dans nos âmes ; faisons-lui place, et que rien ne lui ferme plus
l’entrée de nos cœurs. C’est pour nous aussi que parlent les Anges, c’est à
nous qu’ils annoncent l’heureuse nouvelle ; le bienfait ne doit pas s’arrêter
aux seuls habitants des campagnes de Bethléhem. Or, afin d’honorer le mystère
de la venue silencieuse du Sauveur dans les âmes, le Prêtre va tout à l’heure
remonter au saint autel, et présenter, pour la seconde fois, l’Agneau sans
tache aux regards du Père céleste qui l’envoie.
Que nos yeux soient donc fixés sur l’autel, comme ceux des bergers sur la
crèche ; cherchons-y, comme eux, l’Enfant nouveau-né, enveloppé de langes. En
entrant dans l’étable, ils ignoraient encore Celui qu’ils allaient voir ; mais
leurs cœurs étaient préparés. Tout à coup ils l’aperçoivent, et leurs yeux
s’arrêtent sur ce divin Soleil. Jésus, du fond de la crèche, leur envoie un
regard de son amour ; ils sont illuminés, et le jour se fait dans leurs cœurs.
Méritons qu’elle s’accomplisse en nous, cette parole du prince des Apôtres : «
La lumière luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour vienne à briller,
et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs. » [73]
Nous y sommes arrivés, à cette aurore bénie ; il a paru, le divin Orient que
nous attendions, et il ne se couchera plus sur notre vie : car nous voulons
craindre par-dessus tout la nuit du péché dont il nous délivre. Nous sommes les
enfants de la lumière et les fils du jour [74] ; nous ne connaîtrons plus le
sommeil de la mort ; mais nous veillerons toujours, nous souvenant que les
bergers veillaient quand l’Ange leur parla, et que le ciel s’ouvrit sur leurs têtes.
Tous les chants de cette Messe de l’Aurore vont nous redire la splendeur du
Soleil de justice ; goûtons-les comme des captifs longtemps enfermés dans une
prison ténébreuse, aux yeux desquels une douce lumière vient rendre la vue. 11
resplendit, au fond de la crèche, ce Dieu de lumière ; ses divins rayons
embellissent encore les augustes traits de la Vierge-Mère qui le contemple avec
tant d’amour ; le visage vénérable de Joseph en reçoit aussi un éclat nouveau ;
mais ces rayons ne s’arrêtent pas dans l’étroite enceinte de la grotte. S’ils
laissent dans ses ténèbres méritées l’ingrate Bethléhem, ils s’élancent par le
monde entier, et allument dans des millions de cœurs un amour ineffable pour
cette Lumière d’en haut qui arrache l’homme à ses erreurs et à ses passions, et
l’élève vers la sublime fin pour laquelle il a été créé.
Mais, à ce moment, la sainte Église, au milieu de tous ces mystères du Dieu
incarné, nous présente, au sein même de l’humanité, un autre objet d’admiration
et d’allégresse. Au souvenir si cher et si glorieux de la Naissance de
l’Emmanuel, elle unit, dans ce Sacrifice de l’Aurore, la mémoire solennelle
d’une de ces âmes courageuses qui ont su conserver la Lumière du Christ, en
dépit de tous les assauts des ténèbres. Elle honore, à cette heure même, une
pieuse veuve romaine qui, en ce jour de la naissance du Rédempteur, naquit à la
vie céleste, par la croix et la souffrance, sous la persécution de Dioclétien.
Anastasie, épouse d’un Romain nommé Publius, eut beaucoup à souffrir de la brutalité
de ce païen, qui s’irritait de sa générosité envers les serviteurs de Dieu.
Après de cruels traitements endurés avec patience, elle fut enfin affranchie du
joug qui l’accablait ; mais s’étant vouée à la visite et au soulagement des
confesseurs de la foi qui remplissaient les prisons de Rome durant cette
affreuse persécution, elle fut arrêtée elle-même comme chrétienne, liée à un
poteau et brûlée vive. Son Église, à Rome, bâtie sur l’emplacement de sa
maison, est le lieu de la Station pour la Messe de l’Aurore ; et autrefois le
Souverain Pontife y venait célébrer cette seconde Messe. Léon XII l’a encore
pratiqué en ce siècle.
Admirons ici la délicatesse maternelle de la sainte Église, qui, voulant
associer le nom d’une sainte à la gloire de cette solennité dans laquelle
triomphe si merveilleusement la virginité de Marie, a choisi de préférence une
sainte veuve, afin de montrer que l’état du mariage, quoique inférieur en
sainteté et en dignité à celui de la continence, n’est cependant pas déshérité
des bénédictions que le divin enfantement a méritées à la terre. En ce même
jour, une vierge, sainte Eugénie, a souffert à Rome un cruel et courageux
martyre, sous la persécution de Gallien ; cependant, l’épouse de Publius,
Anastasie, a été préférée. Cette attention, si pleine d’intelligence maternelle
de la part de l’Église, rappelle tout naturellement ces belles paroles de saint
Augustin dans son IXe Sermon pour la fête de Noël :
« Triomphez, vierges du Christ : la Mère du Christ est votre compagne. Vous n’avez
pas enfanté le Christ ; mais, pour le Christ, vous avez renoncé aux douceurs
delà maternité ; Celui qui n’est pas né de vous, est né pour vous. Cependant,
si vous vous souvenez de sa parole, n’êtes-vous pas vous-mêmes ses propres
mères, puisque vous faites la volonté de son Père ? car il a dit : Celui qui
fait la volonté de mon Père, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère.
« Triomphez, veuves du Christ ; car vous avez voué une sainte continence à
Celui qui a rendu féconde la virginité. Triomphez aussi, chasteté nuptiale,
vous toutes qui vivez dans la fidélité à vos époux ; ce que vous perdez selon
la chair, vous le gardez dans votre cœur. Que votre conscience demeure vierge,
par cette foi qui fait que l’Église est vierge tout entière. Le Christ est Vérité,
Paix et Justice : concevez-le par la foi, enfantez-le par les œuvres ; ce que
le sein de Marie a fait pour la chair du Christ, que votre cœur le fasse pour
la loi du Christ. Comment n’auriez-vous pas votre part dans l’enfantement de la
Vierge, puisque vous êtes les membres du Christ ? Marie a enfanté Celui qui est
le Chef ; l’Église vous a enfantées, vous qui êtes les membres. Car elle aussi
est mère et vierge : mère par ses entrailles de charité, vierge par l’intégrité
de la foi et de la piété. »
Mais il est temps de lever les yeux vers le saint autel, où le Sacrifice
commence. L’Introït célèbre le lever du divin Soleil. L’éclat de son aurore
annonce déjà les splendeurs de son midi. Il a en partage la force et la beauté
; ils s’est armé pour sa victoire, et son nom est le Prince de la Paix.
La prière de l’Église, en cette Messe de l’Aurore, est pour implorer l’effusion
des rayons du Soleil de justice sur lésâmes, afin qu’elles deviennent fécondes
en œuvres de lumière, et que les anciennes ténèbres ne reparaissent plus.
ÉPÎTRE.
Le Soleil qui s’est levé sur nous, c’est un Dieu Sauveur, dans toute sa
miséricorde. Nous étions loin de Dieu, dans les ombres de la mort ; il a fallu
que les divins rayons descendissent jusqu’au fond de l’abîme où le péché nous
avait précipités ; et voilà que nous en sortons régénérés, justifiés, héritiers
de la vie éternelle. Qui nous séparera maintenant de l’amour de cet Enfant ?
Voudrions-nous rendre inutiles les merveilles d’un amour si généreux, et
redevenir encore les esclaves des ténèbres de la mort ? Gardons bien plutôt
l’espérance de la vie éternelle, à laquelle de si hauts mystères nous ont
initiés.
ÉVANGILE.
Imitons l’empressement des bergers à aller trouver le nouveau-né. A peine
ont-ils entendu la parole de l’Ange, qu’ils partent sans aucun retard, et se
rendent à l’étable. Arrivés en présence de l’Enfant, leurs cœurs déjà préparés
le reconnaissent ; et Jésus, par sa grâce, prend naissance en eux. Ils se
réjouissent d’être petits et pauvres comme lui ; ils sentent qu’ils lui sont
unis désormais, et toute leur conduite va rendre témoignage du changement qui
s’est opéré dans leur vie. En effet, ils ne se taisent pas, ils parlent de
l’Enfant, ils s’en font les apôtres ; et leur parole ravit d’admiration ceux
qui les entendent. Glorifions avec eux le grand Dieu qui, non content de nous
appeler à son admirable lumière, en a placé le foyer dans notre cœur, en
s’unissant à lui. Conservons chèrement en nous le souvenir des mystères de
cette grande nuit, à l’exemple de Marie, qui repasse sans cesse dans son très
saint Cœur les simples et sublimes événements qui s’accomplissent par elle et
en elle. Pendant l’offrande des dons sacrés, l’Église relève la puissance de
l’Emmanuel, qui, pour raffermir ce monde déchu, s’est abaissé jusqu’à n’avoir,
pour former sa cour, que d’humbles bergers, mais qui n’en est pas moins assis
sur son trône de gloire et de divinité, à jamais, et avant tous les siècles.
Après la communion du Prêtre et du peuple, la sainte Église, tout illuminée de
la douce lumière de son Époux auquel elle vient de s’unir, s’applique à
elle-même ces paroles du Prophète Zacharie annonçant la venue du Roi Sauveur.
Le second Sacrifice achevé, et la Naissance de grâce ayant été célébrée par
cette nouvelle immolation de l’immortelle victime, les fidèles se retirent de
l’église, et vont réparer leurs forces par le sommeil, en attendant la
célébration du troisième Sacrifice.
Dans l’étable de Bethléhem, Marie et Joseph veillent auprès de la crèche. La
Vierge-Mère prend respectueusement dans ses bras le nouveau-né et lui présente
le sein. Le Fils de l’Eternel, comme un simple mortel, s’abreuve à cette source
de la vie. Saint Éphrem essaye de nous initier aux sentiments qui se pressent
alors dans l’âme de Marie, et il nous traduit ainsi son langage :
« Par quelle faveur ai-je enfanté Celui qui étant simple se multiplie partout,
Celui que je tiens petit dans mes bras et qui est si grand, Celui qui est à moi
ici tout entier, et qui tout entier est aussi en tous lieux ? Le jour où Gabriel
descendit vers ma faiblesse, de servante que j’étais, je devins princesse. Toi,
le Fils du Roi, tu fis de moi tout à coup la fille de ce Roi éternel. Humble
esclave de ta divinité, je devins la mère de ton humanité, ô mon seigneur et
mon fils ! De toute la descendance de David, tu es venu choisir cette pauvre
jeune fille et tu l’as entraînée jusque dans les hauteurs du ciel où tu règnes.
Oh ! quelle vue ! un enfant plus ancien que le monde ! son regard cherche le
ciel ; ses lèvres ne s’ouvrent pas ; mais dans ce silence, c’est avec Dieu
qu’il converse. Cet œil si ferme n’indique-t-il pas Celui dont la Providence
gouverne le monde ? Et comment osé-je lui donner mon lait, à lui qui est la
source de tous les êtres ? comment lui servirai-je la nourriture, à lui qui
alimente le monde entier ? comment pourrai-je manier ces langes qui enveloppent
Celui qui est revêtu de la lumière [75] ? »
Le même saint Docteur du IVe siècle nous montre saint Joseph remplissant auprès
de l’Enfant divin les touchants devoirs du père. Il embrasse, dit-il, le
nouveau-né, il lui prodigue ses caresses, et il sait que cet enfant est un
Dieu. Hors de lui, il s’écrie : « D’où me vient cet honneur que le Fils du
Très-Haut me soit ainsi donné pour fils ? O enfant, je fus alarmé, je le confesse,
au sujet de ta mère : je songeais même à m’éloigner d’elle. L’ignorance où
j’étais du mystère m’avait été un piège. En ta mère cependant résidait le
trésor caché qui devait faire de moi le plus opulent des hommes. David mon
aïeul ceignit le diadème royal, moi j’étais descendu jusqu’au sort de l’artisan
; mais la couronne que j’avais perdue est revenue à moi, lorsque, Seigneur des
rois, tu daignes te reposer sur mon sein. [76] » Au milieu de ces colloques
sublimes, la lumière du nouveau-né, devant laquelle pâlit celle du soleil qui
se lave, remplit toujours la grotte et ses alentours ; mais, les bergers étant
partis, les chants des Anges étant suspendus, le silence s’est fait dans ce
mystérieux asile. En prenant notre repos sur notre couche, songeons au divin
Enfant, et à cette première nuit qu’il passe dans son humble berceau. Pour se
conformer aux nécessités de notre nature qu’il a adoptée, il clôt ses tendres
paupières, et un sommeil volontaire vient parfois endormir ses sens ; mais, au
milieu de ce sommeil, son cœur veille et s’offre sans cesse pour nous. Parfois
aussi, il sourit à Marie qui tient ses yeux attachés sur lui avec un ineffable
amour ; il prie son Père, il implore le pardon des hommes ; il expie leur
orgueil par ses abaissements ; il se montre à nous comme un modèle de l’enfance
que nous devons imiter. Prions-le de nous donner part aux grâces de son divin
sommeil, afin que, après avoir dormi dans la paix, nous puissions nous
réveiller dans sa grâce, et poursuivre avec fermeté notre marche dans la voie
qui nous reste à parcourir.
LA JOURNÉE DE NOËL.
Le son des cloches, qui annonce l’approche de la troisième Messe, de la Messe
du Jour, est venu interrompre joyeusement notre sommeil. Elles semblent
répéter, avec l’Église, ces belles paroles qui ont ouvert les chants de la
longue veille de cette nuit : Le Christ nous est né ; venez, adorons-le !
Le soleil luit au ciel, non point avec les feux qu’il versera au solstice d’été
; mais sa lumière pâle n’annonce pas moins la victoire. Aujourd’hui, il a
vaincu les ombres, et il monte dans le ciel comme un conquérant assuré du
triomphe. Adorons, sous son emblème, le Soleil de Justice, Jésus notre doux
Sauveur, qui débute aussi dans sa glorieuse carrière.
En attendant le moment de partir pour l’église, puisons l’aliment de notre
prière matutinale dans les chants divers des Liturgies antiques. Tous sont
pleins de joie et de tendresse ; tous célèbrent le triomphe de la lumière,
l’amour du nouveau-né, la gloire de sa Mère.
Lisons d’abord ces gracieuses strophes de Prudence, le prince des poètes
chrétiens, dans son Hymne qui a pour titre : VIII. Kal. Januarias.
HYMNE.
Pourquoi, abandonnant son cours si restreint naguère, le soleil remonte-t-il à
l’horizon ? N’est-ce point que sur la terre est né le Christ, qui ouvre une
voie plus large à la lumière ?
Oh ! quel pâle et fugitif éclat dans ces jours si prompts à s’enfuir ! Comme le
ilambeau du jour, presque éclipsé, éteignait peu à peu ses vacillantes lueurs !
Aujourd’hui, que le ciel s’épanouisse dans sa joie ; que la terre, en son
allégresse, tressaille : voici que, pas à pas, le jour remonte à ses plus
brillantes phases.
C’est toi, c’est ta naissance, Enfant divin , que saluent les éléments inertes
et aveugles ! C’est pour toi que le roc dompté fléchit, et couvre ses âpres
flancs de verdure.
Déjà le miel coule à flots de la pierre ; déjà l’yeuse, de son tronc aride,
distille les larmes odorantes de l’amôme ; déjà le baume naît sur les bruyères.
Qu’elle est sainte, ô Roi de l’éternité, cette crèche qui te sert de berceau,
que les peuples et les siècles vénèrent, que même les animaux muets entourent
avec sollicitude !
Entendons maintenant les diverses Églises, de l’Orient, plus voisines à
commencer par celles des lieux où le grand événement s’accomplit. Voici d’abord
l’Église de Syrie, ayant pour chantre saint Éphrem, qui entonne son Cantique :
Le Fils étant né, la lumière a brillé ; les ténèbres du monde se sont
évanouies, et l’univers a été illuminé ; qu’il rende gloire à l’Enfant qui
l’illumine.
Il est né du sein de la Vierge, et à sa vue les ombres se sont enfuies : les
ténèbres de l’erreur étant dissipées par sa présence, tout l’univers a été dans
la lumière : que l’univers le glorifie.
L’Église Arménienne fait à son tour entendre sa voix ; elle chante, dans
l’action même du saint Sacrifice :
Une nouvelle fleur sort aujourd’hui de la tige de Jessé, et la fille de David
enfante le Fils de Dieu.
La multitude des Anges et de la milice céleste descendant des cieux, avec le
Roi Fils unique, chantaient et disaient : C’est ici le Fils de Dieu. Disons
tous : Cieux, tressaillez ; fondements delà terre, réjouissez-vous : car le
Dieu éternel a apparu sur la terre, et a conversé avec les hommes, pour sauver
nos âmes.
L’Église Grecque, dans la pompe de son langage, s’écrie :
Venez , réjouissons-nous dans le Seigneur, célébrant le mystère de ce jour. Le
mur de division a été renversé, le glaive de feu est détourné ; le Chérubin ne
défend plus l’approche de l’arbre de vie. Et moi je deviens participant des délices
du Paradis, d’où, par désobéissance, j’avais été chassé. L’image immuable du
Père, le type de son éternité, prend la forme d’un esclave, naissant d’une
Vierge-Mère, sans souffrir nul changement ; car il est demeuré ce qu’il était :
Dieu véritable ; il a pris ce qu’il n’était pas, devenu homme par amour pour
les hommes. Crions vers lui : O toi qui es né de la Vierge ! aie pitié de nous.
La sainte Église Romaine, par la bouche de saint Léon, dans son Sacramentaire,
célèbre ainsi le mystère de la Lumière divine :
C’est une chose digne et juste, équitable et salutaire, de vous rendre grâces,
ô Dieu éternel ! Car aujourd’hui, la lumière véritable, la lumière de notre
Sauveur s’est levée et a manifesté toutes choses à notre intelligence et à
notre vue ; et non seulement elle dirigera par sa splendeur nos pas dans la vie
présente ; mais elle doit nous amener jusqu’à contempler la gloire même de
votre immense Majesté.
La même sainte Église Romaine, dans le Sacramentaire de saint Gélase, fait
cette demande au Père céleste qui nous a envoyé son Fils :
Dieu tout-puissant et éternel, qui avez consacré ce jour par l’incarnation de
votre Verbe, et par l’enfantement de la bienheureuse Vierge, accordez à vos
peuples, dans cette joyeuse solennité, de devenir vos enfants par l’adoption,
comme ils sont rachetés par votre grâce.
Par l’organe de saint Grégoire le Grand, dans son Sacramentaire, la même sainte
Église Romaine implore la Lumière du Christ pour ses enfants :
Faites, Dieu tout-puissant, que le Sauveur que vous nous envoyez en ce jour où
les cieux renouvellent leur lumière, et qui descend en cette solennité pour le
salut du monde, se lève à jamais en nos cœurs pour les régénérer.
L’Église de Milan, dans sa Liturgie Ambrosienne chante aussi la Lumière
nouvelle et les joies de la Vierge-Mère :
Le Seigneur, par sa venue. a dissipé toutes les ombres de la nuit ; là où la
lumière n’était pas, la splendeur s’est répandue, et le jour a paru.
Réjouissez-vous et tressaillez, ô vous, la joie des Anges ! réjouissez-vous,
Vierge du Seigneur, allégresse des Prophètes. Réjouissez-vous, ô vous qui, à la
parole de l’Ange, avez reçu en vous Celui qui est la joie du monde !
Réjouissez-vous, ô vous qui avez enfanté votre Créateur et votre Maître !
Réjouissez-vous d’avoir été trouvée digne d’être la Mère du Christ.
L’ancienne Église des Gaules épanche son allégresse dans ces joyeuses
Antiennes, que l’Église Romaine lui emprunta pendant plusieurs siècles :
Aujourd’hui la Vierge immaculée nous a donné un Dieu, sous les membres délicats
d’un enfant ; elle a eu l’honneur de l’allaiter. Adorons tous le Christ qui
vient nous sauver.
Réjouissons-nous tous, ô fidèles ! Notre Sauveur est né en ce monde.
Aujourd’hui a paru le rejeton de la Majesté sublime, et la pudeur de la mère
est demeurée intacte.
O Dame du monde, fille de race royale, le Christ est sorti de votre sein, comme
l’époux de la chambre nuptiale ; il est étendu dans la crèche, Celui qui régit
les astres.
L’Église Gothique d’Espagne, dans son Bréviaire Mozarabe, salue, avec toutes
les autres Églises, le lever du divin Soleil :
Aujourd’hui, la lumière du monde s’est levée ; aujourd’hui, le salut de la
terre a brillé ; aujourd’hui, le Sauveur d’Israël est descendu des hauteurs du
ciel pour délivrer tous les captifs que l’antique ennemi, le ravisseur, avait
enchaînés par le péché du premier homme, et pour rendre, par sa grâce, la
lumière aux intelligences aveugles et l’ouïe aux sourds. En réjouissance du
bienfait opéré par ce grand mystère, les montagnes et les collines bondissent,
et les éléments du monde, avec une joie ineffable, exécutent en ce jour une
mélodie sublime. Nous aussi, d’une humble prière, nous implorons la clémence du
miséricordieux Rédempteur ; enveloppés des ténèbres de nos péchés, nous le
prions de nous purifier par cette acclamation de nos cœurs, afin que, sa
présence se manifestant dans nos âmes, l’éclat de sa gloire s’accroisse de plus
en plus en nous, avec la félicité qu’elle apporte, et que les joies du salut
deviennent pour nous pleines de douceur, à jamais.
Terminons notre excursion pieuse dans les antiques Liturgies, par cette
Antienne de l’Église d’Irlande , au septième siècle, que nous empruntons à
l’Antiphonaire de Benchor, publié par Muratori. Elle célèbre aussi le triomphe
de la lumière du Soleil, image du Christ naissant.
C’est aujourd’hui que la nuit commence à perdre son empire ; le jour croit, les
ténèbres sont diminuées, la splendeur augmente, et les pertes que fait la nuit
profitent au développement de la lumière.
Il en est temps, chrétiens ; montons à la maison de Dieu, et préparons-nous à
célébrer le troisième Sacrifice. L’Église y prélude par le chant de l’Office de
Tierce.
LA MESSE DU JOUR.
Le mystère que l’Église honore, en cette troisième Messe, est la Naissance
éternelle du Fils de Dieu au sein de son Père. Elle a célébré, à minuit, le
Dieu-Homme naissant du sein de la Vierge dans l’étable ; à l’aurore, le divin
Enfant prenant naissance dans le cœur des bergers ; en ce moment, il lui reste
à contempler une naissance bien plus merveilleuse que les deux autres, une
naissance dont la lumière éblouit les regards des Anges, et qui est elle-même
l’éternel témoignage de la sublime fécondité de notre Dieu. Le Fils de Marie
est aussi le Fils de Dieu ; notre devoir est de proclamer aujourd’hui la gloire
de cette ineffable génération qui le produit consubstantiel à son Père, Dieu de
Dieu, Lumière de Lumière. Elevons donc nos regards jusqu’à ce Verbe éternel qui
était au commencement avec Dieu, et sans lequel Dieu n’a jamais été ; car il
est la forme de sa substance et la splendeur de son éternelle vérité.
La sainte Église ouvre les chants du troisième Sacrifice par l’acclamation au
Roi nouveau-né.
Elle célèbre la puissante principauté qu’il possède, en tant que Dieu, avant
tous les temps, et qu’il recevra, comme homme, par le moyen de la Croix qui un
jour doit charger ses épaules. Il est l’Ange du grand Conseil, c’est-à-dire
l’envoyé du ciel pour accomplir le sublime dessein conçu par la glorieuse
Trinité, de sauver l’homme par l’Incarnation et la Rédemption. Dans cet auguste
Conseil, le Verbe a eu sa divine part ; et son dévouement à la gloire de son
Père, joint à son amour pour les hommes, lui en fait prendre sur lui
l’accomplissement.
L’Église demande, dans la Collecte, que la nouvelle Naissance que le Fils
éternel de Dieu a daigné prendre dans le temps, ne soit pas privée de son
effet, mais qu’elle obtienne notre délivrance.
ÉPÎTRE.
Le grand Apôtre, dans ce magnifique début de son Épître à ses anciens frères de
la Synagogue, relève l’éternelle Naissance de l’Emmanuel. Pendant que nos yeux
sont tendrement fixés sur le doux Enfant de la Crèche, il nous invite à les
élever jusqu’à la suprême Lumière, au sein de laquelle le même Verbe qui daigne
habiter retable de Bethlehem, entend le Père éternel lui dire : Vous êtes mon
Fils, je vous ai engendré aujourd’hui ; et cet aujourd’hui est le jour de
l’éternité, jour sans soir ni matin, sans lever ni couchant. Si la nature
humaine qu’il daigne prendre dans le temps le place au-dessous des Anges, son élévation
au-dessus d’eux est infinie par le titre et la qualité de Fils de Dieu qui lui
appartiennent par essence. Il est Dieu, il est le Seigneur, et les changements
ne l’atteignent pas. Enveloppé de langes, attaché à la croix, mourant dans les
angoisses, selon son humanité, il reste impassible et immortel dans sa divinité
; car il a une Naissance éternelle.
ÉVANGILE.
Fils éternel de Dieu ! en présence de la crèche où vous daignez vous manifester
aujourd’hui pour notre amour, nous confessons, dans les plus humbles
adorations, votre éternité, votre toute-puissance, votre divinité. Dans le
principe, vous étiez ; et vous étiez en Dieu, et vous étiez Dieu. Tout a été
fait par vous, et nous sommes l’ouvrage de vos mains. O Lumière infinie ! ô
Soleil de justice ! nous ne sommes que ténèbres ; éclairez-nous. Trop longtemps
nous avons aimé ces ténèbres, et nous ne vous avons point compris ;
pardonnez-nous notre erreur. Trop longtemps vous avez frappé à la porte de
notre cœur, et nous ne vous avons pas ouvert. Aujourd’hui du moins, grâce aux
admirables inventions de votre amour, nous vous avons reçu ; car, qui ne vous
recevrait, Enfant divin, si doux, si plein de tendresse ? Mais, demeurez avec
nous ; consommez cette nouvelle naissance que vous avez prise en nous. Nous ne
voulons plus être ni du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de
l’homme, mais de Dieu, par vous et en vous. Vous vous êtes fait chair, ô Verbe
éternel ! afin que nous fussions nous-mêmes divinisés. Soutenez notre faible
nature qui défaille en présence d’une si haute destinée. Vous naissez du Père,
vous naissez de Marie, vous naissez dans nos cœurs : trois fois gloire à vous
pour cette triple naissance, ô Fils de Dieu si miséricordieux dans votre
divinité, si divin dans vos abaissements !
A l’Offrande, la sainte Église rappelle à l’Emmanuel que l’univers est son
ouvrage ; car il a créé toutes choses. Les dons sont offerts, au milieu des
nuages de l’encens. La pensée de l’Enfant d la Crèche domine toujours les
sentiments de l’Église ; mais ses cantiques insistent sur la puissance et la
grandeur du Dieu incarné.
Pendant la Communion, le chœur chante le bonheur de la terre qui a vu
aujourd’hui son Sauveur, par la miséricorde du Verbe, devenu visible dans la
chair, sans perdre rien de l’éclat de sa gloire. L’Église ensuite, par la
bouche du Prêtre, implore pour ses enfants, nourris de la chair de l’Agneau
virginal, la participation à l’immortalité du Christ, qui a daigné leur donner
aujourd’hui les prémices d’une vie toute divine, en prenant lui-même une
naissance humaine dans Bethléhem.
LES SECONDES VÊPRES DE NOËL.
La louange du soir appelle les fidèles à la maison de Dieu, pour terminer
saintement cette mémorable journée. Le soleil matériel avance sa course à
grands pas ; mais le Soleil de justice ne s’éteindra pas dans les cœurs qui
l’ont reçu. Allons nous joindre à la sainte Église et célébrer avec elle, par
les chants du Roi-Prophète, le bonheur de la terre qui a enfanté son Sauveur,
les grandeurs de ce nouveau-né, et les miséricordes qu’il nous apporte. Ne
laissons pas refroidir nos cœurs ; le Christ est né en nous : que notre bouche
le chante avec transport ; que nos vœux si admirablement formulés par la sainte
Église, dans la divine Liturgie, montent vers lui purs et sincères.
Le premier Psaume des secondes Vêpres de Noël est celui qui ouvre l’Office du
soir, le dimanche et dans toutes les solennités. Il célèbre la génération
éternelle du Verbe, et prophétise ses souffrances et son triomphe.
Le second Psaume chante l’alliance que Dieu vient de contracter avec son
peuple, la Rédemption qu’il lui envoie aujourd’hui. Le genre humain languissait
dans sa misère ; le Dieu de miséricorde, fidèle à ses promesses, lui donne, en
Bethléhem, celui qui est le Pain de vie, la nourriture céleste qui préserve de
la mort.
Le troisième psaume chante la félicité du juste jour de la Naissance du Messie.
Au sein des ténèbres, la Lumière de l’Emmanuel s’est levée tout à coup ; cette
Lumière si douce et si radieuse, c’est le Seigneur de miséricorde. Elle illumine
les cœurs droits ; malheur au pécheur qui la méprise !
Le quatrième Psaume exprime le cri de détresse que le genre humain, du fond de
l’abîme de la dégradation, envoyait à son Libérateur. Mais ce cri était aussi
un cri d’espérance ; car la parole de Dieu était engagée. Enfin, le Seigneur,
dont la miséricorde est infinie, a daigné descendre, et notre Rédemption
commence aujourd’hui.
Le cinquième Psaume chante l’Arche du Seigneur qui s’est reposée en Ephrata.
Marie est l’Arche véritable dont l’autre n’était que la figure ; en elle le
Seigneur a fait sa demeure ; elle a été le trône de sa Majesté. Qu’il se lève
donc, le Seigneur, et qu’il prenne possession de son Église qui commence
aujourd’hui en Bethléhem ; qu’il se lève et qu’il nous régisse avec Marie, la
Reine de miséricorde. Désormais, il va habiter au milieu de nous ; il consolera
toutes les douleurs, il rassasiera tous ceux qui ont faim d’un Pain immortel ;
il honorera le Sacerdoce nouveau ; il brillera, comme un flambeau d’immuable
vérité, dans son Église ; il triomphera de tous ses ennemis ; le diadème qui
orne le front de cet Enfant ne tombera jamais, et tous les autres pâliront
devant lui.
La grande journée a terminé son cours, et la nuit approche durant laquelle le
sommeil achèvera de réparer les saintes fatigues que nous ont causées les
veilles de la glorieuse Nativité. Avant de prendre notre repos, envoyons un
souvenir pieux aux saints Martyrs dont l’Église a renouvelé la mémoire en ce
jour dans le livre du Martyrologe. Dioclétien et ses collègues dans l’empire
venaient de publier le fameux édit de persécution qui déclarait à l’Église la
plus sanglante guerre qu’elle ait jamais subie. L’édit affiché à Nicomédie,
résidence de l’empereur, avait été déchiré par un chrétien qui paya cet acte d’une
sainte audace par un glorieux martyre. Les fidèles prêts à la lutte osèrent
braver la puissance impériale, en continuant de fréquenter leur église
condamnée à la démolition. On était arrivé au jour de Noël. Ils s’assemblèrent
au nombre de plusieurs milliers dans le saint temple, afin d’y célébrer une
dernière fois la Naissance du Rédempteur. A cette nouvelle, Dioclétien envoya
un de ses officiers avec ordre de fermer les portes de l’église, et d’allumer
aux quatre angles de l’édifice le feu qui devait le consumer. Ces mesures ayant
été prises, les sons de la trompette se firent entendre par les fenêtres de la
basilique, et les fidèles ouirent la voix d’un crieur qui leur disait de la
part de l’empereur que ceux d’entre eux qui voudraient avoir la vie sauve
pouvaient encore sortir, à la condition d’offrir de l’encens sur un autel de
Jupiter que l’on avait dressé près de la porte de l’église ; qu’autrement ils
allaient être tous la proie des flammes. Un chrétien répondit au nom de la
pieuse assemblée : « Nous sommes tous chrétiens ; nous honorons le Christ,
comme le seul Dieu et le seul Roi ; et nous sommes prêts à lui sacrifier notre
vie en ce jour. » Sur cette réponse, les soldats reçurent ordre d’allumer les
feux ; et dans un instant l’église ne fut plus qu’un immense bûcher, dont les
flammes montaient vers le ciel, envoyant en holocauste au Fils de Dieu, qui
daigna en ce jour commencer une vie humaine, l’offrande généreuse de ces
milliers de vies qui rendaient témoignage à sa venue en ce monde. Ainsi fut glorifié,
en l’année 3o3, à Nicomédie, l’Emmanuel descendu des cieux pour habiter parmi
les hommes. Unissons, avec la sainte Église, l’hommage de nos vœux à celui de
ces courageux chrétiens dont la mémoire se conservera, par la sainte Liturgie,
jusqu’à la fin des siècles.
Ramenons encore une fois nos pensées et nos cœurs dans l’heureuse étable où
Marie et Joseph forment l’auguste compagnie de l’Enfant divin. Adorons encore
ce nouveau-né, et demandons-lui sa bénédiction. Saint Bonaventure exprime, avec
une tendresse digne de son âme séraphique, dans ses Méditations sur la vie de
Jésus-Christ, les sentiments du Chrétien admis auprès du berceau de Jésus
naissant : « Et toi aussi, dit-il, qui as tant différé, fléchis le genou, adore
le Seigneur ton Dieu ; vénère la Mère d’icelui et salue révéremment le saint
vieillard Joseph ; ensuite, baise les pieds de l’Enfant Jésus, gisant en sa
couchette, et prie Notre-Dame de te le donner ou de te permettre de le prendre.
Prends-le en tes bras, retiens-le et considère bien son aimable face ; baise-le
révéremment, et délecte-toi confidemment en icelui. Tu peux faire cela ; parce
que c’est vers les pécheurs qu’il est venu pour leur salut, et qu’il a
humblement conversé avec eux, et que, finalement, il s’est abandonné à iceux pour
nourriture. Partant, sa bénignité se laissera patiemment toucher, selon ton
vouloir, et n’imputera pas cela à la présomption, ains à l’amour [77]. »
Nous placerons, à la fin de cette journée de Noël, deux chants joyeux inspirés
à la piété du moyen âge par l’allégresse de cette solennité. Le premier est une
Séquence que l’on rencontre dans tous les Missels Romains-Français ; elle a été
longtemps attribuée à saint Bernard ; mais nous l’avons trouvée déjà sur un
manuscrit du XI° siècle.
SÉQUENCE.
Que le chœur des fidèles, dans son allégresse, tressaille de joie. Alleluia.
Le sein de la Vierge pure a produit le Roi des rois : prodige admirable !
L’Ange du Conseil est né de la Vierge : le Soleil de l’Etoile.
Soleil sans couchant, Etoile à jamais scintillante, radieuse à jamais. .
L’étoile produit son rayon ; la Vierge enfante son Fils d’une même manière.
Ni l’étoile par le rayon, ni la Vierge par son Fils ne perd rien de son pur
éclat.
Le haut cèdre du Liban vient ramper, avec l’hysope, dans notre humble vallée.
Le Verbe, Sagesse du Très-Haut, daigne se revêtir d’un corps ; il se fait
chair.
Isaïe l’avait chanté, la Synagogue s’en souvient, et pourtant n’a point cessé
d’être dans l’aveuglement.
Qu’elle en croie, sinon ses Prophètes, au moins ceux de la gentilité ; les vers
de la Sybille ont annoncé le mystère :
« Peuple malheureux, hâte-toi : crois enfin les antiques oracles ; pourquoi
serais-tu réprouvé, peuple « infortuné ?
« L’Enfant qu’annonce la lettre prophétique, vois-le aujourd’hui : une Vierge
l’a mis au monde. »
Amen.
La seconde pièce est une Séquence en l’honneur de la très sainte Mère de Dieu.
Elle appartient au XVe siècle. C’est une de ces nombreuses imitations de la
Séquence de Pâques, Victimae paschali, que l’on rencontre dans les Missels
Romains-Français des XVe et XVIe siècles.
SÉQUENCE.
A la Vierge Marie que les Chrétiens entonnent un cantique.
Ève, malheureuse mère, nous perdit ; mais Marie nous a donné un Fils qui a
racheté les pécheurs.
La mort et la vie se sont rencontrées dans une alliance merveilleuse : Celui
qui est Fils de Marie est un Dieu, il règne.
Dis-nous, ô Marie, Vierge douce et clémente :
Comment es-tu devenue mère, étant la créature de Celui qui naît de toi ?
— L’Ange en est le témoin envoyé des cieux vers moi.
De moi est né Celui qui est mon espérance ; mais la Judée est demeurée
incrédule.
— Mieux vaut croire au seul Gabriel, l’Ange de Force, qu’à la perverse race des
Juifs.
Oui, nous savons que le Christ est Fils de Marie en vérité ; vous, ô Roi, né pour
nous, soyez-nous miséricordieux.
[69] Hebr. X, 7.
[70] Ephes. IV, 13.
[71] Dom Guéranger décrit les Laudes telles qu’avant la réforme du psautier de
St Pie X.
[72] Cf. note précédente.
[73] II Petr. I, 19.
[74] I Thess. V , 5.
[75] In Natalem Domini, V, § 4.
[76] Ibid. § 3.
[77] Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par saint Bonaventure. Traduction
du R. P. Dom François Le Bannier.
Représentation
de la Nativité, Catacombe de Priscille
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum
Introduction.
La date historique de la nativité temporelle du Sauveur étant inconnue dans les
premiers temps, une antique tradition, inaugurée peut-être au début du IIe
siècle, célébrait les diverses théophanies du Christ dans sa nature mortelle,
c’est-à-dire sa naissance, sa manifestation aux Mages et son baptême dans le
Jourdain, peu après le solstice d’hiver, dans les dix premiers jours de
janvier. Cette date conventionnelle avait déjà trouvé crédit dans toutes les
Églises, quand, on ne sait comment, Rome dédoubla pour son compte la fête des
Théophanies, anticipant au 25 décembre l’anniversaire de la naissance
temporelle du Sauveur.
Quand et comment l’Église-mère arriva-t-elle à établir cette date ? Nous
l’ignorons, puisque, sauf un texte très douteux du commentaire d’Hippolyte sur
Daniel, le plus ancien document qui fixe Noël au 25 décembre est le calendrier
philocalien de 336, qui porte cette indication : VIII Kal. ian. natus Christus
in Betleem Iudee. Évidemment, le chronographe n’annonce rien de nouveau, mais
il se fait l’écho de la tradition romaine antérieure, qui, dans le Liber
Pontificalis prétend remonter jusqu’au pape Télesphore. Dans le discours fait à
Saint-Pierre par le pape Libère donnant, le jour de Noël, le voile des vierges
à Marcelline, sœur de saint Ambroise, on ne relève aucune allusion à la nouveauté
de la fête, mais, au contraire, tout le contexte donne l’impression qu’il
s’agit d’une solennité de vieille date, à laquelle le peuple a coutume
d’accourir en foule, en vertu d’une ancienne habitude. La fête de Noël fut, au
début, propre au siège apostolique. Saint Jean Chrysostome qui l’introduisit à
Antioche vers 375, en appelle précisément à l’autorité de la capitale du monde
latin, où, à son avis, seraient encore conservés les actes du recensement de
Quirinus, avec la date précise de la naissance du Christ à Bethlehem le 25
décembre. D’Antioche, la fête passa à Constantinople. Sous l’évêque Juvénal,
entre 424 et 458, elle fut introduite à Jérusalem, puis, vers 430, fut admise à
Alexandrie, et, de ces célèbres sièges patriarcaux, elle se répandit aussi peu
à peu dans les diocèses qui en dépendaient. Actuellement, seuls les Arméniens
monophysites célèbrent encore la naissance du Christ à sa date primitive, le 6
janvier.
Il ne faut pourtant pas négliger une coïncidence. Le calendrier civil du
recueil philocalien note au 25 décembre le Natalis invicti, la naissance du
soleil, et cette naissance coïncide justement avec le solstice d’hiver. A
l’époque où, grâce aux mystères de Mithra, le culte de l’astre du jour avait
pris un tel développement que, au dire de saint Léon, même les fidèles qui
fréquentaient la basilique Vaticane, se permettaient d’y pratiquer le rite
superstitieux de saluer d’abord, de l’atrium de l’Apôtre, le disque solaire, il
n’est pas improbable que le siège apostolique, en anticipant au 25 décembre la
naissance du Christ, ait voulu opposer au Sol invictus, Mithra, le vrai Soleil
de justice, cherchant ainsi à détourner les fidèles du péril idolâtre des fêtes
païennes. Dans une autre occasion, tout à fait semblable, c’est-à-dire pour la
fête des Robigalia le 25 avril, Rome adopta une identique mesure de prudence,
et, au cortège païen du pont Milvius, elle substitua la procession chrétienne
qui parcourait le même trajet. Toutefois de la voie Flaminienne et du pont
Milvius le clergé se rendait ensuite à la basilique Vaticane, pour l’offrande
du divin sacrifice sur le tombeau de l’Apôtre.
Dans le rit romain, la caractéristique de la fête de Noël est l’usage des trois
messes, une au premier chant du coq, — ad galli cantum, — l’autre vers
l’aurore, et la troisième en plein jour. Cette habitude nous est déjà attestée
par saint Grégoire, mais elle est sûrement plus ancienne, puisque l’auteur de
la biographie du pape Télesphore, dans le Liber Pontificalis, prétend savoir
que ce fut ce Pontife qui introduisit le premier le chant du Gloria in excelsis
à la messe de la nuit de Noël.
La pannuchis de Noël, que terminait la messe, fut suggérée, non seulement par
la solennité, mais aussi, d’une certaine manière, par le fait de la naissance
du Christ à Bethlehem au cœur de la nuit ; et l’on voulut reproduire à Rome,
comme on le faisait à Jérusalem, cette scène nocturne d’une façon liturgique,
d’autant plus que Sixte III avait édifié à Sainte-Marie-Majeure un somptueux
oratoire ad Praesepe qui, dans la conception romaine, devait être comme une
reproduction de celui de Bethlehem.
Cette messe de vigile ne constituait pourtant pas, comme aujourd’hui, une
caractéristique de la solennité de Noël ; c’était le sacrifice habituel qui
mettait régulièrement fin aux veilles sacrées. Et même, si nous devons juger du
concours des fidèles par la grandeur du lieu où se célébrait la station, il
faut conclure que le petit hypogée ad Praesepe contenait une réunion très
restreinte de personnes ; si restreinte, qu’une certaine nuit de Noël, tandis
que Grégoire VII y célébrait la messe, il y fut arrête par les sbires de
Cencius, postés là aux aguets, tiré hors de Sainte-Marie-Majeure et traîné en
prison dans une tour du Parione, sans que le peuple romain se doutât, sinon le
lendemain matin, de ce qui était arrivé au Pape pendant la station.
La vraie messe solennelle de Noël, in die sancto, était celle qui se célébrait
en plein jour à Saint-Pierre. Ce fut justement durant cette messe que, au
témoignage de saint Ambroise, le pape Libère donna le voile des vierges à
Marcelline devant une grande foule du peuple. A cette occasion, le Pontife fit
un célèbre discours qui nous a été conservé par le saint dans le De Virginibus,
et dont il suffit de rapporter ces paroles : « Tu as désiré des noces très
sublimes, ô ma fille ; tu vois quelle foule de peuple est accourue pour
l’anniversaire de la naissance de ton époux, et comment personne ne s’en
retourne à jeun. » Si toute cette foule communiait à la messe papale, cela
indique que les fidèles venus à la messe de la vigile et à celle de l’aurore
avaient été bien peu nombreux.
Le jour de Noël 431, le pape Célestin reçut les lettres qui l’informaient de
l’heureuse issue du Concile d’Éphèse. Il les fit lire devant « la réunion de
tout le peuple chrétien à Saint-Pierre ».
Entre la messe de vigile à la Crèche, et la messe stationnais au Vatican, et en
faveur de la colonie byzantine résidant à Rome, s’introduisit, vers le Ve
siècle, une autre synaxe eucharistique au pied du Palatin. Elle avait pour
objet de célébrer le natale de la martyre de Sirmium, Anastasie, dont le corps
avait été transporté à Constantinople sous le patriarche Gennadius (458-471).
On choisit à Rome le titulus Anastasiae parce que les Actes identifiaient la
martyre avec la fondatrice de l’église.
Les Byzantins ayant disparu, la popularité de la dévotion à sainte Anastasie
diminua aussi, mais la station survécut ; et, au lieu de la fête (dies natalis)
de la martyre, comme au début, elle comporta une seconde messe matutinale pour
vénérer le mystère de la naissance corporelle du Seigneur.
Primitivement, la triple célébration du divin Sacrifice le jour de Noël était
propre au Pape, ou à celui qui présidait la synaxe stationnale ; il faut dire
d’ailleurs que cela n’était pas absolument insolite à Rome. La fête des apôtres
Pierre et Paul avait l’honneur des trois messes ; celle des fils de sainte
Félicité en comportait quatre, et, en général, toutes les autres grandes
solennités des martyrs admettaient autant de messes qu’il y avait de sanctuaires
en vénération. Il y avait au moins deux messes, celle ad corpus, à l’hypogée du
saint, et l’autre, la missa, publica, comme on l’appelait, dans la basilique
supérieure. Cette discipline présente une certaine analogie avec celle qui
règle actuellement la célébration des messes conventuelles dans les chapitres
collégiaux. Nombreux sont les jours où le calendrier assigne deux ou même trois
messes conventuelles ; cela ne veut toutefois pas dire que le même prêtre doive
offrir le saint Sacrifice une seconde et une troisième fois le même jour, et
moins encore que, hors du chœur, tout prêtre soit autorisé ces jours-là à
célébrer plusieurs messes. Cela indique seulement le nombre des Sacrifices
auxquels le chapitre collégial est tenu d’assister. Ainsi en était-il jadis
pour les jours dont nous avons parlé ; on officiait dans les divers sanctuaires
rappelant l’éponyme de la fête, et souvent le Pape en personne y présidait,
offrant alors le divin Sacrifice. Mais en dehors des sanctuaires mêmes où l’on
célébrait la fête, tout s’accomplissait selon le mode habituel décrit dans les
sacramentaires, et la messe n’était célébrée qu’une fois, par les prêtres
attachés aux divers titres de la ville.
Les liturgistes du bas moyen âge se sont plu à rechercher les raisons intimes
pour lesquelles on célèbre trois messes le jour de Noël ; toutefois au lieu
d’explorer le champ de l’archéologie, où ils auraient certainement retrouvé la
trace des trois différents sanctuaires romains dans lesquels on devait officier
le 25 décembre, ils s’arrêtèrent à des motifs ascétiques et mystiques, beaux il
est vrai, et très propres à nourrir la dévotion, mais tout à fait étrangers à
la première institution de cette triple liturgie romaine dont les Orientaux
n’ont pas l’idée.
À la première messe au cœur de la nuit.
Station à Sainte-Marie à la Crèche.
La messe de minuit — les anciens l’appelaient ad galli cantum, parce que, dès
le temps de saint Ambroise, à cette heure seulement commençait l’office
matutinal quotidien — rappellerait la naissance éternelle du Verbe de Dieu au
sein des splendeurs de la gloire paternelle ; celle de l’aurore célèbre son
apparition temporelle dans l’humilité de la chair, et enfin la troisième, à
Saint-Pierre, symbolise son retour final au jour de la parousie, quand il
siégera comme juge des vivants et des morts.
Selon l’Ordo Romanus XI, la nuit de Noël, au temps de Célestin II, on célébrait
encore à Sainte-Marie-Majeure, et avec l’assistance du Pape, les deux synaxes
vigiliales distinctes dont parle Amalaire. Dans la première les leçons étaient
chantées par les chanoines, les cardinaux et les évêques, précisément comme au
troisième dimanche de l’A vent à Saint-Pierre ; après l’office on célébrait la
Messe ad Praesepe, suivie des secondes matines et des laudes.
