GAUDETE
ET EXSULTATE
DU SAINT-PÈRE
FRANÇOIS
FRANÇOIS
SUR L’APPEL À LA SAINTETÉ
DANS LE MONDE ACTUEL
DANS LE MONDE ACTUEL
1. « Soyez dans la
joie et l’allégresse » (Mt 5,
12), dit Jésus à ceux qui sont persécutés ou humiliés à cause de lui. Le
Seigneur demande tout ; et ce qu’il offre est la vraie vie, le bonheur pour
lequel nous avons été créés. Il veut que nous soyons saints et il n’attend pas
de nous que nous nous contentions d’une existence médiocre, édulcorée, sans
consistance. En réalité, dès les premières pages de la Bible, il y a, sous
diverses formes, l’appel à la sainteté. Voici comment le Seigneur le proposait
à Abraham : « Marche en ma présence et sois parfait » (Gn 17, 1).
2. Il ne faut pas
s’attendre, ici, à un traité sur la sainteté, avec de nombreuses définitions et
distinctions qui pourraient enrichir cet important thème, ou avec des analyses
qu’on pourrait faire concernant les moyens de sanctification. Mon humble
objectif, c’est de faire résonner une fois de plus l’appel à la sainteté, en
essayant de l’insérer dans le contexte actuel, avec ses risques, ses défis et
ses opportunités. En effet, le Seigneur a élu chacun d’entre nous pour que nous
soyons « saints et immaculés en sa présence, dans l’amour » (Ep 1, 4).
Premier chapitre
L’APPEL À LA SAINTETÉ
Les
saints qui nous encouragent et nous accompagnent
3. Dans la Lettre aux
Hébreux, sont mentionnés divers témoignages qui nous encouragent à « courir
avec constance l’épreuve qui nous est proposée » (12, 1). On y parle d’Abraham,
de Sara, de Moïse, de Gédéon et de plusieurs autres (cf. 11, 1-12, 3) et
surtout on nous invite à reconnaître que nous sommes enveloppés « d’une si
grande nuée de témoins » (12, 1) qui nous encouragent à ne pas nous arrêter en
chemin, qui nous incitent à continuer de marcher vers le but. Et parmi eux, il
peut y avoir notre propre mère, une grand-mère ou d’autres personnes proches
(cf. 2 Tm 1, 5). Peut-être leur vie n’a-t-elle
pas toujours été parfaite, mais, malgré des imperfections et des chutes, ils
sont allés de l’avant et ils ont plu au Seigneur.
4. Les saints qui sont
déjà parvenus en la présence de Dieu gardent avec nous des liens d’amour et de
communion. Le Livre de l’Apocalypse en témoigne quand il parle des martyrs qui
intercèdent : « Je vis sous l’autel les âmes de ceux qui furent égorgés pour la
Parole de Dieu et le témoignage qu'ils avaient rendu. Ils crièrent d’une voix
puissante : ‘‘Jusques à quand, Maître saint et vrai, tarderas-tu à faire
Justice ?’’ » (6, 9-10). Nous pouvons dire que « nous nous savions entourés,
conduits et guidés par les amis de Dieu […] Je ne dois pas porter seul ce que,
en réalité, je ne pourrais jamais porter seul. La troupe des saints de Dieu me
protège, me soutient et me porte »[1].
5. Lors des procès de
béatification et de canonisation, on prend en compte les signes d’héroïcité
dans l’exercice des vertus, le don de la vie chez le martyr et également les
cas du don de sa propre vie en faveur des autres, y compris jusqu’à la mort. Ce
don exprime une imitation exemplaire du Christ et est digne d’admiration de la
part des fidèles[2].
Souvenons-nous, par exemple, de la bienheureuse Maria Gabriela Sagheddu qui a
offert sa vie pour l’union des chrétiens.
Les
saints de la porte d’à côté
6. Ne pensons pas
uniquement à ceux qui sont déjà béatifiés ou canonisés. L’Esprit Saint répand
la sainteté partout, dans le saint peuple fidèle de Dieu, car « le bon vouloir
de Dieu a été que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut
séparément, hors de tout lien mutuel ; il a voulu en faire un peuple qui le
connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté »[3].
Le Seigneur, dans l’histoire du salut, a sauvé un peuple. Il n’y a pas
d’identité pleine sans l’appartenance à un peuple. C’est pourquoi personne
n’est sauvé seul, en tant qu’individu isolé, mais Dieu nous attire en prenant
en compte la trame complexe des relations interpersonnelles qui s’établissent
dans la communauté humaine : Dieu a voulu entrer dans une dynamique populaire,
dans la dynamique d’un peuple.
7. J’aime voir la
sainteté dans le patient peuple de Dieu : chez ces parents qui éduquent avec
tant d’amour leurs enfants, chez ces hommes et ces femmes qui travaillent pour
apporter le pain à la maison, chez les malades, chez les religieuses âgées qui
continuent de sourire. Dans cette constance à aller de l’avant chaque jour, je
vois la sainteté de l’Église militante. C’est cela, souvent, la sainteté ‘‘de
la porte d’à côté’’, de ceux qui vivent proches de nous et sont un reflet de la
présence de Dieu, ou, pour employer une autre expression, ‘‘la classe moyenne
de la sainteté’’[4].
8. Laissons-nous
encourager par les signes de sainteté que le Seigneur nous offre à travers les
membres les plus humbles de ce peuple qui « participe aussi de la fonction
prophétique du Christ ; il répand son vivant témoignage avant tout par une vie
de foi et de charité »[5].
Pensons, comme nous le suggère sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, que par
l’intermédiaire de beaucoup d’entre eux se construit la vraie histoire : « Dans
la nuit la plus obscure surgissent les plus grandes figures de prophètes et de
saints. Mais le courant de la vie mystique qui façonne les âmes reste en grande
partie invisible. Certaines âmes dont aucun livre d’histoire ne fait mention,
ont une influence déterminante aux tournants décisifs de l’histoire universelle.
Ce n’est qu’au jour où tout ce qui est caché sera manifesté que nous
découvrirons aussi à quelles âmes nous sommes redevables des tournants décisifs
de notre vie personnelle »[6].
9. La sainteté est le
visage le plus beau de l’Église. Mais même en dehors de l’Église catholique et
dans des milieux très différents, l’Esprit suscite « des signes de sa présence,
qui aident les disciples mêmes du Christ »[7].
D’autre part, saint Jean-Paul II nous a rappelé que « le témoignage rendu au
Christ jusqu’au sang est devenu un patrimoine commun aux catholiques, aux
orthodoxes, aux anglicans et aux protestants »[8].
Lors de la belle commémoration œcuménique qu’il a voulu célébrer au Colisée à
l’occasion du Jubilé de l’an 2000, il a affirmé que les martyrs sont un «
héritage qui nous parle d’une voix plus forte que celle des fauteurs de
division »[9].
Le
Seigneur appelle
10. Tout cela est
important. Cependant, ce que je voudrais rappeler par la présente Exhortation,
c’est surtout l’appel à la sainteté que le Seigneur adresse à chacun d’entre
nous, cet appel qu’il t’adresse à toi aussi : « Vous êtes devenus saints car je
suis saint » (Lv 11, 44 ;
cf. 1 P 1, 16). Le Concile Vatican II l’a
souligné avec force : « Pourvus de moyens salutaires d’une telle abondance et
d’une telle grandeur, tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur
condition et leur état de vie, sont appelés par Dieu, chacun dans sa route, à
une sainteté dont la perfection est celle même du Père »[10].
11. « Chacun dans sa
route » dit le Concile. Il ne faut donc pas se décourager quand on contemple
des modèles de sainteté qui semblent inaccessibles. Il y a des témoins qui sont
utiles pour nous encourager et pour nous motiver, mais non pour que nous les
copiions, car cela pourrait même nous éloigner de la route unique et spécifique
que le Seigneur veut pour nous. Ce qui importe, c’est que chaque croyant
discerne son propre chemin et mette en lumière le meilleur de lui-même, ce que
le Seigneur a déposé de vraiment personnel en lui (cf. 1 Co 12, 7) et qu’il ne s’épuise pas en
cherchant à imiter quelque chose qui n’a pas été pensé pour lui. Nous sommes
tous appelés à être des témoins, mais il y a de nombreuses formes
existentielles de témoignage[11].
De fait, quand le grand mystique saint Jean de la Croix écrivait son Cantique spirituel, il
préférait éviter des règles fixes pour tout le monde et il expliquait que ses
vers étaient écrits pour que chacun en tire profit à sa manière[12].
En effet, la vie divine se communique aux uns « d’une manière [et aux] autres
d’une autre »[13].
12. Parmi les formes
variées, je voudrais souligner que le ‘‘génie féminin’’ se manifeste également
dans des styles féminins de sainteté, indispensables pour refléter la sainteté
de Dieu en ce monde. Même à des époques où les femmes ont été plus
marginalisées, l’Esprit Saint a précisément suscité des saintes dont le
rayonnement a provoqué de nouveaux dynamismes spirituels et d’importantes
réformes dans l’Église. Nous pouvons mentionner sainte Hildegarde de Bingen,
sainte Brigitte, sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse d’Avila ou sainte
Thérèse de Lisieux. Mais je tiens à évoquer tant de femmes inconnues ou
oubliées qui, chacune à sa manière, ont soutenu et transformé des familles et
des communautés par la puissance de leur témoignage.
13. Cela devrait
enthousiasmer chacun et l’encourager à tout donner pour progresser vers ce
projet unique et inimitable que Dieu a voulu pour lui de toute éternité : «
Avant même de te former au ventre maternel, je t’ai connu; avant même que tu
sois sorti du sein, je t’ai consacré » (Jr 1, 5).
Pour
toi aussi
14. Pour être saint,
il n’est pas nécessaire d’être évêque, prêtre, religieuse ou religieux. Bien
des fois, nous sommes tentés de penser que la sainteté n’est réservée qu’à ceux
qui ont la possibilité de prendre de la distance par rapport aux occupations
ordinaires, afin de consacrer beaucoup de temps à la prière. Il n’en est pas
ainsi. Nous sommes tous appelés à être des saints en vivant avec amour et en
offrant un témoignage personnel dans nos occupations quotidiennes, là où chacun
se trouve. Es-tu une consacrée ou un consacré ? Sois saint en vivant avec joie
ton engagement. Es-tu marié ? Sois saint en aimant et en prenant soin de ton
époux ou de ton épouse, comme le Christ l’a fait avec l’Église. Es-tu un
travailleur ? Sois saint en accomplissant honnêtement et avec compétence ton
travail au service de tes frères. Es-tu père, mère, grand-père ou grand-mère ?
Sois saint en enseignant avec patience aux enfants à suivre Jésus. As-tu de
l’autorité ? Sois saint en luttant pour le bien commun et en renonçant à tes
intérêts personnels[14].
15. Laisse la grâce de
ton baptême porter du fruit dans un cheminement de sainteté. Permets que tout
soit ouvert à Dieu et pour cela choisis-le, choisis Dieu sans relâche. Ne te
décourage pas, parce que tu as la force de l’Esprit Saint pour que ce soit
possible ; et la sainteté, au fond, c’est le fruit de l’Esprit Saint dans ta
vie (cf. Ga 5, 22-23). Quand tu sens la tentation
de t’enliser dans ta fragilité, lève les yeux vers le Crucifié et dis-lui :
‘‘Seigneur, je suis un pauvre, mais tu peux réaliser le miracle de me rendre
meilleur’’. Dans l’Église, sainte et composée de pécheurs, tu trouveras tout ce
dont tu as besoin pour progresser vers la sainteté. Le Seigneur l’a remplie de
dons par sa Parole, par les sacrements, les sanctuaires, la vie des
communautés, le témoignage de ses saints, et par une beauté multiforme qui
provient de l’amour du Seigneur, « comme la fiancée qui se pare de ses bijoux »
(Is 61, 10).
16. Cette sainteté à
laquelle le Seigneur t’appelle grandira par de petits gestes. Par exemple : une
dame va au marché pour faire des achats, elle rencontre une voisine et commence
à parler, et les critiques arrivent. Mais cette femme se dit en elle-même : «
Non, je ne dirai du mal de personne ». Voilà un pas dans la sainteté ! Ensuite,
à la maison, son enfant a besoin de parler de ses rêves, et, bien qu’elle soit
fatiguée, elle s’assoit à côté de lui et l’écoute avec patience et affection.
Voilà une autre offrande qui sanctifie ! Ensuite, elle connaît un moment d’angoisse,
mais elle se souvient de l’amour de la Vierge Marie, prend le chapelet et prie
avec foi. Voilà une autre voie de sainteté ! Elle sort après dans la rue,
rencontre un pauvre et s’arrête pour échanger avec lui avec affection. Voilà un
autre pas !
17. Parfois, la vie
présente des défis importants et à travers eux le Seigneur nous invite à de
nouvelles conversions qui permettent à sa grâce de mieux se manifester dans
notre existence « afin de nous faire participer à sa sainteté » (He 12, 10). D’autres fois il ne s’agit
que de trouver une forme plus parfaite de vivre ce que nous vivons déjà : « Il
y a des inspirations qui tendent seulement à une extraordinaire perfection des
exercices ordinaires de la vie chrétienne »[15].
Quand le Cardinal François-Xavier Nguyên Van Thuân était en prison, il avait
renoncé à s’évertuer à demander sa libération. Son choix était de vivre « le
moment présent en le comblant d’amour » ; et voilà la manière dont cela se
concrétisait : « Je saisis les occasions qui se présentent chaque jour, pour
accomplir les actes ordinaires de façon extraordinaire »[16].
18. Ainsi, sous
l’impulsion de la grâce divine, par de nombreux gestes, nous construisons ce
modèle de sainteté que Dieu a voulu, non pas en tant qu’êtres autosuffisants
mais « comme de bons intendants d’une multiple grâce de Dieu » (1 P 4, 10). Comme nous l’ont bien rappelé
les Évêques de Nouvelle Zélande, l’amour inconditionnel du Seigneur est
possible parce que le Ressuscité partage sa vie puissante avec nos vies
fragiles : « Son amour n’a pas de limites et, une fois donné, il ne recule
jamais. Il a été inconditionnel et demeure fidèle. Aimer ainsi n’est pas
facile, car souvent nous sommes vraiment faibles. Mais précisément pour que
nous nous efforcions d’aimer comme le Christ nous a aimés, le Christ partage sa
propre vie ressuscitée avec nous. Ainsi, nos vies révèlent son pouvoir en
action, y compris au milieu de la faiblesse humaine »[17].
Ta
mission dans le Christ
19. Pour un chrétien,
il n’est pas possible de penser à sa propre mission sur terre sans la concevoir
comme un chemin de sainteté, car « voici quelle est la volonté de Dieu : c’est
votre sanctification » (1 Th 4,
3). Chaque saint est une mission ; il est un projet du Père pour refléter et
incarner, à un moment déterminé de l’histoire, un aspect de l’Évangile.
20. Cette mission
trouve son sens plénier dans le Christ et ne se comprend qu’à partir de lui. Au
fond, la sainteté, c’est vivre les mystères de sa vie en union avec lui. Elle
consiste à s’associer à la mort et à la résurrection du Seigneur d’une manière
unique et personnelle, à mourir et à ressusciter constamment avec lui. Mais
cela peut impliquer également de reproduire dans l’existence personnelle divers
aspects de la vie terrestre de Jésus : sa vie cachée, sa vie communautaire, sa
proximité avec les derniers, sa pauvreté et d’autres manifestations du don de
lui-même par amour. La contemplation de ces mystères, comme le proposait saint
Ignace de Loyola, nous amène à les faire chair dans nos choix et dans nos
attitudes[18].
Car « tout dans la vie de Jésus est signe de son mystère »,[19] « toute la vie du Christ est
Révélation du Père »[20],
« toute la vie du Christ est mystère de Rédemption »[21],
« toute la vie du Christ est mystère de Récapitulation »[22],
et « tout ce que le Christ a vécu, il fait que nous puissions le vivre en lui
et qu’il le vive en nous »[23].
21. Le dessein du
Père, c’est le Christ, et nous en lui. En dernière analyse, c’est le Christ
aimant en nous, car « la sainteté n’est rien d’autre que la charité pleinement
vécue »[24].
C’est pourquoi, « la mesure de la sainteté est donnée par la stature que le
Christ atteint en nous, par la mesure dans laquelle, avec la force de l’Esprit
Saint, nous modelons toute notre vie sur la sienne »[25].
Ainsi, chaque saint est un message que l’Esprit Saint puise dans la richesse de
Jésus-Christ et offre à son peuple.
22. Pour reconnaître
quelle est cette parole que le Seigneur veut dire à travers un saint, il ne
faut pas s’arrêter aux détails, car là aussi il peut y avoir des erreurs et des
chutes. Tout ce que dit un saint n’est pas forcément fidèle à l’Évangile, tout
ce qu’il fait n’est pas nécessairement authentique et parfait. Ce qu’il faut
considérer, c’est l’ensemble de sa vie, tout son cheminement de sanctification,
cette figure qui reflète quelque chose de Jésus-Christ et qui se révèle quand on
parvient à percevoir le sens de la totalité de sa personne[26].
23. Pour nous tous,
c’est un rappel fort. Toi aussi, tu as besoin de percevoir la totalité de ta
vie comme une mission. Essaie de le faire en écoutant Dieu dans la prière et en
reconnaissant les signes qu’il te donne. Demande toujours à l’Esprit ce que Jésus
attend de toi à chaque moment de ton existence et dans chaque choix que tu dois
faire, pour discerner la place que cela occupe dans ta propre mission. Et
permets-lui de forger en toi ce mystère personnel qui reflète Jésus-Christ dans
le monde d’aujourd’hui.
24. Puisses-tu
reconnaître quelle est cette parole, ce message de Jésus que Dieu veut délivrer
au monde par ta vie ! Laisse-toi transformer, laisse-toi renouveler par
l’Esprit pour que cela soit possible, et qu’ainsi ta belle mission ne soit pas
compromise. Le Seigneur l’accomplira même au milieu de tes erreurs et de tes
mauvaises passes, pourvu que tu n’abandonnes pas le chemin de l’amour et que tu
sois toujours ouvert à son action surnaturelle qui purifie et illumine.
L’activité
qui sanctifie
25. Comme tu ne peux
pas comprendre le Christ sans le Royaume qu’il est venu apporter, ta propre
mission est inséparable de la construction de ce Royaume : « Cherchez d’abord
son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît » (Mt 6, 33). Ton identification avec le
Christ et avec ses désirs implique l’engagement à construire, avec lui, ce
Royaume d’amour, de justice et de paix pour tout le monde. Le Christ lui-même
veut le vivre avec toi, dans tous les efforts ou les renoncements que cela
implique, et également dans les joies et dans la fécondité qu’il peut t’offrir.
Par conséquent, tu ne te sanctifieras pas sans te donner corps et âme pour
offrir le meilleur de toi-même dans cet engagement.
26. Il n’est pas sain
d’aimer le silence et de fuir la rencontre avec l’autre, de souhaiter le repos
et d’éviter l’activité, de chercher la prière et de mépriser le service. Tout
peut être accepté et être intégré comme faisant partie de l’existence
personnelle dans ce monde, et être incorporé au cheminement de sanctification.
Nous sommes appelés à vivre la contemplation également au sein de l’action, et
nous nous sanctifions dans l’exercice responsable et généreux de notre propre
mission.
27. L’Esprit Saint
peut-il nous inciter à accomplir une mission et en même temps nous demander de
la fuir, ou d’éviter de nous engager totalement pour préserver la paix
intérieure ? Cependant, nous sommes parfois tentés de reléguer au second plan
le dévouement pastoral ou l’engagement dans le monde, comme si c’étaient des
‘‘distractions’’ sur le chemin de la sanctification et de la paix intérieure.
On oublie que « la vie n’a pas une mission, mais qu’elle est mission »[27].
28. Une tâche
accomplie sous l’impulsion de l’anxiété, de l’orgueil, du besoin de paraître et
de dominer, ne sera sûrement pas sanctifiante. Le défi, c’est de vivre son
propre engagement de façon à ce que les efforts aient un sens évangélique et
nous identifient toujours davantage avec Jésus-Christ. C’est pourquoi on a
coutume de parler, par exemple, d’une spiritualité du catéchiste, d’une
spiritualité du clergé diocésain, d’une spiritualité du travail. C’est pour la
même raison que, dans Evangelii gaudium, j’ai voulu conclure par une
spiritualité de la mission, dans Laudato si’, par une spiritualité écologique et,
dans Amoris laetitia, par une spiritualité de la vie
familiale.
29. Cela n’implique
pas de déprécier les moments de quiétude, de solitude et de silence devant
Dieu. Bien au contraire ! Car les nouveautés constantes des moyens
technologiques, l’attraction des voyages, les innombrables offres de
consommation, ne laissent pas parfois d’espaces libres où la voix de Dieu
puisse résonner. Tout se remplit de paroles, de jouissances épidermiques et de
bruit à une vitesse toujours croissante. Il n’y règne pas la joie mais plutôt
l’insatisfaction de celui qui ne sait pas pourquoi il vit. Comment donc ne pas
reconnaître que nous avons besoin d’arrêter cette course fébrile pour retrouver
un espace personnel, parfois douloureux mais toujours fécond, où s’établit le
dialogue sincère avec Dieu ? À un certain moment, nous devrons regarder en face
notre propre vérité, pour la laisser envahir par le Seigneur, et on n’y
parvient pas toujours si « on ne se sent pas au bord de l’abîme de la tentation
la plus étouffante, si on ne sent pas le vertige du précipice de l’abandon le
plus désespéré, si on ne se trouve pas absolument seul, au faîte de la solitude
la plus radicale »[28].
C’est ainsi que nous trouvons les grandes motivations qui nous incitent à vivre
à fond les devoirs personnels.
30. Les mêmes moyens
de distraction qui envahissent la vie actuelle nous conduisent aussi à
absolutiser le temps libre au cours duquel nous pouvons utiliser sans limites
ces dispositifs qui nous offrent du divertissement ou des plaisirs éphémères[29].
Par voie de conséquence, c’est la mission elle-même qui s’en ressent, c’est
l’engagement qui s’affaiblit, c’est le service généreux et disponible qui
commence à en pâtir. Cela dénature l’expérience spirituelle. Une ferveur
spirituelle peut-elle cohabiter avec une lassitude dans l’œuvre
d’évangélisation ou dans le service des autres ?
31. Il nous faut un
esprit de sainteté qui imprègne aussi bien la solitude que le service, aussi
bien l’intimité que l’œuvre d’évangélisation, en sorte que chaque instant soit
l’expression d’un amour dévoué sous le regard du Seigneur. Ainsi, tous les
moments seront des marches sur notre chemin de sanctification.
Plus
vivants, plus frères
32. N’aie pas peur de
la sainteté. Elle ne t’enlèvera pas les forces, ni la vie ni la joie. C’est
tout le contraire, car tu arriveras à être ce que le Père a pensé quand il t’a
créé et tu seras fidèle à ton propre être. Dépendre de lui nous libère des
esclavages et nous conduit à reconnaître notre propre dignité. Cela se reflète
en sainte Joséphine Bakhita qui « enlevée et vendue en esclavage à l’âge de 7
ans, […] endura de nombreuses souffrances entre les mains de maîtres cruels.
Mais elle comprit que la vérité profonde est que Dieu, et non pas l’homme, est
le véritable Maître de chaque être humain, de toute vie humaine. L’expérience
devint une source de profonde sagesse pour cette humble fille d'Afrique »[30].
33. Dans la mesure où
il se sanctifie, chaque chrétien devient plus fécond pour le monde. Les évêques
de l’Afrique occidentale nous ont enseigné : « Nous sommes appelés dans
l’esprit de la Nouvelle Évangélisation à nous laisser évangéliser et à
évangéliser à travers les responsabilités confiées à tous les baptisés. Nous
devons jouer notre rôle en tant que sel de la terre et lumière du monde où que
nous nous trouvions »[31].
34. N’aie pas peur de
viser plus haut, de te laisser aimer et libérer par Dieu. N’aie pas peur de te
laisser guider par l’Esprit Saint. La sainteté ne te rend pas moins humain, car
c’est la rencontre de ta faiblesse avec la force de la grâce. Au fond, comme
disait Léon Bloy, dans la vie « il n’y a qu’une tristesse, c’est de n’être pas
des saints »[32].
Deuxième chapitre
DEUX ENNEMIS SUBTILS DE LA SAINTETE
35. Dans ce cadre, je
voudrais attirer l’attention sur deux falsifications de la sainteté qui
pourraient nous faire dévier du chemin : le gnosticisme et le pélagianisme. Ce
sont deux hérésies apparues au cours des premiers siècles du christianisme mais
qui sont encore d’une préoccupante actualité. Même aujourd’hui les cœurs de
nombreux chrétiens, peut-être sans qu’ils s’en rendent compte, se laissent
séduire par ces propositions trompeuses. En elles s’exprime un immanentisme
anthropocentrique déguisé en vérité catholique[33].
Voyons ces deux formes de sécurité, doctrinale ou disciplinaire, qui donnent
lieu à « un élitisme narcissique et autoritaire, où, au lieu d’évangéliser, on
analyse et classifie les autres, et, au lieu de faciliter l’accès à la grâce,
les énergies s’usent dans le contrôle. Dans les deux cas, ni Jésus-Christ ni
les autres n’intéressent vraiment »[34].
Le
gnosticisme actuel
36. Le gnosticisme
suppose « une foi renfermée dans le subjectivisme, où seule compte une
expérience déterminée ou une série de raisonnements et de connaissances que
l’on considère comme pouvant réconforter et éclairer, mais où le sujet reste en
définitive fermé dans l’immanence de sa propre raison ou de ses sentiments »[35].
Un
esprit sans Dieu et sans chair
37. Grâce à Dieu, tout
au long de l’histoire de l’Église, il a toujours été très clair que la
perfection des personnes se mesure par leur degré de charité et non par la
quantité des données et des connaissances qu’elles accumulent. Les
‘‘gnostiques’’ font une confusion sur ce point et jugent les autres par leur
capacité à comprendre la profondeur de certaines doctrines. Ils conçoivent un
esprit sans incarnation, incapable de toucher la chair souffrante du Christ
dans les autres, corseté dans une encyclopédie d’abstractions. En désincarnant
le mystère, ils préfèrent finalement « un Dieu sans Christ, un Christ sans
Église, une Église sans peuple »[36].
38. En définitive, il
s’agit d’une superficialité vaniteuse : beaucoup de mouvement à la surface de
l’esprit, mais la profondeur de la pensée ne se meut ni ne s’émeut. Cette
superficialité arrive cependant à subjuguer certains par une fascination
trompeuse, car l’équilibre gnostique réside dans la forme et semble aseptisé ;
et il peut prendre l’aspect d’une certaine harmonie ou d’un ordre qui englobent
tout.
39. Mais attention !
Je ne fais pas référence aux rationalistes ennemis de la foi chrétienne. Cela
peut se produire dans l’Église, tant chez les laïcs des paroisses que chez ceux
qui enseignent la philosophie ou la théologie dans les centres de formation.
Car c’est aussi le propre des gnostiques de croire que, par leurs explications,
ils peuvent rendre parfaitement compréhensibles toute la foi et tout
l’Evangile. Ils absolutisent leurs propres théories et obligent les autres à se
soumettre aux raisonnements qu’ils utilisent. Une chose est un sain et humble
usage de la raison pour réfléchir sur l’enseignement théologique et moral de
l’Evangile ; une autre est de prétendre réduire l’enseignement de Jésus à une
logique froide et dure qui cherche à tout dominer[37].
Une
doctrine sans mystère
40. Le gnosticisme est
l’une des pires idéologies puisqu’en même temps qu’il exalte indûment la connaissance
ou une expérience déterminée, il considère que sa propre vision de la réalité
représente la perfection. Ainsi, peut-être sans s’en rendre compte, cette
idéologie se nourrit-elle elle-même et sombre-t-elle d’autant plus dans la
cécité. Elle devient parfois particulièrement trompeuse quand elle se déguise
en spiritualité désincarnée. Car le gnosticisme « de par sa nature même veut
apprivoiser le mystère »[38],
tant le mystère de Dieu et de sa grâce que le mystère de la vie des autres.
41. Lorsque quelqu’un
a réponse à toutes les questions, cela montre qu’il n’est pas sur un chemin
sain, et il est possible qu’il soit un faux prophète utilisant la religion à
son propre bénéfice, au service de ses élucubrations psychologiques et
mentales. Dieu nous dépasse infiniment, il est toujours une surprise et ce
n’est pas nous qui décidons dans quelle circonstance historique le rencontrer,
puisqu’il ne dépend pas de nous de déterminer le temps, le lieu et la modalité
de la rencontre. Celui qui veut que tout soit clair et certain prétend dominer
la transcendance de Dieu.
42. On ne peut pas non
plus prétendre définir là où Dieu ne se trouve pas, car il est présent
mystérieusement dans la vie de toute personne, il est dans la vie de chacun
comme il veut, et nous ne pouvons pas le nier par nos supposées certitudes.
Même quand l’existence d’une personne a été un désastre, même quand nous la
voyons détruite par les vices et les addictions, Dieu est dans sa vie. Si nous
nous laissons guider par l’Esprit plus que par nos raisonnements, nous pouvons
et nous devons chercher le Seigneur dans toute vie humaine. Cela fait partie du
mystère que les mentalités gnostiques finissent par rejeter, parce qu’elles ne
peuvent pas le contrôler.
Les
limites de la raison
43. Nous ne parvenons
à comprendre que très pauvrement la vérité que nous recevons du Seigneur. Plus
difficilement encore nous parvenons à l’exprimer. Nous ne pouvons donc pas
prétendre que notre manière de la comprendre nous autorise à exercer une
supervision stricte sur la vie des autres. Je voudrais rappeler que dans
l’Église cohabitent à bon droit diverses manières d’interpréter de nombreux
aspects de la doctrine et de la vie chrétienne qui, dans leur variété, « aident
à mieux expliquer le très riche trésor de la Parole ». En réalité « à ceux qui
rêvent d’une doctrine monolithique défendue par tous sans nuances, cela peut
sembler une dispersion imparfaite »[39].
Précisément, certains courants gnostiques ont déprécié la simplicité si
concrète de l’Evangile et ont cherché à remplacer le Dieu trinitaire et incarné
par une Unité supérieure où disparaissait la riche multiplicité de notre
histoire.
44. En réalité, la
doctrine, ou mieux, notre compréhension et expression de celle-ci, « n’est pas
un système clos, privé de dynamiques capables d’engendrer des questions, des
doutes, des interrogations », et « les questions de notre peuple, ses
angoisses, ses combats, ses rêves, ses luttes, ses préoccupations, possèdent
une valeur herméneutique que nous ne pouvons ignorer si nous voulons prendre au
sérieux le principe de l’incarnation. Ses questions nous aident à nous
interroger, ses interrogations nous interrogent »[40].
45. Il se produit
fréquemment une dangereuse confusion : croire que parce que nous savons quelque
chose ou que nous pouvons l’expliquer selon une certaine logique, nous sommes
déjà saints, parfaits, meilleurs que la « masse ignorante ». Saint Jean-Paul II
mettait en garde ceux qui dans l’Église ont la chance d’une formation plus
poussée contre la tentation de nourrir « un certain sentiment de supériorité
par rapport aux autres fidèles »[41].
Mais en réalité, ce que nous croyons savoir devrait être toujours un motif pour
mieux répondre à l’amour de Dieu, car « on apprend pour vivre : théologie et
sainteté sont un binôme inséparable »[42].
46. Quand saint
François d’Assise a vu que certains de ses disciples enseignaient la doctrine,
il a voulu éviter la tentation du gnosticisme. Il a donc écrit ceci à saint
Antoine de Padoue : « Il me plaît que tu lises la théologie sacrée aux frères,
pourvu que, dans l’étude de celle-ci, tu n’éteignes pas l’esprit de sainte
oraison et de dévotion »[43].
Il percevait la tentation de transformer l’expérience chrétienne en un ensemble
d’élucubrations mentales qui finissent par éloigner de la fraîcheur de
l’Evangile. Saint Bonaventure, d’autre part, faisait remarquer que la vraie
sagesse chrétienne ne doit pas être séparée de la miséricorde envers le
prochain : « La plus grande sagesse qui puisse exister consiste à diffuser
fructueusement ce qu’on a à offrir, ce qui a été précisément donné pour être
offert […] C’est pourquoi tout comme la miséricorde est amie de la sagesse,
l’avarice est son ennemi »[44].
« Il y a une activité qui, en s’unissant à la contemplation ne l’entrave pas,
mais la favorise ainsi que les œuvres de miséricorde et de piété »[45].
Le
pélagianisme actuel
47. Le gnosticisme a
donné lieu à une autre vieille hérésie qui est également présente aujourd’hui.
A mesure que passait le temps, beaucoup ont commencé à reconnaître que ce n’est
pas la connaissance qui nous rend meilleurs ni saints, mais la vie que nous
menons. Le problème, c’est que cela a dégénéré subtilement, de sorte que
l’erreur même des gnostiques s’est simplement transformée mais n’a pas été
surmontée.
48. Car le pouvoir que
les gnostiques attribuaient à l’intelligence, certains commencèrent à
l’attribuer à la volonté humaine, à l’effort personnel. C’est ainsi que sont
apparus les pélagiens et les semi-pélagiens. Ce n’était plus l’intelligence qui
occupait la place du mystère et de la grâce, mais la volonté. On oubliait qu’«
il n’est pas question de l’homme qui veut ou qui court, mais de Dieu qui fait
miséricorde » (Rm 9, 16)
et que « lui nous a aimés le premier» (1Jn 4, 19).
Une
volonté sans humilité
49. Ceux qui épousent
cette mentalité pélagienne ou semi-pélagienne, bien qu’ils parlent de la grâce
de Dieu dans des discours édulcorés, « en définitive font confiance uniquement
à leurs propres forces et se sentent supérieurs aux autres parce qu’ils
observent des normes déterminées ou parce qu’ils sont inébranlablement fidèles
à un certain style catholique »[46].
Quand certains d’entre eux s’adressent aux faibles en leur disant que tout est
possible avec la grâce de Dieu, au fond ils font d’habitude passer l’idée que
tout est possible par la volonté humaine, comme si celle-ci était quelque chose
de pur, de parfait, de tout-puissant, auquel s’ajoute la grâce. On cherche à
ignorer que ‘‘tous ne peuvent pas tout’’[47],
et qu’en cette vie les fragilités humaines ne sont pas complètement et
définitivement guéries par la grâce[48].
De toute manière, comme l’enseignait saint Augustin, Dieu t’invite à faire ce
que tu peux et à demander ce que tu ne peux pas [49];
ou bien à dire humblement au Seigneur : « Donne ce que tu commandes et commande
ce que tu veux »[50].
50. Au fond, l’absence
de la reconnaissance sincère, douloureuse et priante de nos limites est ce qui
empêche la grâce de mieux agir en nous, puisqu’on ne lui laisse pas de place
pour réaliser ce bien possible qui s’insère dans un cheminement sincère et réel
de croissance[51].
