Saint
Romain sur le trumeau du portail des Libraires de la cathédrale Notre-Dame de Rouen
Saint Romain
Évêque de
Rouen (+ 639)
Conseiller du roi franc Clotaire II, et peut-être même son chancelier durant quelque temps, il fut choisi comme archevêque de Rouen. Il eut fort à faire pour faire disparaître le paganisme. On lui prête pour cette raison une victoire mémorable sur un horrible dragon au visage jusqu'alors inconnu. Une manière comme une autre de conter ses victoires sur le paganisme. En tous cas, jusqu'au XVIIIe siècle, une procession le rappelait chaque année dans les rues de Rouen, et jusqu'à cette date, par privilège royal, le chapitre de la cathédrale avait le droit de faire libérer des prisonniers. Ce qui est sûr, c'est que cet évêque de Rouen accomplit tous les devoirs d'un bon pasteur.
"Issu d'une famille aristocratique gallo-romaine, Romain est éduqué à la cour du roi mérovingien Clotaire II, puis choisi par lui pour être évêque de Rouen en 626. Bien accueilli dans le diocèse, il mène une vie de prière et de jeûne vouée à la poursuite de l'évangélisation jusqu'à sa mort vers 639."
- Comment Romain est devenu patron de Rouen
- Qui était Romain? - L'origine de la légende de la gargouille
- Saint Romain: un inconnu célèbre
Il est le saint patron de la ville de Rouen
À Rouen, vers 644, saint Romain, évêque, qui détruisit les sanctuaires des
païens, encore très fréquentés dans la cité, éleva les bons à un état meilleur
et s'efforça de détourner les mauvais de leurs mauvaises actions.
Martyrologe romain
SOURCE : https://nominis.cef.fr/contenus/saint/8708/Saint-Romain.html
Statue
de Saint-Romain, Église Notre-Dame Beauficel-en-Lyons
Saint Romain, patron de
la ville de Rouen
Publié le 23 octobre 2015
Comment Romain est devenu
patron de Rouen
Comme pour une douzaine d’autres évêques de Rouen entre le 4ième et le 8ième siècles, c’est d’abord sa vie qui en fait un saint.
Mais la vénération grandit au cours du 10ième siècle. Pendant les invasions normandes, alors que les reliques étaient mises à l’abri dans d’autres villes, le corps de Romain est transporté de l’église hors les murs où il se trouvait, à l’intérieur des murailles.
Sans doute le fait qu’il n’a pas « déserté » a-t-il compté lorsque la paix est revenue : les reliques sont alors reconnues par les autorités religieuses et placées dans l’église qui porte le nom du saint.
Aux alentours de cette église se tient tous les ans à partir des années 1030 la foire saint Romain, fête à la fois religieuse et commerciale, dans laquelle on peut voir l’ancêtre de notre foire saint Romain.
L’influence du saint grandissant, on ramène ses reliques vers 1090 dans la
cathédrale romane récemment consacrée.
Origine de la légende de
la gargouille
Autour de tous les saints, la piété populaire construit des histoires qui témoignent de la confiance des hommes dans leur pouvoir libérateur et protecteur.
La gargouille vaincue par saint Romain n’échappe pas à la règle. Mais l’anecdote n’apparaît qu’en début du 14ième siècle et on peut penser qu’on cherche à justifier un privilège qu’avait le chapitre de la cathédrale : le jour de l’Ascension, l’ensemble des chanoines avait le droit de délivrer un prisonnier convaincu d’un crime de sang non prémédité. Après qu’il eut porté les reliques de saint Romain, il était libre.
En 1541, on construisit même un édifice au premier étage duquel le prisonnier
présentait les reliques à la foule. C’est la Fierte saint Romain, encore
visible près de la Halle aux Toiles. Le privilège et la procession se
perpétuèrent jusqu’à la Révolution.
Qui était Romain ?
Issu d’une famille aristocratique gallo-romaine, Romain est éduqué à la cour du roi mérovingien Clotaire II, puis choisi par lui pour être évêque de Rouen en 626.
Bien accueilli dans le diocèse, il mène une vie de prière et de jeûne vouée à
la poursuite de l’évangélisation jusqu’à sa mort vers 639.
Saint Romain, un inconnu
célèbre
Évêque de Rouen durant
une douzaine d’années, de 626 à 639 environ, la chronologie n’est pas sûre, –
entre Hidulphe et Andoenus, notre saint Ouen, la vie de Romain est bien mal
connue.
Sa plus ancienne
biographie, fin du VII s., ne fait l’objet que de quelques citations. Une
autre, en vers latins, rédigée d’après la première, ne sera redécouverte qu’au
XVIIIè s. entre les X et XIIè s., plusieurs récits de sa vie et de ses miracles
seront compilés, à Soissons et à Rouen, d’après les œuvres précédentes.
L’ensemble a fourni une série d’images propres à illustrer notamment les
quadrilobes du portail de la Calende à la cathédrale vers la fin du XIIIè s.
et, plus tard, les vitraux justement célèbres du transept (baies 28 et 30).
Ces scènes n’offrent dans
leurs sujets qu’une originalité limitée. On les retrouve dans de nombreuses
vies de saints ou dans la Bible : naissance inespérée chez un couple d’âge
avancé, issu ici de l’aristocratie gallo-romaine ; éducation à la cour du
roi mérovingien, ici Clovis II, en un temps où les souverains choisissent les
évêques ; il en est de nombreux autres exemples. C’est un vieillard
inspiré qui désigne Romain à qui le souverain remet son bâton pastoral. Bien
accueilli dans son diocèse Romain poursuit l’évangélisation, détruit des
temples encore fréquentés, célèbre pieusement la messe et préside la liturgie
de sa cathédrale : miracle de l’ampoule de Saint chrême brisée et
reconstituée à sa prière. Il prend le temps de l’oraison dans la solitude et
résiste à la tentation comme saint Benoît.
En un temps où la
sainteté se reconnaît à une vie ascétique de prière et de jeûne vouée à la
poursuite de l’évangélisation des villes et des campagnes, la vox populi porte
Romain au nombre de la douzaine de saints reconnus parmi les premiers évêques
de Rouen du IV au VIIIè s
Saint Romain, patron de
la ville de Rouen
Son culte se développe
essentiellement au XIè s. A sa mort, vers 639, Romain est inhumé hors les murs
selon la coutume, probablement dans une basilique funéraire élevée pour
l’occasion. Ses restes reposent dans un sarcophage de marbre rouge, – peut-être
un réemploi, – qui sera longtemps conservé dans la crypte d’une église
plusieurs fois détruite, reconstruite et remaniée. Elle est de nos jours dédiée
à Saint Godard.
Au temps des invasions
normandes, alors que la plupart des reliques conservées à Rouen sont mises à
l’abri, – les restes de Saint Godard et le » chef « de Saint Romain
partent pour Saint Médard de Soissons, – le corps de Romain est transporté à
l’intérieur des murailles de Rouen. On le conserve sans doute dans une chapelle
du palais archiépiscopal, proche des murs, du côté du Robec et des marais du
» Malpalu « . C’est le secteur inondable de la périphérie urbaine
mais à une altitude que les débordements les plus menaçants n’atteignent guère.
Romain y gagne la réputation de les arrêter. Le fait que, par ailleurs, il
n’ait pas » déserté » semble être pour beaucoup dans sa désignation
comme patron de la ville et du diocèse.
Au cours du Xè s. le
calme revenu dans la » Normandie » ducale, les restes de Romain
réintègrent leur sarcophage dans leur église hors les murs. Cette église qui
dépend directement de la Cathédrale porte alors son nom. Elle devient le centre
d’un pèlerinage important que les miracles rapportés dans un ouvrage rédigé sous
l’épiscopat de Robert (989 – 1037) illustrent encore davantage. Tout ceci
aboutit, en mai 1036, à une procédure de reconnaissance officielle des reliques
en présence de l’Archevêque Robert et de Gradulphe abbé de Saint Wandrille. Le
procès-verbal officiel est déposé dans le reliquaire.
A l’occasion de la
vénération annuelle des reliques du saint évêque se déroule, dès les années
1030 semble-t-il, sur les terrains encore peu construits des environs de
l’église, une fête populaire cumulant le » Pardon » au sens
religieux, les réjouissances et bientôt les affaires. Pour cette » Foire
» saint Romain – le mot dérive de feria, la fête, – on a même semble-t-il
battu monnaie pour l’occasion. Au nord de la ville le » champ du
pardon » en garde la mémoire.
Dans le même temps,
l’abbé de Saint Ouen qui a rapatrié les reliques de son patron agit de même.
L’abbaye vient de s’affranchir de la tutelle de l’archevêque et entreprend la
construction d’une grande basilique romane.
Peu avant 1090,
l’archevêque Guillaume Bonne-Ame (1079-1110) décide de transférer à la
cathédrale les reliques de Saint Romain. Il s’agit sans doute de ramener le
pèlerinage au cœur de la cité dans une église plus vaste, – la cathédrale
romane a été consacrée en 1063, – pour accueillir les fidèles.
En échange Guillaume
institue une procession annuelle avec station dans l’ancienne église Saint
Romain. Elle prendra le nom de Saint Godard qui passait alors pour y avoir été
inhumé également une centaine d’années avant Romain.
La cathédrale devient donc
le centre du culte de Saint Romain ce qui renforce le renom du patron du
diocèse. On y accueillera en 1140, le chef du saint évêque enfin restitué par
l’Abbé de Saint Médard de Soissons.
Un miracle populaire
Il n’a pas été question
jusqu’ici du fameux miracle de la gargouille. C’est qu’il n’apparaît que fort
tardivement dans la biographie de Romain. C’est dans le vitrail dédié à Romain
dans le chœur flambant neuf de l’abbatiale de Saint Ouen que le monstre est
signalé pour la première fois. Nous sommes dans la première moitié du XIVè s.
Les bas-reliefs du portail de la Calende, sculptés entre 1260 et 1290 et
consacrés à la vie de Romain, n’en disent rien. L’épisode est lié au privilège
régalien que le chapitre de la cathédrale va revendiquer avec une belle
persévérance jusqu’à ce que Georges II d’Amboise en obtienne confirmation
définitive.
La première mention qu’on
en trouve remonte à 1210. On délivrait, le jour de l’Ascension, à la demande du
chapitre, un prisonnier convaincu de crime de sang non prémédité. Après qu’il
ait, à la procession de l’après-midi » levé la fierté », la châsse
de Saint Romain qu’il portait pour l’exposer à la vénération de la foule, il
était libre. En 1541, on construisit même, devant la halle aux toiles, un
édifice spécialement adapté à cette manifestation.