Au XVe siècle, le Pontife intervenait aux vigiles avec une chape de laine
écarlate, munie d’un capuchon qui se nouait sous la barbe propter frigus, selon
la description de l’Ordo Romanus XIV [78]. Si l’empereur y assistait aussi, il
était revêtu du pluvial et, brandissant l’épée, il devait chanter la cinquième
leçon, la neuvième étant réservée au Pape. Durant la messe, toutes les
offrandes que le peuple déposait sur l’autel ou aux pieds du Pontife,
appartenaient aux chapelains, sauf le pain, qui revenait aux acolytes.
Contrairement à l’usage, la nuit de Noël, le Pape communiait non pas au trône,
mais à l’autel, et pour boire au Calice sacré, il n’employait pas l’habituel
chalumeau d’or ; quant au clergé, il attendait le matin pour recevoir la sainte
Communion.
L’introït est tiré du psaume 2, et peut s’appliquer aux diverses générations du
Verbe ; à celle, éternelle et divine, dans le sein du Père ; à celle, humble et
passible, dans le sein virginal de Marie, et enfin à celle, glorieuse, des
entrailles de la terre, quand, le jour de Pâques, II ressuscita pour triompher
définitivement du péché et de la mort. Durant le saint temps de Noël, il est à
propos de réconforter souvent notre foi par cette énergique profession de la
divinité qui se cache sous les pauvres apparences du petit Enfant de Bethlehem.
Le Verbe nous a créés par sa puissance, et II nous a rachetés par sa faiblesse,
mais cette faiblesse n’aurait servi de rien si n’y avait été jointe
l’invincible vertu divine, grâce à l’union hypostatique.
Dans la collecte, nous rappelons que le Seigneur a éclairé les ténèbres de
cette nuit sainte par les splendeurs de son ineffable lumière ; qu’il nous
accorde donc, après avoir été initiés ici-bas au mystère de son Incarnation, de
pouvoir un jour être participants de Sa gloire. Le lien est intime en effet :
ici-bas, la foi ; là-haut, la lumière ; ici-bas, la grâce ; là-haut, la gloire.
Avant la venue du Verbe de Dieu sur la terre, l’homme marchait à tâtons dans
les ténèbres du péché et de l’ignorance ; Jésus venu, la grâce de l’Esprit
Saint a éclairé les âmes, et l’humanité, au moyen de la révélation chrétienne
conservée intacte dans l’Église catholique, vit désormais, et se nourrit, de la
lumière de l’éternelle Sagesse.
La lecture est tirée de la lettre à Tite (II, 11-15), et il importe de noter
que, lorsqu’à Rome on lisait aussi le texte grec, le premier mot apparuit,
epiphánê, rappelait justement le nom d’Épiphanie donné primitivement à la
solennité de Noël.
L’Apôtre met en pleine évidence le caractère tout à fait gratuit de
l’incarnation du Fils de Dieu, dont le motif doit être cherché exclusivement,
non pas dans nos prières ou nos bonnes œuvres, mais dans l’infinie miséricorde
du Seigneur. Nous sommes encore à Noël, mais déjà commence le Sacrement pascal,
comme disaient les anciens Pères. Le gracieux Enfant de Bethlehem est
l’innocente victime pour les péchés du monde. Avant que nous arrivions à la
fraction des Mystères, il y aura au moins trente-trois années ; mais le
sacrifice commence aujourd’hui, et le Pontife éternel est déjà à l’introït de
sa messe.
Le répons-graduel vient du psaume 109, qui décrit d’abord, en traits rapides,
l’éternel aujourd’hui où le Père a engendré, engendre et engendrera toujours’ e
Verbe, sans commencement, ni succession aucune de temps, et sans fin. Le
psalmiste parle ensuite de la mission temporelle du Christ, qui est
d’assujettir à sa puissance tous ses ennemis, qui sont aussi les ennemis de
Dieu. Il remportera sur eux la victoire finale et les mettra comme un escabeau
sous ses sandales d’or, en tant qu’il les jugera au jour de la parousie, non
seulement comme Dieu, mais aussi comme Premier-Né de la création. Quand il aura
conduit captifs à Dieu tous les rebelles, alors, comme l’explique l’Apôtre, la
mission temporelle du Christ sera accomplie et cessera, pour que Dieu soit
omnia in omnibus.
Le verset alléluiatique, qui devait jadis suivre la seconde lecture avant
l’Évangile, répète la strophe du psaume 2 : « Yahweh m’a dit : Tu es mon Fils,
parce qu’aujourd’hui je t’ai engendré. » Cela le Verbe le répète, non point
dans les splendeurs du ciel, quand les anges lui chantent alléluia, mais dans
l’infirmité de sa chair, au milieu des calomnies et des blasphèmes de ses
ennemis. C’est en effet contre eux que Jésus doit invoquer assez souvent ses prérogatives
messianiques, et c’est pourquoi il recourt au témoignage infaillible de Celui
qui l’a engendré déjà une première fois dans l’éternité, puis donna au Verbe Sa
sainte humanité, qui lui est hypostatiquement unie.
La lecture de l’évangile selon saint Luc (II, 1-14), décrit la naissance de
Jésus au cœur de la nuit à Bethlehem. Le Saint-Esprit Lui-même a daigné
commenter ce texte sacré par l’intermédiaire de l’évangéliste saint Jean, et
nous lirons ses paroles aujourd’hui à la troisième messe. Toute autre
explication humaine serait donc superflue. Jésus naît dans une étable, II érige
son trône et sa chaire dans une mangeoire entre deux vils animaux. Viens,
chrétien, agenouille-toi au pied de cette crèche. C’est de là que Jésus
condamne ton faste, ton orgueil, ta sensualité, et t’apprend au contraire
l’obéissance, l’humilité, la pénitence, la mortification.
Le verset d’offertoire est tiré du psaume 95, où sont invités à se réjouir et
les cieux et la terre, parce que le Seigneur est venu. En effet, la venue de
Jésus sur la terre a consacré le monde, comme s’exprimait hier l’Église dans sa
liturgie. Cette consécration se reflète aussi en partie sur les créatures sans
raison et insensibles, soit parce que le Verbe incarné a voulu s’en servir
durant sa vie passible, soit encore parce que certaines d’entre elles, comme
l’eau, le vin, le pain, l’huile, ont été élevées à la dignité de matière des
divins sacrements, et qu’en général toutes aident l’homme à la facile obtention
de sa fin dernière surnaturelle.
Dans la prière d’introduction à la préface — le véritable commencement de
l’antique anaphore eucharistique — nous demandons au Seigneur que par les
mérites du divin Sacrifice, comme Jésus a voulu devenir consubstantiel à nous
dans la nature humaine, nous aussi, nous ayons le bonheur de Lui ressembler, au
moyen de l’habitus surnaturel de la grâce, qui nous confère précisément la
conformité intérieure au Christ.
Durant ce temps de Noël, selon ce que le Pape Vigile écrivit à Profuturus de
Braga, l’on insère dans la préface une période où est commémoré le mystère de
l’Incarnation. En voici le texte : « Une lumière nouvelle environna aujourd’hui
les yeux intérieurs de l’âme à cause de la mystérieuse incarnation de votre
Verbe. Aussi, tandis que nous contemplons un Dieu rendu visible, notre cœur est
ravi, grâce à lui, à la contemplation des choses invisibles. »
Dans la première partie des diptyques, on fait également mémoire de la
naissance du Sauveur : « Commémorant le jour très saint où la virginité sans
tache de Marie donna le jour au Sauveur du monde. » Ces insertions sont très
anciennes et remontent au moins au IVe siècle.
L’antienne pour la Communion est tirée du psaume 109, indubitablement
messianique. Le Père a engendré le Verbe dans les splendeurs de sa sainteté, en
sorte que ce tendre Enfant qui revêt aujourd’hui dans la crèche, les livrées du
serviteur et du pécheur, Lui est coéternel et consubstantiel. Dans une abbaye
grecque, un peintre du moyen âge a très ingénieusement exprimé cette coéternité
du Verbe incarné, le représentant sous la figure d’un enfant sur les genoux du
Père, mais avec barbe abondante et blanche, ainsi que le prophète Daniel nous
décrit l’Antiquus dierum avec la barbe et la chevelure devenus blancs comme de
la laine.
Dans la collecte d’action de grâces, nous demandons au Seigneur que la
réception des saints Mystères en mémoire de sa nativité temporelle, nous mérite
la grâce d’exprimer ces mystères par notre vie, pour pouvoir obtenir au ciel la
récompense. C’est en effet le but de la sainte Communion, nous faire participer
à la vie du Christ, nous greffer sur l’arbre de sa passion, afin que nous ne
vivions plus pour nous mais pour Lui ; bien plus, pour que nous Le vivions,
Lui.
Saint Alphonse, après avoir considéré toutes les tendresses de l’amour que
Jésus-Enfant nous montre dans la grotte de Bethlehem, termine son célèbre
cantique par cette exclamation : « Ah ! Combien il t’a coûté de nous avoir
aimés ! » Au pied de la sainte crèche on ne peut dire mieux. Quand un Dieu se
consume d’amour pour ses créatures, au point de s’anéantir lui-même,
d’affronter l’extrême pauvreté, les persécutions, la mort la plus honteuse et
la plus cruelle, on ne saurait faire autrement que pleurer de reconnaissance à
ses pieds, procidamus ante eum, ploremus coram Domino, et déplorer de l’avoir
aimé si tard et si mal, s’écriant avec saint Augustin : Sera te amavi,
pulchritudo tam antiqua, sera te amavi.
A la deuxième Messe à l’Aurore
Station à Sainte-Anastasie.
Comme c’est aujourd’hui le dies natalis de sainte Anastasie, dont le culte prit
une grande importance à Rome, spécialement durant la période byzantine,
l’Église institua cette station solennelle dans sa basilique au pied du
Palatin. Le sacramentaire Léonien mentionne bien sainte Anastasie dans la liste
des fêtes de décembre, mais étant donné l’état mutilé de ce document, il n’est
pas possible d’en déduire rien d’autre. Dans le Sacramentaire gélasien, il n’y
a rien, tandis que dans le grégorien — les noms de Léonien, gélasien et
grégorien ne garantissent point le contenu qu’il recouvrent — les collectes de
la célèbre martyre de Sirmium précèdent celles de la seconde messe de Noël.
Quoique le Sacramentaire qui porte le nom de saint Grégoire, reflète une
période relativement tardive de la floraison liturgique à Rome — vers le
pontificat d’Hadrien Ier — la station de ce jour à Sainte-Anastasie donne
pourtant l’impression de remonter à une respectable antiquité, avant que la
Nativité du Seigneur eût acquis une si grande solennité à Rome, et quand il
était d’usage de célébrer le même jour, par des stations différentes, plusieurs
martyrs localisés en des sanctuaires distincts. Il est certain qu’en un temps
postérieur, la fête de sainte Anastasie aurait été transférée à un autre jour.
Parmi les sermons de saint Léon Ier, il en est un contre l’hérésie d’Eutychès,
prononcé dans la basilique anastasienne. L’argument est parfaitement
christologique, tel qu’il convient en effet pour cette fête de Noël ; mais,
faute de preuves, on ne peut affirmer avec certitude que l’auteur l’ait
prononcé lors de la station de ce jour de Noël, en la basilique de la martyre
de Sirmium.
A l’origine — comme on peut encore le voir dans le sacramentaire grégorien — la
messe stationnale à Sainte-Anastasie était tout entière en l’honneur de la
martyre de ce nom ; mais plus tard, à mesure que la fête de Noël augmenta
d’importance, sainte Anastasie dut se contenter d’une simple collecte
commémorative.
L’heure matinale où se célébrait à Rome cette station, n’avait primitivement
aucune signification mystique en relation avec la naissance du Sauveur, comme
on le pensa au moyen âge. La messe solennelle à Saint-Pierre devant se célébrer
à l’heure de tierce, il ne demeurait de libre, pour le rendez-vous au pied du
Palatin, que la toute première heure de la matinée, à peine terminé l’office
vigilial dans la basilique Libérienne. C’est pourquoi la rubrique actuelle du
missel : ad secundam missam in Aurora n’est pas du tout exacte
archéologiquement, tout comme celle de la messe à minuit qui, en réalité, était
célébrée au premier chant du coq.
Les Ordines Romani prescrivaient que le Pape, quand il était à Rome, célébrât
lui-même la station à Sainte-Anastasie ; en cas d’absence, il était remplacé
par le presbyter tituli, ou par le premier des cardinaux-prêtres. Le dernier
qui se conforma, au siècle dernier, à cette règle antique, fut le pape Léon
XII.
Au moyen âge, quand la messe était terminée dans la crypte ad Praesepe, le
Pontife, sans même déposer la paenula, se rendait immédiatement au titre
d’Anastasie ; au XIVe siècle au contraire, quand l’antique discipline
stationnale était déjà presque tombée en désuétude à cause des somptueuses
fêtes papales célébrées dans la chapelle du palais pontifical, l’usage
s’introduisit de mettre un peu d’intervalle entre l’une et l’autre cérémonie.
Dans les années qui précédèrent 1870, Pie IX célébrait la messe in nocte à
Sainte-Marie-Majeure, aux premières heures de la soirée, de façon à pouvoir
retourner au palais pour le souper avant minuit. La communion des cardinaux et
du clergé romain, qui, à l’origine, se faisait à Saint-Pierre à la troisième
messe de Noël, avait lieu au XIVe siècle à la messe matinale célébrée à
Sainte-Anastasie, et, avec les cardinaux, y prenaient part les autres prélats
de curie non revêtus de la dignité épiscopale.
La messe s’inspire de l’astre du jour qui commence à dissiper les ténèbres de
la nuit. Puis elle s’élève à la contemplation de Celui que le Père engendra,
lumière de lumière, du sein de la Divinité, avant le lever de l’aurore.
L’introït est tiré d’Isaïe (IX). Un peuple qui marchait au milieu des ténèbres,
la malheureuse gentilité non éclairée par la révélation mosaïque et par les
prophéties, a vu aujourd’hui une grande lumière, puisque Celui qui est né est
justement le Père de la nouvelle génération, le Prince de la paix, dans le
royaume de qui il n’y a ni différences de castes, ni prérogatives de familles :
quiconque accueille sa parole devient fils de Dieu et citoyen du nouveau
royaume messianique. L’antienne prophétique vient ensuite, c’est le psaume 92,
qui est proprement le psaume pascal, mais il s’adapte fort bien aussi à Noël,
puisque, si la Résurrection marque le triomphe final du Sauveur sur la mort et
sur le péché, sa Nativité annonce l’aurore de ce beau jour de victoire.
On rappelle dans la collecte que l’incarnation du Verbe est venue illuminer la
terre par les splendeurs divines, splendeurs non pas matérielles ou purement
abstraites et de caractère spéculatif ; non, les sublimes vérités de la foi
doivent se traduire en acte par les œuvres, et le chrétien étant une image
vivante du Verbe éternel, en tant qu’il accueille et fait sienne la
connaissance du Père que Jésus lui révèle au moyen du saint Évangile, revit le
Christ et agit en Lui et pour Lui.
On ajoute la commémoraison de la martyre titulaire de la basilique stationnale
en demandant la grâce d’expérimenter les effets de sa puissante intercession.
Les saints sont confirmés dans la charité, ils sont donc toujours pleins de
compassion pour tous nos besoins, pour lesquels ils prient incessamment le
Seigneur.
Dans le passage de la lettre à Tite qui se lit après les collectes, l’Apôtre
explique le caractère spontané et entièrement généreux et gratuit de la
Rédemption. Il emploie à ce propos un mot qui est maintenant bien profané, mais
qui, dans la pensée de saint Paul, exprime tout ce qu’il y a de plus suave, de
plus condescendant et d’ineffable dans le mystère de notre rachat : Dieu qui
aime l’homme ; voilà l’humanitas des latins, et la philanthopía des grecs.
Cet amour est éternel, comme est éternel l’Esprit Saint, mais l’effet visible,
nous pourrions dire le baiser de Dieu, qui témoigne de sa philanthropie, a été
concédé novissime, diebus istis selon le mot de saint Paul, au moyen de la
théophanie messianique. Le Christ reviendra à la fin du monde, juge inexorable
pour les vivants et pour les morts, mais maintenant, dans sa première venue, la
justice est reléguée comme au fond de la scène, là où l’on voit Satan et la
mort enchaînés, pour ne laisser paraître que la bénignité et la « philanthropie
» du divin Sauveur.
Le répons-graduel emprunte au psaume 117 l’acclamation joyeuse des rachetés, au
Christ qui fait sa première entrée dans le monde. « Béni Celui qui vient au nom
de Yahweh ! » Le jour des Rameaux, les enfants et la foule sortirent au-devant
de Jésus qui entrait triomphalement à Jérusalem, en chantant ce salut du
psaume, et leur dévotion plut tant au Sauveur qu’il déclara à la Synagogue
qu’il l’abandonnait désormais définitivement à son sort, jusqu’à ce que, reconnaissant
sa dignité messianique, elle le saluât : « Béni Celui qui vient au nom de
Yahweh ! » Venir au nom de Yahweh signifie venir en Envoyé de Dieu, et, plus
proprement, comme le Prophète par excellence, déjà prédit par Moïse, et à qui
Israël aurait dû prêter cette obéissance qu’il avait rendue jadis à celui qui
le délivra de la servitude du pharaon.
Le verset alléluiatique est tiré du psaume pascal 92 : « Le Seigneur s’est
revêtu de force et de grâce pour inaugurer son royaume messianique. » Il s’est
revêtu de grâce envers les hommes auxquels il montre sa nature humaine, en tout
semblable aux fils d’Adam, ut sit ipse primogenitus in multis fratribus ; de
force envers le démon, qu’il combat par la puissance de la divinité, brisant
ses armes et détruisant son règne.
Le passage de l’évangile de saint Luc (II, 15-20) nous raconte la visite des
pasteurs à la crèche, leurs pieuses impressions et l’attitude de la sainte
Vierge devant le grand mystère qui se déroulait sous ses yeux. Tandis que les
bergers font déjà œuvre d’apôtres, narrant à leurs compagnons ce qu’ils avaient
vu et entendu, Marie est élevée à la plus sublime contemplation et dans le
secret de son cœur elle prélude aux Évangiles. Quand, un demi-siècle plus tard,
les quatre heureux évangélistes seront mus par l’Esprit Saint à entreprendre la
narration de la vie et de la doctrine du Christ, la divine Mère répandra dans
ces écrits la plénitude de son cœur, c’est-à-dire ce qu’elle avait médité et
aimé depuis plus de dix lustres. La rédaction des saints Évangiles date
sûrement de la seconde moitié du Ier siècle, mais l’œuvre était déjà conçue,
pensée et contemplée depuis le premiers jours de Bethlehem, dans le cœur très
saint de la Mère de Dieu.
L’antienne à l’offertoire vient, elle aussi du psaume 92 qui est aujourd’hui le
psaume de circonstance. Cet Enfant qui en ce jour vagit au berceau, a une
histoire aussi ancienne que les siècles. Dieu a donné la stabilité à la terre
pour qu’elle ne soit pas ébranlée, et serve d’escabeau au trône du Messie
nouveau-né. Ce trône est réservé au Premier-Né de la création de toute
éternité, car, si dans sa nature humaine il ne compte encore que quelques
heures de vie, dans sa nature divine pourtant il est appelé par les Écritures Y
Ancien des jours et coéternel au Père.
Nous demandons à Dieu, dans la collecte sur les oblations, que celles-ci soient
bien dignes du Mystère que nous célébrons, et nous réconcilient avec lui ; et
de même que l’Enfant qui est venu aujourd’hui à la lumière est tout à la fois
Dieu et homme, qu’ainsi les éléments eucharistiques, extérieurement semblables
à toute autre substance terrestre, nous confèrent quod divinum est,
c’est-à-dire Jésus-Christ, la divinité même, avec tous ses trésors de mérites
et de grâces.
On ajoute la commémoraison de sainte Anastasie, priant le Seigneur d’agréer
l’oblation qui lui est justement offerte, afin que, par les mérites de la
martyre, Il nous donne son aide pour arriver au salut éternel.
L’antienne de la Communion est prise dans Zacharie (IX, 9) qui invite les filles
de Sion et de Jérusalem à aller joyeusement au-devant du Christ Jésus qui
vient, plein de la douceur et de la mansuétude que symbolise l’âne sur lequel
Il est assis, pour prendre possession de son royaume. Cette prophétie se
rapporte directement, comme le remarque saint Matthieu, à l’entrée du
Rédempteur dans la Cité sainte le jour des Rameaux, mais l’Église trouve de
frappantes analogies d’humilité, de mansuétude et de condescendance, entre
cette entrée de Jésus en Jérusalem et sa première apparition en ce monde. Dans
la grotte de Bethlehem comme aux portes de Jérusalem, tout était pauvre et
respirait la grâce et la miséricorde. Jésus n’était pas assis sur l’ânon, mais
celui-ci, de son haleine, réchauffait ses membres délicats, tout engourdis par
le froid.
Dans la collecte d’action de grâces, nous demandons au Seigneur que le
renouvellement annuel de ce sacrifice de Noël nous rénove aussi
spirituellement, puisque l’admirable Nativité du Seigneur a ouvert une ère
nouvelle pour l’humanité vieillie dans la malédiction du péché.
Il faut distinguer avec les Pères une triple parousie, esquissée très
heureusement dans la liturgie de Noël. La première fois, Jésus naît pauvre,
victime d’expiation pour le péché, et le trône d’où Il condamne l’orgueil et la
sensualité est la mangeoire de la crèche. La seconde fois, Il s’élève,
rayonnant de gloire, de l’humiliation du sépulcre, et, par l’envoi du Paraclet
sur les Apôtres, Il répand dans l’Église, avec l’« esprit de résurrection »
intime et spirituelle, tous les trésors de grâce et de sainteté. La troisième
fois, Il apparaîtra à la fin des siècles sur un trône flamboyant de sainteté et
de justice, dans la majesté de juge suprême des vivants et des morts, quand Il
assujettira définitivement à Dieu toute la création, et que sera enfin terminée
la lutte épique qui embrasse toute l’histoire angélique et humaine entre Satan
et le Christ. Entre ces trois parousies il y a une liaison intime, qui fait que
l’Église, dans sa liturgie, ne les sépare jamais : Pâques est le couronnement
de Noël, et- la fête de tous les saints est le fruit du dimanche de la
Résurrection.
A la troisième Messe au jour de Noël
Station à Sainte-Marie-Majeure (à Saint-Pierre).
Jusqu’au temps de Grégoire VII, la troisième station de Noël, selon l’usage à Rome
aux jours les plus solennels, sa faisait à Saint-Pierre, pour célébrer cette
fête en famille autour de la mensa Petri, du Père et Pasteur commun. Mais la
brièveté des journées hivernales et la difficulté de se rendre
processionnellement au Vatican en ces jours troublés, où le Pape avait même été
arraché de l’autel ad Praesepe pendant la messe de minuit, et traîné en prison
par la faction adverse, firent préférer la basilique Libérienne, plus voisine
du Latran, d’autant plus qu’au XIe siècle Saint-Pierre fut plusieurs fois au
pouvoir des schismatiques et de leurs antipapes. L’usage imposé alors par la
tristesse des temps finît par faire loi, et la station à Sainte-Marie-Majeure
remplaça celle de Saint-Pierre, avec cette différence pourtant, que la messe de
minuit est dans l’oratoire ad Praesepe, — où pouvait être admis seulement un
cercle restreint de personnes, — tandis que la troisième se célèbre dans la
vaste salle de Sicininus, décorée par Libère et par Sixte III.
Quand le Pontife entrait dans l’église, selon la description des anciens
Ordines Romani, les cubiculaires le recevaient sous une espèce de baldaquin, et
il mettait le feu, avec une petite cire enroulée à l’extrémité d’une canne, à
l’étoupe tressée sur les chapiteaux des colonnes.
Ce rite qui ne s’accomplit plus aujourd’hui qu’à l’occasion du couronnement du
Souverain Pontife, symbolisait la joie de la fête, et voulait être aussi comme
une figura finis mundi per ignem [79], mais cette seconde signification
symbolique est postérieure. A une époque plus récente, le sens primitif a subi
une nouvelle modification, et au Pontife qui, dans toute sa gloire, s’approche
de l’autel de Saint-Pierre pour ceindre la tiare papale, un cérémoniaire dit,
en lui montrant l’étoupe ardente : Pater Sancte, sic transit gloria mundi. La
leçon est profonde, mais les humanistes de la Renaissance, qui
l’introduisirent, semblent n’avoir pas compris l’inconvenance de sa
proclamation devant le souverain Maître de la Foi, au moment de sa prise de
possession du trône pontifical.
Mais revenons à notre fête de Noël : Le cortège étant arrivé au presbyterium,
le primicier retirait au Pape sa mitre et le baisait sur l’épaule ; celui-ci à
son tour, ayant baisé le livre des Évangiles, échangeait le baiser de paix avec
le doyen des cardinaux-évêques, et, entouré de ses sept diacres, commençait
l’action liturgique.
Après la collecte, les clercs inférieurs, sous la direction de l’archidiacre,
exécutaient une série d’acclamations en forme de litanie — toujours en usage
lors du couronnement pontifical — en l’honneur du Pape ; celui-ci les
récompensait de ce compliment par trois sous d’argent pour chacun. A
l’offertoire sept autres des évêques et prêtres cardinaux montaient à l’autel
et concélébraient avec le Pape ; ce rite de concélébration eucharistique se
maintint longtemps à Rome pour la messe papale solennelle.
Après le divin sacrifice, le Pontife était couronné du regnum par l’archidiacre
— la seconde et la troisième couronne ont été ajoutées pendant la période
d’Avignon — et le-splendide cortège à cheval rentrait au Latran pour le
déjeuner. Avant de descendre de selle, les cardinaux se rangeaient devant la
petite basilique de Zacharie, et, — comme le Polichronion de la cour byzantine
en la fête de Noël — l’archiprêtre de Saint-Laurent entonnait lui aussi : Summo
et egregio ac ter beatissimo papae N. vita. Ses collègues répondaient par trois
fois : Deus conservet eum. L’archiprêtre reprenait : Salvator mundi, ou Sancta
Maria, omnes Sancti et, à chaque invocation, le chœur répondait : Tu illum
adiuva. Le Pape remerciait du souhait et distribuait à chacun des cardinaux
trois pièces d’argent. Les juges les remplaçaient alors et le primicier
entonnait : Hunc diem ; les autres acclamaient à plusieurs reprises : Multos
annos. Le chef reprenait : Tempora bona habeas, et le chœur : Tempora bona
habeamus omnes.
Alors le Pape descendait enfin de cheval, et, étant entré dans une des salles,
et continuant l’antique tradition des Césars, il faisait l’habituelle
distribution d’argent à ses clients. — Il est souverainement intéressant de
voir comment la cour pontificale du moyen âge avait conservé tant de traditions
de la période impériale de Rome et de Byzance. — Outre la gratification commune
à tous, le préfet de la ville recevait vingt pièces ; les juges et les évêques,
quatre ; les prêtres et les diacres cardinaux, trois ; les clercs inférieurs et
les chantres, deux. Tous contents du don obtenu, prenaient place à une table
préparée dans le grand triclinium de Léon III, dont la mosaïque absidale existe
encore sur la place du Latran, en une reconstruction postérieure accomplie sous
Benoît XIV.
Autour du Pape, s’asseyaient à table, revêtus des ornements sacrés, à droite
les cardinaux évêques et prêtres, à gauche l’archidiacre, le primicier avec les
hauts officiers de cour. Au centre de la salle était le pupitre avec
l’homiliaire, où, au milieu du banquet, un diacre lisait un passage des saints
Pères. Mais la lecture ne durait pas longtemps : le Pontife envoyait un acolyte
inviter la schola à exécuter quelque séquence de son répertoire en l’honneur de
Noël, — voici la place réservée à la séquence, comme chant pieux et populaire,
mais extra-liturgique, à Rome, — et, après que les chantres avaient fait preuve
de leur talent musical, ils étaient admis à baiser le pied du Pape, qui offrait
avec bonté à chacun d’eux une coupe de vin et un besant. Quelle poésie dans ces
anciennes cérémonies de la Rome papale, et surtout quelle influence la sainte
liturgie exerçait sur toute la vie religieuse du peuple !
L’introït vient d’Isaïe (IX, 6). Voici que nous est né un enfant, qu’un fils
nous a été donné, lequel, malgré l’état d’anéantissement où il se réduit, est
l’Éternel, le Créateur de l’univers ; Celui qui, par la puissance de sa parole,
dirige et gouverne tout ; sur l’épaule de qui repose la divine et universelle
monarchie. Lui, comme splendeur et image du Père, Le dira aux hommes, et sera
donc pour eux le messager de la Trinité sacrosainte, l’envoyé ou l’ange de
l’heureuse nouvelle de la Rédemption. Le psaume 97 qui suit, invite à entonner
à Yahweh un cantique nouveau, en remerciement du nouveau prodige de miséricorde
qu’il a opéré dans l’incarnation de son Verbe.
Dans la collecte, nous demandons à Dieu que la nouvelle naissance temporelle de
son Fils unique nous délivre de l’antique servitude du péché.
Dans la lecture de l’Épître aux Hébreux (I, 1-12) grâce à une profonde exégèse
des anciens textes scripturaires, nous est démontrée la divinité du Messie et
sa supériorité infinie sur les anges, qui, en effet, l’adorent et lui offrent
en tremblant leurs services. Bien que dans la crèche Il paraisse comme un petit
enfant, Il est néanmoins l’Éternel ; dans le monde, tout passe et se succède,
et Il remplace les formes anciennes par les nouvelles, comme on change un vêtement
usé ; mais Lui est immuablement le même, et ses années ne passent pas.
Le graduel est emprunté au psaume 97. Le Seigneur a manifesté au monde le divin
Sauveur, et tous les peuples ont participé à cette révélation. Ce n’est plus la
seule Judée qui est invitée à louer Yahweh, qu’au début elle seule connaissait.
La nouvelle rédemption doit être universelle, comme a été universel le péché,
et devant Dieu ne compteront plus les barrières nationales qui divisent les
Hébreux, les Grecs et les Romains ; l’Église sera une et catholique,
c’est-à-dire universelle.
Le verset alléluiatique est pris dans la liturgie byzantine. Aujourd’hui brille
pour nous un jour saint. Comme de toute éternité le Père engendra son Verbe au
sein des splendeurs de sa sainteté substantielle, ainsi aujourd’hui la
Bienheureuse Vierge donne le jour au Rédempteur, qui, par son incarnation,
consacre le monde et sanctifie l’Église. Aujourd’hui une grande lumière est
descendue sur la terre, lumière non seulement matérielle, mais aussi spirituelle.
Jésus-Christ, lumière de lumière, est venu pour dissiper les ténèbres du monde.
— II faut rappeler que l’antique fête de Noël, chez les Orientaux, était unie à
l’Épiphanie, appelée par eux solennité des saintes Lumières, en sorte que
l’image de la lumière et de la clarté est tout à fait naturelle en ce jour.
Cette influence des liturgies orientales sur la liturgie romaine rappelle l’âge
d’or du monachisme à Rome : alors, dans la capitale du monde catholique,
s’élevaient, à côté des monastères romains, des couvents grecs, syriens, de
Cilicie, d’Arménie, etc., et tous prenaient part aux solennités papales.
La lecture de l’Évangile (IOAN., I, 14) est peut-être la page la plus sublime
de toute la sainte Écriture. Il y est question de la double génération du Verbe
dans sa nature divine et dans sa nature humaine. Comme image de l’Artisan
suprême, le Verbe est encore l’idée archétype et exemplaire de la création,
mais en Lui Cette image s’identifie avec sa substance même, en sorte qu’en Lui
tout est vie. Comme créature, la naissance de Jésus procède non de volonté
humaine ou de désir de la chair ; mais l’immaculée Vierge Marie l’a conçu par
la vertu de l’Esprit de Dieu ; génération divine à la participation de laquelle
nous sommes admis nous aussi, autant que, au moyen de la foi, nous accueillons
Jésus dans notre âme. Lui, se faisant homme, et établissant sa tente parmi
nous, ne perd rien de ses attributs divins, en sorte que, à travers le voile de
son humanité nous voyons tout le plérome divin, — il faut retenir ce mot contre
la fausse gnose que combat l’Évangéliste, — la grâce infinie et la vérité.
L’antienne de l’offertoire est tirée du psaume 88 : « A vous sont les cieux, à
vous la terre et l’univers que vous avez créés ; la justice et l’équité
préparent votre trône. » Qu’elle est belle cette insistance de l’Église à
exalter les attributs divins de l’Enfant de Bethlehem, en ce jour où, par une
condescendance infinie vis-à-vis de notre misère, Il daigne en cacher les
splendeurs sous les pauvres langes qui enveloppent ses membres transis.
Dans la collecte sur l’oblation, nous prions Dieu de la sanctifier, en mémoire
de la naissance temporelle de son Fils unique, afin que nous aussi soyons
purifiés de toute souillure du péché.
Dans l’antienne pour la Communion, tirée du psaume 97, nous remercions le
Seigneur de ce qu’il a révélé le divin Sauveur devant toutes les nations. La
générosité, la magnificence, la lumière, tel est toujours le caractère des
œuvres divines. Le péché se commet ordinairement dans l’obscurité et le secret,
car l’impie hait la lumière ; mais la Rédemption s’est accomplie sur le
Calvaire à la vue de tout le monde, afin que les nations, grâce aux splendeurs
de la foi, reconnaissent et adorent le Sauveur crucifié.
La prière d’action de grâces après la Communion vient, ensuite, et nous y
demandons que l’Enfant qui vient de naître soit, non seulement l’auteur de
notre renaissance dans la sublimité de la régénération divine, mais aussi le
rémunérateur généreux de nos mérites dans la gloire de l’éternité.
Jésus naît de la femme, pour que nous cessions une bonne fois d’être fils de la
femme, nous élevant à la dignité de la filiation divine ; le Verbe associe à sa
personne notre nature humaine, pour nous rendre participants de la grâce de
Dieu. Il s’abaisse jusqu’à la poussière, pour élever la créature au plus haut
des cieux. Quelles mystérieuses antithèses ! Quelle force d’éloquence dans ce
dénuement apparent qui entoure la crèche de Jésus ! Ces membres engourdis par
le froid, cette étable, cette paille, cette pauvreté et cette grande
humiliation, quelle condamnation pour notre sensualité et pour notre orgueil !
[78] P. L., LXXVIII, col. 1181.
[79] Ord, Bened. Canonici ; P. L., LXXVIII, col. 1032.
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique
A l’Office du soir, les Vêpres nous font déjà entendre les premiers accents de
la fête de Noël. L’attente est devenue la certitude heureuse de la possession.
Il y a dans les antiennes comme un désir apaisé et un calme majestueux : « Le
Roi pacifique est glorifié, lui dont toute la terre désire voir le visage. » —
« Les jours sont accomplis où Marie devait enfanter son Fils premier-né. » — «
Sachez que le royaume de Dieu est proche, en vérité, je vous le dis, il ne
tardera pas. » — « Levez la tête, voici que votre Rédemption est proche. »
Dans sa certitude, l’Église chante, au coucher du soleil : « Lorsque le soleil
se sera de nouveau levé dans le firmament, vous verrez le Roi des rois qui
procède du Père comme un Époux qui sort de la chambre nuptiale » (Ant. Magn.).
Le temps de Fête
Les deux cycles festivaux de l’année liturgique sont construits de la même
manière : il y a d’abord une montée qui est la préparation, ensuite un
cheminement sur les hauteurs pendant le temps des fêtes, puis une descente dans
la plaine pendant le temps où s’achève le cycle. Le temps de préparation du
cycle d’hiver est l’Avent que nous venons d’achever. Maintenant que ce temps
est achevé, nous restons étonnés devant les richesses de poésie symbolique et
dramatique que l’Église a réunies. Intentionnellement nous avons laissé la
liturgie elle-même parler dans ses chants et ses leçons, afin de pouvoir
admirer cette richesse. Nous pouvons affirmer qu’aucun temps de l’année
liturgique ne possède une telle surabondance de cantiques, de versets, de
chants. Comme d’une corne d’abondance la liturgie nous verse la profusion
variée de ses chants.
Maintenant suit, sans solution de continuité, comme une émanation naturelle de
l’Avent, la fête de Noël. Le temps festival des deux cycles a encore ceci de
commun qu’il comprend, dans l’un et l’autre cas, deux grandes fêtes, qui sont
comme les piles du pont qui supportent tout le temps festival. Dans le cycle
d’hiver, nous avons Noël et l’Épiphanie ; dans le cycle d’été, Pâques et la
Pentecôte. Il y a cependant une différence entre ces deux couples de fêtes.
Pâques et la Pentecôte représentent un développement organique de la même
pensée de salut, Noël et l’Épiphanie sont la répétition de la même pensée. La
célébration de ces deux fêtes ne s’explique que par des raisons historiques.
Noël est la fête de la Nativité de l’Occident et l’Épiphanie celle de l’Orient.
L’Occident a adopté l’Épiphanie. et l’Orient Noël. Ces deux fêtes de l’Orient
et de l’Occident sont un monument vénérable de l’union qui régnait autrefois
entre les deux Églises, union que nous voudrions voir renaître, après une
séparation millénaire. L’union malgré toute la différence d’idées et de
sentiments !
Les circonstances historiques qui ont fait de ces deux fêtes des doublets nous
aideront à comprendre bien des particularités et à résoudre bien des
difficultés qui résultent de ce double emploi. Pour nous autres Occidentaux, la
fête de Noël paraîtra toujours plus importante que celle de l’Épiphanie, malgré
le rang plus élevé de cette dernière. Noël est et demeure notre fête,
l’Épiphanie nous touche de moins près. Après quatre semaines où le désir a
tendu fortement notre esprit, Noël est le véritable accomplissement de l’Avent.
Il faut cependant avouer qu’entre l’Avent et l’Épiphanie la parenté de pensées
est plus étroite. Noël est cependant bien la clôture de l’Avent. Il suffit de
parcourir les textes de la Vigile. Nous reprenons toujours ce chant : Demain le
péché originel sera détruit. Noël est la fête de la Rédemption. Par contre, il
nous faut attendre jusqu’à l’Épiphanie pour voir se réaliser la glorieuse
visite du Roi dont la pensée domine l’Avent.
D’ailleurs Noël et l’Épiphanie ne sont pas de simples doublets. L’Église
Occidentale a reçu de l’Église Orientale sa fête de la Nativité avec son
contenu spirituel oriental et elle l’a développée selon son génie propre. Elle
l’a magnifiquement fécondée et enrichie. Son regard s’est élevé du cercle
historique étroit de la naissance du Seigneur jusqu’à la perspective de la
royauté du Christ qui domine les temps. L’Avent de l’Occident et sa fête de
Noël ont bénéficié de cet élargissement de vues. Finalement les deux fêtes de
la Nativité sont devenues deux solennités distinctes avec un objet indépendant
et une progression intérieure. Nous avons désormais quelque chose d’analogue à
ce que nous voyons dans le cycle de Pâques. A Pâques le soleil de la
Résurrection se lève et éclaire le monde de ses rayons brillants. A la
Pentecôte, ce soleil est à son midi et sa chaude lumière crée la vie et la fécondité.
A Noël, le soleil de la Nativité se lève sur les plaines de Bethléem, à
l’Épiphanie « la gloire du Seigneur » rayonne sur Jérusalem. A Noël nous
naissons et renaissons avec le Christ notre frère, à l’Épiphanie le Christ
célèbre avec l’Église et l’âme ses noces mystiques. A Noël « le Christ nous est
né » ; c’est comme une fête intime de famille à laquelle ne participent que
quelques privilégiés avec Marie et les bergers ; à l’Épiphanie, « le Christ
nous est apparu », c’est-à-dire il a manifesté son apparition au monde.
Les événements historiques comme la Nativité, l’adoration des Mages, le Baptême
ne sont ici que des témoignages et des preuves de ce fait heureux que
l’Homme-Dieu est le Sauveur du monde.
Les deux fêtes complètement séparées de Noël et de l’Épiphanie, constituent une
première et une seconde solennités. Noël a une vigile que nous avons considérée
comme faisant encore partie de l’Avent, ainsi qu’une Octave qui admet, il est
vrai, la célébration d’autres fêtes (par exemple : saint Thomas, saint
Silvestre) ; cette Octave se clôture par une fête indépendante : la
Circoncision de Notre Seigneur. Une particularité de la fête de Noël, ce sont
les trois fêtes adjointes (Saint-Étienne, Saint-Jean, les Saints-Innocents). Le
dimanche dans l’Octave de Noël a son pendant dans l’Octave après l’Épiphanie,
mais originairement il servait de transition entre Noël et l’Épiphanie.
L’Épiphanie a également une vigile : son Octave privilégiée n’admet pas les
fêtes de rang moyen, ce qui permet de se consacrer sans distraction à une
méditation plus profonde du mystère. Récemment, on a fixé au dimanche après
l’Épiphanie la fête de la Sainte-Famille. La messe antique et riche de sens de
ce dimanche a été renvoyée à un jour de la semaine. Les progrès de la liturgie
feront sans doute disparaître cette anomalie.
La Sainte Nuit. Roi et Enfant
L’ami de la liturgie fera bien de préparer quelques jours auparavant l’Office
de nuit, particulièrement les Matines de Noël ; une si grande fête mérite une
préparation de plusieurs jours.
Les Matines. Un Office religieux pendant la Nuit ! L’ancienne Église en avait
fait une institution permanente. La nuit ne devait pas être consacrée seulement
au sommeil, mais encore à la prière et à la méditation. Les vigiles (veilles de
nuit) ou matines étaient, dans l’ancienne Église, la prière nocturne de la
Parousie, dans laquelle on attendait celui « qui se lève sur les hauteurs »,
c’est-à-dire le retour du Seigneur. Dans l’esprit de la liturgie, l’Heure de
prière des matines est encore assignée à la nuit et il y a des Religieux qui,
toutes les nuits, se lèvent de leur couche, pour prier et chanter au nom de
l’Église. Mais, en fait, pour le peuple, il ne subsiste qu’un Office de nuit,
celui de la nuit de Noël. Nous devons d’autant plus l’apprécier. Vers dix
heures et demie ou onze heures, les cloches de Noël nous appellent à Matines.
Les amis de la liturgie tiendront à réciter les Matines pendant la nuit, autant
que possible en commun.
Après l’Invitatoire solennel : « Le Christ est né, venez, adorons-le » et le
chant de l’hymne, commencent les trois Nocturnes. Les trois psaumes du premier
Nocturne, malgré leur caractère et leur contenu différents, se ramènent à une
seule idée : la naissance du Christ. Psaume 2 : Engendré éternellement par le
Père, né dans le temps de la Vierge Marie. Psaume 18 : Le divin Soleil quitte
comme un Époux la chambre nuptiale et vient nous éclairer de ses rayons (ce
psaume:nous est connu, nous l’avons rencontré pendant l’Avent). Psaume 44 : La
divinité et l’humanité célèbrent leur union dans le divin Enfant qui vient de
naître.
Dans les Leçons, le prophète de l’Avent, Isaïe, achève ses prophéties, il
annonce le rétablissement du royaume de Dieu par le Christ (première leçon), il
console Jérusalem (l’Église) et l’exhorte à revêtir des vêtements de fête, car
l’Époux royal vient pour célébrer ses noces (troisième leçon).
« Lève-toi, lève-toi, prends ta parure, Ô Sion, Prends tes vêtements de gloire,
Jérusalem, cité sainte, Lève-toi de la poussière, Jérusalem captive, Déliées
sont les chaînes de ton cou, Sion captive ! »
Les répons sont d’une grande beauté, tout remplis de l’impression immédiate et
de l’expression lyrique de la merveille de Noël, les deux premiers avec la
répétition constante de « hódie », aujourd’hui, et le troisième avec son
dialogue dramatique. (C’est là qu’il faut chercher l’origine des mystères
médiévaux de Noël et de la Crèche).
« Aujourd’hui la véritable paix est descendue pour nous du ciel,
Aujourd’hui, par tout l’univers, les cieux ont distillé du miel,
Aujourd’hui a brillé pour nous le jour de la Rédemption nouvelle, de la
réparation depuis longtemps annoncée, de l’éternelle félicité (Rép.).
« Qui avez-vous vu, bergers ?
Dites-le-nous, annoncez-nous qui a paru sur la terre.
C’est un Enfant que nous avons vu et les chœurs des anges qui louaient le
Seigneur.
Dites-nous ce que vous avez vu,
Annoncez-nous la naissance du Christ.
C’est un Enfant que nous avons vu... » (Rép.).
Le premier Nocturne considérait la naissance du Christ, le second nous entretient
de ce que le Christ veut nous apporter : le royaume de Dieu, la paix, la
Rédemption, la réconciliation avec Dieu. Ces pensées apparaissent dans
plusieurs passages des psaumes. Dans le psaume 47, la ville de Dieu, qui fête
aujourd’hui la fête de la Nativité de son Roi, rend grâces dans une procession
solennelle, pour sa délivrance du pouvoir des ennemis ; le psaume 71, un vrai
psaume de Noël et de l’Épiphanie, chante le Roi pacifique, le dispensateur de
la justice, le Père des pauvres, dans l’Enfant royal qui vient de naître. Le
psaume 84 est un chant de joie saluant la Rédemption (nous connaissons déjà ce
psaume, cf. p. 111).
Les Leçons nous apportent une homélie de Noël du pape saint Léon. Ses discours
éloquents causèrent dans l’Église de Rome, au cinquième siècle, une grande
joie. Dans les répons, l’Église commence par s’étonner devant le mystère de la
Crèche, puis elle fait entendre un chant de gloire en l’honneur de Marie, qui
retentit à travers quatre répons.
Dans le troisième Nocturne, la psalmodie après une méditation calme de la
miséricorde de Dieu et de sa fidélité, s’abandonne à la joie : le psaume 88
raconte d’une manière saisissante les promesses faites à David, promesses qui
se réalisent aujourd’hui : le descendant de David doit être Roi éternellement.
Ensuite les deux derniers psaumes terminent dans la joie les Matines.
D’ordinaire les leçons du troisième Nocturne sont une explication scripturaire
de l’Évangile qui est rappelé par une seule phrase, mais à Noël, comme on
célèbre trois messes et qu’on lit par conséquent trois Évangiles, ces trois
Évangiles sont ici brièvement expliqués. Trois grands docteurs de l’Église
prennent la parole : Grégoire le Grand, Ambroise et Augustin. Ainsi, en
comptant saint Léon le Grand, au second Nocturne, quatre docteurs de l’Église
latine nous adressent la parole aux Matines de Noël.
Les messes de Noël
Le saint jour de Noël est caractérisé par un triple Sacrifice eucharistique.
L’ancienne Église de Rome a, en cela, suivi l’exemple vénérable de l’Église de
Jérusalem. Les fidèles se rassemblaient, la nuit, dans la grotte de la Nativité
et sanctifiaient l’heure de la naissance du Seigneur par la célébration de la
messe. A la fin de cette messe ils retournaient à Jérusalem. Que pouvaient-ils
faire de mieux que de commémorer l’heure de la Résurrection, dans l’église de
la Résurrection, et d’y célébrer en même temps Noël avec les bergers ? C’était
la seconde messe. Pendant le jour, ils se réunissaient dans l’Église pour
l’Office solennel. Ainsi naquit l’usage de célébrer trois messes le jour de
Noël. Cet usage fut imité à Rome. La première Messe était célébrée pendant la
nuit dans l’église de la Crèche de Sainte-Marie Majeure (Sainte-Marie Majeure
était considérée comme le Bethléem des Romains) : la seconde messe était
célébrée dans l’église romaine de la Résurrection, dans l’église palatine
grecque dont le nom était Anastasis (c’est-à-dire Résurrection). La troisième
était célébrée dans la basilique de Saint-Pierre. De Rome l’usage se répandit
dans tout l’Occident. Depuis que les prêtres occidentaux célèbrent la messe
tous les jours, la coutume s’est établie que chaque prêtre puisse célébrer la
messe trois fois, à Noël.