La grâce, justement parce qu’elle suppose notre nature, ne fait pas de nous,
d’un coup, des surhommes. Le prétendre serait placer trop de confiance en
nous-mêmes. Dans ce cas, derrière l’orthodoxie, nos attitudes pourraient ne pas
correspondre à ce que nous affirmons sur la nécessité de la grâce, et dans les
faits nous finissons par compter peu sur elle. Car si nous ne percevons pas
notre réalité concrète et limitée, nous ne pourrons pas voir non plus les pas
réels et possibles que le Seigneur nous demande à chaque instant, après nous
avoir rendus capables et nous avoir conquis par ses dons. La grâce agit
historiquement et, d’ordinaire, elle nous prend et nous transforme de manière
progressive[52].
C’est pourquoi si nous rejetons ce caractère historique et progressif, nous
pouvons, de fait, arriver à la nier et à la bloquer, bien que nous l’exaltions
par nos paroles.
51. Quand Dieu
s’adresse à Abraham, il lui dit : « Je suis Dieu tout-puissant. Marche en ma
présence et sois parfait » (Gn 17,
1). Pour que nous soyons parfaits comme il le désire, nous devons vivre
humblement en sa présence, enveloppés de sa gloire ; il nous faut marcher en
union avec lui en reconnaissant son amour constant dans nos vies. Il ne faut
plus avoir peur de cette présence qui ne peut que nous faire du bien. Il est le
Père qui nous a donné la vie et qui nous aime tant. Une fois que nous
l’acceptons et que nous cessons de penser notre vie sans lui, l’angoisse de la
solitude disparaît (cf. Ps 139, 7). Et si nous n’éloignons plus
Dieu de nous et que nous vivons en sa présence, nous pourrons lui permettre
d’examiner nos cœurs pour qu’il voie s’ils sont sur le bon chemin (cf. Ps 139, 23-24). Ainsi, nous connaîtrons
la volonté du Seigneur, ce qui lui plaît et ce qui est parfait (cf. Rm 12, 1-2) et nous le laisserons nous
modeler comme un potier (cf. Is 29, 16). Nous avons souvent dit que
Dieu habite en nous, mais il est mieux de dire que nous habitons en lui, qu’il
nous permet de vivre dans sa lumière et dans son amour. Il est notre temple : «
La chose que je cherche, c’est d’habiter la maison du Seigneur tous les jours
de ma vie » (cf. Ps 27, 4). « Mieux vaut un jour dans tes
parvis que mille à ma guise » (Ps 84,
11). C’est en lui que nous sommes sanctifiés.
Un
enseignement de l’Église souvent oublié
52. L’Église
catholique a maintes fois enseigné que nous ne sommes pas justifiés par nos
œuvres ni par nos efforts mais par la grâce du Seigneur qui prend l’initiative.
Les Pères de l’Église, même avant saint Augustin, exprimaient clairement cette
conviction primordiale. Saint Jean Chrysostome disait que Dieu verse en nous la
source même de tous les dons avant même que nous n’entrions dans le combat[53].
Saint Basile le Grand faisait remarquer que le fidèle se glorifie seulement en
Dieu, car il sait qu’il « est dépourvu de vraie justice et ne [trouve] sa
justice que dans la foi au Christ »[54].
53. Le deuxième Synode
d’Orange a enseigné avec grande autorité que nul homme peut exiger, mériter ou
acheter le don de la grâce divine et que toute coopération avec elle est
d’abord un don de la grâce elle-même : « Même notre volonté de purification est
un effet de l’infusion et de l’opération du Saint Esprit en nous »[55].
Plus tard, même quand le Concile de Trente souligne l’importance de notre
coopération pour la croissance spirituelle, il réaffirme cet enseignement
dogmatique : on dit que nous sommes « justifiés gratuitement parce que rien de
ce qui précède la justification, que ce soit la foi ou les œuvres, ne mérite
cette grâce de la justification. En effet, si c’est une grâce, elle ne vient
pas des œuvres ; autrement, la grâce n’est plus la grâce (Rm 11, 6)»[56].
54. Le Catéchisme de
l’Église catholique aussi nous rappelle que le don de la grâce « surpasse les
capacités de l’intelligence et les forces de la volonté humaine »[57],
et qu’« à l’égard de Dieu, il n’y a pas, au sens d’un droit strict, de mérite
de la part de l’homme. Entre Lui et nous l’inégalité est sans mesure »[58].
Son amitié nous dépasse infiniment, nous ne pouvons pas l’acheter par nos
œuvres et elle ne peut être qu’un don de son initiative d’amour. Cela nous
invite à vivre dans une joyeuse gratitude pour ce don que nous ne mériterons
jamais, puisque « quand [quelqu’un] possède déjà la grâce, il ne peut mériter
cette grâce déjà reçue »[59].
Les saints évitent de mettre leur confiance dans leurs propres actions : « Au
soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides, car je ne vous
demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres. Toutes nos justices ont des
taches à vos yeux »[60].
55. C’est l’une des
grandes convictions définitivement acquises par l’Église, et cela est si
clairement exprimé dans la Parole de Dieu que c’est hors de toute discussion.
Tout comme le commandement suprême de l’amour, cette vérité devrait marquer
notre style de vie, parce qu’elle s’abreuve au cœur de l’Evangile et elle
demande non seulement à être accueillie par notre esprit, mais aussi à être
transformée en une joie contagieuse. Cependant nous ne pourrons pas célébrer
avec gratitude le don gratuit de l’amitié avec le Seigneur si nous ne
reconnaissons pas que même notre existence terrestre et nos capacités
naturelles sont un don. Il nous faut « accepter joyeusement que notre être soit
un don, et accepter même notre liberté comme une grâce. C’est ce qui est
difficile aujourd’hui dans un monde qui croit avoir quelque chose par lui-même,
fruit de sa propre originalité ou de sa liberté »[61].
56. C’est seulement à
partir du don de Dieu, librement accueilli et humblement reçu, que nous pouvons
coopérer par nos efforts à nous laisser transformer de plus en plus[62].
Il faut d’abord appartenir à Dieu. Il s’agit de nous offrir à celui qui nous
devance, de lui remettre nos capacités, notre engagement, notre lutte contre le
mal et notre créativité, pour que son don gratuit grandisse et se développe en
nous : « Je vous exhorte, frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos
personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu » (Rm 12, 1). D’autre part, l’Église a
toujours enseigné que seule la charité rend possible la croissance dans la vie
de la grâce car « si je n’ai pas la charité, je ne suis rien » (1Co 13, 2).
Les
nouveaux pélagiens
57. Il y a encore des
chrétiens qui s’emploient à suivre un autre chemin : celui de la justification
par leurs propres forces, celui de l’adoration de la volonté humaine et de ses
propres capacités, ce qui se traduit par une autosatisfaction égocentrique et
élitiste dépourvue de l’amour vrai. Cela se manifeste par de nombreuses
attitudes apparemment différentes : l’obsession pour la loi, la fascination de
pouvoir montrer des conquêtes sociales et politiques, l’ostentation dans le
soin de la liturgie, de la doctrine et du prestige de l’Église, la vaine gloire
liée à la gestion d’affaires pratiques, l’enthousiasme pour les dynamiques
d’autonomie et de réalisation autoréférentielle. Certains chrétiens consacrent
leurs énergies et leur temps à cela, au lieu de se laisser porter par l’Esprit
sur le chemin de l’amour, de brûler du désir de communiquer la beauté et la
joie de l’Evangile, et de chercher ceux qui sont perdus parmi ces immenses
multitudes assoiffées du Christ[63].
58. Souvent, contre
l’impulsion de l’Esprit, la vie de l’Église se transforme en pièce de musée ou
devient la propriété d’un petit nombre. Cela se produit quand certains groupes
chrétiens accordent une importance excessive à l’accomplissement de normes, de
coutumes ou de styles déterminés. De cette manière, on a l’habitude de réduire
et de mettre l’Evangile dans un carcan en lui retirant sa simplicité captivante
et sa saveur. C’est peut-être une forme subtile de pélagianisme, parce que cela
semble soumettre la vie de la grâce à quelques structures humaines. Cela touche
des groupes, des mouvements et des communautés, et c’est ce qui explique que,
très souvent, ils commencent par une vie intense dans l’Esprit mais finissent
fossilisés… ou corrompus.
59. Sans nous en
rendre compte, en pensant que tout dépend de l’effort humain canalisé par des
normes et des structures ecclésiales, nous compliquons l’Evangile et nous
devenons esclaves d’un schéma qui laisse peu de place pour que la grâce agisse.
Saint Thomas d’Aquin nous rappelait que les préceptes ajoutés à l’Evangile par
l’Église doivent s’exiger avec modération « de peur que la vie des fidèles en
devienne pénible » et qu’ainsi notre religion ne se transforme en « un fardeau
asservissant »[64].
Le
résumé de la Loi
60. Pour éviter cela,
il est bon de rappeler fréquemment qu’il y a une hiérarchie des vertus qui nous
invite à rechercher l’essentiel. Le primat revient aux vertus théologales qui
ont Dieu pour objet et cause. Et au centre se trouve la charité. Saint Paul
affirme que ce qui compte vraiment, c’est la « la foi opérant par la charité »
(Ga 5, 6). Nous sommes
appelés à préserver plus soigneusement la charité : « Celui qui aime autrui a
de ce fait accompli la loi […]. La charité est donc la loi dans sa plénitude »
(Rm 13, 8.10). « Car une
seule formule contient toute la Loi en sa plénitude : “Tu aimeras ton prochain
comme toi-même” » (Ga 5,
14).
61. En d’autres termes
: dans l’épaisse forêt de préceptes et de prescriptions, Jésus ouvre une brèche
qui permet de distinguer deux visages : celui du Père et celui du frère. Il ne
nous offre pas deux formules ou deux préceptes de plus. Il nous offre deux visages,
ou mieux, un seul, celui de Dieu qui se reflète dans beaucoup d’autres. Car en
chaque frère, spécialement le plus petit, fragile, sans défense et en celui qui
est dans le besoin, se trouve présente l’image même de Dieu. En effet, avec
cette humanité vulnérable considérée comme déchet, à la fin des temps, le
Seigneur façonnera sa dernière œuvre d’art. Car « qu’est-ce qui reste,
qu’est-ce qui a de la valeur dans la vie, quelles richesses ne s’évanouissent
pas ? Sûrement deux : le Seigneur et le prochain. Ces deux richesses ne
s’évanouissent pas »[65].
62. Que le Seigneur
délivre l’Église des nouvelles formes de gnosticisme et de pélagianisme qui
l’affublent et l’entravent sur le chemin de la sainteté ! Ces déviations
s’expriment de diverses manières, selon le tempérament et des caractéristiques
propres à chacun. C’est pourquoi j’exhorte chacun à se demander et à discerner
devant Dieu de quelle manière elles peuvent être en train de se manifester dans
sa vie.
Troisième chapitre
A LA LUMIERE DU MAÎTRE
63. Il peut y avoir de
nombreuses théories sur ce qu’est la sainteté, d’abondantes explications et
distinctions. Cette réflexion pourrait être utile, mais rien n’est plus
éclairant que de revenir aux paroles de Jésus et de recueillir sa manière de
transmettre la vérité. Jésus a expliqué avec grande simplicité ce que veut dire
être saint, et il l’a fait quand il nous a enseigné les béatitudes (cf.Mt 5, 3-12 ; Lc 6, 20-23). Elles sont comme la carte
d’identité du chrétien. Donc, si quelqu’un d’entre nous se pose cette question,
“comment fait-on pour parvenir à être un bon chrétien ?”, la réponse est simple
: il faut mettre en œuvre, chacun à sa manière, ce que Jésus déclare dans le
sermon des béatitudes[66].
À travers celles-ci se dessine le visage du Maître que nous sommes appelés à
révéler dans le quotidien de nos vies.
64. Le mot “heureux”
ou “bienheureux”, devient synonyme de “saint”, parce qu’il exprime le fait que
la personne qui est fidèle à Dieu et qui vit sa Parole atteint, dans le don de
soi, le vrai bonheur.
À
contrecourant
65. Bien que les
paroles de Jésus puissent nous sembler poétiques, elles vont toutefois vraiment
à contrecourant de ce qui est habituel, de ce qui se fait dans la société ; et,
bien que ce message de Jésus nous attire, en réalité le monde nous mène vers un
autre style de vie. Les béatitudes ne sont nullement quelque chose de léger ou
de superficiel, bien au contraire ; car nous ne pouvons les vivre que si
l’Esprit Saint nous envahit avec toute sa puissance et nous libère de la
faiblesse de l’égoïsme, du confort, de l’orgueil.
66. Écoutons encore
Jésus, avec tout l’amour et le respect que mérite le Maître. Permettons-lui de
nous choquer par ses paroles, de nous provoquer, de nous interpeller en vue
d’un changement réel de vie. Autrement, la sainteté ne sera qu’un mot.
Examinons à présent les différentes béatitudes dans la version de l’Évangile
selon Matthieu (cf. Mt 5, 3-12) [67]:
« Heureux les pauvres en esprit, car
le Royaume des cieux est à eux ».
67. L’Évangile nous
invite à reconnaître la vérité de notre cœur, pour savoir où nous plaçons la
sécurité de notre vie. En général, le riche se sent en sécurité avec ses
richesses, et il croit que lorsqu’elles sont menacées, tout le sens de sa vie
sur terre s’effondre. Jésus lui-même nous l’a dit dans la parabole du riche
insensé, en parlant de cet homme confiant qui, comme un insensé, ne pensait pas
qu’il pourrait mourir le jour même (cf. Lc 12, 16-21).
68. Les richesses ne
te garantissent rien. Qui plus est, quand le cœur se sent riche, il est
tellement satisfait de lui-même qu’il n’y a plus de place pour la Parole de
Dieu, pour aimer les frères ni pour jouir des choses les plus importantes de la
vie. Il se prive ainsi de plus grands biens. C’est pourquoi Jésus déclare
heureux les pauvres en esprit, ceux qui ont le cœur pauvre, où le Seigneur peut
entrer avec sa nouveauté constante.
69. Cette pauvreté
d’esprit est étroitement liée à la “sainte indifférence” que saint Ignace de
Loyola proposait, et par laquelle nous atteignons une merveilleuse liberté
intérieure : « Pour cela il est nécessaire de nous rendre indifférents à toutes
les choses créées, en tout ce qui est laissé à la liberté de notre
libre-arbitre et qui ne lui est pas défendu ; de telle manière que nous ne
voulions pas, pour notre part, davantage la santé que la maladie, la richesse
que la pauvreté, l’honneur que le déshonneur, une vie longue qu’une vie courte
et ainsi de suite pour tout le reste »[68].
70. Luc ne parle pas
d’une pauvreté en “esprit” mais d’être “pauvre” tout court (cf. Lc 6, 20), et ainsi il nous invite
également à une existence austère et dépouillée. De cette façon, il nous
appelle à partager la vie des plus pauvres, la vie que les Apôtres ont menée,
et en définitive à nous configurer à Jésus qui, étant riche, « s’est fait
pauvre » (2 Co 8, 9).
Être
pauvre de cœur, c’est cela la sainteté !
« Heureux les doux, car ils
possèderont la terre ».
71. C’est une
expression forte, dans ce monde qui depuis le commencement est un lieu
d’inimitié, où l’on se dispute partout, où, de tous côtés, il y a de la haine,
où constamment nous classons les autres en fonction de leurs idées, de leurs
mœurs, voire de leur manière de parler ou de s’habiller. En définitive, c’est
le règne de l’orgueil et de la vanité, où chacun croit avoir le droit de
s’élever au-dessus des autres. Néanmoins, bien que cela semble impossible,
Jésus propose un autre style : la douceur. C’est ce qu’il pratiquait avec ses
propres disciples et c’est ce que nous voyons au moment de son entrée à
Jérusalem : « Voici que ton Roi vient à toi ; modeste, il monte une ânesse » (Mt 21, 5 ; cf. Zc 9, 9).
72. Jésus a dit :
« Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous
trouverez soulagement pour vos âmes » (Mt 11,
29). Si nous vivons tendus, prétentieux face aux autres, nous finissons par
être fatigués et épuisés. Mais si nous regardons leurs limites et leurs défauts
avec tendresse et douceur, sans nous sentir meilleurs qu’eux, nous pouvons les
aider et nous évitons d’user nos énergies en lamentations inutiles. Pour sainte
Thérèse de Lisieux, « la charité parfaite consiste à supporter les défauts des
autres, à ne point s’étonner de leurs faiblesses »[69].
73. Paul mentionne la
douceur comme un fruit de l’Esprit Saint (cf. Ga 5, 23). Il propose que, si nous sommes
parfois préoccupés par les mauvaises actions du frère, nous nous approchions
pour le corriger, mais « avec un esprit de douceur » (Ga 6, 1), et il rappelle : « Tu pourrais
bien toi aussi être tenté » (ibid.). Même lorsque l’on défend sa foi et
ses convictions, il faut le faire « avec douceur » (1 P 3, 16), y compris avec les adversaires
qui doivent être traités « avec douceur » (2 Tm 2, 25). Dans l’Église, bien des fois
nous nous sommes trompés pour ne pas avoir accueilli cette requête de la Parole
de Dieu.
74. La douceur est une
autre expression de la pauvreté intérieure de celui qui place sa confiance
seulement en Dieu. En effet, dans la Bible on utilise habituellement le même
mot anawin pour désigner les pauvres et les doux.
Quelqu’un pourrait objecter : “Si je suis trop doux, on pensera que je suis
stupide, que je suis idiot ou faible”. C’est peut-être le cas, mais laissons
les autres penser cela. Il vaut mieux toujours être doux, et nos plus grands
désirs s’accompliront : les doux « possèderont la terre », autrement dit, ils
verront accomplies, dans leurs vies, les promesses de Dieu. En effet, les doux,
indépendamment des circonstances, espèrent dans le Seigneur, et les humbles
possèderont la terre et jouiront d’une grande paix (cf. Ps 37, 9.11). En même temps, le Seigneur
leur fait confiance : « Celui sur qui je porte les yeux, c’est le pauvre et
l’humilié, celui qui tremble à ma parole » (Is 66, 2).
Réagir
avec une humble douceur, c’est cela la sainteté !
« Heureux les affligés, car ils
seront consolés »
75. Le monde nous
propose le contraire : le divertissement, la jouissance, le loisir, la
diversion, et il nous dit que c’est cela qui fait la bonne vie. L’homme mondain
ignore, détourne le regard quand il y a des problèmes de maladie ou de
souffrance dans sa famille ou autour de lui. Le monde ne veut pas pleurer : il
préfère ignorer les situations douloureuses, les dissimuler, les cacher. Il
s’ingénie à fuir les situations où il y a de la souffrance, croyant qu’il est
possible de masquer la réalité, où la croix ne peut jamais, jamais manquer.
76. La personne qui
voit les choses comme elles sont réellement se laisse transpercer par la
douleur et pleure dans son cœur, elle est capable de toucher les profondeurs de
la vie et d’être authentiquement heureuse[70].
Cette personne est consolée, mais par le réconfort de Jésus et non par celui du
monde. Elle peut ainsi avoir le courage de partager la souffrance des autres et
elle cesse de fuir les situations douloureuses. De cette manière, elle trouve
que la vie a un sens, en aidant l’autre dans sa souffrance, en comprenant les
angoisses des autres, en soulageant les autres. Cette personne sent que l’autre
est la chair de sa chair, elle ne craint pas de s’en approcher jusqu’à toucher
sa blessure, elle compatit jusqu’à se rendre compte que les distances ont été
supprimées. Il devient ainsi possible d’accueillir cette exhortation de saint
Paul : « Pleurez avec qui pleure » (Rm 12,
15).
Savoir
pleurer avec les autres, c’est cela la sainteté !
« Heureux les affamés et les
assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés »
77. ‘‘Avoir faim et
soif’’ sont des expériences très intenses, parce qu’elles répondent à des
besoins vitaux et sont liées à l’instinct de survie. Il y a des gens qui avec
cette même intensité aspirent à la justice et la recherchent avec un désir
vraiment ardent. Jésus dit qu’ils seront rassasiés, puisque, tôt ou tard, la
justice devient réalité, et nous, nous pouvons contribuer à ce que ce soit
possible, même si nous ne voyons pas toujours les résultats de cet engagement.
78. Mais la justice
que Jésus propose n’est pas comme celle que le monde recherche ; une justice
tant de fois entachée par des intérêts mesquins, manipulée d’un côté ou de
l’autre. La réalité nous montre combien il est facile d’entrer dans les bandes
organisées de la corruption, de participer à cette politique quotidienne du
“donnant-donnant”, où tout est affaire. Et que de personnes souffrent
d’injustices, combien sont contraintes à observer, impuissantes, comment les
autres se relaient pour se partager le gâteau de la vie. Certains renoncent à
lutter pour la vraie justice et choisissent de monter dans le train du
vainqueur. Cela n’a rien à voir avec la faim et la soif de justice dont Jésus
fait l’éloge.
79. Une telle justice
commence à devenir réalité dans la vie de chacun lorsque l’on est juste dans
ses propres décisions, et elle se manifeste ensuite, quand on recherche la
justice pour les pauvres et les faibles. Il est vrai que le mot “justice” peut
être synonyme de fidélité à la volonté de Dieu par toute notre vie, mais si
nous lui donnons un sens très général, nous oublions qu’elle se révèle en
particulier dans la justice envers les désemparés : « Recherchez le droit,
redressez le violent ! Faites droit à l’orphelin, plaidez pour la veuve ! » (Is 1, 17).
Rechercher
la justice avec faim et soif, c’est cela la sainteté !
« Heureux les miséricordieux, car ils
obtiendront miséricorde ».
80. La miséricorde a
deux aspects : elle consiste à donner, à aider, à servir les autres, et aussi à
pardonner, à comprendre. Matthieu le résume dans une règle d’or : « Ainsi, tout
ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour
eux » (7, 12). Le
Catéchisme nous rappelle que cette loi doit être appliquée « dans tous les cas
»[71],
spécialement quand quelqu’un « est quelquefois affronté à des situations qui
rendent le jugement moral moins assuré et la décision difficile »[72].
81. Donner et
pardonner, c’est essayer de reproduire dans nos vies un petit reflet de la
perfection de Dieu qui donne et pardonne en surabondance. C’est pourquoi, dans
l’évangile de Luc, nous n’entendons plus le « soyez parfaits » (Mt 5, 48) mais : « Montrez-vous
compatissants, comme votre Père est compatissant. Ne jugez pas, et vous ne
serez pas jugés ; ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés ; remettez,
et il vous sera remis. Donnez et l’on vous donnera » (6, 36-38). Et puis Luc
ajoute quelque chose que nous ne devrions pas ignorer : « De la mesure dont
vous mesurez on mesurera pour vous en retour » (6, 38). La mesure que nous
utilisons pour comprendre et pour pardonner nous sera appliquée pour nous
pardonner. La mesure que nous appliquons pour donner, nous sera appliquée au
ciel pour nous récompenser. Nous n’avons pas intérêt à l’oublier.
82. Jésus ne dit pas :
“Heureux ceux qui planifient la vengeance”, mais il appelle heureux ceux qui
pardonnent et qui le font « jusqu’à soixante-dix-sept fois » (Mt 18, 22). Il faut savoir que tous, nous
constituons une armée de gens pardonnés. Nous tous, nous avons bénéficié de la
compassion divine. Si nous nous approchons sincèrement du Seigneur et si nous
tendons l’oreille, nous entendrons parfois probablement ce reproche : « Ne
devais-tu pas, toi aussi, avoir pitié de ton compagnon comme moi j’ai eu pitié
de toi ? » (Mt 18, 33).
Regarder
et agir avec miséricorde, c’est cela la sainteté !
« Heureux les cœurs purs, car ils
verront Dieu ».
83. Cette béatitude
concerne les personnes qui ont un cœur simple, pur, sans souillure, car un cœur
qui sait aimer ne laisse pas entrer dans sa vie ce qui porte atteinte à cet
amour, ce qui le fragilise ou ce qui le met en danger. Dans la Bible, le cœur,
ce sont nos intentions véritables, ce que nous cherchons vraiment et que nous
désirons, au-delà de ce qui nous laissons transparaître : « Car ils [les
hommes] ne voient que les yeux, mais le Seigneur voit le cœur » (1 S 16, 7). Il cherche à parler à notre
cœur (cf. Os 2, 16) et il désire y écrire sa Loi
(cf. Jr. 31, 33). En
définitive, il veut nous donner un cœur nouveau (cf. Ez 36, 26).
84. Plus que sur toute
chose, il faut veiller sur le cœur (cf. Pr 4, 23). S’il n’est en rien souillé par
le mensonge, ce cœur a une valeur réelle pour le Seigneur. Il « fuit la
fourberie, il se retire devant des pensées sans intelligence » (Sg 1, 5). Le Père, qui « voit dans le
secret » (Mt 6, 6),
reconnaît ce qui n’est pas pur, autrement dit, ce qui n’est pas sincère, mais
qui est seulement une coquille et une apparence, tout comme le Fils sait « ce
qu'il y [a] dans l'homme » (Jn 2,
25).
85. Il est vrai qu’il
n’y a pas d’amour sans des œuvres d’amour, mais cette béatitude nous rappelle
que le Seigneur demande un don de soi au frère qui vienne du cœur, puisque «
quand je distribuerais tous mes biens en aumône, quand je livrerais mon corps
aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien » (1 Co 13, 3). Dans l’Évangile selon
Matthieu, nous voyons aussi que ce qui procède du cœur, c’est cela qui souille
l’homme (cf. 15, 18), car de là proviennent, entre autres, les crimes, le vol,
les faux témoignages. (cf. Mt 15, 19). Les désirs et les décisions
les plus profonds, qui nous guident réellement, trouvent leur origine dans les
intentions du cœur.
86. Quand le cœur aime
Dieu et le prochain (cf. Mt 22, 36-40), quand telle est son
intention véritable et non pas de vaines paroles, alors ce cœur est pur et il
peut voir Dieu. Saint Paul, dans son hymne à la charité, rappelle que « nous
voyons, à présent, dans un miroir, en énigme » (1 Co 13, 12), mais dans la mesure où règne
l’amour vrai, nous serons capables de voir « face à face » (ibid.). Jésus
promet que ceux qui ont un cœur pur ‘‘verront Dieu’’.
Garder
le cœur pur de tout ce qui souille l’amour, c’est cela la sainteté !
« Heureux les artisans de paix, car
ils seront appelés fils de Dieu ».
87. Cette béatitude
nous fait penser aux nombreuses situations de guerre qui se répètent. En ce qui
nous concerne, il est fréquent que nous soyons des instigateurs de conflits ou
au moins des causes de malentendus. Par exemple, quand j’entends quelque chose
de quelqu’un, que je vais voir une autre personne et que je le lui répète ; et
que j’en fais même une deuxième version un peu plus étoffée et que je la
propage. Et si je réussis à faire plus de mal, il semble que cela me donne
davantage de satisfaction. Le monde des ragots, fait de gens qui s’emploient à
critiquer et à détruire, ne construit pas la paix. Ces gens sont au contraire
des ennemis de la paix et aucunement bienheureux[73].
88. Les pacifiques
sont source de paix, ils bâtissent la paix et l’amitié sociales. À ceux qui
s’efforcent de semer la paix en tous lieux, Jésus a fait une merveilleuse
promesse : « Ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9). Il a demandé à ses disciples de
dire en entrant dans une maison : « Paix à cette maison ! » (Lc 10, 5). La Parole de Dieu exhorte
chaque croyant à rechercher la paix ‘‘en union avec tous’’ (cf. 2 Tm 2, 22), car « un fruit de justice est
semé dans la paix pour ceux qui produisent la paix » (Jc 3, 18). Et si parfois, dans notre
communauté, nous avons des doutes quant à ce que nous devons faire, «
poursuivons donc ce qui favorise la paix »
(Rm 14, 19), parce que
l’unité est supérieure au conflit[74].
89. Il n’est pas
facile de bâtir cette paix évangélique qui n’exclut personne mais qui inclut
également ceux qui sont un peu étranges, les personnes difficiles et
compliquées, ceux qui réclament de l’attention, ceux qui sont différents, ceux
qui sont malmenés par la vie, ceux qui ont d’autres intérêts. C’est dur et cela
requiert une grande ouverture d’esprit et de cœur, parce qu’il ne s’agit pas
d’« un consensus de bureau ou d’une paix éphémère, pour une minorité heureuse »[75] ni d’un projet « de quelques-uns
destiné à quelques-uns »[76].
Il ne s’agit pas non plus d’ignorer ou de dissimuler les conflits, mais «
d’accepter de supporter le conflit, de le résoudre et de le transformer en un
maillon d’un nouveau processus »[77].
Il s’agit d’être des artisans de paix, parce que bâtir la paix est un art qui
exige sérénité, créativité, sensibilité et dextérité.
Semer
la paix autour de nous, c’est cela la sainteté !
« Heureux les persécutés pour la
justice, car le Royaume des cieux est à eux ».
90. Jésus
lui-même souligne que ce chemin va à contrecourant, au point de nous
transformer en sujets qui interpellent la société par leur vie, en personnes
qui dérangent. Jésus rappelle combien de personnes sont persécutées et ont été
persécutées simplement pour avoir lutté pour la justice, pour avoir vécu leurs
engagements envers Dieu et envers les autres. Si nous ne voulons pas sombrer
dans une obscure médiocrité, ne recherchons pas une vie confortable, car « qui
veut […] sauver sa vie la perdra » (Mt 16,
25).
91. Pour vivre
l’Évangile, on ne peut pas s’attendre à ce que tout autour de nous soit
favorable, parce que souvent les ambitions du pouvoir et les intérêts mondains
jouent contre nous. Saint Jean-Paul II disait qu’« une société est aliénée
quand, dans les formes de son organisation sociale, de la production et de la
consommation, elle rend plus difficile la réalisation [du] don [de soi] et la
constitution de [la] solidarité entre hommes »[78].
Dans une telle société aliénée, prise dans un enchevêtrement politique,
médiatique, économique, culturel et même religieux qui empêche un authentique
développement humain et social, il devient difficile de vivre les béatitudes,
et cela est même mal vu, suspecté, ridiculisé.
92. La croix, en
particulier les peines et les souffrances que nous supportons pour suivre le
commandement de l’amour et le chemin de la justice, est une source de
maturation et de sanctification. Rappelons-nous que, lorsque le Nouveau
Testament parle des souffrances qu’il faut supporter pour l’Évangile, il se
réfère précisément aux persécutions (cf. Ac 5, 41 ; Ph 1, 29 ; Col 1, 24 ; 2Tm 1, 12 ; 1 P 2, 20 ; 4, 14-16 ; Ap 2, 10).
93. Mais nous parlons
des persécutions inévitables, non pas de celles que nous pouvons causer
nous-mêmes par une mauvaise façon de traiter les autres. Un saint n’est pas
quelqu’un de bizarre, de distant, qui se rend insupportable par sa vanité, sa
négativité et ses rancœurs. Les Apôtres du Christ n’étaient pas ainsi. Le livre
des Actes rapporte avec insistance que ceux-ci jouissaient de la sympathie « de
tout le peuple » (2, 47 ; cf. 4, 21.33 ; 5, 13), tandis que certaines autorités
les harcelaient et les persécutaient (cf. 4, 1-3 ; 5, 17-18).
94. Les persécutions
ne sont pas une réalité du passé, parce qu’aujourd’hui également, nous en
subissons, que ce soit d’une manière sanglante, comme tant de martyrs
contemporains, ou d’une façon plus subtile, à travers des calomnies et des
mensonges. Jésus dit d’être heureux quand « on dira faussement contre vous
toute sorte d’infamie » (Mt 5,
11). D’autres fois, il s’agit de moqueries qui cherchent à défigurer notre foi
et à nous faire passer pour des êtres ridicules.
Accepter
chaque jour le chemin de l’Évangile même s’il nous crée des problèmes, c’est
cela la sainteté !
Le
grand critère
95. Dans le chapitre
25 de l’Évangile selon Matthieu (vv. 31-46), Jésus s’arrête de nouveau sur
l’une des béatitudes, celle qui déclare heureux les miséricordieux. Si nous
recherchons cette sainteté qui plaît aux yeux de Dieu, nous trouvons
précisément dans ce texte un critère sur la base duquel nous serons jugés : «
J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à
boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu,
malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir » (25,
35-36).
Par
fidélité au Maître
96. Donc, être saint
ne signifie pas avoir le regard figé dans une prétendue extase. Saint Jean-Paul
II disait que « si nous sommes vraiment repartis de la contemplation du Christ,
nous devrons savoir le découvrir surtout dans le visage de ceux auxquels il a
voulu lui-même s’identifier »[79].
Le texte de Matthieu 25, 35-36 « n’est pas une simple invitation à la charité ;
c’est une page de christologie qui projette un rayon de lumière sur le mystère
du Christ »[80].
Dans cet appel à le reconnaître dans les pauvres et les souffrants, se révèle
le cœur même du Christ, ses sentiments et ses choix les plus profonds, auxquels
tout saint essaie de se conformer.
97. Vu le caractère
formel de ces requêtes de Jésus, il est de mon devoir de supplier les chrétiens
de les accepter et de les recevoir avec une ouverture d’esprit sincère, “sine
glossa”, autrement dit, sans commentaire, sans élucubrations et sans des
excuses qui les privent de leur force. Le Seigneur nous a précisé que la
sainteté ne peut pas être comprise ni être vécue en dehors de ces exigences,
parce que la miséricorde est « le cœur battant de l’Évangile»[81].
98. Quand je rencontre
une personne dormant exposée aux intempéries, dans une nuit froide, je peux
considérer que ce fagot est un imprévu qui m’arrête, un délinquant désœuvré, un
obstacle sur mon chemin, un aiguillon gênant pour ma conscience, un problème
que doivent résoudre les hommes politiques, et peut-être même un déchet qui
pollue l’espace public. Ou bien je peux réagir à partir de la foi et de la
charité, et reconnaître en elle un être humain doté de la même dignité que moi,
une créature infiniment aimée par le Père, une image de Dieu, un frère racheté
par Jésus-Christ. C’est cela être chrétien ! Ou bien peut-on comprendre la
sainteté en dehors de cette reconnaissance vivante de la dignité de tout être
humain ?[82]
99. Pour les
chrétiens, cela implique une saine et permanente insatisfaction. Bien que
soulager une seule personne justifierait déjà tous nos efforts, cela ne nous
suffit pas. Les Evêques du Canada l’ont exprimé clairement en soulignant que,
dans les enseignements bibliques sur le Jubilé, par exemple, il ne s’agit pas
seulement d’accomplir quelques bonnes œuvres mais de rechercher un changement
social : « Pour que les générations futures soient également libérées, il est
clair que l’objectif doit être la restauration de systèmes sociaux et
économiques justes de manière que, désormais, il ne puisse plus y avoir
d’exclusion »[83].
Les
idéologies qui mutilent le cœur de l’Évangile
100. Je regrette que
parfois les idéologies nous conduisent à deux erreurs nuisibles. D’une part,
celle des chrétiens qui séparent ces exigences de l’Évangile de leur relation
personnelle avec le Seigneur, de l’union intérieure avec lui, de la grâce.