Contestée dès 1210 par le
gouverneur de la ville garant de l’intégrité du pouvoir royal, des témoins
attestent l’existence de cette pratique du temps des ducs-rois.
Cette délivrance à
l’occasion de la fête de l’Ascension semble s’enraciner dans l’affirmation du
symbole des apôtres selon lequel le Christ est » descendu aux enfers
» pour délivrer les hommes morts avant lui. Selon l’iconographie de
l’Anastasis, l’enfer, figuré par un monstre gueule ouverte qui happe jusque là
l’humanité est détruit. A la façon d’un épieu la Croix du Christ vainqueur de
la mort cloue définitivement le monstre, gardien des portes, jetées au sol. Le
prisonnier libéré et l’affreuse gargouille enchaînée étaient l’expression
populaire de cette affirmation théologique. Le culte de saint Romain en
bénéficia.
Confirmé sous Charles VI
en 1394 dans un texte qui mentionne la gargouille pour la première fois, le
privilège est validé à nouveau en 1425 par Henri VI d’Angleterre sous le régent
Bedford et finalement, en 1512, sous Georges II d’Amboise par Louis XII qui
n’avait rien à refuser au neveu de son ami Georges 1er. Il devait se perpétuer
jusqu’en 1790.
Ainsi s’explique la
dissociation entre cette procession solennelle du jour de l’Ascension et le 23
octobre, date de la Saint Romain, fixée sans doute pour célébrer le transfert
de ses reliques à la Cathédrale à la fin du XIè s. Disparues à la Révolution,
il ne reste plus rien de tangible du saint patron de Rouen hormis le
sarcophage, enlevé en 1904 de la crypte de Saint Godard alors désaffectée. Il
sera transféré dans l’ancienne église des Carmes déchaussés devenue église
paroissiale sous le titre de Saint Romain.
SOURCE : https://rouen.catholique.fr/diocese/articles/292853-saint-romain-patron-de-la-ville-de-rouen/
Peinture
de saint Romain, évêque de Rouen, dans les salles basses de l'archevêché de
Rouen.
ROUEN : ORIGINE ET
HISTOIRE DE…
LA SAINT ROMAIN
Après avoir joué un rôle important à la cour du roi Clotaire II, le futur Saint Romain devint évêque de Rouen en 626. Et, nous lui devons, entre autres miracles, celui de la… « Gargouille » qui a suscité une grande ferveur populaire.
Cette
« gargouille » était un monstre qui sévissait dans un marécage proche
de Rouen. Devant les ravages qu’il causait, l’évêque décida d’intervenir, mais
ne trouva aucun homme assez courageux pour l’accompagner, hormis un
condamné à mort auquel il promit la liberté contre aide et obéissance…
Une fois sur place,
s’approchant du monstre avec une croix, Saint Romain qui vit la bête se coucher
à ses pieds, ordonna au prisonnier de lui passer son étole autour du cou et de
la ramener en ville où on la brûla en public sur le parvis de la cathédrale.
Rouen et ses environs, furent débarrassés du monstre qui les terrorisait. Cela fut, dit-on, l’origine du pèlerinage de la Saint Romain.
Un peu d’histoire…
Dès lors, les fidèles y
participaient chaque année, au point qu’en 1080, on trouve trace d’une première
foire organisée à cette occasion.
Jusqu’en 1785, elle se
tint au Champ du Pardon, au-dessus de la place Beauvoisine, avant de
s’installer sur la place du Boulingrin et alentour. Elle fut maintenue pendant
la Révolution, et changea de nom en 1793 pour devenir la « Foire de la
Montagne », avant de retrouver son nom d’origine en 1795.
Vérité oblige aussi à reconnaître que la renommée de la foire dépassait déjà largement les frontières du pays de Caux pour s’étendre à presque toute la Normandie.
De plus en plus
d’attractions
Au début du dix-neuvième siècle, la Saint Romain présentait encore ses deux facettes, associant activités commerciales et distractions, mais les attractions prirent peu à peu le pas sur le négoce et le public découvrit alors chaque année toujours plus de divertissements, de spectacles forains et de bonimenteurs.. Parmi eux, le pitre Decousu, natif de Rouen, mais aussi des cirques, des ménageries, des théâtres forains, etc.
Après 1848, les attractions s’installèrent entre la place Beauvoisine et la
place du Boulingrin. Elles quittèrent néanmoins le Boulingrin un certain temps
avant de s’y réinstaller en 1949, puis quitter à nouveau le lieu, même si dans
la mémoire collective, ce haut lieu rouennais reste indissociable de la Saint
Romain.
Une foire qui se tenait
sur 2 jours en 1080, puis à 9 jours en 1450, et à 15 en 1799 avant d’atteindre
20 jours en 1862 et 6 semaines en 1878 !
Cette foire qui, en 1983, a déménagé sur les quais de Seine, et ouvre chaque année fin octobre demeure l’une des plus grandes foires de l’Hexagone. Une foire qui réunit un public familial, fidèle, enjoué et bon enfant, avec son lot de nouveaux métiers pour séduire les plus exigeants !
L’hommage aux forains
morts à la guerre
Rouen est aussi, ne
l’oublions surtout pas, la ville de France où se dresse le… Monument aux morts
des forains morts pour la France, inauguré le 15 novembre 1931.
Œuvre de l’architecte
Jean Dahmen d’après une maquette de Real del Sarte et d’un long
combat des syndicats forains de l’époque pour que soit érigé un tel monument en
France, ce monument qui représente un soldat mort emporté sur un
char, le tout encadré par un portique, a été restauré après-guerre
par un sculpteur rouennais.
Chaque année, le 11
novembre, pendant la foire, y a lieu une cérémonie en hommage à tous ceux qui
ont combattu pour défendre le pays.
SOURCE : http://www.linterforain.fr/actualites/rouen-origine-et-histoire-de-la-saint-romain-579.html
Un « vieux »
saint sans cesse rajeuni : l’évêque romain de Rouen
p. 299-317
Résumé
L’histoire du culte de
saint Romain de Rouen (évêque du VIIe siècle) atteste comment des saints
anciens ont pu, dès le Moyen Âge connaître des temps de réactualisation, fût-ce
par la transformation de leur légendaire. La trame banale de la première Vie de
saint Romain s’est ainsi prêtée à divers remaniements qui en ont fait un saint
évangélisateur permettant d’insérer dans le plan divin la conversion des
Vikings, une figure épiscopale exemplaire sur le modèle grégorien et le
protecteur de la cité, garant du « Privilège saint Romain », droit de
grâce exercé par le chapitre. Il est notable que, dans cette perspective,
l’Église de Rouen ait retenu un saint de l’époque mérovingienne, plutôt qu’une
figure plus récente, comme l’ont fait de nombreuses cités italiennes et lui a
manifesté une fidélité durable. Mais au-delà de sa dimension identitaire
normande, le saint évêque pourrait aussi incarner les aspirations d’une Église
de France en pleine affirmation à la fin du Moyen Âge.
Texte intégral
Une foire d’automne porte
encore de nos jours son nom à Rouen ; aux visiteurs de la cathédrale, on
raconte son histoire telle qu’elle a été fixée sur un beau vitrail du début du
XVIe siècle ; la « châsse de saint Romain » fait partie des
joyaux du Musée des antiquités de Seine-Maritime1… Mais qui,
hormis les Rouennais et les visiteurs de la ville, connaît encore le nom de ce
saint évêque ? Celui-ci a pourtant joui d’une telle popularité au Moyen
Âge que sa légende – au sens hagiographique du terme – a
été régulièrement mobilisée et enrichie pour écrire l’histoire de la cité et de
l’Église locale. Si saint Romain mérite de figurer dans une réflexion
d’ensemble sur le culte des « vieux saints » à l’époque moderne,
c’est qu’il constitue un exemple significatif de la manière dont des figures
attachées aux premiers siècles de la christianisation d’un diocèse ont pu, dès
le Moyen Âge, vivre dans la mémoire. Ce fut, en général, d’une manière
discontinue et marquée, au fil de cette longue période, de fluctuations, de
temps de déclin, suivis de phases de « recharge », pour reprendre le
vocabulaire d’Alphonse Dupront2. Or dans le
cas de l’évêque saint Romain de Rouen, les recharges n’ont pas consisté en une
simple reprise des données anciennes. Épousant les aléas de l’histoire
mouvementée de la métropole neustrienne devenue normande, elles ont opéré des
déplacements et des adjonctions révélatrices de ce que les générations
successives ont attendu d’une figure de sainteté épiscopale. Autre signe de la
dynamique qui a animé l’histoire de ce saint évêque, le fait que
l’enrichissement de sa légende ne se repère pas uniquement à travers les
réécritures de sa Vie, soit en latin, soit en langue vernaculaire3, mais aussi
par le truchement de multiples initiatives cultuelles dont le parcours qui suit
va tenter de rappeler les principaux jalons.
Un saint évêque dans
l’ombre des grandes figures du siège rouennais
Le nom de Romain figure
sur la liste des évêques de Rouen, dont la plus ancienne version date de la
deuxième moitié du IXe siècle : il aurait occupé le siège
entre 629 et 639 environ, entre Hidulfe, évêque attesté
en 614 au concile tenu en cette année à Paris et saint Ouen,
référendaire de Dagobert dont la vie et les dates de l’épiscopat sont tout à
fait connues (641-684)4. Romain est
donc le 19e évêque de Rouen ou le 20e, si l’on suit la tradition
qui inclut dans la liste saint Nicaise, cet apôtre du Vexin dont la mission se
serait arrêtée aux portes de la ville. Ce sont les moines de Saint-Ouen qui
inaugurèrent cette adjonction, alors qu’ils prenaient possession des reliques de
saint Nicaise en 10325. Pour leur
part, les « Actes des archevêques » de Rouen rédigés
après 1070 par un clerc de la cathédrale sont très laconiques sur
saint Romain : « À Hidulfe, succéda le bienheureux Romain, de noble
origine et très célèbre par sa vertu. »6
Une telle discrétion, qui
n’est pas rare, ne doit pas être interprétée abusivement ; à chaque genre
littéraire sa mission : aux Vitæ revient la narrativité. En se
fondant sur cet indice et sur une mention très explicite dont il sera bientôt
question, on peut déduire qu’à l’époque où les Acta ont été rédigés,
voire dès l’établissement de la liste épiscopale, le dossier hagiographique de
saint Romain aurait été déjà pourvu d’au moins une Vie antérieure à celles qui
ont été conservées à partir du Xe siècle : bien que sa trace ait été
perdue, elle a sans doute fourni la trame des œuvres ultérieures, toutes postérieures
à l’installation des Vikings dans la région.