Trois considérations s’unissent dans chaque messe ; la divine lumière, le temps
correspondant du jour ou de la nuit et l’événement évangélique de ce temps. Il
y a, dans les trois messes, un développement progressif de la pensée de la
fête. L’impression de l’Avent se remarque encore dans la première messe. Le
Dieu de Majesté, environné de lumière, s’y manifeste, des anges lumineux volent
au-dessus de la terre, et la Mère. la Vierge très pure, est le seul être
terrestre qui approche l’enfant divin. L’humanité est encore dans l’attente
dans les ombres de la nuit. La pensée de Noël progresse à la seconde messe qui
est célébrée à l’aurore, au lever du soleil. La lumière divine qui a paru
mystérieusement sur la terre, sous les voiles de la nuit, s’élève pour nous
comme un soleil d’une force créatrice puissante, elle entre en relation active
avec nous comme « notre Sauveur ». Dans la troisième messe, la pensée de Noël
atteint son développement le plus élevé et se manifeste dans toute son
efficacité « à tous les hommes ».
Noël est une fête de lumière. Ce qui le montre déjà c’est son origine. La date
(25 Décembre) n’est pas le jour historique de la naissance du Seigneur (ce jour
nous est inconnu). Si on a choisi pour cette fête le solstice d’hiver ce fut
plutôt pour supplanter la fête païenne de la naissance du dieu Soleil (sol
invictus) et lui substituer Une fête chrétienne. Le Christ est le vrai
Dieu-Soleil qui lutte contre les ténèbres de l’enfer et en triomphe. C’est
pourquoi la fête de sa naissance est très bien placée au moment où le soleil
recommence son ascension. La pensée de la lumière, qui trouve aussi chez le
peuple chrétien une touchante expression dans l’arbre de Noël illuminé, se
poursuit à travers les trois messes. Le symbolisme de la lumière est
particulièrement saisissant pendant la messe de minuit ; à la seconde messe le
soleil qui se lève nous offre un -symbole vivant et c’est pourquoi l’Introït
chante avec. allégresse : « Une lumière brille aujourd’hui pour nous. » A la
troisième messe le symbole de la lumière se trouve dans l’Évangile lui-même : «
La lumière brille dans les ténèbres ».
La messe de minuit (Dominus dixit).
La pensée principale de la messe de minuit est celle-ci : L’Enfant de Bethléem,
né de la Vierge Marie, est le Fils consubstantiel de Dieu, engendré de toute
éternité, en un mot : la naissance éternelle et la naissance temporelle du
Seigneur. Nous sommes réunis en esprit avec tout la chrétienté dans le petit
sanctuaire de Sainte-Marie Majeure dont la crypte, derrière l’autel, représente
la grotte de Bethléem. L’Introït fait pendant à l’Évangile. L’Évangile nous dit
: « Marie enfanta son Fils premier-né » ; l’Introït chante : « Le Père a dit :
dans l’éternel aujourd’hui, je t’ai engendré de mon essence. » Le Gloria
convient particulièrement aujourd’hui. La Collecte remercie Dieu de la divine
lumière dans la foi, mais elle demande aussi la jouissance de cette lumière
dans la vision béatifique. L’éclat lumineux des anges et l’illumination de
l’église ne sont qu’une faible image de la splendeur de la divinité que nous
contemplerons au ciel. — La prière liturgique s’est élevée de la nuit de
l’Avent (Kyrie) jusqu’aux plus hautes lumières du ciel. Maintenant, dans
l’Épître, l’Apôtre des nations s’adresse à nous. Il a connu la nuit de l’Avent
et la lumière de Noël autant que personne au monde. C’est le don de Dieu fait
homme, le Sauveur lui-même, qui lui apparut sur le chemin de Damas. Depuis ce
jour, il n’y a plus de nuit dans son âme mais la claire lumière. La lumière
demande une vie de lumière et c’est ce qu’il nous recommande. L’Épître et
l’Évangile nous parlent de l’humanité du Christ. Intercalé entre les deux, le
Graduel chante de nouveau le Fils éternel de Dieu. La nuit avant le lever de
l’étoile du matin est l’image de l’éternité. Nous sommes dans « la lumière du
sanctuaire », environnés des ombres de la nuit. Voici maintenant le point
culminant de l’avant-messe, le merveilleux Évangile de la nuit sainte : la
naissance du Seigneur. Les bergers font la garde de nuit (nous aussi ; tout
l’Office est en réalité une garde de nuit, une vigile). La clarté céleste les
environne, elle nous environne, nous aussi, au moment de l’apparition de
l’ange. L’Offertoire nous est déjà connu par les Matines, c’est un écho de
l’Évangile. Les anges du ciel entourent la crèche et se réjouissent, mais la
terre elle-même encore plongée dans l’obscurité tressaille de joie. C’est dans
ces sentiments que nous nous approchons de l’autel : donnons joyeusement en
cette fête où nous recevons le don de Dieu. La secrète nous parle d’un
merveilleux échange ; Dieu s’est fait Homme pour que l’homme devienne semblable
à Dieu. Puis le mystère de la fête se réalise dans le sacrifice. Le Christ naît
de nouveau pour nous et en lui nous renaissons. A la table du Seigneur, nous
entendons chanter l’éternelle naissance du divin Pontife et notre propre
renaissance (Psaume 109, Communion).
La triple nuit de la naissance.
Les grands actes de l’histoire du monde et de l’humanité s’accomplissent
d’ordinaire en jour et le monde en fête aussi le souvenir en plein jour.
L’Église, par contre, a préféré, dès le début, le silence solennel de la nuit
et, dans l’antiquité, elle a célébré toutes ses fêtes pendant la nuit. En
agissant ainsi elle se rappelait les saintes prières de son divin Fondateur qui
se prolongeaient pendant toute la nuit. La nuit était aussi le symbole de son
éloignement du monde et de son ardent désir de la Parousie. Et c’est pourquoi,
aujourd’hui encore, elle fait, de sa plus longue prière, une prière nocturne.
Ce sont les Matines. Elle sait aussi que les plus grands événements de la
Rédemption se sont accomplis dans l’obscurité de la nuit, loin des regards du
monde. Et même la figure de la Rédemption : la délivrance de la servitude
d’Égypte, la mort des premiers-nés, l’immolation et la manducation de l’agneau
pascal, était déjà une vraie nuit sainte. Le Christ, Notre Seigneur, a institué
son sacrement d’amour, l’Eucharistie, le soir, c’est-à-dire déjà dans la nuit.
Sans doute, il est mort pendant le jour, sur le Golgotha ; mais le soleil
s’obscurcit, ce fut la nuit pendant le jour. C’est avant l’aurore du matin de
Pâques, alors qu’il était nuit encore, qu’il ressuscita. Quand il vint au
monde, il ne choisit pas la clarté du jour, mais la nuit. La liturgie le dit
d’une manière très belle : « Pendant que le silence enveloppait la terre et que
la nuit était au milieu de son cours, ta « Parole » toute-puissante, Seigneur,
est descendue du ciel, du trône royal. » Quand les chrétiens devinrent plus
tièdes, l’Église romaine abandonna l’office de nuit, qui consistait dans la
vigile, et passa à l’Office de jour. Même la vigile des vigiles, la nuit de
Pâques, n’est plus célébrée actuellement. Mais il nous est resté une nuit
sainte, avec tout son charme : c’est cette nuit que nous appelons la nuit de
Noël, la nuit de la naissance du Sauveur. Et si cette nuit impressionne si
fortement les hommes qui ne connaissent le christianisme que par l’extérieur,
que ne doit-elle pas être pour nous, chrétiens, qui pouvons retrouver les
pensées et les sentiments de l’Église dans sa liturgie ! Les matines ont rempli
la nuit de chants sacrés. Nous avons entendu les prophéties et assisté à leur
accomplissement ; nous avons écouté les paroles des quatre Pères de l’Église
les plus illustres, qui nous ont expliqué la grandeur de cette nuit. Et
maintenant nous sommes sur le point de réaliser en nous tout ce qui a été
annoncé dans l’office de la parole de Dieu. La messe nocturne d’aujourd’hui
nous parle d’une triple naissance, disons d’une triple naissance nocturne.
1. La première nuit. — L’Église nous conduit dans l’éternité, dans la nuit,
avant que se levât « l’étoile du matin ». Dans cette nuit de l’éternité, la
seconde Personne divine procède substantiellement du sein du Père. « Dieu de
Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu. » La petite intelligence
humaine reste stupéfaite devant ce mystère insondable : le Fils de Dieu né du
Père avant tous les temps. Et pourtant cette éternité s’approche maintenant
mystérieusement de nous, car, dans la sainte Eucharistie, ce Fils éternel est
tout près de nous, l’éternité entre dans notre temps. Oui, dans cette nuit,
nous sommes remplis d’un saisissement sacré en face de cette nuit éternelle de
la naissance du Fils de Dieu.
2. Cependant le souvenir de cette nuit éternelle n’est que le prélude de cette
seconde nuit de naissance qui se passa dans le temps et que nous célébrons.
Notre sainte Mère l’Église nous prend par la main et nous conduit dans l’étable
de Bethléem ; elle nous montre, au milieu de la nuit, le petit Enfant
nouveau-né, qui est en même temps le Roi de la paix ; elle nous montre la
Vierge-Mère dans son bonheur maternel. Mais maintenant, à la messe, il y a plus
qu’un souvenir et une image de cette sainte nuit de naissance. Le mystère de la
messe de minuit c’est que ce Roi, ce Fils de Dieu éternellement engendré,
paraît aujourd’hui devant nous comme nouveau-né ; bien plus, choisit notre cœur
pour crèche et nous permet de participer aux joies maternelles de Marie.
3. Mais où se trouve la troisième nuit de naissance ? La première était la
naissance dans la nuit de l’éternité ; la seconde, la naissance temporelle à
Bethléem ; tolites les deux rendues présentes. La troisième naissance est notre
renaissance. Chrétiens, cela est si émouvant ! Le Christ s’est fait Homme pour
faire de nous ses frères et ses sœurs, afin que nous devenions avec lui des
enfants de Dieu, des régénérés. Aujourd’hui c’est la nuit de notre renaissance.
Pâques est notre nuit baptismale. Mais, tous les ans, à Noël, l’Église voit se
lever de nouveau notre nuit de naissance spirituelle. Nous sommes redevenus de
nouveau des enfants de Dieu, après avoir crié vers le ciel, pendant quatre
semaines, comme des non rachetés : « Cieux répandez votre rosée, faites
pleuvoir le Juste. » Aujourd’hui, à la Communion, quand notre cœur est devenu
ta crèche, l’Église ne pense pas seulement au Christ quand elle dit : « Dans
les splendeurs de ma sainteté. je t’ai engendré avant l’étoile du matin » ;
elle pense aussi à nous et fait entendre à chacun : Dans la nuit de l’éternité,
tu as été choisi par le Père ; dans la sainte nuit de la naissance du Christ, tu
avais place dans le Cœur du Fils de Dieu nouveau-né qui faisait de toi son
frère ou sa sœur ; et maintenant le Père te presse de nouveau sur son sein en
te disant : Avec mon Fils qui est né dans l’étable, tu es devenu mon enfant
bien-aimé. Tu célèbres, avec le Christ, ta nuit de naissance, une vraie nuit
sainte.
Les Laudes.
La première prière du matin qui suit maintenant immédiatement la messe de
minuit est, à proprement parler, une préparation à la seconde messe, « la messe
de l’aurore ». Les Laudes et la messe se complètent, la messe est une louange
eucharistique, c’est pourquoi nous chantons comme psaume principal le psaume
92. Les antiennes des Laudes nous racontent dans un dialogue dramatique
l’histoire des bergers pendant la nuit sainte.
La messe de l’aurore ou messe des bergers (Lux fulgebit)
« L’aurore » indique le temps mais aussi le symbole de la seconde messe. Les
deux pensées principales de la messe sont le lever du soleil de Noël et
J’événement historique des premières heures du matin (les bergers à la Crèche).
A l’Introït, nous contemplons avec étonnement, au lever du soleil, le Roi du
monde -qui vient de naître (le psaume 92 convient tout à fait ici : à
l’arrière-plan, Dieu nous apparaît mettant un frein à la fureur des flots).
L’Oraison est une magnifique prière de lumière. « Environnés des flots de la
nouvelle lumière du Verbe incarné », nous demandons la lumière dans la foi et
dans les œuvres. L’Épître complète l’oraison. Le bon Sauveur, le Dieu fait
homme, est la lumière qui nous a été communiquée au Baptême. Au Graduel, nous
louons ce divin Sauveur « qui est venu, qui brille devant nous et qui est
admirable à nos yeux », lui le Maître de tout. Puis à l’Évangile, nous suivons,
pleins de joie, les bergers dans l’étable. A l’Offrande, nous sommes nous-mêmes
les bergers qui nous approchons du Roi nouveau-né que nous sommes admis à
contempler. Avec les bergers, nous lui offrons nos présents (ce n’est pas en
vain que, dans les représentations des bergers, on les montre les mains
chargées de présents) et nous nous retirons le cœur rempli de la joie de Dieu.
L’antienne de la Communion nous montre le Roi nouveau-né faisant son entrée
dans son Église, dans l’âme. L’attente de l’Avent est remplie : « Tressaille de
joie, fille de Sion, jubile, fille de Jérusalem, voici que ton Roi vient, le
Saint, le Sauveur du monde. » Cette messe est toute remplie de cette pensée de
la lumière et c’est une des plus belles de l’année liturgique.
L’Office solennel : La troisième messe (Puer natus est)
La messe « du jour » est la messe proprement dite de la fête. L’église de
Station était primitivement et est encore, conformément à l’idée de la messe,
l’église des Gentils, Saint-Pierre de Rome. Cette église est pour les Romains
le symbole de la domination du Christ sur le monde païen. Telle est aussi la
pensée dominante de la messe : la royauté universelle du Christ.
A l’Introït, nous chantons le petit Enfant dans sa crèche comme l’Imperator (au
sens de la Rome antique) du monde, celui « sur les épaules duquel repose la
souveraineté ». Au psaume 97 que nous avons déjà rencontré aux Matines, nous
chantons : « Le Seigneur a manifesté son salut, devant les yeux des Gentils, il
a dévoilé sa justice. » « Toutes les régions de la terre voient maintenant le
salut de notre Dieu. » Dans l’Oraison, nous demandons que « la nouvelle
naissance » nous fasse secouer « l’antique joug du péché » et nous donne la
liberté. Epître s’adapte merveilleusement à la pensée principale. Devant nos
yeux apparaît l’image du souverain de l’univers : « Dieu l’a établi héritier et
Seigneur du monde qu’il a créé par lui. Comme splendeur de la gloire du Père et
image de sa divine essence, le Fils porte et soutient l’univers par sa parole
toute-puissante... maintenant il siège dans le ciel, à la droite de la majesté
divine. Le Père dit à son Fils : ton trône, ô Dieu, est établi d’éternité en
éternité, un sceptre d’équité est le sceptre de ta royauté... » L’Alleluia est
un prélude à l’Évangile de lumière, c’est un chant de lumière : le jour sacré a
brillé. Le soleil, le symbole du Sauveur du monde, est, au ciel, dans tout son
éclat. Nous entendons alors l’Évangile. Quel n’est pas alors l’effet du
Prologue de saint Jean ! Le Logos est la divine lumière qui brille dans les
ténèbres du monde, mais le monde ne la comprend pas. Mais pour nous, les
enfants de Dieu, elle brille aujourd’hui ; bien plus, elle établit aujourd’hui
sa demeure parmi nous. L’Offertoire développe le thème de la souveraineté
universelle du Christ : « A toi est le ciel, à toi est la terre..., le droit et
la justice sont les soutiens de ton trône. » Quand maintenant, à l’Offrande,
nous nous approchons de l’autel, nous venons devant son trône et nous chantons
la puissance du grand Roi. A la Communion, nous chantons une fois encore le
psaume de l’Introït (psaume 97) : « Toutes les régions de la terre voient
maintenant (dans l’Eucharistie) le salut de notre Dieu. » Dans la
Postcommunion, après avoir rappelé l’un des objets importants de la fête : « Le
Sauveur du monde qui vient de naître est l’auteur de notre naissance divine »,
nous appuyons sur cette considération notre demande : qu’il nous accorde aussi
l’immortalité. Le dernier Évangile est déjà une transition avec l’Épiphanie.
Nous avons ainsi dans les trois messes un développement progressif de la pensée
de Noël : La nuit — l’aurore — le soleil de midi Marie seule — les bergers
(quelques privilégiés) — le monde entier Le Rédempteur — notre Rédempteur — le
Rédempteur du monde.
L’Office solennel : Les Vêpres
les Vêpres sont les derniers échos de la fête. Ces secondes Vêpres de Noël
prêtent leur psalmodie à toute l’Octave. Quelles en sont les pensées dominantes
? J’en trouve deux.
a). La personne du Christ. – « Engendré du sein du Père avant l’étoile du matin
», « la lumière qui s’est levée dans les ténèbres », « le Seigneur
miséricordieux et juste ». La promesse faite à David que son descendant
occuperait son trône royal s’est accomplie dans le Christ (psaume 131 ; c’est
pour la même raison qu’on trouve le psaume 88 à Matines).
b). La Rédemption. — Noël est la fête de la Rédemption : « Il a envoyé la
Rédemption à son peuple, il a conclu avec lui une alliance éternelle. » Ce qui
nous surprend le plus dans ces Vêpres, c’est le sombre psaume « De profundis ».
Nous avons coutume de le chanter à l’Office des morts et il faut en faire
aujourd’hui un psaume de fête et de joie ? La raison de son choix est la pensée
de l’ »abondante Rédemption ». Cependant il faut nous efforcer de voir son
rapport organique avec la fête. La prière chorale est la prière du Christ
mystique. Le Christ crie des profondeurs de l’humiliation où il est descendu «
à cause de nous, les hommes » ; petit Enfant, il crie de sa Crèche, il crie du
sein de la misère humaine, au nom de l’humanité qui a besoin d’être rachetée :
Des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur ». On s’en rend compte alors : le
Roi a revêtu ses haillons. La belle antienne de Magnificat résume toute la fête
: « Aujourd’hui le Christ est né, aujourd’hui le Sauveur est apparu ;
aujourd’hui les anges chantent sur la terre, les archanges tressaillent ;
aujourd’hui les justes exultent et chantent : Gloire à Dieu dans les hauteurs,
Alléluia. »
Les Saints du jour
Sainte Anastasie. A la seconde messe, on fait mémoire de cette Sainte. On lit
dans le martyrologe : « Jour de mort de sainte Anastasie. Elle vécut au temps
de l’empereur Dioclétien. Elle eut à souffrir de la part de son mari Publius
des traitements durs et cruels, mais elle fut maintes fois consolée et
encouragée par le confesseur du Christ Chrysogone. Plus tard elle fut
emprisonnée longtemps par le légat d’Illyrie Florus. Enfin on lui lia les mains
et les pieds et on l’attacha à un poteau autour duquel on alluma du feu. Elle
mourut ainsi de la mort du martyre. Cela se passait dans l’île Palmaria. »
Martyrs de Noël. — « A Nicomédie (Asie Mineure), mémoire de la mort de
plusieurs milliers de martyrs. Ils s’étaient rassemblés, le jour de la Nativité
de Notre Seigneur, pour célébrer la sainte Eucharistie. Alors l’empereur
Dioclétien fit fermer les portes de la maison de Dieu et entasser tout autour
des matières inflammables. Devant l’entrée on plaça un trépied avec un
brûle-parfums et le héraut fut chargé d’annoncer : « Ceux qui veulent échapper
à la mort par le feu doivent sortir et brûler de l’encens devant Jupiter. »
Mais tous, d’une seule voix, répondirent qu’ils aimaient mieux mourir pour
Jésus-Christ ; alors on alluma le feu qui devait les faire mourir. Ils eurent
ainsi le bonheur de naître à la gloire du ciel le jour même où le Christ avait
daigné naître comme Sauveur sur la Terre » (Martyrologe).
SOURCE : http://www.introibo.fr/Nativite-du-Seigneur-25-decembre#nh2
SERMONS
DE SAINT AUGUSTIN PORTANT SUR LE JOUR DE NOEL
1.
Noël, jour de la naissance du Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, par qui la
vérité est sortie de la terre, et par qui le Jour né du Jour est né pour être
notre Jour, revient aujourd'hui comme chaque année nous prodiguer sa lumière et
nous inviter à le célébrer. Exultons de joie et de bonheur. Car le prix que
nous a valu l'abaissement d'une telle grandeur, seule la foi chrétienne le
sait ; le cœur des impies n'en a pas connaissance, parce que Dieu a caché
ces choses aux sages et aux prudents, et les a révélées aux petits. Que les
humbles restent fidèles à cette humilité de Dieu : pour qu'un si grand
soutien, supportant leur faiblesse, leur permette de parvenir jusqu'aux hauteurs
de Dieu. Les sages et les prudents, quand ils veulent s'approcher des autels
sans croire en l'humilité, oublient cette bassesse, et pour cela ne savent pas
monter jusqu'aux hauteurs ; vains et légers enflés et superbes, ils sont
restés comme suspendue entre ciel et terre, dans l'agitation du vent. Car ils
sont sages et prudents, mais selon le monde, non selon Celui qui a fait
l'univers. Car si la vraie sagesse, qui vient de Dieu et est Dieu, était en
eux, ils comprendraient que Dieu a pu revêtir la nature de chair, sans devenir
un être charnel. Ils comprendraient que Dieu a pris une nature qui n'était pas
la sienne, tout en gardant la sienne ; qu'il est venu à nous dans la
personne d'un homme, sans s'éloigner du Père ; qu'il a continué a être ce
qu'il est, tout en prenant notre apparence; et que le corps d'un enfant a reçu
une puissance qui ne doit rien à la masse du monde. Celui qui demeure auprès du
Père et qui a conçu l'univers, a conçu en venant à nous la maternité de la
Vierge. Car sa majesté apparaît dans la maternité de la Vierge, aussi vierge
avant la conception qu'après son accouchement ; elle s'est trouvée grosse
d'un homme sans avoir été engrossée par un homme ; portant en son sein un
mâle, sans oeuvre de mâle, plus heureuse et admirable par le don d'une
fécondité où sa pureté ne s'est pas perdue. Les sages selon le monde préfèrent
penser qu'un tel miracle est imaginaire et non pas réel. Ainsi, dans le Christ,
homme et Dieu, ne pouvant croire en son humanité, ils la méprisent; ne pouvant
mépriser sa divinité, ils n'y croient pas. Quand à nous, considérons avec
autant de reconnaissance qu'eux de mépris, le corps d'un homme assumé par
l'humilité de Dieu ; et plus ils jugent cela impossible, plus il nous
convient de voir l’œuvre de Dieu dans une naissance humaine virginale.
2.
Honorons donc la nativité du Seigneur, comme il se doit, nombreux et dans
l'allégresse. Que les hommes se réjouissent, que les femmes se
réjouissent : le Christ est né homme, homme né d'une femme ; et les
deux sexes en sont honorés. Qu'il passe donc à l'homme nouveau celui qui sous
le premier homme avait été condamné. La femme nous avait induit à la
mort : c'est la vie qu'elle nous a donné. Il nous est né un être semblable
à notre chair pécheresse, par qui la chair pécheresse devait être rachetée.
Donc, n'accusons pas la chair, mais, pour que notre nature revive, que notre
faute meure : car il est né sans faute celui qui doit renaître l'homme
autrefois soumis au péché. Soyez dans la joie, enfants de la sainteté, qui
avaient préféré suivre le Christ sans rechercher les liens du mariage. Il ne
vient pas à vous dans le mariage celui que vous avez trouvé pour le
suivre ; car il veut vous permettre de mépriser ce par quoi vous êtes
venus au monde. Vous y êtes venus par des noces charnelles, dont il n'a pas
besoin pour venir à vos noces spirituelles ; s'il vous a permis de mépriser
les noces, c'est parce qu'il vous a appelés aux noces par excellence. Si donc
vous n'avez pas cherché à vivre ce par quoi vous êtes nés, c'est parce que vous
avez aimé plus que les autres celui qui n'est pas né de ces noces. Soyez dans
la joie Vierges Saintes : la Vierge vous a engendré celui que vous pouvez
épouser sans faillir, vous qui, si vous ne concevez pas et ne mettez pas au
monde, pouvez perdre ce que vous aimez. Soyez donc dans la joie justes :
c'est la naissance du Justificateur. Soyez dans la joie hommes faibles et
malades : c'est la naissance du Sauveur. Soyez dans la joie, captifs,
c'est la naissance de celui qui rachète. Que soient dans la joie les
esclaves : c'est la naissance du maître tout puissant. Dans la joie, les
hommes libres : c'est la naissance du Libérateur. Dans la joie tous les
chrétiens : c'est la naissance du Christ.
3.
Parce qu'il est né d'une mère, il a marqué ce jour dans la suite des siècles,
lui qui, né du Père, a formé tous les siècles. Sa première naissance s'est
produite sans mère, comme la seconde sans père. Le Christ enfin est né d'un
père et d'une mère ; mais sans père et sans mère ; Dieu né du Père,
homme né d'une mère; Dieu sans mère, homme sans père. “Qui pourra raconter sa
naissance ?” : l'une hors du temps, l'autre sans semence d'homme;
l'une sans commencement, l'autre sans précédent; l'une de toute éternité,
l'autre sans exemple, ni avant ni après ; l'une sans fin, l'autre qui
commence quand elle finit. C'est à juste titre que, bien avant, les Prophètes
ont annoncé sa naissance, et que les Cieux et les Anges ont annoncé qu'Il était
né. Couché dans une crèche, il portait en Lui l'univers. Enfant et Verbe de
Dieu. Lui que les Cieux ne contiennent pas, le sein d'une seule femme suffisait
à le porter. Reine de notre Roi ; elle portait celui en qui nous
existons ; elle allaitait notre pain. O visible faiblesse et étonnante
humilité, où s'est cachée la divinité toute entière ! Il gouvernait de sa
puissance la mère à qui était soumise son enfance; et nourrissait de sa vérité
celle dont il suçait le sein. Qu'il parachève en nous ses dons, celui qui n'a
pas répugné à assumer jusqu'à nos premières années ; et qu'il nous rende
fils de Dieu, celui qui, pour nous, a voulu devenir fils de l'homme.
1. On
appelle Noël le jour où la Sagesse de Dieu S'est manifestée enfant, et où le
Verbe de Dieu, sans paroles, a fait entendre la voix de la chair. Toutefois,
cette divinité cachée a été révélée aux mages par un signe du ciel, et annoncée
aux berger par la voix des anges.
Célébrons donc l'anniversaire de ce jour, où s'est accomplie la prophétie qui
dit : “La Vérité est sortie de la terre, et la justice a regardé du haut
du ciel”. La Vérité qui est dans le sein du Père, est sortie de la terre, pour
résider aussi dans le sein d'une mère. La Vérité qui soutient les mondes est
sortie de la terre, pour être portée par des mains de femme. La Vérité, qui
nourrit d'une nourriture incorruptible la béatitude des anges, est sortie de
terre, pour Se nourrir du lait de mamelles de chair. La Vérité que le ciel ne
suffit pas à contenir, est née de la terre, pour être déposée dans une crèche,
pour qui tant de grandeur dans tant d'humilité ? Certainement pas pour
elle-même, mais pour notre plus grand bienfait, si nous croyons. Homme,
réveille-toi ! Pour toi, Dieu S'est fait homme. “Debout, toi qui dors,
relève-toi des morts, et le Christ t'illuminera. C'est pour toi, je dis bien,
que Dieu S'est fait homme. Tu serais mort pour l'éternité, s'il n'avait pas
pris naissance dans le temps. Jamais tu n'aurais été libéré du péché de la
chair, s'Il n'avait pris la ressemblance de la chair pécheresse. Tu serais
prisonnier d'une éternelle misère, si cette miséricorde ne t'avait pas été
accordé. Tu ne serais pas retourné à la vie, s'Il n'était venu connaître ta
mort. Tu aurais défailli, sans son secours. Tu aurais péri s'Il n'était pas
venu.
2.
Célébrons dans la joie l'arrivé de notre salut et de notre rédemption.
Célébrons ce jour de fête, où le jour de la grandeur et de l'éternité est venu
du jour de grandeur et d'éternité, dans ce jour si bref de notre vie
temporelle. “Il S'est fait notre justice, notre sanctification et notre
rédemption” : afin que, comme il a été écrit : “Celui qui se
glorifie, qu'il se glorifie dans le Seigneur”, pour que nous ne partagions pas
l'orgueil des Juifs qui, “ignorant la justice de Dieu, et voulant instaurer la
leur, ne se sont pas soumis à la Justice de Dieu”. C'est pourquoi, ayant
dit : “La Vérité est née de la terre”, il ajoute : “et la justice a
regardé du haut du ciel”, pour ne pas, dans son infirmité d'être mortel,
s'attribuer cette vérité à Lui-même, c'est à dire devenir juste par ses propres
forces, ne récuse pas la Justice de Dieu. “La vérité est sortie de la terre”.
Le Christ qui a dit : “Je suis la Vérité”, est né d'une Vierge. “Et la Justice
a regardé du haut du ciel”, parce que, en croyant à Celui qui est né, l'homme a
été justifié non pas par lui-même, mais par Dieu. “La Vérité est sortie de la
terre” parce que “le Verbe S'est fait chair”. “Et la justice a regardé du haut
des cieux” parce que “tout don excellent et tout grâce parfaite vient d'en
haut”. “La Vérité est sortie de la terre”, chair de la Vierge Marie. “Et la
Justice a jeté son regard du haut du ciel”, parce que “l'homme ne peut rien
recevoir, qui ne lui ait été donné du ciel”.
3.
Justifiés donc par la foi, mettons notre paix en Dieu, par notre Seigneur Jésus
Christ, par qui nous avons accès à cette grâce où nous nous trouvons, et par
qui nous nous glorifions dans l'espoir de la Gloire de Dieu. À ces quelques mots
de l'Apôtre, que vous reconnaissez avec moi, j'ai plaisir à joindre quelques
mots de ce psaume, que je leur trouve accordés : “Justifiés par la foi,
mettons notre paix en Dieu”, parce que “justice et paix se sont embrassées”
mutuellement. Par Jésus Christ notre Seigneur parce que “la vérité est sortie
de la terre”. Par Lui nous avons accès à cette grâce où nous nous trouvons, et
par Lui nous nous glorifions dans l'espoir de la Gloire de Dieu, “parce que la
justice ne procède pas de nous-mêmes, mais a regardé du haut du ciel”. Donc,
“celui qui se glorifie, qu'il se glorifie” non en lui-même, mais “dans le
Seigneur”. C'est pourquoi c'est au moment où le Seigneur est né de la Vierge,
en ce jour dont nous fêtons l'anniversaire, que les voix angéliques ont
proclamé : “Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux
hommes de bonne volonté”. En effet, d'où vient la paix sur la terre, sinon de
ce que “la vérité est sortie de la terre”, c'est à dire de ce que le Christ est
né de la chair ? Et c'est “Lui qui est notre paix, qui des deux peuples a
fait un seul peuple”, afin que nous soyons, nous hommes de bonne volonté, liés
par la douceur des liens de l'unité. Réjouissons nous donc dans cette grâce,
pour que le témoignage de notre conscience soit notre gloire : en effet
glorifions-nous, non pas de nous-mêmes, mais de Dieu. Le texte dit
ensuite : “Toi qui es ma gloire, et relèves ma tête”. Car Dieu a-t-Il pu
faire briller sur nous une plus grande grâce que lorsque n'ayant qu'un Fils, Il
L'a fait Fils de l'homme ; et lorsque en retour, d'un fils d'homme, Il a
fait un Fils de Dieu ? Cherchez à quoi en attribuer le mérite, la cause,
la justification ; et voyez s'il y a autre chose à répondre que “la
grâce”.
1.
Réjouissons-nous, mes frères. Que les nations exultent de joie. Ce jour, ce
n'est pas le soleil visible, mais son Créateur invisible qui en a fait pour
nous un jour sacré, lorsque le Vierge Mère nous a donné, de ses entrailles
fécondes et de son sein sans souillure, Celui qu'elle a rendu visible pour
nous, et qui fut son invisible Créateur. Vierge quand elle conçut, vierge quand
elle accoucha, vierge dans sa grossesse, vierge dans sa fécondité, vierge à
jamais. Homme, pourquoi t'étonner de cela ? C'est ainsi qu'il a fallu que
Dieu naisse, quand Il a daigné être homme. Il a voulu conserver la forme
virginale à celle qui l'a formé. Car avant qu'elle soit créée, Il était; et
parce qu'Il était tout puissant, Il a pu rester ce qu'Il était. Il S'est donné
une mère, étant près du Père; et, né d'une mère, Il est resté en son Père.
Comment cesserait-il d'être Dieu en commençant à devenir homme, Celui qui a
permis à sa mère de ne pas cesser d'être vierge en Le mettant au monde. Et le
Verbe S'est fait chair sans que le Verbe disparaisse dans la chair; c'est la
chair qui a eu accès au Verbe, pour ne pas périr, afin que l'homme étant corps
et âme, le Christ aussi soit homme et Dieu. Celui qui est Dieu est aussi homme,
et Celui qui est homme est aussi Dieu, sans que les natures soient confondues,
mais unies en une seule personne. Enfin, le Fils de Dieu, coéternel à jamais au
Père qui L'a engendré, est devenu Fils de l'homme dans le sein d'une vierge. Et
ainsi la nature humaine a été jointe à la Divinité du Fils, sans que la Trinité
des personnes divines devienne quaternité.
2. Donc
ne vous laissez pas gagner par l'opinion de certaines personnes, trop peu
attentives à la rigueur de la foi et à la parole de Dieu révélée dans les
Écritures. Elles disent : “C'est le Fils de l'homme qui est devenu Dieu,
mais le Fils de Dieu n'est pas devenu homme”. Pour s'exprimer ainsi, il faut
qu'elles aient perçu quelque vérité ; mais elles n'ont pas su trouver les
termes justes. Car qu'ont-elles perçu, sinon qu'il est possible que la nature
humaine se soit haussée à une nature supérieure, mais impossible que la nature
divine se soit rabaissée à une nature inférieure ? Et c'est exact. mais
même ainsi, c'est à dire sans que la divinité ait été dégradée dans sa nature,
il n'en est pas moins vrai que le Verbe est devenu chair. Car l'évangile ne dit
pas : “La chair s'est faite Verbe”, mais, “le Verbe S'est fait chair”. Or
le Verbe, c'est Dieu; car “le Verbe était Dieu”. Et qu'est la chair ici, sinon
l'homme ? Car la chair de l'homme, dans le Christ, possède aussi une âme.
Ne dit-il pas : “Mon âme est triste jusqu'à la mort” ? Si donc le
Verbe est Dieu, et la chair l'homme, qu'est-ce d'autre “le Verbe s'est fait
chair”, que “Celui qui était Dieu S'est fait homme”. C'est pourquoi le Fils de
Dieu, Se faisant Fils de l'homme, a assumé un état inférieur, mais sans perdre
le Sien propre. Car comment reconnaîtrons nous dans la stricte foi que nous
croyons au Fils de Dieu, né de la Vierge Marie, si ce n'est pas le Fils de
Dieu, mais le Fils de l'homme qui est né de la Vierge Marie ? Car quel
chrétien pourrait dire que cette femme n'a pas donné naissance au Fils de
l'homme tout en affirmant que Dieu S'est fait homme et qu'ainsi un homme est
devenu Dieu ? Car “le Verbe était Dieu, et le Verbe S'est fait chair”.
Donc, il faut reconnaître que Celui qui était Dieu, ayant, pour naître de la
Vierge Marie, pris la forme de l'esclave, est devenu Fils de l'homme, demeurant
ce qu'Il était, mais prenant la forme de ce qu'Il n'était pas : commençant
d'être ce qui Le rend plus petit que le Père, et restant toujours dans l'état
où Lui-même et le Père ne sont qu'un.
3. Car
si Celui qui est toujours Fils de Dieu, n'est pas devenu réellement Fils de
l'homme, comment l'Apôtre dit-il de Lui : “Lui qui, étant dans la forme de
Dieu, n'a pas pensé lui avoir dérobé son égalité ; mais S'est réduit à
rien en prenant la forme du serviteur, ayant revêtu une condition semblable à
celle des hommes, et S'étant révélé homme dans sa manière d'être. Car ce n'est
pas un autre, mais Lui-même, dans la forme de Dieu égal au Père, “qui a
humilié” non pas un autre, “mais Lui-même”, “devenu obéissant jusqu'à la mort,
et la mort de la croix”. Tout cela, le Fils de Dieu ne l'a accompli que dans la
forme qui Le fait Fils de l'homme; de même, si Celui qui est toujours Fils de
Dieu, n'est pas devenu réellement Fils de l'homme, pourquoi l'Apôtre dit-il aux
Romains : “Choisi pour annoncer l'évangile de Dieu, qu'Il avait promis
auparavant par ses prophètes dans l'Écriture sainte à propos de son Fils, qui
selon la chair a été formé de la race de David”. Voici que le Fils de Dieu
qu'Il a toujours été, a été formé selon la chair de la race de David, ce qu'Il
n'était pas. De même, si Celui qui est Fils de Dieu, n'est pas devenu
réellement Fils de l'homme comment “Dieu a-t-Il envoyé son Fils né d'une
femme” ? (Ce terme hébreu, ne nie pas la virginité, mais l'indique le sexe
féminin). En effet, qui a été envoyé par le Père, sinon le Fils unique de
Dieu ? Comment donc est-Il né d'une femme, sinon parce que Celui qui était
Fils de Dieu auprès du Père, a été envoyé pour devenir Fils de l'homme ?
Né du Père hors du temps, né d'une mère en ce jour. Car Il a choisi pour y être
créé ce même jour qu'Il a créé, comme Il a été créé d'une mère qu'Il a créée.
Car ce jour lui-même, qui commande l'accroissement de la lumière du jour,
représente l'œuvre du Christ qui renouvelle en nous de jour en jour l'homme
intérieur. Oui, ce jour devait au Créateur éternel, né dans le temps, d'être le
jour de sa Naissance, pour que la créature temporelle se rencontre avec Lui.
Nativité, icône de Kastoria.
1. Que
ma bouche chante la louange du Seigneur de qui est né l'univers, Lui-même né
dans l'univers ; par qui est révélé le Père, qui a créé sa mère. Fils de
Dieu venu du Père, sans mère ; Fils de l'homme venu d'une mère, sans père.
Grand jour pour les anges que ce raccourci de jour. Dieu le verbe avant tous
les temps, le Verbe fait chair au temps marqué. Ayant formé le soleil, sous le
soleil Il a reçu sa forme. Ayant ordonné l'ensemble des siècles depuis le sein
du Père, depuis le vente de sa mère, Il rend ce jour-ci sacré. En Lui il
demeure, d'elle Il naît. Créateur du ciel et de la terre, Il naît sur la terre
et sous le ciel. Sage au delà de toute parole, sage avant de pouvoir parler. Il
couvre le monde, Lui que contient une crèche. Il règle le cours des astres, cet
enfant à la mamelle. Grand comme Dieu, petit comme serviteur, sans que sa
Petitesse diminue sa Grandeur, et sans que sa grandeur accable sa Petitesse.
Car en revêtant un corps humain, Il n'a pas cessé de faire œuvre divine ;
et ne s'est pas relâché de l'étroit embrassement par lequel Il soutient
l'univers d'une extrémité à l'autre, et le dispose harmonieusement : quand
Il S'est revêtu de l'infirmité de la chair, le sein d'une Vierge l'a recueilli,
sans L'emprisonner; et sans rien soustraire au pain dont il nourrit la sagesse
des anges, Il nous a donné à goûter combien doux est le Seigneur.
2.
Pourquoi tout cela nous étonnerait-il, s'agissant du verbe de Dieu, lorsque les
propos même que je profère, gardant, en touchant les sens de l'auditoire,
suffisamment d'autonomie pour s'introduire en chacun sans s'y enfermer. Car
s'ils ne s'y introduisaient pas, personne n'en serait instruit ; et s'ils
s'y enfermaient, ils ne passeraient pas à d'autres. Et mon sermon a beau être
construit de mots et de syllabes, vous n'en emportez pas chacun un morceau pour
vous comme s'il fallait en nourrir votre ventre ; vous l'entendez tous
tout entier, chacun d'entre vous s'en saisit dans sa totalité. Et je ne crains
pas, en parlant, si un auteur s'approprie en esprit tout son contenu, que
l'autre n'ait plus rien à prendre. l'attention que je souhaite en vous, suppose
que, sans rien dérober à l'oreille ni à l'esprit de personne, chacun d'entre
vous l'entende tout entier, en laissant chacun à même de l'entendre tout entier.
Et il ne s'agit pas de moments où successivement les paroles prononcées entrent
d'abord chez l'un, puis, en sortant, peuvent enfin entrer chez l'autre. Il
parvient à tous en même temps et tout entier à chacun. Et s'il avait assez de
mérite pour se fixer tout entier dans vos mémoires, comme vous êtes tous venus
pour l'entendre tout entier, vous repartiriez chacun avec un sermon tout
entier. À combien plus fort raison le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait,
et qui, demeurant en Lui-même, renouvelle sans cesse tout; qui n'est ni enfermé
dans l'espace, ni poussé par le temps, ni soumis à des variations plus ou moins
durables; qui ne repose pas sur une forme vocale pour disparaître avec le
silence ; à combien plus forte raison ce Verbe, d'une telle grandeur et
d'une telle nature, a pu féconder le sein de sa mère, ayant revêtu la nature
corporelle sans quitter le sein du Père ! D'un côté paraître aux yeux
humains, de l'autre illuminer l'esprit des anges. D'un côté mettre pied sur la
terre, d'un autre soutenir l'ampleur des cieux ! D'un côté devenir homme, de
l'autre créer les hommes.
3. Que
personne donc ne croie que le Fils de Dieu S'est transmué totalement en Fils de
l'homme : croyons plutôt que sans se défaire de la substance divine, Il a
assumé la perfection de la substance humaine, restant Fils de Dieu, mais devenu
Fils de l'homme. Car ce n'est pas parce qu'il est dit : “Le Verbe était
Dieu”, et “le Verbe S'est fait chair”, que le Verbe a cessé d'être Dieu en Se
faisant chair. Puisque le Verbe qui S'est fait chair, est devenu, à sa
Naissance l'Emmanuel, c'est à dire “Dieu avec nous”. De même que le verbe qui
est au fond de notre bouche, devient un son vocal lorsque nous l'extériorisons
par le canal de notre bouche, sans que sa nature devienne celle du son ;
il demeure au contraire ce qu'il est lorsque le véhicule qui l'extériorise le
prend en charge, de telle sorte qu'intérieurement il reste un objet
intelligible, et à l'extérieur sonne comme un objet audible : mais ce que
le son traduit, c'est cela même qui se faisait entendre d'abord dans le
silence; ainsi un verbe vocalement exprimé ne se transforme pas en son
vocal ; il reste dans la lumière de l'esprit, et lorsqu'il prend la forme
d'une voix charnelle, il fait route vers l'auditeur, sans abandonner celui qui
le pense. Il ne s'agit pas ici du cas où le mot, grec latin ou de quelqu'autre
langue, est pensé silencieusement. Mais de celui où, avant de passer par la
diversité des langues, la chose elle-même que l'on veut dire, repose encore,
pour l'esprit qui la conçoit, en quelque sorte toute nue dans la couche de son
cœur, avant de revêtir, pour en sortir, la voix de la parole. Et toutefois, les
deux choses : ce que la pensée intelligible conçoit, et ce que la parole
fait entendre, sont amenées à changer et à se transformer. Il ne restera rien
de la première, une fois dans l'oubli, ni de la seconde, une fois le silence
venu. mais le verbe de Dieu demeure éternellement, et demeure inchangé.
4. Et lorsqu'il a revêtu la chair dans le temps pour S'approcher de notre vie temporelle, non seulement dans la chair Il n'a pas rendu l'éternité, mais devant la chair Il S'est porté garant de l'immortalité. Et “comme l'époux sortant de sa chambre, Il se réjouit comme le héros qui va fournir sa carrière”. Étant dans la forme de Dieu, Il n'a pas pensé pouvoir tirer profit de son égalité avec Dieu. Mais, pour nous, afin d'être ce qu'Il n'était pas, “Il S'est réduit Lui-même à néant” ; sans quitter la Forme de Dieu, mais en “prenant la forme de l'esclave” ; et c'est par elle qu’“Il est devenu semblable à un homme”. Ce n'était pas sa substance propre ; c'est “par son aspect extérieur qu'on l'a vu ressembler à un homme”. En effet d'ensemble de ce que nous sommes, dans notre âme et notre corps, constitue notre nature : pour Lui ce n'est là que son aspect extérieur. Nous, si nous n'étions pas pourvus de cette nature, nous n'existerions pas ; Lui, si cette nature n'existait pas, n'en serait pas moins Dieu. Et lorsqu'il a commencé à être cette nature qui n'était pas la sienne, Il est devenu homme tout en restant Dieu. Afin qu'on ne le dise pas l'un de nous, mais selon l'exacte vérité un être de l'une et l'autre nature. Et parce qu'Il a été fait homme : “Le Père est plus grand que Moi” ; et parce qu'Il est resté Dieu, “le Père et moi sommes un”. Car si le Verbe pour devenir homme avait perdu sa Forme, c'est-à-dire pour devenir homme Dieu aurait perdu sa Nature, il n'y aurait de vrai que : “Le Père est plus grand que Moi”, parce que Dieu est plus grand que l'homme ; mais “Moi et le Père sommes un” serait faux ; parce que Dieu et l'homme ne sont pas un. Peut-être pourrait-Il dire : Moi et le Père ne sommes pas un, mais avons été un. Car ce qu'Il était et a cessé d'être, évidemment, Il ne l'est pas, Il l'a été. En réalité, ayant réellement pris la forme du serviteur, Il a dit vrai en disant : “Le Père est plus grand que Moi” ; et parce qu'Il était réellement Dieu, et qu'Il le restait, Il a dit vrai en disant : “Le Père et Moi sommes un”. Donc lorsqu'il S'est réduit à néant auprès des hommes, Il n'a pas voulu, en devenant ce qu'Il n'était pas, cesser ce qu'Il était; mais cachant ce qu'Il était, montrer ce qu'Il était devenu. Ainsi donc, c'est parce que la Vierge a conçu et enfanté un fils, parce qu'Il a pris aux yeux de tous la forme d'esclave qu’“un enfant nous est né”. Mais parce que le Verbe de Dieu, qui reste dans l'éternité, est devenu chair pour habiter parmi nous, parce que sa Nature divine cachée demeure, selon l'annonce de Gabriel nous lui donnons “le nom d'Emmanuel”. Car Il est devenu Homme, tout en restant Dieu, pour que le fils de l'homme aussi puisse être appelé justement “Dieu avec nous”. Dieu et l'Homme en Lui ne sont pas deux personnes distinctes. Que le monde donc se réjouisse en la personne des croyants qu'Il est venu sauver par Celui qui a formé le monde. Créature de Marie, né de Marie ; Fils de David, Seigneur de David ; progéniture d'Abraham, né avant Abraham. Il a formé la terre, a été formé sur terre, Créateur du ciel, créé sous le ciel. Il est bien le Jour qu'a fait le Seigneur, et le Seigneur est bien le Jour de notre cœur. Marchons dans sa Lumière et exultons de joie en Lui.
1. Si
nous voulons louer le Fils de Dieu, tel qu'Il est auprès du Père, égal et
coéternel à Lui, fondement de toutes choses visibles et invisibles, au ciel et
sur la terre, Verbe de Dieu et Dieu, Vie et Lumière des hommes, il ne faut pas
s'étonner qu'aucune pensée humaine, qu'aucun discours n'y suffise. Car comment
notre langue pourrait-elle prétendre louer dignement Celui que notre cœur n'a
pas la force de voir, tant qu'il tient relégué dans l'ombre l’œil qui pourrait
le voir, si nous étions purifiés de notre iniquité, guéris de notre faiblesse,
cet oeil par qui deviennent “bienheureux les hommes au cœur pur, car ils
verront Dieu” ?
Il n'est pas étonnant, dis-je, que nous ne sachions par quels mots dire le
Verbe unique, en qui a été prononcé l'ordre de notre existence, nous qui
devions parler de Lui. Car les mots que nous pensons et proférons reçoivent la
forme de notre esprit, qui lui-même reçoit la sienne du Verbe. Et l'homme ne
façonne pas ses mots de la même façon que lui-même a été façonné par le Verbe;
car c'est d'une manière ineffable; car c'est d'une manière différente que le
Père a engendré le Verbe unique, et a fait toutes choses par le Verbe. C'est
Dieu en effet qui a engendré Dieu; mais en même temps qu'Il engendre et est
engendré, Il reste le Dieu unique. Mais le monde qu'a fait Dieu passe, tandis
que Dieu reste. Et de même que ce qui a été fait, ne s'est évidemment pas formé
par soi-même, de même Celui par qui tout a pu être fait, n'a été formé par
personne. Il n'est donc pas étonnant que, l'homme étant une créature parmi
d'autres, son langage ne puisse pas développer ce qu'est le Verbe, par qui tout
a été fait.