Ainsi, le christianisme devient une espèce d’ONG, privée de cette mystique
lumineuse qu’ont si bien vécue et manifestée saint François d’Assise, saint
Vincent de Paul, sainte Teresa de Calcutta, et beaucoup d’autres. Chez ces
grands saints, ni la prière, ni l’amour de Dieu, ni la lecture de l’Évangile
n’ont diminué la passion ou l’efficacité du don de soi au prochain, mais bien
au contraire.
101. Est également
préjudiciable et idéologique l’erreur de ceux qui vivent en suspectant
l’engagement social des autres, le considérant comme quelque chose de
superficiel, de mondain, de laïcisant, d’immanentiste, de communiste, de populiste.
Ou bien, ils le relativisent comme s’il y avait d’autres choses plus
importantes ou comme si les intéressait seulement une certaine éthique ou une
cause qu’eux-mêmes défendent. La défense de l’innocent qui n’est pas encore né,
par exemple, doit être sans équivoque, ferme et passionnée, parce que là est en
jeu la dignité de la vie humaine, toujours sacrée, et l’amour de chaque
personne indépendamment de son développement exige cela. Mais est également
sacrée la vie des pauvres qui sont déjà nés, de ceux qui se débattent dans la
misère, l’abandon, le mépris, la traite des personnes, l’euthanasie cachée des
malades et des personnes âgées privées d’attention, dans les nouvelles formes
d’esclavage, et dans tout genre de marginalisation[84].
Nous ne pouvons pas envisager un idéal de sainteté qui ignore l’injustice de ce
monde où certains festoient, dépensent allègrement et réduisent leur vie aux
nouveautés de la consommation, alors que, dans le même temps, d’autres
regardent seulement du dehors, pendant que leur vie s’écoule et finit
misérablement.
102. On entend
fréquemment que, face au relativisme et aux défaillances du monde actuel, la
situation des migrants, par exemple, serait un problème mineur. Certains
catholiques affirment que c’est un sujet secondaire à côté des questions
“sérieuses” de la bioéthique. Qu’un homme politique préoccupé par ses succès
dise une telle chose, on peut arriver à la comprendre ; mais pas un chrétien, à
qui ne sied que l’attitude de se mettre à la place de ce frère qui risque sa
vie pour donner un avenir à ses enfants. Pouvons-nous reconnaître là
précisément ce que Jésus-Christ nous demande quand il nous dit que nous
l’accueillons lui-même dans chaque étranger (cf. Mt 25, 35) ? Saint Benoît l’avait accepté
sans réserve et, bien que cela puisse “compliquer” la vie des moines, il a
disposé que tous les hôtes qui se présenteraient au monastère, on les accueille
« comme le Christ »[85] en l’exprimant même par des gestes
d’adoration[86],
et que les pauvres et les pèlerins soient traités « avec le plus grand soin et
sollicitude »[87].
103. L’Ancien
Testament ordonne quelque chose de semblable quand il dit : « Tu ne molesteras
pas l’étranger ni ne l’opprimeras, car vous-mêmes avez été étrangers dans le
pays d’Égypte » (Ex 22,
20). « L’étranger qui réside avec vous sera pour vous comme un compatriote et
tu l’aimeras comme toi-même, car vous avez été des étrangers au pays d’Égypte »
(Lv 19, 33-34). Par
conséquent, il ne s’agit pas d’une invention d’un Pape ou d’un délire passager.
Nous aussi, dans le contexte actuel, nous sommes appelés à parcourir le chemin
de l’illumination spirituelle que nous indiquait le prophète Isaïe quand il
s’interrogeait sur ce qui plaît à Dieu : « N’est-ce pas partager ton pain avec
l’affamé, héberger chez toi les pauvres sans abri, si tu vois un homme nu, le
vêtir, ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair ? Alors ta
lumière éclatera comme l’aurore » (58, 7-8).
Le
culte qui lui plaît le plus
104. Nous pourrions
penser que nous rendons gloire à Dieu seulement par le culte et la prière, ou
uniquement en respectant certaines normes éthiques – certes la primauté revient
à la relation avec Dieu – et nous oublions que le critère pour évaluer notre
vie est, avant tout, ce que nous avons fait pour les autres. La prière a de la
valeur si elle alimente un don de soi quotidien par amour. Notre culte plaît à
Dieu quand nous y mettons la volonté de vivre avec générosité et quand nous
laissons le don reçu de Dieu se traduire dans le don de nous-mêmes aux frères.
105. Pour la même
raison, la meilleure façon de discerner si notre approche de la prière est
authentique sera de regarder dans quelle mesure notre vie est en train de se
transformer à la lumière de la miséricorde. En effet, « la miséricorde n’est
pas seulement l’agir du Père, mais elle devient le critère pour comprendre qui
sont ses véritables enfants »[88].
Elle « est le pilier qui soutient la vie de l’Église »[89].
Je voudrais souligner une fois de plus que, si la miséricorde n’exclut pas la
justice et la vérité, « avant tout, nous devons dire que la miséricorde est la
plénitude de la justice et la manifestation la plus lumineuse de la vérité de
Dieu »[90].
Elle « est la clef du ciel »[91].
106. Je ne peux pas
m’empêcher de rappeler cette question que se posait saint Thomas d’Aquin quand
il examinait quelles sont nos actions les plus grandes, quelles sont les œuvres
extérieures qui manifestent le mieux notre amour de Dieu. Il a répondu sans
hésiter que ce sont les œuvres de miséricorde envers le prochain[92].
plus que les actes de culte : « Les sacrifices et les offrandes qui font partie
du culte divin ne sont pas pour Dieu lui-même, mais pour nous et nos proches.
Lui-même n’en a nul besoin, et s’il les veut, c’est pour exercer notre dévotion
et pour aider le prochain. C’est pourquoi la miséricorde qui subvient aux
besoins des autres, lui agrée davantage, étant plus immédiatement utile au
prochain »[93].
107. Celui qui veut
vraiment rendre gloire à Dieu par sa vie, celui qui désire réellement se sanctifier
pour que son existence glorifie le Saint, est appelé à se consacrer, à
s’employer, et à s’évertuer à essayer de vivre les œuvres de miséricorde. C’est
ce qu’a parfaitement compris sainte Teresa de Calcutta : « Oui, j’ai beaucoup
de faiblesses humaines, beaucoup de misères humaines […] Mais il s’abaisse et
il se sert de nous, de vous et de moi, pour que nous soyons son amour et sa
compassion dans le monde, malgré nos péchés, malgré nos misères et nos défauts.
Il dépend de nous pour aimer le monde, et lui prouver à quel point il l’aime.
Si nous nous occupons trop de nous-mêmes, nous n’aurons plus de temps pour les
autres »[94].
108. Le consumérisme
hédoniste peut nous jouer un mauvais tour, parce qu’avec l’obsession de passer
du bon temps, nous finissons par être excessivement axés sur nous-mêmes, sur
nos droits et sur la hantise d’avoir du temps libre pour en jouir. Il sera
difficile pour nous de nous soucier de ceux qui se sentent mal et de consacrer
des énergies à les aider, si nous ne cultivons pas une certaine austérité, si
nous ne luttons pas contre cette fièvre que nous impose la société de
consommation pour nous vendre des choses, et qui finit par nous transformer en
pauvres insatisfaits qui veulent tout avoir et tout essayer. La consommation de
l’information superficielle et les formes de communication rapide et virtuelle
peuvent également être un facteur d’abrutissement qui nous enlève tout notre
temps et nous éloigne de la chair souffrante des frères. Au milieu de ce
tourbillon actuel, l’Évangile vient résonner de nouveau pour nous offrir une
vie différente, plus saine et plus heureuse.
***
109. La force du
témoignage des saints, c’est d’observer les béatitudes et le critère du
jugement dernier. Ce sont peu de paroles, simples mais pratiques et valables
pour tout le monde, parce que le christianisme est principalement fait pour
être pratiqué, et s’il est objet de réflexion, ceci n’est valable que quand il
nous aide à incarner l’Évangile dans la vie quotidienne. Je recommande de
nouveau de relire fréquemment ces grands textes bibliques, de se les rappeler,
de prier en s’en servant, d’essayer de les faire chair. Ils nous feront du
bien, ils nous rendront vraiment heureux.
Quatrième chapitre
QUELQUES CARACTÉRISTIQUES
DE LA SAINTETÉ DANS LE MONDE ACTUEL
110. Dans le grand
tableau de la sainteté que nous proposent les béatitudes et Matthieu 25, 31-46, je voudrais recueillir
certaines caractéristiques ou expressions spirituelles qui, à mon avis, sont
indispensables pour comprendre le style de vie auquel Jésus nous appelle. Je ne
vais pas m’attarder à expliquer les moyens de sanctification que nous
connaissons déjà : les différentes méthodes de prière, les précieux sacrements
de l’Eucharistie et de la Réconciliation, l’offrande de sacrifices, les
diverses formes de dévotion, la direction spirituelle, et tant d’autres. Je me
référerai uniquement à quelques aspects de l’appel à la sainteté dont j’espère
qu’ils résonneront de manière spéciale.
111. Ces
caractéristiques que je voudrais souligner ne sont pas toutes celles qui
peuvent composer un modèle de sainteté, mais elles sont au nombre de cinq, les
grandes manifestations de l’amour envers Dieu et le prochain que je considère
d’une importance particulière, vu certains risques et certaines limites de la
culture d’aujourd’hui. Dans cette culture se manifestent : l’anxiété nerveuse
et violente qui nous disperse et nous affaiblit ; la négativité et la tristesse
; l’acédie commode, consumériste et égoïste ; l’individualisme et de nombreuses
formes de fausse spiritualité sans rencontre avec Dieu qui règnent dans le
marché religieux actuel.
Endurance,
patience et douceur
112. La première de
ces grandes caractéristiques, c’est d’être centré, solidement axé sur Dieu qui
aime et qui soutient. Grâce à cette force intérieure, il est possible
d’endurer, de supporter les contrariétés, les vicissitudes de la vie, et aussi
les agressions de la part des autres, leurs infidélités et leurs défauts : « Si
Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8, 31). Voilà la source de la
paix qui s’exprime dans les attitudes d’un saint. Grâce à cette force intérieure,
le témoignage de sainteté, dans notre monde pressé, changeant et agressif, est
fait de patience et de constance dans le bien. C’est la fidélité de l’amour,
car celui qui s’appuie sur Dieu (pistis) peut également être fidèle aux frères
(pistós) ; il ne les abandonne pas dans les moments difficiles, il ne se laisse
pas mener par l’anxiété et reste aux côtés des autres même lorsque cela ne lui
donne pas de satisfactions immédiates.
113. Saint Paul
invitait les Romains à ne « rendre à personne le mal pour le mal » (Rm 12, 17), à ne pas vouloir se « faire
justice à [eux]-mêmes » (v. 19), et à ne pas se laisser vaincre par le mal,
mais à être vainqueurs « du mal par le bien » (v. 21). Cette attitude n’est pas
un signe de faiblesse mais de la vraie force, car Dieu lui-même « est lent à la
colère, mais grand par sa puissance » (Na 1, 3). La Parole de Dieu nous met en
garde : « Aigreur, emportement, colère, clameurs, outrages, tout cela doit être
extirpé de chez vous, avec la malice sous toutes ses formes » (Ep 4, 31).
114. Il nous faut
lutter et être attentifs face à nos propres penchants agressifs et
égocentriques pour ne pas permettre qu’ils s’enracinent : « Emportez-vous, mais
ne commettez pas le péché : que le soleil ne se couche pas sur votre colère » (Ep 4, 26). Quand des circonstances nous
accablent, nous pouvons toujours recourir à l’ancre de la supplication qui nous
conduit à demeurer encore dans les mains de Dieu et près de la source de la
paix : « N’entretenez aucun souci ; mais en tout besoin recourez à l’oraison et
à la prière, pénétrées d’action de grâces, pour présenter vos requêtes à Dieu.
Alors la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, prendra sous sa garde
vos cœurs et vos pensées » (Ph 4,
6-7).
115. Les chrétiens
aussi peuvent faire partie des réseaux de violence verbale sur Internet et à
travers les différents forums ou espaces d’échange digital. Même dans des
milieux catholiques, on peut dépasser les limites, on a coutume de banaliser la
diffamation et la calomnie, et toute éthique ainsi que tout respect de la
renommée d’autrui semblent évacués. Ainsi se produit un dangereux dualisme, car
sur ces réseaux on dit des choses qui ne seraient pas tolérables dans la vie
publique, et on cherche à compenser ses propres insatisfactions en faisant déferler
avec furie les désirs de vengeance. Il est significatif que parfois, en
prétendant défendre d’autres commandements, on ignore complètement le huitième
: ‘‘Ne pas porter de faux témoignage ni mentir’’, et on détruit l’image de
l’autre sans pitié. Là se manifeste sans contrôle le fait que la langue est un
« monde du mal » et « elle enflamme le cycle de la création, enflammée qu’elle
est par la Géhenne » (Jc 3,
6).
116. La force
intérieure qui est l’œuvre de la grâce nous préserve de la contagion de la violence
qui envahit la vie sociale, car la grâce apaise la vanité et rend possible la
douceur du cœur. Le saint ne consacre pas ses énergies à déplorer les erreurs
d’autrui ; il est capable de faire silence devant les défauts de ses frères et
il évite la violence verbale qui dévaste et maltraite, parce qu’il ne se juge
pas digne d’être dur envers les autres, mais il les estime supérieurs à
lui-même (cf. Ph 2, 3).
117. Il n’est pas bon
pour nous de regarder de haut, d’adopter la posture de juges impitoyables,
d’estimer les autres indignes et de prétendre donner des leçons constamment.
C’est là une forme subtile de violence[95].
Saint Jean de la Croix proposait autre chose : « Préfère être enseigné de tout
le monde que d’instruire le moindre de tous »[96].
Et il ajoutait un conseil pour tenir éloigné le démon : « [...| Te réjouir du
bien d’autrui comme du tien propre, [...] désirer que les autres te soient
préférés en toutes choses, le désirer, dis-je, très sincèrement. De cette
façon, tu surmonteras le mal par le bien, tu repousseras le démon loin de toi,
tu auras le cœur dans la joie. Et tout cela, tu chercheras à l’exercer envers
les personnes qui te reviendront le moins. Sache que si tu n’en viens là, tu
n’arriveras pas à la parfaite charité, et que même tu n’en approcheras point »[97].
118. L’humilité ne
peut s’enraciner dans le cœur qu’à travers les humiliations. Sans elles, il n’y
a ni humilité ni sainteté. Si tu n’es pas capable de supporter et de souffrir
quelques humiliations, tu n’es pas humble et tu n’es pas sur le chemin de la
sainteté. La sainteté que Dieu offre à son Église vient à travers l’humiliation
de son Fils. Voilà le chemin ! L’humiliation te conduit à ressembler à Jésus,
c’est une partie inéluctable de l’imitation de Jésus-Christ : « Le Christ […] a
souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces »
(1 P 2, 21). Pour sa part,
il exprime l’humilité du Père qui s’humilie pour marcher avec son peuple, qui
supporte ses infidélités et ses murmures (cf. Ex 34, 6-9 ; Sg 11, 23-12, 2 ; Lc 6, 36). C’est pourquoi les Apôtres,
après l’humiliation, étaient « tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir
des outrages pour le Nom de Jésus » (Ac 5, 41).
119. Je ne me réfère
pas uniquement aux situations cruelles de martyre, mais aux humiliations
quotidiennes de ceux qui se taisent pour sauver leur famille, ou évitent de
parler bien d’eux-mêmes et préfèrent louer les autres au lieu de se glorifier,
choisissent les tâches les moins gratifiantes, et même préfèrent parfois
supporter quelque chose d’injuste pour l’offrir au Seigneur : « Si, faisant le
bien, vous supportez la souffrance, c’est une grâce auprès de Dieu » (1 P 2, 20). Il ne s’agit pas de marcher la
tête basse, de parler peu ou de fuir la société. Parfois précisément, parce que
libéré de l’égocentrisme, quelqu’un peut oser discuter gentiment, réclamer la
justice ou défendre les faibles face aux puissants, bien que cela lui attire
des conséquences négatives pour son image.
120. Je ne dis pas que
l’humiliation soit quelque chose d’agréable, car ce serait du masochisme, mais
je dis qu’il s’agit d’un chemin pour imiter Jésus et grandir dans l’union avec
lui. Cela ne va pas de soi et le monde se moque d’une pareille proposition.
C’est une grâce qu’il nous faut demander : ‘‘Seigneur, quand arrivent les
humiliations, aide-moi à sentir que je suis derrière toi, sur ton chemin’’.
121. Cette attitude
suppose un cœur pacifié par le Christ, libéré de cette agressivité qui jaillit
d’un ego démesuré. La même pacification que réalise la grâce nous permet de
garder une assurance intérieure et de supporter, de persévérer dans le bien
même en traversant « un ravin de ténèbres » (Ps 23, 4), ou même si une armée vient «
camper contre moi » (Ps 27,
3). Fermes dans le Seigneur, le Rocher, nous pouvons chanter : « En paix, tout
aussitôt, je me couche et je dors : c’est toi, Seigneur, qui m’établis à part,
en sûreté » (Ps 4, 9). En
définitive, le Christ « est notre paix » (Ep 2, 14), il vient « guider nos pas dans
le chemin de la paix » (Lc 1,
79). Il a communiqué à sainte Faustine Kowalska : « L’humanité ne trouvera pas
la paix tant qu’elle ne se tournera pas avec confiance vers ma miséricorde
divine »[98].
Ne tombons donc pas dans la tentation de chercher l’assurance intérieure dans
le succès, dans les plaisirs vides, dans la possession, dans la domination des
autres ou dans l’image sociale : « Je vous laisse la paix ; c’est ma paix que
je vous donne ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne » (Jn 14, 27).
Joie
et sens de l’humour
122. Ce qui a été dit
jusqu’à présent n’implique pas un esprit inhibé, triste, aigri, mélancolique ou
un profil bas amorphe. Le saint est capable de vivre joyeux et avec le sens de
l’humour. Sans perdre le réalisme, il éclaire les autres avec un esprit positif
et rempli d’espérance. Être chrétien est « joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14, 17), parce que « l’amour de
charité entraîne nécessairement la joie. Toujours celui qui aime se réjouit
d’être uni à l’aimé […]. C’est pourquoi la joie est conséquence de la charité »[99].
Nous avons reçu la merveille de sa Parole et nous l’embrassons « parmi bien des
tribulations, avec la joie de l’Esprit Saint » (1 Th 1, 6). Si nous laissons le Seigneur nous
sortir de notre carapace et nous changer la vie, alors nous pourrons réaliser
ce que demandait saint Paul : « Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur, je
le dis encore, réjouissez-vous » (Ph 4,
4).
123. Les prophètes
annonçaient le temps de Jésus que nous sommes en train de vivre comme une
révélation de la joie : « Pousse des cris de joie, des clameurs » (Is 12, 6). « Monte sur une haute
montagne, messagère de Sion ; élève et force la voix, messagère de Jérusalem »
(Is 40, 9). « Que les
montagnes poussent des cris, car le Seigneur a consolé son peuple, il prend en
pitié ses affligés » (Is 49,
13). « Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem !
Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble » (Za 9, 9). Et n’oublions pas l’exhortation
de Néhémie : « Ne vous affligez point : la joie du Seigneur est votre
forteresse ! » (8, 10).
124. Marie, qui a su
découvrir la nouveauté que Jésus apportait, chantait : « Mon esprit tressaille
de joie en Dieu mon sauveur » (Lc 1,
47) et Jésus lui-même « tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint » (Lc 10, 21). Quand il passait, « la foule
était dans la joie » (Lc 13,
17). Après sa résurrection, là où arrivaient les disciples il y avait une «
joie vive » (Ac 8, 8).
Jésus nous donne une assurance : « Vous serez tristes, mais votre tristesse se
changera en joie […]. Je vous verrai de nouveau et votre cœur sera dans la
joie, et votre joie, nul ne vous l’enlèvera » (Jn 16, 20.22). « Je vous dis cela pour
que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » (Jn 15, 11).
125. Il y a des
moments difficiles, des temps de croix, mais rien ne peut détruire la joie
surnaturelle qui « s’adapte et se transforme, et elle demeure toujours au moins
comme un rayon de lumière qui naît de la certitude personnelle d’être
infiniment aimé, au-delà de tout »[100].
C’est une assurance intérieure, une sérénité remplie d’espérance qui donne une
satisfaction spirituelle incompréhensible selon les critères du monde.
126. Ordinairement, la
joie chrétienne est accompagnée du sens de l’humour, si remarquable, par exemple,
chez saint Thomas More, chez saint Vincent de Paul ou chez saint Philippe Néri.
La mauvaise humeur n’est pas un signe de sainteté : « Eloigne de ton cœur le
chagrin » (Qo 11, 10). Ce
que nous recevons du Seigneur « afin d’en jouir » (1 Tm 6, 17) est tel que parfois la
tristesse frise l’ingratitude de notre part, frise le repli sur nous-mêmes au
point que nous sommes incapables de reconnaître les dons de Dieu[101].
127. Son amour
paternel nous invite : « Mon fils, traite-toi bien […]. Ne te refuse pas le
bonheur présent » (Si 14,
11.14). Il nous veut positifs, reconnaissants et pas trop compliqués : « Au
jour du bonheur, sois heureux […]. Dieu a fait l’homme tout droit, et lui,
cherche bien des calculs » (Qo 7,
14.29). En toute circonstance, il faut garder un esprit souple, et faire comme
saint Paul : « J’ai appris en effet à me suffire en toute occasion » (Ph 4, 11). C’est ce que vivait saint
François d’Assise, capable d’être ému de gratitude devant un morceau de pain
dur, ou bien, heureux de louer Dieu uniquement pour la brise qui caressait son
visage.
128. Je ne parle pas
de la joie consumériste et individualiste si répandue dans certaines
expériences culturelles d’aujourd’hui. Car le consumérisme ne fait que
surcharger le cœur ; il peut offrir des plaisirs occasionnels et éphémères,
mais pas la joie. Je me réfère plutôt à cette joie qui se vit en communion, qui
se partage et se distribue, car « il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir
» (Ac 20, 35) et « Dieu
aime celui qui donne avec joie » (2 Co 9,
7). L’amour fraternel accroît notre capacité de joie, puisqu’il nous rend
capables de jouir du bien des autres : « Réjouissez-vous avec qui est dans la
joie » (Rm 12, 15). « Nous
nous réjouissons, quand nous sommes faibles et que vous êtes forts » (2 Co 13, 9). En revanche, « si nous nous
concentrons sur nos propres besoins, nous nous condamnons à vivre avec peu de
joie »[102].
Audace
et ferveur
129. En même temps, la
sainteté est parresía : elle est audace, elle est une incitation à
l’évangélisation qui laisse une marque dans ce monde. Pour que cela soit
possible, Jésus lui-même vient à notre rencontre et nous répète avec sérénité
et fermeté : « Soyez sans crainte » (Mc 6, 50). « Et voici que je suis avec
vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). Ces paroles nous permettent
de marcher et de servir dans cette attitude pleine de courage que suscitait
l’Esprit Saint chez les Apôtres et qui les conduisait à annoncer Jésus-Christ.
Audace, enthousiasme, parler en toute liberté, ferveur apostolique, tout cela
est compris dans le vocable parresía, terme par lequel la Bible désigne
également la liberté d’une existence qui est ouverte, parce qu’elle se trouve
disponible à Dieu et aux autres (cf. Ac 4, 29 ; 9, 28 ; 28, 31 ; 2 Co 3, 12 ; Ep 3, 12 ; He 3, 6 ; 10, 19).
130. Le bienheureux Paul VI mentionnait parmi les obstacles à
l’évangélisation précisément le manque de parresía : « Le manque de ferveur […] est
d’autant plus grave qu’il vient du dedans »[103].
Que de fois nous nous sentons engourdis par le confort de la rive ! Mais le
Seigneur nous appelle à naviguer au large et à jeter les filets dans des eaux
plus profondes (cf. Lc 5, 4). Il nous invite à consacrer
notre vie à son service. Attachés à lui, nous avons le courage de mettre tous
nos charismes au service des autres. Puissions-nous nous sentir récompensés par
son amour (cf. 2 Co 5, 14) et puissions-nous dire avec
saint Paul : « Malheur à moi si je n'annonçais pas l’Evangile ! » (1 Co 9, 16).
131. Regardons Jésus :
sa compassion profonde n’était pas quelque chose qui l’isolait, ce n’était pas
une compassion paralysante, timide ou honteuse comme bien des fois cela nous
arrive, bien au contraire ! C’était une compassion qui l’incitait à sortir de
lui-même avec vigueur pour annoncer, pour envoyer en mission, pour envoyer
guérir et libérer. Reconnaissons notre fragilité mais laissons Jésus la saisir
de ses mains et nous envoyer en mission. Nous sommes fragiles mais porteurs
d’un trésor qui nous grandit et qui peut rendre meilleurs et plus heureux ceux
qui le reçoivent. L’audace et le courage apostoliques sont des caractéristiques
de la mission.
132. La parresía est un sceau de l’Esprit, une marque
de l’authenticité de l’annonce. Elle est l’assurance heureuse qui nous conduit
à trouver notre gloire dans l’Évangile que nous annonçons, elle est confiance
inébranlable dans la fidélité du Témoin fidèle qui nous donne l’assurance que
rien « ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu » (Rm 8, 39).
133. Nous avons besoin
de l’impulsion de l’Esprit pour ne pas être paralysés par la peur et par le
calcul, pour ne pas nous habituer à ne marcher que dans des périmètres sûrs. Souvenons-nous
que ce qui est renfermé finit par sentir l’humidité et par nous rendre malades.
Quand les Apôtres ont senti la tentation de se laisser paralyser par les
craintes et les dangers, ils se sont mis à prier ensemble en demandant la parresía : « À présent donc, Seigneur,
considère leurs menaces et [permets] à tes serviteurs d’annoncer ta parole en
toute assurance » (Ac 4,
29). Et la réponse a été que « tandis qu’ils priaient, l’endroit où ils se
trouvaient réunis trembla ; tous furent alors remplis du Saint Esprit et se
mirent à annoncer la parole de Dieu avec assurance » (Ac 4, 31).
134. Comme le prophète
Jonas, nous avons en nous la tentation latente de fuir vers un endroit sûr qui
peut avoir beaucoup de noms : individualisme, spiritualisme, repli dans de
petits cercles, dépendance, routine, répétition de schémas préfixés,
dogmatisme, nostalgie, pessimisme, refuge dans les normes. Peut-être
refusons-nous de sortir d’un territoire qui nous était connu et commode.
Toutefois, les difficultés peuvent être comme la tempête, la baleine, le ver
qui a fait sécher le ricin de Jonas, ou le vent et le soleil qui l’ont brûlé à
la tête ; et comme dans son cas, ils peuvent servir à nous faire retourner à ce
Dieu qui est tendresse et qui veut nous conduire dans un cheminement continu et
rénovateur.
135. Dieu est toujours
une nouveauté, qui nous pousse à partir sans relâche et à nous déplacer pour
aller au-delà de ce qui est connu, vers les périphéries et les frontières. Il
nous conduit là où l’humanité est la plus blessée et là où les êtres humains,
sous l’apparence de la superficialité et du conformisme, continuent à chercher
la réponse à la question du sens de la vie. Dieu n’a pas peur ! Il n’a pas peur
! Il va toujours au-delà de nos schémas et ne craint pas les périphéries.
Lui-même s’est fait périphérie (cf. Ph2,
6-8 ; Jn 1, 14). C’est pourquoi, si nous osons
aller aux périphéries, nous l’y trouverons, il y sera. Jésus nous devance dans
le cœur de ce frère, dans sa chair blessée, dans sa vie opprimée, dans son âme
obscurcie. Il y est déjà.
136. Il faut, certes,
ouvrir la porte du cœur à Jésus-Christ, car il frappe et appelle (cf. Ap 3, 20). Mais parfois, je me demande
si, à cause de l’air irrespirable de notre auto-référentialité, Jésus n’était
pas déjà en nous, frappant pour que nous le laissions sortir. Dans l’Évangile,
nous voyons comment Jésus « cheminait à travers villes et villages, prêchant et
annonçant la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu » (Lc 8, 1). De même, après la résurrection,
quand les disciples sont allés partout, le Seigneur œuvrait avec eux (cf. Mc 16, 20). Voilà la dynamique qui
jaillit de la vraie rencontre !
137. L’accoutumance
nous séduit et nous dit que chercher à changer quelque chose n’a pas de sens,
que nous ne pouvons rien faire face à cette situation, qu’il en a toujours été
ainsi et que nous avons survécu malgré cela. À cause de l’accoutumance, nous
n’affrontons plus le mal et nous permettons que les choses ‘‘soient ce qu’elles
sont’’, ou ce que certains ont décidé qu’elles soient. Mais laissons le
Seigneur venir nous réveiller, nous secouer dans notre sommeil, nous libérer de
l’inertie. Affrontons l’accoutumance, ouvrons bien les yeux et les oreilles, et
surtout le cœur, pour nous laisser émouvoir par ce qui se passe autour de nous
et par le cri de la Parole vivante et efficace du Ressuscité.
138. L’exemple de
nombreux prêtres, religieuses, religieux et laïcs qui se consacrent à
évangéliser et à servir avec grande fidélité, bien des fois en risquant leurs
vies et sûrement au prix de leur confort, nous galvanise. Leur témoignage nous
rappelle que l’Église n’a pas tant besoin de bureaucrates et de fonctionnaires,
que de missionnaires passionnés, dévorés par l’enthousiasme de transmettre la
vraie vie. Les saints surprennent, dérangent, parce que leurs vies nous
invitent à sortir de la médiocrité tranquille et anesthésiante.
139. Demandons au
Seigneur la grâce de ne pas vaciller quand l’Esprit nous demande de faire un
pas en avant ; demandons le courage apostolique d’annoncer l’Évangile aux autres
et de renoncer à faire de notre vie chrétienne un musée de souvenirs. De toute
manière, laissons l’Esprit Saint nous faire contempler l’histoire sous l’angle
de Jésus ressuscité. Ainsi, l’Église, au lieu de stagner, pourra aller de
l’avant en accueillant les surprises du Seigneur.
En
communauté
140. Il est très
difficile de lutter contre notre propre concupiscence ainsi que contre les
embûches et les tentations du démon et du monde égoïste, si nous sommes trop
isolés. Le bombardement qui nous séduit est tel que, si nous sommes trop seuls,
nous perdons facilement le sens de la réalité, la clairvoyance intérieure, et
nous succombons.
141. La sanctification
est un cheminement communautaire, à faire deux à deux. C’est ainsi que le
reflètent certaines communautés saintes. En diverses occasions, l’Église a
canonisé des communautés entières qui ont vécu héroïquement l’Évangile ou qui
ont offert à Dieu la vie de tous leurs membres. Pensons, à titre d’exemple, aux
sept saints fondateurs de l’Ordre des Servites de Marie, aux sept religieuses
bienheureuses du premier monastère de la Visitation de Madrid, à saint Paul
Miki et ses compagnons martyrs au Japon, à saint André Kim Taegon et ses
compagnons martyrs en Corée, à saint Roque González, saint Alphonse Rodríguez et
leurs compagnons martyrs en Amérique du Sud. Souvenons-nous également du récent
témoignage des moines trappistes de Tibhirine (Algérie), qui se sont préparés
ensemble au martyre. Il y a, de même, beaucoup de couples saints au sein
desquels chacun a été un instrument du Christ pour la sanctification de l’autre
époux. Vivre ou travailler avec d’autres, c’est sans aucun doute un chemin de
développement spirituel. Saint Jean de la Croix disait à un disciple : tu ne
vis avec d’autres « que pour être travaillé, exercé par tous […] »[104].
142. La communauté est
appelée à créer ce « lieu théologal où l’on peut faire l’expérience de la
présence mystique du Seigneur ressuscité »[105].
Partager la Parole et célébrer ensemble l’Eucharistie fait davantage de nous
des frères et nous convertit progressivement en communauté sainte et
missionnaire. Cela donne lieu aussi à d’authentiques expériences mystiques
vécues en communauté, comme ce fut le cas de saint Benoît et de sainte
Scholastique, ou lors de cette sublime rencontre spirituelle qu’ont vécue
ensemble saint Augustin et sa mère sainte Monique : « Or, le jour était
imminent où elle allait quitter cette vie, jour que tu connaissais, toi, mais
que nous, nous ignorions. Il se trouva, par tes soins j’en suis sûr, par tes
secrètes dispositions, que nous étions seuls, elle et moi, debout, accoudés à
une fenêtre ; de là le jardin intérieur […]. Nous tenions grande ouverte la
bouche de notre cœur vers les eaux qui ruissellent d’en haut de ta source, de
la source de vie qui est près de toi […]. Et pendant que nous parlons et
aspirons à elle [la sagesse éternelle], voici que nous la touchons, à peine,
d’une poussée rapide et totale du cœur. […] [Comme si] la vie éternelle fût
telle qu’a été cet instant d’intelligence après lequel nous avions soupiré… »[106].
143. Mais ces
expériences ne sont pas ce qu’il y a de plus fréquent, ni de plus important. La
vie communautaire, soit en famille, en paroisse, en communauté religieuse ou en
quelque autre communauté, est faite de beaucoup de petits détails quotidiens.
Il en était ainsi dans la sainte communauté qu’ont formée Jésus, Marie et
Joseph, où s’est reflétée de manière exemplaire la beauté de la communion
trinitaire. C’est également ce qui se passait dans la vie communautaire menée
par Jésus avec ses disciples et avec les gens simples.
144. Rappelons comment
Jésus invitait ses disciples à prêter attention aux détails.
Le
petit détail du vin qui était en train de manquer lors d’une fête.
Le
petit détail d’une brebis qui manquait.
Le
petit détail de la veuve qui offrait ses deux piécettes.
Le
petit détail d’avoir de l’huile en réserve pour les lampes au cas où tarderait
le fiancé.
Le
petit détail de demander à ses disciples de vérifier combien de pains ils
avaient.
Le
petit détail d’avoir allumé un feu de braise avec du poisson posé dessus tandis
qu’il attendait les disciples à l’aube.
145. La communauté qui
préserve les petits détails de l’amour[107],
où les membres se protègent les uns les autres et créent un lieu ouvert et
d’évangélisation, est le lieu de la présence du Ressuscité qui la sanctifie
selon le projet du Père. Parfois, par un don de l’amour du Seigneur, au milieu
de ces petits détails, s’offrent à nous des expériences consolantes de Dieu : «
Un soir d’hiver j’accomplissais comme d’habitude mon petit office… tout à coup
j’entendis dans le lointain le son harmonique d’un instrument de musique, alors
je me représentai un salon bien éclairé, tout brillant de dorures, des jeunes
filles élégamment vêtues se faisant mutuellement des compliments et des
politesses mondaines ; puis mon regard se porta sur la pauvre malade que je
soutenais ; au lieu d’une mélodie j’entendais de temps en temps ses
gémissements plaintifs […]. Je ne puis exprimer ce qui se passa dans mon âme,
ce que je sais c’est que le Seigneur l’illumina des rayons de la vérité qui
surpassèrent tellement l’éclat ténébreux des fêtes de la terre, que je ne
pouvais croire à mon bonheur »[108].