Romain connut très
vraisemblablement une destinée conforme à celles des évêques mérovingiens7. Membre de
l’élite par ses origines, il dut être formé au palais, comme le furent ses
contemporains saint Éloi et saint Ouen, avant d’être placé par décision du
souverain sur un siège épiscopal. C’est du moins ce que retiendront à son
propos les hagiographes dont la production nous est parvenue. Romain semble
donc être un peu plus qu’un saint totalement obscur des temps mérovingiens,
plus qu’un simple nom venu combler un vide dans une liste épiscopale.
Un autre signe de la
place que l’évêque occupa dans la vie religieuse et la mémoire rouennaise est
fourni par l’histoire de sa dépouille mortelle. À sa mort, Romain aurait été
inhumé dans l’église Notre-Dame-hors-les-Murs, dans un sarcophage de marbre
rouge encore visible de nos jours, très restauré, en l’église paroissiale
Saint-Godard8.
Cette église Notre-Dame abrita ensuite les corps des premiers ducs avant leur
transfert à la cathédrale sous l’archevêque Maurille (1055-1067) et prit le nom
de Saint-Godard, puis de Saint-Romain. Or on apprend qu’après 843, pour
satisfaire aux désirs des moines de l’abbaye royale Saint-Médard de Soissons,
Charles le Chauve a demandé le transfert des corps de trois évêques rouennais,
saint Godard (attesté en 511 et dont on est alors persuadé qu’il est
le frère jumeau de Médard), saint Romain et saint Remi (755-762), frère du roi
Pépin le Bref9.
Alors que le clergé rouennais laissa partir la dépouille entière du dernier, il
semblerait qu’il ait exigé de conserver le chef du premier et le corps du
deuxième, n’en cédant que la tête. Cette fragmentation des corps saints, qui
devient habituelle à l’époque carolingienne, traduit l’importance accordée à
certains anciens évêques dont les clercs ne veulent pas priver la cité de la
présence protectrice. Réciproquement, l’intérêt porté par les moines de la
puissante abbaye Saint-Médard de Soissons à ces trois évêques rouennais, dont
saint Romain, attesterait que ce dernier a déjà acquis une certaine réputation,
d’autant plus qu’il est désormais établi que, contrairement à ce qui fut écrit
à partir du XIe siècle et au-delà, ce transfert ne doit rien à un
« exode » des reliques, mises à l’abri par les clercs dans la
précipitation devant les raids vikings. Mais il n’est guère possible d’aller
plus loin pour cette période.
Aussi, comme l’a dit
Lucien Musset, retiendra-t-on que saint Romain apparaît alors comme un
« nom célèbre mais dont la vie est à peine connue »10, un saint
évêque sans relief particulier, dont le culte s’apparente à celui qui est voué
à nombre de ses homologues dans leurs diocèses respectifs. Objet d’un certain
attachement de la part du clergé rouennais (il n’est guère possible de se
prononcer sur ce qu’il en était pour l’ensemble des fidèles de la cité), voire
au-delà de son diocèse si l’on se réfère à la translation de son chef à
Soissons, il vit cependant dans la mémoire à l’ombre des plus hautes
personnalités comme saint Ouen ou, si l’on entend remonter aux débuts de la
christianisation du diocèse, saint Victrice, qui a introduit des reliques de
saints italiens et orientaux dans l’ecclesia civitatis, à savoir la cathédrale,
et a laissé un sermon De laude sanctorum longtemps attribué à saint
Ambroise et dans lequel il expose la légitimité du culte des saints.
L’essor du culte de saint
Romain après la conquête normande : une figure fédératrice
C’est à la faveur de la
reconstruction de l’église rouennaise, au lendemain des incursions vikings et
de la concession faite à Rollon en 911, tandis que s’affermit la
principauté normande, que saint Romain sort de ce traitement commun, si l’on
ose dire, et fait de plus en plus figure de saint patron de l’Église de Rouen,
supplantant en la matière ses plus prestigieux prédécesseurs, dont le grand
saint Ouen.
De cette nouvelle phase
de l’histoire de saint Romain, portent tout d’abord témoignage plusieurs textes
qui viennent enrichir sa tradition hagiographique. L’initiative la plus
ancienne qui nous soit connue revient à l’archevêque de Rouen Hugues II
(942-989). Celui-ci se préoccupa de faire rédiger une Vie de saint Romain par
un dénommé Gérard qui se présente lui-même dans sa lettre d’envoi, placée en tête
de l’œuvre, comme pater cœnobitarum, responsable de communauté. Dans le
même texte, Gérard précise que la Vie qu’il a rédigée n’est pas la première qui
concerne saint Romain : il évoque en effet les difficultés qui furent les
siennes pour se procurer la Vita veterana antérieure, dont on ne
saurait dire précisément de quand elle date11. L’identité
du moine Gérard est controversée : faut-il y voir le grand réformateur
monastique Gérard de Brogne ou, comme il semble être désormais admis, un abbé
de Saint-Crépin de Soissons qui serait peut-être originaire de la communauté
Saint-Remi de Reims d’où il aurait été envoyé à Soissons dans la perspective de
réformer l’établissement, à la tête duquel il succéda à deux abbés laïcs12 ? La
production de ce texte, destiné à la cathédrale ou au chapitre des clercs qui
desservaient l’église Saint-Godard où avait été déposé le corps de saint
Romain, a pu être mise en relation avec la translation de ses reliques,
effectuée par le même archevêque Hugues qui avait commandé la Vita. Au
moment des raids vikings, celles-ci avaient été en effet déposées dans une
chapelle de l’enceinte de la ville où saint Romain aurait gagné la vertu de
protéger la cité contre les inondations. Hugues les replaça dans l’église
Saint-Godard, devenue ensuite Saint-Romain.
Faute de connaître
la Vita prima à laquelle Gérard fait allusion, il est impossible de
détecter dans quelle mesure et de quelle manière celui-ci a suivi et adapté le
texte qu’il a eu sous les yeux. Mais le lecteur peut observer que son œuvre met
en valeur, à travers la figure de saint Romain, une sainteté épiscopale au
service de l’Église et aux accents déjà réformateurs. Saint Romain y est en
effet présenté comme né de parents d’origine aristocratique et illustres pour
leurs vertus et leur piété. Sa naissance a fait l’objet d’une annonce
angélique ; son éducation soignée le conduisit, en raison de ses propres
talents, à la Cour du roi franc, qu’il servit quelques années, brillant à son
tour en ce milieu mondain par sa modestie, son humilité et sa fidélité aux
vertus chrétiennes. Romain est ensuite élu évêque par le clergé et le peuple de
Rouen en raison de sa haute réputation. Dans l’exercice de ses fonctions, il se
distingue par ses prières, par sa résistance aux tentations de la chair,
incarnées par un diable aux formes féminines, et par ses largesses envers les
pauvres, les veuves et les orphelins. À retenir la convergence de ces deux
initiatives de l’archevêque Hugues (la commande de la Vita et la
translation des reliques) et à considérer la tonalité de la Vie écrite par
Gérard – où, de manière significative, le roi n’intervient en rien dans
l’élection de l’évêque, à la différence de ce qu’il en est dans des version
ultérieures –, il est manifeste que le soin apporté au culte de Romain
s’insère dans une entreprise de restauration du pouvoir épiscopal et de
promotion de l’idéal réformateur.
Il semble qu’à partir de
ce moment, la fortune de saint Romain n’ait cessé de croître, comme en témoigne
l’œuvre d’un autre auteur du nom de Fulbert qui rédigea au XIe siècle une
nouvelle version de la Vie de l’évêque13. Jacques Le
Maho, que nous suivons ici, voit en ce Fulbert, parmi de nombreux homonymes, un
archidiacre de l’Église de Rouen, surnommé le Sophiste et qui enseignait dans
l’école capitulaire installée à proximité de l’église Saint-Godard14. Fulbert
est contemporain de l’archevêque Maurille (1055-1067), ancien moine de Fécamp
connu pour ses tendances réformatrices. Dans son œuvre, Fulbert reprend la
trame de la Vie de saint Romain du moine Gérard, mais lui fait subir des
évolutions sensibles. Il accorde une place beaucoup plus large à la dimension
narrative et au merveilleux, introduisant – à moins qu’ils n’aient
déjà figuré dans la Vita veterana citée dans la lettre de
Gérard – les miracles ensuite retenus dans les images qui le
représentent comme dans les diverses réécritures de sa Vita, jusque dans
les textes en langue vernaculaire produits pour un large public. Se succèdent
ainsi, cités dans l’ordre du texte, les épisodes miraculeux suivants : la
destruction d’un temple de Vénus installé dans ce qui a été identifié comme
l’ancien amphithéâtre de la ville de Rouen, situé au nord ; l’arrêt d’une
violente crue de la Seine ; la lutte sans merci contre le paganisme par la
destruction des temples païens, dans les campagnes du diocèse que parcourt
l’évêque ; la réparation d’un vase contenant du saint chrême et que le
diacre chargé de l’apporter à l’évêque a brisé par mégarde dans sa
précipitation ; la vision, par Romain, de sa mort prochaine ; la
résistance au démon venu le tenter sous les traits d’une femme. C’est à
l’occasion du miracle relatif à la crue de la Seine que l’auteur met dans la
bouche de l’évêque la révélation prophétique de la venue d’une armée de pirates
par le fleuve, qui, une fois convertis et installés dans la cité, finiront par
servir Dieu dans la paix :
Ces eaux ne sont en fait
qu’une préfiguration de l’armée de pirates qui surviendra un jour et submergera
complètement et avec une brutalité inouïe toute votre contrée et soumettra vos
descendants à sa domination. Cependant sachez que cette nation, actuellement
encore en proie aux erreurs du paganisme, dès qu’elle entendra le nom du
Christ, vénèrera la foi catholique et prendra soin de ses sujets dans une paix
parfaite15.
Si riche soit-elle, la
tradition hagiographique écrite n’est cependant pas seule à apporter la preuve
que le culte de saint Romain devient, à partir du Xe siècle, l’objet d’une
mise en valeur toute particulière de la part des archevêques de Rouen. La
figure de cet évêque, pasteur de la cité qu’il a su protéger en diverses
circonstances et de la région qu’il a convertie au christianisme, incarne aussi,
et sans cesse davantage, l’évêque tel que le conçoivent les réformateurs
grégoriens. Face aux ambitions du monde monastique qui se présente comme la
voie de salut par excellence, les clercs séculiers entendent s’appuyer sur des
figures d’autorité qui illustrent l’action pastorale et la puissance des
évêques. Dans cette perspective et en complément de la commande d’une Vie qu’il
fit au moine Gérard, l’archevêque Hugues érigea la célébration de la fête de
saint Romain en obligation pour toutes les paroisses du diocèse. Puis son
successeur Robert (990-1037), fils du duc Richard Ier, étendit cette obligation
à tous les diocèses normands, affirmant l’autorité du siège métropolitain à
travers ses saints patrons.