2.
C'est pourquoi retirons un instant nos sens et notre esprit de cette direction,
pour voir si nous serons à même de tenir de propos dignes, non pas de “Au
commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe
était Dieu”, mais de “Le Verbe S'est fait chair” ; pour voir si, là où Il
a voulu être visible, on est à même de parler de Lui.
Dans cet esprit, célébrons le jour où Il a daigné naître d'une vierge ;
naissance dont Il a voulu que, tant bien que mal, les hommes fassent le récit.
Mais dans l'éternité, où Dieu est né Dieu, “qui fera le récit de sa
naissance ?” Là-bas, le jour n'est pas de nature telle que l'on puisse
célébrer un anniversaire. Car, là-bas, le jour ne passe pas pour revenir au
bout d'un an; il demeure sans se coucher, car il ne connaît pas de lever.
Là-bas donc, le Verbe unique de Dieu, la Vie, la Lumière des hommes, sont un
jour éternel. Mais le jour en cette terre où Il S'est uni à la chair humaine,
où Il est devenu semblable à l'époux qui sort de sa chambre, ce jour de
maintenant est aujourd'hui, ensuite il sera demain. Toutefois ce jour
d'aujourd'hui nous rappelle que l'Éternel est né d'une vierge, parce que
l'Éternel en naissant d'une vierge a rendu ce jour sacré. Comment louer la
Bonté de Dieu, comment Le remercier ? Il nous a aimés jusqu'à naître pour
nous dans le temps, Lui par qui ont été faits les temps ; jusqu'à Se
rabaisser en âge au-dessous de la multitude de ses serviteurs, Lui qui par son
éternité est plus ancien que le monde ; jusqu'à devenir homme, Lui qui a
fait l'homme, créature née d'une mère qu'Il a créée ; jusqu'à être porté
par des mains qu'Il a formées ; jusqu'à sucer les mamelles qu'Il a emplies
de lait, jusqu'à vagir, enfant sans parole dans une crèche, Lui, le Verbe sans
qui l'éloquence des hommes reste sans parole.
3.
Homme, vois ce qu'est devenu Dieu pour toi, reconnais la Sagesse cachée en une
si profonde humilité, même si Celui qui l'enseigne ne sait pas encore parler.
Toi, autrefois, au paradis, si doué d'éloquence que tu mis un nom sur toute âme
vivante : c'est pour toi que ton Créateur gisait enfant dans une crèche,
incapable d'appeler même sa mère par son nom. Toi, tu t'es perdu pour avoir
pillé dans le secret les fruits du verger, en négligeant ton devoir
d'obéissance. Lui, par obéissance est venu mourir dans la plus étroite des
auberges, pour en enlever en mourant celui qui était mort. Toi qui étais homme,
en voulant être Dieu es allé à la mort. Lui, étant Dieu, a voulu être homme,
pour venir à la rencontre de ce qui était mort. L'orgueil humain t'a tellement
accablé que rien ne pouvait te relever, sinon l'humilité divine.
4.
Célébrons donc dans la joie le jour où Marie a donné naissance au Sauveur,
l'épouse de Celui qui a créé le mariage, la Vierge du prince de toutes les
vierges ; donnée à un époux, devenue mère sans ses œuvres ; vierge
avant son mariage ; vierge dans son mariage ; vierge qui a porté, qui
a allaité. Car en naissant, son Fils tout-puissant n'a nullement détruit la
virginité de celle qu'Il avait choisie pour naître. Car la fécondité dans le
mariage est bonne; mais meilleure la virginité dans la sainteté. Donc le Christ
qui pouvait dans son Humanité manifester en tant que Dieu les deux natures,
(puisqu'il était à la fois Homme et Dieu) n'aurait jamais accordé à sa mère le
bien qui fait la joie des époux, s'Il avait dû ainsi ôter ce bien supérieur,
parce que les vierges méprisent la maternité.
C'est pourquoi notre sainte Église vierge célèbre aujourd'hui la maternité de
la Vierge. Car c'est à elle que l'Apôtre dit : “Je vous ai liés comme une
vierge chaste à un seul homme, afin de manifester le Christ”. Que signifie
cette vierge chaste désignant tant de populations des deux sexes, non seulement
tant d'enfants et de vierges, mais aussi de pères et de mères unis par les
liens du mariage ? Que signifie, dis-je, vierge chaste, sinon vierge dans
la virginité de la foi, de l'espérance et de la charité ? Avant d'accorder
la virginité au cœur de son Église, le Christ l'a d'abord préservée dans le
corps de sa mère. Dans le mariage humain, la femme est remise à son époux pour
ne plus être vierge; l'Église ne pourrait pas être vierge si l'Époux à qui elle
a été remise, n'était pas Fils d'une vierge.
1. Ce
jour, mes frères, nous a été rendu sacré par le Jour qui a fait tous les jours.
De Lui, le psaume dit : “Chantez au Seigneur un cantique nouveau ;
chantez au Seigneur, toute la terre. Chantez au Seigneur et bénissez son Nom ;
bénissez jour après jour son salut”. (Lecture particulière de saint
Augustin : “Bénissez le salut qui mène au Jour venu du Jour”.)
Qu'est-ce que le Jour venu du Jour sinon le Fils venu du Père, la Lumière venue
de la Lumière ? C'est ce Jour-là qui a engendré ce Jour-ci, Jour né en ce
jour de la Vierge Marie. Ce Jour-là — entendez : Dieu le Père — n'a donc
ni lever ni coucher. Et qu'est le Jour, sinon la Lumière ? Non pas la
lumière faite pour des yeux de chair, celle dont nous bénéficions avec les
bêtes ; mais la Lumière qui brille sur les anges, la Lumière que veulent
contempler ceux qui purifient leurs cœurs. Elle passe, la nuit dans laquelle
brillent, pour nous guider, les lampes des Écritures ; Il viendra, ce Jour
que chante le psaume : “Au matin, je me tiendrai à tes Côtés et je Te
contemplerai”.
2.
Donc, ce Jour, Verbe de Dieu, Jour qui éclaire les anges, jour qui éclaire la
patrie où a commencé notre voyage, ce Jour S'est vêtu de chair et est né de la
Vierge Marie. Miraculeusement né. Quoi de plus miraculeux que la maternité
d'une vierge ? Elle a conçu, mais vierge. Elle a enfanté, mais vierge. Il
a été formé par celle qu'Il a formée. Il lui a donné la fécondité, sans rien
ôter à sa pureté. D'où vient Marie ? D'Adam. Adam ? De la terre. Si
Marie vient d'Adam, et Adam de la terre, Marie donc aussi est la terre,
reconnaissons ce que nous chantons : “La Vérité est sortie de la terre”.
Quel bienfait nous a-t-elle procuré ? “La vérité est sortie de la terre et
la Justice a regardé du haut du ciel”. Car les Juifs, comme le dit l'Apôtre,
“ignorant la Justice de Dieu, et voulant constituer la leur propre, ne se sont
pas soumis à la Justice de Dieu”. Qu'est-ce qui peut rendre l'homme
juste ? Lui-même ? Qui, étant pauvre, peut se donner du pain ?
Qui, étant nu, peut se couvrir, s'il ne reçoit un vêtement ? D'où vient la
justice ? Qu'est la justice sans foi ? Car “le juste vit de foi”.
Celui qui, sans la foi, se dit juste, ment. Parce que ment celui en qui n'est
pas la foi ; s'il veut dire la vérité, qu'il se tourne vers la vérité. Car
elle était loin de nous, avant de naître sur la terre. Tu dormais : elle
est venue à toi. Un lourd sommeil t'accablait, elle t'a réveillé. Elle a voulu
s'ouvrir un chemin vers toi pour ne pas te perdre. Donc, “la Vérité est sortie
de la terre”, parce que le Christ est né d'une vierge. “La justice a regardé du
haut du ciel”, pour que par la justice reviennent à la sagesse ceux qui par
l'injustice l'avaient perdue.
3. Nous
étions mortels, pliant sous le poids du péché, portant notre châtiment. Tout
homme qui naît connaît d'abord un état de misère. Inutile de consulter un
prophète : observe l'enfant qui naît, vois-le en pleurs. Alors que
l'Indignation de Dieu se donnait ainsi libre cours sur la terre, quelle est
cette soudaine marque d'estime ? “La Vérité est sortie de la terre”. Il a
tout créé, Lui-même créé parmi le tout. Il a fait le jour, Il est venu au jour.
Le Seigneur Jésus Christ dans l'éternité sans commencement auprès du Père, a
aussi son Noël. Le Verbe qui était au commencement, — et s'il n'était pas né
dans le jour des hommes, nous n'aurions pas accès à la régénération divine —
est né pour que nous renaissions. Le Christ est né et personne n'hésiterait à
naître une seconde fois. Lui, a connu la génération humaine, mais sans avoir besoin
d'être régénéré. En effet, qui en avait besoin, sinon celui, dont la génération
était condamnée ? Que naisse donc en nos cours sa Miséricorde. Sa Mère L'a
porté dans son sein : portons-Le nous aussi dans notre cœur. La Vierge est
grosse de l'Incarnation du Christ. Que nos cœurs soient gros de notre foi en
Lui. La Vierge a donné naissance à notre Sauveur. Qu'en notre âme naisse le
salut, qu'en elle naisse aussi la louange. Ne soyons pas stériles : que nos
âmes soient fécondes pour le Seigneur.
4. Le Christ
est né du Père sans mère, et d'une Mère sans père : les deux naissances
sont miraculeuses. La première éternelle ; la seconde, temporelle.
L'Éternel est né de l'Éternel. Quoi d'étonnant ? C'est Dieu. Considérons sa
Divinité : plus de raison de s'étonner. Que meure notre étonnement, mais
que monte notre louange. Que la foi nous assiste : croyons que cela s'est
réellement produit. Penses-tu que Dieu ne Se soit pas assez humilié ?
Celui qui était Dieu est entré dans la création. Une auberge exiguë, un enfant
enveloppé de langes, dans une crèche : qui ne serait pas étonné ?
Celui qui emplit le monde, n'a pas trouvé place à l'auberge. Déposé dans une
crèche, Il S'est fait notre nourriture. Laissons s'en approcher deux animaux et
deux peuples. “Le bœuf a reconnu son Maître et l'âne la crèche de son Maître”.
N'aie pas honte d'être la bête de somme de Dieu : tu porteras le Christ,
tu ne t'écarteras pas du bon chemin, tu t'avanceras sur la route, le portant
assis sur ton dos. Que le Seigneur S'assoie sur nous et nous dirige comme où Il
veut. Soyons sa bête de somme, allons à Jérusalem. Quand nous le portons, nous
ne saurions errer; allons à Lui par Lui. Afin qu'avec l'enfant né aujourd'hui
nous nous réjouissions pour l'éternité.
1.
Notre Seigneur Jésus Christ qui, avant de naître d'une mère, était auprès du
Père, a choisi non seulement la Vierge dont Il devait naître, mais aussi le
jour de sa Naissance. En ce monde d'erreur, les hommes n'en choisissent pas
moins la plupart du temps leurs jours, pour planter, pour bâtir, pour partir en
voyage, ou parfois pour se marier. Ce faisant, ils ont l'intention de ménager à
ce qui prend en quelque sorte naissance dans leur vie, un heureux
développement. Personne toutefois ne peut choisir un jour pour fixer sa propre
naissance. C'est lui qui a rendu glorieux le jour où Il a daigné naître. Et Il
n'a pas choisi ce jour comme l'auraient fait ceux qui ont la sottise de croire
que le destin des hommes dépend de la position des astres. Car ce n'est pas le
jour de sa Naissance qui a jeté un heureux sort sur sa Naissance. C'est Lui qui
a rendu glorieux le jour où Il a daigné naître. Car justement, le jour de sa
Naissance révèle le mystère de sa Lumière. L'Apôtre dit en effet :
“c'était d'abord la nuit, mais le Jour S'est approché : rejetons les
œuvres des ténèbres et revêtons-nous des armes de la lumière ; comme il
sied en plein jour, conduisons-nous honnêtement”. Reconnaissons ce jour et
soyons des jours de lumière. Car nous étions devenus nuit, quand nous vivions
dans l'infidélité. Et parce que cette infidélité même qui couvrait le monde
entier d'une nuit toujours renouvelée, devait diminuer avec l'accroissement de
la foi, pour cette raison, au jour de la Naissance du Sauveur, la nuit a
commencé à reculer sous l'assaut, et le jour à croître. Considérons donc, mes
frères, ce jour, comme un jour consacré : non pas comme feraient les
infidèles, en raison de la position du soleil, mais à cause de Celui qui a fait
le soleil. Car Celui qui était le Verbe est devenu chair, afin de vivre, à
cause de nous, sous le soleil. Selon la chair, en effet, Il vivait sous le
soleil, mais par sa Majesté, Il est au-dessus de l'univers dans lequel Il a
formé le soleil. En fait, même par la chair, Il était au-dessus de ce soleil
qu'adorent à la place de Dieu ceux dont l'esprit aveuglé ne voit pas le vrai
Soleil de justice.
2.
Donc, chrétiens, célébrons ce jour, non pas comme celui de sa Naissance divine,
mais comme celui de sa Naissance humaine, je veux dire celle par laquelle Il
S'est rendu semblable à nous, afin que, l'Invisible S'étant rendu visible, nous
puissions passer du monde visible au monde invisible. Car la foi chrétienne
doit retenir l'existence des deux Nativités du Seigneur : l'une divine,
l'autre humaine ; la première hors du temps, l'autre dans le temps. Les
deux sont miraculeuses : la première sans mère, la seconde sans père. Si
nous avons du mal à parler de la seconde, à quand le récit de la
première ? Car qui pourrait comprendre que cette révolution des révolutions
dans l'ordre des choses, sans précédent, cas unique au monde, incroyable, a été
rendu croyable, et que, contre toute vraisemblance, le monde entier croit
qu'une vierge a conçu, qu'une vierge a enfanté et qu'ayant enfanté, elle est
restée vierge ? Mais ce à quoi la raison humaine n'a pu atteindre, la foi
le comprend : et là où la raison humaine défaille, la foi prend le relais.
Car qui pourrait soutenir que le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait,
n'aurait pas pu Se faire un corps sans mère, comme Il a fait le premier homme
sans père et sans mère ? Mais parce que c'est bien Lui qui a fait l'un et
l'autre sexe, l'homme et la femme, Il a voulu, en naissant, honorer l'un et
l'autre sexe qu'Il était venu libérer. Certes, vous connaissez la faute du premier
homme, lorsque le serpent n'a pas osé parler à l'homme, mais pour le faire
tomber, a osé ses servir de la femme. Par le plus faible, il est venu à bout du
plus fort. Et en s'introduisant dans l'un des deux, il a triomphé des deux.
Aussi, pour nous empêcher de haïr en la femme la cause de notre mort par notre
idée de suivre le mouvement d'un juste ressentiment et de la croire condamnée
sans retour, le Seigneur, venant chercher ce qui était perdu, a voulu honorer
chaque sexe pour lui donner son prix, parce que tous deux avaient été réduits à
la mort. nous en devons donc faire injure au Créateur dans aucun des deux
sexes : La Naissance du Seigneur les a honorés tous deux pour que nous
ayons l'espoir d'obtenir le salut. La Chair du Christ honore le sexe masculin,
sa Mère le féminin. La Grâce de Jésus Christ a vaincu la ruse du serpent.
3. Donc
que les deux sexes renaissent en Celui qui est né aujourd'hui et qu'ils
célèbrent le jour d'aujourd'hui. En ce jour, le Christ, notre Seigneur, n'a pas
commencé à être, mais Celui qui était de toujours auprès du Père, a fait
paraître à la lumière la chair qu'Il a reçue de sa Mère; donnant à sa Mère la
fécondité, sans lui enlever sa pureté. Il est conçu, naît, est Enfant.
Qu'est-ce à dire enfant ? L'enfant est celui qui ne peut pas s'exprimer,
parler. Il est donc à la fois Enfant et Verbe. Par la chair, Il se tait, par
les anges, Il enseigne. Le Prince et Berger des bergers est annoncé aux
bergers : et Il est couché dans la crèche comme nourriture des bêtes
fidèles. Car Il avait été annoncé par les prophètes : “Le bœuf a reconnu
son Maître et l'âne la crèche de son Seigneur”. C'est pourquoi Il est monté sur
un âne lorsqu'il est entrée à Jérusalem, précédé et suivi de la foule qui
chantait ses louanges. Nous aussi, reconnaissons-Le, approchons-nous de la
crèche, mangeons la nourriture, portons notre Maître et notre guide, pour
accéder sous sa conduite à la Jérusalem céleste. Lorsque le Christ naît d'une
mère, c'est la naissance d'un être diminué. Lorsqu'il naît du Père, c'est celle
d'un incomparable Souverain. Dans les jours qui passent, Il a son jour qui
passe. Mais Il est, Lui, le Jour éternel, venu du Jour éternel.
4.
C'est à bon droit que, comme la voix d'une trompette céleste, ce psaume
enflamme nos cœurs : “Chantez au Seigneur un cantique nouveau. Chantez au
Seigneur, toute la terre. Chantez au Seigneur et bénissez son Nom”.
Reconnaissons-Le donc et proclamons le Jour qui vient du Jour, Celui qui est né
en la chair en ce jour. Jour le Fils, né du Jour le Père, Dieu né de Dieu,
Lumière de la Lumière. Car c'est le salut que nous apporte Celui dont il est
dit ailleurs : “Que Dieu ait pitié de nous et nous bénisse ; qu'Il
fasse luire sa Face sur nous, pour que nous reconnaissions tes chemins sur la
terre, et ton Salut dans toutes les nations”. À “sur la terre” fait écho “dans
toutes les nations”. Et à “chemins” “ton Salut”. Rappelons-nous que c'est le
Seigneur Lui-même qui a dit : “Je suis le Chemin”. Et lorsque tout à
l'heure on lisait l'évangile, nous avons vu le bienheureux vieillard Siméon
recevoir la Réponse divine à la promesse qu'il n'atteindrait pas la mort avant
d'avoir vu l'Oint du Seigneur. Ayant pris dans ses mains le Christ-Enfant et
ayant reconnu la Grandeur de ce petit Être, il dit : “Rappelle maintenant,
Seigneur, ton serviteur, comme Tu l'as promis, en paix, parce que mes yeux ont
vu ton Salut”. Proclamons “sa Gloire parmi les nations, ses Miracles dans tous
les peuples”. Il est couché dans une crèche, mais Il contient le monde :
Il est à la mamelle, mais est la nourriture des anges : dans les langes,
Il nous revêt d'immortalité ; on Le nourrit de lait, mais on
L'adore : Il n'a pas trouvé place à l'auberge, mais Il S'est fait un
temple du cœur des croyants. Car pour que sa Faiblesse devienne force, sa Force
s'est faite faiblesse. Que sa Naissance charnelle donc aussi nous plonge dans
l'admiration et non dans le mépris ; et reconnaissons comme s'y est
humilié pour nous une telle grandeur. Puis enflammons notre charité, pour
parvenir à son Éternité.
1. Le
Verbe du Père, par qui ont été formés les temps, a placé pour nous, quand Il
est devenu chair, le jour de sa Naissance dans le temps ; et pour naître
homme, Il a voulu naître en un jour donné, Lui sans assentiment divin de qui
aucun jour ne peut réaliser sa course. Par Lui-même, étant auprès du Père, Il
précède tout l'espace des siècles ; de Lui-même, en naissant d'une mère,
Il S'est introduit en ce jour dans le décours des ans. Il est devenu Homme, Lui
qui a fait l'homme ; pour être à la mamelle, Lui qui règle le cours des
astres; pour avoir faim, Lui le Pain ; soif, Lui la Source ; pour
dormir, Lui la Clarté du jour; pour éprouver la fatigue de la route, Lui la
Voie ; pour être accusé par de faux témoignages, Lui la Vérité ; pour
être jugé par un juge mortel, Lui le Juge des vivants et des morts ; pour
être injustement condamné, Lui la Justice ; pour être flagellé, Lui le
Maître de la science ; pour être couronné d'épines, Lui la Grappe de
raisins; pour être suspendu à la croix, Lui le Fondement du monde ; pour
être rendu faible, Lui le Courage; pour être blessé, Lui le Salut; pour être
tué, Lui la Vie. Pour supporter à notre place toutes ces indignités et d'autres
semblables, pour libérer ceux qui en étaient indignes, puisqu'il n'a mérité
aucun mal, Lui qui a porté tous nos maux à cause de nous, alors que nous ne
méritions aucun bienfait, nous qui avons reçu de Lui de si grands biens. Pour
toutes ces raisons donc, Celui qui était avant tous les siècles, lors du
commencement des jours ; le Fils de Dieu, a daigné être Fils de l'homme en
des temps récents ; et, né du Père et non pas créé par Lui, Il a été créé
Homme dans le sein d'une mère qu'Il avait créée ; afin de naître en ce
monde en un jour donné, de celle qui jamais et nulle part n'aurait pu être
sinon par Lui.
2.
Ainsi fut accompli ce qu'avait prédit le psaume : “La Vérité est née de la
terre”. Marie, vierge avant la conception, vierge après avoir été mère. Car
loin de nous l'idée que sur cette terre, c'est-à-dire en cette chair d'où est
sortie la Vérité, sa pureté ait pu disparaître. C'est un fait certain, n'est-ce
pas, qu'après sa Résurrection, comme on Le prenait pour un esprit sans corps,
Il dit : “Touchez et voyez, car un esprit n'a ni chair ni os, comme vous
voyez que j'en ai”. Et toutefois c'est bien son Corps charnel d'homme dans la
fleur de l'âge qui s'est introduit auprès des disciples, toutes portes fermées.
Pourquoi donc, Celui qui dans toute sa taille a pu entrer par une porte close,
n'aurait pas pu aussi sortir à la vie petit enfant, d'un corps pur ? Mais
les incrédules n'acceptent ni l'un ni l'autre Vérité. Et il faudrait presque
dire que la foi les accepte précisément parce que les infidèles les
refusent ; les infidèles étant ceux qui ne croient pas en la Divinité de
Jésus Christ. Mais si la foi croit que Dieu est né dans la chair, elle ne doute
pas que les deux choses soient possibles à Dieu : que le Corps de l'Adulte
se soit montré à des hommes à l'intérieur d'une maison dont les portes
n'étaient pas ouvertes et que l'Époux-Enfant soit sorti de sa chambre,
c'est-à-dire du sein virginal, sans détruire la virginité de sa Mère.
3. Car
le Fils unique de Dieu a daigné S'adjoindre la nature humaine, pour associer à
sa Tête sans tache le corps d'une Église sans tache : c'est elle que
l'Apôtre appelle vierge, considérant non pas seulement celles qui sont vierges
par le corps, mais aussi les esprits sans tache de toutes conditions humaines.
“Car je vous ai fiancés à un seul Homme, comme une vierge chaste, pour
manifester le Christ”. Donc l'Église, imitant la Mère de son Seigneur, n'ayant
pu être vierge et mère par le corps, l'est pourtant par son esprit. C'est
pourquoi le Christ, en naissant, n'a pas du tout détruit la virginité de sa
Mère, Lui qui a rendu son Église vierge en la rachetant de la fornication de
démons. Vierges saintes, enfantées de sa virginité sans tache, qui avez choisi
de mépriser les noces de la terre, pour être aussi vierges selon la chair,
célébrez dans la joie en ce jour la fête de la maternité de la Vierge. Car Il
est né d'une femme, Celui qui n'a pas été engendré par un homme dans le sein
d'une femme. Lui qui vous a inspiré l'amour de cet état, n'a pas enlevé à sa
Mère l'état que vous aimez. Lui qui guérit en vous ce que vous avez hérité
d'Ève, loin de nous l'idée qu'Il ait corrompu ce que vous avez aimé en Marie.
4. Donc
celle dont vous suivez les pas, n'a pas vécu avec un homme pour
concevoir ; et enfantant, elle est restée vierge. Imitez-la de toutes vos
forces ; non pas dans la fécondité, car vous ne le pouvez pas si vous
gardez votre virginité. Elle est seule à avoir pu connaître les deux états,
dont un seul, selon votre désir, est le vôtre ; c'est Lui que vous
perdriez, si vous vouliez connaître les deux. Elle est seule à avoir pu les
connaître, en engendrant le Tout-Puissant, qui lui a accordé ce privilège. Car
seul le Fils unique de Dieu devait devenir, par cette voie unique, Fils de
l'homme. Et pourtant, ce que le Christ est pour vous, ce n'est pas le fils
d'une vierge unique. Car le Fils que vous n'avez pas pu mettre au monde selon
la chair, S'est révélé à vous comme l'Époux de votre cœur; et un Époux tel que
votre bonheur possède le Rédempteur qui dissipe la crainte du séducteur. En
effet, Celui qui, même en naissant dans un corps, n'a pas détruit la virginité
de sa Mère, la conserve bien plus encore en vous dans ses embrassements
spirituels. Et ne vous croyez pas stériles parce que vous restez vierges. Car
c'est précisément cette pieuse virginité de la chair qui conduit à la fécondité
de l'esprit. Faites ce que dit l'Apôtre : puisque vous ne songez pas à ce
qui est du monde, ni à plaire à un mari, songez aux choses de Dieu, cherchez à
Lui plaire en toutes choses; afin que vous puissiez avoir la fécondité non pas
des entrailles mais des vertus de l'esprit.
Enfin, je m'adresse à tous, à tous vont mes paroles ; c'est vers la chaste
Vierge universelle, Celle que l'Apôtre a fiancée au Christ, que se tourne ma
voix. Ce que vous admirez dans la chair de Marie, faites-le dans le tréfonds de
votre âme. Celui qui croit en son cœur à la justice, conçoit le Christ. Ainsi,
que dans votre corps votre fécondité prospère et que demeure votre virginité.
La
Vérité est sortie de la terre
1.
Aujourd'hui “la Vérité est sortie de la terre”. Le Christ est né de la chair.
fêtez ce jour dans la joie, et, averti aussi par ce jour, songez au jour qui
n'a pas de fin, désirez d'un ferme espoir les présents de l'éternité ;
d'avance représentez-vous que la Puissance du File de Dieu vous en a fait le
don. C'est à cause de vous que le Créateur est entré dans la création. Pourquoi
faites-vous vos délices, encore, mortels, de choses mortelles, et pourquoi vous
efforcez-vous de retenir — s'il était possible — une vie fugitive ? Un
espoir bien plus lumineux a resplendi sur la terre : la vie de la terre a
sa promesse dans les cieux. Pour que nous y croyions, cette chose incroyable a
été payée d'avance. Pour donner Dieu aux hommes, Celui qui était Dieu S'est
fait homme : sans rien perdre de sa Nature, Il a voulu devenir Lui-même ce
qu'il avait créé. C'est Lui-même qui S'est créé, car Il a ajouté la nature
humaine à sa Divinité, sans que sa Divinité disparaisse dans l'homme. Nous nous
étonnons qu'une vierge ait enfanté et nous nous efforçons de persuader les
incrédules de cette forme de naissance sans exemple, car dans un sein non
ensemencé a cru le germe de la génération, et les entrailles qui n'ont pas
connu l'embrassement de la chair ont donné vie au Fils de l'homme, sans s'être
offertes à un homme qui en fût le père : car elle est restée parfaitement
vierge à la conception comme à la naissance. Étonnant est ce pouvoir, mais plus
étonnante cette Miséricorde, car Celui qui a pu naître ainsi, est né de son
propre vouloir. Car Il était déjà Fils unique du Père, Celui qui est né Fils
unique d'une mère : et Il S'est formé dans sa Mère ; Lui qui avait
formé pour Lui cette mère; formé après sa Mère, de sa Mère, né du Père avant
toutes choses, sans avoir été formé. Le Père n'a jamais existé sans Lui, sans
Lui sa Mère n'aurait jamais été.
2.
Soyez dans la joie, veuves du Christ : à Celui qui a rendu féconde la
virginité, vouez la sainteté de votre continence. Exulte, toi aussi, chasteté
dans le mariage de vous tous qui vivez fidèlement avec vos épouses : ce
que vous avez perdu dans le corps gardez-le aussi dans votre cœur. Lorsque la
chair ne peut plus se tenir éloignée de l'union charnelle, que reste vierge
dans la foi votre conscience, celle selon laquelle toute l'Église est vierge.
En Marie, la virginité pieuse a enfanté le Christ ; chez Anna, le veuvage
a connu dans un âge avancé les premiers ans du Christ. Chez Élisabeth, la chasteté
conjugale et la fécondité de la vieillesse ont combattu pour le Christ. À tous
les degrés, les membres fidèles ont rapporté à la Tête ce que sa Grâce a permis
qu'ils Lui rapportent.
Ainsi, puisque le Christ est Vérité, Paix et Justice, concevez-Le dans la foi,
donnez-Lui naissance par vos œuvres ; afin que ce qu'ont fait les
entrailles de Marie dans la Chair du Christ, votre cœur le fasse dans la Loi du
Christ. Et comment ne participez-vous pas à la Maternité de la Vierge, puisque
vous êtes les membres du Christ ? Marie a enfanté votre Tête, l'Église
vous a enfantées. Car elle est à la fois mère et vierge. Mère par ses
entrailles de charité, vierge par la pureté de sa foi et de sa piété. Elle
enfante les peuples, qui sont membres d'un seul corps et dont elle est le corps
et l'épouse. En cela aussi elle représente l'image de sa virginité, parce
qu'elle est aussi, dans la multitude de ses enfants, mère d'unité.
3.
C'est pourquoi, d'un seul élan, d'un esprit chaste et d'un cœur saint, célébrons
le jour de la Naissance du Seigneur : en ce jour, comme je l'ai dit en
commençant ce sermon : “la Vérité est sortie de la terre”. Désormais est
accompli ce que dit enduite ce même psaume. Car Celui qui est né de la terre,
c'est-à-dire de la chair, parce qu'Il vient du ciel est précisément au-dessus
de tous. Sans aucun doute, quand Il est monté auprès du Père, alors aussi “la
Justice a regardé du haut du ciel”. C'est cette Justice qu'Il nous recommande
par ses Paroles, en nous promettant l'Esprit saint : “Lui-même confondra
le monde en matière de péché, de justice et de jugement ; de péché parce
qu'ils ne croient pas en Moi ; de justice parce que je vais au Père, et
vous ne Me verrez plus”.
Telle est la Justice qui a regardé du ciel. Car : “Il est venu du plus
haut du ciel et sa rencontre nous mène au plus haut du ciel”. Mais afin que
personne ne méprise la Vérité parce qu'elle est sortie de la terre, lorsque,
comme un Époux sorti de sa chambre, c'est-à-dire du sein virginal, où le Verbe
de Dieu S'est uni à la créature humaine, dans une sorte d'union conjugale
indicible ; afin donc que personne ne méprise cette Vérité et que personne
ne croie que, malgré le miracle de sa Naissance, de ses Actions et de ses
Paroles, puisqu'il S'est fait semblable au péché de la chair, le Christ n'est
rien d'autre qu'un homme, après : “Comme un époux sortant de sa chambre,
Il a bondi de joie comme un héros entamant sa carrière”, on lit à la
suite : “Il est venu du plus haut des cieux”. Quand nous entendons :
“La Vérité est née de la terre”, il s'agit de nous montrer son estime, non pas
d'indiquer sa première Naissance. C'est une volonté de miséricorde, non un état
de misère. Pour que la Vérité naquît de la terre, Il est descendu du ciel. Pour
sortir de sa chambre, l'Époux est venu du haut du ciel. C'est ainsi qu'il faut
comprendre qu'aujourd'hui est le jour de sa Naissance, jour sur la terre le
plus court de l'année, mais après lequel les jours croissent. Donc Celui qui
S'est abaissé et nous a élevé, a choisi le jour le plus court, mais à partir
duquel la lumière croît. En ce jour même de sa Venue, où, sans parler, Il nous
exhorte comme dans une grande clameur, Lui qui pour nous S'est fait pauvre,
apprenons à être riches en Lui. En Lui qui a pris pour nous la forme d'un serviteur,
recevons notre liberté. En Lui qui est né de la terre, possédons le ciel.
La voix des anges
annoncèrent Jésus Christ. – C'est Lui qui est la paix sur la terre pour les
hommes de bonne volonté quand prend fin cette guerre dans laquelle “la chair
désire contre l'esprit et l'esprit contre la chair”.
1. La
lecture de l'Évangile nous a fait entendre la voix des anges qui annoncèrent
aux pasteurs Jésus Christ, quand Il naquit de la Vierge : “Gloire à Dieu
au plus haut des cieux, et paix sur la terre, bienveillance parmi les hommes”.
Chant de fête et de joie, adressé non pas seulement à la Femme dont les
entrailles avaient donné naissance à un fils ; mais au genre humain pour
qui la Vierge avait enfanté le Sauveur. Car l'événement méritait bien, — et il
convenait de la faire — que des anges, chantant de divines louanges, — et non
pas de ces amuseuses publiques qui président aux fêtes humaines — célèbrent les
fêtes de l'accouchement de celle qui a donné naissance au Maître de la terre et
des cieux, et qui, après l'accouchement est restée vierge. Disons donc nous
aussi, et disons-le avec tout l'élan de joie dont nous sommes capables, nous
qui n'annonçons pas la naissance aux pasteurs des troupeaux, mais qui célébrons
son anniversaire avec les brebis, disons, dis-je, dans la fidélité du cœur et
la dévotion de la voix : “Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix
sur la terre, bienveillance parmi les hommes”. Méditons en nos esprit, avec la
foi, l'espérance et la charité, ces paroles divines, ces louanges à Dieu, et
cette joie des anges à laquelle il faut attacher toute la considération
possible. Car comme nous le croyons, espérons et désirons, nous serons, nous
aussi la “Gloire de Dieu au plus haut des cieux” lorsque, ressuscitant dans un
corps spirituel, nous aurons été enlevés dans les nuages pour aller au-devant
du Christ, pourvu que tant que nous sommes sur la terre, nous recherchions la
paix dans la bonne volonté. Car c'est au plus haut des cieux qu'est la vie, là
en effet est le pays des vivants; les jours de bonheur sont là où est le
Seigneur Lui-même, dont les années ne décroissent pas. Quiconque donc veut
connaître la vie et choisit de “voir des jours de bonheur, qu'il garde sa
langue du mal, et que ses lèvres ne profèrent pas la ruse” ; “qu'il
s'éloigne du mal et fasse le bien” et qu'ainsi il soit un homme de bonne
volonté. Et qu'il “cherche la paix et la poursuive”. Car “paix sur la terre,
bienveillance parmi les hommes”.
2. Et si tu dis,
homme : Voici que “vouloir est à portée de ma main, mais que je n'arrive
pas à faire le bien” et si te délectant “en la Loi de Dieu selon l'homme
intérieur”, tu vois “pourtant une autre loi commander ton corps qui combat la
loi de ton esprit, et qui te conduit prisonnier dans la loi du péché qui est
dans ton corps”, persiste dans ta bonne volonté et crie les mots qui
suivent : “Misérable que je suis, qui me délivrera de ce corps de
mort ? La Grâce de Dieu par Jésus Christ notre Seigneur”. Car c'est Lui
qui est la paix sur la terre pour les hommes de bonne volonté quand prend fin
cette guerre dans laquelle “la chair désire contre l'esprit et l'esprit contre
la chair; en sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez, parce que c'est
Lui qui est notre paix, Lui qui des deux peuples n'en a fait qu'un”. Que donc
la bonne volonté persiste contre la mauvaise concupiscence, et qu'en persistant
elle implore le secours de la Grâce de Dieu, par l'intermédiaire de Jésus
Christ notre Seigneur. La loi du corps charnel lui répugne, et voici que
désormais elle en est prisonnière : qu'elle demande du secours, sans se
fier à ses propres forces ; et au moins, quand elle connaît la fatigue,
qu'elle ne dédaigne pas de l'avouer. Car le secours lui viendra de Celui qui
dit à ceux qu'Il voyait déjà croyant en Lui : “Si vous demeurez dans ma
parole, vous serez vraiment mes disciples ; et vous connaîtrez la Vérité
et la Vérité vous affranchira”. La Vérité vous secourra et vous libérera de ce
corps de mort. C'est pourquoi en effet la Vérité dont nous célébrons l'anniversaire
“est né de la terre”, afin que la paix soit donnée sur terre aux hommes de
bonne volonté. Car qui est capable de vouloir et de pouvoir, si, en nous
donnant son esprit, ne vient à notre aide pour nous donner de pouvoir, Celui
qui, en nous appelant à Lui, nous a commandé de vouloir ? Car assurément
sa Miséricorde nous a prévenus, pour que nous soyons appelés, nous qui ne le
voulions pas, et que nous obtenions de pouvoir ce que nous voulons. Disons-Lui
donc : “J'ai juré et décidé de garder les jugements de ta Justice”. J'ai
décidé, et parce que Tu l'as commandé, j'ai promis obéissance : mais parce
que “je vois une autre loi dans mon corps qui combat la loi de mon esprit et
qui me tient captif dans la loi du péché qui est dans mes membres, je me suis
humilié en toute occasion, Seigneur ; apporte-moi la vie selon ta parole”.
Et voici que “vouloir est à portée de ma main” ; donc “approuve, Seigneur,
les volontés de ma bouche, afin que sur la terre les hommes de bonne volonté
connaissent la paix”. Prononçons ces paroles et toutes celles que la piété,
instruites par les saintes lectures, peut nous suggérer; afin que nous ne
célébrions pas en vain la fête du Seigneur, né de la Vierge, en nous aidant
d'abord de notre bonne volonté, et en cherchant ensuite le perfectionnement
d'une charité très ardente qui se répand en nos cœurs, non pas par nous-mêmes,
mais par l'Esprit saint qui nous a été donné.
La
Naissance du Christ est double
1.
Écoutez, fils de la Lumière, adoptés en vue du royaume de Dieu ; frères
très chers, écoutez ; écoutez et bondissez de joie, justes dans le
Seigneur, afin que votre louange puisse faire écho à la droiture de vos cœurs.
Écoutez ce que vous savez, méditez à nouveau ce que vous avez entendu, aimez ce
en quoi vous croyez, annoncez ce que vous aimez. En ce jour où nous célébrons
un anniversaire, attendez-vous à entendre le genre de sermon que réclame la
circonstance.
C'est la Naissance du Christ, Dieu né du Père, Homme né d'une mère. De
l'immortalité du Père, de la virginité de sa Mère. Né du Père sans mère, né
d'une mère sans père. Du Père hors du temps, d'une mère hors d'une union
charnelle. Du Père principe de vie ; d'une mère, destruction de la mort.
Du Père, ordinateur des jours; d'une mère, rendant ce jour-ci sacré. En effet,
Il a envoyé au-devant de Lui un homme, Jean, né lorsque les jours commençaient
à baisser ; né Lui-même lorsque les jours commençaient à croître. Pour que
soit préfiguré ce que dit le même Jean : “Il faut qu'Il croisse et que
moi, je diminue”. La vie humaine en effet doit décroître en ce qui la concerne,
mais croître dans le Christ “afin que ceux qui vivent ne vivent plus désormais
pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort pour tous et ressuscité” ; et
que chacun d'entre nous disent ce que dit l'Apôtre : “Désormais ce n'est
plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi”. “Car il faut qu'Il croisse
et que je diminue”.
2. Tous
ses anges Lui adressent de justes louanges, eux dont Il est l'Aliment éternel,
qui les vivifie d'une nourriture incorruptible ; parce qu'Il est le Verbe
de Dieu, de la vie de qui ils vivent dans le bonheur sans fin. Eux Le louent
comme il convient, Dieu auprès de Dieu, et chantant la Gloire de Dieu au plus
haut des cieux. “Mais nous, son peuple et le troupeau de sa Main”, à la mesure
de notre infirmité, méritons la paix, réconciliés avec Lui par notre bonne
volonté. En effet, aujourd'hui nous entendons vraiment la voix des anges,
proclamer dans l'allégresse, au moment de la Naissance du Sauveur :
“Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne
volonté”. Si eux donc Le louent comme il convient, louons-Le, nous aussi, en
obéissant à leur voix. Ils sont ses messagers, nous sommes aussi de son
troupeau. Il a couvert d'abondance leur table au ciel, Il a empli sur la terre
notre crèche. Car l'abondance de leur table, c'est que “au commencement était
le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu”. Notre
crèche remplie, c'est que “le Verbe S'est fait Chair et Il a habité parmi
nous”. En effet, pour que l'homme mange le Pain des anges, le Créateur des
anges s'est fait Homme. Eux Le louent en vivant, nous, en croyant ; eux,
en jouissant de sa Présence, nous, en y aspirant; eux, en Le recevant, nous, en
Le cherchant ; eux, en entrant dans sa demeure, nous, en frappant à sa
porte.
3. Car
quel homme pourrait connaître tous les trésors de sagesse et de science cachés
dans le Christ, et caché dans la pauvreté de sa Chair ? Car “à cause de
nous, Il s'est fait pauvre, alors qu'Il était riche, afin que nous soyons
riches de sa pauvreté”. En effet, lorsqu'il assumait la condition mortelle et
qu'Il détruisait la mort, Il S'est montré dans sa pauvreté. Mais Il a promis
des richesses pour plus tard, sans perdre celles dont Il s'était dépouillé.
Immense est l'immensité de sa Douceur, qu'Il a cachée à ceux qui Le craignent
pour l'accomplir chez ceux qui espèrent en Lui. Car nous la connaissons en
partie, en attendant qu'elle vienne dans sa perfection. Pour que nous soyons
certains d'être capables de la recevoir, Lui qui est égal au Père dans la forme
de Dieu, en se faisant semblable à nous dans la forme de serviteur, Il reforme
notre nature à la Ressemblance de Dieu : et le Fils unique de Dieu, devenu
Fils de l'homme, de nombreux fils des hommes fait des fils de Dieu; et des
esclaves qu'Il a nourris en prenant la forme visible de l'esclave, Il en fait
des hommes libres pour contempler la Forme de Dieu. En effet, “nous sommes fils
de Dieu et nous ne voyons pas encore ce que nous serons. Et nous savons que
lorsque nous Le verrons, nous serons semblables à Lui, parce que nous Le
verrons comme Il est”. En effet, que dirons-nous des trésors de sa Sagesse, de
ses divines Richesses, sinon qu'ils sont ce qui nous suffit ? Et de
l'immensité de sa Douceur, sinon qu'elle est ce qui nous comble ? En
effet, “montre-nous le Père et cela nous suffit”. Et dans un psaume, une voix
d'entre les hommes Lui dit pour nous, comme du fond de nos cœurs : “Je
serai satisfait, pourvu que ta Gloire me soit manifestée”. Or Lui et le Père
sont un ; et qui Le voit, voit aussi le Père. Donc “Seigneur des vertus,
Il est Lui-même Roi de gloire”. En se tournant vers nous, Il nous montrera sa
Face ; et nous serons sauvés, et nous serons rassasiés et cela nous
suffira.
4. Que
notre cœur Lui dise : “J'ai cherché ton Visage; ton Visage, Seigneur, je
chercherai à nouveau; pour que tu ne détournes pas de moi ta Face”. Et que
Lui-même réponde à notre cour : “Celui qui M'aime, garde mes
commandements ; et celui qui M'aime est aimé par mon Père ; et Je
l'aimerai et Me montrerai à lui”. Évidemment, ceux à qui Il adressait ses
Paroles, Le voyaient de leurs yeux, et entendaient de leurs oreilles le son de
sa Voix, et leur cœur humain se Le représentait comme un homme. Mais ce que
l'œil n'a pas vu, que les oreilles n'ont pas entendu, et qui n'a pas inspiré un
cour d'homme, Il promettait de le montrer Lui-même à ceux qui L'aimaient. En
attendant que cela soit, et que se montre à nous ce qui peut nous suffire, en
attendant que nous buvions à la source de la vie et que nous soyons rassasiés,
tandis que durant cette attente, nous avançons dans la foi, cheminant loin de
Lui, tandis que nous avons faim et soif de la Justice, et que nous aspirons
d'une ineffable ardeur à la beauté de la Forme de Dieu, célébrons avec dévotion
et déférence l'anniversaire du jour où Il a pris la forme du serviteur. Ne
pouvant encore contempler ce qu'a engendré le Père avant l'Étoile du Matin,
célébrons en foule ce qui pendant la nuit est né de la Vierge. Nous ne Le
comprenons pas encore, parce que son Nom a toujours sa résidence au-delà du
soleil, mais sous le soleil est planté sa tente : sachons la reconnaître.
Nous ne percevons pas encore le Fils unique demeurant à jamais en son Père,
rappelons-nous l'Époux sortant de sa chambre. Nous ne sommes pas encore
capables d'être reçus au festin de notre Père, reconnaissons la crèche de notre
Seigneur Jésus Christ.
Il
y a deux Naissances du Christ
1.
Notre Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu et Fils de l'homme, né du Père sans
mère, a créé la totalité des jours; né sans père d'une mère, Il a rendue sacrée
cette journée ; invisible à sa Naissance divine, visible en sa Naissance
humaine, étonnant dans l'une et l'autre Naissance. Ainsi dans ce qu'a prédit de
Lui le prophète : “Qui pourra raconter sa Naissance ?”, il est
difficile de savoir de laquelle des deux il s'agit. S'agit-il de celle où, né
depuis toujours, Il partage l'éternité avec son Père, ou de celle où, en un
jour donné Il est né, ayant déjà formé la mère qui Lui donnait naissance ?
Car qui racontera comment est née la Lumière de la Lumière, et comment les deux
Lumières n'en font qu'une ? Comment Dieu est né de Dieu, sans qu'augmente
le nombre de la Divinité ? Comment on parle de sa Naissance comme d'une
chose transitoire, alors que dans la première Naissance, le temps ne s'est ni
enfui dans le passé, ni avancé dans le futur, pas plus qu'il n'y a eu de
présent, comme si sa Naissance s'accomplissait encore sans être parvenue à son
achèvement. Cette Naissance donc, qui en fera le récit ? Puisque l'objet
du récit demeure au-delà du temps, alors que la parole du narrateur s'écoule
dans le temps ? La second Naissance aussi, où Il naît d'une vierge, qui en fera
le récit ? Conçu dans la chair, sans oeuvre de chair, né de la chair en
ayant donné la fécondité à celle qui L'a nourri, Il n'a pas détruit la
virginité de celle qui L'a mis au monde. C'est pourquoi qui pourra raconter
l'une et l'autre ou l'un et l'autre de ses générations ?
2. Tel
est notre Seigneur, tel le Médiateur entre Dieu et les hommes, notre Sauveur
fait Homme, qui, né du Père a aussi créé sa Mère; créature née d'une mère, Il a
aussi glorifié son Père. Fils unique du Père sans être né d'une mère, Fils
unique d'une mère qui n'a pas connu les embrassement d'un homme. Telle est sa
Beauté qui surpasse celle des fils des hommes, Fils de sainte Marie, Époux de
la sainte Église, qu'Il a rendue semblable à sa Mère. Car Il l'a faite notre
mère, sans lui enlever sa virginité. C'est à elle que l'Apôtre dit : “Je
vous ai fiancée à un seul Homme, vierge chaste, pour manifester le Christ”.
C'est d'elle encore qu'Il dit qu'elle est notre mère, non pas femme servile,
mais femme libre, qui, dans son délaissement, a plus de fils que celle qui est
en puissance d'homme. L'Église donc, comme Marie, est vierge à jamais, et sa
fécondité est sans tache. Car la grâce que Marie a eue dans sa chair, l'Église
a su la conserver dans son esprit, sauf que l'une n'a engendré qu'un Fils,
tandis que l'autre beaucoup, pour les rassembler en un seul, par un seul.
3.