146. À l’opposé de la
tendance à l’individualisme consumériste qui finit par nous isoler dans la
quête du bien-être en marge des autres, notre chemin de sanctification ne peut
se lasser de nous identifier à ce désir de Jésus : « Que tous soient un. Comme
toi, Père, tu es en moi et moi en toi » (Jn 17, 21).
En
prière constante
147. Finalement, même
si cela semble évident, souvenons-nous que la sainteté est faite d’une
ouverture habituelle à la transcendance, qui s’exprime dans la prière et dans
l’adoration. Le saint est une personne dotée d’un esprit de prière, qui a
besoin de communiquer avec Dieu. C’est quelqu’un qui ne supporte pas d’être
asphyxié dans l’immanence close de ce monde, et au milieu de ses efforts et de
ses engagements, il soupire vers Dieu, il sort de lui-même dans la louange et
élargit ses limites dans la contemplation du Seigneur. Je ne crois pas dans la
sainteté sans prière, bien qu’il ne s’agisse pas nécessairement de longs
moments ou de sentiments intenses.
148. Saint Jean de la
Croix recommandait de « s’efforcer de vivre toujours en la présence de Dieu,
soit réelle, soit imaginaire, soit unitive, selon que les actions commandées le
permettent »[109].
Au fond, c’est le désir de Dieu qui ne peut se lasser de se manifester de
quelque manière dans notre vie quotidienne : « Efforcez-vous de vivre dans une
oraison continuelle, sans l’abandonner au milieu des exercices corporels. Que
vous mangiez, que vous buviez [...], que vous parliez, que vous traitiez avec
les séculiers, ou que vous fassiez toute autre chose, entretenez constamment en
vous le désir de Dieu, élevez vers lui vos affections »[110].
149. Cependant, pour
que cela soit possible, il faut aussi quelques moments uniquement pour Dieu,
dans la solitude avec lui. Pour sainte Thérèse d’Avila, la prière, c’est « un
commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu
dont on se sait aimé »[111].
Je voudrais insister sur le fait que ce n’est pas seulement pour quelques
privilégiés, mais pour tous, car « nous avons tous besoin de ce silence chargé
de présence adorée »[112].
La prière confiante est une réaction du cœur qui s’ouvre à Dieu face à face, où
on fait taire tous les bruits pour écouter la voix suave du Seigneur qui
résonne dans le silence.
150. Dans le silence,
il est possible de discerner, à la lumière de l’Esprit, les chemins de sainteté
que le Seigneur nous propose. Autrement, toutes nos décisions ne pourront être
que des ‘‘décorations’’ qui, au lieu d’exalter l’Évangile dans nos vies, le
recouvriront ou l’étoufferont. Pour tout disciple, il est indispensable d’être
avec le Maître, de l’écouter, d’apprendre de lui, d’apprendre toujours. Si nous
n’écoutons pas, toutes nos paroles ne seront que du bruit qui ne sert à rien.
151. Souvenons-nous
que « c’est la contemplation du visage de Jésus mort et ressuscité qui
recompose notre humanité, même celle qui est fragmentée par les vicissitudes de
la vie, ou celle qui est marquée par le péché. Nous ne devons pas apprivoiser
la puissance du visage du Christ »[113].
J’ose donc te demander : Y a-t-il des moments où tu te mets en sa présence en
silence, où tu restes avec lui sans hâte, et tu te laisses regarder par lui ?
Est-ce que tu laisses son feu embraser ton cœur ? Si tu ne lui permets pas
d’alimenter la chaleur de son amour et de sa tendresse, tu n’auras pas de feu,
et ainsi comment pourras-tu enflammer le cœur des autres par ton témoignage et
par tes paroles ? Et si devant le visage du Christ tu ne parviens pas à te
laisser guérir et transformer, pénètre donc les entrailles du Seigneur, entre
dans ses plaies, car c’est là que la miséricorde divine a son siège[114].
152. Mais je prie pour
que nous ne considérions pas le silence priant comme une évasion niant le monde
qui nous entoure. Le ‘‘pèlerin russe’’, qui marchait dans une prière continue,
raconte que cette prière ne le séparait pas de la réalité extérieure : « Lorsqu’il
m’arrivait de rencontrer des gens, ils me semblaient aussi aimables que s’ils
avaient été de ma famille [...] Ce bonheur n’illuminait pas seulement
l’intérieur de mon âme ; le monde extérieur aussi m’apparaissait sous un aspect
ravissant »[115].
153. L’histoire ne
disparaît pas non plus. La prière, précisément parce qu’elle s’alimente du don
de Dieu qui se répand dans notre vie, devrait toujours faire mémoire. La
mémoire des actions de Dieu se trouve à la base de l’expérience de l’alliance
entre Dieu et son peuple. Puisque Dieu a voulu entrer dans l’histoire, la
prière est tissée de souvenirs. Non seulement du souvenir de la Parole révélée,
mais aussi de la vie personnelle, de la vie des autres, de ce que le Seigneur a
fait dans son Église. C’est la mémoire reconnaissante dont parle également
saint Ignace de Loyola dans sa ‘‘Contemplation pour parvenir à l’amour’’[116],
quand il nous demande de ramener à la mémoire tous les bénéfices que nous avons
reçus du Seigneur. Regarde ton histoire quand tu pries et tu y trouveras
beaucoup de miséricorde. En même temps, cela alimentera ta conscience du fait
que le Seigneur te garde dans sa mémoire et ne t’oublie jamais. Cela a donc un
sens de lui demander d’éclairer encore les petits détails de ton existence, qui
ne lui échappent pas.
154. La supplication
est l’expression d’un cœur confiant en Dieu, qui sait que seul il est
impuissant. Dans la vie du peuple fidèle de Dieu, nous trouvons beaucoup de
supplications débordantes d’une tendresse croyante et d’une confiance profonde.
N’ôtons pas de la valeur à la prière de demande, qui bien des fois donne de la
sérénité à notre cœur et nous aide à continuer de lutter avec espérance. La supplication
d’intercession a une valeur particulière, car c’est un acte de confiance en
Dieu et en même temps une expression d’amour du prochain. Certains, par
préjugés spiritualistes, croient que la prière devrait être une pure
contemplation de Dieu, sans distractions, comme si les noms et les visages des
frères étaient une perturbation à éviter. Au contraire, la réalité, c’est que
la prière sera plus agréable à Dieu et plus sanctifiante si, à travers elle,
par l’intercession, nous essayons de vivre le double commandement que Jésus
nous a donné. L’intercession exprime l’engagement fraternel envers les autres
quand grâce à elle nous sommes capables d’intégrer la vie des autres, leurs
plus pressantes angoisses et leurs plus grands rêves. Recourant aux paroles bibliques,
on peut dire de celui qui se dévoue généreusement à intercéder : « Celui-ci est
l’ami de ses frères, qui prie beaucoup pour le peuple » (2 M 15, 14).
155. Si nous
reconnaissons vraiment que Dieu existe, nous ne pouvons pas nous lasser de
l’adorer, parfois dans un silence débordant d’admiration, ou de le chanter dans
une louange festive. Nous exprimons ainsi ce que vivait le bienheureux Charles
de Foucauld quand il disait : « Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je
compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour Lui »[117].
Il y a aussi, dans la vie du peuple pèlerin, de nombreux gestes simples de pure
adoration, comme par exemple lorsque « le regard du pèlerin se fixe sur une
image qui symbolise la tendresse et la proximité de Dieu. L’amour s’arrête,
contemple le mystère, le savoure dans le silence »[118].
156. La lecture
priante de la Parole de Dieu, « plus douce que le miel » (Ps 119, 103) et « plus incisive qu’aucun
glaive à deux tranchants » (He 4,
12) nous permet de nous arrêter pour écouter le Maître afin qu’il soit lampe
sur nos pas, lumière sur notre route (cf. Ps 119, 105). Comme les Évêques de l’Inde
l’ont bien rappelé : « La Parole de Dieu n’est pas seulement une dévotion parmi
tant d’autres, certes belle mais optionnelle ; elle appartient au cœur et à
l’identité même de la vie chrétienne. La Parole a en elle-même le pouvoir de
transformer les vies »[119].
157. La rencontre avec
Jésus dans les Écritures nous conduit à l’Eucharistie, où cette même Parole
atteint son efficacité maximale, car elle est présence réelle de celui qui est
la Parole vivante. Là, l’unique Absolu reçoit la plus grande adoration que
puisse lui rendre cette terre, car c’est le Christ qui s’offre. Et quand nous
le recevons dans la communion, nous renouvelons notre alliance avec lui et nous
lui permettons de réaliser toujours davantage son œuvre de transformation.
Cinquième chapitre
COMBAT, VIGILANCE ET DISCERNEMENT
158. La vie chrétienne
est un combat permanent. Il faut de la force et du courage pour résister aux
tentations du diable et annoncer l’Evangile. Cette lutte est très belle, car
elle nous permet de célébrer chaque fois le Seigneur vainqueur dans notre vie.
Le
combat et la vigilance
159. Il ne s’agit pas
seulement d’un combat contre le monde et la mentalité mondaine qui nous trompe,
nous abrutit et fait de nous des médiocres dépourvus d’engagement et sans joie.
Il ne se réduit pas non plus à une lutte contre sa propre fragilité et contre
ses propres inclinations (chacun a la sienne : la paresse, la luxure, l’envie,
la jalousie, entre autres). C’est aussi une lutte permanente contre le diable
qui est le prince du mal. Jésus lui-même fête nos victoires. Il se réjouissait
quand ses disciples arrivaient à progresser dans l’annonce de l’Evangile, en
surmontant les obstacles du Malin, et il s’exclamait : « Je voyais Satan tomber
du ciel comme l’éclair » (Lc 10,
18).
Plus
qu’un mythe
160. Nous n’admettrons
pas l’existence du diable si nous nous évertuons à regarder la vie seulement
avec des critères empiriques et sans le sens du surnaturel. Précisément, la
conviction que ce pouvoir malin est parmi nous est ce qui nous permet de
comprendre pourquoi le mal a parfois tant de force destructrice. Les auteurs
bibliques avaient certes un bagage conceptuel limité pour exprimer certaines
réalités et au temps de Jésus, on pouvait confondre, par exemple, une épilepsie
avec la possession du démon. Cependant cela ne doit pas nous porter à trop
simplifier la réalité en disant que tous les cas rapportés dans les Evangiles
étaient des maladies psychiques et qu’en définitive le démon n’existe pas ou
n’agit pas. Sa présence se trouve à la première page des Ecritures, qui se
concluent avec la victoire de Dieu sur le démon[120].
De fait, quand Jésus nous a enseigné le Notre Père, il a demandé que nous
terminions en demandant au Père de nous délivrer du Mal. Le terme utilisé ici
ne se réfère pas au mal abstrait et sa traduction plus précise est “le Malin”.
Il désigne un être personnel qui nous harcèle. Jésus nous a enseigné à demander
tous les jours cette délivrance pour que son pouvoir ne nous domine pas.
161. Ne pensons donc
pas que c’est un mythe, une représentation, un symbole, une figure ou une idée[121].
Cette erreur nous conduit à baisser les bras, à relâcher l’attention et à être
plus exposés. Il n’a pas besoin de nous posséder. Il nous empoisonne par la
haine, par la tristesse, par l’envie, par les vices. Et ainsi, alors que nous
baissons la garde, il en profite pour détruire notre vie, nos familles et nos
communautés, car il rôde « comme un lion rugissant cherchant qui dévorer » (1P 5, 8).
Eveillés
et confiants
162. La Parole de Dieu
nous invite clairement à « résister aux manœuvres du diable » (Ep 6, 11) et à éteindre « tous les traits
enflammés du Mauvais » (Ep 6,
16). Ce ne sont pas des paroles romantiques, car notre chemin vers la sainteté
est aussi une lutte constante. Celui qui ne veut pas le reconnaître se trouvera
exposé à l’échec ou à la médiocrité. Nous avons pour le combat les armes
puissantes que le Seigneur nous donne : la foi qui s’exprime dans la prière, la
méditation de la parole de Dieu, la célébration de la Messe, l’adoration
eucharistique, la réconciliation sacramentelle, les œuvres de charité, la vie
communautaire et l’engagement missionnaire. Si nous nous négligeons, les
fausses promesses du mal nous séduiront facilement, car comme le disait le
saint prêtre Brochero : « Qu’importe que Lucifer nous promette de nous libérer
et même nous comble de tous ses biens, si ce sont des biens trompeurs, si ce
sont des biens envenimés ? »[122].
163. Sur ce chemin, le
progrès du bien, la maturation spirituelle et la croissance de l’amour sont les
meilleurs contrepoids au mal. Personne ne résiste s’il reste au point mort,
s’il se contente de peu, s’il cesse de rêver de faire au Seigneur un don de soi
plus généreux. Encore moins, s’il tombe dans un esprit de défaite, car « celui
qui commence sans confiance a perdu d’avance la moitié de la bataille et
enfouit ses talents […] le triomphe chrétien est toujours une croix, mais une
croix qui en même temps est un étendard de victoire, qu’on porte avec une
tendresse combative contre les assauts du mal »[123].
La
corruption spirituelle
164. Le chemin de la
sainteté est une source de paix et de joie que nous offre l’Esprit, mais en
même temps il demande que nous soyons avec « les lampes allumées » (Lc 12, 35) et que nous restions attentifs
: « Gardez-vous de toute espèce de mal » (1Th 5, 22). « Veillez donc » (Mt 24, 42 ; Mc 13, 35). « Ne nous endormons pas » (1Th 5, 6). Car ceux qui ont le sentiment
qu’ils ne commettent pas de fautes graves contre la Loi de Dieu peuvent tomber
dans une sorte d’étourdissement ou de torpeur. Comme ils ne trouvent rien de
grave à se reprocher, ils ne perçoivent pas cette tiédeur qui peu à peu
s’empare de leur vie spirituelle et ils finissent par se débiliter et se
corrompre.
165. La corruption
spirituelle est pire que la chute d’un pécheur, car il s’agit d’un aveuglement
confortable et autosuffisant où tout finit par sembler licite : la tromperie,
la calomnie, l’égoïsme et d’autres formes subtiles d’autoréférentialité,
puisque « Satan lui-même se déguise en ange de lumière » (2Co 11, 14). C’est ainsi que Salomon a
fini ses jours, alors que le grand pécheur David sut se relever de sa misère.
Dans un épisode, Jésus nous met en garde contre cette tentation trompeuse qui
nous fait glisser vers la corruption : il parle d’une personne libérée du démon
qui, pensant que sa vie est pure, finit par être possédée par sept autres
esprits malins (cf. Lc 11, 24-26). Un autre texte biblique
utilise une image forte : « Le chien est retourné à son propre vomissement » (2P 2, 22 ; cf. Pr 26, 11).
Le
discernement
166. Comment savoir si
une chose vient de l’Esprit Saint ou si elle a son origine dans l’esprit du
monde ou dans l’esprit du diable ? Le seul moyen, c’est le discernement qui ne
requiert pas seulement une bonne capacité à raisonner ou le sens commun. C’est
aussi un don qu’il faut demander. Si nous le demandons avec confiance au Saint
Esprit, et que nous nous efforçons en même temps de le développer par la
prière, la réflexion, la lecture et le bon conseil, nous pourrons sûrement
grandir dans cette capacité spirituelle.
Une
nécessité impérieuse
167. Aujourd’hui,
l’aptitude au discernement est redevenue particulièrement nécessaire. En effet,
la vie actuelle offre d’énormes possibilités d’actions et de distractions et le
monde les présente comme si elles étaient toutes valables et bonnes. Tout le
monde, mais spécialement les jeunes, est exposé à un zapping constant. Il est possible de naviguer
sur deux ou trois écrans simultanément et d’interagir en même temps sur
différents lieux virtuels. Sans la sagesse du discernement, nous pouvons
devenir facilement des marionnettes à la merci des tendances du moment.
168. Cela devient
particulièrement important quand apparaît une nouveauté dans notre vie et qu’il
faudrait alors discerner pour savoir s’il s’agit du vin nouveau de Dieu ou bien
d’une nouveauté trompeuse de l’esprit du monde ou de l’esprit du diable. En d’autres
occasions, il arrive le contraire, parce que les forces du mal nous induisent à
ne pas changer, à laisser les choses comme elles sont, à choisir l’immobilisme
et la rigidité. Nous empêchons donc le souffle de l’Esprit d’agir. Nous sommes
libres, de la liberté de Jésus-Christ, mais il nous appelle à examiner ce qu’il
y a en nous – désirs, angoisses, craintes, aspirations – et ce qui se passe en
dehors de nous – “les signes des temps” – pour reconnaître les chemins de la
pleine liberté : « Vérifiez tout. Ce qui est bon retenez-le » (1Th 5, 21).
Toujours
à la lumière du Seigneur
169. Le discernement
n’est pas seulement nécessaire pour les moments extraordinaires, ou quand il
faut résoudre de graves problèmes, ou quand il faut prendre une décision
cruciale. C’est un instrument de lutte pour mieux suivre le Seigneur. Nous en
avons toujours besoin pour être disposés à reconnaître les temps de Dieu et de
sa grâce, pour ne pas gaspiller les inspirations du Seigneur, pour ne pas
laisser passer son invitation à grandir. Souvent cela se joue dans les petites
choses, dans ce qui paraît négligeable, parce que la grandeur se montre dans ce
qui est simple et quotidien[124].
Il s’agit de ne pas avoir de limites pour ce qui est grand, pour ce qu’il y a
de mieux et de plus beau, mais en même temps d’être attentif à ce qui est
petit, au don de soi d’aujourd’hui. Je demande donc à tous les chrétiens de
faire chaque jour, en dialogue avec le Seigneur qui nous aime, un sincère
“examen de conscience”. En même temps, le discernement nous conduit à
reconnaître les moyens concrets que le Seigneur prédispose dans son mystérieux
plan d’amour, pour que nous n’en restions pas seulement à de bonnes intentions.
Un
don surnaturel
170. Il est vrai que
le discernement spirituel n’exclut pas les apports des connaissances humaines,
existentielles, psychologiques, sociologiques ou morales. Mais il les
transcende. Même les sages normes de l’Église n’y suffisent pas. Rappelons-nous
toujours que le discernement est une grâce. Bien qu’il inclue la raison et la
prudence, il les dépasse parce qu’il s’agit d’entrevoir le mystère du projet
unique et inimitable que Dieu a pour chacun, et qui se réalise dans des contextes
et des limites les plus variés. Ne sont pas seulement en jeu un bien-être
temporel ni la satisfaction de faire quelque chose d’utile, ni le désir d’avoir
la conscience tranquille non plus. Ce qui est en jeu, c’est le sens de ma vie
devant le Père qui me connaît et qui m’aime, le vrai sens de mon existence que
personne ne connaît mieux que lui. Le discernement, en définitive, conduit à la
source même de la vie qui ne meurt pas, c’est-à-dire connaître le Père, le seul
vrai Dieu, et celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ (cf. Jn 17, 3). Il ne requiert pas de
capacités spéciales ni n’est réservé aux plus intelligents ou aux plus
instruits, et le Père se révèle volontiers aux humbles (cf. Mt 11, 25).
171. Même si le
Seigneur nous parle de manières variées, dans notre travail, à travers les
autres et à tout moment, il n’est pas possible de se passer du silence de la
prière attentive pour mieux percevoir ce langage, pour interpréter la
signification réelle des inspirations que nous croyons recevoir, pour apaiser les
angoisses et recomposer l’ensemble de l’existence personnelle à la lumière de
Dieu. Nous pouvons ainsi laisser naître cette nouvelle synthèse qui jaillit de
la vie illuminée par l’Esprit.
Parle,
Seigneur
172. Cependant, il
pourrait arriver que dans la prière même nous évitions de nous laisser
interpeller par la liberté de l’Esprit qui agit comme il veut. Il faut rappeler
que le discernement priant doit trouver son origine dans la disponibilité à
écouter le Seigneur, les autres, la réalité même qui nous interpelle toujours
de manière nouvelle. Seul celui qui est disposé à écouter possède la liberté
pour renoncer à son propre point de vue partiel ou insuffisant, à ses
habitudes, à ses schémas. De la sorte, il est vraiment disponible pour
accueillir un appel qui brise ses sécurités mais qui le conduit à une vie
meilleure, car il ne suffit pas que tout aille bien, que tout soit tranquille.
Dieu pourrait être en train de nous offrir quelque chose de plus, et à cause de
notre distraction dans la commodité, nous ne nous en rendons pas compte.
173. Une telle
attitude d’écoute implique, c’est certain, l’obéissance à l’Evangile comme
ultime critère, mais aussi au Magistère qui le garde, en cherchant à trouver
dans le trésor de l’Église ce qui est le plus fécond pour l’aujourd’hui du
salut. Il ne s’agit pas d’appliquer des recettes ni de répéter le passé,
puisque les mêmes solutions ne sont pas valables en toutes circonstances, et ce
qui sera utile dans un certain contexte peut ne pas l’être dans un autre. Le
discernement des esprits nous libère de la rigidité qui n’est pas de mise
devant l’éternel aujourd’hui du Ressuscité. Seul l’Esprit sait pénétrer dans
les replis les plus sombres de la réalité et prendre en compte toutes ses
nuances, pour que, sous un nouveau jour, émerge la nouveauté de l’Evangile.
La
logique du don et de la croix
174. Une condition
essentielle au progrès dans le discernement, c’est de s’éduquer à la patience
de Dieu et à ses temps qui ne sont jamais les nôtres. Il ne fait pas tomber le
feu sur les infidèles (cf. Lc 9, 54) ni ne permet d’‘‘arracher
l’ivraie” qui grandit avec le blé (cf. Mt 13, 29). Il faut aussi de la
générosité parce qu’« il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20, 35). Nous ne discernons pas pour
découvrir ce que nous pouvons tirer davantage de cette vie, mais pour
reconnaître comment nous pouvons mieux accomplir cette mission qui nous a été
confiée dans le Baptême, et cela implique que nous soyons disposés à des
renoncements jusqu’à tout donner. En effet, le bonheur est paradoxal et nous
offre les meilleures expériences quand nous acceptons cette logique mystérieuse
qui n’est pas de ce monde. Comme l’affirmait saint Bonaventure en parlant de la
croix : « Telle est notre logique »[125].
Si quelqu’un entre dans cette dynamique, alors il ne laisse pas sa conscience
s’anesthésier et il s’ouvre généreusement au discernement.
175. Quand nous
scrutons devant Dieu les chemins de la vie, il n’y a pas de domaines qui soient
exclus. Sur tous les plans de notre vie, nous pouvons continuer à grandir et
offrir quelque chose de plus à Dieu, y compris sur les plans où nous faisons
l’expérience des difficultés les plus fortes. Mais il faut demander à l’Esprit
Saint de nous délivrer et d’expulser cette peur qui nous porte à lui interdire
d’entrer dans certains domaines de notre vie. Lui qui demande tout donne
également tout, et il ne veut pas entrer en nous pour mutiler ou affaiblir mais
pour porter à la plénitude. Cela nous fait voir que le discernement n’est pas
une autoanalyse intimiste, une introspection égoïste, mais une véritable sortie
de nous-mêmes vers le mystère de Dieu qui nous aide à vivre la mission à
laquelle il nous a appelés pour le bien de nos frères.
***
176. Je voudrais que
la Vierge Marie couronne ces réflexions, car elle a vécu comme personne les
béatitudes de Jésus. Elle est celle qui tressaillait de joie en la présence de
Dieu, celle qui gardait tout dans son cœur et qui s’est laissée traverser par
le glaive. Elle est la sainte parmi les saints, la plus bénie, celle qui nous
montre le chemin de la sainteté et qui nous accompagne. Elle n’accepte pas que
nous restions à terre et parfois elle nous porte dans ses bras sans nous juger.
Parler avec elle nous console, nous libère et nous sanctifie. La Mère n’a pas
besoin de beaucoup de paroles, elle n’a pas besoin que nous fassions trop
d’efforts pour lui expliquer ce qui nous arrive. Il suffit de chuchoter encore
et encore : “Je vous salue Marie…’’.
177. J’espère que ces
pages seront utiles pour que toute l’Église se consacre à promouvoir le désir
de la sainteté. Demandons à l’Esprit Saint d’infuser en nous un intense désir
d’être saint pour la plus grande gloire de Dieu et aidons-nous les uns les
autres dans cet effort. Ainsi, nous partagerons un bonheur que le monde ne
pourra nous enlever.
Donné
à Rome, près de Saint-Pierre, le 19 mars, Solennité de Saint Joseph, de l’an
2018, sixième année de mon Pontificat.
François
[1] Benoît XVI, Homélie lors de l’inauguration solennelle du ministère pétrinien (24 avril 2005) : AAS 97 (2005), p. 708.
[2] Cela suppose qu’il y ait, de toute
façon, la réputation de sainteté et l’exercice, au moins à un niveau ordinaire,
des vertus chrétiennes : Cf. Lettre Apostolique sous forme de Motu proprio Maiorem hac dilectionem (11 juillet 2017), art. 2c : L’Osservatore Romano, éd. en
langue française (13 juillet 2017), p. 12.
[9] Homélie lors de la Commémoration œcuménique des témoins de la foi
du 20ème siècle (7 mai 2000) : AAS 92 (2000), n. 5 : pp.680-681.
[14] Cf. Catéchèse de l’Audience générale (19 novembre 2014) : L’Osservatore
Romano, éd. en langue française (20 novembre 2014), p. 2.
[15] François de Sales, Traité
de l’amour de Dieu, VIII, 11, (Œuvres complètes, Paris 1969, p.
743).
[24] Benoît XVI, Audience générale (13 avril
2011), in : L’Osservatore
Romano, éd. en langue française (14 avril 2011), n. 15, p 2.
[29] Il faut distinguer ce divertissement superficiel d’une
saine culture du loisir, qui nous ouvre à l’autre et à la réalité avec un
esprit détendu et contemplatif.
[30] Jean-Paul II, Homélie lors de la Messe de canonisation (1er octobre
2000), n. 5 : AAS 92 (2000), p. 852.
[31] Conférence Episcopale Régionale de l’Afrique Occidentale, Message pastoral à la fin de la 2ème Assemblée plénière (29 février 2016), n. 2.
[33] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lett. Placuit Deo sur
certains aspects du salut chrétien (22 février 2018), n. 4 :L’Osservatore
Romano (2 mars 2018), pp.4-5
: « L’individualisme néo-pélagien et le mépris néo-gnostique du corps
défigurent la confession de foi au Christ, Sauveur unique et universel ». Dans
ce document, se trouvent les bases doctrinales pour la compréhension du salut
chrétien en référence aux dérives néo-gnostiques et néo-pélagiennes actuelles.
[36] Homélie lors de la Messe à la Résidence Sainte-Marthe (11 novembre 2016) : L’Osservatore Romano, éd. en
langue française (1er décembre
2016), p. 8.
[37] Comme l’enseigne saint Bonaventure, on doit « laisser en
arrière toutes les opérations de l’intelligence, puis transporter et
transformer en Dieu le foyer de toutes nos affections […] Il faut accorder peu
à la recherche et beaucoup à l’onction ; peu à la langue et le plus possible à
la joie intérieure ; peu aux discours et aux livres, et tout au don de Dieu,
c’est-à-dire au saint Esprit ; peu ou rien à la créature et tout à l’Être
créateur : Père, Fils et saint Esprit » (Itinerarium mentis in Deum, VII,
4-5 [Texte latin de Quaracchi traduit par H. Dumery], Paris 2001, pp. 103.105).
[38] Lettre au Grand Chancelier de l’Université Pontificale
Catholique d’Argentine pour le centenaire de la Faculté de théologie (3 mars 2015) : L’Osservatore
Romano (9-10 mars 2015), p.
6.
[40] Vidéo-message au congrès international de théologie de
l’Université Pontificale Catholique d’Argentine (1-3 septembre 2015) :AAS 107 (2015), p. 980.
[42] Lettre au Grand Chancelier de l’Université Pontificale
Catholique d’Argentine pour le centenaire de la Faculté de théologie (3 mars 2015) : L’Osservatore
Romano (9-10 mars 2015), p.
6.
[43] Lettre à Frère Antoine, 2 (Ecrits, vies, témoignages, Ed. du 8ème centenaire vol. 1, Paris 2010, p.
383).
[47] Cf. Bonaventure de Bagnoregio, De sex alis Seraphim 3, 8 : « Non omnes omnia possunt ». Il faut le comprendre dans la ligne
du Catéchisme de l’Église
catholique, n. 1735.
[48] Cf. Thomas d’Aquin, Somme
Théologique I-II, q. 109, a.
9, ad 1. « La grâce est de quelque manière imparfaite en ce qu’elle ne guérit
pas totalement l’homme ».
[52] Dans la compréhension de la foi chrétienne, la grâce est
prévenante, concomitante et subséquente à tout notre agir. (Cf. Conc. œcum. de
Trente, Sess. VI, Decr. de
iustificatione, ch. 5, in DH,
n. 1525).
[55] Canon 4, DH 374 (H. Denziger, Symboles et définitions de la foi
catholique, Paris 2010, p.
137).
[56] Ses. 6ème, Decretum
de iustificatione, chap. 8, DH 1532 (H. Denziger, Symboles et définitions de la foi
catholique, Paris 2010, p.
422).
[60] Thérèse de Lisieux, ‘‘Acte d’offrande à l’Amour
miséricordieux’’ (Prières, 6), (Œuvres complètes, Paris 1996, p. 963).
[61] Liucio Gera, Sobre
el misterio del pobre, dans P. Grelot- L. Gera-A. Dumas, El Pobre, Buenos Aires 1962, p.
103.
[62] C’est, en définitive, la doctrine catholique du “mérite”
postérieur à la justification. Il s’agit de la coopération du justifié à
l’accroissement de la vie de la grâce (cf. Catéchisme
de l’Église Catholique, n. 2010). Mais cette coopération ne fait en aucune
manière que la justification elle-même et l’amitié de Dieu deviennent l’objet
d’un mérite humain.
[65] Homélie de la Sainte Messe à l’occasion du Jubilé des personnes
socialement exclues (13
novembre 2016) : L’Osservatore Romano, éd. en
langue française (17 novembre 2016), p. 7.
[66] Cf. Homélie lors de la Messe à la Résidence Sainte-Marthe (9 juin 2014) : L’Osservatore Romano, éd. en
langue française (26 juin 2014), p. 6.
[67] L’ordre entre la deuxième et la troisième béatitude varie
selon les diverses traditions textuelles.
[70] Depuis les temps patristiques, l’Église apprécie le don des
larmes, comme en témoigne aussi la belle prière Ad petendam compunctionem cordis : «
O Dieu tout puissant et très compatissant, qui pour le peuple assoiffé a fait
surgir du rocher une source d’eau vive, fais jaillir de nos cœurs endurcis des
larmes de contrition, pour que, pleurant nos péchés, nous obtenions par ta
miséricorde le pardon » (Missale
Romanum, ed. typ. 1962, p. [110]).
[73] La diffamation et la calomnie sont comme un acte terroriste
: on jette la bombe, on détruit, et l’agresseur reste heureux et tranquille.
C’est très différent de la grandeur d’âme de celui qui s’approche pour discuter
face à face, avec une sincérité sereine, en pensant au bien de l’autre.
[74] À certaines occasions, il peut être nécessaire de discuter
à propos des difficultés d’un frère. Dans ces cas, il peut arriver que se
transmette une reconstruction au lieu d’un fait objectif. La passion déforme la
réalité concrète du fait, le transforme en une reconstruction et finit par
transmettre cette reconstruction chargée de subjectivité. On détruit ainsi la
réalité et on ne respecte pas la vérité de l’autre.
[82] Rappelons-nous la réaction du bon samaritain face à l’homme
que les brigands avaient laissé à demi-mort au bord du chemin (cf. Lc 10, 30-37).
[83] Conférence Canadienne des Évêques catholiques : Commission
des Affaires Sociales, Lettre ouverte aux membres du Parlement, Le bien commun ou l’exclusion, un
choix pour les canadiens (1er février 2001), n. 9.
[84] Suivant le magistère constant de l’Église, la 5ème Conférence générale de l’Épiscopat
latino-américain et des Caraïbes a enseigné que l’être humain « est toujours
sacré, depuis sa conception, dans toutes les étapes de son existence, jusqu’à
sa mort naturelle et après la mort », et que sa vie doit être protégée « depuis
la conception, à toutes les étapes, et jusqu’à la mort naturelle » (Document d’Aparecida (29 juin 2007), nn. 388.464).
[95] Il y a de nombreuses formes de harcèlement qui, bien
qu’elles semblent élégantes ou respectueuses, voire spirituelles, provoquent
beaucoup de souffrance dans l’estime de soi des autres.
[101] Je recommande de dire la prière attribuée à saint Thomas
More : « Donne-moi une bonne digestion, Seigneur, et aussi quelque chose à
digérer. Donne-moi la santé du corps avec le sens de la garder au mieux.
Donne-moi une âme sainte, Seigneur, qui ait les yeux sur la beauté et la
pureté, afin qu’elle ne s’épouvante pas en voyant le péché, mais sache
redresser la situation. Donne-moi une âme qui ignore l’ennui, le gémissement et
le soupir. Ne permets pas que je me fasse trop de souci pour cette chose
encombrante que j’appelle ‘‘moi’’. Seigneur, donne-moi l’humour pour que je
tire quelque bonheur de cette vie et en fasse profiter les autres. Ainsi
soit-il ».
[103] Exhort. ap. Evangelii nuntiandi (8 décembre
1975), n. 80 : AAS 68 (1976), p. 73. Il est intéressant
de noter que dans ce texte, le bienheureux Paul VI lie intimement la joie à la parresía. De même qu’il déplore
“surtout le manque de joie et d’espérance”, exalte la “douce et réconfortante
joie d’évangéliser” qui est unie à “un élan intérieur que personne ni rien ne
saurait éteindre”, pour que le monde ne reçoive pas l’Évangile
“d’évangélisateurs tristes et découragés ”. À l’occasion de l’Année Sainte
1975, le même Paul VI a consacré à la joie l’Exhortation apostolique Gaudete in Domino (9 mai
1975) : AAS 67 (1075),
pp. 289-322.
[105] Jean Paul-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Vita consecrata (25 mars
1996), n. 42 : AAS 88 (1996), p. 416.
[107] Spécialement, je rappelle les trois mots-clefs ‘‘s’il te
plaît, merci, pardon’’, car « dits au bon moment, [ils] protègent et alimentent
l’amour, jour après jour » : Exhort. ap. post-synodale Amoris laetitia (19 mars
2016), n. 133 : AAS 108 (2016), p. 363.
[113] Discours lors de la rencontre avec les participants au Vème Congrès de l’Église italienne, Florence (10 novembre 2015) : AAS107
(2015), p. 1284.
[114] Cf. Bernard de Clairvaux, Sermon
sur le cantique des cantiques 61,
3-5 : PL 183, pp. 1071-1073.
[118] Vème Conférence
Générale de L’Episcopat Latino-américain et des Caraïbes, Document d’Aparecida (29 juin 2007), n. 259.
[119] Conférence des Évêques catholiques de l’inde, Déclaration finale de la 21ème Assemblée plénière (18 février 2009), n. 3.2.
[120] Cf. Homélie lors de la Messe à la Résidence Sainte-Marthe (11 octobre 2013) : L’Osservatore Romano, éd. en
langue française (17 octobre 2013), p. 7.