L’intérêt porté à saint
Romain ressort également de dispositions mentionnées dans l’œuvre liturgique de
l’archevêque Jean d’Avranches (1068-1078). Parmi les usages propres à Rouen, se
trouve la procession qui, le jour des Rameaux, se rendait de la cathédrale à
l’église Saint-Godard – ancien lieu de sépulture de saint
Romain – choisie comme reposoir pour une hostie consacrée qui était
transférée solennellement et rapportée ensuite à la cathédrale, en rappel de
l’entrée triomphante du Christ à Jérusalem, dans une châsse où l’on a voulu
voir celle de saint Romain. Le jour de l’Ascension, plus de doute : la
châsse de saint Romain est portée en procession puis, à l’entrée dans la
cathédrale, placée en hauteur de manière à ce que les fidèles passent sous elle
pendant que des clercs, installés dans les parties hautes, interprètent le
chant du Viri Galilei qui rappelle l’admonestation des anges aux
apôtres après la montée du Christ au Ciel16.
De même, le corps de
saint Romain était mobilisé pour accueillir des visites solennelles ou sceller,
avec d’autres saints locaux, les engagements pris par le duc et l’archevêque en
faveur de la cathédrale, par exemple
entre 1028 et 1033 pour le duc Robert le Magnifique et son
oncle l’archevêque Robert. La fête de saint Romain, le 23 octobre,
était l’occasion d’une foire que les historiens ont mise en relation avec
l’existence d’un monnayage de saint Romain frappé sous le duc Richard
Ier (942-996). Il y aurait là le signe de la diffusion de la mémoire de saint
Romain bien au-delà des sphères du clergé de la cathédrale et de la haute
aristocratie17.
Poursuivant les honneurs rendus à saint Romain par ses prédécesseurs,
l’archevêque Guillaume Bonne Âme (1079-1100) fit transférer son corps à la
cathédrale, commandant pour la circonstance une très belle châsse, décrite par
Orderic Vital. Le même concéda pour la Saint-Romain, le 23 octobre,
une indulgence qui reste connue ultérieurement sous le nom de
« Pardon »18. Ces
initiatives semblent devoir être comprises dans le cadre d’une rivalité qui
oppose alors les deux grands centres religieux rouennais, la cathédrale et
Saint-Ouen, dont l’abbé est alors Nicolas (1042-1092), fils du duc Richard III.
L’abbé entendait attirer les pèlerins dans son monastère dont il se préoccupait
de restaurer les bâtiments en conséquence ; à ce titre, il reçut
en 1090, avec d’autres reliques restituées par l’abbaye Saint-Médard de
Soissons, le chef de saint Romain ; de plus, il enrichit encore la
collection de l’abbaye et fit rédiger un livre de Miracles de saint Ouen19.
À partir du
Xe siècle, Romain semble donc s’imposer comme une figure majeure de
l’Église de Rouen. Le culte qui lui est rendu tranche sur celui dont
bénéficient les autres évêques qui illustrèrent le siège rouennais. Il reste à
comprendre ce qui a pu provoquer la fortune de cette figure épiscopale banale,
si l’on en juge par les maigres éléments livrés par la tradition, et susciter
son enrichissement aux Xe et XIe siècles. Précisément, c’est sans
doute cette banalité qui a permis de greffer sur la trame classique de la vie
d’un saint évêque mérovingien des développements qui allaient épouser
l’histoire de la région, en insérer dans le plan divin les événements les plus
récents et encore traumatiques, de manière à donner sens à l’intrusion de ces
nouveaux maîtres au gouvernement particulièrement efficace et à leur
assimilation en cours. Ce faisant, les hagiographes, comme les évêques dans
l’agencement des célébrations cultuelles et des fêtes, ont pris soin de faire
droit aux aspirations les plus variées, voire antagonistes, illustrant par un
miraculeux qui n’a rien d’original la figure apaisante d’un protecteur, celle
d’un grand qui se montre loyal serviteur de son souverain et celle d’un pasteur
conforme aux idéaux grégoriens. Le prénom de notre évêque, Romanus, doit
enfin retenir l’attention. Il offrait l’occasion d’un lien privilégié avec la
cité romaine, en un temps où s’affermit l’autorité de son évêque sur
l’Occident. L’auteur de la Vie en français du XVe siècle ne se prive pas
de le rappeler au moment où Romain est élu archevêque de Rouen, présentant
pourtant la chose d’un point de vue plus historique que strictement
ecclésiastique, puisqu’il qualifie Romain de « celui qui portoit le nom de
la ville la plus renommee de tout le monde et là où se tenoit le siege de
l’empire. »20
Mais, outre ses
résonances ecclésiastiques en période de réforme grégorienne, ce prénom serait
aussi opportunément venu soutenir les prétentions des ducs de Normandie qui,
plus que les autres grands féodaux du royaume, se posèrent en rivaux des
Capétiens au pouvoir encore mal affermi21. La figure
de saint Romain ne saurait donc s’enfermer dans une seule conception
« populaire » de la sainteté, à l’inverse de ce que suggère Felice
Lifshitz pour justifier sa fortune22. Cette
dernière tient sans doute davantage à la polyvalence de ce que représente le
saint évêque, qui combine la dimension de l’évangélisateur à un moment où s’est
rejoué, pour les Vikings, un épisode de conversion d’un peuple païen, avec la
stature épiscopale et la référence impériale, alors que les idéaux réformateurs
et les ambitions politiques sont à l’œuvre dans la principauté.
Le saint patron du clergé
rouennais
Depuis lors, saint Romain
ne cesse de s’affirmer comme le saint patron du clergé rouennais dans le
domaine des pratiques liturgiques et de dévotion, sans que le légendaire
élaboré au Xe siècle ne soit enrichi.
Les ostensions
solennelles des reliques de saint Romain en des circonstances exceptionnelles
se poursuivent, telle celle qui est intervenue en 1124 devant le roi
Henri Ier et sa seconde épouse, Adelise. Le souvenir en est conservé par
la copie d’un document médiéval, réalisée au XVIIIe siècle lors d’un
transfert des reliques qui subsistaient après leur destruction par les
Huguenots en juillet 1562. Le chapitre de la cathédrale précise alors
qu’il est en possession du corps et du chef (in hac ipsa urna totum corpus cum
capite Beatissimi Romani)23. Cette
mention permet de couper court à toute revendication de la part de l’abbaye
Saint-Ouen et de mettre en exergue un prélat à la fois conforme aux idéaux du
bon gouvernement épiscopal et entretenant avec le prince des relations
d’étroite collaboration, puisque, dans les dernières versions de sa Vie, Romain
est présenté comme ayant été envoyé sur le siège de Rouen par le roi Clotaire.
Une autre preuve du rôle
de chef de l’Église rouennaise qui est le sien est apportée par les honneurs
qui sont rendus à ses reliques pour lesquelles est ordonnée une nouvelle
translation, en 1179, dans une châsse commandée par l’archevêque Rotrou,
fervent partisan de la réforme grégorienne.
Retenons aussi que, un
siècle plus tard, lorsque les bas-clercs de la cathédrale décident de fonder
une confrérie pour s’entraider et s’assurer une sépulture décente, c’est
précisément sous le double patronage de la Vierge Marie et de Romain qu’ils se
placent. La compagnie, implantée dans la dernière chapelle du collatéral sud,
dite chapelle du Petit-Saint-Romain, est connue par des statuts de 1292 rédigés
en latin et qui comptent parmi les plus anciens du diocèse de Rouen (seuls ceux
de la confrérie Saint-Dominique établie au couvent des frères prêcheurs,
de 1277, leur sont antérieurs) et même de toute la province. Or leur
préambule, qui place l’entreprise sous l’égide de plusieurs archevêques de
Rouen (Nicaise, Mellon, Romain, Ouen, Ausbert et Victrice, dans l’ordre du
texte qui est aussi celui de la chronologie, à l’exception du dernier nommé),
avoue élire plus spécialement saint Romain comme protecteur24. La
fondation de cette confrérie est peut-être plus ancienne que la date de ses
statuts ne le laisse entendre, si l’on en croit des exemples comparables
attestés dans d’autres cathédrales25. Sa
composition en fait une compagnie cléricale, destinée à tous les clercs de la
cathédrale qui ne sont pas titulaires d’un bénéfice canonial. Rappelons qu’il
existe alors quatre collèges de chapelains, avant que les archevêques Guillaume
de Flavacourt et Pierre Roger, le futur Clément VI, n’en fondent deux nouveaux,
portant le total à six26. Le gouvernement
de la confrérie Saint-Romain repose sur une structure simple de trois
procurateurs. La compagnie déploie une activité essentiellement cultuelle, de
célébration régulière de messes en faveur de ses membres, vivants et décédés,
sans qu’il soit fait mention de manifestations particulières en l’honneur de
saint Romain, hormis la fête annuelle. Elle assure aussi un minimum d’entraide
mutuelle, notamment lors du départ de l’un de ses membres en pèlerinage et,
principalement, lors des funérailles. Le culte de saint Romain se trouve donc
étroitement associé au clergé de la cathédrale, même si les statuts
n’interdisent pas l’adhésion de laïcs, puisque toute personne à jour de sa
cotisation sera considérée comme « participant aux bienfaits ». Inclure
ainsi des membres laïcs dans une compagnie d’origine cléricale s’observe dans
bien d’autres confréries27.
Ce signe manifeste de
l’attachement du clergé rouennais pour saint Romain, qui gagne peut-être le
milieu des fidèles, trouve une autre preuve quasiment concomitante dans une
partie du programme iconographique du portail sud de la cathédrale, le portail
de la Calende, réalisé autour des années 1310 et 1335 grâce
aux libéralités d’un riche bourgeois de Harfleur, Jean Gorren. Markus Schlicht,
puis Franck Thénard-Duvivier, ont analysé les choix iconographiques des
quadrilobes sculptés qui figurent aux parties basses des ébrasements du portail
et répondent d’un point de vue formel à ceux du portail des Libraires28. Les images
placées au portail sud de la cathédrale, celui qui ouvre sur la ville et auquel
a été donné le nom de ces assemblées mensuelles du clergé qui avaient pour but
d’en resserrer les rangs et de contrôler la correction de son action pastorale,
a retenu au sein d’un ensemble biblique et moralisant, la Vie de deux grands
évêques rouennais : Romain et Ouen. Sans doute faut-il y voir, pour saint
Ouen, de nouveau, une affirmation de sa fonction épiscopale par la cathédrale
qui n’entend pas laisser sa célébration au seul monastère éponyme. Mais que
l’autre figure épiscopale retenue soit saint Romain est tout à fait suggestif.