Voici donc le jour où est venu au monde Celui par qui le monde a été fait. Par
cette chair Il S'est fait proche de nous, par sa Force Il n'en a jamais été éloigné ;
parce qu'il était dans notre monde tout en étant chez Lui. Il était dans le
monde, mais caché du monde; parce que la Lumière brillait dans les ténèbres et
les ténèbres ne la comprenaient pas. Il est donc venu dans la chair, pour
guérir les vices de la chair. Il est venu sur cette terre qui est notre
médecine, pour guérir notre regard intérieur rendu aveugle par la matière
extérieur de la terre. Afin qu'une fois guéris, nous qui fûmes d'abord
ténèbres, nous devenions lumière dans le Seigneur, et que désormais la Lumière
présente dans les ténèbres ne brille pas pour des absents, mais qu'elle
apparaisse avec clarté à ceux qui voient clair. C'est dans ce but que l'Époux
est sorti de sa chambre et qu'Il a bondi de joie comme un héros en entrant dans
la carrière. Beau comme un époux, courageux comme un héros, aimable et
terrible, sévère et serein, beau pour les bons, terrible aux méchants.
Demeurant dans le Sein du Père, Il a empli le sein de sa Mère. Dans cette
chambre, c'est-à-dire dans le sein de la Vierge, la Nature divine s'est unie à
la nature humaine : lorsque le Verbe S'est fait chair, afin qu'une fois
sorti du sein maternel, Il habite parmi nous ; afin que, nous précédant
vers le Père, Il nous prépare le lieu où nous habiterons.
Célébrons donc dans la joie ce jour de fête ; et, dans la fermeté de la
foi, désirons la Lumière éternelle, par Celui qui, éternel, est né pour nous
dans le temps. re de la Lumière, et comment les deux Lumières n'en font
qu'une ? Comment Dieu est né de Dieu, sans qu'augmente le nombre de la
Divinité ? Comment on parle de sa Naissance comme d'une chose transitoire,
alors que dans la première Naissance, le temps ne s'est ni enfui dans le passé,
ni avancé dans le futur, pas plus qu'il n'y a eu de présent, comme si sa
Naissance s'accomplissait encore sans être parvenue à son achèvement. Cette
Naissance donc, qui en fera le récit ? Puisque l'objet du récit demeure
au-delà du temps, alors que la parole du narrateur s'écoule dans le temps ? La
second Naissance aussi, où Il naît d'une vierge, qui en fera le récit ?
Conçu dans la chair, sans œuvre de chair, né de la chair en ayant donné la
fécondité à celle qui L'a nourri, Il n'a pas détruit la virginité de celle qui
L'a mis au monde. C'est pourquoi qui pourra raconter l'une et l'autre ou l'un
et l'autre de ses générations ?
SERMON 196
1. Le
jour présent, où nous fêtons la Naissance de notre Seigneur Jésus Christ, a
fait briller sur nous sa lumière. C'est Noël, jour de la Naissance du Christ.
C'est aujourd'hui Noël car depuis hier les jours croissent.
Il y a deux Naissances de notre Seigneur Jésus Christ : l'une divine,
l'autre humaine ; les deux sont étonnantes; la première sans femme pour
mère ; la seconde sans homme pour être père. Ce que dit le saint prophète
Isaïe : “Qui racontera sa Naissance ?” peut être rapporté aux deux
Naissances. Qui pourrait rapporter dignement comment Dieu a engendré ?
Comment une vierge a accouché ? La première s'est produite hors du temps.
La seconde un jour donné. L'une et l'autre dépassent l'entendement humain et
provoquent un grand étonnement.
Écoutez ce qui est dit de la première Naissance : “Au commencement était
le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu”. Le Verbe
de qui ? De Dieu Lui-même. Quel Verbe ? Le Fils Lui-même. Jamais le
Père n'a été séparé du Fils. Et toutefois, Celui qui n'a jamais été séparé du
Fils a engendré le Fils. Il l'a engendré sans qu'il y ait eu commencement. Sans
un commencement provoqué, il n'y a pas de commencement. Et pourtant, Il est le
Fils, et pourtant Il a été engendré. L'intelligence humaine dira : comment
a-t-il été engendré s'Il n'a pas commencé ? S'Il a été engendré, Il a
commencé ; et s'Il n'a pas commencé, comment a-t-Il été engendré ?
Comment, je l'ignore. Tu demandes à un homme comment Dieu a été engendré ?
Ta question me met dans l'embarras. Mais j'ai recours au Prophète : “Qui
racontera sa Naissance ?”
Suis-moi maintenant dans ce qui a trait à la seconde génération, dans laquelle
Il s'est réduit à néant, en prenant la forme du serviteur : si du moins
nous pouvons la comprendre, si du moins nous sommes capables d'en dire quelque
chose. De fait, qui pourrait comprendre : “Lui qui, étant dans la forme de
Dieu, n'a pas pensé user comme d'un privilège d'être l'égal de Dieu ?” Qui
pourrait comprendre cela ? Qui s'en ferait une juste idée ? Quel
esprit oserait scruter ces profondeurs ? Quelle langue oserait en
discourir ? Quelle pensée aurait la force de comprendre ? Laissons
donc cette question pour l'instant. C'est trop pour nous. Toutefois, pour que
nous n'ayons pas à faire à trop forte partie, “Il s'est réduit à néant
Lui-même, prenant la forme du serviteur, devenu semblable aux hommes”.
Où ? Dans le sein de la Vierge Marie. Touchons-en donc quelques mots si
tant est que nous le puissions. L'ange délivre son message, la Vierge entend,
croit et conçoit. La foi dans son cœur, le Christ dans ses entrailles. La
Vierge a conçu : soyez dans l'étonnement. La Vierge a enfanté, que votre
étonnement croisse. Après l'accouchement, elle est restée vierge. Qui donc
pourra raconter cette Naissance ?
2.
Voici maintenant, pour vous réjouir, très chers frères. Il y a trois formes de
vie dans l'Église des membres du Christ : celle du mariage, celle du
veuvage, celle de la virginité. Puisque ces formes de vie respectable devaient
se trouver dans le corps sacré du Christ, chacune de ces trois formes de vie
témoigne du Christ. La première , c'est le mariage : lorsque Vierge Marie
a conçu, l'épouse de Zacharie, Élisabeth, avait conçu, elle aussi ; elle
portait dans son sein celui qui devait annoncer son propre Juge. Sainte Marie
vint à elle, pour saluer sa parente. L'enfant tressaillit de joie dans le sein
d'Élisabeth. Lui tressaillit, elle prophétisa. Voici pour témoigner du respect
dû au mariage. Où est-il question de veuvage ? À propos d'Anne. Vous venez
d'entendre à la lecture de l'évangile qu'il y avait une sainte prophétesse,
veuve de 84 ans, qui avait vécu 7 ans avec son mari. Elle vivait dans le temple
du Seigneur, le servant dans la prière jour et nuit. Et c'est cette veuve qui
reconnut le Christ. Il était tout petit quand elle le vit, mais elle reconnut
sa grandeur. Elle aussi en a témoigné. Voilà pour le veuvage. En Marie, c'est la
virginité.
Que chacun choisisse de ces trois vies celle qu'il veut. Celui qui voudra
sortir de ce cadre, ne se dispose pas à être dans le Corps du Christ. Que les
épouses ne disent pas : nous n'appartenons pas au Christ. De saintes
femmes ont été mariées. Que les vierges ne s'enorgueillissent pas. Plus grand
est leur état, plus elles doivent s'humilier devant tous. Voilà tous les
modèles de salut qui ont été proposés à notre regard. Que personne ne s'en
écarte. Que personne ne s'écarte de sa femme : mais il est mieux d'être
sans femme. Si tu cherches un exemple de grandeur dans la vie conjugale, voici
Suzanne; dans le veuvage, Anne; dans virginité, Marie.
3. Le
Seigneur Jésus a voulu être homme à cause de nous. Que cette Miséricorde ne
soit pas dépréciée à nos yeux : ce qui gît à même notre terre, c'est la
Sagesse. “Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu et
le Verbe était Dieu”. Ô nourriture et Pain des anges : Tu combles la faim
des anges, Tu les rassasie sans les lasser; ils vivent de Toi, de Toi ils
tiennent leur sagesse, de toi leur bonheur. Où es-Tu, à cause de moi ?
Dans une étroite auberge, dans les langes, dans une crèche. Et à cause de
qui ? Celui qui mène les astres, suce le sein ; Il comble les anges,
parle dans le Sein du Père, se tait dans celui de sa Mère. Mais Il doit parler
quand viendra le temps, et accomplir pour nous l'Évangile. À cause de nous, Il
souffrira, à cause de nous Il mourra; pour nous montrer ce que sera notre
récompense, Il ressuscitera, Il montera au ciel à la vue de ses disciples, Il
reviendra du ciel pour le jugement. Voici que Celui qui était couché dans la
crèche, S'est abaissé, mais sans Se détruire. Il est devenu ce qu'Il n'était
pas, mais est resté ce qu'Il était. Voici pour nous le Christ devenu Enfant,
grandissons avec Lui.
4. En
voilà assez pour votre charité. Mais parce que je vois ici une grande foule
venue pour fêter Noël, il faut que j'ajoute : les calendes de janvier vont
arriver. Vous êtes tous chrétiens. Par la bienveillance de Dieu, vous vivez
dans une cité chrétienne. On y rencontre deux espèces d'hommes : les
chrétiens et les juifs. Qu'on n'y voie pas se produire ce que Dieu hait :
des jeux indignes, des divertissements malhonnêtes. Que les hommes ne se choisissent
pas eux-mêmes des juges, de peur de tomber dans les Mains du vrai Juge.
Écoutez-moi ! Vous êtes chrétiens, vous êtes des membres du Christ. Songez
à ce que vous êtes, à quel prix vous avez été rachetés. Pour tout dire,
voulez-vous savoir ce que sont vos pratiques ? Je m'adresse à ceux qui s'y
adonnent. Que ceux à qui elles répugnent ne s'en offusquent pas : je
m'adresse à ceux qui s'y adonnent de bon cœur. Voulez-vous savoir ce que sont
ces pratiques, et quelle tristesse vous nous mettez au cœur ? Les Juifs s'y
adonnent-ils ? Rougissez-en plutôt afin qu'elles n'aient pas lieu.
Pour l'anniversaire de la Naissance de Jean, c'est-à-dire 6 mois avant Noël
(ces six mois voient, en effet, la naissance du héraut et du Juge), obéissant à
une pratique superstitieuse, des chrétiens sont venus à la mer et s'y sont
donné le baptême. J'étais absent, mais, comme on me l'a appris, des prêtres
émus, car ils se sont instruits dans notre enseignement, ont averti un certain
nombre entre vous de ce qu'apprend la saine doctrine de l'Église. Certains en
ont protesté et ont dit : Y avait-il matière à nous mettre en garde ?
Si on avait pris la précaution de le faire, nous ne nous serions pas comporté
ainsi. Si les prêtres eux-mêmes nous avaient avertis, nous ne nous serions pas comporté
ainsi. Eh bien, c'est l'évêque qui prend la précaution de vous avertir :
c'est un avertissement, une proclamation, une dénonciation. Écoutez-le, il vous
le demande. Écoutez-le, il vous en supplie. Je vous en supplie, par Celui-là
même qui est né aujourd'hui ; je vous en supplie et vous en fais un
devoir : que personne ne s'adonne à ces pratiques !
Je me dégage ainsi de toute responsabilité. Je préfère vous en avertir de vive
voix que d'éprouver l'affliction de ne pas l'avoir fait.
SOURCE: http://www.jesusmarie.com
SOURCE : http://avancezaularge.free.fr/augustin_sermons_nativite.htm
Retable
de la Nativité, collégiale Saint-Vulfran d'Abbeville,
fin
XVe-début XVIe et XIXe siècles
Sermon pour Noël de Jean
Tauler
JEAN TAULER
CONCEVOIR LE VERBE
"Un enfant nous est né, un Fils nous est donné". Ce texte nous fait penser à la tout aimable naissance qui, tous les jours et à chaque instant, doit se réaliser et se réalise en chaque âme bonne et sainte, si elle veut bien y donner une amoureuse attention. Dans cette naissance, Dieu nous devient tellement nôtre, il se donne à nous en telle propriété, que personne n’a jamais eu une si intime possession. Il est nôtre, cet enfant, tout à fait nôtre, nôtre plus que tout autre bien. Il naît à chaque instant et sans cesse en nous. C’est de cette naissance que nous voulons parler.
Si, comme une mère, l’homme veut concevoir en lui le Verbe d’une façon spirituelle, il doit rentrer en lui-même par le recueillement, et puis en sortir. Mais comment ? Il nous faut nous recueillir fortement, ramener et rassembler intérieurement toutes nos facultés, et les rappeler de toute dispersion à la concentration, qui rend plus puissantes toutes les choses unifiées. Si un tireur veut atteindre sûrement son but, il ferme un œil, pour que l’autre vise plus juste. Celui qui veut comprendre une chose à fond y emploie tous ses sens et les ramène en ce centre de l’âme d’où ils sont sortis. De même que tous les rameaux viennent du tronc de l’arbre, ainsi toutes nos facultés, celles de la sensibilité, celles de désir aussi bien que celles de l’action, sont unies aux facultés supérieures dans le fond de l’âme. Voilà l’entrée en nous-mêmes.
Si nous voulons maintenant sortir de nous, bien plus, si nous voulons nous élever en dehors et au-dessus de nous-mêmes, nous devons alors renoncer à tout vouloir, désir et agir propres. Il ne doit rester en nous qu’une simple et pure recherche de Dieu sans désirer d’avoir quelque chose en propre, et en quelque manière que ce soit. Sans aucun désir d’être, de devenir ou d’obtenir quelque chose qui nous soit propre, n’ayons que la seule volonté d’être à Dieu, de lui faire place de la façon la plus élevée, la plus intime, pour qu’il puisse accomplir son œuvre et naître en nous, sans que nous y mettions obstacle. En effet, pour que deux êtres puissent n’en faire qu’un, il faut que l’un se comporte comme patient et l’autre comme agent : pour que l’œil puisse percevoir les images qui sont sur ce mur, ou tout autre objet, il doit n’avoir en lui aucune autre image. N’eût-il même qu’une image d’une couleur quelconque, jamais il ne pourrait en percevoir d’autre, de même l’oreille qui est pleine d’un bruit ne peut en percevoir un autre. Ainsi donc si l’on veut recevoir, il faut être pur, net et vide.
C’est pourquoi saint Augustin nous dit : "Vide-toi pour pouvoir être rempli ; sors afin de pouvoir entrer" ; et ailleurs : "Ô toi, âme noble, noble créature, pourquoi cherches-tu en dehors de toi ce qui est en toi, tout entier de la façon la plus vraie et la plus manifeste ? Et puisque tu participes à la nature divine, que t’importent les créatures et qu’as-tu donc à faire avec elles ?" Si l’homme prépare ainsi la place au fond de lui-même, Dieu, sans aucun doute, la remplira tout entier ; sinon le Ciel même s’engouffrerait dans le vide, car Dieu ne peut laisser la moindre chose vide, c’est contraire à sa justice
Ainsi, fais silence, et le Verbe de cette naissance en toi sera prononcé et tu
pourras l’entendre ; mais si tu parlais, il se tairait ! Ainsi, c’est
en écoutant et en se taisant que l’on va au-devant du Verbe. Sors de toi-même,
et il entrera. Plus tu sors, plus il entre, ni plus ni moins.
Sermon pour Noël
Abbaye de Port-du-Salut -
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SERMON SUR LA NATIVITÉ DE
JÉSUS-CHRIST.
ANALYSE.
Sujet. Voici la marque h
quoi vous connaîtrez le Sauveur qui vous est né ; c'est que vous trouverez un
enfant emmailloté et couché dans une crèche.
Que signe pour connaître
un Dieu Sauveur ! une étable, une crèche, de pauvres langes ! c'est néanmoins
le signe le plus convenable, comme on le verra dans ce discours : Et hoc
vobis signum.
Division. Signe le plus
convenable, parce que c'est le signe le plus naturel et le plus efficace. Le
plus naturel, puisqu'il nous marque parfaitement que le Sauveur est né, et
pourquoi il est né : première partie. Le plus efficace, puisqu'il commence déjà
à produire dans les esprits et dans les cœurs les merveilleux effets pour
lesquels le Sauveur est né : deuxième partie.
Première partie. Signe le
plus naturel, puisqu'il nous marque parfaitement que le Sauveur est né, et
pourquoi il est né. Ce Dieu Sauveur devait faire deux choses : 1° expier le
péché, 2° réformer l'homme pécheur. Or, pour nous marquer qu'il venait
accomplir l'un et l'autre, il ne pouvait choisir un signe plus propre que la
pauvreté et l'obscurité de sa naissance.
1° Il devait expier le
péché et satisfaire à la justice de son père. Voilà ce qu'il fait dans la
crèche, et à quoi lui servent les misères et les humiliations de la crèche. Que
nous apprend donc autre chose cet état pauvre, cet état humble, cet état
souffrant où il naît, sinon qu'il vient faire pénitence pour nous, et nous
apprendre à la faire? Mystère adorable, et capable d'exciter dans nos coeurs
les sentiments de la plus vive contrition. Cet Enfant-Dieu pleure dans sa
crèche; et ses larmes, dit saint Bernard, me causent tout à la fois et de la
douleur, et de la honte : de la honte, quand je considère que le Fils unique de
Dieu a pleuré mes péchés, et que je ne les pleure pas moi-même; de la douleur,
quand je pense qu'après avoir fait pleurer Jésus-Christ, je lui en donne tous
les jours de nouveaux sujets.
2° Il devait réformer
l'homme pécheur. Ce qui perdait l'homme et ce qui le perd encore, c'est
rattachement aux honneurs, aux riches et aux plaisirs du siècle. Mais que fait
Jésus-Christ? Il vient au monde avec le signe de l'humilité, pour l'opposer à
notre ambition; avec le signe de la pauvreté, pour l'opposera notre avare
convoitise; avec le signe de la mortification, pour l'opposer à notre
sensualité. Pouvait-il mieux nous faire entendre qu'il est ce Sauveur par
excellence qui doit délivrer son peuple de la servitude du péché, et guérir
toutes les blessures de notre âme? Raisonnons tant qu'il nous plaira, ce signe
de l'humilité d'un Dieu confondra toujours l'orgueil du monde; ce signe de la
pauvreté d'un Dieu confondra toujours l'aveugle cupidité du monde; ce signe de
la mortification d'un Dieu confondra toujours la mollesse du monde.
Deuxième partie. Signe le
plus efficace, puisqu'il commence déjà à produire dans les esprits et dans les
cœurs les merveilleux effets pour lesquels le Sauveur est né. C'est ce qui
parait, 1° dans les pasteurs qui furent appelés à la crèche de Jésus-Christ; 2°
dans les mages qui vinrent adorer Jésus-Christ.
1° Dans les pasteurs.
C'étaient des simples et des ignorants, c'étaient des pauvres, c'étaient des
hommes méprisables selon le monde par leur condition : mais tout à coup, à la
vue de ce signe de la crèche, ces ignorants sont éclairés et remplis de la
science de Dieu; ces pauvres commencent à connaître le prix de leur pauvreté,
et à l'aimer; ces hommes, si vils et si méprisables selon le monde, deviennent
les premiers apôtres de Jésus-Christ, et l'annoncent de toutes parts. C'est ce
même signe qui, dans la suite des temps, a encore formé au milieu de l'Eglise
tant de saints pauvres; et voilà ce qui doit consoler les petits et faire
trembler les grands.
2° Dans les mages. Car si
l'exemple des pasteurs doit faire trembler les grands, l'exemple des mages les
doit rassurer. C'étaient des grandi du monde, des sages du monde, des riches du
monde : mais, par la vertu de ce signe, ces grands s'abaissent devant Jésus-Christ;
ces sages se soumettent à la simplicité de la foi; ces riches se détachent de
leurs richesses, et se font au moins pauvres de cœur. Changement d'autant plus
miraculeux, que la grandeur du siècle est plus opposée à l'humilité chrétienne,
la sagesse du siècle à la docilité chrétienne, et les richesses du siècle à la
pauvreté chrétienne. Voilà ce qu'a pu opérer le signe de la crèche, et ce qu'il
doit encore opérer dans chacun de nous, si nous voulons que ce soit pour nous
un signe de salut.
Compliment au roi.
Et hoc vobis signum :
invenietis infantem pannis involutum, et positum in prœsepio.
Voici la marque à quoi
vous connaîtrez le Sauveur qui vous est né : c'est que vous trouverez un enfant
emmailloté et couché dans une crèche. (Luc, chap. II, 12.)
Sire,
Est-il donc vrai que le
Dieu destiné pour nous sauver, que le médiateur des hommes, que le Fils unique
du Père, faisant son entrée dans le monde, y dût être reconnu par des langes et
par une crèche? Est-il vrai que ce devaient être là les marques de sa venue, et
que ce Messie, dont les prophètes avaient si magnifiquement parlé, que ce Messie
envoyé de Dieu pour un si important dessein, ne devait être distingué dans sa
naissance que par l'humilité et la pauvreté ? Voilà, mes Frères, dit saint
Augustin, ce qui a causé le scandale des Juifs. Us attendaient un Sauveur :
mais ils supposaient que ce Sauveur viendrait dans l'éclat de la majesté ;
qu'il serait riche, puissant, heureux ; qu'il rétablirait visiblement sur la
terre le royaume d'Israël, qu'il comblerait ses sujets de biens et de
prospérités. Prévenus qu'ils étaient de ces espérances, on leur a annoncé que
ce Sauveur était né dans l'obscurité d'une étable, et c'est ce qui les a
non-seulement troublés, mais choqués, mais révoltés. Ce scandale a passé jusque
dans le christianisme : l'enfance et la crèche d'un Dieu, voilà par où a
commencé parmi les chrétiens L'infidélité de l'hérésie. Otez-moi, disait, au
rapport de Tertullien, l'impie Marcion, ôtez-moi ces langes honteux, et cette
crèche indigne du Dieu que j'adore : Aufer a nobis pannos et dura
praesepia. Ainsi parlait cet hérésiarque, si injustement et si faussement
préoccupé contre les bassesses apparentes de Jésus-Christ naissant. Or, ce qui
a scandalisé les Juifs, ce qui a servi de fond à l'erreur des premiers
hérétiques, c'est ce qui nous trouble encore aujourd'hui. Car c'est là le signe
que notre orgueil combat intérieurement, le signe qui blesse notre
amour-propre, et contre lequel il s'élève; le signe que notre raison même a
bien de la peine à ne pas condamner ; en un mot, le signe qui devait être,
selon le Prophète, et qui sera toujours pour le monde un sujet de contradiction
: Signum ad contradicetur (Luc, II, 34). Cependant, Chrétiens, c'est
à ce signe qu'est attaché notre salut, et c'est de là que dépendent les fruits
de grâce que nous devons retirer de ce mystère. Il est donc de mon devoir de
justifier, si j'ose parler de la sorte, ce signe adorable ; et c'est ce que je
vais faire, après que nous aurons rendu à Marie l'hommage ordinaire. Ave,
Maria.
Dieu, parlant au roi
d'Israël, lui dit : Demandez au Seigneur votre Dieu qu'il vous fasse voir un
signe de sa toute-puissance : Pete tibi signum a Domino Deo tuo (Isa.,
VII, 11) ; et sur le refus que fit Achaz de demander ce signe à Dieu, parce
qu'il ne voulait pas tenter le Seigneur, le Seigneur lui-même lui donna, sans
qu'il le voulût, un signe qu'il ne demandait pas : Propter hoc dabit
Dominus ipse vobis signum (Ibid., 14). C'est ainsi, Chrétiens, que Dieu
dans ce mystère en use à notre égard. Pour nous faire entendre que le Messie
est né, il nous donne un signe, mais un signe que nous ne demandions pas, un
signe que nous n'attendions pas, un signe auquel nous ne pensions pas; je dis
plus, un signe que nous ne voulions pas, et contre lequel il prévoyait bien que
le monde se révolterait. Cependant, c'est lui-même qui nous le donne, lui-même
qui le choisit pour nous : Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum. Et
il est question de savoir si nous avons droit de le rejeter, et si le choix
qu'a fait Dieu de ce signe doit trouver tant de contradiction dans nos esprits.
Or je prétends que jamais contradiction n'a été plus mal fondée : pourquoi ?
Parce que jamais signe n'a été plus raisonnable , plus saint, plus divin, ni
par conséquent plus digne et du choix de Dieu, et de l'approbation des hommes,
que celui de la pauvreté et de l'humilité de Jésus-Christ. Ecoutez-en la
preuve, qui va faire le partage de ce discours. Le signe que l'ange donne aux
pasteurs, en leur annonçant la naissance de Jésus-Christ, est le signe du Dieu
Sauveur : Natus est vobis hodie Salvator, et hoc vobis signum (Luc,
II, 12) ; Il nous est né un Sauveur, et voici la marque à quoi vous pourrez le
reconnaître. C'est donc par rapport à l'office de Sauveur que nous devons
considérer ce signe. D'où je conclus d'abord que c'est de tous les signes que
Dieu ait jamais donnés aux hommes le plus admirable : pourquoi? parce que c'est
le signe le plus naturel, et en même temps le plus efficace que Dieu ait jamais
employé pour découvrir aux hommes les richesses de sa grâce, et pour leur faire
sentir les effets de sa miséricorde. Deux qualités qui distinguent ce signe,
signe le plus naturel, et signe le plus efficace : le plus naturel,
c'est-à-dire le plus propre à marquer et à bien faire connaître la chose qu'il
signifie ; le plus efficace, c'est-à-dire le plus propre à opérer même ce qu'il
signifie. Non, Chrétiens, Dieu avec toute sa sagesse ne pouvait aujourd'hui
nous donner un signe, ni plus naturel, puisqu'il nous marque parfaitement que
le Sauveur est né, et pourquoi il est né : première partie ; ni plus efficace,
puisqu'il commence déjà à produire dans les esprits et dans les cœurs les
merveilleux effets pour lesquels le Sauveur est né : seconde partie. Conformité
de ce signe avec la qualité de Sauveur, vertu de ce signe dans les miracles
qu'il a opérés dès la naissance du Sauveur : c'est tout mon dessein.
PREMIÈRE PARTIE.
Il est vrai, Chrétiens,
le saint et glorieux enfant dont nous célébrons la naissance avait été promis
au monde en qualité de Sauveur. Mais, selon les principes de la foi, il ne
devait l'être et même dans l'ordre de la justice il ne pouvait l'être qu'à deux
conditions : l'une, d'expier le péché, et l'autre, de réformer l'homme pécheur.
Car Dieu voulait être satisfait ; et tandis que l'homme demeurait dans la
corruption et le désordre où l'avait réduit le péché, il n'y avait point de
salut pour lui. Il fallait donc que Jésus-Christ, pour opérer ce salut et pour
faire l'office de Sauveur, c'est-à-dire de médiateur entre Dieu et l'homme,
donnât à Dieu, d'une part, toute la satisfaction qui lui était due, en portant
la peine du péché ; et, de l'autre, corrigeât dans l'homme les dérèglements du
péché. Or, pour nous marquer qu'il était prêt d'accomplir ces deux conditions,
et que déjà même il les accomplissait, je prétends , et vous l'allez voir,
qu'il ne pouvait choisir un signe plus naturel que la pauvreté et l'humilité de
sa naissance. Transeamus usque Bethleem, et videamus hoc verbum quod
factura est (Luc, II, 15). Passons en esprit jusqu'à Bethléem ; et, à
l'exemple des pasteurs, contemplant avec les yeux de la foi, ce que nous y
voyons aujourd'hui, et ce que Dieu nous y fait connaître, tâchons de nous
former l'idée d'un des plus grands mystères de notre religion.
Comme Sauveur, le Fils de
Marie devait expier le péché, et être la victime du péché. Pouvait-il pour cela
se produire au monde dans un état plus convenable que celui où la Providence
l'a fait naître ; disons mieux, que celui où, par son propre choix, il a voulu
naître? Ce fut là , ce fut dans l'étable de Bethléem, que, brûlé de zèle pour
les intérêts de Dieu, il termina les anciens sacrifices, et, comme souverain
prêtre de la loi de grâce, il en établit un nouveau : là que, la crèche lui
servant d'autel, il fit à Dieu pour la première fois l'oblation solennelle de
sa personne : là, comme porte le texte sacré, que son humanité lui tenant lieu
de tabernacle, d'un tabernacle vivant, qui n'avait point été fait par les mains
des hommes, mais qui était l'ouvrage du Saint-Esprit, il parut non plus avec le
sang des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang ; et, pour parler en
termes plus simples, là qu'il se mit en devoir d'être déjà l'agneau de Dieu,
cet agneau sans tache qui devait satisfaire à la justice divine par lui-même,
et aux dépens de lui-même. Dieu ne voulait plus de toutes les autres victimes;
mais ce corps tendre et délicat, dont il avait revêtu son Fils unique, était la
vraie hostie qu'il attendait depuis tant de siècles. Or la voilà enfin cette
hostie pure, sainte, digne de Dieu , la voilà qui commence à être immolée.
Ainsi les Pères de l'Eglise l'ont-ils conçu, et ainsi Tertullien s'en
expliquait-il, quand il nous donnait cette excellente idée de Jésus-Christ
: A partu virgineo effectus hostia ; un Sauveur aussitôt sacrifié
qu'il est né, aussitôt offert à son Père qu'il est sorti du sein de sa mère.
Car ne vous imaginez pas, dit saint Chrysostome, que l'immolation de cet agneau
de Dieu ait été la dernière action de sa vie, ou du moins qu'elle n'ait été que
la dernière. Si c'est par là qu'il voulut finir, ce fut aussi par là qu'il
voulut commencer; c'est-à-dire, s'il acheva son sacrifice sur la croix, il en
consacra les prémices dans la crèche.
Oui, mes Frères, ce fut
dans sa sainte nativité que ce Verbe fait chair commença le sacrifice qu'il
devait consommer au Calvaire. Il ressentait déjà ces divins empressements dont
il donna dans la suite de si sensibles témoignages à ses disciples quand il
leur disait : Baptismo habeo baptizari ; et quomodo coarctor usquedum
perficiatur (1) ; Je dois être baptisé d'un baptême (c'était le baptême
douloureux de sa passion et de sa mort) ; et que je me sens pressé jusqu'à ce
qu'il s'accomplisse ! Ce terme coarctor, selon la belle remarque de saint
Ambroise, ne pouvait mieux s'appliquer ni mieux se rapporter qu'au mystère de
la crèche, où toute la majesté de Dieu était comme resserrée dans la petitesse
d'un enfant, et où tout le zèle de Jésus-Christ, ce zèle immense, se trouvaient
quelque sorte contraint et gêné, parce que le temps n'était pas encore venu de
le faire paraître (Luc, XII, 50), et de le déployer dans toute son étendue
: Et quomodo coarctor usquedum perficiatur? Il les ressentait, dis-je ces
saints empressements, et il n'attendit pas que son sang fût entièrement formé
dans ses veines pour se livrer comme une victime. A quoi donc ce Dieu
nouvellement né pensa-t-il dès le moment de sa naissance ? à quoi s'occupa
cette grande âme renfermée dans un si petit corps? Appliquez-vous, mes chers
auditeurs, à une vérité si touchante. Que faisait Jésus-Christ dans la crèche?
Il réparait par ses humiliations tous les outrages que l'orgueil des hommes
avait déjà faits ou devait faire encore à Dieu ; il rétablissait l'empire de
Dieu ; il rendait à Dieu toute la gloire que le péché lui avait ravie. Que
faisait Jésus-Christ dans la crèche? Il apaisait Dieu, il désarmait la colère
de Dieu; il attirait sur les hommes la plénitude des miséricordes de Dieu.
Disons quelque chose de plus particulier. Que faisait Jésus-Christ dans la
crèche? Il expiait tous les crimes dont les hommes étaient alors, et dont
nous-mêmes nous devions être un jour chargés devant Dieu : nos révoltes contre
Dieu, nos désobéissances à la loi de Dieu, nos résistances opiniâtres aux
inspirations de Dieu, nos ingratitudes envers Dieu, nos froideurs, nos
relâchements dans le culte de Dieu. Il payait les dettes infinies dont nous
devions être comptables à la justice de Dieu : et voilà ce qu'il nous annonce
par le signe de sa pauvreté, par le signe de son humilité, par le signe de sa
mortification: Et hoc vobis signum.
En effet, que nous
apprend autre chose cet état pauvre où il se réduit, cet état humble où il
paraît, cet état souffrant où il naît, sinon qu'il vient faire pénitence pour
nous, et nous apprendre à la faire? Ecoutez ceci, Chrétiens. Je dis nous
apprendre à la faire, car c'est aujourd'hui que Dieu veut que nous concevions
une haute idée, une idée juste de cette sainte vertu ; en voici le signe, en
voici la mesure et le modèle. Un Dieu humilié et anéanti, un Dieu pleurant et
versant des larmes, un Dieu souffrant. Oui, dit saint Chrysostome, couché
dans la crèche, il faisait pénitence pour nous , parce qu'il savait que nous
étions incapables de la faire sans lui ; et que notre pénitence, sans la
sienne, nous eût été absolument inutile, puisqu'elle eût été indigne de Dieu.
Et il nous apprenait à la faire, parce qu'il voulait que nous connussions
l'indispensable nécessité où nous sommes d'être
pénitents comme lui, et qu'il savait que sa pénitence sans la nôtre ,
quelque mérite qu'elle put avoir, ne nous serait jamais
appliquée, ni jamais, par rapport à nous, ne serait acceptée de Dieu. C'est là,
dis-je, ce qu'il nous enseigne ; et la crèche n'en est-elle pas la marque la
plus convaincante ? Mais comment encore nous l'enseigne-t-il, cette pénitence?
Ah! Chrétiens, élevez vos esprits au-dessus des bassesses apparentes de
ce mystère. Il pleure nos péchés, que nous ne pleurons pas nous-mêmes ; et il
les pleure doublement, parce que nous ne les pleurons pas nous-mêmes. Mystère
adorable, et capable d'exciter dans nos cœurs les sentiments de la plus vive
contrition. Car prenez garde , mes Frères, c'est la remarque de saint Bernard :
si Jésus-Christ naissant pleure dans la crèche, il ne pleure pas comme les
autres enfants, ni par le même principe que les autres
enfants : Plorat quippe Christus, sed non ut cœteri, aut certe non quare
cœteri. Les autres enfants pleurent par faiblesse, et celui-ci pleure par
raison, pleure par amour et par compassion; les autres pleurent leurs propres
misères, et celui-ci pleure les nôtres; les autres pleurent parce qu'ils
portent la peine du péché, et celui-ci parce qu'il vient détruire le péché, et
l'effacer par ses larmes. Or ces larmes d'un Dieu, ajoute le même Père, me
causent tout à la fois et de la douleur et de la honte : Porro lacrymœ
istœ, Fratres, et dolorem mihi pariant, et pudorem. De la honte, quand je
considère que le Fils unique de Dieu a compati à mes maux, qu'il en a été si
vivement touché, et que j'y suis moi-même si insensible; quand je fais
réflexion qu'un Dieu a pleuré sur moi, et que je ne pleure pas sur moi-même ;
au contraire, que je soutiens avec une affreuse indolence, avec une
tranquillité et un endurcissement monstrueux, le souvenir de mon péché, dont je
devrais faire la matière éternelle de mon repentir et de mes pleurs. De la
douleur, quand je pense qu'après avoir fait pleurer Jésus-Christ dès son
berceau, je lui en donne encore tous les jours de nouveaux sujets; que, pouvant
le consoler par la réformation de ma vie, j'insulte, pour ainsi dire, à ses
larmes par mes désordres ; et qu'au lieu qu'il a prétendu détruire le péché et
l'anéantir, je le fais revivre dans moi et régner avec plus d'empire que
jamais. Sur quoi ce grand saint s'écriait : O duritia cordis mei ! 0
dureté de mon cœur! jusqu'à quand résisteras-tu à la charité d'un Dieu, à la
pénitence d'un Dieu, au zèle d'un Dieu, et au zèle d'un Dieu pour toi-même?
Cœur de pierre ! quand t'amolliras-tu, et quand deviendras-tu ce cœur de chair
que Dieu promettait à ses serviteurs, c'est-à-dire ce cœur tendre pour ton
Dieu, ce cœur sensible aux impressions de son amour, aux mouvements de sa grâce
et aux intérêts de sa gloire ? Car voilà, Chrétiens, les sentiments dont saint
Bernard était pénétré en contemplant la crèche de Bethléem. C'était un homme
séparé du monde, crucifié au monde, mort au monde, c'était un saint. Si donc il
parlait de la sorte, et s'il le pensait, nous, bien éloignés de la sainteté de
sa vie et des ferveurs de sa pénitence, que devons-nous dire, et surtout que
devons-nous penser?
Il y a plus encore. Après
avoir expié le péché, Jésus-Christ devait sauver et réformer l'homme pécheur,
où plutôt il devait sauver l'homme pécheur et le réformer, en expiant notre
péché et en satisfaisant à Dieu : Quia natus est vobis hodie
Salvator (Luc, II, 11). Ne regardons point cet enfant enveloppé de langes
comme la splendeur de la gloire du Père, comme le créateur de l'univers, comme
le seigneur de toute la terre, comme le roi des siècles, et comme le juge des
vivants et des morts. Il est tout cela ; mais ce n'est sous aucune de ces
qualités qu'il vient de naître. Envisageons-le comme sauveur et comme
réformateur de l'homme, et voyons si le signe qu'il choisit pour nous annoncer
sa venue n'est pas de tous les signes le plus convenable et le plus conforme au
dessein qu'il s'est proposé. C'est un Dieu né pour nous sauver; et ce qui nous
perdait, Chrétiens, ou plutôt ce qui nous perd encore tous les jours, vous le
savez, c'est un attachement criminel aux honneurs du siècle, aux richesses du
siècle, aux plaisirs du siècle, trois sources de corruption, trois principes de
la réprobation des hommes. Or que fait Jésus-Christ? il vient au monde avec le
signe de l'humilité, avec le signe de la pauvreté, avec le signe de la
mortification. Prenez garde : je dis avec le signe d'une humilité sans bornes;
pourquoi? pour l'opposer à cette ambition démesurée qui nous fait rechercher
les honneurs du siècle, et qui est une de nos passions les plus dominantes. Je
dis avec le signe d'une pauvreté volontaire; pourquoi ! pour l'opposer à ce
désir insatiable des biens de la terre et des richesses du siècle, dont nous
sommes possédés. Je dis avec le signe d'une entière mortification; pourquoi?
pour l'opposer à cette mollesse qui nous corrompt et qui nous rend esclaves de
nos sens. Peut-il mieux nous marquer qu'il est ce Sauveur par excellence qui
doit délivrer son peuple de la servitude de l'enfer et de la tyrannie du péché?
Conduite adorable de notre Dieu! Si ce Dieu Sauveur avait paru au monde avec
des signes tout contraires à ceux qu'il a pris pour nous déclarer sa naissance,
nous eût-il jamais persuadé ces grandes vérités, à quoi, de notre propre aveu,
notre salut est attaché ? Je m'explique. S'il eût pris pour signe de sa venue,
au lieu de l'obscurité de l'étable et de la pauvreté de la crèche, l'éclat et
la gloire, l'opulence et les aises de la vie, nous eût-il jamais persuadé
l'humilité de cœur, la pauvreté de cœur, le détachement et la haine de
nous-mêmes ? Et d'ailleurs , sans nous persuader tout cela, nous eût-il sauvés?
Le voyant riche et dans l'abondance, le voyant sur le trône et dans la
grandeur, le voyant dans le faste, dans la pompe, aurions-nous été touchés des
maximes de son Evangile, de cet Evangile qui devait condamner notre
amour-propre ? Quelques leçons qu'il nous eût faites touchant le mépris du
monde et le renoncement au monde, l'en aurions-nous cru? Quelque assurance
qu'il nous eût donnée du bonheur de ceux qui souffrent et qui pleurent, nous en
serions-nous tenus à sa parole? De sa doctrine, n'en aurions-nous pas appelé à
son exemple? et quoique la conséquence de son exemple à sa doctrine ne fût pas
juste par rapporta nous, eussions-nous eu assez d'équité pour ne nous en pas
prévaloir ? Vous annonçant aujourd'hui un tel Sauveur, et avec de telles
marques, serais-je bien reçu à vous prêcher la sévérité chrétienne, et
oserais-je m'élever contre votre luxe, contre vos délicatesses, contre tous les
désordres d'une cupidité avare ou sensuelle? Mais maintenant que je vous
annonce un Sauveur né dans une crèche et réduit à une extrême misère; mais
maintenant que je vous le présente, ce Sauveur, tel qu'il a voulu être et tel
qu'il est en effet, sans secours , sans biens, sans autorité, sans crédit, sans
nom, exposé dès sa naissance à toutes les injures d'une saison rigoureuse, à
peine couvert de quelques misérables langes, n'ayant pour lit que la paille, et
pour demeure qu'une vile retraite et une étable ; quels reproches n'ai-je pas
droit de vous faire? quels arrêts ne puis-je pas prononcer contre vous? Je dis
contre vous, mondains ambitieux et entêtés d'une vaine grandeur; je dis contre
vous, mondains avides et intéressés ; je dis contre vous, mondains amateurs de
vous-mêmes et voluptueux.
Car enfin, mes chers
auditeurs, raisonnons tant qu'il nous plaira; ce signe de l'humilité d'un Dieu
confond aujourd'hui malgré nous tout l'orgueil du monde ; et pour peu qu'il
nous reste de religion, il est impossible qu'à la vue de la crèche nous
soutenions l'énorme contradiction qui se trouve entre cet orgueil du monde et
notre foi. Qu'un Juif ou qu'un païen soit livré aux désirs d'une ambition
déréglée, je ne m'en étonne pas ; c'est une suite naturelle de l'incrédulité de
l'un et de la vanité de l'autre ; mais qu'un chrétien qui fait profession
d'adorer un Dieu humilié et anéanti ; disons mieux, qu'un chrétien qui, dans la
personne de son Dieu, fait profession d'adorer l'humiliation même et
l'anéantissement même , soit dans sa propre personne idolâtre des honneurs du
monde; ne pense qu'à se les attirer, n'ait en vue que l'accroissement de sa
fortune, ne puisse rien souffrir au-dessus de soi , se pique d'aspirer à tout,
ne borne jamais ses prétentions, dise toujours dans son cœur : Ascendam (Isa.,
XIV, 14), Je n'en demeurerai pas là; se pousse par brigue et par intrigue là où
il se défie que son mérite le puisse élever, et se plaigne de l'injustice du
siècle, quand par les voies les plus obliques il désespère d'y parvenir; ne
regarde ce qu'il est déjà qu'avec indifférence et avec dégoût, et ce qu'il
voudrait être qu'avec des impatiences qui le troublent, des inquiétudes qui le
dévorent; qu'un chrétien, dis-je, avec la foi de ce grand mystère que nous
célébrons, ait le cœur plein de ces sentiments, s'en fasse des règles de vie,
et se croie sage et habile de les suivre : ah ! mes chers auditeurs, ce
sont des contradictions que je ne comprends pas. Mais d'où viennent-elles, ces
contradictions, que d'une opposition secrète à ce signe vénérable de l'humilité
d'un Dieu naissant? Si ce signe trouvait dans nos esprits toute la docilité que
la foi demande, ces contradictions cesseraient, et notre ambition serait pour
jamais détruite, Or, du moment que ce signe détruit l'ambition dans nous, nous
ne pouvons plus douter que ce ne soit le signe du Dieu Sauveur.
Raisonnons tant qu'il
nous plaira ; malgré tous nos raisonnements, ce signe de la pauvreté d'un Dieu
confond l'aveugle cupidité des hommes ; et il n'y a point de riche mondain,
pour peu qu'il ait encore de christianisme, qui ne soit aujourd'hui troublé, alarmé,
consterné de cette pensée : Le Dieu que j'adore est venu me sauver par le
renoncement aux richesses, et sa pauvreté est le signe qu'il m'a donné de mon
salut. Il est vrai que le monde, sans égard à ce signe, ne laisse pas de
persister dans ses maximes : qu'à quoique prix que ce soit, il en faut avoir,
que la grande science est d'en avoir, que la vraie sagesse est de s'appliquer à
en avoir, que tout est permis et honnête pour en avoir, qu'on ne peut jamais en
avoir trop, ni même en avoir assez ; que les hommes ne valent, ni ne sont
estimés, qu'autant qu'ils en ont : mais il n'est pas moins vrai, répond saint
Bernard, que dans tout cela le jugement du monde est réfuté, est renversé, est
réprouvé par Jésus-Christ : Sed in his omnibus judicium mundi arguitur,
subvertitur, confutatur ; et que le signe de sa crèche suffit pour donner
de l'horreur de ces damnables maximes. Or ce signe peut-il confondre des
maximes aussi damnables que celle-là, et n'être pas le signe du Rédempteur qui
vient sauver le monde? Il est vrai que, malgré ce signe, les riches du siècle
ne laissent pas de s'applaudir de leur prospérité, et d'en faire le sujet de
leur vaine joie; mais aussi est-ce pour cela, ajoute saint Bernard, que
Jésus-Christ dès son berceau leur dit anathème, et que de sa crèche, comme du
tribunal de sa justice, il leur prononce aujourd'hui ces arrêts de condamnation
: Vœ vobis divitibus (Luc, VI, 24) ! Malheur à vous, riches
avares ; malheur à vous, riches injustes ; malheur à vous, riches orgueilleux;
malheur à vous, riches insensibles et sans miséricorde ! c'est-à-dire,
malheur à la plupart de vous; car c'est là que vous conduisent communément ces
biens périssables que vous possédez, ou plutôt qui vous possèdent, plus que
vous ne les possédez vous-mêmes ! Or, dans le dessein qu'avait le Sauveur du
monde de lancer un jour contre les riches ces formidables anathèmes, par quel
signe plus naturel pouvait-il les y préparer, que par le signe de sa pauvreté ;
et dès là n'était-ce pas un signe de salut pour eux, puisqu'en les préparant à
ces anathèmes, il leur apprenait à s'en préserver?
Raisonnons tant qu'il
nous plaira, malgré toutes nos vues mondaines, ce signe de la mortification
d'un Dieu confond aujourd'hui la mollesse du monde; et il n'y a point d'âme
sensuelle, pour peu qu'elle soit encore susceptible des saintes impressions de
la grâce, qui, s'appliquant ce signe et le considérant, ne rougisse de ses
délicatesses, ou n'y renonce môme pour jamais. Or, de là, j'ai droit de
conclure que c'est donc un signe de rédemption. Car ce qui corrompt plus
souvent une âme, et ce qui la rend esclave du péché, c'est l'attachement à son
corps, cette vie molle dont on se fait une habitude, cette condescendance
éternelle aux désirs de la chair, cette attention à la flatter et à ne lui rien
refuser, à lui accorder tout ce qu'elle demande et plus qu'elle ne demande ;
cette superfluité d'ajustements, de parures, de propretés, de commodités ;
cette horreur de la souffrance et ce soin excessif de prévenir et de fuir tout
ce qui pourrait faire de la peine et mortifier : voilà ce qui entretient dans
nous le règne de cette concupiscence charnelle qui souille les âmes. Or je
défie l'âme la plus asservie à ses sens, de pouvoir se présenter devant la
crèche du Sauveur sans avoir honte d'elle-même. On tâche à justifier tout cela,
et à s'en faire même une conscience ; car qu'est-ce que la fausse conscience
n'excuse pas? mais il est question de savoir si l'on peut avec tout cela être
conforme à ce Dieu, dont la chair innocente et virginale doit être le modèle de
la nôtre. Or le voici lui-même, reprend saint Bernard, qui vient nous assurer
du contraire ; lui-même, qui est la sagesse de Dieu, vient nous détromper de
toutes nos erreurs. Cette sagesse que Dieu tenait cachée dans son sein, se
découvre pour cela visiblement à nous. Parce que nous étions charnels, et que
nous ne comprenions rien que de charnel, elle veut bien s'accommoder à notre
faiblesse, elle prend un corps, elle se fait chair ; et, revêtue qu'elle est de
notre chair, elle nous prêche hautement et sensiblement que cette vie douce et
commode est la voie infaillible de la perdition, qu'il n'y a de salut que dans
la pénitence, et qu'une partie essentielle de la pénitence est de mater sa
chair et de la crucifier avec ses vices. Car voilà, mes Frères, ce que la
Sagesse incarnée nous dit aujourd'hui ; voilà ce que nous annoncent l'étable,
la crèche, les langes, toutes les circonstances qui accompagnent la naissance
de cet adorable enfant : Hoc prœdicat stabulum, hoc clamat prœsepe, hoc
lacrymœ evangelizant. Oui, Seigneur, c'est ce que vous nous faites entendre :
et quand vous parlez, il est juste que vous soyez écouté; il est juste que
toute la sagesse du monde s'anéantisse, et rende hommage aux saintes vérités
que vous nous révélez ; il est juste que, renonçant à ses lumières, elle avoue
que ce signe de la crèche avait plus de proportion que tout autre avec L'office
de Sauveur que vous veniez exercer. Si vous aviez pris, ô mon Dieu, ce signe
pour vous, il pourrait ne pas convenir à l'idée que nous avons de votre
sainteté et de votre suprême majesté; mais le prenant pour nous, nous
reconnaissons que c'est le signe qu'il nous fallait, puisque c'est par là que
tous les dérèglements de notre esprit et tous les emportements de notre cœur
devaient être confondus. N'est-ce pas même ainsi que l'ange semble nous le
déclarer par ces paroles : Et hoc vobis signum (Luc, II, 12) ? Comme s'il nous
disait : C'est un signe, mais un signe pour vous, et non pour lui ; un signe
pour vous faire comprendre ce qui vous a jusqu'à présent perdus, et ce qui doit
désormais vous sauver. Si vous étiez venu, ô mon Dieu, pour être le Sauveur des
anges, peut-être ce signe n'aurait-il pas été propre pour eux; mais il était
propre pour des hommes superbes, pour des hommes remplis de l'amour
d'eux-mêmes, pour des hommes dominés et corrompus par l'avarice : Et hoc
vobis signum. Ce signe de la crèche, reprenait Tertullien, par rapport à mon
Dieu, paraît indigne de sa grandeur; mais ce qui me paraît indigne de lui est
nécessaire pour moi; ce qui fait en apparence sa confusion est le remède de mes
criminelles vanités ; ce qui est le signe de son humiliation est le sacrement
de mon salut : Totum hoc dedecus, sacramentum est meœ salutis. Et
parce que le Dieu que j'adore ne veut être aujourd'hui ce qu'il est que pour
mon salut; parce qu'oubliant en quelque façon qu'il est le Dieu de tous les
êtres, il se contente d'être le Dieu de mon salut ; parce qu'en vertu de ce
mystère, il semble que mon salut ne soit pas tant pour sa gloire que sa gloire
pour mon salut, puisqu'il la sacrifie à mon salut, il veut bien prendre ce
signe si salutaire et si nécessaire pour moi, tout humiliant qu'il peut être
pour lui.