[121] Cf. Paul VI, Catéchèse (15 novembre 1972) : Insegnamenti X [1972], pp. 1168-1170 : « Un des
besoins principaux est la défense contre ce mal que nous appelons Démon […] Le
mal n’est pas seulement une déficience mais une efficience, un être vivant,
spirituel, perverti et pervertisseur. Réalité terrible, mystérieuse et
effrayante. Celui qui se refuse à la reconnaître comme existante sort du cadre
de l’enseignement biblique et ecclésiastique ; ou bien celui qui en fait un
principe se tenant par lui-même, n’ayant pas lui-même, comme toute créature,
son origine en Dieu ; ou qui l’explique comme pseudo-réalité, une
personnification conceptuelle et fantastique des causes ignorées de nos
infirmités ».
[122] José Gabriel del Rosario Brochero, Plática de las banderas, in :
Conférence épiscopale d’Argentine, El
Cura Brochero. Cartas y sermones, Buenos Aires 1999, p. 71.
[124] On trouve sur la tombe de saint Ignace de Loyola ce sage
épitaphe : “Non coerceri a maximo, contineri tamen a minimo divinum est”
(Il est divin de ne pas avoir peur des grandes choses et en même temps d’être
attentif aux plus petites).
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Vaticana
SOURCE : http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20180319_gaudete-et-exsultate.html
66. Torniamo ad ascoltare Gesù, con tutto l’amore e il rispetto che merita il Maestro. Permettiamogli di colpirci con le sue parole, di provocarci, di richiamarci a un reale cambiamento di vita. Altrimenti la santità sarà solo parole. Ricordiamo ora le singole Beatitudini nella versione del vangelo di Matteo (cfr 5,3-12).[67]
ESORTAZIONE APOSTOLICA
GAUDETE
ET EXSULTATE
DEL SANTO PADRE
FRANCESCO
FRANCESCO
SULLA CHIAMATA ALLA SANTITÀ
NEL MONDO CONTEMPORANEO
NEL MONDO CONTEMPORANEO
INDICE
I santi che ci incoraggiano e ci accompagnano [3-5]
I santi della porta accanto [6-9]
Il Signore chiama [10-13]
Anche per te [14-18]
La tua missione in Cristo [19-24]
L’attività che santifica [25-31]
Più vivi, più umani [32-34]
I santi della porta accanto [6-9]
Il Signore chiama [10-13]
Anche per te [14-18]
La tua missione in Cristo [19-24]
L’attività che santifica [25-31]
Più vivi, più umani [32-34]
Una mente senza Dio e senza carne [37-39]
Una dottrina senza mistero [40-42]
I limiti della ragione [43-46]
Una dottrina senza mistero [40-42]
I limiti della ragione [43-46]
Una volontà senza umiltà [49-51]
Un insegnamento della Chiesa spesso dimenticato [52-56]
I nuovi pelagiani [57-59]
Il riassunto della Legge [60-62]
Un insegnamento della Chiesa spesso dimenticato [52-56]
I nuovi pelagiani [57-59]
Il riassunto della Legge [60-62]
« Beati i poveri in spirito, perché di essi è il regno dei cieli » [67-70]
« Beati i miti, perché avranno in eredità la terra » [71-74]
« Beati quelli che sono nel pianto, perché saranno consolati » [75-76]
« Beati quelli che hanno fame e sete della giustizia, perché saranno saziati » [77-79]
« Beati i misericordiosi, perché troveranno misericordia » [80-82]
« Beati i puri di cuore, perché vedranno Dio » [83-86]
« Beati gli operatori di pace, perché saranno chiamati figli di Dio » [87-89]
« Beati i perseguitati per la giustizia, perché di essi è il regno dei cieli » [90-94]
« Beati i miti, perché avranno in eredità la terra » [71-74]
« Beati quelli che sono nel pianto, perché saranno consolati » [75-76]
« Beati quelli che hanno fame e sete della giustizia, perché saranno saziati » [77-79]
« Beati i misericordiosi, perché troveranno misericordia » [80-82]
« Beati i puri di cuore, perché vedranno Dio » [83-86]
« Beati gli operatori di pace, perché saranno chiamati figli di Dio » [87-89]
« Beati i perseguitati per la giustizia, perché di essi è il regno dei cieli » [90-94]
Per fedeltà al Maestro [96-99]
Le ideologie che mutilano il cuore del Vangelo [100-103]
Il culto che Lui più gradisce [104-109]
Le ideologie che mutilano il cuore del Vangelo [100-103]
Il culto che Lui più gradisce [104-109]
Sopportazione, pazienza e mitezza [112-121]
Gioia e senso dell’umorismo [122-128]
Audacia e fervore [129-139]
In comunità [140-146]
In preghiera costante [147-157]
Gioia e senso dell’umorismo [122-128]
Audacia e fervore [129-139]
In comunità [140-146]
In preghiera costante [147-157]
Qualcosa di più di un mito [160-161]
Svegli e fiduciosi [162-163]
La corruzione spirituale [164-165]
Svegli e fiduciosi [162-163]
La corruzione spirituale [164-165]
Un bisogno urgente [167-168]
Sempre alla luce del Signore [169]
Un dono soprannaturale [170-171]
Parla, Signore [172-173]
La logica del dono e della croce [174-177]
Sempre alla luce del Signore [169]
Un dono soprannaturale [170-171]
Parla, Signore [172-173]
La logica del dono e della croce [174-177]
1. «Rallegratevi ed esultate» (Mt 5,12), dice Gesù a coloro che sono
perseguitati o umiliati per causa sua. Il Signore chiede tutto, e quello che
offre è la vera vita, la felicità per la quale siamo stati creati. Egli ci
vuole santi e non si aspetta che ci accontentiamo di un’esistenza mediocre,
annacquata, inconsistente. In realtà, fin dalle prime pagine della Bibbia è
presente, in diversi modi, la chiamata alla santità. Così il Signore la
proponeva ad Abramo: «Cammina davanti a me e sii integro» (Gen 17,1).
2. Non
ci si deve aspettare qui un trattato sulla santità, con tante definizioni e
distinzioni che potrebbero arricchire questo importante tema, o con analisi che
si potrebbero fare circa i mezzi di santificazione. Il mio umile obiettivo è
far risuonare ancora una volta la chiamata alla santità, cercando di incarnarla
nel contesto attuale, con i suoi rischi, le sue sfide e le sue opportunità.
Perché il Signore ha scelto ciascuno di noi «per essere santi e immacolati di
fronte a Lui nella carità» (Ef 1,4).
3. Nella Lettera agli
Ebrei si menzionano diversi testimoni che ci incoraggiano a «[correre] con
perseveranza nella corsa che ci sta davanti» (12,1). Lì si parla di Abramo, di
Sara, di Mosè, di Gedeone e di altri ancora (cfr 11,1-12,3) e soprattutto siamo
invitati a riconoscere che siamo «circondati da una moltitudine di testimoni»
(12,1) che ci spronano a non fermarci lungo la strada, ci stimolano a
continuare a camminare verso la meta. E tra di loro può esserci la nostra
stessa madre, una nonna o altre persone vicine (cfr 2 Tm 1,5). Forse la loro vita non è stata
sempre perfetta, però, anche in mezzo a imperfezioni e cadute, hanno continuato
ad andare avanti e sono piaciute al Signore.
4. I santi che già
sono giunti alla presenza di Dio mantengono con noi legami d’amore e di
comunione. Lo attesta il libro dell’Apocalisse quando parla dei martiri che
intercedono: «Vidi sotto l’altare le anime di coloro che furono immolati a
causa della parola di Dio e della testimonianza che gli avevano reso. E
gridarono a gran voce: “Fino a quando, Sovrano, tu che sei santo e veritiero,
non farai giustizia?”» (6,9-10).
Possiamo dire che «siamo circondati, condotti e guidati dagli amici di Dio. […]
Non devo portare da solo ciò che in realtà non potrei mai portare da solo. La
schiera dei santi di Dio mi protegge, mi sostiene e mi porta».[1]
5. Nei processi di
beatificazione e canonizzazione si prendono in considerazione i segni di
eroicità nell’esercizio delle virtù, il sacrificio della vita nel martirio e
anche i casi nei quali si sia verificata un’offerta della propria vita per gli
altri, mantenuta fino alla morte. Questa donazione esprime un’imitazione
esemplare di Cristo, ed è degna dell’ammirazione dei fedeli.[2] Ricordiamo, ad esempio, la beata Maria
Gabriella Sagheddu, che ha offerto la sua vita per l’unità dei cristiani.
6. Non pensiamo solo a
quelli già beatificati o canonizzati. Lo Spirito Santo riversa santità
dappertutto nel santo popolo fedele di Dio, perché «Dio volle santificare e
salvare gli uomini non individualmente e senza alcun legame tra loro, ma volle
costituire di loro un popolo, che lo riconoscesse secondo la verità e lo
servisse nella santità».[3] Il Signore, nella storia della
salvezza, ha salvato un popolo. Non esiste piena identità senza appartenenza a
un popolo. Perciò nessuno si salva da solo, come individuo isolato, ma Dio ci
attrae tenendo conto della complessa trama di relazioni interpersonali che si
stabiliscono nella comunità umana: Dio ha voluto entrare in una dinamica
popolare, nella dinamica di un popolo.
7. Mi piace vedere la
santità nel popolo di Dio paziente: nei genitori che crescono con tanto amore i
loro figli, negli uomini e nelle donne che lavorano per portare il pane a casa,
nei malati, nelle religiose anziane che continuano a sorridere. In questa
costanza per andare avanti giorno dopo giorno vedo la santità della Chiesa
militante. Questa è tante volte la santità “della porta accanto”, di quelli che
vivono vicino a noi e sono un riflesso della presenza di Dio, o, per usare
un’altra espressione, “la classe media della santità”.[4]
8. Lasciamoci
stimolare dai segni di santità che il Signore ci presenta attraverso i più
umili membri di quel popolo che «partecipa pure dell’ufficio profetico di
Cristo col diffondere dovunque la viva testimonianza di Lui, soprattutto per
mezzo di una vita di fede e di carità».[5] Pensiamo, come ci suggerisce santa
Teresa Benedetta della Croce, che mediante molti di loro si costruisce la vera
storia: «Nella notte più oscura sorgono i più grandi profeti e i santi.
Tuttavia, la corrente vivificante della vita mistica rimane invisibile.
Sicuramente gli avvenimenti decisivi della storia del mondo sono stati
essenzialmente influenzati da anime sulle quali nulla viene detto nei libri di
storia. E quali siano le anime che dobbiamo ringraziare per gli avvenimenti
decisivi della nostra vita personale, è qualcosa che sapremo soltanto nel
giorno in cui tutto ciò che è nascosto sarà svelato».[6]
9. La santità è il
volto più bello della Chiesa. Ma anche fuori della Chiesa Cattolica e in ambiti
molto differenti, lo Spirito suscita «segni della sua presenza, che aiutano gli
stessi discepoli di Cristo».[7] D’altra parte, san Giovanni Paolo II ci
ha ricordato che «la testimonianza resa a Cristo sino allo spargimento del
sangue è divenuta patrimonio comune di cattolici, ortodossi, anglicani e
protestanti».[8] Nella bella commemorazione ecumenica che egli volle celebrare al Colosseo
durante il Giubileo del 2000, sostenne che i martiri sono
«un’eredità che parla con una voce più alta dei fattori di divisione».[9]
10. Tutto questo è
importante. Tuttavia, quello che vorrei ricordare con questa Esortazione è
soprattutto la chiamata alla santità che il Signore fa a ciascuno di noi, quella
chiamata che rivolge anche a te: «Siate santi, perché io sono santo» (Lv 11,44; 1 Pt1,16). Il Concilio Vaticano II lo
ha messo in risalto con forza: «Muniti di salutari mezzi di una tale abbondanza
e di una tale grandezza, tutti i fedeli di ogni stato e condizione sono
chiamati dal Signore, ognuno per la sua via, a una santità la cui perfezione è
quella stessa del Padre celeste».[10]
11. «Ognuno per la sua
via», dice il Concilio. Dunque, non è il caso di scoraggiarsi quando
si contemplano modelli di santità che appaiono irraggiungibili. Ci sono
testimonianze che sono utili per stimolarci e motivarci, ma non perché
cerchiamo di copiarle, in quanto ciò potrebbe perfino allontanarci dalla via
unica e specifica che il Signore ha in serbo per noi. Quello che conta è che
ciascun credente discerna la propria strada e faccia emergere il meglio di sé,
quanto di così personale Dio ha posto in lui (cfr 1 Cor12,7) e non che si
esaurisca cercando di imitare qualcosa che non è stato pensato per lui. Tutti
siamo chiamati ad essere testimoni, però esistono molte forme esistenziali di
testimonianza.[11] Di fatto, quando il grande mistico san
Giovanni della Croce scriveva il suo Cantico
spirituale, preferiva evitare regole fisse per tutti e spiegava che i suoi
versi erano scritti perché ciascuno se ne giovasse «a modo suo».[12] Perché la vita divina si comunica ad
alcuni in un modo e ad altri in un altro.[13]
12. Tra le diverse
forme, voglio sottolineare che anche il “genio femminile” si manifesta in stili
femminili di santità, indispensabili per riflettere la santità di Dio in questo
mondo. E proprio anche in epoche nelle quali le donne furono maggiormente
escluse, lo Spirito Santo ha suscitato sante il cui fascino ha provocato nuovi
dinamismi spirituali e importanti riforme nella Chiesa. Possiamo menzionare
santa Ildegarda di Bingen, santa Brigida, santa Caterina da Siena, santa Teresa
d’Avila o Santa Teresa di Lisieux. Ma mi preme ricordare tante donne
sconosciute o dimenticate le quali, ciascuna a modo suo, hanno sostenuto e
trasformato famiglie e comunità con la forza della loro testimonianza.
13. Questo dovrebbe entusiasmare
e incoraggiare ciascuno a dare tutto sé stesso, per crescere verso quel
progetto unico e irripetibile che Dio ha voluto per lui o per lei da tutta
l’eternità: «Prima di formarti nel grembo materno, ti ho conosciuto, prima che
tu uscissi alla luce, ti ho consacrato» (Ger 1,5).
14. Per essere santi
non è necessario essere vescovi, sacerdoti, religiose o religiosi. Molte volte
abbiamo la tentazione di pensare che la santità sia riservata a coloro che
hanno la possibilità di mantenere le distanze dalle occupazioni ordinarie, per
dedicare molto tempo alla preghiera. Non è così. Tutti siamo chiamati ad essere
santi vivendo con amore e offrendo ciascuno la propria testimonianza nelle
occupazioni di ogni giorno, lì dove si trova. Sei una consacrata o un
consacrato? Sii santo vivendo con gioia la tua donazione. Sei sposato? Sii
santo amando e prendendoti cura di tuo marito o di tua moglie, come Cristo ha
fatto con la Chiesa. Sei un lavoratore? Sii santo compiendo con onestà e
competenza il tuo lavoro al servizio dei fratelli. Sei genitore o nonna o
nonno? Sii santo insegnando con pazienza ai bambini a seguire Gesù. Hai
autorità? Sii santo lottando a favore del bene comune e rinunciando ai tuoi
interessi personali.[14]
15. Lascia che la
grazia del tuo Battesimo fruttifichi in un cammino di santità. Lascia che tutto
sia aperto a Dio e a tal fine scegli Lui, scegli Dio sempre di nuovo. Non ti
scoraggiare, perché hai la forza dello Spirito Santo affinché sia possibile, e
la santità, in fondo, è il frutto dello Spirito Santo nella tua vita (cfr Gal 5,22-23). Quando senti la tentazione
di invischiarti nella tua debolezza, alza gli occhi al Crocifisso e digli:
“Signore, io sono un poveretto, ma tu puoi compiere il miracolo di rendermi un
poco migliore”. Nella Chiesa, santa e composta da peccatori, troverai tutto ciò
di cui hai bisogno per crescere verso la santità. Il Signore l’ha colmata di
doni con la Parola, i Sacramenti, i santuari, la vita delle comunità, la
testimonianza dei santi, e una multiforme bellezza che procede dall’amore del
Signore, «come una sposa si adorna di gioielli» (Is 61,10).
16. Questa santità a
cui il Signore ti chiama andrà crescendo mediante piccoli gesti. Per esempio:
una signora va al mercato a fare la spesa, incontra una vicina e inizia a
parlare, e vengono le critiche. Ma questa donna dice dentro di sé: “No, non
parlerò male di nessuno”. Questo è un passo verso la santità. Poi, a casa, suo
figlio le chiede di parlare delle sue fantasie e, anche se è stanca, si siede
accanto a lui e ascolta con pazienza e affetto. Ecco un’altra offerta che
santifica. Quindi sperimenta un momento di angoscia, ma ricorda l’amore della
Vergine Maria, prende il rosario e prega con fede. Questa è un’altra via di
santità. Poi esce per strada, incontra un povero e si ferma a conversare con
lui con affetto. Anche questo è un passo avanti.
17. A volte la vita
presenta sfide più grandi e attraverso queste il Signore ci invita a nuove
conversioni che permettono alla sua grazia di manifestarsi meglio nella nostra
esistenza «allo scopo di farci partecipi della sua santità» (Eb 12,10). Altre volte si tratta soltanto
di trovare un modo più perfetto di vivere quello che già facciamo: «Ci sono
delle ispirazioni che tendono soltanto ad una straordinaria perfezione degli
esercizi ordinari della vita cristiana».[15] Quando il Cardinale Francesco Saverio
Nguyên Van Thuân era in carcere, rinunciò a consumarsi aspettando la
liberazione. La sua scelta fu: «vivo il momento presente, colmandolo di amore»;
e il modo con il quale si concretizzava questo era: «afferro le occasioni che
si presentano ogni giorno, per compiere azioni ordinarie in un modo
straordinario».[16]
18. Così, sotto
l’impulso della grazia divina, con tanti gesti andiamo costruendo quella figura
di santità che Dio ha voluto per noi, ma non come esseri autosufficienti bensì
«come buoni amministratori della multiforme grazia di Dio» (1 Pt 4,10). Bene hanno insegnato i Vescovi
della Nuova Zelanda che è possibile amare con l’amore incondizionato del
Signore perché il Risorto condivide la sua vita potente con le nostre fragili
vite: «Il suo amore non ha limiti e una volta donato non si è mai tirato
indietro. E’ stato incondizionato ed è rimasto fedele. Amare così non è facile
perché molte volte siamo tanto deboli. Però, proprio affinché possiamo amare
come Lui ci ha amato, Cristo condivide la sua stessa vita risorta con noi. In
questo modo, la nostra vita dimostra la sua potenza in azione, anche in mezzo
alla debolezza umana».[17]
19. Per un cristiano
non è possibile pensare alla propria missione sulla terra senza concepirla come
un cammino di santità, perché «questa infatti è volontà di Dio, la vostra
santificazione» (1 Ts 4,3).
Ogni santo è una missione; è un progetto del Padre per riflettere e incarnare,
in un momento determinato della storia, un aspetto del Vangelo.
20. Tale missione
trova pienezza di senso in Cristo e si può comprendere solo a partire da Lui.
In fondo, la santità è vivere in unione con Lui i misteri della sua vita.
Consiste nell’unirsi alla morte e risurrezione del Signore in modo unico e
personale, nel morire e risorgere continuamente con Lui. Ma può anche implicare
di riprodurre nella propria esistenza diversi aspetti della vita terrena di
Gesù: la vita nascosta, la vita comunitaria, la vicinanza agli ultimi, la
povertà e altre manifestazioni del suo donarsi per amore. La contemplazione di
questi misteri, come proponeva sant’Ignazio di Loyola, ci orienta a renderli
carne nelle nostre scelte e nei nostri atteggiamenti.[18] Perché «tutto nella vita di Gesù è
segno del suo mistero»,[19] «tutta la vita di Cristo è Rivelazione
del Padre»,[20] «tutta la vita di Cristo è mistero di
Redenzione»,[21] «tutta la vita di Cristo è mistero di
ricapitolazione»,[22] e «tutto ciò che Cristo ha vissuto fa
sì che noi possiamo viverlo in Lui e che Egli lo viva in noi».[23]
21. Il disegno del
Padre è Cristo, e noi in Lui. In definitiva, è Cristo che ama in noi, perché
«la santità non è altro che la carità pienamente vissuta».[24] Pertanto, «la misura della santità è
data dalla statura che Cristo raggiunge in noi, da quanto, con la forza dello
Spirito Santo, modelliamo tutta la nostra vita sulla sua».[25] Così, ciascun santo è un messaggio che
lo Spirito Santo trae dalla ricchezza di Gesù Cristo e dona al suo popolo.
22. Per riconoscere
quale sia quella parola che il Signore vuole dire mediante un santo, non
conviene soffermarsi sui particolari, perché lì possono esserci anche errori e
cadute. Non tutto quello che dice un santo è pienamente fedele al Vangelo, non
tutto quello che fa è autentico e perfetto. Ciò che bisogna contemplare è
l’insieme della sua vita, il suo intero cammino di santificazione, quella
figura che riflette qualcosa di Gesù Cristo e che emerge quando si riesce a
comporre il senso della totalità della sua persona.[26]
23. Questo è un forte
richiamo per tutti noi. Anche tu hai bisogno di concepire la totalità della tua
vita come una missione. Prova a farlo ascoltando Dio nella preghiera e
riconoscendo i segni che Egli ti offre. Chiedi sempre allo Spirito che cosa
Gesù si attende da te in ogni momento della tua esistenza e in ogni scelta che
devi fare, per discernere il posto che ciò occupa nella tua missione. E
permettigli di plasmare in te quel mistero personale che possa riflettere Gesù
Cristo nel mondo di oggi.
24. Voglia il Cielo
che tu possa riconoscere qual è quella parola, quel messaggio di Gesù che Dio
desidera dire al mondo con la tua vita. Lasciati trasformare, lasciati
rinnovare dallo Spirito, affinché ciò sia possibile, e così la tua preziosa
missione non andrà perduta. Il Signore la porterà a compimento anche in mezzo
ai tuoi errori e ai tuoi momenti negativi, purché tu non abbandoni la via
dell’amore e rimanga sempre aperto alla sua azione soprannaturale che purifica
e illumina.
25. Poiché non si può
capire Cristo senza il Regno che Egli è venuto a portare, la tua stessa
missione è inseparabile dalla costruzione del Regno: «Cercate innanzitutto il
Regno di Dio e la sua giustizia» (Mt 6,33).
La tua identificazione con Cristo e i suoi desideri implica l’impegno a
costruire, con Lui, questo Regno di amore, di giustizia e di pace per tutti.
Cristo stesso vuole viverlo con te, in tutti gli sforzi e le rinunce necessari,
e anche nelle gioie e nella fecondità che ti potrà offrire. Pertanto non ti
santificherai senza consegnarti corpo e anima per dare il meglio di te in tale
impegno.
26. Non è sano amare
il silenzio ed evitare l’incontro con l’altro, desiderare il riposo e
respingere l’attività, ricercare la preghiera e sottovalutare il servizio. Tutto può essere
accettato e integrato come parte della propria esistenza in questo mondo, ed
entra a far parte del cammino di santificazione. Siamo chiamati a vivere la
contemplazione anche in mezzo all’azione, e ci santifichiamo nell’esercizio
responsabile e generoso della nostra missione.
27. Forse che lo Spirito Santo può
inviarci a compiere una missione e nello stesso tempo chiederci di fuggire da
essa, o che evitiamo di donarci totalmente per preservare la pace interiore?
Tuttavia, a volte abbiamo la tentazione di relegare la dedizione pastorale e
l’impegno nel mondo a un posto secondario, come se fossero “distrazioni” nel
cammino della santificazione e della pace interiore. Si dimentica che «non è che la vita abbia una missione, ma
che è missione».[27]
28. Un impegno mosso
dall’ansietà, dall’orgoglio, dalla necessità di apparire e di dominare,
certamente non sarà santificante. La sfida è vivere la propria donazione in
maniera tale che gli sforzi abbiano un senso evangelico e ci identifichino
sempre più con Gesù Cristo. Da qui il fatto che si parli spesso, ad esempio, di
una spiritualità del catechista, di una spiritualità del clero diocesano, di
una spiritualità del lavoro. Per la stessa ragione, in Evangelii gaudium ho
voluto concludere con una spiritualità della missione, inLaudato si’ con
una spiritualità ecologica e in Amoris laetitia, con una spiritualità della vita
familiare.
29. Questo non implica
disprezzare i momenti di quiete, solitudine e silenzio davanti a Dio. Al
contrario. Perché le continue novità degli strumenti tecnologici, l’attrattiva
dei viaggi, le innumerevoli offerte di consumo, a volte non lasciano spazi
vuoti in cui risuoni la voce di Dio. Tutto si riempie di parole, di piaceri
epidermici e di rumori ad una velocità sempre crescente. Lì non regna la gioia
ma l’insoddisfazione di chi non sa per che cosa vive. Come dunque non
riconoscere che abbiamo bisogno di fermare questa corsa febbrile per recuperare
uno spazio personale, a volte doloroso ma sempre fecondo, in cui si intavola il
dialogo sincero con Dio? In qualche momento dovremo guardare in faccia la
verità di noi stessi, per lasciarla invadere dal Signore, e non sempre si
ottiene questo se uno «non viene a trovarsi sull’orlo dell’abisso, della
tentazione più grave, sulla scogliera dell’abbandono, sulla cima solitaria dove
si ha l’impressione di rimanere totalmente soli».[28] In questo modo troviamo le grandi
motivazioni che ci spingono a vivere fino in fondo i nostri compiti.
30. Gli stessi
strumenti di svago che invadono la vita attuale ci portano anche ad
assolutizzare il tempo libero, nel quale possiamo utilizzare senza limiti quei
dispositivi che ci offrono divertimento e piaceri effimeri.[29] Come conseguenza, è la propria
missione che ne risente, è l’impegno che si indebolisce, è il servizio generoso
e disponibile che inizia a ridursi. Questo snatura l’esperienza spirituale. Può
essere sano un fervore spirituale che conviva con l’accidia nell’azione
evangelizzatrice o nel servizio agli altri?
31. Ci occorre uno
spirito di santità che impregni tanto la solitudine quanto il servizio, tanto
l’intimità quanto l’impegno evangelizzatore, così che ogni istante sia
espressione di amore donato sotto lo sguardo del Signore. In questo modo, tutti
i momenti saranno scalini nella nostra via di santificazione.
32. Non avere paura
della santità. Non ti toglierà forze, vita e gioia. Tutto il contrario, perché
arriverai ad essere quello che il Padre ha pensato quando ti ha creato e sarai
fedele al tuo stesso essere. Dipendere da Lui ci libera dalle schiavitù e ci porta
a riconoscere la nostra dignità. Questa realtà si riflette in santa Giuseppina
Bakhita, che fu «resa schiava e venduta come tale alla tenera età di sette
anni, soffrì molto nelle mani di padroni crudeli. Tuttavia comprese la verità
profonda che Dio, e non l’uomo, è il vero padrone di ogni essere umano, di ogni
vita umana. Questa esperienza divenne fonte di grande saggezza per questa umile
figlia d’Africa».[30]
33. Ogni cristiano,
nella misura in cui si santifica, diventa più fecondo per il mondo. I Vescovi
dell’Africa Occidentale ci hanno insegnato: «Siamo chiamati, nello spirito
della nuova evangelizzazione, ad essere evangelizzati e a evangelizzare
mediante la promozione di tutti i battezzati, affinché assumiate i vostri ruoli
come sale della terra e luce del mondo dovunque vi troviate».[31]
34. Non avere paura di
puntare più in alto, di lasciarti amare e liberare da Dio. Non avere paura di
lasciarti guidare dallo Spirito Santo. La santità non ti rende meno umano,
perché è l’incontro della tua debolezza con la forza della grazia. In fondo,
come diceva León Bloy, nella vita «non c’è che una tristezza, […] quella di non
essere santi».[32]
35. In questo quadro,
desidero richiamare l’attenzione su due falsificazioni della santità che
potrebbero farci sbagliare strada: lo gnosticismo e il pelagianesimo. Sono due
eresie sorte nei primi secoli cristiani, ma che continuano ad avere
un’allarmante attualità. Anche oggi i cuori di molti cristiani, forse senza
esserne consapevoli, si lasciano sedurre da queste proposte ingannevoli. In
esse si esprime un immanentismo antropocentrico travestito da verità cattolica.[33] Vediamo queste due forme di sicurezza
dottrinale o disciplinare che danno luogo «ad un elitarismo narcisista e
autoritario dove, invece di evangelizzare, si analizzano e si classificano gli altri,
e invece di facilitare l’accesso alla grazia si consumano le energie nel
controllare. In entrambi i casi, né Gesù Cristo né gli altri interessano
veramente».[34]
36. Lo gnosticismo
suppone «una fede rinchiusa nel soggettivismo, dove interessa unicamente una
determinata esperienza o una serie di ragionamenti e conoscenze che si ritiene
possano confortare e illuminare, ma dove il soggetto in definitiva rimane
chiuso nell’immanenza della sua propria ragione o dei suoi sentimenti».[35]
37. Grazie a Dio,
lungo la storia della Chiesa è risultato molto chiaro che ciò che misura la
perfezione delle persone è il loro grado di carità, non la quantità di dati e
conoscenze che possono accumulare. Gli “gnostici” fanno confusione su questo
punto e giudicano gli altri sulla base della verifica della loro capacità di
comprendere la profondità di determinate dottrine. Concepiscono una mente senza
incarnazione, incapace di toccare la carne sofferente di Cristo negli altri,
ingessata in un’enciclopedia di astrazioni. Alla fine, disincarnando il
mistero, preferiscono «un Dio senza Cristo, un Cristo senza Chiesa, una Chiesa
senza popolo».[36]
38. In definitiva, si
tratta di una vanitosa superficialità: molto movimento alla superficie della
mente, però non si muove né si commuove la profondità del pensiero. Tuttavia,
riesce a soggiogare alcuni con un fascino ingannevole, perché l’equilibrio
gnostico è formale e presume di essere asettico, e può assumere l’aspetto di
una certa armonia o di un ordine che ingloba tutto.
39. Facciamo però
attenzione. Non mi riferisco ai razionalisti nemici della fede cristiana.
Questo può accadere dentro la Chiesa, tanto tra i laici delle parrocchie quanto
tra coloro che insegnano filosofia o teologia in centri di formazione. Perché è
anche tipico degli gnostici credere che con le loro spiegazioni possono rendere
perfettamente comprensibili tutta la fede e tutto il Vangelo. Assolutizzano le
proprie teorie e obbligano gli altri a sottomettersi ai propri ragionamenti.
Una cosa è un sano e umile uso della ragione per riflettere sull’insegnamento
teologico e morale del Vangelo; altra cosa è pretendere di ridurre
l’insegnamento di Gesù a una logica fredda e dura che cerca di dominare tutto.[37]
40. Lo gnosticismo è
una delle peggiori ideologie, poiché, mentre esalta indebitamente la conoscenza
o una determinata esperienza, considera che la propria visione della realtà sia
la perfezione. In tal modo, forse senza accorgersene, questa ideologia si autoalimenta
e diventa ancora più cieca. A volte diventa particolarmente ingannevole quando
si traveste da spiritualità disincarnata. Infatti, lo gnosticismo «per sua
propria natura vuole addomesticare il mistero»,[38] sia il mistero di Dio e della sua
grazia, sia il mistero della vita degli altri.
41. Quando qualcuno ha
risposte per tutte le domande, dimostra di trovarsi su una strada non buona ed
è possibile che sia un falso profeta, che usa la religione a proprio vantaggio,
al servizio delle proprie elucubrazioni psicologiche e mentali. Dio ci supera
infinitamente, è sempre una sorpresa e non siamo noi a determinare in quale
circostanza storica trovarlo, dal momento che non dipendono da noi il tempo e
il luogo e la modalità dell’incontro. Chi vuole tutto chiaro e sicuro pretende
di dominare la trascendenza di Dio.
42. Neppure si può
pretendere di definire dove Dio non si trova, perché Egli è misteriosamente
presente nella vita di ogni persona, nella vita di ciascuno così come Egli
desidera, e non possiamo negarlo con le nostre presunte certezze. Anche qualora
l’esistenza di qualcuno sia stata un disastro, anche quando lo vediamo
distrutto dai vizi o dalle dipendenze, Dio è presente nella sua vita. Se ci
lasciamo guidare dallo Spirito più che dai nostri ragionamenti, possiamo e
dobbiamo cercare il Signore in ogni vita umana. Questo fa parte del mistero che
le mentalità gnostiche finiscono per rifiutare, perché non lo possono
controllare.
43. Noi arriviamo a
comprendere in maniera molto povera la verità che riceviamo dal Signore. E con
difficoltà ancora maggiore riusciamo ad esprimerla. Perciò non possiamo
pretendere che il nostro modo di intenderla ci autorizzi a esercitare un
controllo stretto sulla vita degli altri. Voglio ricordare che nella Chiesa
convivono legittimamente modi diversi di interpretare molti aspetti della
dottrina e della vita cristiana che, nella loro varietà, «aiutano ad
esplicitare meglio il ricchissimo tesoro della Parola». Certo, «a quanti
sognano una dottrina monolitica difesa da tutti senza sfumature, ciò può
sembrare un’imperfetta dispersione».[39] Per l’appunto, alcune correnti
gnostiche hanno disprezzato la semplicità così concreta del Vangelo e hanno
tentato di sostituire il Dio trinitario e incarnato con una Unità superiore in
cui scompariva la ricca molteplicità della nostra storia.
44. In realtà, la
dottrina, o meglio, la nostra comprensione ed espressione di essa, «non è un
sistema chiuso, privo di dinamiche capaci di generare domande, dubbi,
interrogativi», e «le domande del nostro popolo, le sue pene, le sue battaglie,
i suoi sogni, le sue lotte, le sue preoccupazioni, possiedono un valore
ermeneutico che non possiamo ignorare se vogliamo prendere sul serio il
principio dell’incarnazione. Le sue domande ci aiutano a domandarci, i suoi
interrogativi ci interrogano».[40]
45. Frequentemente si
verifica una pericolosa confusione: credere che, poiché sappiamo qualcosa o
possiamo spiegarlo con una certa logica, già siamo santi, perfetti, migliori
della “massa ignorante”. San Giovanni Paolo II metteva
in guardia quanti nella Chiesa hanno la possibilità di una formazione più
elevata dalla tentazione di sviluppare «un certo sentimento di superiorità
rispetto agli altri fedeli».[41] In realtà, però, quello che crediamo
di sapere dovrebbe sempre costituire una motivazione per meglio rispondere
all’amore di Dio, perché «si impara per vivere: teologia e santità sono un
binomio inscindibile».[42]
46. Quando san
Francesco d’Assisi vedeva che alcuni dei suoi discepoli insegnavano la
dottrina, volle evitare la tentazione dello gnosticismo. Quindi scrisse così a
Sant’Antonio di Padova: «Ho piacere che tu insegni la sacra teologia ai frati,
purché, in tale occupazione, tu non estingua lo spirito di orazione e di
devozione».[43] Egli riconosceva la tentazione di
trasformare l’esperienza cristiana in un insieme di elucubrazioni mentali che
finiscono per allontanarci dalla freschezza del Vangelo. San Bonaventura, da
parte sua, avvertiva che la vera saggezza cristiana non deve separarsi dalla
misericordia verso il prossimo: «La più grande saggezza che possa esistere
consiste nel dispensare fruttuosamente ciò che si possiede, e che si è ricevuto
proprio perché fosse dispensato. [...] Per questo, come la misericordia è amica
della saggezza, così l’avarizia le è nemica».[44] «Vi sono attività che, unendosi alla
contemplazione, non la impediscono, bensì la favoriscono, come le opere di
misericordia e di pietà».[45]
47. Lo gnosticismo ha dato luogo ad
un’altra vecchia eresia, anch’essa oggi presente. Col passare del tempo, molti iniziarono a riconoscere che
non è la conoscenza a renderci migliori o santi, ma la vita che conduciamo. Il
problema è che questo degenerò sottilmente, in maniera tale che il medesimo
errore degli gnostici semplicemente si trasformò, ma non venne superato.