Le légendaire mis en image suit la trame de la Vie de Fulbert du
XIe siècle, fondée sur le modèle grégorien du pasteur, missionné par le
roi29.
L’évêque Romain est ainsi présenté comme celui qui consacre (le miracle du
saint chrême occupe le registre central de la composition), comme celui qui
convertit et prêche (les miracles de la destruction du temple de Vénus à Rouen
et des temples païens dans les campagnes, figurent aux deuxième et quatrième
registres) et comme celui qui vit dans le célibat (le miracle de la tentation
féminine déjouée par la force de la prière s’étend sur la dernière scène du
quatrième registre et les trois premières du cinquième).
À suivre cet enchaînement
de témoignages, il ne fait plus de doute que saint Romain soit devenu la figure
tutélaire de l’Église de Rouen et le protecteur de la ville. Peut-on aller
jusqu’à voir en lui une figure identitaire normande ? On serait tenté de
le penser en observant que, dans la nouvelle abbatiale de Saint-Denis que fit
édifier l’abbé Suger, la chapelle haute de la façade occidentale est dédiée à
la Vierge, à saint Michel et à saint Romain ; qui plus est, celle-ci a été
consacrée par l’archevêque de Rouen, Hugues d’Amiens (1130-1164)30. Ce parti
pris de l’abbé de Saint-Denis, que l’on imagine mûrement réfléchi, à la hauteur
de son intelligence politique, a été analysé comme l’expression de la volonté
de bien marquer les hiérarchies de pouvoir au sein du royaume, à un moment où
le Normand manifestait des ambitions hors du commun, dangereuses pour le
Capétien. En effet, l’attention portée au siège de Rouen en ses représentants
passé (Romain) et présent (l’archevêque consécrateur) n’en est pas moins
marquée par leur subordination aux intérêts du roi que sert la réalisation de
la nouvelle abbatiale dionysienne31.
Beaucoup plus tard,
en 1325, la Nation normande de l’université de Paris célébrait la
Saint-Romain à la demande du recteur Hermann, originaire de la province, en
suspendant toute lecture publique en ce jour ; le fait est encore attesté
au XVIIIe siècle. Pourtant la métropole semble avoir peiné à diffuser le
culte de Romain au-delà de la cité, voire du diocèse, si l’on en juge notamment
par le faible nombre des dédicaces d’église qui l’ont retenu. Fortement ancré
parmi les membres du clergé rouennais, ce culte rencontrait également un
véritable écho parmi l’ensemble de la population. Ainsi, en 1296,
l’archevêque Guillaume de Flavacourt a fait porter un reliquaire de saint
Romain en forme de bras pour arrêter une violente crue de la Seine. Cette
dimension identitaire cléricale et citadine va se trouver à l’origine d’un
nouvel enrichissement de la légende de Romain.
Le défenseur d’un curieux
privilège
Le dernier avatar de
l’histoire de saint Romain, associé à un singulier privilège de justice détenu
par le chapitre de la cathédrale, est celui qui lui a valu la plus grande
popularité – autant que l’historien puisse en juger – et
demeure le plus présent dans la mémoire des Rouennais32.
Le « Privilège saint
Romain » consiste en un droit de grâce exercé, à l’occasion de la fête de
l’Ascension, en faveur d’un condamné à mort choisi par le chapitre parmi les
détenus des geôles royales. L’homme gagnait sa liberté après avoir porté en
procession la châsse de saint Romain – la Fierte – jusqu’à
la cathédrale, depuis la place de la Vieille Tour (ancien emplacement du palais
ducal) où il devait la soulever trois fois pour la présenter aux fidèles
rassemblés, de manière à rendre public le pardon qui lui était ainsi accordé.
Or à suivre les divers mémoires produits pour en obtenir des souverains
successifs la reconduction, les origines de la détention par le chapitre de ce
droit régalien s’enracineraient dans un miracle de saint Romain, banal mais
inconnu des Vies anciennes. Le récit veut en effet que l’évêque ait libéré la
ville de Rouen d’un dragon au souffle fétide, en se faisant aider d’un condamné
à mort qui aurait été en conséquence gracié.
L’histoire du
« Privilège saint Romain », dont les origines demeurent obscures,
n’est bien documentée qu’à partir du XIVe siècle. Notons d’emblée
qu’aucune des Vies de l’évêque connues avant le XIIIe siècle ne fait
allusion ni au dragon ni au condamné à mort. Il faut attendre la production en
langue vernaculaire pour voir ces éléments intégrés dans la trame du récit,
comme il en est dans le texte de la Vie qui figure dans le petit livret imprimé
du début du XVIe siècle et où saint Romain, le condamné et le dragon
figurent tous trois sur le bois gravé de l’illustration de couverture. C’est
dire le degré de popularité alors atteint par cet épisode, puisque tout laisse
penser que ce livret a été conçu à l’intention des assistants à la procession
du prisonnier. Il en va de même pour les cycles iconographiques : pas de
dragon dompté au portail de la Calende, alors que celui-ci est lové aux pieds
de saint Romain sur un vitrail des parties hautes de Saint-Ouen, daté de la
première moitié du XIVe siècle et qui en constituerait donc l’une des plus
anciennes attestations33. Le dragon
est ensuite présent, dans toute sa fougue maîtrisée par le prisonnier, sur les
beaux vitraux offerts par Jacques Le Lieur en 1521 pour la nouvelle
chapelle de la confrérie Saint-Romain, dite chapelle du Grand-Saint-Romain,
située dans le transept sud de la cathédrale34.
Le miracle du dragon et
du prisonnier constituerait donc l’ultime enrichissement médiéval du légendaire
de saint Romain, dont l’introduction semble avoir été très progressive.
Rappelons que la première mention écrite du privilège n’apparaît pas avant le
début du XIIIe siècle, même si tous les historiens de la cité se sont
évertués à en traquer la piste antérieurement35. La
Normandie vient d’être rattachée au domaine royal et les représentants de
Philippe Auguste furent sans doute tentés de revenir sur le droit régalien
exercé par les chanoines. Mais le conquérant avait promis de respecter les
privilèges de la province. Face aux officiers du roi de France, les chanoines
ne se justifient que par l’approbation royale antérieure, sous les
Plantagenets, laquelle n’a curieusement laissé aucune trace écrite dans les
sources actuellement disponibles, ce qui ne manque pas d’intriguer de la part
d’un pouvoir fort jaloux de ses prérogatives. À cet argument historique,
s’ajoute l’invocation de la protection de la Vierge et de saint Romain, les
deux saints patrons de la cathédrale36.
La description de la
cérémonie de l’ostension solennelle de la châsse, qui intervient le jour de
l’Ascension et se trouve déjà dans le De officiis ecclesiasticis de
Jean d’Avranches mais sans mention du privilège de justice, figure pour la
première fois dans les statuts de la confrérie Saint-Romain, approuvés
en 1346 et complétés en 1375, mais connus par une copie vidimée
de 1453 en langue vernaculaire37. Cette
cérémonie constitue l’une des deux fêtes annuelles de la compagnie, la seconde,
située le 23 octobre pour le Pardon, étant consacrée à régler les
affaires internes. Les statuts précisent quelle part est prise par les
confrères pour aider les chanoines dans la mise en œuvre de leur privilège. Aux
côtés des clercs, les membres de la confrérie interviennent en effet pour le
convoi du prisonnier depuis le château du roi, siège de la prison ; la
confrérie organise dans sa propre chapelle la célébration de la messe que le
prisonnier doit entendre à la fin de la procession, une fois parvenu à la
cathédrale ; enfin, les confrères nourrissent le prisonnier libéré avant
de le reconduire chez lui, si celui-ci habite Rouen. Mais le document ne
mentionne ni le miracle du dragon ni le condamné qui aurait aidé le
saint : le premier n’apparaît que dans un mémoire daté
de 1394 et de nouveau produit en réponse à une enquête royale, sans
qu’il y ait encore allusion au second.
Entre-temps fut produit
un curieux exemplum relatif à saint Romain que recèle un manuscrit
provenant de la bibliothèque des frères prêcheurs de Poissy38. Celui-ci
est inséré dans un rosarius, comme l’auteur désigne lui-même son œuvre,
vaste recueil composé en l’honneur de la Vierge et qui comprend cinquante
chapitres, tous ordonnés de la même manière : en tête, la description en
une trentaine de vers d’une chose ou d’un animal ; puis des développements
sur la manière dont les qualités énoncées pour ladite chose peuvent être
rapportées à la Vierge ; puis un ou plusieurs contes dévots qui sont
souvent des miracles mariaux ou des exempla ; enfin une chanson ou un
dit, de tonalité pieuse ou profane, rattaché à ce qui précède. L’une des
pièces, dédiée au roi Philippe VI de Valois, permet de dater le manuscrit
après 1328. L’auteur, resté anonyme, est un frère prêcheur, fort savant,
qui dit avoir touché les reliques de saint Ouen, sans doute lors d’un passage à
Rouen. La présence de cet exemplum au sein d’un tel recueil ne laisse
pas d’étonner puisque à aucun moment il ne cite la Vierge Marie. Qui plus est,
le motif narratif, qui n’a pu être rapproché d’aucun type connu, met saint Romain
en position difficile. Le récit expose en effet comment une recluse de la porte
cauchoise qui a su, par sa servante, qu’une femme était brûlée publiquement à
Rouen, a commenté l’événement en disant que la condamnée n’avait que ce qu’elle
méritait. Ce propos lui a valu d’être privée des visions du Christ présent dans
l’hostie, dont elle était gratifiée. Elle s’en ouvrit à son confesseur, saint
Romain, qui lui fit la réponse suivante :
Par foy dit saint Romain,
ne vous scé conseillier.
Si com jugastes celle vous devez vous jugier.
La recluse prit le
conseil à la lettre et entreprit de se faire brûler dans le four du boulanger
voisin dès qu’elle sut, de nouveau grâce à sa servante, que celui-ci s’était
absenté, après avoir fait chauffer ledit four. À son retour, le boulanger,
épouvanté, découvre le corps calciné ; il est accusé de meurtre par la
population du voisinage, alertée par ses cris, et ne dut la vie sauve qu’à
l’intervention de saint Romain. Étant seul en mesure de comprendre
l’enchaînement des événements, l’évêque va demander au roi de France (sic) la
grâce du prisonnier. Le texte s’achève brutalement, car le manuscrit est
endommagé.