Ainsi, mes chers
auditeurs, malheur à nous, si nous rejetons ce signe; malheur, si nous ne
l'honorons qu'extérieurement ; malheur, si, Juifs encore d'esprit et de cœur,
nous nous en scandalisons ! O prœsepe splendidum! o felices panni ! O
glorieuse crèche ! s'écriait le grand saint Ambroise, et devons-nous
nousécrieraprès lui : ô heureux langes ! ô précieuses marques de la venue
de mon Sauveur, et du dessein qu'il a de me sauver ! signe le plus
naturel, mais en même temps signe le plus efficace, puisqu'il commence déjà à
produire les merveilleux effets pour lesquels le Sauveur est né, comme je vais
vous le montrer dans la seconde partie.
DEUXIÈME PARTIE.
Non, Chrétiens, à en
juger par l'expérience et par l'événement, jamais Dieu, tout Dieu qu'il est,
n'a donné aux hommes de signe plus efficace, ni d'une plus surprenante vertu,
que celui qu'il nous donne dans la naissance de son Fils. Car, malgré les
oppositions et les contradictions du monde, ce signe a sanctifié le monde et
tous les états du monde. Miracle dont je ne veux point d'autre preuve que
l'étable de Bethléem, puisque c'est là que, malgré l'infidélité du monde, ce
signe de l'enfance de Jésus-Christ a rempli les ignorants et les simples de la
science de Dieu, et a captivé les sages et les savants sous l'obéissance de la
foi ; là que, malgré la cupidité du monde, ce signe de la pauvreté de
Jésus-Christ a fait aimer aux pauvres leur misère et a détaché les riches de
leurs richesses, là que, malgré l'orgueil du monde, ce signe des abaissements
de Jésus-Christ a élevé dans l'ordre de la grâce de vils sujets, et a persuadé
aux grands et aux puissants du siècle de se faire petits et humbles devant
Dieu. Donnons jour à ces pensées. Qu'avez-vous compris, quand j'ai dit le monde
sanctifié, et sanctifié dans tous ses états, sinon ces changements tout
divins, ces effets naturels qu'a opérés la naissance du Fils de Dieu dans toutes
les conditions qui partagent le monde, c'est-à-dire la simplicité éclairée, et
la prudence humaine obligée de renoncer à ses propres vues ; la pauvreté
reconnue pour béatitude, et l'opulence consacrée à la piété et à la religion ;
la bassesse rendue capable de servir à Dieu d'instrument pour les plus grandes
choses, et la grandeur soumise à Dieu par la grâce de l'Evangile, et dévouée au
culte de Dieu? Car ce sont là les merveilles que l'étable de Bethléem nous
découvre sensiblement, d'une part dans les pasteurs, et de l'autre dans les
mages : et c'est aussi ce que j'appelle le miracle de la sanctification du
monde. Dans les pasteurs, nous voyons des hommes grossiers devenus spirituels
et intelligents, et dans les mages, des hommes intelligents et spirituels
devenus dociles et fidèles ; dans les pasteurs, des pauvres glorifiant Dieu et
s'estimant riches, et dans les mages, des riches pauvres de cœur et se
dépouillant sans peine de leurs trésors; dans les pasteurs, des sujets
méprisables selon le monde, choisis pour être les premiers apôtres de
Jésus-Christ, et dans les mages, des grands de la terre humiliés et prosternés
aux pieds de ce nouveau Messie. Miracle subsistant, qui, de l'étable de
Bethléem, s'est répandu par un autre miracle dans tout le monde chrétien.
Miracle qui va vous faire voir la vertu toute-puissante de ce signe par où
l'ange annonce aujourd'hui la venue du Sauveur : Natus est vobis hodie
Salvator, et hoc vobis signum (Luc, II, 12). Appliquez-vous, mes chers
auditeurs; tout ceci renferme pour nous des instructions bien solides et bien
importantes.
Des simples et des
ignorants (car puisque Jésus-Christ dans le mystère de ce jour leur a donné la
préférence en les appelant les premiers à son berceau, il est juste de
commencer par eux), des simples éclairés de Dieu, des pauvres glorifiant Dieu,
et dans leur condition s'estimant riches, c'est ce qui paraît dans les
pasteurs, et ce que le signe de la pauvreté de Jésus-Christ opéra divinement
dans leurs personnes. Ils passaient la nuit, dit l'évangéliste, à garder
leurs troupeaux, lorsque tout à coup ils se trouvent investis d'une lumière céleste
qui les frappe : Et claritas Dei circumfulsit illos (Ibid., 9).
Pénétrés de cette lumière, et intérieurement émus, ils se disent l'un à
l'autre: Allons, voyons ce qui est arrivé, et instruisons-nous de ce que le Seigneur
veut ici nous faire connaître. Ils viennent à Bethléem, ils entrent dans
l'étable, ils aperçoivent l'enfant dans la crèche; et, à la vue de ce signe,
ils comprennent que c'est le Verbe de Dieu, ce Verbe incréé, mais fait
homme pour sauver les hommes : Videntes cognoverunt de Verbo quod dictum
erat illis de puero hoc (Luc, II, 17). Prenez garde, s'il vous plaît : ce
signe de la crèche ne les trouble point, ne les rebute point, ne les scandalise
point; au contraire, c'est par là qu'ils discernent le don de Dieu ; c'est par
ce signe qu'ils se sentent excités à bénir le ciel. Car ils regardent ce Dieu
naissant, non-seulement comme leur consolation, mais comme leur gloire; ils se
tiennent honorés de lui être semblables, et ils découvrent en lui leur bonheur
et les prérogatives intimes de leur condition. Touchés donc de ce signe, ils
adorent dans Jésus-Christ la pauvreté, qui jusque-là avait été le sujet de
leurs chagrins et de leurs plaintes. Ils s'en retournent comblés de joie,
contents de ce qu'ils sont, déplorant le sort des riches de Jérusalem, bien
loin de l'envier; heureux en qualité de pauvres d'être les élus d'un Dieu
pauvre comme eux, et les prémices de sa rédemption : Et reversi sunt
glorificantes et laudantes Deum (Ibid., 20). Ce n'est
point encore assez pour eux de l'avoir connu , ce Dieu pauvre ; ils l'annoncent
de toutes parts ; ils publient les merveilles de sa naissance, et tous ceux qui
les écoutent en sont surpris et ravis : Et omnes qui audierunt, mirati
sunt (Ibid., 18) Qu'est-ce que tout cela? demande saint Chrysostome ; par
où ces bergers dans un moment sont-ils devenus si intelligents et si spirituels
? d'où leur est venu ce don de pénétration, cette science de Dieu dont ils sont
remplis ? comment l'ont-ils si tôt acquise, et où ont-ils appris le secret de
la communiquer si aisément et si parfaitement aux autres ? Ah ? mes Frères,
reconnaissons ici la Providence, et rendons-lui, avec des cœurs dociles, les
hommages de notre foi : tout cela est le merveilleux effet de la crèche du
Sauveur, et voici comment : comprenez et goûtez cette moralité, si essentielle
au christianisme que vous professez.
La pauvreté, dit saint
Bernard, abondait sur la terre; mais on n'en savait pas le prix: et c'était de
là néanmoins que dépendait le salut de la plus grande partie du monde, puisque,
dans l'ordre des conseils de Dieu, la plus grande partie du monde devait avoir
la pauvreté pour partage. Que fait Jésus-Christ, il vient apprendre au monde à
l'estimer : cette pauvreté était un trésor caché que chacun possédait sans le
connaître, ou, pour mieux dire, que les hommes tout mondains et tout charnels
possédaient malgré eux, et sans le vouloir; il vient leur en donner une juste
idée, et leur en montrer la valeur. Et, en effet, à peine a-t il paru avec les
marques précieuses de la pauvreté, que voilà des hommes, quoique charnels,
persuadés du prix inestimable de ce trésor, ravis de l'avoir trouvé, prêts à
tout quitter pour s'en assurer la possession, louant Dieu d'y être parvenus
: Glorificantes et laudantes Deum (Luc, II, 20). Parlons plus
clairement. La pauvreté abondait sur la terre, mais, comme ajoute saint
Bernard, ce n'était pas celle qui devait béatifier les hommes, et servir de
titre pour l'héritage du royaume de Dieu. Car qu'était-ce que la pauvreté qui
régnait sur la terre? Une pauvreté dont on gémissait, dont on rougissait, dont
on murmurait ; et celle par où Ton devait entrer dans le royaume de Dieu était
au moins une pauvreté acceptée avec soumission, soufferte avec résignation,
convertie par un saint usage en bénédiction : or voilà celle dont le Fils de
Dieu lève aujourd'hui l'étendard, en proposant le signe de sa crèche ; et vous
savez avec quelle ardeur et quel zèle cet étendard a été suivi. Donnons encore
à ceci un nouvel éclaircissement. Avant Jésus-Christ, on voyait des pauvres
dans le inonde ; mais des pauvres, reprend saint Bernard , qui s'estimaient
malheureux de l'être; des pauvres qui, souffrant toutes les incommodités de la
pauvreté, n'en avaient ni la vertu ni le mérite, et qui, n'ayant pas les
avantagea des richesses, en avaient toute la corruption et tout le désordre;
des pauvres sans humilité, sans piété, souvent sans conscience et sans religion
; des pauvres dont l'indigence et la misère n'empêchaient pas le libertinage
des mœurs, et qu'elle rendait au contraire plus vicieux et plus dissolus; en un
mot, des pauvres réprouvés de Dieu par l'abus qu'ils faisaient de la pauvreté
même. Voilà de quoi le monde était plein ; et il fallait, pour sanctifier le
monde, des pauvres d'un caractère tout différent; c'est-à-dire des pauvres
aimant leur pauvreté, profilant de leur pauvreté, honorant Dieu, et remerciant
Dieu dans leur pauvreté; des pauvres en qui la pauvreté fût le fond d'une vie
pure et innocente; des pauvres appliqués à leurs devoirs, vigilants, fervents,
laborieux; des pauvres dont la religion fit respecter la condition, et dont la
condition fût un état avantageux pour la religion. Or, grâces à celui dont nous
célébrons la naissance, c'est par la vertu de sa crèche que le monde a vu de
semblables pauvres ; et l'on peut dire que par là ce signe de la crèche a
changé la face du monde, puisque partout où il a été reconnu, la pauvreté,
changeant de nature et de qualité, a rempli le monde de justes, de saints, de
prédestinés; au lieu qu'auparavant elle le remplissait d'hommes inutiles,
d'hommes vagabonds , et souvent de scélérats.
Sortons de l'étable de
Bethléem, et par une autre preuve encore plus touchante, convainquons-nous de
cette vérité. Qui a fait dans l'Eglise de Dieu tant de pauvres volontaires,
dont la sainteté, aussi bien que la profession, est encore de nos jours
l'ornement du christianisme? La vue de la crèche de Jésus-Christ : voilà ce qui
a peuplé le monde chrétien de ces pauvres évangéliques, qui, par un esprit de
foi, se sont fait un bonheur et un mérite de quitter tout et de se dépouiller
de tout. Le monde profane les a traités de fous et d'insensés; mais en vue de
cette crèche, ils ont tenu à honneur d'être réputés fous et insensés dans
l'idée du monde profane, pourvu qu'ils eussent l'avantage d'être en cela même
plus conformes à ce Dieu naissant. Des millions de fidèles, d'opulents qu'ils
étaient, ont renoncé, pour le suivre, à toute la fortune du siècle; des hommes
comblés de biens ont, à l'exemple de 3Ioïse, préféré les misères de ce Dieu
Sauveur et celles de son peuple, à toutes les richesses de l'Egypte ; des
vierges, illustres par leur sang, ont sacrifié, pour devenir ses épouses, les
plus grandes espérances ; des princesses, pour se rendre dans sa maison
d'humbles servantes, ont abandonné toutes leurs prétentions et tous leurs
droits. Tel est le miracle dont nous sommes témoins, et, malgré l'iniquité du
monde, ce miracle subsistera jusqu'à la fin des siècles; c'est-à-dire jusqu'à
la fin des siècles il y aura des pauvres parfaits, des pauvres héritiers du
royaume céleste, et cohéritiers du Dieu pauvre qui est venu leur en tracer le
chemin et les y appeler.
Peuples qui m'écoutez,
voilà ce qui doit vous remplir d'une confiance chrétienne et vous consoler,
vous professez une religion qui relève votre bassesse, qui honore votre
pauvreté, qui béatifie vos misères, et qui vous en découvre les avantages dans
la personne de votre Dieu. Vous êtes peu de choses selon le monde ; mais c'est
par là même qu'il ne tient qu'à vous d'être les sujets les plus propres au
royaume de Dieu, puisque Dieu se plaît à répandre sur vous les richesses de sa
grâce. Si vous connaissiez le don précieux que vous possédez et qui est en
vous, si vous saviez estimer votre pauvreté ce qu'elle vaut, vous ne penseriez
qu'à bénir le ciel ; et, vous félicitant vous-mêmes de la conformité de
votre état avec l'état de Jésus-Christ, vous goûteriez sensiblement ce que
votre infidélité a tant de peine à comprendre et peut-être à croire, je veux
dire le bonheur et le prix de votre condition.
Au contraire, grands du
monde, sages du monde, riches et puissants du monde, voilà votre humiliation,
et ce qui doit vous faire marcher dans la voie de Dieu avec crainte et avec
tremblement. Vous adorez un Dieu qui, se faisant homme, n'a rien voulu être de
ce que vous êtes; et qui, par un dessein particulier, a affecté d'être tout ce
que vous n'êtes pas : un Dieu qui, venant au monde, a méprisé toute la grandeur
et toute la prospérité humaine, les regardant comme des obstacles à la fin de
sa mission : un Dieu qui dans cette vue a appelé les pauvres et les petits
préférablement à vous, et qui par là (oserais-je me servir de ce terme, si je
n'avais de quoi vous l'adoucir?), qui, dis-je, par là semblerait presque vous
avoir dédaignés; car, en qualité de prédicateurs de l'Évangile, nous ne
pouvons, mes Frères, disait saint Cyprien, quelque zèle et même quelque respect
que nous ayons pour vos personnes, vous dissimuler cette vérité affligeante :
mais écoutez-moi, et comprenez-en bien l'adoucissement. Car il n'est point
absolument vrai que ce Dieu pauvre ait en effet rebuté ni dédaigné la grandeur
du monde; et j'avance même que, bien loin de la dédaigner, il a eu dans sa
naissance des égards pour elle, jusqu'à la rechercher et à se l'attirer; mais
c'est ici que je reconnais encore la vertu miraculeuse du signe de la crèche,
et que j'adore les conseils de Dieu. Comme la vertu de ce signe a paru dans les
petits, en les élevant aux plus hautes fonctions de l'apostolat ; dans les
simples, en les éclairant des plus vives lumières de la foi ; dans les pauvres,
en les enrichissant des plus précieux dons de la grâce : aussi, par un autre
prodige, ce même signe de la crèche a-t-il fait paraître sa vertu dans les
grands, en les réduisant à s'abaisser devant Jésus-Christ; dans les sages, en
les soumettant à la simplicité de la foi; dans les riches, en les détachant de
leurs richesses, et les rendant pauvres de cœur. C'est de quoi nous avons la
preuve dans l'exemple des mages, mais une preuve à laquelle je défie les cœurs
les plus endurcis de résister, s'ils s'appliquent à en sentir toute la force.
Car Jésus-Christ naît dans la Judée; et des mages, c'est-à-dire des hommes
savants, des puissants, des opulents du siècle, des rois même viennent des
extrémités de l'orient pour le chercher. Après avoir abandonné pour cela leurs
Etats, après avoir supporté les fatigues d'un long voyage, après avoir essuyé
mille dangers, ils arrivent à Bethléem, ils entrent dans l'étable, et là que
trouvent-ils? Un enfant couché dans une crèche. Mais cet enfant, est-ce donc le
Dieu qu'ils sont venus reconnaître? Oui, Chrétiens, c'est lui-même; et c'est
justement à ce signe de la crèche qu'ils le reconnaissent. Sans délibérer, sans
examiner, dès qu'ils l'aperçoivent, ils se prosternent devant lui ; et non
contents de lui sacrifier leurs trésors en les lui offrant, ils lui sacrifient
leur raison en l'adorant.
Ah! Chrétiens, achevons
de nous instruire dans cet excellent modèle que Dieu nous propose. Il est vrai,
les mages ne voient qu'une crèche et qu'un enfant; mais c'est la merveille de
Dieu, que ce signe de l'enfance et de la crèche de Jésus-Christ ait assez de
pouvoir sur leurs esprits pour leur faire adorer dans cet enfant ce qui semble
moins digne de leurs adorations, qu'il fasse assez d'impression sur leurs cœurs
pour en arracher dans un moment les passions les plus vives et les plus
enracinées, et qu'il soit assez efficace pour les humilier sous le joug de la
foi. Après cela, douterons-nous que ce signe ne soit le signe du Dieu Sauveur?
Je prétends que ce seul miracle de la conversion des mages en est un témoignage
plus éclatant que tout ce que Jésus-Christ fera jamais; et que les aveugles-nés
guéris, que les morts de quatre jours ressuscités, ne seront point des signes
plus authentiques de sa divinité et de sa mission que ce qui paraît dans
l'étable de Bethléem, c'est-à-dire que des grands du monde, que des riches du
monde, que des sages du monde, soumis à l'empire de Dieu. C'est un grand
miracle que des hommes simples et ignorants, comme les pasteurs, parviennent
tout à coup à la connaissance des plus hauts mystères, et soient remplis des
lumières divines; mais un miracle sans contredit encore plus grand, c'est que
des hommes versés dans les sciences humaines et adorateurs de leur fausse
prudence, y renoncent pour ne plus suivre que les vues obscures de la foi.
Car entre la sagesse du monde et l'obéissance de la foi, il y a bien plus
d'opposition qu'entre la simplicité de l'esprit et les lumières du ciel,
puisque Dieu prend plaisir à se communiquer aux simples : Et cum
simplicibiis sermocinatio ejus (Prov., III, 32). Quand donc je vois des
bergers éclairés de Dieu, connaissant le Verbe fait chair, et l'annonçant, le
glorifiant, j'en suis moins surpris, parce que ce sont là les voies ordinaires
de la Providence; mais au contraire, la sagesse du monde étant si opposée aux
révélations de Dieu, voulant raisonner sur tout, voulant avoir l'évidence de
tout, voulant décider de tout selon ses vues, ce qui m'étonne, c'est de la voir
si docile dans les mages et si souple. Frappé de ce changement, j'étends, s'il
m'est permis, la proposition de Jésus-Christ, lorsqu'il disait à son Père
: Confiteor tibi, Pater, quia abscondisti hœc a sapientibus et
prudentïbus, et revelasti ea parvulis (Matth., XI, 25) ; Je vous bénis,
mon Père, de ce que vous avez caché toutes ces choses aux sages et aux prudents
du siècle, pour les révéler aux petits. Car je dis à Dieu : Soyez éternellement
béni, Seigneur, de les avoir révélées aux savants et aux sages ! et quand je le
dis ainsi, je ne détruis en aucune manière la parole du Fils de Dieu, puisqu'il
a fallu, pour recevoir cette foi et pour croire ces ineffables mystères, que
les savants et les sages soient devenus petits comme des enfants : Et
revelasti ea parvulis.
C'est un grand miracle
que des pauvres, tels qu'étaient les pasteurs, apprenaient à estimer la
pauvreté, jusqu'à s'en faire un bonheur et un sujet d'action de grâces : mais
un miracle sans doute encore plus grand, c'est que des riches se détachent de
leurs richesses, et deviennent pauvres de cœur : car il est bien plus difficile
d'allier ensemble l'opulence et la pauvreté de cœur, que cette même pauvreté de
cœur et une pauvreté réelle et véritable. Que des bergers donc, nés dans la
disette, accoutumés à vivre dans l'indigence et à manquer des commodités de la
vie, se bornent à leur état et en soient contents, c'est ce que j'ai moins de
peine à comprendre : mais la possession des richesses étant un poison si subtil
pour corrompre le cœur, et une amorce si puissante pour le surprendre et pour
l'attacher, que les mages, je veux dire que des riches, éteignent dans eux
toute affection à ces biens trompeurs et enchanteurs ; qu'ils déposent leurs
trésors aux pieds de Jésus-Christ pour l'en rendre maître, et qu'ils consentent
à n'avoir plus désormais, s'il le faut, d'autre héritage sur la terre que sa
pauvreté ; qu'au moins dans leur estime ils la préfèrent, cette pauvreté
chrétienne, à toute la fortune du monde ; c'est ce que je ne puis assez
admirer. Touché de ce prodige, je m'adresse à vous, riches, et je ne vous dis
plus, comme saint Jacques : Tremblez, gémissez, déplorez le malheur de votre
état :
Agite nunc, divites;
plorate ululantes in miseriis vestris (Jac., V, 1.) ; mais je vous dis :
Prenez confiance, et consolez-vous ; car Jésus-Christ est venu appeler et
sauver les riches aussi bien que les pauvres. Mais du reste, quels riches?
observez-le bien, et voilà en quoi ce que je dis s'accorde parfaitement avec ce
que dit ce saint apôtre. Car ces riches que Jésus-Christ reçoit à sa suite, et
à qui il destine sa gloire, ce sont des riches détrompés du vain éclat des
richesses, des riches prêts à lui sacrifier toutes leurs richesses, des riches
pauvres de volonté et en esprit, et disposés, quand il lui plaira, à l'être
pour lui et comme lui, réellement et en effet.
C'est un grand miracle
que, malgré la bassesse de leur condition, Dieu ait suscité les pasteurs pour
être comme les premiers apôtres du Messie, et pour publier dans le monde sa
venue ; mais un miracle encore bien plus grand, c'est que, malgré l'orgueil
presque inséparable de la puissance humaine, Dieu dans les mages ait inspiré
aux puissants du siècle tous les sentiments de la vraie humilité ; car
l'humilité dans la grandeur est le chef-d'œuvre de la grâce. Ainsi, sans me
contenter de vous dire, avec l'apôtre saint Paul, que Dieu a choisi les faibles
pour confondre les forts, et les petits pour humilier les grands : Infirma
mundi elegit Deus ut confundat fortia (2 Cor., I, 27.) ; je puis ajouter
qu'il a pareillement choisi les forts pour instruire les faibles, et les grands
pour servir de modèles aux petits. Mais du reste, quels grands? prenez garde ;
voici l'éclaircissement de ma pensée, et par où elle convient avec celle du
maître des Gentils : des grands descendus volontairement, et par leur choix, au
rang des petits ; des grands prévenus d'un saint mépris pour toute la pompe qui
les environne, et plus petits à leurs yeux qu'ils ne sont grands devant les
hommes; des grands qui ne prisent leur grandeur qu'autant qu'elle peut servir à
s'abaisser plus profondément aux pieds de l'Homme-Dieu ; des grands jaloux, non
de leur gloire, mais de la gloire de Dieu ; préparés à tout entreprendre, non
pour dominer, mais pour obéir à Dieu ; non pour se faire honorer et craindre,
mais pour faire honorer et craindre Dieu ; non pour se chercher eux-mêmes et
leurs propres avantages, mais pour maintenir les droits et les intérêts de
Dieu.
Voilà, mes chers
auditeurs, ce qu'a pu opérer le signe de la crèche, et ce qu'il doit encore
opérer dans chacun de vous, si vous voulez que ce soit pour vous un signe de
salut : il faut qu'il corrige toutes vos erreurs, et qu'il vous fasse prendre
des maximes toutes contraires à la sagesse du monde; il faut qu'il amortisse le
feu de cette avare convoitise qui vous consume, et qu'il vous dégage de toute
attache aux biens périssables du monde; il faut qu'il réprime vos ambitieux
désirs, et qu'il bannisse de votre cœur toutes les vanités et tout le faste du
monde. Autrement, craignez la vertu de ce signe, bien loin d'y mettre votre
confiance ; car ce signe de salut, pour les autres, ne pourrait être pour vous
qu'un signe de réprobation : signe vénérable et tout divin, en quoi consiste le
caractère propre du christianisme, et par où d'abord il s'est fait connaître.
Mais grâces soient rendues au Dieu immortel qui nous fait voir encore
aujourd'hui, pour notre consolation, ce signe respecté, révéré, adoré par le
premier roi du monde ; je veux dire qui nous fait voir le premier roi du monde
fidèle à Jésus-Christ, déclaré pour Jésus-Christ, saintement occupé à étendre
la gloire de Jésus-Christ, et à combattre les ennemis de son Eglise et de sa
foi. L'hérésie abattue, l'impiété réprimée, le duel aboli, le sacrilège
recherché et hautement vengé, tant d'autres monstres dont Votre Majesté, Sire,
a purgé la France, et qu'elle a bannis de sa cour, en seront d'éternelles
preuves. Le dirai-je néanmoins? et pourquoi ne le dirai-je pas, puisqu'il y va
des intérêts du Seigneur, et que je parle devant un roi à qui les intérêts du
Seigneur sont si chers? de ces monstres que Votre Majesté poursuit, et contre
qui elle a déjà si heureusement employé son autorité royale, il en reste
encore, Sire, qui demandent votre zèle et tout votre zèle. L'Ecriture me défend
de les nommer; mais il me suffit que Votre Majesté les connaisse, et qu'elle
les déteste. Elle peut tout, et la seule horreur qu'elle en a conçue sera plus
efficace que toutes les lois pour en arrêter le cours. Ils ne soutiendront pas
sa disgrâce, ni le poids de son indignation; et quand elle voudra, ces
vices honteux au nom chrétien cesseront d'outrager Dieu et de scandaliser les
hommes. C'est pour cela, Sire, que le ciel vous a placé sur le trône ; c'est
pour cela qu'il a versé si abondamment sur votre personne sacrée les dons de
force, de sagesse, de piété, qui vous distinguent entre tous les monarques de
l'univers ; mais c'est par là même aussi que Votre Majesté attirera sur elle
toutes les bénédictions dont Dieu récompensa autrefois la religion de David :
Car je le protégerai, dit le Seigneur, parlant de ce saint roi, je l'appuierai
; ma main s'étendra pour le secourir, et mon bras le fortifiera; j'exterminerai
ses ennemis de devant ses yeux, toutes ses entreprises réussiront, enfin j'en
ferai mon fils aîné, et je relèverai au-dessus de tous les rois de la terre
: Et ego primogenitum ponam illum, excelsum prœ regibus terrœ (Psalm.,
LXXXVIII,28.) ; oracle accompli dans Votre Majesté, encore plus visiblement que
dans le religieux prince en faveur duquel il fut d'abord prononcé. Nous n'en
doutons point, Sire : voilà d'où sont venus et d'où viennent sans interruption
ces prospérités et ces succès qui ont étonné toute l'Europe, et dont le bruit
s'est répandu jusques aux extrémités de la terre. A ces succès, ô mon Dieu, à
ces prospérités passées, vous en ajouterez de nouvelles : vous bénirez toujours
un roi dont le premier soin est de vous honorer et de vous servir, dont le
souhait le plus ardent est de faire de sa cour une cour chrétienne, de son
royaume un royaume chrétien, et du monde même, s'il en était maître, un monde
chrétien. Ainsi pourrez-vous, Sire, attendre tout d'un Dieu à qui vous donnez
tous les jours des marques si sensibles de votre piété, et qui tous les jours vous
donne des marques si éclatantes de sa protection. Il n'en demeurera pas là ;
l'avenir répondra au passé, et l'éternité bienheureuse mettra le comble à de
longues et de glorieuses années : c'est ce que je vous souhaite, au nom du Père
et du Fils et du Saint-Esprit.
OEUVRES COMPLÈTES DE
BOURDALOUE. PUBLIÉES PAR DES PRÊTRES DE L'IMMACULÉE CONCEPTION DE
SAINT-DIZIER (Haute-Marne) TOURS, CATTIER, LIBRAIRIE-ÉDITEUR, RUE DE LA
SCELLERIE 1864. Numérisation : Abbaye Saint Benoît de Port-Valais. Pâques 2007
SOURCE : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bourdaloue/vol3/002.htm
BENEDICT XVI
GENERAL AUDIENCE
The joyful event of
Christ's birth
Dear Brothers and
Sisters,
Thank you for your
affection. I wish you all a happy New Year! This first General Audience of the
new year still takes place in the atmosphere of Christmas, which invites us to
rejoice in the Redeemer's birth. On coming into the world, Jesus lavished his
gifts of goodness, mercy and love upon men and women. As if interpreting the
sentiments of the people of every epoch, the Apostle John observes: "See
what love the Father has given us, that we should be called children of
God" (I Jn 3: 1).
Anyone who stops to
meditate before the Son of God lying helpless in the crib can only feel
surprised at this humanly incredible event; one cannot but share the wonder and
humble abandonment of the Virgin Mary, whom God chose to be Mother of the
Redeemer precisely because of her humility.
In the Child of Bethlehem,
every person discovers he is freely loved by God; in the light of Christmas
God's infinite goodness is revealed to each one of us. In Jesus, the Heavenly
Father inaugurated a new relationship with us; he made us "sons in the Son
himself". During these days, it is precisely on this reality that St John
invites us to meditate with the richness and depth of his words, of which we
have heard a passage.
The beloved Apostle of
the Lord stresses that we are really sons: "and so we are" (I Jn 3:
1). We are not only creatures, but we are sons; in this way God is close to us;
in this way he draws us to himself at the moment of his Incarnation, in his
becoming one of us. Therefore, we truly belong to the family whose Father is
God, because Jesus, the Only-Begotten Son, came to pitch his tent among us, the
tent of his flesh, to gather all the nations together into a single family, the
family of God, belonging to the divine Being united in one people, one family.
He came to reveal to us
the true Face of the Father and if we now use the word "God", it is
no longer a reality known only from afar. We know the Face of God: it is that
of the Son, who came to bring the heavenly realities closer to us and to the
earth.
St John notes: "In
this is love, not that we loved God but that he loved us" (I Jn 4:
10). At Christmas, the simple and overwhelming announcement resounds throughout
the world: "God loves us". "We love", St John says,
"because he first loved us" (I Jn 4: 19). This mystery is
henceforth entrusted to our hands so that through our experience of divine love
we may live aspiring to the realities of Heaven. And this, let us say, is also
our practice in these days: to live truly reaching for God, seeking first of all
the Kingdom and its righteousness, certain that the rest, all the rest, will be
given to us as well (cf. Mt 6: 33). The spiritual atmosphere of the
Christmas Season helps us to grow in our knowledge of this.
The joy of Christmas,
however, does not make us forget the mystery of evil (mysterium iniquitatis),
the power of darkness that attempts to dim the splendour of the divine light.
And unfortunately, we experience this power of darkness everyday.
In the Prologue to his
Gospel, proclaimed several times in the past few days, John the Evangelist
writes: "The light shines in the darkness, but the darkness did not
receive it" (cf. 1: 5).
As in the past, the
tragedy of the rejection of Christ unfortunately manifests and expresses itself
also today in so many different ways. Perhaps even the most subtle and
dangerous are the forms of the rejection of God in the contemporary era: from a
clear refusal to indifference, from scientific atheism to the presentation of a
so-called modernized or better, post-modernized Jesus. A man Jesus, reduced in
a different way to a mere man of his time, deprived of his divinity; or a Jesus
so highly idealized that he seems at times like the character of a fable.
Yet Jesus, the true Jesus
of history, is true God and true man and never tires of proposing his Gospel to
all, aware that he is a "sign of contradiction that thoughts out of many
hearts may be revealed", as the elderly Simeon would prophesy (cf. Lk 2:
32-35).
Actually, it is only the
Child lying in the manger who possesses the true secret of life. For this
reason he asks us to welcome him, to make room for him within us, in our
hearts, in our homes, in our cities and in our societies. The words of John's
Prologue echo in our minds and hearts: "To all who received him... he gave
power to become children of God" (1: 12). Let us endeavour to be among
those who welcome him. Before him one cannot remain indifferent. We too, dear
friends, must continuously take sides. What will our response be? With what
attitude will we welcome him? The simplicity of the shepherds and the seeking
of the Magi who scrutinized the signs of God by means of the star come to our
help. The docility of Mary and the wise prudence of Joseph serve as an example
to us.
The more than 2,000 years
of Christian history are filled with examples of men and women, youth and
adults, children and elderly people who believed in the mystery of Christmas,
who opened their arms to the Emmanuel and with their lives became beacons of
light and hope.
The love that Jesus, born
in Bethlehem, brought into the world binds to himself in a lasting relationship
of friendship and brotherhood all who welcome him. St John of the Cross says:
"In giving us all, that is, his Son, in him God has now said all. Fix your
eyes on him alone... and you will find in addition more than you ask and
desire" (Ascent of Mount Carmel, Book I, Ep. 22, 4-5).
Dear brothers and
sisters, at the beginning of this new year let us revive within us the
commitment to open our minds and hearts to Christ, sincerely showing him our
desire to live as his true friends.
Thus, we will become
collaborators of his plan of salvation and witnesses of that joy which he gives
to us so that we may spread it around us in abundance.
May Mary help us open our
hearts to the Emmanuel who took on our poor, weak flesh in order to share with
us the arduous journey of earthly life. In the company of Jesus, however, this
tiring journey becomes a joyful journey. Let us proceed together with Jesus,
let us walk with him and thus the new year will be a happy and good year.
* * *
I greet the
English-speaking visitors, including the pilgrims from Singapore and North
America, especially the seminarians from St Meinrad School of Theology. I
extend a particular welcome to the group from the American College in Louvain,
here to celebrate the 150th anniversary of their foundation. May the peace of
the newborn King fill your hearts, making you his witnesses in the world, and
may God bless you abundantly throughout the year 2007.
Lastly, I address
the young people, the sick and the newly-weds. Dear young
people, I hope that you will be able to view each day as a precious gift
of God. May the new year bring to you, dear sick people, comfort and
relief in body and spirit. And you, dear newly-weds, imitating the
Holy Family of Nazareth, strive every day to build an authentic communion of
love.
© Copyright 2007 -
Libreria Editrice Vaticana
Christmas
Origin of the word
The word for Christmas in late Old English is Cristes
Maesse, the Mass of Christ,
first found in 1038, and Cristes-messe, in 1131. In Dutch it
is Kerstmis, in Latin Dies Natalis, whence comes
the French Noël, and Italian Il
natale; in German Weihnachtsfest, from the preceeding sacred
vigil. The term Yule is of disputed origin. It is unconnected with
any word meaning "wheel". The name in Anglo-Saxon was geol, feast: geola,
the name of a month (cf. Icelandic iol a feast in
December).
Early celebration
Christmas was not among the earliest festivals of
the Church. Irenaeus and Tertullian omit
it from their lists of feasts; Origen,
glancing perhaps at the discreditable imperial Natalitia, asserts (in Lev.
Hom. viii in Migne,
P.G., XII, 495) that in the Scriptures sinners alone,
not saints,
celebrate their birthday; Arnobius (VII,
32 in P.L., V, 1264) can still ridicule the "birthdays" of the gods.
Alexandria
The first evidence of the feast is from Egypt.
About A.D. 200, Clement
of Alexandria (Stromata I.21)
says that certain Egyptian theologians "over
curiously" assign, not the year alone, but the day of Christ's birth,
placing it on 25 Pachon (20 May) in the twenty-eighth year of Augustus.
[Ideler (Chron., II, 397, n.) thought they did this believing that
the ninth month, in which Christ was born, was the ninth of their
own calendar.] Others reached the date of
24 or 25 Pharmuthi (19 or 20 April). With Clement's evidence
may be mentioned the "De paschæ computus", written in 243 and falsely ascribed
to Cyprian (P.L.,
IV, 963 sqq.), which places Christ's birth
on 28 March, because on that day the material sun was created.
But Lupi has shown (Zaccaria, Dissertazioni ecc. del p. A.M.
Lupi, Faenza,
1785, p. 219) that there is no month in the year to which
respectable authorities have not assigned Christ's birth. Clement,
however, also tells us that the Basilidians celebrated
the Epiphany,
and with it, probably, the Nativity, on 15 or 11 Tybi (10 or 6
January). At any rate this double commemoration became popular, partly because
the apparition to the shepherds was considered as one manifestation
of Christ's glory,
and was added to the greater manifestations celebrated on 6 January; partly
because at the baptism-manifestation
many codices (e.g. Codex
Bezæ) wrongly give the Divine words as sou ei ho houios mou ho
agapetos, ego semeron gegenneka se (Thou art my beloved Son, this day
have I begotten thee) in lieu of en soi eudokesa (in thee I am well
pleased), read in Luke
3:22. Abraham
Ecchelensis (Labbe, II, 402) quotes the Constitutions of
the Alexandrian Church for a dies Nativitatis et Epiphaniæ in Nicæan times; Epiphanius (Hær.,
li, ed. Dindorf, 1860, II, 483) quotes an extraordinary semi-Gnostic ceremony at Alexandria in
which, on the night of 5-6 January, a cross-stamped Korê was carried
in procession round
a crypt,
to the chant, "Today at this hour Korê gave birth to
the Eternal"; John
Cassian records in his "Collations" (X, 2 in P.L., XLIX,
820), written 418-427, that the Egyptian monasteries still
observe the "ancient custom"; but on 29 Choiak (25 December) and
1 January, 433, Paul of Emesa preached
before Cyril
of Alexandria, and his sermons (see Mansi,
IV, 293; appendix to Act. Conc. Eph.) show that the December
celebration was then firmly established there, and calendars prove its
permanence. The December feast therefore reached Egypt between
427 and 433.
Cyprus, Mesopotamia, Armenia, Asia Minor
In Cyprus,
at the end of the fourth century, Epiphanius asserts against
the Alogi (Hær.,
li, 16, 24 in P.G., XLI, 919, 931) that Christ was
born on 6 January and baptized on
8 November. Ephraem
Syrus (whose hymns belong
to Epiphany,
not to Christmas) proves that Mesopotamia still put
the birth feast thirteen days after the winter solstice; i.e. 6 January; Armenia likewise
ignored, and still ignores, the December festival. (Cf. Euthymius,
"Pan. Dogm.", 23 in P.G., CXXX, 1175; Niceph., "Hist.
Eccl,", XVIII, 53 in P.G., CXLVII, 440; Isaac, Catholicos of Armenia in
eleventh or twelfth century, "Adv. Armenos", I, xii, 5 in P.G.,
CXXII, 1193; Neale, "Holy Eastern Church", Introd., p.
796). In Cappadocia, Gregory
of Nyssa's sermons on St.
Basil (who died before 1 January, 379) and the two following, preached
on St. Stephen's feast (P.G., XLVI, 788; cf, 701,
721), prove that in 380 the 25th December was already celebrated
there, unless, following Usener's too ingenious arguments
(Religionsgeschichtliche Untersuchungen, Bonn, 1889, 247-250), one were to
place those sermons in 383. Also, Asterius
of Amaseia (fifth century) and Amphilochius
of Iconium (contemporary of Basil and Gregory)
show that in their dioceses both
the feasts of Epiphany and Nativity were
separate (P.G., XL, 337 XXXIX, 36).
Jerusalem
In 385, Silvia of Bordeaux (or Etheria, as it seems clear
she should be called) was profoundly impressed by the splendid
Childhood feasts at Jerusalem.
They had a definitely "Nativity" colouring; the bishop proceeded
nightly to Bethlehem,
returning to Jerusalem for the day celebrations. The Presentation was
celebrated forty days after. But this calculation starts from 6 January, and
the feast lasted during the octave of that date.
(Peregr. Sylv., ed. Geyer, pp. 75 sq.) Again (p. 101) she mentions as
high festivals Easter and Epiphany alone.
In 385, therefore, 25 December was not observed at Jerusalem.
This checks the so-called correspondence between Cyril
of Jerusalem (348-386) and Pope
Julius I (337-352), quoted by John
of Nikiû (c. 900) to convert Armenia to
25 December (see P.L., VIII, 964 sqq.). Cyril declares that his clergy cannot,
on the single feast of Birth and Baptism, make a
double procession to Bethlehem and Jordan. (This later
practice is here an anachronism.) He asks Julius to assign the true date of
the nativity "from census documents brought
by Titus to Rome"; Julius assigns
25 December. Another document (Cotelier, Patr. Apost., I, 316, ed.
1724) makes Julius write thus to Juvenal of Jerusalem (c.
425-458), adding that Gregory
Nazianzen at Constantinople was
being criticized for "halving" the festival.
But Julius died in 352, and by 385 Cyril had made no
change; indeed, Jerome,
writing about 411 (in Ezech., P.L., XXV, 18), reproves Palestine for
keeping Christ's birthday
(when He hid Himself) on the Manifestation feast. Cosmas
Indicopleustes suggests (P.G., LXXXVIII, 197) that even in the middle
of the sixth century Jerusalem was
peculiar in combining the two commemorations, arguing from Luke
3:23 that Christ's baptism day
was the anniversary of His birthday. The commemoration, however, of David and James the Apostle on
25 December at Jerusalem accounts
for the deferred feast. Usener, arguing from the "Laudatio
S. Stephani" of Basil
of Seleucia (c. 430. — P.G., LXXXV, 469), thinks that Juvenal tried at
least to introduce this feast, but that Cyril's greater name
attracted that event to his own period.
Antioch
In Antioch, on the feast of St. Philogonius, Chrysostom preached
an important sermon. The year was almost certainly 386, though
Clinton gives 387, and Usener, by a long rearrangement of the saint's sermons,
388 (Religionsgeschichtl. Untersuch., pp. 227-240). But between February,
386, when Flavian ordained Chrysostom priest,
and December is ample time for the preaching of all
the sermons under discussion. (See Kellner, Heortologie,
Freiburg, 1906, p. 97, n. 3). In view of a reaction
to certain Jewish rites and feasts, Chrysostom tries
to unite Antioch in celebrating Christ's birth
on 25 December, part of the community having already kept it on that day for at
least ten years. In the West, he says, the feast was thus
kept, anothen; its introduction into Antioch he had always
sought, conservatives always resisted. This time he was successful;
in a crowded church he defended the new custom. It was no
novelty; from Thrace to Cadiz this feast was
observed — rightly, since its miraculously rapid
diffusion proved its genuineness.
Besides, Zachary, who, as high-priest,
entered the Temple on the Day
of Atonement, received therefore announcement
of John's conception in September; six months
later Christ was conceived, i.e. in March, and born accordingly in
December.
Finally, though never at Rome,
on authority he knows that the census papers of the Holy
Family are still there.
[This appeal to Roman archives is as old as Justin
Martyr (First
Apology 34-35) and Tertullian (Adv. Marc.,
IV, 7, 19). Julius, in the Cyriline forgeries,
is said to have calculated the date from Josephus,
on the same unwarranted assumptions about Zachary as did Chrysostom.] Rome,
therefore, has observed 25 December long enough to allow
of Chrysostom speaking at least in 388 as above (P.G., XLVIII, 752,
XLIX, 351).
Constantinople
In 379 or 380 Gregory
Nazianzen made himself exarchos of the new feast, i.e.
its initiator, in Constantinople, where, since the death of Valens, orthodoxy was
reviving. His three Homilies (see Hom. xxxviii in P.G., XXXVI) were
preached on successive days (Usener, op. cit., p. 253) in the private chapel called Anastasia.
On his exile in 381, the feast disappeared.
According, however, to John
of Nikiû, Honorius, when he was present on a visit, arranged with
Arcadius for the observation of the feast on
the Roman date. Kellner puts this visit in 395; Baumstark
(Oriens Chr., 1902, 441-446), between 398 and 402. The latter relies on a
letter of Jacob
of Edessa quoted by George of Beeltân, asserting that Christmas
was brought to Constantinople by Arcadius
and Chrysostom from Italy,
where, "according to the histories", it had been kept
from Apostolic times. Chrysostom's episcopate lasted
from 398 to 402; the feast would therefore have been introduced
between these dates by Chrysostom bishop,
as at Antioch by Chrysostom priest.
But Lübeck (Hist. Jahrbuch., XXVIII, I, 1907, pp.
109-118) proves Baumstark's evidence invalid. More important,
but scarcely better accredited, is Erbes' contention (Zeitschrift f.
Kirchengesch., XXVI, 1905, 20-31) that the feast was brought in
by Constantine as early as 330-35.
Rome
At Rome the
earliest evidence is in the Philocalian Calendar (P.L., XIII,
675; it can be seen as a whole in J. Strzygowski, Kalenderbilder des
Chron. von Jahre 354, Berlin, 1888), compiled in 354, which contains three
important entries. In the civil calendar 25 December is marked
"Natalis Invicti". In the "Depositio Martyrum" a list
of Roman or early and universally venerated martyrs,
under 25 December is found "VIII kal. ian. natus Christus in Betleem
Iudeæ". On "VIII kal. mart." (22 February) is also
mentioned St.
Peter's Chair. In the list of consuls are four anomalous ecclesiastical entries:
the birth and death days of Christ,
the entry into Rome,
and martyrdom of Saints Peter and Paul.
The significant entry is "Chr. Cæsare et Paulo sat. XIII. hoc. cons. Dns.
ihs. XPC natus est VIII Kal. ian. d. ven. luna XV," i.e. during the
consulship of (Augustus)
Cæsar and Paulus Our
Lord Jesus Christ was born on the eighth before the calends of January
(25 December), a Friday, the fourteenth day of the moon. The details clash
with tradition and possibility. The epact,
here XIII, is normally XI; the year is A.U.C. 754, a date first
suggested two centuries later; in no year between 751 and 754 could 25 December
fall on a Friday; tradition is constant in placing Christ's birth
on Wednesday. Moreover the date given for Christ's death
(duobus Geminis coss., i.e. A.D. 29) leaves Him only twenty eight, and
one-quarter years of life. Apart from this, these entries in a consul list are
manifest interpolations. But are not the two entries in the "Depositio
Martyrum" also such? Were the day of Christ's birth
in the flesh alone there found, it might stand as heading the year of martyrs' spiritual natales;
but 22 February is there wholly out of place. Here, as in the consular fasti,
popular feasts were later inserted for convenience' sake. The
civil calendar alone was not added to, as it was useless after
the abandonment of pagan festivals.