48. Infatti, il potere
che gli gnostici attribuivano all’intelligenza, alcuni cominciarono ad
attribuirlo alla volontà umana, allo sforzo personale. Così sorsero i pelagiani
e i semipelagiani. Non era più l’intelligenza ad occupare il posto del mistero
e della grazia, ma la volontà. Si dimenticava che tutto «dipende [non] dalla
volontà né dagli sforzi dell’uomo, ma da Dio che ha misericordia» (Rm 9,16) e che Egli «ci ha amati per
primo» (1 Gv 4,19).
49. Quelli che
rispondono a questa mentalità pelagiana o semipelagiana, benché parlino della
grazia di Dio con discorsi edulcorati, «in definitiva fanno affidamento
unicamente sulle proprie forze e si sentono superiori agli altri perché
osservano determinate norme o perché sono irremovibilmente fedeli ad un certo
stile cattolico».[46] Quando alcuni di loro si rivolgono ai
deboli dicendo che con la grazia di Dio tutto è possibile, in fondo sono soliti
trasmettere l’idea che tutto si può fare con la volontà umana, come se essa
fosse qualcosa di puro, perfetto, onnipotente, a cui si aggiunge la grazia. Si
pretende di ignorare che «non tutti possono tutto»[47]e
che in questa vita le fragilità umane non sono guarite completamente e una
volta per tutte dalla grazia.[48] In qualsiasi caso, come insegnava
sant’Agostino, Dio ti invita a fare quello che puoi e «a chiedere quello che
non puoi»;[49] o a dire umilmente al Signore: «Dammi
quello che comandi e comandami quello che vuoi».[50]
50. In ultima analisi,
la mancanza di un riconoscimento sincero, sofferto e orante dei nostri limiti è
ciò che impedisce alla grazia di agire meglio in noi, poiché non le lascia
spazio per provocare quel bene possibile che si integra in un cammino sincero e
reale di crescita.[51] La grazia, proprio perché suppone la
nostra natura, non ci rende di colpo superuomini. Pretenderlo sarebbe confidare
troppo in noi stessi. In questo caso, dietro l’ortodossia, i nostri
atteggiamenti possono non corrispondere a quello che affermiamo sulla necessità
della grazia, e nei fatti finiamo per fidarci poco di essa. Infatti, se non
riconosciamo la nostra realtà concreta e limitata, neppure potremo vedere i
passi reali e possibili che il Signore ci chiede in ogni momento, dopo averci
attratti e resi idonei col suo dono. La grazia agisce storicamente e,
ordinariamente, ci prende e ci trasforma in modo progressivo.[52] Perciò, se rifiutiamo questa modalità
storica e progressiva, di fatto possiamo arrivare a negarla e bloccarla, anche
se con le nostre parole la esaltiamo.
51. Quando Dio si
rivolge ad Abramo gli dice: «Io sono Dio l’Onnipotente: cammina davanti a me e
sii integro» (Gen 17,1).
Per poter essere perfetti, come a Lui piace, abbiamo bisogno di vivere
umilmente alla sua presenza, avvolti nella sua gloria; abbiamo bisogno di
camminare in unione con Lui riconoscendo il suo amore costante nella nostra
vita. Occorre abbandonare la paura di questa presenza che ci può fare solo
bene. E’ il Padre che ci ha dato la vita e ci ama tanto. Una volta che lo
accettiamo e smettiamo di pensare la nostra esistenza senza di Lui, scompare
l’angoscia della solitudine (cfr Sal 139,7). E se non poniamo più distanze
tra noi e Dio e viviamo alla sua presenza, potremo permettergli di esaminare i
nostri cuori per vedere se vanno per la retta via (cfr Sal 139,23-24). Così conosceremo la
volontà amabile e perfetta del Signore (cfr Rm 12,1-2) e lasceremo che Lui ci plasmi
come un vasaio (cfr Is 29,16). Abbiamo detto tante volte che
Dio abita in noi, ma è meglio dire che noi abitiamo in Lui, che Egli ci permette
di vivere nella sua luce e nel suo amore. Egli è il nostro tempio: «Una cosa ho
chiesto al Signore, questa sola io cerco: abitare nella casa del Signore tutti
i giorni della mia vita» (Sal 27,4).
«E’ meglio un giorno nei tuoi atri che mille nella mia casa» (Sal 84,11). In Lui veniamo santificati.
52. La Chiesa ha
insegnato numerose volte che non siamo giustificati dalle nostre opere o dai
nostri sforzi, ma dalla grazia del Signore che prende l’iniziativa. I Padri
della Chiesa, anche prima di sant’Agostino, hanno espresso con chiarezza questa
convinzione primaria. San Giovanni Crisostomo affermava che Dio versa in noi la
fonte stessa di tutti i doni «prima che noi siamo entrati nel combattimento».[53] San Basilio Magno rimarcava che il
fedele si gloria solo in Dio, perché «riconosce di essere privo della vera
giustizia e giustificato unicamente mediante la fede in Cristo».[54]
53. Il secondo Sinodo
di Orange ha insegnato con ferma autorità che nessun essere umano può esigere,
meritare o comprare il dono della grazia divina, e che tutto ciò che può
cooperare con essa è previamente dono della medesima grazia: «Persino il
desiderare di essere puri si attua in noi per infusione e operazione su di noi
dello Spirito Santo».[55] Successivamente il Concilio di Trento,
anche quando sottolineò l’importanza della nostra cooperazione per la crescita
spirituale, riaffermò quell’insegnamento dogmatico: «Si afferma che siamo
giustificati gratuitamente, perché nulla di quanto precede la giustificazione,
sia la fede, siano le opere, merita la grazia stessa della giustificazione;
perché se è grazia, allora non è per le opere; altrimenti la grazia non sarebbe
più grazia (Rm 11,6)».[56]
54. Anche il Catechismo della Chiesa Cattolica ci ricorda che il dono della grazia
«supera le capacità dell’intelligenza e le forze della volontà dell’uomo»,[57] e che «nei confronti di Dio in senso
strettamente giuridico non c’è merito da parte dell’uomo. Tra Lui e noi la
disuguaglianza è smisurata».[58] La sua amicizia ci supera
infinitamente, non può essere comprata da noi con le nostre opere e può solo
essere un dono della sua iniziativa d’amore. Questo ci invita a vivere con
gioiosa gratitudine per tale dono che mai meriteremo, dal momento che «quando
uno è in grazia, la grazia che ha già ricevuto non può essere meritata».[59] I santi evitano di porre la fiducia
nelle loro azioni: «Alla sera di questa vita, comparirò davanti a te a mani
vuote, perché non ti chiedo, Signore, di contare le mie opere. Ogni nostra
giustizia è imperfetta ai tuoi occhi».[60]
55. Questa è una delle
grandi convinzioni definitivamente acquisite dalla Chiesa, ed è tanto
chiaramente espressa nella Parola di Dio che rimane fuori da ogni discussione.
Così come il supremo comandamento dell’amore, questa verità dovrebbe
contrassegnare il nostro stile di vita, perché attinge al cuore del Vangelo e
ci chiama non solo ad accettarla con la mente, ma a trasformarla in una gioia
contagiosa. Non potremo però celebrare con gratitudine il dono gratuito
dell’amicizia con il Signore, se non riconosciamo che anche la nostra esistenza
terrena e le nostre capacità naturali sono un dono. Abbiamo bisogno di
«riconoscere gioiosamente che la nostra realtà è frutto di un dono, e accettare
anche la nostra libertà come grazia. Questa è la cosa difficile oggi, in un
mondo che crede di possedere qualcosa da sé stesso, frutto della propria
originalità e libertà».[61]
56. Solo a partire dal
dono di Dio, liberamente accolto e umilmente ricevuto, possiamo cooperare con i
nostri sforzi per lasciarci trasformare sempre di più.[62] La prima cosa è appartenere a Dio. Si
tratta di offrirci a Lui che ci anticipa, di offrirgli le nostre capacità, il
nostro impegno, la nostra lotta contro il male e la nostra creatività, affinché
il suo dono gratuito cresca e si sviluppi in noi: «Vi esorto dunque, fratelli,
per la misericordia di Dio, a offrire i vostri corpi come sacrificio vivente,
santo e gradito a Dio» (Rm12,1). Del resto, la Chiesa ha sempre
insegnato che solo la carità rende possibile la crescita nella vita di grazia,
perché «se non avessi la carità, non sarei nulla» (1 Cor 13,2).
57. Ci sono ancora dei
cristiani che si impegnano nel seguire un’altra strada: quella della
giustificazione mediante le proprie forze, quella dell’adorazione della volontà
umana e della propria capacità, che si traduce in un autocompiacimento
egocentrico ed elitario privo del vero amore. Si manifesta in molti
atteggiamenti apparentemente diversi tra loro: l’ossessione per la legge, il
fascino di esibire conquiste sociali e politiche, l’ostentazione nella cura
della liturgia, della dottrina e del prestigio della Chiesa, la vanagloria
legata alla gestione di faccende pratiche, l’attrazione per le dinamiche di
auto-aiuto e di realizzazione autoreferenziale. In questo alcuni cristiani
spendono le loro energie e il loro tempo, invece di lasciarsi condurre dallo
Spirito sulla via dell’amore, invece di appassionarsi per comunicare la
bellezza e la gioia del Vangelo e di cercare i lontani nelle immense
moltitudini assetate di Cristo.[63]
58. Molte volte,
contro l’impulso dello Spirito, la vita della Chiesa si trasforma in un pezzo
da museo o in un possesso di pochi. Questo accade quando alcuni gruppi
cristiani danno eccessiva importanza all’osservanza di determinate norme
proprie, di costumi o stili. In questo modo, spesso si riduce e si reprime il
Vangelo, togliendogli la sua affascinante semplicità e il suo sapore. E’ forse
una forma sottile di pelagianesimo, perché sembra sottomettere la vita della
grazia a certe strutture umane. Questo riguarda gruppi, movimenti e comunità,
ed è ciò che spiega perché tante volte iniziano con un’intensa vita nello
Spirito, ma poi finiscono fossilizzati... o corrotti.
59. Senza renderci
conto, per il fatto di pensare che tutto dipende dallo sforzo umano incanalato
attraverso norme e strutture ecclesiali, complichiamo il Vangelo e diventiamo
schiavi di uno schema che lascia pochi spiragli perché la grazia agisca. San
Tommaso d’Aquino ci ricordava che i precetti aggiunti al Vangelo da parte della
Chiesa devono esigersi con moderazione «per non rendere gravosa la vita ai
fedeli», perché così si muterebbe la nostra religione in una schiavitù.[64]
60. Al fine di evitare
questo, è bene ricordare spesso che esiste una gerarchia delle virtù, che ci
invita a cercare l’essenziale. Il primato appartiene alle virtù teologali, che
hanno Dio come oggetto e motivo. E al centro c’è la carità. San Paolo dice che
ciò che conta veramente è «la fede che si rende operosa per mezzo della carità»
(Gal 5,6). Siamo chiamati
a curare attentamente la carità: «Chi ama l’altro ha adempiuto la Legge [...]
pienezza della Legge infatti è la carità» (Rm 13,8.10). Perché «tutta la Legge
infatti trova la sua pienezza in un solo precetto: Amerai il tuo prossimo come te
stesso» (Gal 5,14).
61. Detto in altre
parole: in mezzo alla fitta selva di precetti e prescrizioni, Gesù apre una
breccia che permette di distinguere due volti, quello del Padre e quello del
fratello. Non ci consegna due formule o due precetti in più. Ci consegna due
volti, o meglio, uno solo, quello di Dio che si riflette in molti. Perché in
ogni fratello, specialmente nel più piccolo, fragile, indifeso e bisognoso, è
presente l’immagine stessa di Dio. Infatti, con gli scarti di questa umanità
vulnerabile, alla fine del tempo, il Signore plasmerà la sua ultima opera
d’arte. Poiché «che cosa resta, che cosa ha valore nella vita, quali ricchezze
non svaniscono? Sicuramente due: il Signore e il prossimo. Queste due ricchezze
non svaniscono!».[65]
62. Che il Signore
liberi la Chiesa dalle nuove forme di gnosticismo e di pelagianesimo che la
complicano e la fermano nel suo cammino verso la santità! Queste deviazioni si
esprimono in forme diverse, secondo il proprio temperamento e le proprie
caratteristiche. Per questo esorto ciascuno a domandarsi e a discernere davanti
a Dio in che modo si possano rendere manifeste nella sua vita.
63. Ci possono essere
molte teorie su cosa sia la santità, abbondanti spiegazioni e distinzioni. Tale
riflessione potrebbe essere utile, ma nulla è più illuminante che ritornare
alle parole di Gesù e raccogliere il suo modo di trasmettere la verità. Gesù ha
spiegato con tutta semplicità che cos’è essere santi, e lo ha fatto quando ci
ha lasciato le Beatitudini (cfr Mt 5,3-12; Lc 6,20-23). Esse sono come la carta
d’identità del cristiano. Così, se qualcuno di noi si pone la domanda: “Come si
fa per arrivare ad essere un buon cristiano?”, la risposta è semplice: è
necessario fare, ognuno a suo modo, quello che dice Gesù nel discorso delle
Beatitudini.[66] In esse si delinea il volto del
Maestro, che siamo chiamati a far trasparire nella quotidianità della nostra
vita.
64. La parola “felice”
o “beato” diventa sinonimo di “santo”, perché esprime che la persona fedele a
Dio e che vive la sua Parola raggiunge, nel dono di sé, la vera beatitudine.
65. Nonostante le
parole di Gesù possano sembrarci poetiche, tuttavia vanno molto controcorrente
rispetto a quanto è abituale, a quanto si fa nella società; e, anche se questo
messaggio di Gesù ci attrae, in realtà il mondo ci porta verso un altro stile
di vita. Le Beatitudini in nessun modo sono qualcosa di leggero o di
superficiale; al contrario, possiamo viverle solamente se lo Spirito Santo ci
pervade con tutta la sua potenza e ci libera dalla debolezza dell’egoismo, della
pigrizia, dell’orgoglio.
66. Torniamo ad ascoltare Gesù, con tutto l’amore e il rispetto che merita il Maestro. Permettiamogli di colpirci con le sue parole, di provocarci, di richiamarci a un reale cambiamento di vita. Altrimenti la santità sarà solo parole. Ricordiamo ora le singole Beatitudini nella versione del vangelo di Matteo (cfr 5,3-12).[67]
67. Il Vangelo ci
invita a riconoscere la verità del nostro cuore, per vedere dove riponiamo la
sicurezza della nostra vita. Normalmente il ricco si sente sicuro con le sue
ricchezze, e pensa che quando esse sono in pericolo, tutto il senso della sua
vita sulla terra si sgretola. Gesù stesso ce l’ha detto nella parabola del
ricco stolto, parlando di quell’uomo sicuro di sé che, come uno sciocco, non
pensava che poteva morire quello stesso giorno (cfr Lc 12,16-21).
68. Le ricchezze non
ti assicurano nulla. Anzi, quando il cuore si sente ricco, è talmente
soddisfatto di sé stesso che non ha spazio per la Parola di Dio, per amare i
fratelli, né per godere delle cose più importanti della vita. Così si priva dei
beni più grandi. Per questo Gesù chiama beati i poveri in spirito, che hanno il
cuore povero, in cui può entrare il Signore con la sua costante novità.
69. Questa povertà di
spirito è molto legata con quella “santa indifferenza” che proponeva
sant’Ignazio di Loyola, nella quale raggiungiamo una bella libertà interiore:
«Per questa ragione è necessario renderci indifferenti verso tutte le cose
create (in tutto quello che è permesso alla libertà del nostro libero arbitrio
e non le è proibito), in modo da non desiderare da parte nostra più la salute
che la malattia, più la ricchezza che la povertà, più l’onore che il disonore,
più la vita lunga piuttosto che quella breve, e così in tutto il resto».[68]
70. Luca non parla di
una povertà “di spirito” ma di essere «poveri» e basta (cfr Lc 6,20), e così ci invita anche a un’esistenza
austera e spoglia. In questo modo, ci chiama a condividere la vita dei più
bisognosi, la vita che hanno condotto gli Apostoli e in definitiva a
conformarci a Gesù, che «da ricco che era, si è fatto povero» (2 Cor 8,9).
Essere
poveri nel cuore, questo è santità.
71. È un’espressione
forte, in questo mondo che fin dall’inizio è un luogo di inimicizia, dove si
litiga ovunque, dove da tutte le parti c’è odio, dove continuamente
classifichiamo gli altri per le loro idee, le loro abitudini, e perfino per il
loro modo di parlare e di vestire. Insomma, è il regno dell’orgoglio e della
vanità, dove ognuno crede di avere il diritto di innalzarsi al di sopra degli
altri. Tuttavia, nonostante sembri impossibile, Gesù propone un altro stile: la
mitezza. È quello che Lui praticava con i suoi discepoli e che contempliamo nel
suo ingresso in Gerusalemme: «Ecco, a te viene il tuo re, mite, seduto su
un’asina e su un puledro» (Mt21,5; cfr Zc 9,9).
72. Egli disse:
«Imparate da me che sono mite e umile di cuore, e troverete ristoro per la
vostra vita» (Mt 11,29).
Se viviamo agitati, arroganti di fronte agli altri, finiamo stanchi e spossati.
Ma quando vediamo i loro limiti e i loro difetti con tenerezza e mitezza, senza
sentirci superiori, possiamo dar loro una mano ed evitiamo di sprecare energie
in lamenti inutili. Per santa Teresa di Lisieux «la carità perfetta consiste
nel sopportare i difetti altrui, non stupirsi assolutamente delle loro
debolezze».[69]
73. Paolo menziona la
mitezza come un frutto dello Spirito Santo (cfr Gal 5,23). Propone che, se qualche volta
ci preoccupano le cattive azioni del fratello, ci avviciniamo per correggerle,
ma «con spirito di dolcezza» (Gal 6,1),
e ricorda: «e tu vigila su te stesso, per non essere tentato anche tu» (ibid.).
Anche quando si difende la propria fede e le proprie convinzioni, bisogna farlo
con mitezza (cfr 1 Pt 3,16), e persino gli avversari devono
essere trattati con mitezza (cfr 2
Tm 2,25). Nella Chiesa tante
volte abbiamo sbagliato per non aver accolto questo appello della Parola divina.
74. La mitezza è
un’altra espressione della povertà interiore, di chi ripone la propria fiducia
solamente in Dio. Di fatto nella Bibbia si usa spesso la medesima parola anawim per riferirsi ai poveri e ai miti.
Qualcuno potrebbe obiettare: “Se sono troppo mite, penseranno che sono uno
sciocco, che sono stupido o debole”. Forse sarà così, ma lasciamo che gli altri
lo pensino. E’ meglio essere sempre miti, e si realizzeranno le nostre più
grandi aspirazioni: i miti «avranno in eredità la terra», ovvero, vedranno
compiute nella loro vita le promesse di Dio. Perché i miti, al di là di ciò che
dicono le circostanze, sperano nel Signore e quelli che sperano nel Signore
possederanno la terra e godranno di grande pace (cfr Sal 37,9.11). Nello stesso tempo, il Signore
confida in loro: «Su chi volgerò lo sguardo? Sull’umile e su chi ha lo spirito
contrito e su chi trema alla mia parola» (Is 66,2).
Reagire
con umile mitezza, questo è santità.
75. Il mondo ci
propone il contrario: il divertimento, il godimento, la distrazione, lo svago,
e ci dice che questo è ciò che rende buona la vita. Il mondano ignora, guarda
dall’altra parte quando ci sono problemi di malattia o di dolore in famiglia o
intorno a lui. Il mondo non vuole piangere: preferisce ignorare le situazioni
dolorose, coprirle, nasconderle. Si spendono molte energie per scappare dalle
situazioni in cui si fa presente la sofferenza, credendo che sia possibile
dissimulare la realtà, dove mai, mai può mancare la croce.
76. La persona che
vede le cose come sono realmente, si lascia trafiggere dal dolore e piange nel
suo cuore è capace di raggiungere le profondità della vita e di essere
veramente felice.[70] Quella persona è consolata, ma con la
consolazione di Gesù e non con quella del mondo. Così può avere il coraggio di
condividere la sofferenza altrui e smette di fuggire dalle situazioni dolorose.
In tal modo scopre che la vita ha senso nel soccorrere un altro nel suo dolore,
nel comprendere l’angoscia altrui, nel dare sollievo agli altri. Questa persona
sente che l’altro è carne della sua carne, non teme di avvicinarsi fino a
toccare la sua ferita, ha compassione fino a sperimentare che le distanze si
annullano. Così è possibile accogliere quell’esortazione di san Paolo:
«Piangete con quelli che sono nel pianto» (Rm 12,15).
Saper
piangere con gli altri, questo è santità.
77. «Fame e sete» sono
esperienze molto intense, perché rispondono a bisogni primari e sono legate
all’istinto di sopravvivenza. Ci sono persone che con tale intensità aspirano
alla giustizia e la cercano con un desiderio molto forte. Gesù dice che costoro
saranno saziati, giacché presto o tardi la giustizia arriva, e noi possiamo
collaborare perché sia possibile, anche se non sempre vediamo i risultati di
questo impegno.
78. Ma la giustizia
che propone Gesù non è come quella che cerca il mondo, molte volte macchiata da
interessi meschini, manipolata da un lato o dall’altro. La realtà ci mostra
quanto sia facile entrare nelle combriccole della corruzione, far parte di
quella politica quotidiana del “do perché mi diano”, in cui tutto è commercio.
E quanta gente soffre per le ingiustizie, quanti restano ad osservare impotenti
come gli altri si danno il cambio a spartirsi la torta della vita. Alcuni
rinunciano a lottare per la vera giustizia e scelgono di salire sul carro del
vincitore. Questo non ha nulla a che vedere con la fame e la sete di giustizia
che Gesù elogia.
79. Tale giustizia
incomincia a realizzarsi nella vita di ciascuno quando si è giusti nelle
proprie decisioni, e si esprime poi nel cercare la giustizia per i poveri e i
deboli. Certo la parola “giustizia” può essere sinonimo di fedeltà alla volontà
di Dio con tutta la nostra vita, ma se le diamo un senso molto generale
dimentichiamo che si manifesta specialmente nella giustizia con gli indifesi:
«Cercate la giustizia, soccorrete l’oppresso, rendete giustizia all’orfano,
difendete la causa della vedova» (Is 1,17).
Cercare
la giustizia con fame e sete, questo è santità.
80. La misericordia ha due aspetti: è
dare, aiutare, servire gli altri e anche perdonare, comprendere. Matteo
riassume questo in una regola d’oro: «Tutto quanto vorrete che gli uomini
facciano a voi, anche voi fatelo a loro» (7,12). Il Catechismo ci
ricorda che questa legge si deve applicare «in ogni caso»,[71] in modo speciale quando qualcuno
«talvolta si trova ad affrontare situazioni difficili che rendono incerto il
giudizio morale».[72]
81. Dare e perdonare è
tentare di riprodurre nella nostra vita un piccolo riflesso della perfezione di
Dio, che dona e perdona in modo sovrabbondante. Per questo motivo nel vangelo
di Luca non troviamo «siate perfetti» (Mt 5,48), ma «siate misericordiosi, come
il Padre vostro è misericordioso. Non giudicate e non sarete giudicati; non
condannate e non sarete condannati; perdonate e sarete perdonati; date e vi
sarà dato» (6,36-38). E dopo Luca aggiunge qualcosa che non dovremmo
trascurare: «Con la misura con la quale misurate, sarà misurato a voi in
cambio» (6,38). La misura che usiamo per comprendere e perdonare verrà
applicata a noi per perdonarci. La misura che applichiamo per dare, sarà
applicata a noi nel cielo per ricompensarci. Non ci conviene dimenticarlo.
82. Gesù non dice
“Beati quelli che programmano vendetta”, ma chiama beati coloro che perdonano e
lo fanno «settanta volte sette» (Mt 18,22).
Occorre pensare che tutti noi siamo un esercito di perdonati. Tutti noi siamo
stati guardati con compassione divina. Se ci accostiamo sinceramente al Signore
e affiniamo l’udito, probabilmente sentiremo qualche volta questo rimprovero:
«Non dovevi anche tu aver pietà del tuo compagno, così come io ho avuto pietà
di te?» (Mt 18,33).
Guardare
e agire con misericordia, questo è santità.
83. Questa beatitudine
si riferisce a chi ha un cuore semplice, puro, senza sporcizia, perché un cuore
che sa amare non lascia entrare nella propria vita alcuna cosa che minacci
quell’amore, che lo indebolisca o che lo ponga in pericolo. Nella Bibbia, il
cuore sono le nostre vere intenzioni, ciò che realmente cerchiamo e
desideriamo, al di là di quanto manifestiamo: «L’uomo vede l’apparenza, ma il
Signore vede il cuore» (1 Sam 16,7).
Egli cerca di parlarci nel cuore (cfr Os 2,16) e lì desidera scrivere la sua
Legge (cfr Ger 31,33). In definitiva, vuole darci un
cuore nuovo (cfr Ez 36,26).
84. «Più di ogni cosa
degna di cura custodisci il tuo cuore» (Pr 4,23). Nulla di macchiato dalla
falsità ha valore reale per il Signore. Egli «fugge ogni inganno, si tiene
lontano dai discorsi insensati» (Sap 1,5).
Il Padre, che «vede nel segreto» (Mt 6,6),
riconosce ciò che non è pulito, vale a dire ciò che non è sincero, ma solo
scorza e apparenza, come pure il Figlio sa «quello che c’è nell’uomo» (Gv 2,25).
85. È vero che non c’è
amore senza opere d’amore, ma questa beatitudine ci ricorda che il Signore si
aspetta una dedizione al fratello che sgorghi dal cuore, poiché «se anche dessi
in cibo tutti i miei beni e consegnassi il mio corpo per averne vanto, ma non
avessi la carità, a nulla mi servirebbe» (1 Cor 13,3). Nel vangelo di Matteo vediamo
pure che quanto viene dal cuore è ciò che rende impuro l’uomo (cfr 15,18),
perché da lì procedono gli omicidi, i furti, le false testimonianze, e così via
(cfr 15,19). Nelle intenzioni del cuore hanno origine i desideri e le decisioni
più profondi che realmente ci muovono.
86. Quando il cuore
ama Dio e il prossimo (cfr Mt 22,36-40), quando questo è la sua vera
intenzione e non parole vuote, allora quel cuore è puro e può vedere Dio. San Paolo, nel suo inno
alla carità, ricorda che «adesso noi vediamo come in uno specchio, in modo
confuso» (1 Cor 13,12), ma
nella misura in cui regna veramente l’amore, diventeremo capaci di vedere
«faccia a faccia» (ibid.). Gesù
promette che quelli che hanno un cuore puro «vedranno Dio».
Mantenere
il cuore pulito da tutto ciò che sporca l’amore, questo è santità.
87. Questa beatitudine
ci fa pensare alle numerose situazioni di guerra che si ripetono. Per noi è
molto comune essere causa di conflitti o almeno di incomprensioni. Per esempio,
quando sento qualcosa su qualcuno e vado da un altro e glielo dico; e magari
faccio una seconda versione un po’ più ampia e la diffondo. E se riesco a fare
più danno, sembra che mi procuri più soddisfazione. Il mondo delle dicerie,
fatto da gente che si dedica a criticare e a distruggere, non costruisce la
pace. Questa gente è piuttosto nemica della pace e in nessun modo beata.[73]
88. I pacifici sono
fonte di pace, costruiscono pace e amicizia sociale. A coloro che si impegnano
a seminare pace dovunque, Gesù fa una meravigliosa promessa: «Saranno chiamati
figli di Dio» (Mt 5,9).
Egli chiedeva ai discepoli che quando fossero giunti in una casa dicessero:
«Pace a questa casa!» (Lc 10,5).
La Parola di Dio sollecita ogni credente a cercare la pace insieme agli altri
(cfr 2 Tm 2,22), perché «per coloro che fanno
opera di pace viene seminato nella pace un frutto di giustizia» (Gc 3,18). E se in qualche caso nella
nostra comunità abbiamo dubbi su che cosa si debba fare, «cerchiamo ciò che
porta alla pace» (Rm 14,19),
perché l’unità è superiore al conflitto.[74]
89. Non è facile
costruire questa pace evangelica che non esclude nessuno, ma che integra anche
quelli che sono un po’ strani, le persone difficili e complicate, quelli che
chiedono attenzione, quelli che sono diversi, chi è molto colpito dalla vita,
chi ha altri interessi. È duro e richiede una grande apertura della mente e del
cuore, poiché non si tratta di «un consenso a tavolino o [di] un’effimera pace
per una minoranza felice»[75],
né di un progetto «di pochi indirizzato a pochi».[76] Nemmeno cerca di ignorare o
dissimulare i conflitti, ma di «accettare di sopportare il conflitto,
risolverlo e trasformarlo in un anello di collegamento di un nuovo processo».[77] Si tratta di essere artigiani della
pace, perché costruire la pace è un’arte che richiede serenità, creatività,
sensibilità e destrezza.
Seminare
pace intorno a noi, questo è santità.
90. Gesù stesso
sottolinea che questo cammino va controcorrente fino al punto da farci
diventare persone che con la propria vita mettono in discussione la società,
persone che danno fastidio. Gesù ricorda quanta gente è perseguitata ed è stata
perseguitata semplicemente per aver lottato per la giustizia, per aver vissuto
i propri impegni con Dio e con gli altri. Se non vogliamo sprofondare in una
oscura mediocrità, non pretendiamo una vita comoda, perché «chi vuol salvare la
propria vita, la perderà» (Mt16,25).
91. Non si può
aspettare, per vivere il Vangelo, che tutto intorno a noi sia favorevole,
perché molte volte le ambizioni del potere e gli interessi mondani giocano
contro di noi. San Giovanni Paolo II diceva
che «è alienata la società che, nelle sue forme di organizzazione sociale, di
produzione e di consumo, rende più difficile la realizzazione [del] dono [di
sé] e il costituirsi [della] solidarietà interumana»[78].
In una tale società alienata, intrappolata in una trama politica, mediatica,
economica, culturale e persino religiosa che ostacola l’autentico sviluppo
umano e sociale, vivere le Beatitudini diventa difficile e può essere
addirittura una cosa malvista, sospetta, ridicolizzata.
92. La croce,
soprattutto le stanchezze e i patimenti che sopportiamo per vivere il
comandamento dell’amore e il cammino della giustizia, è fonte di maturazione e
di santificazione. Ricordiamo che, quando il Nuovo Testamento parla delle
sofferenze che bisogna sopportare per il Vangelo, si riferisce precisamente
alle persecuzioni (cfr At 5,41; Fil 1,29; Col 1,24; 2 Tm 1,12; 1 Pt 2,20; 4,14-16; Ap 2,10).
93. Parliamo però
delle persecuzioni inevitabili, non di quelle che ci potremmo procurare noi
stessi con un modo sbagliato di trattare gli altri. Un santo non è una persona
eccentrica, distaccata, che si rende insopportabile per la sua vanità, la sua
negatività e i suoi risentimenti. Non erano così gli Apostoli di Cristo. Il
libro degli Atti racconta insistentemente che essi godevano della simpatia «di
tutto il popolo» (2,47; cfr 4,21.33; 5,13), mentre alcune autorità li
ricercavano e li perseguitavano (cfr 4,1-3;
5,17-18).
94. Le persecuzioni
non sono una realtà del passato, perché anche oggi le soffriamo, sia in maniera
cruenta, come tanti martiri contemporanei, sia in un modo più sottile,
attraverso calunnie e falsità. Gesù dice che ci sarà beatitudine quando
«mentendo, diranno ogni sorta di male contro di voi per causa mia» (Mt 5,11). Altre volte si tratta di
scherni che tentano di sfigurare la nostra fede e di farci passare per persone
ridicole.
Accettare
ogni giorno la via del Vangelo nonostante ci procuri problemi, questo è
santità.
95. Nel capitolo 25
del vangelo di Matteo (vv. 31-46), Gesù torna a soffermarsi su una di queste
beatitudini, quella che dichiara beati i misericordiosi. Se cerchiamo quella
santità che è gradita agli occhi di Dio, in questo testo troviamo proprio una
regola di comportamento in base alla quale saremo giudicati: «Ho avuto fame e
mi avete dato da mangiare, ho avuto sete e mi avete dato da bere, ero straniero
e mi avete accolto, nudo e mi avete vestito, malato e mi avete visitato, ero in
carcere e siete venuti a trovarmi» (25,35-36).
96. Essere santi non
significa, pertanto, lustrarsi gli occhi in una presunta estasi. Diceva san Giovanni Paolo II che
«se siamo ripartiti davvero dalla contemplazione di Cristo, dovremo saperlo
scorgere soprattutto nel volto di coloro con i quali egli stesso ha voluto
identificarsi».[79] Il testo di Matteo 25,35-36 «non è un semplice invito
alla carità: è una pagina di cristologia, che proietta un fascio di luce sul
mistero di Cristo».[80] In questo richiamo a riconoscerlo nei
poveri e nei sofferenti si rivela il cuore stesso di Cristo, i suoi sentimenti
e le sue scelte più profonde, alle quali ogni santo cerca di conformarsi.