Profondément ancré dans
le contexte dévot du XIIIe siècle et du début du XIVe, comme le prouvent
la mise en scène d’une recluse, l’évocation d’un miracle eucharistique qui
illustre la présence réelle et l’importance accordée à la confession, ce texte
fait de saint Romain un redresseur d’erreur judiciaire puisqu’il le met en
position d’avoir obtenu une grâce, par un concours miraculeux de circonstances.
On notera cependant que cette grâce provient du roi et que le saint évêque ne
brille pas ici par ses qualités de confesseur… Serait-ce une manière d’exalter
a contrario celles des frères prêcheurs, nouvellement venus sur la scène pastorale,
par rapport aux évêques et aux clercs séculiers ? Sans entrer davantage
dans l’analyse de ce récit, on se bornera ici à suggérer qu’il pourrait bien
avoir été un élément – sans suite – d’un argumentaire qui
se cherchait en faveur de la défense du privilège de la grâce capitulaire, en
un moment où sa justification était encore mal assurée. Le frère prêcheur
l’a-t-il entendu lors d’un séjour rouennais ? L’a-t-il lui-même
créé ? Autant de questions auxquelles il semble en l’état actuel des connaissances
difficile de répondre. Au total, ce récit étonnant, et qui est loin d’être à
l’avantage de saint Romain, se serait révélé peu pertinent et aurait laissé
place au miracle du dragon, un lieu commun hagiographique beaucoup plus
efficace et consensuel, recevable y compris dans le contexte culturel de la
pastorale nouvelle développée depuis le XIIIe siècle par l’Église.
De fait, le miracle du
dragon, un topos hagiographique, va s’imposer durablement dans le
légendaire qui entoure la mise en œuvre du privilège. Il se situe dans la
continuité de la trame hagiographique de la Vie de saint Romain, puisque à
propos du miracle du Temple de Vénus est évoqué un monstre qui séjournait dans
les entrailles de la colline située au nord de la ville. Les figures de saints
évêques sauroctones sont fréquentes dans l’hagiographie, à commencer, dans le
diocèse de Rouen, par celle de saint Nicaise à la Vie duquel des emprunts
explicites auraient été faits39 et,
dans un diocèse voisin, celle de saint Marcel de Paris40. De plus,
le privilège se situe en un temps de l’année liturgique qui est celui des
Rogations, ces trois jours qui précèdent le Jeudi de l’Ascension et durant
lesquels se déroulent des processions, ordonnées en faveur des biens de la
terre par saint Mamert de Vienne41. Il est
fréquent que ces processions soient marquées par la présence d’un dragon,
tourné en dérision pour bien signifier la victoire remportée par la
christianisme contre les forces du mal ainsi enchaînées. Au fur et à mesure des
documents produits par les chanoines rouennais pour défendre leur droit, des
détails viennent étoffer le caractère probatoire du miracle, telles ces voix
angéliques invoquées en 1425 pour soutenir leur revendication de
circuler librement dans les prisons afin d’opérer leur choix, au terme de ce
qui doit être compris comme une confession générale des détenus, laquelle
demande à se dérouler dans le secret.
C’est la voix notoire au
pays de Normendie, ce privilège avoit esté introduit après voix évangélique
venant du ciel pour les mérites du glorieux saint Romain42.
La version la plus
achevée du miracle du dragon et de la libération consécutive du prisonnier se
trouve dans les sources de la fin du XVe siècle, parmi lesquelles on peut
citer les mémoires présentés aux rois Charles VIII puis Louis XII en faveur du
renouvellement du privilège et les vitraux de la chapelle du
Grand-Saint-Romain, sans parler de la Vie de saint Romain en langue
vernaculaire à laquelle il a été déjà fait allusion43.
En l’an cinq cens et
vingt ou environ ce dict temps, hors la ville et cité de Rouen et prez les murs
d’icelle, hantast et habitast une bête horrible et monstrueuse, en forme de
grand serpent ou dragon, qui, chaque jour, faisait grand dommages et
empeschements à notre dite cité de Rouen, habitantz et voisins d’icelle,
dévoroit toutes creatures tant humaines que autres, faisoit périr bateaux et
navires navigans par la rivière de Seine et aultres maux innumerables a la
chose publique d’icelle cité et de tout le païs environ ; tellement que
par veoye humaine ni pouvoit estre donné aucun remède. Jusque a ce que monsieur
sainct Romain, lors chancelier de France, soubz notre prédécesseur de bonne
mémoire le roy Clotaire deuxième de ce nom fust eslu et promeu par la grâce de
Dieu au dit archevesché. Lequel glorieux saint Romain faisoit par ses mérites
et vouloir de Dieu, chacun jour, évidents et innumérables miracles qui seroient
longs a réciter ; meu de pitié et compassion, et pour affranchir son
peuple des périls et dangers d’icellui horrible et cruel serpent, se délibéra
aller au lieu ou caverne ou résidoit icelle beste, pour la doubte et crainte de
laquelle ne trouva aucune personne audit lieu ou à l’environ, fors un
prisonnier du dit lieu de Rouen, pour lors detenu pour cas criminel, pour
lequel il avait esté condamné à estre exécuter et souffrir mort, qui luy fust
baillé par la justice d’icelui lieu.
[Romain et le prisonnier
viennent à bout de la bête ; Romain lui met son étole autour du cou ;
puis elle est menée par le prisonnier au peuple devant lequel elle meurt et fut
brûlée.]
Et oultre, pour ce que
iceluy prisonnier avoit esté en la compaignie dudit glorieux sainct, et
aucunement ministre dudict miracle, il fut par lui délivré des prisons, déclaré
quicte et deschargé de tout cas criminel quelconques qu’il auroit au précédent
commis, sans quelconque punition ou satisfaction.
[Survient la mort de
Romain ; saint Ouen lui succède, devenu lui aussi « chancelier de
France », ce qui lui permet d’obtenir de la part de Dagobert la
perpétuation de ce privilège.]
En contemplation et
considération des quelz [faits], iceluy nostre prédécesseur Dagobert, inspiré
du Sainct Esprit, meu de bonne affection et dévotion, et affin de réserver le
dict miracle à la perpétuelle mémoire des hommes et à la louange de Dieu et du
dict glorieux sainct, donna, à perpétuité, privilege, faculté, authorité et
puissance aux archevesques, doyen et chanoines de la dicte église et à leurs
successeurs, d’eslire en leur chapitre, chascun an, le jour de l’Ascension
Nostre Seigneur, un prisonnier ou prisonnière, criminel ou criminelle, pour
quelconque cas ou crime qu’il soit détenu ou détenue et icelluy mectre hors des
dictes prisons et à pure délivrance44.
Remarquons que, dans la
perspective de réunir les deux figures majeures du diocèse, saint Ouen est
également mobilisé puisque le récit précise qu’il usa de son pouvoir à la cour
de Dagobert pour perpétuer le privilège obtenu par Romain dont on apprend qu’il
fut en son temps « chancelier de France ». L’épisode miraculeux est
donc rattaché à la grande histoire et à l’échelon suprême du pouvoir. Cette
orientation exprime à la fois un trait de la culture des élites bien observé
pour la fin du Moyen Âge et les impératifs suscités par l’affirmation
croissante de l’État et du pouvoir royal, appuyé sur ses officiers, affirmation
qui passe notamment par l’institution judiciaire. Les chanoines avaient en
effet à défendre leur privilège face aux officiers de la cour de l’Échiquier
qui devient permanente et s’installe à Rouen à la fin du XVe siècle. Plus
précisément, faut-il déceler derrière les détails dont s’enrichit le récit
l’évolution des pratiques de la justice royale et un plaidoyer de la part de
l’Église en faveur d’une commutation des peines ?
Outre le prestige
renouvelé de saint Romain, il a fallu toute l’influence des deux cardinaux
d’Amboise, qui occupèrent alors successivement le siège de Rouen, pour que le
Privilège saint Romain soit maintenu. La popularité des festivités qui
l’entourent est alors immense et procure aux chanoines un autre puissant levier
pour faire plier les souverains qui se montreraient réticents à confirmer ce
droit. Le chapitre ne se priva pas de signifier aux rois qu’il serait de
mauvais aloi de priver les Rouennais de cette fête identitaire. L’argumentaire
fit mouche puisqu’aucun prince ne remit en cause la grâce capitulaire qui tomba
en désuétude au cours du XVIIIe siècle et fut supprimée en 1791, sous
la Révolution française.
L’exemple de saint Romain
de Rouen atteste donc comment, loin de s’estomper dans les esprits, certains
saints anciens ont pu connaître des fortunes glorieuses au fil des siècles. La
trame très plate qui semble avoir été celle de la première Vie de saint Romain
s’est ensuite prêtée à des reprises et des enrichissements qui en ont fait une
figure épiscopale exemplaire, telle que la voyaient les réformateurs
grégoriens, un saint évangélisateur qui a permis d’insérer dans le plan divin
la venue et l’implantation des Normands et le protecteur de la cité, propre à
lui garantir les privilèges les plus singuliers, tel ce droit de grâce, aux
origines obscures, exercé par le chapitre. Ainsi, le vieil évêque mérovingien
reste très vivant dans la mémoire de la ville de Rouen jusqu’à la fin du Moyen
Âge et même bien au-delà.
Mais autant qu’à son
ancienneté qui illustre la longue tradition chrétienne du
diocèse – encore qu’en la matière il ait des concurrents plus
significatifs, tel saint Victrice – il doit son prestige à sa
capacité d’épouser pleinement les aléas de l’histoire de la province, revêtant
de la sorte une dimension identitaire. Saint Romain rejoint en cela bien
d’autres saints45.
Il n’en demeure pas moins que, dans cette perspective, l’Église de Rouen a jeté
son dévolu sur un saint « ancien », plutôt que de s’en remettre à une
figure plus récente, comme l’ont fait à la même époque de nombreuses cités
italiennes, par exemple, et lui a manifesté une fidélité durable. Ce choix
s’éclaire par le contexte qui fut celui de la région après 911. La
Normandie a dû se construire, s’affirmer puis, à partir du début du
XIIIe siècle, poursuivre son intégration dans le royaume, tout en
sauvegardant jalousement ses privilèges. Plus largement, la mise en valeur de
cette figure épiscopale locale pourrait aussi se rattacher aux aspirations
d’une Église de France, si l’on ose déjà la formule, traversée de courants
gallicans, au lendemain du Grand Schisme, même si, pour être plus probant,
l’argument devrait s’appuyer sur l’examen des développements accordés
simultanément au culte d’autres saints évêques46.