So, even if the "Depositio Martyrum" dates, as is probable, from
336, it is not clear that the calendar contains evidence earlier than
Philocalus himself, i.e. 354, unless indeed pre-existing popular celebration
must be assumed to render possible this official recognition. Were
the Chalki manuscript of Hippolytus genuine,
evidence for the December feast would exist as early as c.
205. The relevant passage [which exists in the Chigi manuscript Without
the bracketed words and is always so quoted before George
Syncellus (c. 1000)] runs:
He gar prote parousia tou kyriou hemon he ensarkos [en he gegennetai] en
Bethleem, egeneto [pro okto kalandon ianouarion hemera tetradi]
Basileuontos Augoustou [tessarakoston kai deuteron etos, apo de Adam]
pentakischiliosto kai pentakosiosto etei epathen de triakosto trito
[pro okto kalandon aprilion, hemera paraskeun, oktokaidekato etei Tiberiou
Kaisaros, hypateuontos Hrouphou kai Hroubellionos. — (Comm. In Dan., iv,
23; Brotke; 19)
"For the first
coming of Our Lord in the flesh [in which He has been begotten],
in Bethlehem,
took place [25 December, the fourth day] in the reign of Augustus [the
forty-second year, and] in the year 5500 [from Adam]. And He suffered in
His thirty-third year [25 March, the parasceve,
in the eighteenth year of Tiberius
Cæsar, during the consulate of Rufus and Rubellio]."
Interpolation is certain,
and admitted by Funk, Bonwetsch, etc. The names of the consuls [which
should be Fufius and Rubellius] are wrong; Christ lives thirty-three
years; in the genuine Hippolytus,
thirty-one; minute data are irrelevant in this discussion
with Severian millenniarists;
it is incredible that Hippolytus should
have known these details when his contemporaries (Clement, Tertullian,
etc.) are, when dealing with the matter, ignorant or silent;
or should, having published them, have remained unquoted (Kellner, op. cit., p.
104, has an excursus on this passage.)
St.
Ambrose (de virg., iii, 1 in P.L., XVI, 219) preserves
the sermon preached by Pope
Liberius I at St. Peter's, when, on Natalis Christi, Ambrose' sister, Marcellina,
took the veil. This pope reigned
from May, 352 until 366, except during his years of exile, 355-357.
If Marcellina became a nun only
after the canonical age of twenty-five, and if Ambrose was
born only in 340, it is perhaps likelier that the event occurred after 357.
Though the sermon abounds in references appropriate to the Epiphany (the marriage at Cana,
the multiplication of loaves, etc.), these seem due (Kellner, op. cit., p. 109)
to sequence of thought, and do not fix the sermon to 6 January,
a feast unknown in Rome till
much later. Usener, indeed, argues (p. 272) that Liberius preached
it on that day in 353, instituting the Nativity feast in the
December of the same year; but Philocalus warrants our supposing that if
preceded his pontificate by some time, though Duchesne's relegation
of it to 243 (Bull.
crit., 1890, 3, pp. 41 sqq.) may not commend itself to many. In
the West the Council of Saragossa (380) still
ignores 25 December (see can. xxi, 2). Pope
Siricius, writing in 385 (P.L., XII, 1134) to Himerius in Spain,
distinguishes the feasts of
the Nativity and Apparition; but whether he refers
to Roman or to Spanish use is not clear. Ammianus Marcellinus (XXI,
ii) and Zonaras (Ann.,
XIII, 11) date a visit of Julian
the Apostate to
a church at Vienne in Gaul on Epiphany and Nativity respectively.
Unless there were two visits, Vienne in A.D. 361 combined
the feasts, though on what day is still doubtful.
By the time of Jerome and Augustine,
the December feast is established, though the latter (Epp., II, liv,
12, in P.L., XXXIII, 200) omits it from a list of first-class festivals.
From the fourth century every Western calendar assigns it to 25
December. At Rome,
then, the Nativity was celebrated on 25 December before 354; in the
East, at Constantinople, not before 379, unless with Erbes, and
against Gregory,
we recognize it there in 330. Hence, almost universally has it been concluded
that the new date reached the East from Rome by
way of the Bosphorus during the great anti-Arian revival, and by means of
the orthodox champions.
De Santi (L'Orig. delle Fest. Nat., in Civiltæ Cattolica, 1907),
following Erbes, argues that Rome took
over the Eastern Epiphany,
now with a definite Nativity colouring, and, with as increasing
number of Eastern
Churches, placed it on 25 December; later,
both East and West divided their feast,
leaving Ephiphany on 6 January, and Nativity on 25
December, respectively, and placing Christmas on 25 December and Epiphany on
6 January. The earlier hypothesis still seems preferable.
Origin of date
The gospels
Concerning the date of Christ's birth
the Gospels give
no help; upon their data contradictory arguments are based.
The census would have been impossible in winter: a whole population
could not then be put in motion. Again, in winter it must have been; then only
field labour was suspended. But Rome was
not thus considerate. Authorities moreover differ as to whether shepherds could
or would keep flocks exposed during the nights of the rainy season.
Zachary's temple service
Arguments based on Zachary's temple ministry are unreliable, though
the calculations of antiquity (see above) have been revived in yet more
complicated form, e.g. by Friedlieb (Leben J. Christi des Erlösers, Münster,
1887, p. 312). The twenty-four classes of Jewish priests,
it is urged, served each a week in the Temple; Zachary was in the eighth
class, Abia. The Temple was destroyed 9 Ab, A.D. 70;
late rabbinical tradition says that class 1, Jojarib, was then
serving. From these untrustworthy data, assuming that Christ was
born A.U.C. 749, and that never in seventy turbulent years the weekly
succession failed, it is calculated that the eighth class was serving 2-9
October, A.U.C. 748, whence Christ's
conception falls in March, and birth presumably in December. Kellner
(op. cit., pp. 106, 107) shows how hopeless is the calculation of Zachary's
week from any point before or after it.
Analogy to Old Testament festivals
It seems impossible, on analogy of the relation of Passover and Pentecost to Easter and Whitsuntide,
to connect the Nativity with the feast of Tabernacles, as did,
e.g., Lightfoot (Horæ Hebr, et Talm., II, 32), arguing from Old
Testament prophecy, e.g. Zacharias 14:16 sqq.; combining,
too, the fact of Christ's death
in Nisan with Daniel's prophecy of a three and one-half years'
ministry (9:27), he puts the birth in Tisri, i.e. September. As undesirable is
it to connect 25 December with the Eastern
(December) feast of Dedication (Jos. Ant. Jud., XII, vii,
6).
Natalis Invicti
The well-known solar feast, however, of Natalis Invicti, celebrated on 25
December, has a strong claim on the responsibility for our December date.
For the history of the solar cult, its position in the Roman Empire, and syncretism with Mithraism,
see Cumont's epoch-making "Textes et Monuments" etc., I, ii, 4, 6, p.
355. Mommsen (Corpus Inscriptionum Latinarum, 12, p. 338) has collected the
evidence for the feast, which reached its climax of popularity under Aurelian in
274. Filippo del Torre in 1700 first saw its importance; it is marked, as has
been said, without addition in Philocalus' Calendar. It would be impossible
here even to outline the history of solar symbolism and language as
applied to God,
the Messiah,
and Christ in Jewish or Christian canonical, patristic,
or devotional works. Hymns and Christmas offices abound in
instances; the texts are well arranged by Cumont (op. cit., addit. Note C, p.
355).
The earliest rapprochement of the births of Christ and the sun is
in Cyprian, "De pasch. Comp.", xix, "O quam præclare
providentia ut illo die quo natus est Sol . . . nasceretur Christus." —
"O, how wonderfully acted Providence that on that day on which
that Sun was born . . . Christ should
be born."
In the fourth century, Chrysostom, "del Solst. Et Æquin."
(II, p. 118, ed. 1588), says: "Sed et dominus noster nascitur mense decembris
. . . VIII Kal. Ian. . . . Sed et Invicti Natalem appelant. Quis utique tam
invictus nisi dominus noster? . . . Vel quod dicant Solis esse natalem,
ipse est Sol iustitiæ." — "But Our
Lord, too, is born in the month of December . . . the eight before the
calends of January [25 December] . . ., But they call it the 'Birthday of the
Unconquered'. Who indeed is so unconquered as Our
Lord . . .? Or, if they say that it is the birthday of the Sun, He is
the Sun of Justice."
Already Tertullian (Apol.,
16; cf. Ad. Nat., I, 13; Orig. c. Cels., VIII, 67, etc) had to assert that Sol
was not the Christians' God; Augustine (Tract xxxiv, in
Joan. In P.L., XXXV, 1652) denounces the heretical identification
of Christ with
Sol.
Pope
Leo I (Serm. xxxvii in nat. dom., VII, 4; xxii, II, 6 in P.L., LIV,
218 and 198) bitterly reproves solar survivals — Christians,
on the very doorstep of the Apostles' basilica, turn
to adore the rising sun. Sun-worship has bequeathed features to
modern popular worship in Armenia,
where Christians had once temporarily and externally conformed to the
cult of the material sun (Cumont, op. cit., p. 356).
But even should a deliberate and legitimate "baptism" of a pagan feast
be seen here no more than the transference of the date need be
supposed. The "mountain-birth" of Mithra and Christ's in
the "grotto" have nothing in common: Mithra's adoring
shepherds (Cumont, op. cit., I, ii, 4, p. 304 sqq.) are rather borrowed
from Christian sources
than vice versa.
Other theories of pagan origin
The origin of Christmas should not be sought in the Saturnalia (1-23
December) nor even in the midnight holy birth at Eleusis (see J.E.
Harrison, Prolegom., p. 549) with its probable connection through Phrygia with
the Naasene heretics,
or even with the Alexandrian ceremony quoted
above; nor yet in rites analogous to the midwinter cult at Delphi of
the cradled Dionysus, with his revocation from the sea to a new birth
(Harrison, op. cit., 402 sqq.).
The astronomical theory
Duchesne (Les origines du culte chrétien, Paris, 1902, 262 sqq.) advances the
"astronomical" theory that, given 25 March as Christ's death-day
[historically impossible, but a tradition old as Tertullian (Adv.
Jud., 8)], the popular instinct,
demanding an exact number of years in a Divine life, would place His conception
on the same date,
His birth 25 December. This theory is best supported by the fact that
certain Montanists (Sozomen, Church
History VII.18) kept Easter on
6 April; both 25 December and 6 January are thus simultaneously explained. The
reckoning, moreover, is wholly in keeping with the arguments based on number and astronomy and
"convenience", then so popular. Unfortunately, there is no
contemporary evidence for the celebration in the fourth century of Christ's
conception on 25 March.
Conclusion
The present writer in inclined to think that, be the origin of
the feast in East or West, and though the abundance of
analogous midwinter festivals may indefinitely have helped the choice of the
December date, the same instinct which
set Natalis Invicti at the winter solstice will have sufficed, apart from
deliberate adaptation or curious calculation, to set the Christian
feast there too.
Liturgy and custom
The calendar
The fixing of this date fixed those too of Circumcision and Presentation;
of Expectation and,
perhaps, Annunciation
B.V.M.; and of Nativity and Conception of the Baptist (cf.
Thurston in Amer. Eccl. Rev., December, 1898). Till the tenth
century Christmas counted, in papal reckoning,
as the beginning of the ecclesiastical year,
as it still does in Bulls; Boniface
VIII (1294-1303) restored temporarily this usage, to which Germany held
longest.
Popular merry-making
Codex Theod., II, 8, 27 (cf. XV, 5,5) forbids, in 425, circus games on 25
December; though not till Codex Just., III, 12, 6 (529) is cessation
of work imposed. The Second Council of Tours (can.
xi, xvii) proclaims, in 566 or 567, the sanctity of
the "twelve days" from Christmas to Epiphany,
and the duty of Advent fast;
that of Agde (506),
in canons 63-64, orders a universal communion,
and that of Braga (563)
forbids fasting on Christmas
Day. Popular merry-making, however, so increased that the "Laws of King
Cnut", fabricated c. 1110, order a fast from Christmas
to Epiphany.
The three Masses
The Gelasian and Gregorian Sacramentaries give
three Masses to this feast, and these, with a special and
sublime martyrology,
and dispensation,
if necessary,
from abstinence, still mark our usage. Though Rome gives
three Masses to the Nativity only, Ildefonsus, a Spanish bishop,
in 845, alludes to a triple mass on Nativity, Easter, Whitsun,
and Transfiguration (P.L.,
CVI, 888). These Masses, at midnight, dawn, and in die,
were mystically connected with aboriginal, Judaic,
and Christian dispensations,
or (as by St.
Thomas, Summa
Theologica III:83:2) to the triple "birth" of Christ:
in Eternity,
in Time, and in the Soul. Liturgical
colours varied: black, white, red, or (e.g. at Narbonne) red,
white, violet were used (Durand, Rat. Div. Off., VI, 13). The Gloria was
at first sung only in the first Mass of this day.
The historical origin of this triple Mass is probably as
follows (cf. Thurston, in Amer. Eccl. Rev., January, 1899; Grisar,
Anal. Rom., I, 595; Geschichte Roms . . . im Mittelalter I, 607, 397;
Civ. Catt., 21 September, 1895, etc.): The first Mass, celebrated at
the Oratorium Præsepis in St. Mary Major —
a church probably immediately assimilated to
the Bethlehem basilica — and the third, at St. Peter's,
reproduced in Rome the
double Christmas Office mentioned by Etheria (see above)
at Bethlehem and Jerusalem.
The second Mass was
celebrated by the pope in
the "chapel royal" of the Byzantine Court officials
on the Palatine, i.e. St. Anastasia's church, originally called, like
the basilica at Constantinople, Anastasis, and like it built at
first to reproduce the Jerusalem Anastasis basilica —
and like it, finally, in abandoning the name "Anastasis" for that of
the martyr St.
Anastasia. The second Mass would therefore be a papal compliment
to the imperial church on its patronal feast. The
three stations are thus accounted for, for by 1143 (cf. Ord. Romani
in P.L., LXXVIII, 1032) the pope abandoned distant St.
Peter's, and said the third Mass at the high
altar of St. Mary Major. At this third Mass Leo
III inaugurated, in 800, by the coronation of Charlemagne,
the Holy Roman Empire. The day became a favourite for
court ceremonies, and on it, e.g., William
of Normandy was crowned at Westminster.
Dramatic presentations
The history of the dedication of the Oratorium Præsepis in
the Liberian basilica, of the relics there
kept and their imitations, does not belong to this discussion [cf. CRIB; RELICS.
The data are well set out by Bonaccorsi (Il Natale, Rome, 1903, ch. iv)], but
the practice of giving dramatic, or at least spectacular, expression to the
incidents of the Nativity early gave rise to more or less liturgical mysteries.
The ordinaria of Rouen and
of Reims,
for instance, place the officium pastorum immediately after the Te
Deum and before Mass (cf. Ducange, Gloss.
med. et inf. Lat., s.v. Pastores); the latter Church celebrated
a second "prophetical" mystery after Tierce,
in which Virgil and the Sibyl join with Old
Testament prophets in
honouring Christ. (For Virgil and Nativity play
and prophecy see authorities in Comparetti, "Virgil in
Middle Ages", p. 310 sqq.) "To out-herod Herod", i.e. to
over-act, dates from Herod's violence in
these plays.
The crib (creche) or nativity scene
St.
Francis of Assisi in 1223 originated the crib of today
by laicizing a hitherto ecclesiastical custom,
henceforward extra-liturgical and popular. The presence of ox
and ass is due to a misinterpretation of Isaiah
1:3 and Habakkuk
3:2 ("Itala" version), though they appear in the unique
fourth-century "Nativity" discovered in the St. Sebastian catacombs in
1877. The ass on which Balaam rode
in the Reims mystery won
for the feast the title Festum
Asinorum (Ducange,
op. cit., s.v. Festum).
Hymns and carols
The degeneration of these plays in part occasioned the diffusion of noels,
pastorali, and carols, to which was accorded, at times, a quasi-liturgical
position. Prudentius, in the fourth century, is the first (and in that
century alone) to hymn the Nativity,
for the "Vox clara" (hymn for Lauds in Advent)
and "Christe Redemptor" (Vespers and Matins of Christmas)
cannot be assigned to Ambrose.
"A solis ortu" is certainly, however,
by Sedulius (fifth century). The
earliest German Weihnachtslieder date from the eleventh and twelfth
centuries, the earliest noels from the eleventh, the earliest carols
from the thirteenth. The famous "Stabat Mater Speciosa" is attributed
to Jacopone
da Todi (1230-1306); "Adeste
Fideles" is, at the earliest, of the seventeenth century.
These essentially popular airs, and even words, must, however,
have existed long before they were put down in writing.
Cards and presents
Pagan customs
centering round the January calends gravitated to Christmas. Tiele (Yule
and Christmas, London, 1899) has collected many interesting examples.
The strenæ (eacute;trennes) of the Roman 1 January
(bitterly condemned by Tertullian,
de Idol., xiv and x, and by Maximus
of Turin, Hom. ciii, de Kal. gentil., in P.L., LVII, 492, etc.) survive
as Christmas presents, cards, boxes.
The yule log
The calend fires were a scandal even
to Rome,
and St.
Boniface obtained from Pope Zachary their abolition. But
probably the Yule-log in its many forms was originally lit only in view of the
cold season. Only in 1577 did it become a public ceremony in England;
its popularity, however, grew immense, especially in Provence; in Tuscany, Christmas
is simply called ceppo (block, log — Bonaccorsi, op. cit., p. 145, n.
2). Besides, it became connected with other usages; in England,
a tenant had the right to
feed at his lord's expense as long as a wheel, i.e. a round, of wood,
given by him, would burn, the landlord gave to a tenant a load of wood on the
birth of a child; Kindsfuss was a present given to children on the
birth of a brother or sister, and even to the farm animals on that
of Christ,
the universal little brother (Tiele, op. cit., p. 95 sqq.).
Greenery
Gervase
of Tilbury (thirteen century) says that in England grain
is exposed on Christmas night to gain fertility from the dew which falls in
response to "Rorate Cæli"; the tradition that trees and
flowers blossomed on this night is first quoted from an Arab geographer of
the tenth century, and extended to England.
In a thirteenth-century French epic, candles are seen on
the flowering tree. In England it
was Joseph
of Arimathea's rod which flowered at Glastonbury and
elsewhere; when 3 September became 14 September, in 1752, 2000 people watched
to see if the Quainton thorn (cratagus præcox) would blow on Christmas New
Style; and as it did not, they refused to keep the New Style festival.
From this belief of
the calends practice of greenery decorations (forbidden
by Archbishop Martin
of Braga, c. 575, P.L., LXXIII — mistletoe was bequeathed by
the Druids) developed the Christmas tree, first definitely mentioned
in 1605 at Strasburg,
and introduced into France and England in
1840 only, by Princess Helena of Mecklenburg and
the Prince Consort respectively.
The mysterious visitor
Only with great caution should the mysterious benefactor of Christmas
night — Knecht Ruprecht, Pelzmärtel on a wooden horse, St. Martin on
a white charger, St.
Nicholas and his "reformed" equivalent,
Father Christmas — be ascribed to the stepping of a saint into the
shoes of Woden, who, with his wife Berchta, descended on the nights between 25
December and 6 January, on a white horse to bless earth
and men. Fires and blazing wheels starred the hills, houses were adorned,
trials suspended and feasts celebrated (cf. Bonaccorse, op. cit., p.
151). Knecht Ruprecht, at any rate (first found in a mystery of
1668 and condemned in 1680 as a devil) was only a servant of the Holy
Child.
Non-Catholic observances
But no doubt aboriginal Christian nuclei attracted pagan accretions.
For the calend mumming; the extraordinary and obscene Modranicht; the cake
in honour of Mary's "afterbirth",
condemned (692) at the Trullan
Council, canon 79; the Tabulæ Fortunæ (food and drink offered to obtain
increase, and condemned in 743), see Tiele, op. cit., ch. viii, ix — Tiele's
data are perhaps of greater value than his deductions — and Ducange (op.
cit., s. vv. Cervula and Kalendæ).
In England, Christmas
was forbidden by Act of Parliament in 1644; the day was to be a fast and
a market day; shops were compelled to be open; plum puddings and mince pies
condemned as heathen.
The conservatives resisted; at Canterbury blood
was shed; but after the Restoration Dissenters continued to call Yuletide
"Fooltide".
Sources
Besides the works mentioned in the article see also, Die Geschichte des
deutschen Weihnachts (Leipzig, 1893); MANN-HARDT, Weihnachtsblüthen
in Sitte u. Sage (Berlin, 1864); RIETSCHEL, Weihnachten in
Kirche, Kunst u. Volksleben (Bielefeld and Leipzig, 1902);
SCHMID, Darstellung der Geburt Christin der bildenden Kunst (1890);
MÜLLER, Le costumanzi del Natale (Rome, 1880); CORRIERI, Il Natale
nelle letterature del Nord in Cosmos Cath. (December, 1900); ERBES,
Das Syrische Martyrologium, etc., in Zeitschr. F. Kirchengesch. (1905),
IV (1906), I; BARDENHEWER, Mariä Verkündigung (Freiburg, 1905); DE
KERSAINT-GILLY, Fêtes de Noël en Provence (Montpellier, 1900); DE
COUSSEMAKER, Drames Liturgiques du Moyen Age (Paris, 1861); DOUHET,
Dict, des mystères in MIGNE, Nouv, encycl. théol., XLIII; PÉREMÈS,
Dict. De Noëls, ibid. LXIII; SMITH AND CHEETHAM, dict. Christ.
Antiq., s.v. Christmas.
Martindale, Cyril
Charles. "Christmas." The Catholic Encyclopedia. Vol.
3. New York: Robert Appleton Company, 1908. 23 Dec.
2015 <http://www.newadvent.org/cathen/03724b.htm>.
Transcription. This article was transcribed for New Advent by Susanti A.
Suastika.
Ecclesiastical
approbation. Nihil Obstat. November 1, 1908. Remy Lafort, S.T.D.,
Censor. Imprimatur. +John Cardinal Farley, Archbishop of New York.
Copyright © 2021 by Kevin Knight. Dedicated to the Immaculate Heart of Mary.
SOURCE : http://www.newadvent.org/cathen/03724b.htm
Nativité, Katholische
Kirche Ailingen, Krippendarstellung des Ailinger Künstlers Lauer,
Photographie
d’Andreas Praefcke
December 25
The Nativity of Christ,
or Christmas Day
THE WORLD had subsisted
about four thousand years, and all things were accomplished which, according to
the ancient prophets, were to precede the coming of the Messias, when Jesus
Christ, the eternal Son of God, having taken human flesh in the womb of the
Virgin Mary, and being made man, was born of her for the redemption of mankind.
The all-wise and all-merciful providence of God had, from the fall of our first
parents, gradually disposed all things for the fulfilling of his promises, and
the accomplishing the greatest of all his mysteries, the incarnation of his
divine Son. Had man been restored to grace as soon as he had forfeited it, he
would not have been sufficiently sensible of the depth of his horrible wounds,
nor have had a just feeling of the spiritual blindness, weakness, and
wretchedness in which he lay buried under the weight of his guilt. Neither
would the infinite mercy, power, and goodness of God, in saving him, have
appeared in such great lustre. Therefore man was left grovelling in his miseries
for the space of so many thousand years, only enjoying a glimpse of his future
redemption in the promise and expectation of it; which still was sufficient to
raise those to it who did not shut their eyes to this light. God always raised
several faithful servants; and even when most nations, from following the bent
of their passions, fell into the most deplorable spiritual blindness, and
abandoned his knowledge and true worship to transfer his honour to the basest
of creatures and the most criminal objects, he reserved to himself a peculiar
people, among which he was known and served, and many were saved through faith
and hope in this promised Redeemer, then to come. All this time the saints
never ceased with sighs and tears to beg that this Desired of all Nations 1 might
speedily make his appearance; and by these inflamed desires they both disposed
themselves to receive the fruit of his redemption, and moved God to hasten and
most abundantly to pour forth his mercy.
God, who with infinite
wisdom brings things to maturity and perfection in their proper season, disclosed
this to men partially and by degrees. He gave to Adam a promise and some
knowledge of it. 2 He
renewed the same to Abraham, limiting it to his seed. 3 He
confirmed it to Isaac and Jacob. 4 In
the prophecy of this latter it was fixed in the tribe of Judah. 5 It
was afterwards clearly determined to belong to the posterity of David and
Solomon: which was repeated in all the succeeding prophets. In these all the
particular circumstances of Christ’s birth, life, death, and spiritual kingdom
in his church are expressed; the whole written law which was delivered to
Moses, consisted of types expressive of the same, or alluding to him. The
nearer the time approached the fuller was the revelation of him. The prophecy
of turning swords into ploughshares, and lances into pruning hooks, 6 &c.
expressed that a profound peace in which the world should be, was to be an
emblem of the appearance of the Prince of Peace. According to the
prophecy of Jacob, 7 the
sceptre was to be removed from the tribe of Judah, to show the establishment of
the new spiritual kingdom of the Messiah, which is to endure to the end of the
world. According to Aggæus, 8 and
Malachi, 9 the
Messiah was to appear whilst the second temple stood, which was that of
Solomon, restored after the captivity. Daniel foretold the four great empires
which succeeded one another, the first of which were to be destroyed by the
latter, viz. of the Medes, Persians, Macedonians, and Romans, each marked by
very distinguishing characters. 10 The
seventy weeks of years predicted by Daniel, 11 determine
the time of the coming of the Messias, and of his death. For from the order of
King Artaxerxes Longimanus for the rebuilding of Jerusalem seven weeks were to
pass in the execution of that work in difficult times; and sixty-two more, that
is, with these seven, sixty-nine to the manifestation of Christ, who was to be
slain in the middle of the seventieth week; and his death was to be followed by
the destruction of the city and temple; it was to expiate iniquity, to
establish the reign of eternal justice, and to accomplish the visions and
prophecies. The Gentiles had also received some glimmerings of this great
event; as from the prediction of Balaam foretelling a star to arise from Jacob. 12 All
over the East, at the time of our Saviour’s birth, a great deliverer of mankind
was firmly expected, as the pagan historians expressly affirm. Suetonius 13 writes
as follows: “There had prevailed all over the East an ancient and constant
notion, that the fates had decreed that, about that time there should come out
of Judea those who should obtain the empire of the world.” And Tacitus says: 14 “A
firm persuasion had prevailed among a great many, that it was contained in the
ancient sacerdotal books, that about this time it should come to pass, that the
East should prevail, and that those who should come out of Judea should obtain
the empire of the world.” Josephus, the Jewish historian, took occasion from
hence to flatter Vespasian, as if he had been the Messias foretold by the
prophets, 15 and
the great number of impostors who pretended to this character among the Jews in
that and the following century, is a clear proof of this belief amongst them
about the time. 16 Hence
several among them met with incredible success for some time, particularly
Coziba, called Barcokebas, from Barhokeba, “Son of the Star,” who
drew on the Jews their utter destruction under Adrian. 17
When Jesus Christ was
born, the seventy weeks of Daniel were near being accomplished, and the sceptre
was departed from the house of Judah, whether we restrain this to that
particular tribe, or understand it of the whole Jewish nation, so as to give a
main share only to that tribe. For Herod, though a Jew by religion, was by
birth an Idumean, as Josephus, whose testimony is unexceptionable, informs us,
relating how his father Antipas, who chose rather to be called by the Greek
name Antipater, was made, by King Alexander Jannæus, governor of his own country,
Idumea. Herod was raised to the throne by the Romans, excluding the princes of
the Asmonean or Jewish royal family, whom Herod entirely cut off; as he did
also the principal members of the Sanhedrim or great council by which that
nation governed itself by its own laws under its kings. This tyrant, moreover,
stripped that people of all their other civil rights. Soon after they were made
a Roman province; nor was it long before their temple was destroyed, and their
whole nation dispersed; so that the Jews themselves are obliged to confess that
the time foretold by the prophets for the coming of the Messias is long since
elapsed. Christ was born at the time when the Roman or fourth empire, marked by
Daniel, was exalted to its zenith by Augustus, who reigned fifty-seven years
from his first command of the army at nineteen years of age; and forty-four
from the defeat of Antony, his partner in the empire, in the battle of Actium.
God had preordained the greatness of the Roman empire, for the more easy
propagation of the gospel over so many nations which formed one monarchy.
Augustus had then settled it in peace. It was the custom at Rome to shut the
gates of the temple of Janus only in time of a general peace; which had
happened but twice before the reign of Augustus, and it happened three times
under it. First, this temple was shut in the reign of Numa: a second time,
after the first Punic war: but during very short intervals. Under Augustus it
was shut after his victory over Antony and Cleopatra: again upon his return
from his war with the Cantabrians in Spain; and thirdly, in the very year in
which Christ was born, when it remained shut during twelve years, the whole
empire enjoying all that time a profound peace. Christ was born when Augustus
was in the fortieth year of his reign, the twenty-ninth from the battle of
Actium, about four thousand years or a little more from the creation of the
world, about two thousand five hundred from the flood, almost two thousand from
the vocation of Abraham, and a little above one thousand from the foundation of
the temple by Solomon. A decree was issued by Augustus, and published all over
the Roman empire, ordaining, that all persons with their estates and
conditions, should be registered at certain places, according to their respective
provinces, cities, and families. It was the custom at Rome to make a census or
registration of all the citizens every five years, which term was called
a lustrum. This general register of all the subjects of the empire,
with the value of their estates, was probably ordered, that the strength and
riches of each province might be known. It was made in Syria and Palestine by
Cyrinus. Quintilius Varus was at that time proconsul of Syria, on whom the
procurator or governor of Judea in some measure depended, after it was made a
Roman province. Cyrinus succeeded Varus in the government of Syria about ten
years after Herod’s death, when his son Archelaus was banished, and Judea made
a province of the empire. Cyrinus then made a second register; but he made the
first in the time of Varus, in which he might act as extraordinary deputy, at
least for Palestine, then governed by Herod; or this enregistration is all
attributed to him because it was finished by him afterwards. This decree was
given by the emperor for political views of state; but proceeded from an
overruling order of providence that, by this most authentic public act, it
might be manifest to the whole world that Christ was descended of the house of
David, and tribe of Juda. For those of this family were ordered to be
registered at Bethlehem, a small town in the tribe of Juda, seven miles from
Jerusalem to the south-west. This was called David’s-town; and was appointed
the place where those that belonged to his family were to be enrolled. 18 Joseph
and Mary were perhaps natives of this place, though they then lived at
Nazareth, ninety miles almost north from Jerusalem. Micheas had foretold 19 that
Bethlehem (called by the Jebusites, who first built it, Ephrata) should be
ennobled by the birth of Christ. Mary therefore, though with child, by the
special direction of providence, undertook this tedious journey with her
husband in obedience to the emperor’s order for their enrolment in that city;
and it is believed that with St. Joseph also Mary and her infant Jesus were
enrolled; of which Origen, 20 St.
Justin, 21 Tertullian, 22 and
St. Chrysostom 23 make
no doubt. All other characters or marks of the Messias, 24 mentioned
by the prophets, agree to Jesus Christ. 25
To show the divine
Jesus’s descent from David and Juda, the evangelists, St. Matthew and St. Luke,
give his Pedigree; but designedly different, that this noted character of the
Messias might be demonstrated by his double genealogy. The reason of this
difference was at that time public and known to every one, and so was not
mentioned. It seems most probable that St. Luke gives the natural, and St.
Matthew the legal line of Joseph, who had been adopted into the latter by the
frequent case specified in the law of Moses. St. Chrysostom puts us in mind to
take notice of the astonishing mercy and humility of our divine Redeemer in
this circumstance that he did not disdain, in order to save sinners, to choose
a pedigree in which several notorious sinners are named; so much did he humble
himself to satisfy for, and to cure our vanity and pride. The same father, upon
reading the exordium of St. Matthew’s gospel and of this pedigree, breaks out
into this vehement pathos: 26 “What
dost thou say, O evangelist? Thou hast promised to speak of the only begotten
Son of God, and dost thou name David? Imagine not that what you hear is low or
trifling; but raise your mind, be filled with awe and astonishment, hearing
that God is come upon the earth. This was so stupendous, so unexpected a
prodigy, that the angels assembled in choir sung praise and glory for the whole
world, and the prophets stood astonished at the wonderful mystery. Admire that
the natural Son of God who is without a beginning, would suffer himself to be
called the son of David, that he might make you the Son of God.” The
circumstances of the great mystery, and the wonderful manner in which it was
performed, ought to attract our whole attention, and be the object of our pious
meditations and devotions, particularly on this holy festival.
The Blessed Virgin and
St. Joseph, after a painful journey of at least four days in a mountainous
country, arrived at Bethlehem. There they found the public inns or caravanseras
(such as is customary in towns in the East) already full; nor were they able to
procure any lodgings in the town, every one despising and rejecting their
poverty. Do we spiritually invite Jesus into our hearts, and prepare a lodging
for his reception in our affections? This is the entertainment he is infinitely
desirous of, and which he came from heaven to seek. By spiritual nakedness,
coldness, sloth, or sin, a Christian soul refuses him admittance. Of such
treatment he will justly complain much more than of the people of Bethlehem.
Joseph and Mary, in this distress, retired into a cave made on the side of a
rock, which is called a stable; because it served for that purpose, perhaps for
the use of those who lodged at the caravanseras. 27 It
is a common tradition that an ox and an ass were in it at that time. This
circumstance is not mentioned in holy scripture, but is supported by the
authority of St. Jerom, St. Gregory Nazianzen, St. Gregory of Nyssa, and
Prudentius produced by Baronius; and if the blessed travellers came not on
foot, they must have had their own ass with them. In this place, the holy
mother when her time was come, brought forth her divine Son without the pain of
other mothers; remaining both in and after his conception and birth a pure
virgin. With what joy and holy respect did she behold and adore the newborn
infant; the creator of all things made man for us! She wrapped him in
swaddling-clothes such as her poverty had allowed her to prepare, and with holy
awe laid him in the manger. “With what solicitude did she watch him!” says St.
Bonaventure. 28 “With
what reverence did she touch him whom she knew to be her Lord! With what
affection, tenderness, and veneration did she embrace and kiss him! With what
awe did she look on his face and tender hands! With what gravity did she
compose and cover his little limbs! With what pleasure did she present to him
her breast to suck!” In like manner are we to admire with St. Bernard, “How the
holy man Joseph would often take him upon his knees, smiling at him.” We ought
also to contemplate how the choirs of angels descending from above in raptures
of astonishment, adore their God in this new wonderful state to which mercy and
love have reduced him, and salute him with hymns of praise. We are invited to
join them in the persons of the holy shepherds. God was pleased that his Son,
though born on earth with so much secrecy, and in a state of the most
astonishing humiliation, should be acknowledged by men, and receive the first
fruits of their homages and devotion upon his first appearance among them. Who
are they that are favoured with the honour of this heavenly call? The great
ones of the world, the renowned sages among the Jews and Gentiles, the princes
who, by their riches, power, pomp, and state, seemed raised above the level of
their fellow-creatures, are passed over on this occasion. They are chosen whose
character, by their very station, is simplicity and humility, and whose
obscurity, poverty, and solitude removed them from the principal dangers of
worldly pride, and were most agreeable to that love and spirit of retiredness,
penance, and humility which Christ came to recommend. Nor can we doubt but they
adorned their state with the true spirit of this simplicity and devotion. These
happy persons were certain shepherds, who, being strangers to the sensuality
and pride of the world, were at that time keeping the watches of the night over
their flock. Whilst the sensual and the proud were asleep in soft beds, or
employed in pursuits of voluptuousness, vanity, or ambition, an angel appeared
to these humble poor men, and they saw themselves encompassed with a great
brightness. They were suddenly seized with exceeding great fear, but the
heavenly messenger said to them: Fear not: for behold I bring you good
tidings of exceeding great joy, that shall be to all the people. For this day
is born to you a Saviour, who is Christ the Lord, in the city of David. And
this shall be a sign to you: you shall find the child wrapped in swaddling
clothes, and laid in a manger. Suddenly then appeared with the angel a
multitude of heavenly spirits praising God, and saying: Glory be to God in
the highest; and on earth peace to men of good will. After the departure
of the angels the wondering shepherds said to one another: Let us go over
to Bethlehem, and let us see this word that is come to pass, which the Lord
hath showed to us. They immediately hastened thither, and found Mary and
Joseph, and the infant lying in the manger. Here they did homage to the Messias
as to the spiritual king of men; and then returned to their flocks glorifying
and praising God. 29 Mary
was very reserved amidst these occurrences, and continued silent in her
deportment, but observed all these things, with secrecy pondering them in her
heart. The message delivered by the angel to these shepherds is addressed also
to us. In them we are invited to pay our homages and devotion to our new-born
Saviour. Devotion gave them wings in hastening to the manger. In like manner
with ardour and diligence we must obey this summons, and acquit ourselves in
spirit of this great duty. In contemplating this mystery we must honour our God
and Redeemer, exulting with holy joy, and paying to him the just homages of
adoration, praise, and love.
The angel calls this
wonderful mystery a subject of great joy to all the people. Indeed our hearts
must be insensible to all spiritual things if they do not overflow with holy
joy at the consideration of so glorious a mercy, in which is displayed such an
excess of the divine goodness, and by which such inestimable benefits and so
high an honour accrue to us. The very thought and foreknowledge of this mystery
comforted Adam in his banishment from Paradise. The promise of it sweetened the
laborious pilgrimage of Abraham. The same encouraged Jacob to dread no
adversity, and Moses to brave all dangers and conquer all difficulties in
delivering the Israelites from the Egyptian slavery. All the prophets saw it in
spirit with Abraham, and they rejoiced. If the expectation of it gave the
patriarchs such joy, how much ought the accomplishment to create in us! Joy is defined
the delight of a rational creature arising from the possession of a desired
object. It must then be proportioned to the nature of the possession;
consequently it ought to be as much greater in us as the fruition of a good
surpasses the promise, possession the hope, or fruit the blossom. This St.
Peter Chrysologus illustrates with regard to this difference of the Old and New
Law as follows: “The letter of a friend,” says he, “is comfortable; but his
presence is much more welcome: a bond is useful; but the payment more so:
blossoms are pleasing, but only till the fruit appears. The ancient fathers
received God’s letters: we enjoy his presence: they had the promise, we the
accomplishment: they the bond, we the payment.” How would those ancient saints
have exulted to have beheld with Simeon the completion of this great mercy! for
which they never ceased ardently to sigh, weep, and pray. This reflection made
St. Bernard say: 30 “Very
often do I revolve in mind the ardour of the desire with which the fathers
sighed for the coming of Christ in the flesh: and I am filled within myself
with confusion, and penetrated with compunction; and even now scarce am I able
to contain my tears: so much am I ashamed of the sloth and lukewarmness of
these wretched times. For who amongst us now conceives so much joy from the
presence of this grace, as the promise of it inflamed desire in the ancient
saints? Behold many indeed will rejoice in this festival; but I wish it were on
account of the festival, not of vanity.” 31 Christians
who rejoice with a worldly, vain, or carnal mirth, are strangers to the spirit
of God, and his holy joy. This arises from a feeling sense of the blessings
which we receive, and the love which God bears to us in this mystery; to which
souls which are immersed in the flesh and vanity, are strangers. Did they truly
weep under their spiritual miseries, and value these advantages, some degree of
this spiritual joy would enter their hearts. Some exterior marks of this joy
are allowed, provided they be not sought for themselves, but such as suit a
penitential state and Christian gravity, both by their nature and extreme
moderation that is held in them; and, lastly, provided motives of virtue
sanctify them, and they express and spring from an interior spiritual joy,
which is altogether holy. If sensuality have any share in our festivals, they
are rather heathenish Bacchanals than Christian solemnities, and on them we
feed and strengthen those passions which Christ was born only to teach us to
subdue. To sanctify this feast, we ought to consecrate it to devotion, and
principally to the exercises of adoration, praise, and love. This is the tribute
we must offer to our new-born Saviour; when we visit him in spirit with the
good shepherds. With them we must enter the stable, and contemplate this
mystery with a lively faith, by which, under the veils of this infant body, we
discover the infinite majesty of our God; and in this mystery we shall discern
a prodigy of omnipotence to excite our praise, and a prodigy of love to kindle
in our souls the affections of ardent love of God.
To contemplate immensity
shut up in a little body, omnipotence clothed with weakness, the eternal God
born in time, the joy of angels bathed in tears, is something far more
wonderful than to consider God creating a world out of nothing, moving the
heavens, and weighing the universe with a finger. This is a mystery altogether
unutterable; to be adored in silence, and in raptures of admiration, not to be
declared by words. “How can any one speak of the wonder which is here wrought
amongst us?” says St. Fulgentius. 32 “A
man of God, a creature of his Creator, one who is finite and was born in time
of Him who is immense and eternal.” Here, He who is wonderful in all his works,
has outdone what creatures could have known to be possible to Omnipotence
itself, had they not seen it accomplished. Another eminent servant of God cries
out upon this mystery: 33 “O
Lord our God, how admirable is thy name over all the earth! Truly thou art a
God working wonders. I am not now astonished at the creation of the world, at
the heavens, at the earth, at the succession of days and seasons; but I wonder
to see God inclosed in the womb of a virgin, the Omnipotent lain in a manger,
the eternal Word clothed with flesh. Ought we not to invite the heavenly
spirits to exert their might in praising the Lord for this incomprehensible
effort of his power, goodness, and wisdom? to glorify their God in this state
of humiliation which his infinite love has moved him to put on to save sinful
man? Adore him, all you his angels. 34 But
these devout spirits have received a strict injunction to acquit themselves of
this duty. The eternal Father, when he brought his Son into the world, laid on
them his commands, saying: Let all the angels of God adore him. 35 Though
they neither wanted invitation nor command, their own devotion being their
prompter. O! what must have been their sentiments, when they saw a stable
converted into heaven by the wonderful presence of its king, and beheld that
divine infant, knowing his weak hands to be those which framed the universe,
and bordered the heavens with light; and that by Him both the heavens and the
earth subsist? Are they not more astonished to contemplate him in this humble,
hidden state, than seated on the throne of his glory? In the most profound
sentiments of adoration and love they sound forth his praises in the loudest
strains, and, with their melody, fill not only the heavens, but also the earth.
Shall not man, for whom this whole mystery is wrought, and who is so much
favoured, and so highly privileged and ennobled by the same burn with a holy
ardour to perform his part in this duty, and make the best return he is able of
gratitude, adoration, and praise? To these exercises we ought to consecrate a
considerable part of our devotions, especially on this festival, repeating with
fervour the psalms, which chiefly consist of acts of divine praises, the hymn
of thanksgiving used by the church, commonly ascribed to St. Ambrose and St.
Austin, 36 and
the angelical hymn, Glory and praise be given by all creatures to God alone in
the highest heavens; and peace (or pardon, reconciliation, grace, and all
spiritual happiness) to men of good-will. 37 In
our devotions, also, acts of love ought to challenge a principal part, the
Incarnation of the Son of God being the mystery of love; or properly a kind of
ecstasy of love, in which God strips himself, as it were, of the rays of his
glory to visit us, to become our brother, and to make himself in all things
like to us.
Love is the tribute which
God challenges of us in a particular manner, in this mystery: this is the
return which he requires of us for all he has done and suffered for us. He says
to us: Son, give me thy heart. To love him is our sovereign
happiness, and the highest dignity and honour to which a creature can aspire.
To be suffered to make him a tender of our love ought alone to have engaged us
not to neglect any means of corresponding with such a grace; but we are bound
to it upon the title of the strictest justice. God being infinite in all
perfections, is infinitely worthy of our love, and we ought to love him with an
infinite love, if we were capable of it. We are also bound to love him in
gratitude, especially for the benefit of his incarnation, in which he has given
us himself, and this in order to rescue us from extreme miseries, and to bestow
on us the most incomprehensible graces and favours. Man had sinned, and was
become the associate of the devil. God mercifully sought him out, and, by his
promise of a Redeemer, raised him from the gulf into which he was fallen.
Nevertheless, almost all the nations of the earth had, by blindly following
their passions, at length fallen into a total forgetfulness of God who made
them, and deified first inanimate stars and planets, afterwards dead men, the
most impious and profligate of the human race; also the works of their own
hands, often beasts, monsters, and their own basest passions; the most infamous
crimes they authorized by the sanction of pretended religious rites; the
numbers and boldness of the criminals screened them from the danger of
disgrace; and from every corner of the earth vice cried to heaven for
vengeance. The Jews, who had been favoured by God above all other nations, and
declared his peculiar people, were nevertheless abandoned to envy, jealousy,
pride, and other vices; so that even amongst them the number of privileged
souls which remained faithful to God, appeared to be very small. Are we not
affrighted to consider this deluge of iniquity, this monstrous scene of horror!
Yet such was the face of the earth when the Son of God honoured it with his
divine presence and conversation. Who would not have imagined when he heard
that God was coming to visit the earth, that it must have been to destroy it by
fire from heaven, as he had done Sodom, and to bury its rebellious inhabitants
in hell? But no; whilst the world was reeking with blood and oppressions, and
overrun with impiety, he came to save it. How does the ingratitude and baseness
of man set off his love! At the sight of our miseries his compassion was stirred
up the more tenderly, and his bowels yearned towards us. He came to save us
when we deserved nothing at his hands but eternal torments. Also the manner in
which he came to visit us, shows yet in a more astonishing manner the excess of
his goodness and charity for us. To engage our hearts more strongly, he has
made himself like to us, taking upon him our nature. God was seen upon
earth, and has conversed with men. 38 The
Word was made flesh. 39 God
is born an infinite babe, the Eternal is become a young child, the Omnipotent
is made weak, he who is essentially infinite and independent, is voluntarily
reduced to a state of subjection, and humbled beneath his own creatures. It is
love, and the love of us sinful men that hath done all this. “O strong wine of
charity!” cries out St. Thomas of Villa Nova, 40 “O
most powerful triumph of love! thou hast conquered the invincible: the Almighty
is become thy captive. O truly excess of charity!” Can we contemplate this
divine infant, or call to mind this adorable mystery, without melting in love?
So sweetly do all its circumstances breathe the most tender love: which the
church expresses by saying, that on this day the heavens flow with honey. Can
we ever satiate the affection of our souls by repeating to ourselves those
amiable words, and reciting them every time with a fresh effusion of joy and
love? A little One is born to us: a Son is given to us. 41 Or, This
day is born to you a Saviour. 42
St. Francis of Assisium
appeared not able to contain himself through excessive tenderness of love, when
he spoke of this mystery, and named the Little Babe of Bethlehem. St. Bernard
says: “God on the throne of his majesty and greatness commands our fear and our
homages: but in his littleness especially our love.” 43 This
father invites all created beings to join him in love and adoration, and to
listen in awful silence to the proclamation of the festival in honour of this
mystery made in the Roman Martyrology. “Hear ye heavens,” says he, “and lend
your ears, O earth. Stand in raptures of astonishment and praise, O you whole
creation, but you chiefly, O man. Jesus Christ, the Son of the living God,
was born in Bethlehem of Juda. O short word of the Eternal Word abridged
for us! but filled with heavenly sweetness. The affection of this melting
sweetness struggles within, earnestly labouring widely to diffuse its teeming
abundance, but finds not words. For such is the grace and energy of this
speech, that it relishes less, if one iota in it be changed.” In
another sermon, having repeated the same words, he adds: “At these words my
soul melts, and my spirit boils within me, hastening with burning desire to
publish to you this exultation and joy.” 44 If
this love were kindled in our breast, nothing were sweeter to us than to abide
in spirit at the feet of Jesus, pondering the motive, that is, the excess of
divine love, which brought him from heaven, and contemplating the other
circumstances of this mystery. How ought we to salute and adore those sacred
hands which are weakened, wrapped in clouts, or stretched on the manger, for
love of us, but which move the heavens, and uphold and govern the universe.
Also those divine feet, which will undergo so many fatigues, and at length be
bored on the cross for us. That blood which purples his little veins, and dyes
his blessed cheeks, but which is the price of our redemption, and will be one
day poured out upon the cross. How is this sweet countenance, which is the joy
of angels, now concealed? But it will one day be buffeted, bruised, and covered
with filthy phlegm. How ought we respectfully to honour it? His holy flesh,
more pure than angels, even now begins to suffer from the cold and other
hardships: do we not desire to defend it from these injuries? But this cannot
be allowed. Nor could any one oppose the work of our redemption. Sin is the
cause of all that he suffers, and shall not we detest and shun that monster?