97. Davanti alla forza
di queste richieste di Gesù è mio dovere pregare i cristiani di accettarle e di
accoglierle con sincera apertura, “sine glossa”, vale a dire senza
commenti, senza elucubrazioni e scuse che tolgano ad esse forza. Il Signore ci
ha lasciato ben chiaro che la santità non si può capire né vivere prescindendo
da queste sue esigenze, perché la misericordia è il «cuore pulsante del Vangelo».[81]
98. Quando incontro
una persona che dorme alle intemperie, in una notte fredda, posso sentire che
questo fagotto è un imprevisto che mi intralcia, un delinquente ozioso, un
ostacolo sul mio cammino, un pungiglione molesto per la mia coscienza, un
problema che devono risolvere i politici, e forse anche un’immondizia che
sporca lo spazio pubblico. Oppure posso reagire a partire dalla fede e dalla
carità e riconoscere in lui un essere umano con la mia stessa dignità, una
creatura infinitamente amata dal Padre, un’immagine di Dio, un fratello redento
da Cristo. Questo è essere cristiani! O si può forse intendere la santità
prescindendo da questo riconoscimento vivo della dignità di ogni essere umano?[82]
99. Questo implica per
i cristiani una sana e permanente insoddisfazione. Anche se dare sollievo a una
sola persona già giustificherebbe tutti i nostri sforzi, ciò non ci basta. I
Vescovi del Canada lo hanno affermato chiaramente mostrando che, negli
insegnamenti biblici riguardo al Giubileo, per esempio, non si tratta solo di
realizzare alcune buone azioni, bensì di cercare un cambiamento sociale:
«Affinché anche le generazioni a venire fossero liberate, evidentemente l’obiettivo
doveva essere il ripristino di sistemi sociali ed economici giusti perché non
potesse più esserci esclusione».[83]
100. Purtroppo a volte
le ideologie ci portano a due errori nocivi. Da una parte, quello dei cristiani
che separano queste esigenze del Vangelo dalla propria relazione personale con
il Signore, dall’unione interiore con Lui, dalla grazia. Così si trasforma il
cristianesimo in una sorta di ONG, privandolo di quella luminosa spiritualità
che così bene hanno vissuto e manifestato san Francesco d’Assisi, san Vincenzo
de Paoli, santa Teresa di Calcutta e molti altri. A questi grandi santi né la
preghiera, né l’amore di Dio, né la lettura del Vangelo diminuirono la passione
e l’efficacia della loro dedizione al prossimo, ma tutto il contrario.
101. Nocivo e
ideologico è anche l’errore di quanti vivono diffidando dell’impegno sociale
degli altri, considerandolo qualcosa di superficiale, mondano, secolarizzato,
immanentista, comunista, populista. O lo relativizzano come se ci fossero altre
cose più importanti o come se interessasse solo una determinata etica o una
ragione che essi difendono. La difesa dell’innocente che non è nato, per
esempio, deve essere chiara, ferma e appassionata, perché lì è in gioco la
dignità della vita umana, sempre sacra, e lo esige l’amore per ogni persona al
di là del suo sviluppo. Ma ugualmente sacra è la vita dei poveri che sono già
nati, che si dibattono nella miseria, nell’abbandono, nell’esclusione, nella
tratta di persone, nell’eutanasia nascosta dei malati e degli anziani privati
di cura, nelle nuove forme di schiavitù, e in ogni forma di scarto.[84] Non possiamo proporci un ideale di
santità che ignori l’ingiustizia di questo mondo, dove alcuni festeggiano,
spendono allegramente e riducono la propria vita alle novità del consumo,
mentre altri guardano solo da fuori e intanto la loro vita passa e finisce
miseramente.
102. Spesso si sente
dire che, di fronte al relativismo e ai limiti del mondo attuale, sarebbe un
tema marginale, per esempio, la situazione dei migranti. Alcuni cattolici
affermano che è un tema secondario rispetto ai temi “seri” della bioetica. Che
dica cose simili un politico preoccupato per i suoi successi si può
comprendere, ma non un cristiano, a cui si addice solo l’atteggiamento di
mettersi nei panni di quel fratello che rischia la vita per dare un futuro ai
suoi figli. Possiamo riconoscere che è precisamente quello che ci chiede Gesù
quando ci dice che accogliamo Lui stesso in ogni forestiero (cfr Mt 25,35)? San Benedetto lo aveva
accettato senza riserve e, anche se ciò avrebbe potuto “complicare” la vita dei
monaci, stabilì che tutti gli ospiti che si presentassero al monastero li si
accogliesse «come Cristo»,[85] esprimendolo perfino con gesti di
adorazione,[86] e che i poveri pellegrini li si
trattasse «con la massima cura e sollecitudine».[87]
103. Qualcosa di
simile prospetta l’Antico Testamento quando dice: «Non molesterai il forestiero
né lo opprimerai, perché voi siete stati forestieri in terra d’Egitto» (Es 22,20). «Il forestiero dimorante fra
voi lo tratterete come colui che è nato fra voi; tu l’amerai come te stesso,
perché anche voi siete stati forestieri in terra d’Egitto» (Lv 19,33-34). Pertanto, non si tratta
dell’invenzione di un Papa o di un delirio passeggero. Anche noi, nel contesto
attuale, siamo chiamati a vivere il cammino di illuminazione spirituale che ci
presentava il profeta Isaia quando si domandava che cosa è gradito a Dio: «Non
consiste forse nel dividere il pane con l’affamato, nell’introdurre in casa i
miseri, senza tetto, nel vestire uno che vedi nudo, senza trascurare i tuoi
parenti? Allora la tua luce sorgerà come l’aurora» (58,7-8).
104. Potremmo pensare
che diamo gloria a Dio solo con il culto e la preghiera, o unicamente
osservando alcune norme etiche – è vero che il primato spetta alla relazione
con Dio –, e dimentichiamo che il criterio per valutare la nostra vita è
anzitutto ciò che abbiamo fatto agli altri. La preghiera è preziosa se alimenta
una donazione quotidiana d’amore. Il nostro culto è gradito a Dio quando vi
portiamo i propositi di vivere con generosità e quando lasciamo che il dono di
Dio che in esso riceviamo si manifesti nella dedizione ai fratelli.
105. Per la stessa
ragione, il modo migliore per discernere se il nostro cammino di preghiera è
autentico sarà osservare in che misura la nostra vita si va trasformando alla
luce della misericordia. Perché «la misericordia non è solo l’agire del Padre,
ma diventa il criterio per capire chi sono i suoi veri figli».[88] Essa è «l’architrave che sorregge la
vita della Chiesa».[89] Desidero sottolineare ancora una volta
che, benché la misericordia non escluda la giustizia e la verità, «anzitutto
dobbiamo dire che la misericordia è la pienezza della giustizia e la
manifestazione più luminosa della verità di Dio».[90] Essa «è la chiave del cielo».[91]
106. Non posso
tralasciare di ricordare quell’interrogativo che si poneva san Tommaso d’Aquino
quando si domandava quali sono le nostre azioni più grandi, quali sono le opere
esterne che meglio manifestano il nostro amore per Dio. Egli rispose senza
dubitare che sono le opere di misericordia verso il prossimo,[92] più che gli atti di culto: «Noi non
esercitiamo il culto verso Dio con sacrifici e con offerte esteriori a
vantaggio suo, ma a vantaggio nostro e del prossimo: Egli infatti non ha
bisogno dei nostri sacrifici, ma vuole che essi gli vengano offerti per la
nostra devozione e a vantaggio del prossimo. Perciò la misericordia con la
quale si soccorre la miseria altrui è un sacrificio a lui più accetto,
assicurando esso più da vicino il bene del prossimo».[93]
107. Chi desidera
veramente dare gloria a Dio con la propria vita, chi realmente anela a
santificarsi perché la sua esistenza glorifichi il Santo, è chiamato a
tormentarsi, spendersi e stancarsi cercando di vivere le opere di misericordia.
È ciò che aveva capito molto bene santa Teresa di Calcutta: «Sì, ho molte
debolezze umane, molte miserie umane. […] Ma Lui si abbassa e si serve di noi,
di te e di me, per essere suo amore e sua compassione nel mondo, nonostante i
nostri peccati, nonostante le nostre miserie e i nostri difetti. Lui dipende da
noi per amare il mondo e dimostrargli quanto lo ama. Se ci occupiamo troppo di
noi stessi, non ci resterà tempo per gli altri».[94]
108. Il consumismo
edonista può giocarci un brutto tiro, perché nell’ossessione di divertirsi
finiamo con l’essere eccessivamente concentrati su noi stessi, sui nostri
diritti e nell’esasperazione di avere tempo libero per godersi la vita. Sarà
difficile che ci impegniamo e dedichiamo energie a dare una mano a chi sta male
se non coltiviamo una certa austerità, se non lottiamo contro questa febbre che
ci impone la società dei consumi per venderci cose, e che alla fine ci
trasforma in poveri insoddisfatti che vogliono avere tutto e provare tutto.
Anche il consumo di informazione superficiale e le forme di comunicazione
rapida e virtuale possono essere un fattore di stordimento che si porta via
tutto il nostro tempo e ci allontana dalla carne sofferente dei fratelli. In
mezzo a questa voragine attuale, il Vangelo risuona nuovamente per offrirci una
vita diversa, più sana e più felice.
* * *
109. La forza della
testimonianza dei santi sta nel vivere le Beatitudini e la regola di
comportamento del giudizio finale. Sono poche parole, semplici, ma pratiche e
valide per tutti, perché il cristianesimo è fatto soprattutto per essere
praticato, e se è anche oggetto di riflessione, ciò ha valore solo quando ci
aiuta a vivere il Vangelo nella vita quotidiana. Raccomando vivamente di
rileggere spesso questi grandi testi biblici, di ricordarli, di pregare con
essi e tentare di incarnarli. Ci faranno bene, ci renderanno genuinamente
felici.
110. All’interno del
grande quadro della santità che ci propongono le Beatitudini e Matteo 25,31-46, vorrei raccogliere alcune
caratteristiche o espressioni spirituali che, a mio giudizio, sono
indispensabili per comprendere lo stile di vita a cui il Signore ci chiama. Non
mi fermerò a spiegare i mezzi di santificazione che già conosciamo: i diversi
metodi di preghiera, i preziosi sacramenti dell’Eucaristia e della
Riconciliazione, l’offerta dei sacrifici, le varie forme di devozione, la
direzione spirituale, e tanti altri. Mi riferirò solo ad alcuni aspetti della
chiamata alla santità che spero risuonino in maniera speciale.
111. Queste
caratteristiche che voglio evidenziare non sono tutte quelle che possono
costituire un modello di santità, ma sono cinque grandi manifestazioni
dell’amore per Dio e per il prossimo che considero di particolare importanza a
motivo di alcuni rischi e limiti della cultura di oggi. In essa si manifestano:
l’ansietà nervosa e violenta che ci disperde e debilita; la negatività e la
tristezza; l’accidia comoda, consumista ed egoista; l’individualismo, e tante
forme di falsa spiritualità senza incontro con Dio che dominano nel mercato
religioso attuale.
112. La prima di
queste grandi caratteristiche è rimanere centrati, saldi in Dio che ama e
sostiene. A partire da questa fermezza interiore è possibile sopportare,
sostenere le contrarietà, le vicissitudini della vita, e anche le aggressioni
degli altri, le loro infedeltà e i loro difetti: «Se Dio è con noi, chi sarà
contro di noi?» (Rm 8,31).
Questo è fonte di pace che si esprime negli atteggiamenti di un santo. Sulla
base di tale solidità interiore, la testimonianza di santità, nel nostro mondo
accelerato, volubile e aggressivo, è fatta di pazienza e costanza nel bene. E’
la fedeltà dell’amore, perché chi si appoggia su Dio (pistis) può anche
essere fedele davanti ai fratelli (pistós), non li abbandona nei momenti
difficili, non si lascia trascinare dall’ansietà e rimane accanto agli altri
anche quando questo non gli procura soddisfazioni immediate.
113. San Paolo
invitava i cristiani di Roma a non rendere «a nessuno male per male» (Rm 12,17), a non voler farsi giustizia da
sé stessi (cfr v. 19) e a non lasciarsi vincere dal male, ma a vincere il male
con il bene (cfr v. 21). Questo atteggiamento non è segno di debolezza ma della
vera forza, perché Dio stesso «è lento all’ira, ma grande nella potenza» (Na 1,3). La Parola di Dio ci ammonisce:
«Scompaiano da voi ogni asprezza, sdegno, ira, grida e maldicenze con ogni
sorta di malignità» (Ef 4,31).
114. E’ necessario
lottare e stare in guardia davanti alle nostre inclinazioni aggressive ed
egocentriche per non permettere che mettano radici: «Adiratevi, ma non peccate;
non tramonti il sole sopra la vostra ira» (Ef 4,26). Quando ci sono circostanze che
ci opprimono, possiamo sempre ricorrere all’ancora della supplica, che ci
conduce a stare nuovamente nelle mani di Dio e vicino alla fonte della pace:
«Non angustiatevi per nulla, ma in ogni circostanza fate presenti a Dio le
vostre richieste con preghiere, suppliche e ringraziamenti. E la pace di Dio,
che supera ogni intelligenza, custodirà i vostri cuori» (Fil 4,6-7).
115. Anche i cristiani
possono partecipare a reti di violenza verbale mediante internet e i diversi
ambiti o spazi di interscambio digitale. Persino nei media cattolici si possono eccedere i
limiti, si tollerano la diffamazione e la calunnia, e sembrano esclusi ogni
etica e ogni rispetto per il buon nome altrui. Così si verifica un pericoloso
dualismo, perché in queste reti si dicono cose che non sarebbero tollerabili
nella vita pubblica, e si cerca di compensare le proprie insoddisfazioni
scaricando con rabbia i desideri di vendetta. E’ significativo che a volte,
pretendendo di difendere altri comandamenti, si passi sopra completamente
all’ottavo: «Non dire falsa testimonianza», e si distrugga l’immagine altrui
senza pietà. Lì si manifesta senza alcun controllo che la lingua è «il mondo
del male» e «incendia tutta la nostra vita, traendo la sua fiamma dalla Geenna»
(Gc 3,6).
116. La fermezza
interiore, che è opera della grazia, ci preserva dal lasciarci trascinare dalla
violenza che invade la vita sociale, perché la grazia smorza la vanità e rende
possibile la mitezza del cuore. Il santo non spreca le sue energie lamentandosi
degli errori altrui, è capace di fare silenzio davanti ai difetti dei fratelli
ed evita la violenza verbale che distrugge e maltratta, perché non si ritiene
degno di essere duro con gli altri, ma piuttosto li considera «superiori a sé
stesso» (Fil 2,3).
117. Non ci fa bene
guardare dall’alto in basso, assumere il ruolo di giudici spietati, considerare
gli altri come indegni e pretendere continuamente di dare lezioni. Questa è una
sottile forma di violenza.[95] San Giovanni della Croce proponeva
un’altra cosa: «Sii più inclinato ad essere ammaestrato da tutti che a volere
ammaestrare chi è inferiore a tutti».[96] E aggiungeva un consiglio per tenere
lontano il demonio: «Rallegrandoti del bene degli altri come se fosse tuo e
cercando sinceramente che questi siano preferiti a te in tutte le cose. In tal
modo vincerai il male con il bene, caccerai lontano da te il demonio e ne
ricaverai gioia di spirito. Cerca di fare ciò specialmente con coloro i quali
meno ti sono simpatici. Sappi che se non ti eserciterai in questo campo, non
giungerai alla vera carità né farai profitto in essa».[97]
118. L’umiltà può
radicarsi nel cuore solamente attraverso le umiliazioni. Senza di esse non c’è
umiltà né santità. Se tu non sei capace di sopportare e offrire alcune
umiliazioni non sei umile e non sei sulla via della santità. La santità che Dio
dona alla sua Chiesa viene mediante l’umiliazione del suo Figlio: questa è la
via. L’umiliazione ti porta ad assomigliare a Gesù, è parte ineludibile
dell’imitazione di Cristo: «Cristo patì per voi, lasciandovi un esempio, perché
ne seguiate le orme» (1 Pt 2,21).
Egli a sua volta manifesta l’umiltà del Padre, che si umilia per camminare con
il suo popolo, che sopporta le sue infedeltà e mormorazioni (cfr Es34,6-9; Sap 11,23-12,2; Lc 6,36). Per questa ragione gli
Apostoli, dopo l’umiliazione, erano «lieti di essere stati giudicati degni di
subire oltraggi per il nome di Gesù» (At 5,41).
119. Non mi riferisco
solo alle situazioni violente di martirio, ma alle umiliazioni quotidiane di
coloro che sopportano per salvare la propria famiglia, o evitano di parlare
bene di sé stessi e preferiscono lodare gli altri invece di gloriarsi, scelgono
gli incarichi meno brillanti, e a volte preferiscono addirittura sopportare
qualcosa di ingiusto per offrirlo al Signore: «Se, facendo il bene,
sopporterete con pazienza la sofferenza, ciò sarà gradito davanti a Dio» (1
Pt 2,20). Non è camminare a
capo chino, parlare poco o sfuggire dalla società. A volte, proprio perché è
libero dall’egocentrismo, qualcuno può avere il coraggio di discutere
amabilmente, di reclamare giustizia o di difendere i deboli davanti ai potenti,
benché questo gli procuri conseguenze negative per la sua immagine.
120. Non dico che
l’umiliazione sia qualcosa di gradevole, perché questo sarebbe masochismo, ma
che si tratta di una via per imitare Gesù e crescere nell’unione con Lui.
Questo non è comprensibile sul piano naturale e il mondo ridicolizza una simile
proposta. E’ una grazia che abbiamo bisogno di supplicare: “Signore, quando
vengono le umiliazioni, aiutami a sentire che mi trovo dietro di te, sulla tua
via”.
121. Tale
atteggiamento presuppone un cuore pacificato da Cristo, libero da
quell’aggressività che scaturisce da un io troppo grande. La stessa
pacificazione, operata dalla grazia, ci permette di mantenere una sicurezza
interiore e resistere, perseverare nel bene «anche se vado per una valle
oscura» (Sal 23,4) o anche
«se contro di me si accampa un esercito» (Sal 27,3). Saldi nel Signore, la Roccia,
possiamo cantare: «In pace mi corico e subito mi addormento, perché tu solo,
Signore, fiducioso mi fai riposare» (Sal 4,9). In definitiva, Cristo «è la
nostra pace» (Ef 2,14) ed
è venuto a «dirigere i nostri passi sulla via della pace» (Lc 1,79). Egli comunicò a santa Faustina
Kowalska che «l’umanità non troverà pace, finché non si rivolgerà con fiducia
alla Mia Misericordia».[98]Non
cadiamo dunque nella tentazione di cercare la sicurezza interiore nei successi,
nei piaceri vuoti, nel possedere, nel dominio sugli altri o nell’immagine
sociale: «Vi do la mia pace», ma «non come la dà il mondo» (Gv 14,27).
122. Quanto detto
finora non implica uno spirito inibito, triste, acido, malinconico, o un basso
profilo senza energia. Il santo è capace di vivere con gioia e senso
dell’umorismo. Senza perdere il realismo, illumina gli altri con uno spirito
positivo e ricco di speranza. Essere cristiani è «gioia nello Spirito Santo» (Rm 14,17), perché «all’amore di carità
segue necessariamente la gioia. Poiché chi ama gode sempre dell’unione con
l’amato […] Per cui alla carità segue la gioia».[99] Abbiamo ricevuto la bellezza della sua
Parola e la accogliamo «in mezzo a grandi prove, con la gioia dello Spirito
Santo» (1 Ts 1,6). Se
lasciamo che il Signore ci faccia uscire dal nostro guscio e ci cambi la vita,
allora potremo realizzare ciò che chiedeva san Paolo: «Siate sempre lieti nel
Signore, ve lo ripeto: siate lieti» (Fil 4,4).
123. I profeti
annunciavano il tempo di Gesù, che noi stiamo vivendo, come una rivelazione
della gioia: «Canta ed esulta!» (Is12,6); «Sali su un alto monte, tu che
annunci liete notizie a Sion! Alza la tua voce con forza, tu che annunci liete
notizie a Gerusalemme» (Is 40,9);
«Gridate di gioia, o monti, perché il Signore consola il suo popolo e ha
misericordia dei suoi poveri» (Is49,13); «Esulta grandemente, figlia di
Sion, giubila, figlia di Gerusalemme! Ecco, a te viene il tuo re. Egli è giusto
e vittorioso» (Zc9,9). E non dimentichiamo l’esortazione di Neemia: «Non
vi rattristate, perché la gioia del Signore è la vostra forza» (8,10).
124. Maria, che ha
saputo scoprire la novità portata da Gesù, cantava: «Il mio spirito esulta» (Lc 1,47) e Gesù stesso «esultò di gioia
nello Spirito Santo» (Lc 10,21).
Quando Lui passava, «la folla intera esultava» (Lc 13,17). Dopo la sua risurrezione, dove
giungevano i discepoli si riscontrava «una grande gioia» (At 8,8). A noi Gesù dà una sicurezza:
«Voi sarete nella tristezza, ma la vostra tristezza si cambierà in gioia. […]
Vi vedrò di nuovo e il vostro cuore si rallegrerà e nessuno potrà togliervi la
vostra gioia» (Gv 16,20.22).
«Vi ho detto queste cose perché la mia gioia sia in voi e la vostra gioia sia
piena» (Gv 15,11).
125. Ci sono momenti
duri, tempi di croce, ma niente può distruggere la gioia soprannaturale, che
«si adatta e si trasforma, e sempre rimane almeno come uno spiraglio di luce
che nasce dalla certezza personale di essere infinitamente amato, al di là di
tutto».[100] E’ una sicurezza interiore, una serenità piena di speranza che offre una
soddisfazione spirituale incomprensibile secondo i criteri mondani.
126. Ordinariamente la gioia cristiana
è accompagnata dal senso dell’umorismo, così evidente, ad esempio, in san
Tommaso Moro, in san Vincenzo de Paoli o in san Filippo Neri. Il malumore non è un segno di santità: «Caccia la
malinconia dal tuo cuore» (Qo11,10). E’ così tanto quello che riceviamo
dal Signore «perché possiamo goderne» (1 Tm 6,17), che a volte la tristezza è
legata all’ingratitudine, con lo stare talmente chiusi in sé stessi da
diventare incapaci di riconoscere i doni di Dio.[101]
127. Il suo amore
paterno ci invita: «Figlio, […] trattati bene […]. Non privarti di un giorno
felice» (Sir 14,11.14). Ci
vuole positivi, grati e non troppo complicati: «Nel giorno lieto sta’ allegro
[…]. Dio ha creato gli esseri umani retti, ma essi vanno in cerca di infinite
complicazioni» (Qo 7,14.29).
In ogni
situazione, occorre mantenere uno spirito flessibile, e fare come san Paolo:
«Ho imparato a bastare a me stesso in ogni occasione» (Fil 4,11). E’
quello che viveva san Francesco d’Assisi, capace di commuoversi di gratitudine
davanti a un pezzo di pane duro, o di lodare felice Dio solo per la brezza che
accarezzava il suo volto.
128. Non sto parlando
della gioia consumista e individualista così presente in alcune esperienze
culturali di oggi. Il consumismo infatti non fa che appesantire il cuore; può
offrire piaceri occasionali e passeggeri, ma non gioia. Mi riferisco piuttosto
a quella gioia che si vive in comunione, che si condivide e si partecipa,
perché «si è più beati nel dare che nel ricevere» (At 20,35) e «Dio ama chi dona con gioia»
(2 Cor 9,7). L’amore
fraterno moltiplica la nostra capacità di gioia, poiché ci rende capaci di
gioire del bene degli altri: «Rallegratevi con quelli che sono nella gioia» (Rm 12,15). «Ci rallegriamo quando noi
siamo deboli e voi siete forti» (2 Cor 13,9).
Invece, se «ci concentriamo soprattutto sulle nostre necessità, ci condanniamo
a vivere con poca gioia».[102]
129. Nello stesso
tempo, la santità è parresia:
è audacia, è slancio evangelizzatore che lascia un segno in questo mondo.
Perché ciò sia possibile, Gesù stesso ci viene incontro e ci ripete con
serenità e fermezza: «Non abbiate paura» (Mc 6,50). «Io sono con voi tutti i giorni,
fino alla fine del mondo» (Mt 28,20).
Queste parole ci permettono di camminare e servire con quell’atteggiamento
pieno di coraggio che lo Spirito Santo suscitava negli Apostoli spingendoli ad
annunciare Gesù Cristo. Audacia, entusiasmo,
parlare con libertà, fervore apostolico, tutto questo è compreso nel vocabolo parresia, parola con cui la
Bibbia esprime anche la libertà di un’esistenza che è aperta, perché si trova
disponibile per Dio e per i fratelli (cfr At 4,29; 9,28; 28,31; 2 Cor 3,12; Ef 3,12; Eb 3,6; 10,19).
130. Il beato Paolo VI menzionava tra gli ostacoli
dell’evangelizzazione proprio la carenza di parresia:
«la mancanza di fervore, tanto più grave perché nasce dal di dentro».[103] Quante volte ci sentiamo strattonati
per fermarci sulla comoda riva! Ma il Signore ci chiama a navigare al largo e a
gettare le reti in acque più profonde (cfr Lc 5,4). Ci invita a spendere la nostra
vita al suo servizio. Aggrappati a Lui abbiamo il coraggio di mettere tutti i
nostri carismi al servizio degli altri. Potessimo sentirci spinti dal suo amore
(cfr 2 Cor 5,14) e dire con san Paolo: «Guai a me
se non annuncio il Vangelo!» (1 Cor 9,16).
131. Guardiamo a Gesù:
la sua compassione profonda non era qualcosa che lo concentrasse su di sé, non
era una compassione paralizzante, timida o piena di vergogna come molte volte
succede a noi, ma tutto il contrario. Era una compassione che lo spingeva a uscire da
sé con forza per annunciare, per inviare in missione, per inviare a guarire e a
liberare. Riconosciamo la nostra fragilità ma
lasciamo che Gesù la prenda nelle sue mani e ci lanci in missione. Siamo
fragili, ma portatori di un tesoro che ci rende grandi e che può rendere più
buoni e felici quelli che lo accolgono. L’audacia e il coraggio apostolico sono
costitutivi della missione.
132. La parresia è sigillo dello Spirito, testimonianza
dell’autenticità dell’annuncio. E’ felice sicurezza che ci porta a gloriarci
del Vangelo che annunciamo, è fiducia irremovibile nella fedeltà del Testimone
fedele, che ci dà la certezza che nulla «potrà mai separarci dall’amore di Dio»
(Rm 8,39).
133.
Abbiamo bisogno della spinta dello Spirito per non essere paralizzati dalla
paura e dal calcolo, per non abituarci a camminare soltanto entro confini
sicuri. Ricordiamoci che ciò che rimane chiuso alla fine ha odore di umidità e
ci fa ammalare. Quando gli Apostoli provarono la tentazione di lasciarsi
paralizzare dai timori e dai pericoli, si misero a pregare insieme chiedendo la parresia: «E ora, Signore,
volgi lo sguardo alle loro minacce e concedi ai tuoi servi di proclamare con
tutta franchezza la tua parola» (At4,29). E la risposta fu che
«quand’ebbero terminato la preghiera, il luogo in cui erano radunati tremò e
tutti furono colmati di Spirito Santo e proclamavano la parola di Dio con
franchezza» (At 4,31).
134. Come il profeta
Giona, sempre portiamo latente in noi la tentazione di fuggire in un luogo
sicuro che può avere molti nomi: individualismo, spiritualismo, chiusura in
piccoli mondi, dipendenza, sistemazione, ripetizione di schemi prefissati, dogmatismo,
nostalgia, pessimismo, rifugio nelle norme. Talvolta facciamo fatica ad uscire
da un territorio che ci era conosciuto e a portata di mano. Tuttavia, le
difficoltà possono essere come la tempesta, la balena, il verme che fece
seccare il ricino di Giona, o il vento e il sole che gli scottarono la testa; e
come fu per lui, possono avere la funzione di farci tornare a quel Dio che è
tenerezza e che vuole condurci a un’itineranza costante e rinnovatrice.
135. Dio è sempre
novità, che ci spinge continuamente a ripartire e a cambiare posto per andare
oltre il conosciuto, verso le periferie e le frontiere. Ci conduce là dove si
trova l’umanità più ferita e dove gli esseri umani, al di sotto dell’apparenza
della superficialità e del conformismo, continuano a cercare la risposta alla
domanda sul senso della vita. Dio non ha paura! Non ha paura! Va sempre al di
là dei nostri schemi e non teme le periferie. Egli stesso si è fatto periferia
(cfr Fil 2,6-8; Gv 1,14). Per questo, se oseremo andare
nelle periferie, là lo troveremo: Lui sarà già lì. Gesù ci precede nel cuore di
quel fratello, nella sua carne ferita, nella sua vita oppressa, nella sua anima
ottenebrata. Lui è già lì.
136. E’ vero che
bisogna aprire la porta a Gesù Cristo, perché Lui bussa e chiama (cfr Ap 3,20). Ma a volte mi domando se, a
causa dell’aria irrespirabile della nostra autoreferenzialità, Gesù non starà
bussando dentro di noi perché lo lasciamo uscire. Nel Vangelo vediamo come Gesù
«andava per città e villaggi, predicando e annunciando la buona notizia del
regno di Dio» (Lc 8,1). Anche dopo la risurrezione, quando i discepoli partirono in
ogni direzione, «il Signore agiva insieme con loro» (Mc 16,20). Questa è la dinamica che
scaturisce dal vero incontro.
137. L’abitudine ci
seduce e ci dice che non ha senso cercare di cambiare le cose, che non possiamo
far nulla di fronte a questa situazione, che è sempre stato così e che tuttavia
siamo andati avanti. Per l’abitudine noi non affrontiamo più il male e
permettiamo che le cose “vadano come vanno”, o come alcuni hanno deciso che
debbano andare. Ma dunque lasciamo che il Signore venga a risvegliarci, a dare
uno scossone al nostro torpore, a liberarci dall’inerzia. Sfidiamo
l’abitudinarietà, apriamo bene gli occhi e gli orecchi, e soprattutto il cuore,
per lasciarci smuovere da ciò che succede intorno a noi e dal grido della
Parola viva ed efficace del Risorto.
138. Ci mette in moto
l’esempio di tanti sacerdoti, religiose, religiosi e laici che si dedicano ad
annunciare e servire con grande fedeltà, molte volte rischiando la vita e
certamente a prezzo della loro comodità. La loro testimonianza ci ricorda che
la Chiesa non ha bisogno di tanti burocrati e funzionari, ma di missionari
appassionati, divorati dall’entusiasmo di comunicare la vera vita. I santi
sorprendono, spiazzano, perché la loro vita ci chiama a uscire dalla mediocrità
tranquilla e anestetizzante.
139. Chiediamo al
Signore la grazia di non esitare quando lo Spirito esige da noi che facciamo un
passo avanti; chiediamo il coraggio apostolico di comunicare il Vangelo agli
altri e di rinunciare a fare della nostra vita un museo di ricordi. In ogni
situazione, lasciamo che lo Spirito Santo ci faccia contemplare la storia nella
prospettiva di Gesù risorto. In tal modo la Chiesa, invece di stancarsi, potrà
andare avanti accogliendo le sorprese del Signore.
140. E’ molto
difficile lottare contro la propria concupiscenza e contro le insidie e
tentazioni del demonio e del mondo egoista se siamo isolati. E’ tale il
bombardamento che ci seduce che, se siamo troppo soli, facilmente perdiamo il
senso della realtà, la chiarezza interiore, e soccombiamo.
141. La santificazione
è un cammino comunitario, da fare a due a due. Così lo rispecchiano alcune
comunità sante. In varie occasioni la Chiesa ha canonizzato intere comunità che
hanno vissuto eroicamente il Vangelo o che hanno offerto a Dio la vita di tutti
i loro membri. Pensiamo, ad esempio, ai sette santi fondatori dell’Ordine dei
Servi di Maria, alle sette beate religiose del primo monastero della
Visitazione di Madrid, a san Paolo Miki e compagni martiri in Giappone, a
sant’Andrea Taegon e compagni martiri in Corea, ai santi Rocco Gonzáles e
Alfonso Rodríguez e compagni martiri in Sud America. Ricordiamo anche la
recente testimonianza dei monaci trappisti di Tibhirine (Algeria), che si sono
preparati insieme al martirio. Allo stesso modo ci sono molte coppie di sposi
sante, in cui ognuno dei coniugi è stato strumento per la santificazione
dell’altro. Vivere e lavorare con altri è senza dubbio una via di crescita
spirituale. San Giovanni della Croce diceva a un discepolo: stai vivendo con
altri «perché ti lavorino e ti esercitino nella virtù».[104]
142. La comunità è
chiamata a creare quello «spazio teologale in cui si può sperimentare la
mistica presenza del Signore risorto».[105] Condividere la Parola e celebrare
insieme l’Eucaristia ci rende più fratelli e ci trasforma via via in comunità
santa e missionaria. Questo dà luogo anche ad autentiche esperienze mistiche
vissute in comunità, come fu il caso di san Benedetto e santa Scolastica, o di
quel sublime incontro spirituale che vissero insieme sant’Agostino e sua madre
santa Monica: «All’avvicinarsi del giorno in cui doveva uscire di questa vita,
giorno a te noto, ignoto a noi, accadde, per opera tua, io credo, secondo i tuoi
misteriosi ordinamenti, che ci trovassimo lei ed io soli, appoggiati a una
finestra prospiciente il giardino della casa che ci ospitava […]. Aprivamo
avidamente la bocca del cuore al getto superno della tua fonte, la fonte della
vita, che è presso di te […]. E mentre parlavamo e anelavamo verso di lei [la
Sapienza], la cogliemmo un poco con lo slancio totale della mente [… così che]
la vita eterna [somiglierebbe] a quel momento d’intuizione che ci fece
sospirare».[106]
143. Ma queste
esperienze non sono la cosa più frequente, né la più importante. La vita
comunitaria, in famiglia, in parrocchia, nella comunità religiosa o in
qualunque altra, è fatta di tanti piccoli dettagli quotidiani. Questo capitava
nella comunità santa che formarono Gesù, Maria e Giuseppe, dove si è
rispecchiata in modo paradigmatico la bellezza della comunione trinitaria. Ed è
anche ciò che succedeva nella vita comunitaria che Gesù condusse con i suoi
discepoli e con la gente semplice del popolo.
144. Ricordiamo come
Gesù invitava i suoi discepoli a fare attenzione ai particolari.
Il piccolo particolare che si stava esaurendo il vino in una festa.
Il piccolo particolare che mancava una pecora.
Il piccolo particolare della vedova che offrì le sue due monetine.
Il piccolo particolare di avere olio di riserva per le lampade se lo sposo ritarda.
Il piccolo particolare di chiedere ai discepoli di vedere quanti pani avevano.
Il piccolo particolare di avere un fuocherello pronto e del pesce sulla griglia mentre aspettava i discepoli all’alba.
Il piccolo particolare che si stava esaurendo il vino in una festa.
Il piccolo particolare che mancava una pecora.
Il piccolo particolare della vedova che offrì le sue due monetine.
Il piccolo particolare di avere olio di riserva per le lampade se lo sposo ritarda.
Il piccolo particolare di chiedere ai discepoli di vedere quanti pani avevano.
Il piccolo particolare di avere un fuocherello pronto e del pesce sulla griglia mentre aspettava i discepoli all’alba.
145. La comunità che
custodisce i piccoli particolari dell’amore,[107] dove i membri si prendono cura gli uni
degli altri e costituiscono uno spazio aperto ed evangelizzatore, è luogo della
presenza del Risorto che la va santificando secondo il progetto del Padre. A
volte, per un dono dell’amore del Signore, in mezzo a questi piccoli
particolari ci vengono regalate consolanti esperienze di Dio: «Una sera
d’inverno compivo come al solito il mio piccolo servizio, […] a un tratto udii
in lontananza il suono armonioso di uno strumento musicale: allora mi immaginai
un salone ben illuminato tutto splendente di ori, ragazze elegantemente vestite
che si facevano a vicenda complimenti e convenevoli mondani; poi il mio sguardo
cadde sulla povera malata che sostenevo; invece di una melodia udivo ogni tanto
i suoi gemiti lamentosi […]. Non posso esprimere ciò che accadde nella mia
anima, quello che so è che il Signore la illuminò con i raggi della verità che
superano talmente lo splendore tenebroso delle feste della terra, che non
potevo credere alla mia felicità».[108]
146. Contro la
tendenza all’individualismo consumista che finisce per isolarci nella ricerca
del benessere appartato dagli altri, il nostro cammino di santificazione non
può cessare di identificarci con quel desiderio di Gesù: che «tutti siano una
sola cosa; come tu, Padre, sei in me e io in te» (Gv 17,21).