Dans les aléas de la
fortune de saint Romain, la tension entre sainteté ancienne et sainteté
nouvelle s’entrelace avec la tension entre sainteté locale et sainteté
universelle.
Notes de bas de page
1Cette
châsse, en cuivre doré de la fin du XIIIe siècle, est en forme de nef
d’église rectangulaire ; elle est connue dans les inventaires comme
« châsse de tous les saints » ; elle ne prit le nom de
« châsse de saint Romain » qu’en 1776, lorsque l’on y transféra
les reliques du saint évêque, provenant d’une ancienne « châsse de saint
Romain » encore citée dans un inventaire du trésor de 1786, mais comme
étant vide. Ce transfert immédiat d’appellation prouve la popularité dont
jouissait encore le saint évêque au XVIIIe siècle. Trésor de la
cathédrale 1993, p. 40-45 (notices 19 et 21).
2Dupront 1987.
3Goullet 2005 (important
sur le « genre », mais aucune étude relative à saint Romain dans
l’ouvrage). Dossier hagiographique latin de saint Romain de Rouen :
BHL 7310 à 7320 ; AASS Oct. X, p. 74-103 ;
Lifshitz 1995. Dossier hagiographique en langue d’oïl :
Philippart 1996, p. 344, notice 118 et Paris BnF :
Nouv. Acq. Fr. 10721, fo 9-13 ; version imprimée conservée à la
Bibliothèque municipale de Rouen (NORM 274-60) reproduite dans Tougard 1899.
4Chaline 1976,
p. 14-20, sur ce qui précède et p. 311, liste des archevêques.
5Violette 1996,
p. 49. Voir aussi Allen 2009.
6Violette 1996,
p. 49-60 (citation, p. 52).
7Delsalle 2012,
p. 409-415.
8Le
Maho 2004, p. 50-51.
9Lifshitz 1992,
p. 329-340.
10Mollat 1979,
p. 34 (chapitre de L. Musset).
11BHL 7312 (le
texte n’est pas daté) et AASS Oct. X, p. 91-94 (le texte est présenté
prudemment comme la Vita prior s. Romani) : l’auteur cite
une Vita veterana, heroico carmine editam (p. 92).
12L’identification
du moine Gérard au réformateur Gérard de Brogne, proposée par
Lifshitz 1995 est aujourd’hui fortement remise en cause par Jacques
Le Maho à partir de l’étude de trois Vies de saints, liées à la cathédrale de
Rouen et à la collégiale qui devint abbaye au cours du Xe siècle,
Saint-Ouen : Le Maho 2006b.
13Éditée
dans Lifshitz 1995, p. 234-267.
14Le
Maho 2006a, p. 321-322 ; l’auteur suit ici la datation proposée
par les Bollandistes (AASS, Octobris X, p. 75-76).
15Traduction
de L. Violette, dans Normandie an mil 2000, p. 131 ;
l’attribution du texte à Gérard de Brogne repris de l’hypothèse de F. Lifshitz
dans cet article est désormais récusée (voir ci-dessus n. 12).
16Étienne-Steiner 2012,
p. 401-402 ne dit pas explicitement qu’il s’agit de la châsse de
saint Romain, à la différence de Le Maho 2004, p. 54. Il est vrai que
pour la procession de l’Ascension, le texte de Jean d’Avranches est explicite
(feretrum sancti Romani), ce qui n’est pas le cas (feretrum) pour celle des
Rameaux (PL 147, col. 117-118 pour les Rameaux
et 124-125 pour l’Ascension) ; faut-il penser qu’à la cathédrale
de Rouen, le terme de feretrum ne renverrait qu’à la châsse de saint
Romain ?
17Sur tous
ces indices relatifs à la vitalité du culte de saint Romain dans la cité de
Rouen aux Xe et XIe siècles, se reporter à Le Maho 2004,
p. 54-56.
18Le
Maho 2004, p. 54-55 et Delsalle 2012, p. 411.
19Gazeau 2007,
p. 244-248.
20Paris
BnF : Nouv. Acq. Fr. 10721, fo 10r ; texte identique dans la
version imprimée conservée à la Bibliothèque municipale de Rouen
(NORM 274-60).
21Bournazel 2010 et
Dehoux 2012.
22Lifshitz 1995.
23Spear 2006,
p. 117-132.
24Inter
quos [sanctos archipontifices] beatissimum Romanum voluerunt habere precipuum
fraternitatis sue dominum et magistrum, ut ipsius qui assidue orat pro populo
et pro civitate ista apud Dominum precibus adjuventur ; extrait du
préambule des statuts de 1292 de la confrérie Saint-Romain de la
cathédrale, publiés dans Floquet 1833, t. II, p. 603-607, citation
p. 603.
25Vincent 1993,
p. 263-274.
26Tabbagh 1998,
p. 14-15.
27Vincent 1994.
28Schlicht 2005 et
Thénard-Duvivier 2012.
29Schlicht 2005,
p. 386 : annexes, tableau 6.
30Suger 1996,
p. 22-23, De consecratione, chap. 6, où Eudes de Beauvais et
Pierre de Senlis sont cités aux côtés de Hugues de Rouen comme évêques
consécrateurs et p. 114-115, Gesta Suggerii abbatis, II, 3, où
Manassès de Meaux est cité au lieu de Eudes de Beauvais. Faut-il mettre ce
choix en relation avec le fait qu’au VIIIe siècle un abbé de Saint-Denis,
Hugues, fut aussi archevêque de Rouen ?
31Dehoux 2012.
32Floquet 1833 :
ces deux volumes qui incluent l’édition de nombreux documents constituent la
somme sur le sujet.
33Lafond 1970,
p. 226-229 : baie no 234 (parties hautes, chœur,
2e verrière à droite en partant de la croisée du transept).
34Delsalle 1996,
p. 97-122.
35David Spear
la situerait lors de l’ostension solennelle
de 1124 (Spear 2006).
36De jure
libertatis ecclesie Rothomagensis, intuitu gloriose Virginis Marie et beati
Romani, a regibus et principibus antiquitus approbate (Floquet 1833,
p. 601-602).
37Statuts
publiés : Floquet 1833, p. 607-615.
38Langförs 1916,
p. 502-662 (texte publié p. 627-634). Sur ce manuscrit, voir
Savoye 2009.
39Tougard 1899,
p. VII : ces extraits de la Vie de saint Nicaise, qui présente le saint
délivrant une fontaine d’un dragon qui en polluait l’eau, pourraient avoir
inspiré le nouveau miracle de saint Romain.
40Le
Goff 1977.
41Martimort 1983.
42Floquet 1833,
t. I, p. 12.
43Pour la
vie, se reporter n. 3 et pour le vitrail n. 33.
44Floquet 1833,
t. I, p. 15-18.
45Vauchez 1987 et 1995.
46Matz 2010.
Vincent, Catherine.
« Un “vieux” saint sans cesse rajeuni : l’évêque Romain de
Rouen ». La mémoire des saints originels entre XVIe et
XVIIIe siècle, édité par Bernard Dompnier et Stefania Nanni, Publications
de l’École française de Rome, 2019, https://doi.org/10.4000/books.efr.35227
Dompnier, Bernard, et
Stefania Nanni, éditeurs. La mémoire des saints originels entre XVIe et
XVIIIe siècle. Publications de l’École française de Rome, 2019, https://doi.org/10.4000/books.efr.34982
SOURCE : https://books.openedition.org/efr/35227?lang=fr
Intérieur
de la cathédrale Notre-Dame de Rouen (Seine-Maritime, France) : tableaux
"Vie de saint Romain" de la chapelle du Petit-Saint-Romain
Interior
of Our Lady cathedral of Rouen (Seine-Maritime, France) : paintings about
the life of Saint Romain in the Little Saint Romain chapel
17 June (translation
of relics)
Profile
Courtier to King Clothaire
II. Bishop of Rouen, France c.629.
He worked to convert the
remaining pagans in
his diocese,
and personally tore down a temple to Venus. He ministered to prisoners,
especially those on death
row, and was known as a miracle worker.
639 of
natural causes
Additional
Information
Book
of Saints, by the Monks of
Ramsgate
Lives
of the Saints, by Father Alban
Butler
books
Our Sunday Visitor’s Encyclopedia of Saints
Oxford Dictionary of Saints, by David Hugh Farmer
Saints
and Their Attributes, by Helen Roeder
other
sites in english
sitios
en español
Martirologio Romano, 2001 edición
fonti
in italiano
MLA
Citation
“Saint Romanus of
Rouen“. CatholicSaints.Info. 27 January 2024. Web. 21 October 2025.
<https://catholicsaints.info/saint-romanus-of-rouen/>
SOURCE : https://catholicsaints.info/saint-romanus-of-rouen/
Book of Saints
– Romanus – 23 October
Article
(Saint) Bishop (October
23) (7th
century) An Archbishop of Rouen in
Normandy, a prelate of great zeal and of heroic sanctity, who during his twelve
years of Episcopate effected many necessary disciplinary reforms in his Diocese.
He died A.D. 639.
MLA
Citation
Monks of Ramsgate. “Romanus”. Book of Saints, 1921. CatholicSaints.Info.
3 May 2017. Web. 22 October 2025.
<https://catholicsaints.info/book-of-saints-romanus-23-october/>
SOURCE : https://catholicsaints.info/book-of-saints-romanus-23-october/
Saint Romain et la gargouille. Sculpture sur bois, Rouen, place du Lieutenant-Aubert.
St. Romanus of Rouen
Feastday: October 23
Patron: of then Archdiocese of Rouen; City of Rouen
Death: 639
Bishop of Rouen, France.
He owed his elevation to the bishopric to the patronage of the Frankish king
Clotaire II in whose court Romanus had grown up. As bishop, he worked to
extirpate all lingering paganism, and personally tore down a temple to
Venus. He also cared for condemned prisoners. Romanus was famous for performing
miracles.
SOURCE : https://www.catholic.org/saints/saint.php?saint_id=4632
Vitrail
de la basilique de Bonsecours représentant Saint-Romain.
(7) St. Romanus, Bishop of Rouen, date of birth
unknown; d. about 640. His feast is observed
on 23 October. The legend of this saint has little historical value (Acta SS.,
October, X, 91 sqq.), and there is but little authentic information concerning
him [cf. "Analecta Bollandiana" (1904), 337 sq.].