The loving eyes of the divine Jesus pierce our souls. They are now bathed in
tears; though, as St. Bernard says, “Jesus weeps not as other children, or at
least not on the same account.” They cry for their wants and weakness, Jesus for
compassion and love for us. May these precious tears move the heavenly Father
to show us mercy; and may they soften, wash, and cleanse our souls. “These
tears excite in me both grief and shame,” says the same father, “when I
consider my own insensibility amidst my spiritual miseries.” But nothing in
this contemplation will more strongly move us than to penetrate into the
interior employment of this divine Saviour’s holy soul, and to consider the
ardour of his zeal in the praises of his Father, and in his supplications to
Him on our behalf; his compassion for us, and the constant oblation which he
made of himself to obtain for us mercy and grace. Such meditations and pious
entertainments of our souls will have great force in kindling the fire of holy
love in our hearts. But all endeavours would be weak, so long as we do not
labour effectually to remove all obstacles to this holy love in our affections.
To cure these disorders is the chief end of the birth of Christ; he purchased
the grace for us by his sufferings, and he taught us the remedies by his
example.
Christ’s actions are no
less instructions to us than his discourses. His life is the gospel reduced to
practice. It is enough to study it to understand well his doctrine: and to
become perfect we must imitate his example. By this he instructs us in his very
nativity, beginning first to practise, then to preach. 45 Hence
the manger was his first pulpit, and in it he teaches us the cure of our
spiritual maladies. The Jews, addicted to their senses and passions, blinded
themselves, mistook the prophets, and framed an idea of a Messiah agreeable to
their own fancy, who should be a rich and mighty conqueror, and should make
Jerusalem the greatest city, and their nation the most flourishing empire in
the world. But this was not such a Messiah as we wanted. Gold and silver, and a
magnificent city, would only have us more in love with our exile, so as to
forget more our heavenly country. Such a Saviour could have only served to nourish,
not to heal our corruption. He would have raised our desires and passions, and
made himself the instrument to feed and gratify them. He would have been a
tempter and deceiver; to have been shunned by those who knew their distempers,
and sought their true remedies. But the prophets give the Messiah the very
opposite characteristics. The fifty-third chapter of Isaiah alone, not to
mention many other prophecies, evinces this truth, and ought to have opened the
eyes of the carnal Jews. The saints, who had all learned a spirit of contempt
of such goods, would never have languished for the coming of such a Saviour: as
gold, worldly honours, or empire were not the presents they asked or expected
from him, but the cure of their infirmities, and the abundance of his heavenly
graces. He is come such as the holy prophets had desired and foretold, such as
our miseries required, our true physician and Saviour. He wanted not on earth
honours or sceptres; he came not to taste of our vanities: riches and glory he abounded
with. He came among us to seek our miseries, our poverty, our humiliation, to
repair the injuries our pride had offered to the Godhead, and to apply a remedy
to our souls. Therefore he chose not a palace, or a great city; but a poor
mother, a little town, a stable. He who adorns the world, and clothes the
lilies of the fields beyond the majesty of Solomon in his glory, is wrapt up in
rags, and laid in a manger. And this he chose to be the great sign of his
appearance. And this shall be a sign to you: said the angel to the
shepherds: you shall find the child wrapped in swaddling-clothes, and laid
in a manger. Are then rags and a manger the wonderful sign of our God
appearing on earth? Are these the works of the great Messiah, of whom the
prophets spoke such glorious things? This it was that scandalized the Jews in
his birth. “Take from us those clouts, and that manger,” said Marcion, unjustly
prepossessed against the humility of such an appearance. 46 But
this is a sign which God himself hath chosen, and set up for his standard; a
sign to be the contradiction to our pride, covetousness, and sensuality. And do
not we wonder at the stupendous virtue and efficacy of this sign, so shocking
to the senses and passions, when we see how it drew to it the little and great,
the magians and the shepherds, who knew their Saviour by it, and returned
glorifying God? How many have enrolled themselves under the same standard! Yet
is it still a scandal and a contradiction to many who call themselves its
followers, who blush at it, not in Christ indeed, but by a strange
inconsistency in themselves, whilst they pretend to walk in his spirit. Would
not these nominal Christians have rejected Jesus with the Jews, had they been
then alive? Do they not now exclude him from their hearts?
Christ set up this his
mark for us: it is our powerful instruction. The grace of God the Saviour
hath appeared to all men, instructing us, says the apostle. 47 All
men, the rich and the poor, the great and the small, all who desire to have a
share in his grace or in his kingdom. And what breast can be so stony as not to
be softened at this example? Our inveterate diseases seemed almost
unconquerable. But Christ is come, the omnipotent Physician, to apply a remedy
to them. Our disorders flow from three sources. All that is in the world,
is the concupiscence of the flesh, and the concupiscence of the eyes, and the
pride of life. 48 What
is concupiscence of the flesh, but the inordinate inclination to gratify the
senses? Christ, to encourage us to renounce this love of sensual pleasures, and
to satisfy his justice by his own sufferings for our offences in this way,
begins to suffer as soon as he begins to live. At his very birth he exposes his
delicate body to the inclemency of the severest season of the year, to the hard
boards of the manger for a cradle, to hunger, and to privation of the most ordinary
conveniences and necessaries of human life. His tender and divine limbs tremble
with cold, his eyes stream with tears, and he consecrated the first moments of
his life to suffering and pain. He who directs the seasons, governs the
universe, and disposes all things, has ordained every thing for this very end.
Yet we study in all things to flatter our senses, to pamper our bodies in
softness and every gratification, and to remove every thing that is hard or
painful. Is this to imitate the model of penance and mortification that is set
us? Christ, by these sufferings, and this privation of all things, shows us
that he came to satisfy the justice of his Father, and to repair the injury
done to his glory by our sins. But by the same he teaches us the remedies of
our disorders, and shows us how they are to be applied to our souls; as he came
to instruct us in all we want to know and do in order to save our souls, and to
reform all our irregular passions and manners. Could he have preached this more
powerfully than he has done by the example of his birth? How comes it,
notwithstanding, that we are not yet sufficiently persuaded that we cannot be
saved at a cheaper rate than by a constant practice of self-denial and penance?
“Either Christ is deceived, or the world errs,” says St. Bernard. 49 The
former is impossible: the very thought would be blasphemy. It is then clear,
that notwithstanding the torrent of the example in the world, a life of
softness, intemperance, and sensual delights is the incentive of vice, and the
sure road to eternal perdition.
By concupiscence of the
eyes is understood the love of riches; the second root of the disorders which
reign in the world, and the foundation of its false maxims. This our Saviour
teaches us to root out of our hearts by embracing the most austere poverty, and
consecrating it in his divine body, to use the expression of St. Bernard. He
shows us the danger of riches, and the crime and disorder of a love or eager
pursuit of them. Riches are good in the designs of Providence: and what is more
noble than to have the means of relieving the distresses of others? This motive
all pretend in amassing riches; but seek in them only the interest of
self-love. Riches are a fruit which the sin of our first parent has infected
with a mortal poison. They make salvation very difficult by the dangers which
attend them, and by the great obligations they lay men under, and which are
little thought on. The woe which the gospel pronounces against the rich, falls
not upon them because they gather the fruits of the earth, but because they
seek them with too great eagerness, or set their hearts too much on them. The
rich and the poor adore them in their desires. This is the disorder. Men may be
poor in spirit in the midst of riches. But this is truly an extraordinary
grace. Those that are blessed with riches must fear them, lest they find
admittance into their hearts. They must watch over themselves against this
danger, always bearing in mind that they are things so frail, so troublesome,
and such incentives of vice, that reason taught the philosophers amongst the
heathens to despise them. They are moreover most frequently either the effect
or the cause of iniquity; faulty either in their acquisition or in their use.
In their acquisition, in which injustices are so frequent, that Seneca says:
“Every rich man is either unjust, or the heir of one who was unjust.” And the
organ of the Holy Ghost declares: He that maketh haste to be rich, shall
not be innocent. 50 At
least a desire of riches usually attends the acquisition, which is many ways
inordinate; and is always a spiritual fever which destroys the relish of
heavenly goods, and consumes the very vitals of the interior life. It is an
idolatry, as St. Paul calls it, 51 and
the same master who commanded idols to be banished out of the world, obliges us
to banish the love of riches out of our hearts. The least reserve draws on us
the curse of heaven. This desire in the rich is insatiable. The prophet Isaias
said to them: 52 Wo
to you that join house to house, and lay field to field, even to the end of the
place: shall you alone dwell in the midst of the earth? And the Roman
satirist reproached one that seemed to design to make all Rome a single house
for himself. 53 The
rich are anxious for superfluities, and are tormented by extravagant desires.
The poor have here often as much to correct; the desire of possessions is as
criminal as an attachment to the possession; it often exposes to a thousand
injustices, under subtle disguises, and shuts the heart to divine grace. Let
all labour in the world, but not for the world; and let all inordinate desires
and anxiety be cut off. Let the poor place themselves nearest to Jesus Christ,
and, learning from him the happiness of their condition, study, their own
sanctification in it. Let the rich look upon their possessions as a burden hard
to bear well, and labour to sanctify them by a good use, and by imitating
Christ, our model, in a perfect spirit of disengagement and poverty. For in the
use of riches there are still greater dangers than in the acquisition. These
are, lest a man forget himself and his miseries; feel a complacency in his
plenty, and be puffed up with pride; live in pleasures and softness which
custom seems to authorize, and in a circle of amusements which flatter the
senses; gratify his passions which riches inflame; think himself by riches
qualified for everything, and take upon him employments and obligations for the
discharge of which he has not abilities; refuse the debt which he owes to the
poor of all his superfluities; live in luxury, which damned the rich glutton,
and practise neither mortification nor penance. Is not sloth a crime which
damns souls, and is the mother of all vice? Yet how many among the rich fly study
and labour, as if they thought sloth, vanity, and pleasure the privilege of
their rank! Is not the life of a Christian to be penitential? Where is that of
the rich such? Vicious inclinations are roused and strengthened by riches; and
by incentives and opportunities the passions often reign in the heart of the
rich with uncontrollable empire. If they sometimes confess the vanity and
illusion of the world, and condemn their own folly, this sentiment is stifled
almost in its birth, and in a short time they are again plunged into a
forgetfulness of themselves, and by a relapse are more culpable than before. To
other dangers we must add the misfortune that the rich are surrounded by
flatterers, and that others artfully conspire to blind and betray them amidst
their dangers. How often does it happen that ministers of God deceive them,
calling evil good, and good evil; soothing their passions or disguising their
obligations. But without entering into this detail, do not the curses of Christ
suffice to make all Christians tremble at the dangers of this state? This fear
alone can render those that are in it secure, by making them always watch over
their own hearts, that they be not led into any snares. By this means, though
Christ declares riches one of the most dangerous obstacles of grace, many
saints have changed them into the means of their salvation, joining with their
possession a spirit of poverty and disengagement, and making them the
instruments of justice and charity. It is therefore neither to riches nor to
poverty that Christ promises the kingdom of heaven; but to the disengagement of
the heart from the love of riches in whatever state persons live. But that of
poverty he recommends by his own choice, as the easier and happier for the
practice of the most perfect virtues. The world indeed abounds with poverty;
but not with that of which Christ sets up the standard. Because worldly poor
complain and groan under the hardships of their condition, and blush at its
humiliations, which they ought to esteem as the means of grace, opportunities
of virtue, remedies of their evils, and the livery of their God and Redeemer.
Pride being the third and
principal source of our disorders, and our deepest wound, humility is displayed
in the most wonderful manner in the birth of the Son of God. What is the whole
mystery of the Incarnation but the most astonishing humiliation of the Deity?
To expiate our pride, and to repair the injury offered to the adorable Trinity
by our usurpation, the eternal Son of God divests himself of his glory, and
takes upon him the form of Man. Neither is he content with making this infinite
descent, but every circumstance in the manner of making it, is carried to the
most amazing degree of humiliation. Who would not expect to hear, that when God
descended upon earth, the heavens would bend beneath him, the earth be moved at
his sight, and all nature arrayed with magnificence? Who would not think that
the whole creation would be overwhelmed with the glory of his presence, and
tremble with awe before him? But nothing of this was seen. “He came not,” says
St. Chrysostom, 54 “so
as to shake the world at the presence of his majesty: nor did he appear in
thunder and lightning, as on Mount Sinai; but he descended sweetly, no man
knowing it.” While all things were in deep silence, and the night was in
the midst of her course, thy Almighty Word came down from heaven, from thy
royal throne. 55 No
one of the great ones of the world is apprized of this great mystery. Those few
chosen persons to whom he is pleased to reveal himself, are called to adore him
in the closest secrecy and silence. If this be the manner in which he comes,
what is the appearance which he makes among men? At this sight what must be our
astonishment! To what a condition do we see the king of glory reduced! He
appears the outcast of the world, is rejected by his own people, who refuse to
receive him under their roof, is lodged in a stable, wrapped in rags, and laid
in a manger. Is this abandoned shelter of cattle, this crib of beasts, the
place where God was to repose on earth? Are these rags the ensigns of infinite
majesty?
How different was the
lodging, the clothing, the attendance of many princes who at that very time
were born into the world, laid in down, lodged in palaces, and served by many
hands. How comes the King of heaven to make his appearance in such a state of
abasement, and so destitute of due honour, and of every convenience! His birth
is, notwithstanding, the master-piece of infinite wisdom, mercy, and
omnipotence. These perfections nowhere shine more admirably than in this
mystery; for he came thus to be our physician, to correct our mistaken judgment
of things, to heal our pride, to bring, and to encourage us to use the remedy
to our grievous maladies, and to overcome our reluctancy to its bitterness by taking
it first himself. Therefore humility was to be his ensign, and the angel gave
his rags and manger to the shepherds, for the mark by which he was to be
known. This shall be to you a sign. Does not the reproach which his
example makes to us, open our eyes, and touch our hearts? What do we behold! A
God poor, a God humbled, a God suffering! And can we any longer entertain
thoughts of sensuality, ambition, or pride?
If this humility of
a God be most astonishing, is not the blindness and pride of man, after such an
example, something, if possible, still more inconceivable? Christ is born thus
only to atone for our pride, to shew us the beauty of humility, and to plant it
in our hearts. Humility is his standard; and the spirit of sincere humility is
the mark by which his disciples must be known to be his. Can we profess
ourselves his followers, can we look upon the example which he has set us, and
yet continue to entertain thoughts of ambition and pride? To learn the interior
perfect spirit of humility and all other virtues, we cannot make use of any
more powerful means than serious and frequent meditation on his nativity and
divine life. Placing ourselves in spirit at the manger, after the tender of our
homages by acts of adoration, praise, thanksgiving, and love, we must study in
him the lessons of all virtues, and must present to our new-born king, our
earnest supplications to obtain of him all those gifts and graces which he
comes to bestow upon us. Let us learn humility from the lowliness in which he
appears, and from the humility of his sacred heart. Let us learn meekness by
beholding the sweetness and patience with which this God-man receives all injuries
from men and from the elements. Let us learn resignation from the indifference
with which he bears cold, wants, wrongs, and whatever is sent him. Let us learn
obedience from the most perfect submission of our blessed Saviour to the will
of his heavenly Father, from his birth offering himself without reserve even to
the death of the cross. Let us learn charity from the ardour of his divine
love. Let us learn a contempt of the world and its perishable goods from the
extreme poverty which Christ made his voluntary choice. Let not the spirit and
maxims of the world reign any longer in our hearts, since Christ has shewn us
such powerful motives, and presented us such sovereign remedies against them. 56 If
we still continue possessed with them, when will our follies be corrected? 57 Have
we not hitherto been idolaters of ourselves by pride, idolaters of the world by
vanity and avarice, and idolaters of our flesh by living enslaved to our
senses? These idols we
renounced at baptism: but
have we not lived in a perfidious violation of these vows? Unless we now
sincerely renew these engagements, and banish these idols out of our
affections, Jesus can never be spiritually born in our souls, and we can never
inherit his spirit, which was the end of his carnal nativity. He is meek and
the king of peace, the lover of purity and of chaste affections, and the avowed
enemy to every spirit of pride, hatred, and revenge. Bees cannot approach filth
and stench: infinitely more Christ flies with abhorrence from souls that are
defiled with sinful or earthly affections. In such he finds no place, any more
than he did in the inns at Bethlehem. We must earnestly invite and entreat him
who vehemently desires to be born in our hearts, that he prepare our souls to
receive him by his graces, that he cleanse them by his mercy and by inspiring
us with sincere compunction, that he banish every inordinate passion, fill us
with his holy spirit, and by it reign in all our affections, thoughts, and
actions; that as by his nativity he is become all ours, so we may be altogether
his. Without this condition we frustrate in ourselves the end of his coming: he
is not born for us, unless by his spirit he be born in us. Let us conjure him
by the infinite love with which he came for this very purpose, that he suffer
us not wretchedly to defeat this his mercy. For this happiness we ought
ardently to repeat that petition which he himself has put into our
mouths: Thy kingdom come. The devout Thaulerus teaches us to ask it
by the following prayer: 58 “Come,
O my Lord Jesus Christ, take away all scandals out of thy kingdom, which is my
soul, that you who ought, may reign in it alone. Pride, lust, envy, detraction,
anger, and other passions fight in my heart, to usurp portions to themselves.
Through your grace I watch and resist with all my strength. I cry out that I
belong to you alone, and am all yours; and stretching out my hands to you, I
say: I have no king but the Lord Jesus. Come, therefore, O Lord; disperse your
enemies in your mighty strength, and you will reign in me, because you are my
King and my God.”
The custom of one priest
celebrating several masses on the same day prevailed in many places on great
festivals. 59 Prudentius,
in his twelfth hymn, On the Crowns of Martyrs, mentions, that on the feast of
SS. Peter and Paul, the 29th of June, the pope said mass first at the Vatican,
and afterwards in the church of St. Paul, without the city. The popes on Christmas-day
formerly said three masses, the first in the Liberian basilic, the second in
the church of St. Anastasia, the third in the Vatican, as Benedict XIV. proves
from ancient Roman orders or missals. St. Gregory the Great speaks of saying
three masses on this day. 60 This
custom of the popes was universally imitated, and is every where retained,
though not of precept. Pouget 61 says,
that these three masses are celebrated to honour the triple birth of Christ;
the first, by which he proceeds from his Father before all ages; the second,
from the Blessed Virgin Mary; and the third, by which he is spiritually born in
our souls by faith and charity. That Christ was born on the 25th of December,
Pope Benedict XIV. proves by the authority of St. Chrysostom, St. Gregory of
Nyssa, St. Austin, &c. and answers the objections of Scaliger and Samuel
Basnage. 62 He
doubts not but the Greek Church originally kept this festival on the same day; 63 and
he takes notice, that among the principal feasts of the year it holds the next place
after Easter and Whitsunday. 64
Note
4. Ib. xxvi.
and xxviii. [back]
Note
6. Isa. ii.
4; Mich. iv. 2. [back]
Note
7. Gen. xlix.
8, 10. [back]
Note
9. Malachi iii.
1. [back]
Note
10. Dan. ii.
32; v.
20; viii.
3. See Rollin, or Mezengui, or Calmet. [back]
Note
11. Dan. ix.
21, &c. See Nouveau Comment. t. 9, p. 500. [back]
Note
12. Numb. xxiv.
17. [back]
Note
14. Tacit. in Annal. [back]
Note
15. See the life of Josephus. [back]
Note
16. Acts v.
36, xxi.
88. Joseph. Ant. l. 20, c. 2, et 6, l. 18, c. 1. Idem. De Bello Jud. l. 7,
c. 31, &c. Read Dissert. sur les Faux Messies, in the new Fr. Comment. t.
11, p. 21. [back]
Note
17. Spartian in Adriano, c. 14. See Basnage, Contin. de l’Hist.
des Juifs, t. 2, p. 123. Also Annot. Josephi de Voisin, in two parts, c.
2. Pugioni’s Fidei Huet. Demonst. Evang. &c. [back]
Note
18. Luke ii.
1, 2, 3. [back]
Note
20. Orig. hom. ii. in Luc. [back]
Note
21. St. Justin, Apol. i. ol. 2. [back]
Note
22. Tert. l. 4, cont. Marcion. [back]
Note
23. St. Chrys. in Matt. hic. [back]
Note
24. The word Messiah is derived from the Hebrew Mashach, which
signifies, to anoint. In the Greek tongue Christ, or the
Anointed, is the interpretation of this name. The word is sometimes
applied to kings and high priests, who were anointed among the Hebrews; as 1
Kings (or Sam.) xii. 5, &c. Ps. civ. Heb. v. 15, but by way of eminency it
belonged to the sovereign spiritual deliverer and Saviour of mankind, so often
and so solemnly promised by God to his people. [back]
Note
25. See Calmet’s Diss. sur les Charactéres du Messie, suivant les
Juifs, at the head of his comm. on St. Matthew. [back]
Note
26. St. Chrys. hom. 2, in Matt, t. 7, p. 21, ed. Ben. [back]
Note
27. St. Jerom says, this cave lay on the south side of the city: St.
Justin, martyr, (Dial.) and Eusebius (Demonst. Ev. l. 7, c. 2,) tell us, it was
without the city, in the fields. Casaubon (Exercit. 2, in Baron, p. 143,) and
Krausen, (Diss. cui titulus: Christi locus natalitius in Thesauro Diss. in Nov.
Testam. edit. 1732, t. 2,) also among the Catholics Maldonatus (in Luc. c. 2,)
and Drexelius, (t. 2, de Christo Nascente, p. 391,) will have it that this cave
was situate within the town of Bethlehem. But the contrary assertion of
Baronius is confirmed by Natalis Alexander, Tillemont, Calmet, Serry, (Exerc.
30, n. 2,) Card. Gotti, (de Verit. Relig. Christian. t. 4, c. 7, sec. 3,)
Honore of St. Mary, (Crit. t. 2, l. 3, diss. 2, art. 2,) and Quaresmius,
(Elucid. Terræ Sanctæ, t. 2, l. 5, c. 4.) The cave on the side of a rock is
about forty feet deep, and twelve wide, growing narrow towards the roof. To
this day there are three convents of Latins, Greeks, and Armenians, all
contiguous, each having their several doors opening into the chapel of the Holy
Manger. There are also shown at Bethlehem the chapel of St. Joseph, that of the
Holy Innocents, and those of St. Jerom, St. Paula, and St. Eustochium. The
manger in which Christ was born, the object of the devotion of St. Paula and
St. Jerom, (ep. 108, ad Eustoch. § 10,) is of wood, and is kept in the church
of St. Mary Major at Rome, whither it was brought with some stones cut out of
the rock in the cave at Bethlehem, not in the year 352, as some say, but in the
seventh century, as Benedict XIV. proves, (l. 4, de Canoniz. part 2.) On the
description of Bethlehem, see Adrichomius, and principally Quaresmius. Also,
Fr. Blanchini, diss. 1, de Præsepe et Cunis Dni. J. C. in basilicam Liberianam
translatis. Tillemont, (note 5,) Baillet, and some others think the opinion
that an ox and an ass were in the stable, arose from Isaiah i.
3, and Habacuc iii.
2, (which latter passage is, according to the seventy, In the midst of
the beasts thou shall be made known,) both which prophecies the fathers expound
metaphorically. But the truth of this tradition is maintained by Baronius, (ad
an. 1, n. 3.) Graveson, (de Myster. Chr. p. 156.) Honore of St. Mary, (Crit. t.
2, l. 3, diss. 2, art. 3.) Ayala, (Pictor Christianus, l. 3, c. 1, n. 7.)
Sandinus, (Historia familiæ sacræ, c. 1, p. 12.) Quaresmius, (Elucid. Terræ
Sanctæ, l. 6, c. 5.) Benedict XIV. (l. 1, de Myster. c. 17, n. 37,) &c. See
St. Jerom, ep. 108, ad Eustoch. &c. Several ancient paintings in glass and
sculptures on sepulchres of the fourth century, and some probably older,
represent the ox and the ass present at the birth of Christ. See Bottarius (t.
1, explicit. sacrar. pictur. et sculptur. Romæ subterraneæ, tab. 22, pp. 88,
89,) and Gorius. (Observ. de præsepi Dni, N. J. C. n. 13, p. 82.) [back]Note
28. St. Bonav. Vit. Christi, c. 10. [back]
Note
29. Luke ii.
9, 20. [back]
Note
30. St. Bern. Serm. in Cant. c. 2. [back]
Note
31. “Sed utinam de festivitate, non de vanitate.” [back]
Note
32. St. Fulgentius, Serm. 2, de Nativ. [back]
Note
33. Arnoldus Bonnevallis, Serm. de Nativ. inter Opera S.
Cypriani. [back]
Note
36. Berti (in vitâ S. Aug.) maintains it to be their work: but the
style alone seems to disprove that popular opinion, though it is near as old as
the age in which they flourished. Bishop Atterbury justly admires the energetic
plainness and simplicity of this hymn, far superior to all rhetorical strains,
or pompous illustrations and similes. [back]
Note
37. The present Greek text reads this passage: Good will to men, so
as to make it a third member of the sentence, and to signify, peace or pardon
to the earth, and divine favour and grace to men. The sense is nearly the
same. [back]
Note
38. Baruch. iii. 38. [back]
Note
40. S. Tho. de Villa-Nova, Conc. 3, in Dom. 1, Ad. [back]
Note
43. “Magnus Dominus, et laudabilis nimis: Parvus Dominus, et amabilis
nimis.” S. Bern. Serm. 1, in Nativ. Dom. in verba Martyrol. p.
755. [back]
Note
44. S. Bern. Serm. 6, in Vigil. Nativ. p. 771. [back]
Note
46. “Aufer a nobis pannos, et dura præsepia.” Ap. Tert. 1,
adv. Marcion. [back]
Note
48. 1 John ii.
16. [back]
Note
49. “Aut Christus fallitur, aut mundus errat.” S. Bern. Serm.
3, de Nat. [back]
Note
50. Prov. xxviii.
20. [back]
Note
53. “Roma domus fiet.” [back]
Note
54. S. Chrysost. in Ps. 50, p. 536, t. 5. [back]
Note
55. Wisd. xviii. 14, 15. [back]
Note
56. “Saltem usque ad adventum Filii Dei error vester duraverit.” S.
Aug. En. in Ps. iv. [back]
Note
57. “Quando habituri finem fallaciarum?” [back]
Note
58. Thauler. Serm. in Domin. 3, Adventus. [back]
Note
59. See Bona Rer. Liturg. l. 1, c. 18, n. 6. Joseph. Vicecomes,
De antiquis missæ ritibus, l. 3, c. 28, &c. [back]
Note
60. S. Greg. hom. 8, in Evang. [back]
Note
61. Instit. Cathol. t. 1, p. 814. [back]
Note
62. De Festis Cristi D. c. 17, n. 45, p. 411. See F. Honoré, Règles de
Crit. l. 3, diss. 2, art. 1, and Tillemont, note 4. [back]
Note
63. N. 67, loco cit. p. 422. [back]
Note
64. N. 57, p. 417. [back]
Rev. Alban
Butler (1711–73). Volume XII: December. The Lives of the
Saints. 1866.
SOURCE : http://www.bartleby.com/210/12/251.html
Natale del Signore
Con il Natale tutti i
cristiani celebrano la nascita del Figlio di Dio che si fece uomo.
L’Incarnazione del Verbo di Dio segna l’inizio degli “ultimi tempi”, cioè la
Redenzione dell’Umanità da parte di Dio. Rallegratevi, oggi è nato il
Salvatore.
Martirologio Romano:
Trascorsi molti secoli dalla creazione del mondo, quando in principio Dio creò
il cielo e la terra e plasmò l’uomo a sua immagine; e molti secoli da quando,
dopo il diluvio, l’Altissimo aveva fatto risplendere tra le nubi l’arcobaleno,
segno di alleanza e di pace; ventuno secoli dopo che Abramo, nostro Padre nella
fede, migrò dalla terra di Ur dei Caldei; tredici secoli dopo l’uscita del
popolo d’Israele dall’Egitto sotto la guida di Mosè; circa mille anni dopo
l’unzione regale di Davide; nella sessantacinquesima settimana secondo la
profezia di Daniele; all’epoca della centonovantaquattresima Olimpiade;
nell’anno settecentocinquantadue dalla fondazione di Roma; nel quarantaduesimo
anno dell’impero di Cesare Ottaviano Augusto, mentre su tutta la terra regnava
la pace, Gesù Cristo, Dio eterno e Figlio dell’eterno Padre, volendo
santificare il mondo con la sua piissima venuta, concepito per opera dello
Spirito Santo, trascorsi nove mesi, nasce in Betlemme di Giuda dalla Vergine
Maria, fatto uomo: Natale di nostro Signore Gesù Cristo secondo la carne.
La Chiesa celebra con la solennità del Natale la manifestazione del Verbo di Dio agli uomini. E’ questo infatti il senso spirituale più ricorrente, suggerito dalla stessa liturgia, che nelle tre Messe celebrate oggi da ogni sacerdote offre alla nostra meditazione "la nascita eterna del Verbo nel seno degli splendori del Padre (prima Messa); l'apparizione temporale nell'umiltà della carne (seconda Messa); il ritorno finale all'ultimo giudizio (terza Messa)" (Liber Sacramentorum).
Un antico documento, il Cronografo dell'anno 354, attesta l'esistenza a Roma di questa festa al 25 dicembre, che corrisponde alla celebrazione pagana del solstizio d'inverno, "Natalis Solis Invieti", cioè la nascita del nuovo sole che, dopo la notte più lunga dell'anno, riprendeva nuovo vigore.
Celebrando in questo giorno la nascita di colui che è il Sole vero, la luce del mondo, che sorge dalla notte del paganesimo, si è voluto dare un significato del tutto nuovo a una tradizione pagana molto sentita dal popolo, poiché coincideva con le ferie di Saturno, durante le quali gli schiavi ricevevano doni dai loro padroni ed erano invitati a sedere alla stessa mensa, come liberi cittadini. Le strenne natalizie richiamano però più direttamente i doni dei pastori e dei re magi a Gesù Bambino.
In Oriente la nascita di Cristo veniva festeggiata il 6 gennaio, col nome di Epifania, che vuol dire "manifestazione"; poi anche la Chiesa orientale accolse la data del 25 dicembre, come si riscontra in Antiochia verso il 376 al tempo del Crisostomo e nel 380 a Costantinopoli, mentre in Occidente veniva introdotta la festa dell'Epifania, ultima festa del ciclo natalizio, per commemorare la rivelazione della divinità di Cristo al mondo pagano. I testi della liturgia natalizia, formulati in un'epoca di reazione alla eresia trinitaria di Arlo, sottolineano con accenti di calda poesia e con rigore teologico la divinità del Bambino nato nella grotta di Betlem, la sua regalità e onnipotenza per invitarci all'adorazione dell'insondabile mistero del Dio rivestito di carne umana, figlio della purissima Vergine Maria ("fiorito è Cristo ne la carne pura", dice Dante).
L'Incarnazione di Cristo segna la partecipazione diretta degli uomini alla vita divina. La restaurazione dell'uomo mediante la spirituale nascita di Gesù nelle anime è il tema suggerito dalla devozione e dalla pietà cristiana che, al di là delle commoventi tradizioni natalizie fiorite ai margini della liturgia, ci invita a meditare annualmente sul mistero della nostra salvezza in Cristo Signore.
Autore: Piero Bargellini
SOURCE : http://www.santiebeati.it/dettaglio/20650
Natale del Signore
La Chiesa celebra con la
solennità del Natale la manifestazione del Verbo di Dio agli uomini. E’ questo
infatti il senso spirituale più ricorrente, suggerito dalla stessa liturgia,
che nelle tre Messe celebrate oggi da ogni sacerdote offre alla nostra
meditazione "la nascita eterna del Verbo nel seno degli splendori del
Padre (prima Messa); l'apparizione temporale nell'umiltà della carne (seconda
Messa); il ritorno finale all'ultimo giudizio (terza Messa)" (Liber
Sacramentorum).
Un antico documento, il Cronografo dell'anno 354, attesta l'esistenza a Roma di
questa festa al 25 dicembre, che corrisponde alla celebrazione pagana del
solstizio d'inverno, "Natalis Solis Invicti", cioè la nascita del
nuovo sole che, dopo la notte più lunga dell'anno, riprendeva nuovo vigore.
Celebrando in questo giorno la nascita di colui che è il Sole vero, la luce del
mondo, che sorge dalla notte del paganesimo, si è voluto dare un significato
del tutto nuovo a una tradizione pagana molto sentita dal popolo, poiché
coincideva con le ferie di Saturno, durante le quali gli schiavi ricevevano
doni dai loro padroni ed erano invitati a sedere alla stessa mensa, come liberi
cittadini. Le strenne natalizie richiamano però più direttamente i doni dei
pastori e dei re magi a Gesù Bambino.
In Oriente la nascita di Cristo veniva festeggiata il 6 gennaio, col nome di
Epifania, che vuol dire "manifestazione"; poi anche la Chiesa orientale
accolse la data del 25 dicembre, come si riscontra in Antiochia verso il 376 al
tempo del Crisostomo e nel 380 a Costantinopoli, mentre in Occidente veniva
introdotta la festa dell'Epifania, ultima festa del ciclo natalizio, per
commemorare la rivelazione della divinità di Cristo al mondo pagano. I testi
della liturgia natalizia, formulati in un'epoca di reazione alla eresia
trinitaria di Arlo, sottolineano con accenti di calda poesia e con rigore
teologico la divinità del Bambino nato nella grotta di Betlem, la sua regalità
e onnipotenza per invitarci all'adorazione dell'insondabile mistero del Dio
rivestito di carne umana, figlio della purissima Vergine Maria ("fiorito è
Cristo ne la carne pura", dice Dante).
L'Incarnazione di Cristo segna la partecipazione diretta degli uomini alla vita
divina. La restaurazione dell'uomo mediante la spirituale nascita di Gesù nelle
anime è il tema suggerito dalla devozione e dalla pietà cristiana che, al di là
delle commoventi tradizioni natalizie fiorite ai margini della liturgia, ci
invita a meditare annualmente sul mistero della nostra salvezza in Cristo
Signore.
Martirologio Romano: Trascorsi molti secoli dalla creazione del mondo, quando in principio Dio creò il cielo e la terra e plasmò l’uomo a sua immagine; e molti secoli da quando, dopo il diluvio, l’Altissimo aveva fatto risplendere tra le nubi l’arcobaleno, segno di alleanza e di pace; ventuno secoli dopo che Abramo, nostro Padre nella fede, migrò dalla terra di Ur dei Caldei; tredici secoli dopo l’uscita del popolo d’Israele dall’Egitto sotto la guida di Mosè; circa mille anni dopo l’unzione regale di Davide; nella sessantacinquesima settimana secondo la profezia di Daniele; all’epoca della centonovantaquattresima Olimpiade; nell’anno settecentocinquantadue dalla fondazione di Roma; nel quarantaduesimo anno dell’impero di Cesare Ottaviano Augusto, mentre su tutta la terra regnava la pace, Gesù Cristo, Dio eterno e Figlio dell’eterno Padre, volendo santificare il mondo con la sua piissima venuta, concepito per opera dello Spirito Santo, trascorsi nove mesi, nasce in Betlemme di Giuda dalla Vergine Maria, fatto uomo: Natale di nostro Signore Gesù Cristo secondo la carne.
Etimologia del termine Natale
Il nome “Natale” è carico di suggestioni reali e fantastiche, di fede e di
devozione, artistiche filosofiche e teologiche insieme. Nome semplice e
complesso, comune e dotto, divino e umano a un tempo. È un nome ricco di
misteri. La sua etimologia è da ricondursi all'aggettivo latino natalis, col
significato di natalizio, nel senso di “qualcosa che riguarda la nascita”, che,
a sua volta, deriva dal participio perfetto natus, del verbo nasci “nascere”.
Il culto del Sole come precursore del Natale
In epoca romana, il Natale coincideva con la festività del Dies Natalis Solis Invicti (Giorno della nascita del Sole Invitto o Invincibile) celebrata nel momento dell'anno in cui la durata del giorno iniziava ad aumentare dopo il solstizio d'inverno: la “rinascita”, appunto, del Sole.
Le feste solstiziali erano connesse fin dall’antichità al culto del Sole e
della nuova vita che questo avrebbe portato alla fine dell’Inverno. Quello del
“Sol Invictus” può essere considerato il culto antesignano del Natale per come
oggi lo si conosce. Tale culto ha origine in Oriente, e in particolare in Siria
e in Egitto, dove già in epoche preromane la venuta del Sole era rappresentata
nel mito di un fanciullo divino partorito da una vergine donna: è il trionfo
della luce sulle tenebre, che, già in tempi antichi, era celebrato in
prossimità del 25 dicembre o comunque del solstizio d’inverno.
La data del Natale
Il culto orientale del Sole si perpetrò in epoca romana, confluendo nel culto del dio Mitra, raffigurato anch’esso come un fanciullo che sgozza un toro sacro, onde il termine tauroctonia, ossia il culto riservato a Mitra. L’origine storica del Natale non è del tutto certa e sicura. Le ipotesi per spiegarlo sono varie e molteplici. Forse, la data del 25 dicembre, come giorno di celebrazione della nascita di Cristo, è stata fissata per sostituire una festa pagana dedicata alla nascita del Sole (Mitra) il Dies Natalis Solis Invicti, che l’imperatore Aureliano aveva ufficializzata nel 274, proprio alla data del 25 dicembre.
Le celebrazioni della nascita del Sole, consistenti nell’accendere dei grandi
fuochi come segno della festività, intorno ai quali il popolo si radunava per
festeggiare mangiando e bevendo, come in tutte le feste popolari. In tale
periodo, si festeggiavano anche i Saturnali, (dal 17 al 23 dicembre), in onore
di Saturno, dio dell'agricoltura, durante i quali avvenivano scambi di doni e
si banchettava con sontuosi banchetti, ai quali partecipavano anche gli schiavi
come liberi cittadini, che dai loro padroni ricevevano anche dei regali.
La data del Natale cristiano
Su culto solstiziale è confluita l’istituzione del Natale cristiano. Dopo un certo periodo di incertezze e ambiguità, in cui i due culti, quello della novità cristiana e quello popolare e contadino del mondo pagano, si sono intrecciati, le autorità ecclesiastiche, onde evitare abusi e fraintendimenti, decisero di celebrare e proclamare il 25 dicembre solo la Natività di Cristo.
Con una certa probabilità, questo è un esempio abbastanza significativo di come la politica del primitivo Cristianesimo assorbisse e trasformasse una tradizione pagana con un contenuto nuovo. Certo, tale sostituzione non fu senza conseguenze, dal momento che le tradizioni sono dure a morire, se nel Natale del 460, papa Leone I ricorda ancora la presenza del culto al Sole nella città di Roma.
I primi riferimenti, pertanto, della festività del Natale cristiano risalgono
alla prima metà del IV secolo, quando si trova la prima menzione storica della
celebrazione della Natività di Cristo all’anno 336, come viene precisato nel
Chronographus, il più antico calendario cristiano giunto fino ai nostri giorni,
redatto nel 354, dal calligrafo di papa Damaso, il letterato romano Furio
Dionisio Filocalo. Sulla scelta del giorno 25 dicembre dovettero influire,
certamente, anche alcuni riferimenti scritturistici come per es., il testo del
profeta Malachia che chiama il Cristo, che doveva nascere da
Colei-che-deve-partorire a Betlemme, con il nome di “Sole di Giustizia” (3,
20). Così, si ha l’identificazione della data del 25 dicembre come il giorno
della nascita di Gesù Bambino.
Significato teologico del Natale
Il significato autentico del Natale cristiano ha le sue fondamenta nel grande disegno di Dio, da Paolo rivelato in due testi importanti. Il Primo: “Benedetto Dio, Padre del Signore Gesù Cristo, che ci ha benedetti con ogni benedizione spirituale nei cieli in Cristo. In lui [Cristo] ci ha scelti prima della creazione del mondo, per essere santi e immacolati al suo cospetto nella carità, predestinandoci ad essere suoi figli adottivi [del Padre] per opera di Gesù Cristo, secondo il beneplacito della sua volontà. E questo a lode e gloria della sua grazia, che ci ha dato nel suo Figlio diletto” (Ef 1, 3-6). E l’altro: “Egli [Cristo] è immagine del Dio invisibile, generato prima di ogni creatura; poiché per mezzo di lui sono state create tutte le cose, quelle nei cieli e quelle sulla terra, quelle visibili e quelle invisibili: Troni, Dominazioni, Principati e Potestà. Tutte le cose sono state create per mezzo di lui e in vista di lui. Egli è primo di tutte le cose e tutte sussistono in lui” (Col 1, 15-18).
I due testi hanno in comune alcune caratteristiche che si possono sintetizzare
così: disegno di Dio, ricchezza di titoli e universalità delle affermazioni.
L’intento di Paolo è di far conoscere il segreto disegno di Dio ad extra,
basato sul “beneplacito della volontà del Padre”, tutto incentrato sulla
predestinazione di Cristo, da cui dipende anche la predestinazione dell’uomo,
con la differenza che quella di Cristo è assoluta e quella dell’uomo
condizionata. Il discorso di Paolo è al presente, perché sempre attuale è la
predestinazione di Cristo, da cui provengono tutti i benefici all’uomo. Per
questo, Cristo viene celebrato come l’unico Mediatore tra Dio e gli uomini e
tra gli uomini e Dio, o come si direbbe con latino medievale omnia a Deo per
Christum et omnia a Deo in Christum
Interpretazioni sul perché del Natale
Due le risposte principali che la storia della teologia ha registrato nello spiegare il motivo dell’Incarnazione: l’una prende nome di teoria teocentrica; e l’altra, cristocentrica. La prima interpreta il Natale del Signore principalmente per la salvezza dell’uomo; la seconda, invece, per la gloria di Dio. Esse, tuttavia, non sono né in contrasto né alternative, ma complementari.
La questione non è di preferenza, ma di primato. Ogni risposta presenta una diversa visione o interpretazione di Dio, del mondo, dell’uomo e anche della vita. La prima risposta considera centro dell’universo meno Cristo che l’uomo, e, di conseguenza, Cristo è funzionale all’uomo; nella seconda, invece, Cristo è centro dell’universo mondo, e l’uomo è in funzione di Cristo. L’idea di paragone più immediata è l’immagine del sistema solare nella duplice rappresentazione storica: tolemaica e copernicana.
La prima interpretazione ha come teologo referenziale Tommaso d’Aquino, ed è la
dottrina comune nella vita della Chiesa; la seconda interpretazione, invece, ha
come teologo di riferimento Giovanni Duns Scoto, dalla cui visione teologica
emerge a tutto tondo sia il Primato assoluto dell’Incarnazione, sia la difesa
dell’Immacolata Concezione della Vergine Maria.
Quale la differenza tra le due interpretazioni?
La differenza principale balza evidente se si tiene presente lo schema del procedimento delle due concezioni nel leggere e spiegare la storia della salvezza. La prima fondamentale differenza è il modo diverso di leggere il concetto di “Dio”, così come è rivelato nella Scrittura. La teoria teocentrica considera di “Dio” principalmente gli attributi di Intelletto, di Sapienza e di Essere; la teoria cristocentrica, invece, quelli di Volontà, di Libertà e di Carità. Lo schema “teocentrico”, leggendo il testo sacro in modo storico-letterale, subordina l’Incarnazione alla Redenzione dell’uomo; lo schema “cristocentrico”, invece, interpretando con lettura riflesso-sistematica il testo rivelato, afferma il primato assoluto dell’Incarnazione sganciata dalla Redenzione, che, a sua volta, viene considerata come un atto liberissimo dell’amore di Cristo verso l’uomo, creato dallo stesso Cristo a sua immagine e somiglianza.
Schematicamente, le tappe principali della storia della salvezza, secondo lo sviluppo della teoria teocentrica, possono essere rappresentate così: Dio Uno e Trino - Creazione del mondo e dell’uomo - Peccato originale - Incarnazione del Verbo - Redenzione - Chiesa e Sacramenti - Escatologia; lo sviluppo “cristocentrico”, invece: Dio Uno e Trino - Incarnazione del Verbo (che abbraccia la Predestinazione assoluta di Cristo e di Maria, il Primato universale di Cristo, Cristo come unico Mediatore) - Creazione del mondo e dell’uomo - Peccato originale - Redenzione - Chiesa e Sacramenti - Escatologia .
Allo schema cristocentrico sono sottesi alcune profonde intuizioni di Duns Scoto circa l’ordine logico dell’agire di Dio:
“In primo luogo, Dio ama se stesso. In secondo luogo, Dio ama se steso
negli altri. In terzo luogo, Dio vuole essere amato da colui che può amarlo in
grado sommo -e parlo di un amore estrinseco. In quarto luogo, Dio prevede
l’unione [ipostatica] della natura umana che deve amarlo sommamente”
(Reportata Parisiensia, III, d. 7, q. 4, nn. 3-4); e ancora: “Solo Dio ama
Dio. Dio vuole essere amato da altri condiligenti, vuole cioè che altri
abbiano in sé il suo amore; e per questo eternamente predestina chi lo deve
amare adeguatamente e infinitamente di un amore estrinseco” (Ordinatio, III, d.
32, q. un., n. 6).
Nella lettura di fede, il Natale è inteso come il massimo dono possibile e
immaginabile che Dio potesse fare di sé stesso ad extra, ossia fuori di sé.
Come tale è anche la massima espressione della libertà e dell’amore di Dio ad
extra. Quanto più si comprende questo Capolavoro di Dio, tanto più lo si gusta.
Il Natale, allora, è solo l’inizio, il big beng, dell’immenso dono cristico in
espansione, che dall’eterno attraverso il tempo ritornerà di nuovo nell’eterno.
Come a dire: Cristo è Alfa e Omega, Principio e Fine di tutto ciò che esiste,
perché tutto è stato creato da lui, e tutto deve ritornare a lui, per essere
riconsegnato a Dio Padre, secondo il suo eterno disegno d’Amore.
La celebrazione liturgica del Natale
Data la grande importanza del Natale, la liturgia dedica ampio spazio alla sua celebrazione cultuale. Il tempo natalizio, infatti, ha inizio con i primi vespri del 24 dicembre, e termina con la domenica del Battesimo di Gesù, dopo un periodo di preparazione con le quattro domeniche di Avvento. Per comprendere meglio il mistero cristiano del Natale, sarebbe opportuno considerare almeno le quattro celebrazioni - quella della vigilia, della notte, dell’aurora e del giorno - come un’unica azione liturgica, in analogia, mutatis mutandis, alla celebrazione del triduo pasquale.
Questo sembra, infatti, il senso teologico più profondo suggerito dalla stessa liturgia, che è il culto ufficiale della Chiesa.
La Chiesa celebra con solennità il Natale, per manifestare il mistero dell’Incarnazione del Verbo di Dio. È questo infatti il senso spirituale più ricorrente, suggerito dalla stessa liturgia: la natura divina e umana di Cristo (messa della vigilia); la nascita storica di Cristo (messa della notte); l’apparizione temporale della sua umiltà (messa dell’aurora); e il ritorno finale all'ultimo giudizio (messa del giorno).
La celebrazione del Natale suscita sempre delle grandi emozioni nel cuore
umano, a seconda della maturità di fede di ognuno.
Il senso del Natale oggi
Natale è il mistero dell’Incarnazione, il secondo dei misteri principali del cristianesimo, dopo quello di Dio, Uno e Trino. Misteri opposti, ma profondamente misteri, nel senso che se ne possono affermare l’esistenza per fede, ma senza alcuna possibilità di conoscerli e dimostrarli razionalmente. Sono misteri in sé e per sé!
Natale è il mistero che tiene vivo il dono divino, perché l’uomo possa
“indiarsi”, “diventare simile a Dio”. Cristo, infatti, secondo Giovanni Duns
Scoto, è il Summum Opus Dei, il Capolavoro di Dio, il Massimo dono di Dio, che
tiene legato l’uomo alla sua origine cristica e, quindi, a Dio.
Il Natale cristiano è veramente un mistero di fede!
Autore: P. Giovanni Lauriola ofm
SOURCE : http://www.santiebeati.it/dettaglio/20650
Voir aussi : La Nativité du Christ dans l'art : http://www.mariedenazareth.com/15825.0.html?&L=0