147. Infine, malgrado
sembri ovvio, ricordiamo che la santità è fatta di apertura abituale alla
trascendenza, che si esprime nella preghiera e nell’adorazione. Il santo è una
persona dallo spirito orante, che ha bisogno di comunicare con Dio. E’ uno che
non sopporta di soffocare nell’immanenza chiusa di questo mondo, e in mezzo ai
suoi sforzi e al suo donarsi sospira per Dio, esce da sé nella lode e allarga i
propri confini nella contemplazione del Signore. Non credo nella santità senza
preghiera, anche se non si tratta necessariamente di lunghi momenti o di
sentimenti intensi.
148. San Giovanni
della Croce raccomandava di «procurare di stare sempre alla presenza di Dio,
sia essa reale o immaginaria o unitiva, per quanto lo comporti l’attività».[109] In fondo è il desiderio di Dio che non
può fare a meno di manifestarsi in qualche modo attraverso la nostra vita
quotidiana: «Sia assiduo all’orazione senza tralasciarla neppure in mezzo alle
occupazioni esteriori. Sia che mangi o beva, sia che parli o tratti con i
secolari o faccia qualche altra cosa, desideri sempre Dio tenendo in Lui
l’affetto del cuore».[110]
149. Ciò nonostante,
perché questo sia possibile, sono necessari anche alcuni momenti dedicati solo
a Dio, in solitudine con Lui. Per santa Teresa d’Avila la preghiera è «un
intimo rapporto di amicizia, un frequente trattenimento da solo a solo con
Colui da cui sappiamo d’essere amati».[111] Vorrei insistere sul fatto che questo
non è solo per pochi privilegiati, ma per tutti, perché «abbiamo tutti bisogno
di questo silenzio carico di presenza adorata».[112] La preghiera fiduciosa è una risposta
del cuore che si apre a Dio a tu per tu, dove si fanno tacere tutte le voci per
ascoltare la soave voce del Signore che risuona nel silenzio.
150. In tale silenzio
è possibile discernere, alla luce dello Spirito, le vie di santità che il
Signore ci propone. Diversamente, tutte le nostre decisioni potranno essere
soltanto “decorazioni” che, invece di esaltare il Vangelo nella nostra vita, lo
ricopriranno e lo soffocheranno. Per ogni discepolo è indispensabile stare con
il Maestro, ascoltarlo, imparare da Lui, imparare sempre. Se non ascoltiamo,
tutte le nostre parole saranno unicamente rumori che non servono a niente.
151. Ricordiamo che «è
la contemplazione del volto di Gesù morto e risorto che ricompone la nostra
umanità, anche quella frammentata per le fatiche della vita, o segnata dal
peccato. Non dobbiamo addomesticare la potenza del volto di Cristo».[113]mDunque
mi permetto di chiederti: ci sono momenti in cui ti poni alla sua presenza in
silenzio, rimani con Lui senza fretta, e ti lasci guardare da Lui? Lasci che il
suo fuoco infiammi il tuo cuore? Se non permetti che Lui alimenti in esso il
calore dell’amore e della tenerezza, non avrai fuoco, e così come potrai
infiammare il cuore degli altri con la tua testimonianza e le tue parole? E se
davanti al volto di Cristo ancora non riesci a lasciarti guarire e trasformare,
allora penetra nelle viscere del Signore, entra nelle sue piaghe, perché lì ha
sede la misericordia divina.[114]
152. Prego tuttavia
che non intendiamo il silenzio orante come un’evasione che nega il mondo
intorno a noi. Il “pellegrino russo”, che camminava in preghiera continua,
racconta che quella preghiera non lo separava dalla realtà esterna: «Se mi
capitava di incontrare qualcuno, tutte quelle persone senza distinzione mi
parevano altrettanto amabili che se fossero state della mia famiglia. […] Non
solo sentivo questa luce dentro la mia anima, ma anche il mondo esterno mi
appariva bellissimo e incantevole».[115]
153. Nemmeno la storia
scompare. La preghiera, proprio perché si nutre del dono di Dio che si riversa
nella nostra vita, dovrebbe essere sempre ricca di memoria. La memoria delle
opere di Dio è alla base dell’esperienza dell’alleanza tra Dio e il suo popolo.
Se Dio ha voluto entrare nella storia, la preghiera è intessuta di ricordi. Non
solo del ricordo della Parola rivelata, bensì anche della propria vita, della
vita degli altri, di ciò che il Signore ha fatto nella sua Chiesa. E’ la
memoria grata di cui pure parla sant’Ignazio di Loyola nella sua
«Contemplazione per raggiungere l’amore»,[116] quando ci chiede di riportare alla
memoria tutti i benefici che abbiamo ricevuto dal Signore. Guarda la tua storia
quando preghi e in essa troverai tanta misericordia. Nello stesso tempo questo
alimenterà la tua consapevolezza del fatto che il Signore ti tiene nella sua
memoria e non ti dimentica mai. Di conseguenza ha senso chiedergli di
illuminare persino i piccoli dettagli della tua esistenza, che a Lui non
sfuggono.
154. La supplica è
espressione del cuore che confida in Dio, che sa che non può farcela da solo.
Nella vita del popolo fedele di Dio troviamo molte suppliche piene di tenerezza
credente e di profonda fiducia. Non togliamo valore alla preghiera di domanda,
che tante volte ci rasserena il cuore e ci aiuta ad andare avanti lottando con
speranza. La supplica di intercessione ha un valore particolare, perché è un
atto di fiducia in Dio e insieme un’espressione di amore al prossimo. Alcuni,
per pregiudizi spiritualisti, pensano che la preghiera dovrebbe essere una pura
contemplazione di Dio, senza distrazioni, come se i nomi e i volti dei fratelli
fossero un disturbo da evitare. Al contrario, la realtà è che la preghiera sarà
più gradita a Dio e più santificatrice se in essa, con l’intercessione,
cerchiamo di vivere il duplice comandamento che ci ha lasciato Gesù.
L’intercessione esprime l’impegno fraterno con gli altri quando in essa siamo
capaci di includere la vita degli altri, le loro angosce più sconvolgenti e i
loro sogni più belli. Di chi si dedica generosamente a intercedere si può dire
con le parole bibliche: «Questi è l’amico dei suoi fratelli, che prega molto
per il popolo» (2 Mac 15,14).
155. Se veramente
riconosciamo che Dio esiste, non possiamo fare a meno di adorarlo, a volte in
un silenzio colmo di ammirazione, o di cantare a Lui con lode festosa. Così
esprimiamo ciò che viveva il beato Charles de Foucauld quando disse: «Appena
credetti che c’era un Dio, compresi che non potevo fare altrimenti che vivere
solo per Lui».[117] Anche nella vita del popolo
pellegrinante ci sono molti gesti semplici di pura adorazione, come ad esempio
quando «lo sguardo del pellegrino si posa su un’immagine che simboleggia la
tenerezza e la vicinanza di Dio. L’amore si ferma, contempla il mistero, lo
gusta in silenzio».[118]
156. La lettura orante
della Parola di Dio, più dolce del miele (cfr Sal 119,103) e «spada a doppio taglio» (Eb 4,12), ci permette di rimanere in
ascolto del Maestro affinché sia lampada per i nostri passi, luce sul nostro
cammino (cfr Sal 119,105). Come ci hanno ben ricordato
i Vescovi dell’India, «la devozione alla Parola di Dio non è solo una delle
tante devozioni, una cosa bella ma facoltativa. Appartiene al cuore e
all’identità stessa della vita cristiana. La Parola ha in sé la forza per
trasformare la vita».[119]
157. L’incontro con
Gesù nelle Scritture ci conduce all’Eucaristia, dove la stessa Parola raggiunge
la sua massima efficacia, perché è presenza reale di Colui che è Parola
vivente. Lì l’unico Assoluto riceve la più grande adorazione che si possa
dargli in questo mondo, perché è Cristo stesso che si offre. E quando lo
riceviamo nella comunione, rinnoviamo la nostra alleanza con Lui e gli
permettiamo di realizzare sempre più la sua azione trasformante.
158. La vita cristiana
è un combattimento permanente. Si richiedono forza e coraggio per resistere
alle tentazioni del diavolo e annunciare il Vangelo. Questa lotta è molto
bella, perché ci permette di fare festa ogni volta che il Signore vince nella
nostra vita.
159. Non si tratta
solamente di un combattimento contro il mondo e la mentalità mondana, che ci
inganna, ci intontisce e ci rende mediocri, senza impegno e senza gioia.
Nemmeno si riduce a una lotta contro la propria fragilità e le proprie
inclinazioni (ognuno ha la sua: la pigrizia, la lussuria, l’invidia, le
gelosie, e così via). È anche una lotta costante contro il diavolo, che è il
principe del male. Gesù stesso festeggia le nostre vittorie. Si rallegrava
quando i suoi discepoli riuscivano a progredire nell’annuncio del Vangelo,
superando l’opposizione del Maligno, ed esultava: «Vedevo Satana cadere dal
cielo come una folgore» (Lc 10,18).
160. Non ammetteremo
l’esistenza del diavolo se ci ostiniamo a guardare la vita solo con criteri
empirici e senza una prospettiva soprannaturale. Proprio la convinzione che
questo potere maligno è in mezzo a noi, è ciò che ci permette di capire perché
a volte il male ha tanta forza distruttiva. È vero che gli autori biblici
avevano un bagaglio concettuale limitato per esprimere alcune realtà e che ai
tempi di Gesù si poteva confondere, ad esempio, un’epilessia con la possessione
demoniaca. Tuttavia, questo non deve portarci a semplificare troppo la realtà
affermando che tutti i casi narrati nei vangeli erano malattie psichiche e che
in definitiva il demonio non esiste o non agisce. La sua presenza si trova
nella prima pagina delle Scritture, che terminano con la vittoria di Dio sul
demonio.[120] Di fatto, quando Gesù ci ha lasciato
il “Padre Nostro” ha voluto che terminiamo chiedendo al Padre che ci liberi dal
Maligno. L’espressione che lì si utilizza non si riferisce al male in astratto
e la sua traduzione più precisa è «il Maligno». Indica un essere personale che
ci tormenta. Gesù ci ha insegnato a chiedere ogni giorno questa liberazione
perché il suo potere non ci domini.
161. Non pensiamo
dunque che sia un mito, una rappresentazione, un simbolo, una figura o un’idea.[121] Tale inganno ci porta ad abbassare la
guardia, a trascurarci e a rimanere più esposti. Lui non ha bisogno di
possederci. Ci avvelena con l’odio, con la tristezza, con l’invidia, con i
vizi. E così, mentre riduciamo le difese, lui ne approfitta per distruggere la
nostra vita, le nostre famiglie e le nostre comunità, perché «come leone
ruggente va in giro cercando chi divorare» (1 Pt 5,8).
162. La Parola di Dio
ci invita esplicitamente a «resistere alle insidie del diavolo» (Ef 6,11) e a fermare «tutte le frecce
infuocate del maligno» (Ef 6,16).
Non sono parole poetiche, perché anche il nostro cammino verso la santità è una
lotta costante. Chi non voglia riconoscerlo si vedrà esposto al fallimento o
alla mediocrità. Per il combattimento abbiamo le potenti armi che il Signore ci
dà: la fede che si esprime nella preghiera, la meditazione della Parola di Dio,
la celebrazione della Messa, l’adorazione eucaristica, la Riconciliazione
sacramentale, le opere di carità, la vita comunitaria, l’impegno missionario.
Se ci trascuriamo ci sedurranno facilmente le false promesse del male, perché,
come diceva il santo sacerdote Brochero: «Che importa che Lucifero prometta di
liberarvi e anzi vi getti in mezzo a tutti i suoi beni, se sono beni ingannevoli,
se sono beni avvelenati?».[122]
163. In questo
cammino, lo sviluppo del bene, la maturazione spirituale e la crescita
dell’amore sono il miglior contrappeso nei confronti del male. Nessuno resiste
se sceglie di indugiare in un punto morto, se si accontenta di poco, se smette
di sognare di offrire al Signore una dedizione più bella. Peggio ancora se cade
in un senso di sconfitta, perché «chi comincia senza fiducia ha perso in
anticipo metà della battaglia e sotterra i propri talenti. […] Il trionfo
cristiano è sempre una croce, ma una croce che al tempo stesso è vessillo di
vittoria, che si porta con una tenerezza combattiva contro gli assalti del
male».[123]
164. Il cammino della
santità è una fonte di pace e di gioia che lo Spirito ci dona, ma nello stesso
tempo richiede che stiamo con “le lampade accese” (cfr Lc 12,35) e rimaniamo attenti:
«Astenetevi da ogni specie di male» (1 Ts 5,22); «vegliate» (cfr Mc 13,35;Mt 24,42); non addormentiamoci (cfr 1 Ts 5,6). Perché coloro che non si
accorgono di commettere gravi mancanze contro la Legge di Dio possono lasciarsi
andare ad una specie di stordimento o torpore. Dato che non trovano niente di
grave da rimproverarsi, non avvertono quella tiepidezza che a poco a poco si va
impossessando della loro vita spirituale e finiscono per logorarsi e
corrompersi.
165. La corruzione
spirituale è peggiore della caduta di un peccatore, perché si tratta di una
cecità comoda e autosufficiente dove alla fine tutto sembra lecito: l’inganno,
la calunnia, l’egoismo e tante sottili forme di autoreferenzialità, poiché
«anche Satana si maschera da angelo della luce» (2 Cor 11,14). Così terminò i suoi giorni
Salomone, mentre il gran peccatore Davide seppe superare la sua miseria. In un
passo Gesù ci ha avvertito circa questa tentazione insidiosa che ci fa
scivolare verso la corruzione: parla di una persona liberata dal demonio che,
pensando che la sua vita fosse ormai pulita, finì posseduta da altri sette
spiriti maligni (cfrLc 11,24-26).
Un altro testo biblico usa un’immagine forte: «Il cane è tornato al suo vomito»
(2 Pt 2,22; cfr Pro 26,11).
166. Come sapere se una cosa viene
dallo Spirito Santo o se deriva dallo spirito del mondo o dallo spirito del
diavolo? L’unico modo è il discernimento, che
non richiede solo una buona capacità di ragionare e di senso comune, è anche un
dono che bisogna chiedere. Se lo chiediamo con fiducia allo Spirito Santo, e
allo stesso tempo ci sforziamo di coltivarlo con la preghiera, la riflessione,
la lettura e il buon consiglio, sicuramente potremo crescere in questa capacità
spirituale.
167. Al giorno d’oggi
l’attitudine al discernimento è diventata particolarmente necessaria. Infatti
la vita attuale offre enormi possibilità di azione e di distrazione e il mondo
le presenta come se fossero tutte valide e buone. Tutti, ma specialmente i
giovani, sono esposti a uno zapping costante. È possibile navigare su due
o tre schermi simultaneamente e interagire nello stesso tempo in diversi
scenari virtuali. Senza la sapienza del discernimento possiamo trasformarci
facilmente in burattini alla mercé delle tendenze del momento.
168. Questo risulta
particolarmente importante quando compare una novità nella propria vita, e
dunque bisogna discernere se sia il vino nuovo che viene da Dio o una novità
ingannatrice dello spirito del mondo o dello spirito del diavolo. In altre
occasioni succede il contrario, perché le forze del male ci inducono a non
cambiare, a lasciare le cose come stanno, a scegliere l’immobilismo e la
rigidità, e allora impediamo che agisca il soffio dello Spirito. Siamo liberi,
con la libertà di Gesù, ma Egli ci chiama a esaminare quello che c’è dentro di
noi – desideri, angustie, timori, attese – e quello che accade fuori di noi – i
“segni dei tempi” – per riconoscere le vie della libertà piena: «Vagliate ogni
cosa e tenete ciò che è buono» (1 Ts 5,21).
169. Il discernimento
è necessario non solo in momenti straordinari, o quando bisogna risolvere
problemi gravi, oppure quando si deve prendere una decisione cruciale. È uno strumento di lotta
per seguire meglio il Signore. Ci serve sempre: per essere capaci di
riconoscere i tempi di Dio e la sua grazia, per non sprecare le ispirazioni del
Signore, per non lasciar cadere il suo invito a crescere. Molte volte questo si gioca nelle piccole cose, in ciò che
sembra irrilevante, perché la magnanimità si rivela nelle cose semplici e
quotidiane.[124] Si tratta di non avere limiti per la
grandezza, per il meglio e il più bello, ma nello stesso tempo di concentrarsi
sul piccolo, sull’impegno di oggi. Pertanto chiedo a tutti i cristiani di non
tralasciare di fare ogni giorno, in dialogo con il Signore che ci ama, un sincero
esame di coscienza. Al tempo stesso, il discernimento ci conduce a riconoscere
i mezzi concreti che il Signore predispone nel suo misterioso piano di amore,
perché non ci fermiamo solo alle buone intenzioni.
170. È vero che il discernimento
spirituale non esclude gli apporti delle sapienze umane, esistenziali,
psicologiche, sociologiche o morali. Però le trascende. E neppure gli bastano
le sagge norme della Chiesa. Ricordiamo sempre che il discernimento è una
grazia. Anche se include la ragione e la prudenza, le supera, perché si tratta
di intravedere il mistero del progetto unico e irripetibile che Dio ha per
ciascuno e che si realizza in mezzo ai più svariati contesti e limiti. Non è in
gioco solo un benessere temporale, né la soddisfazione di fare qualcosa di
utile, e nemmeno il desiderio di avere la coscienza tranquilla. È in gioco il
senso della mia vita davanti al Padre che mi conosce e mi ama, quello vero, per
il quale io possa dare la mia esistenza, e che nessuno conosce meglio di Lui.
Il discernimento, insomma, conduce alla fonte stessa della vita che non muore,
cioè «che conoscano te, l’unico vero Dio, e colui che hai mandato, Gesù Cristo»
(Gv 17,3). Non richiede
capacità speciali né è riservato ai più intelligenti e istruiti, e il Padre si
manifesta con piacere agli umili (cfr Mt 11,25).
171. Anche se il
Signore ci parla in modi assai diversi durante il nostro lavoro, attraverso gli
altri e in ogni momento, non è possibile prescindere dal silenzio della
preghiera prolungata per percepire meglio quel linguaggio, per interpretare il
significato reale delle ispirazioni che pensiamo di aver ricevuto, per calmare
le ansie e ricomporre l’insieme della propria esistenza alla luce di Dio. Così
possiamo permettere la nascita di quella nuova sintesi che scaturisce dalla
vita illuminata dallo Spirito.
172. Tuttavia potrebbe
capitare che nella preghiera stessa evitiamo di disporci al confronto con la
libertà dello Spirito, che agisce come vuole. Occorre ricordare che il discernimento
orante richiede di partire da una disposizione ad ascoltare: il Signore, gli
altri, la realtà stessa che sempre ci interpella in nuovi modi. Solamente chi è
disposto ad ascoltare ha la libertà di rinunciare al proprio punto di vista
parziale e insufficiente, alle proprie abitudini, ai propri schemi. Così è
realmente disponibile ad accogliere una chiamata che rompe le sue sicurezze ma
che lo porta a una vita migliore, perché non basta che tutto vada bene, che
tutto sia tranquillo. Può essere che Dio ci stia offrendo qualcosa di più, e
nella nostra pigra distrazione non lo riconosciamo.
173. Tale
atteggiamento di ascolto implica, naturalmente, obbedienza al Vangelo come
ultimo criterio, ma anche al Magistero che lo custodisce, cercando di trovare nel
tesoro della Chiesa ciò che può essere più fecondo per l’oggi della salvezza.
Non si tratta di applicare ricette o di ripetere il passato, poiché le medesime
soluzioni non sono valide in tutte le circostanze e quello che era utile in un
contesto può non esserlo in un altro. Il discernimento degli spiriti ci libera
dalla rigidità, che non ha spazio davanti al perenne oggi del Risorto.
Unicamente lo Spirito sa penetrare nelle pieghe più oscure della realtà e
tenere conto di tutte le sue sfumature, perché emerga con altra luce la novità
del Vangelo.
174. Una condizione
essenziale per il progresso nel discernimento è educarsi alla pazienza di Dio e
ai suoi tempi, che non sono mai i nostri. Lui non fa “scendere fuoco sopra gli
infedeli” (cfr Lc 9,54), né permette agli zelanti di
“raccogliere la zizzania” che cresce insieme al grano (cfr Mt 13,29). Inoltre si richiede
generosità, perché «si è più beati nel dare che nel ricevere» (At 20,35). Non si fa discernimento per
scoprire cos’altro possiamo ricavare da questa vita, ma per riconoscere come
possiamo compiere meglio la missione che ci è stata affidata nel Battesimo, e
ciò implica essere disposti a rinunce fino a dare tutto. Infatti, la felicità è
paradossale e ci regala le migliori esperienze quando accettiamo quella logica
misteriosa che non è di questo mondo. Come diceva san Bonaventura riferendosi
alla croce: «Questa è la nostra logica».[125] Se uno assume questa dinamica, allora
non lascia anestetizzare la propria coscienza e si apre generosamente al
discernimento.
175. Quando scrutiamo
davanti a Dio le strade della vita, non ci sono spazi che restino esclusi. In
tutti gli aspetti dell’esistenza possiamo continuare a crescere e offrire a Dio
qualcosa di più, perfino in quelli nei quali sperimentiamo le difficoltà più forti.
Ma occorre chiedere allo Spirito Santo che ci liberi e che scacci quella paura
che ci porta a vietargli l’ingresso in alcuni aspetti della nostra vita. Colui
che chiede tutto dà anche tutto, e non vuole entrare in noi per mutilare o
indebolire, ma per dare pienezza. Questo ci fa vedere che il discernimento non
è un’autoanalisi presuntuosa, una introspezione egoista, ma una vera uscita da
noi stessi verso il mistero di Dio, che ci aiuta a vivere la missione alla
quale ci ha chiamato per il bene dei fratelli.
* * *
176. Desidero che
Maria coroni queste riflessioni, perché lei ha vissuto come nessun altro le
Beatitudini di Gesù. Ella è colei che trasaliva di gioia alla presenza di Dio,
colei che conservava tutto nel suo cuore e che si è lasciata attraversare dalla
spada. È la santa tra i santi, la più benedetta, colei che ci mostra la via
della santità e ci accompagna. Lei non accetta che quando cadiamo rimaniamo a
terra e a volte ci porta in braccio senza giudicarci. Conversare con lei ci
consola, ci libera e ci santifica. La Madre non ha bisogno di tante parole, non
le serve che ci sforziamo troppo per spiegarle quello che ci succede. Basta
sussurrare ancora e ancora: «Ave o Maria…».
177. Spero che queste
pagine siano utili perché tutta la Chiesa si dedichi a promuovere il desiderio
della santità. Chiediamo che lo Spirito Santo infonda in noi un intenso
desiderio di essere santi per la maggior gloria di Dio e incoraggiamoci a
vicenda in questo proposito. Così condivideremo una felicità che il mondo non
ci potrà togliere.
Dato a Roma, presso San Pietro, il
19 marzo, Solennità di San Giuseppe, dell’anno 2018, sesto del mio Pontificato.
Francesco
[1] Benedetto XVI, Omelia per il solenne inizio del ministero petrino (24 aprile 2005): AAS 97 (2005), 708.
[2] In ogni caso suppone che vi sia fama di santità e un
esercizio, almeno in grado ordinario, delle virtù cristiane: cfr Lett. ap. in
forma di Motu proprio Maiorem hac dilectionem (11 luglio 2017), art. 2c: L’Osservatore Romano, 12 luglio
2017, p. 8.
[7] S. Giovanni Paolo II,
Lett. ap. Novo millennio ineunte (6 gennaio 2001), 56: AAS 93 (2001), 307.
[9] Omelia nella Commemorazione ecumenica dei testimoni della fede del
secolo XX (7 maggio
2000), 5: AAS 92 (2000), 680-681.
[15] S. Francesco di Sales, Trattato dell’amore di Dio,
VIII, 11: Opere complete di
Francesco di Sales, IV, Roma 2011, 468.
[16] Cinque pani e due pesci. Dalla sofferenza del carcere una
gioiosa testimonianza di fede, Milano 2014, 20.
[24] Benedetto XVI, Catechesi nell’Udienza generale del 13 aprile 2011: Insegnamenti VII (2011), 451.
[29] Bisogna distinguere questo svago superficiale da una sana
cultura dell’ozio, che ci apre all’altro e alla realtà con uno spirito
disponibile e contemplativo.
[30] S. Giovanni Paolo II, Omelia nella Messa di canonizzazione (1 ottobre 2000), 5: AAS 92 (2000), 852.
[31] Conferenza Episcopale Regionale dell’Africa Occidentale, Messaggio pastorale al termine
della II Assemblea plenaria, 29 febbraio 2016, 2.
[33] Cfr Congregazione per la Dottrina della Fede, Lett. Placuit Deo ai Vescovi
della Chiesa Cattolica su alcuni aspetti della salvezza cristiana (22 febbraio 2018), 4: L’Osservatore Romano, 2 marzo
2018, pp. 4-5: «Sia l’individualismo neo-pelagiano che il disprezzo
neo-gnostico del corpo sfigurano la confessione di fede in Cristo, Salvatore
unico e universale». In questo documento si trovano le basi dottrinali per la
comprensione della salvezza cristiana in riferimento alle derive neo-gnostiche
e neo-pelagiane odierne.
[36] Omelia nella Messa a Casa S. Marta, 11 novembre 2016: L’Osservatore
Romano, 12 novembre 2016, p. 8.
[37] Come insegna san
Bonaventura, «è necessario che si abbandonino tutte le operazioni
dell’intelletto, e che l’apice dell’affetto sia per intero trasportato e
trasformato in Dio. […] Siccome ad ottenere questo, nulla può la natura e poco
la scienza, bisogna dare poco peso all’indagine e molto all’unzione spirituale;
poco alla lingua e moltissimo alla gioia interiore; poco alle parole e ai
libri, e tutto al dono di Dio, cioè allo Spirito Santo; poco o niente alla
creatura, e tutto all’essenza creatrice, al Padre, al Figlio e allo Spirito
Santo» (Itinerario della mente in Dio, VII, 4-5).
[38] Lettera al Gran Cancelliere
della Pontificia Università Cattolica Argentina per il centenario della Facoltà
di Teologia (3 marzo 2015): L’Osservatore Romano, 9-10
marzo 2015, p. 6.
[40] Videomessaggio al congresso internazionale di Teologia della
Pontificia Università Cattolica Argentina (1-3 settembre 2015):AAS 107 (2015), 980.
[42] Lettera al Gran Cancelliere della Pontificia Università Cattolica
Argentina per il centenario della Facoltà di Teologia (3 marzo 2015): L’Osservatore
Romano, 9-10 marzo 2015, p. 6.
[47] Cfr S. Bonaventura, Le
sei ali dei Serafini, 3, 8: «Non omnes omnia possunt». Va inteso nella
linea del Catechismo della
Chiesa Cattolica, 1735.
[48] Cfr S. Tommaso d’Aquino, Summa
Theologiae, I-II, 109, 9, ad 1: «Adesso, tuttavia, la grazia è in certo
qual modo imperfetta perché – come si è detto – non risana l’uomo totalmente».
[52] Nella comprensione della fede cristiana, la grazia è
preveniente, concomitante e susseguente ogni nostro agire (cfr Conc. Ecum. di
Trento, Sess. VI, Decr.
de iustificatione, cap. 5: DH,
1525).
[60] S. Teresa di Gesù
Bambino, “Offerta di me stessa come Vittima d’Olocausto all’Amore
Misericordioso del Buon Dio” (Preghiere, 6): Opere
complete, Roma 1997, 943.
[61] Lucio Gera, “Sobre el
misterio del pobre”, in P. Grelot-L. Gera-A. Dumas, El Pobre, Buenos Aires 1962, 103.
[62] Questa è, in definitiva,
la dottrina cattolica circa il “merito” successivo alla giustificazione: si
tratta della cooperazione del giustificato per la crescita della vita di grazia
(cfr Catechismo della Chiesa
Cattolica, 2010). Ma questa cooperazione in nessun modo fa sì che la
giustificazione stessa e l’amicizia con Dio diventino oggetto di un merito
umano.
[65] Omelia nella Messa in occasione del Giubileo delle persone
socialmente escluse, 13
novembre 2016: L’Osservatore
Romano, 14-15 novembre 2016, p. 8.
[66] Cfr Omelia nella Messa a Casa S. Marta, 9 giugno 2014: L’Osservatore Romano, 10 giugno
2014, p. 8.
[70] Dai tempi patristici la Chiesa apprezza il dono delle
lacrime, come si riscontra anche nella bella preghiera “Ad petendam
compunctionem cordis”: «O Dio onnipotente e mitissimo, che hai fatto
scaturire dalla roccia una fonte d’acqua viva per il popolo assetato, fa’
sgorgare dalla durezza del nostro cuore lacrime di pentimento, affinché
possiamo piangere i nostri peccati e meritare, per tua misericordia, la loro
remissione» (Missale Romanum, ed. typ. 1962, p. [110]).
[73] La diffamazione e la calunnia sono come un atto
terroristico: si lancia la bomba, si distrugge, e l’attentatore se ne va felice
e tranquillo. Questo è molto diverso dalla nobiltà di chi si avvicina per parlare
faccia a faccia, con serena sincerità, pensando al bene dell’altro.
[74] In certe occasioni può essere necessario parlare delle difficoltà
di qualche fratello. In questi casi può succedere che si trasmetta
un’interpretazione invece di un fatto obiettivo. La passione deforma la realtà
concreta del fatto, lo trasforma in interpretazione e alla fine la trasmette
carica di soggettività. Così si distrugge la realtà e non si rispetta la verità
dell’altro.
[82] Ricordiamo la reazione
del buon samaritano davanti all’uomo che i briganti avevano lasciato mezzo
morto sul bordo della strada (cfr Lc 10,30-37).
[83] Conferenza Canadese dei
Vescovi Cattolici - Commissione per gli Affari Sociali, Lettera aperta ai
membri del Parlamento, The
Common Good or Exclusion: A Choice for Canadians (1 febbraio 2001), 9.
[84] La V Conferenza Generale dell’Episcopato Latinoamericano e
dei Caraibi, secondo il costante magistero della Chiesa, ha insegnato che
l’essere umano «è sempre sacro, dal suo concepimento, in tutte le fasi della sua
esistenza, fino alla sua morte naturale e dopo la morte», e che la sua vita
deve essere protetta «dal concepimento, in
tutte le sue fasi, fino alla morte naturale» (Documento di Aparecida,
29 giugno 2007, 388; 464).
[95] Ci sono parecchie forme di bullismo che, pur apparendo
eleganti e rispettose e addirittura molto spirituali, provocano tanta
sofferenza nell’autostima degli altri.
[98] La Misericordia Divina
nella mia anima. Diario della beata Suor Faustina Kowalska, Città del Vaticano
1996, 132.
[101] Raccomando di recitare la preghiera attribuita a san
Tommaso Moro: «Dammi, Signore, una buona digestione, e anche qualcosa da
digerire. Dammi la salute del corpo, con il buon umore necessario per mantenerla.
Dammi, Signore, un’anima santa che sappia far tesoro di ciò che è buono e puro,
e non si spaventi davanti al peccato, ma piuttosto trovi il modo di rimettere
le cose a posto. Dammi un’anima che non conosca la noia, i brontolamenti, i
sospiri e i lamenti, e non permettere che mi crucci eccessivamente per quella
cosa tanto ingombrante che si chiama “io”. Dammi, Signore, il senso
dell’umorismo. Fammi la grazia di capire gli scherzi, perché abbia nella vita
un po’ di gioia e possa comunicarla agli altri. Così sia».
[103] Esort. ap. Evangelii nuntiandi (8 dicembre 1975), 80: AAS 68 (1976), 73. E’ interessante
osservare che in questo testo il beato Paolo VI lega intimamente la gioia alla parresia. Così come lamenta «la
mancanza di gioia e di speranza», esalta la «dolce e confortante gioia di
evangelizzare» che è unita a uno «slancio interiore che nessuno, né alcuna cosa
potrà spegnere», affinché il mondo non riceva il Vangelo «da evangelizzatori
tristi e scoraggiati». Durante l’Anno Santo del 1975, lo stesso Paolo VI dedicò alla gioia
l’Esortazione apostolica Gaudete in Domino (9 maggio 1975): AAS 67 (1975), 289-322.
[105] S. Giovanni Paolo II,
Esort. ap. postsin. Vita consecrata (25 marzo 1996), 42: AAS 88 (1996), 416.
[107] Ricordo in modo speciale
le tre parole-chiave “permesso, grazie, scusa”, perché «le parole adatte, dette
al momento giusto, proteggono e alimentano l’amore giorno dopo giorno» (Esort.
ap. postsin. Amoris laetitia, 19 marzo 2016, 133: AAS 108 [2016], 363).
[113] Discorso al V Convegno nazionale della Chiesa italiana, Firenze, 10 novembre 2015: AAS 107 (2015), 1284.
[117] Lettera a Enrico de Castries, 14 agosto 1901: Charles de Foucauld, Opere spirituali. Antologia,
Roma 19835, 623.
[118] V Conferenza Generale dell’Episcopato Latinoamericano e dei
Caraibi, Documento di
Aparecida (29 giugno 2007),
259.
[119] Conferenza dei Vescovi Cattolici dell’India, Dichiarazione finale della XXI
Assemblea plenaria (18
febbraio 2009), 3.2.
[120] Cfr Omelia nella Messa a Casa S. Marta, 11 ottobre
2013: L’Osservatore Romano,
12 ottobre 2013, p. 12.
[121] Cfr B. Paolo VI, Catechesi nell’Udienza
generale del 15 novembre 1972: Insegnamenti X [1972], 1168-1170: «Uno dei bisogni
maggiori è la difesa da quel male, che chiamiamo il Demonio. […] Il male non è
più soltanto una deficienza, ma un’efficienza, un essere vivo, spirituale,
pervertito e pervertitore. Terribile realtà. Misteriosa e paurosa. Esce dal
quadro dell’insegnamento biblico ed ecclesiastico chi si rifiuta di
riconoscerla esistente; ovvero chi ne fa un principio a sé stante, non avente
essa pure, come ogni creatura, origine da Dio; oppure la spiega come una
pseudo-realtà, una personificazione concettuale e fantastica delle cause ignote
dei nostri malanni».
[122] S. José Gabriel del Rosario Brochero, Predica delle bandiere, in
Conferenza Episcopale Argentina, El
Cura Brochero. Cartas y sermones, Buenos Aires 1999, 71.
[124] Sulla tomba di sant’Ignazio di Loyola si trova questo saggio
epitaffio: «Non coerceri a maximo, contineri tamen a minimo divinum est»
(Non aver nulla di più grande che ti limiti, e tuttavia stare dentro ciò che è
più piccolo: questo è divino).
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