Kirsch, Johann
Peter. "Sts. Romanus." The Catholic Encyclopedia. Vol.
13. New York: Robert Appleton
Company, 1912. <http://www.newadvent.org/cathen/13163a.htm>.
Transcription. This
article was transcribed for New Advent by Herman F. Holbrook. For all the
Saints . . . thy name, O Jesus, be forever blessed.
Ecclesiastical
approbation. Nihil Obstat. February 1, 1912. Remy Lafort, D.D.,
Censor. Imprimatur. +John Cardinal Farley, Archbishop of New York.
Copyright © 2023 by Kevin Knight.
Dedicated to the Immaculate Heart of Mary.
SOURCE : https://www.newadvent.org/cathen/13163a.htm
Église Saint-Clément de Rouen, Sculpture de Saint-Romain sur la chaire.
Butler’s
Lives of the Saints – Saint Romanus, Archbishop of Rouen, Confessor
Article
He was born of an
illustrious and virtuous French family, brought up in the practice of piety,
and placed young in the court of Clotaire II, the third French king who was
master of the whole monarchy. He was referendary or chancellor to that prince,
when, in 626, upon the death of Hidulphus, he was chosen archbishop of Rouen,
and compelled to receive episcopal consecration. The remains of idolatry in that
diocess excited his zeal; he converted the unbelievers, and destroyed a famous
temple of Venus at Rouen, and three others in the diocess, dedicated to
Mercury, Jupiter, and Apollo. Amongst many miracles which he wrought, it is
related that the Seine having overflowed a considerable part of the city, the
saint, who happened then to be at the court of Dagobert for certain affairs of
his church, upon hearing this melancholy news, made haste to comfort and
succour his afflicted flock: and kneeling down to pray on the side of the water
with a crucifix in his hand, the water retired gently within the banks of the
river. If the miracles of this holy prelate raise our admiration, the eminent
virtues which he practised ought still more to fix our attention. He macerated
his body with continual austerities, and after the fatigues of his ministry,
passed almost whole nights in prayer. By his indefatigable zeal he banished
vice and superstition, and watched over the souls of all his flock as over his
own. He had discharged all the duties of an apostolic pastor thirteen years,
when God made known to him that the time was come in which he was to be called
to receive his recompence. Romanus, whose whole life had been an earnest
preparation for that hour, received the summons with joy; and redoubling the
fervour of his penance, prayers, and other good works, disposed himself for
that happy moment, in which he entered the joy of his Lord, on the 23d of
October, 639. Saint Owen was his successor. Romanus was interred in the church
of Saint Godard, one of his predecessors; but, in the eleventh age, his body
was removed into our Lady’s, which is the cathedral. The first shrine having
been impoverished, the archbishop Rotrou, in 1179, caused a very rich one to be
made, which is known by the name of La fierta-saint-Romain. See Le Cointe, and
the Life of Saint Romanus, written in Leonine verses, by a clergyman or monk of
Rouen, before the reign of Charlemagne, brought to light by the Maurist monks,
Martenne and Durand, in 1717. This poem was compiled from a life of this saint,
which was more ancient. Saint Romanus’s life was again composed by Gerard, dean
of Saint Medard’s, at Soissons, in the tenth age; also by Fulbert, the learned
archdeacon of Rouen, in 1091, (not by the second Fulbert, who flourished in
1130.) This last piece was published by Rigaltius, with dissertations and
notes.
MLA
Citation
Father Alban Butler.
“”. Lives of the Fathers, Martyrs, and Principal
Saints, 1866. CatholicSaints.Info.
23 October 2016. Web. 22 October 2025.
<https://catholicsaints.info/butlers-lives-of-the-saints-saint-romanus-archbishop-of-rouen-confessor/>
SOURCE : https://catholicsaints.info/butlers-lives-of-the-saints-saint-romanus-archbishop-of-rouen-confessor/
La
fontaine Saint-Romain, aménagée en lavoir, accompagnée d'un abreuvoir et
surplombée par une statue de Saint-Romain. Près de la RD 159 entre Guiry et Wy.
Statue de Saint-Romain sculpté en 1858 par l'abbé Dheilly, curé de Genainville. Elle surplombe la fontaine Saint-Romain, aménagée en lavoir, près de la RD 159 entre Guiry et Wy. L'ancienne statue a été récupérée par le curé de Guiry, et est conservée en l'église Saint-Nicolas de Guiry.
San Romano di
Rouen Vescovo
Festa: 23 ottobre
Martirologio
Romano: A Rouen in Neustria, ora in Francia, san Romano, vescovo, che
abbattè dalle fondamenta i templi dei pagani ancora molto frequentati nella
città, incoraggiò i buoni a progredire nel bene e cercò di dissuadere i malvagi
dal compiere il male.
SOURCE : https://www.santiebeati.it/dettaglio/74870
Bannière
de procession, église Saint-Romain, Wy-dit-Joli-Village (95)
San Romano arcivescovo di Rouen ( 639 )
23 ottobre
1 Fin
dalla sua più tenera infanzia, san Romano fu un esempio di tutte le virtù.
I suoi genitori, che
erano molto pii, si preoccuparono di dargli un'educazione cristiana e nobile
che l'avrebbe preparato a occupare gli alti posti di responsabilità ai quali
era destinato.
E non rimasero delusi,
perché Romano profittò molto di tale educazione.
Divenuto Cancelliere di
Francia, vigilò sempre su se stesso per conservare la pietà verso Dio, e fu
sempre zelante nell'amministrazione della giustizia.
Badò e molto a non
macchiare la sua innocenza, pur vivendo in mezzo al gran mondo, come se fosse vissuto
in un monastero di stretta osservanza.
Quanto debbono
confonderci questi fulgenti esempi di san Romano!
Perché noi, che ci
buttiamo a capofitto nelle attività esteriori, perdiamo così facilmente lo
spirito di pietà, acquistato in tanti anni di esercizi interiori.
Impariamo a camminare e
vivere in mezzo alla gente, senza partecipare alla corruzione delle coscienze
causata dalle massime mondane.
2 San
Romano che illuminò con il fulgore delle sue virtù le persone secolari, fu
scelto da Dio per essere una fiaccola ardente ( Gv 5,35; Mt 5,15 ) sul candelabro della Chiesa.
Eletto Arcivescovo di
Rouen si diede con zelo infaticabile a distruggere l'idolatria tra i popoli, la
simonia tra gli ecclesiastici e a procurare, con ogni mezzo, tanti adoratori a
Gesù Cristo e perfetti fedeli alla sua Chiesa, che il diavolo si sforzava di
rapire.
Temeva una sola cosa in
questo mondo: il peccato.
La sua anima, che indossò
sempre la veste dell'innocenza battesimale, non ebbe paura di bloccare un drago
che, non solo devastava i frutti della terra, ma divorava anche gli uomini.
Lavoriamo per conservare
l'innocenza battesimale nei ragazzi che ci sono o ci saranno affidati; se,
purtroppo, anche noi l'abbiamo perduta, sforziamoci di recuperarla con una
penitenza proporzionata alla gravità dei nostri peccati.
Che gioia proveremo il
giorno in cui rientreremo nello stato di giustizia originale!
Per convincercene
maggiormente meditiamo su queste parole di sant'Ambrogio: Ci sono solo due vie
per andare in Cielo: l'innocenza conservata o l'innocenza riconquistata con la
penitenza.
3 Una
vita così pura gli ottenne da Dio la grazia di conoscere in anticipo il momento
della sua morte, che sopraggiunse mentre celebrava la santa Messa.
Questa rivelazione gli
fece prendere la decisione di ritirarsi in solitudine per pensare solo a sé.
Ma fu proprio qui che il
demonio sferrò i suoi più furiosi attacchi.
Però il pensiero continuo
delle verità eterne e l'assiduità alla preghiera, lo resero vittorioso; gli
fecero anzi aumentare i meriti.
Questi sono i due mezzi
che permetteranno alla nostra anima di fortificarsi contro tutti gli attacchi
dei nemici della nostra salvezza.
La meditazione delle
verità insegnateci dalla fede è una spada a doppio taglio - scrive san Paolo -;
essa penetra a fondo e s'insinua tra l'anima e lo spirito nei legamenti delle
ossa ( Eb 4,12 ).
Ma non basta accettare
con convinzione le verità della fede, bisogna anche chiedere ferventemente a
Dio di aiutarci, con la sua grazia, a mettere in pratica - nonostante le nostre
debolezze - le ispirazioni del suo Santo Spirito che ci rivela ciò che desidera
da noi.
SOURCE : https://www.unionecatechisti.it/Testi/LaSalle/Medit/MF078/M181.htm
Bannière
de procession, Confrérie de saint Romain, église Saint-Romain,
Wy-dit-Joli-Village (95)
San Román de Rouen.
M. 639.
Martirologio Romano: En
Rouen, de Neustria, san Román, obispo, que abatió los símbolos de los paganos
que eran aún venerados en su ciudad, convenció a los buenos a mejorar y a los
malos a abandonar su modo de actuar.
Cortesano de Clotario II;
obispo de Rouen (c.629); se dedicó al cuidado de los prisioneros,
particularmente de los condenados a muerte; trabajó para extirpar el paganismo
en su diócesis. Se dice que destruyó un templo dedicado a Venus. Su vida está
plagada de milagros fabulosos. Patrón de Rouen.
SOURCE : https://hagiopedia.blogspot.com/2013/10/otros-santos-del-dia_23.html
Église
de Saint-Romain-de-Lerps. Statue St Romain, patron de la paroisse
Voir aussi :
Saint Romain,
patron de la ville de Rouen [archive], archidiocèse de Rouen : https://nominis.cef.fr/contenus/SaintRomaindeRouen.pdf
Saint-Romain. Réalisation Jacques Tanguy : https://www.rouen-histoire.com/Saint-Romain/Index.htm
Vincent, Catherine. « Un “vieux” saint sans cesse rajeuni : l’évêque romain de Rouen ». La mémoire des saints originels entre XVIe et XVIIIe siècle, édité par Bernard Dompnier et Stefania Nanni, Publications de l’École française de Rome, 2019: https://doi.org/10.4000/books.efr.35227 ; https://books.openedition.org/efr/35227?lang=frDompnier, Bernard, et Stefania Nanni, éditeurs. La mémoire des saints originels entre XVIe et XVIIIe siècle. Publications de l’École française de Rome, 2019, https://doi.org/10.4000/books.efr.34982
The legend of Saint Romain & the dragon, in Rouen, Normandy Then and Now : https://www.normandythenandnow.com/the-legend-of-saint-romain-the-dragon-in-rouen/


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